M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme Christine Lavarde. En 1985, Jacques Delors avait osé innover, avec les entretiens de Val Duchesse, qui ont donné naissance au dialogue social européen. Force est de constater que, si les organisations patronales y étaient plutôt hostiles à l’origine, elles ont finalement accepté ce dialogue face à la menace de la Commission européenne – « Négociez, ou nous légiférons ».

Aussi, osons paraphraser Jacques Delors. Notre message est clair : « Réformez avec audace » ; « Réformez, ou nous légiférerons ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! Le message est clair !

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je vais compléter le propos de mon collègue Michel Canévet, auquel je souscris bien sûr.

Je veux tout d’abord vous dire, madame, monsieur les ministres, que nous avons déjà entendu de nombreux discours exprimant une volonté de redresser les finances publiques. L’âge me donne malheureusement le privilège d’avoir déjà vu beaucoup de ministres, à ce banc, nous promettre un tel redressement. Or nous n’avons rien vu venir… Au contraire, la situation s’est plutôt dégradée.

L’autre défaut des discours que l’on entend sur les finances publiques, c’est qu’ils reportent toujours les efforts dans l’avenir.

À l’automne dernier, le gouvernement Barnier nous a annoncé l’objectif d’un déficit à 5 % en 2025. Quand le gouvernement Bayrou est entré en fonction, ce déficit est passé à 5,4 % – on a donc perdu 0,4 %. Comme les résultats ont été un peu meilleurs que prévu, même s’ils ne sont pas brillants du tout – le déficit a atteint 5,8 % en 2024 –, l’effort est, en réalité, de 0,4 %.

Toutefois, on est en train de nous dire qu’il faudra faire le double en 2026, puisqu’il faudrait, si je suis la trajectoire, que le déficit passe de 5,4 % à 4,6 %. Autrement dit, nous ne ferons pas beaucoup d’efforts cette année, mais il faudra en accomplir deux fois plus l’année prochaine !

Il faut absolument corriger ces deux défauts.

Pour ce qui concerne les dépenses publiques, auxquelles il faut prioritairement s’attaquer, je me suis penché sur le cas des années sans crise – au cours des années de crise, les dépenses exceptionnelles qui sont venues se mêler aux dépenses ordinaires ont créé un flou artistique.

En 2019 – avant une crise, donc –, le montant des dépenses publiques était de 1 348 milliards d’euros. En 2024, il était de 1 670 milliards d’euros, soit 322 milliards d’euros de plus. Cela représente, je le dis pour mes collègues qui parlent d’austérité, une augmentation de 25 % en cinq ans, si je calcule bien.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mais il y a eu beaucoup d’inflation au cours de cette période !

M. Vincent Delahaye. Certes, mais que se serait-il passé si, depuis 2019, nos dépenses publiques avaient évolué au même rythme que l’inflation ? Car cela n’aurait déjà été pas mal…

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Oui !

M. Vincent Delahaye. Je vous fais grâce du calcul : en 2024, nous aurions économisé 120 milliards d’euros. Il est très important, si l’on veut corriger l’évolution de nos dépenses publiques, d’avoir tous ces éléments en tête.

Madame, monsieur les ministres, si nous voulons bien travailler avec vous sur les finances publiques, deux choses me paraissent importantes.

La première est la transparence. Il faut que nous soyons informés. Le rapporteur général a dit, ce matin, qu’il y avait plus de transparence. Je le note, mais ce constat ne bénéficie pas encore aux membres de la commission des finances.

Cela veut dire que, si l’on nous annonce un gel de 8 milliards d’euros, il faut nous expliquer pourquoi cette somme a été préférée à 15 milliards ou à 5 milliards d’euros. Si l’on annule 5 milliards d’euros de réserves de précaution, ce qui n’est pas vraiment réaliser des économies, il faut nous expliquer pourquoi on additionne 8 et 5 et pourquoi l’on arrive à 13 plutôt qu’à 20. En outre, si l’on nous annonce 40 milliards d’euros pour l’année prochaine, il faut nous préciser comment cette somme est calculée.

La seconde est la prudence dans les prévisions. Ne disposant que de quatre minutes de temps de parole, je n’ai pas le temps de développer ce point, mais nous aurons l’occasion d’y revenir dans d’autres débats.

Quoi qu’il en soit, je suis heureux d’avoir pu exprimer ici mon point de vue et celui du groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. Michel Canévet. Bravo !

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. le ministre.

M. Éric Lombard, ministre. Je commencerai par ce par quoi vous avez terminé, monsieur Delahaye, c’est-à-dire par la nécessaire prudence.

Monsieur le rapporteur général, cher Jean-François Husson, vous avez entamé votre propos en nous appelant à la prudence et en nous faisant observer que nous avions révisé les perspectives de croissance deux fois ces derniers mois.

La raison en est très simple : c’est parce que nous sommes arrivés aux responsabilités après une motion de censure qui a privé la France de budget et coûté 0,2 point de PIB que nous avons fait passer notre perspective de 1,1 % à 0,9 %.

En outre, nous avons pris en compte un événement dont nous ne pouvions prévoir l’ampleur des conséquences, à savoir le changement d’administration aux États-Unis, qui s’est traduit par les mesures douanières du président Trump. Comme je l’ai dit rapidement tout à l’heure, les perspectives de croissance aux États-Unis apparaissent désormais assombries, ce qui, d’ailleurs, je l’espère, poussera l’administration Trump à accélérer ses discussions avec nous.

Cette année se déroulera alors que la situation économique mondiale est extrêmement difficile.

À cet égard, j’espère que le dialogue que nous avons entrepris avec les États-Unis et l’Amérique s’accélérera. Par ailleurs, l’action de la Chine, qui rencontre elle aussi un problème d’excédents de production à écouler, le commerce avec les États-Unis étant largement coupé, est encore plus déterminée.

La ministre des comptes publics et moi-même étions d’ailleurs hier à Roissy pour commencer à travailler sur des contre-mesures visant à assurer que l’exécution de ce budget sera respectée, en évitant les dérapages que vous avez signalés, monsieur le rapporteur général.

Monsieur le président de la commission, vous êtes revenu sur les incertitudes et les risques concernant les recettes. Nous suivons la situation mois après mois. Pour le moment, leur niveau est conforme à celui qui était prévu, mais nous resterons attentifs.

Madame la rapporteure générale, vous avez évoqué un certain nombre de précisions que vous souhaitiez obtenir. La ministre y répondra pour partie. Pour ce qui concerne le comité de suivi de la réforme des allégements généraux, celui-ci doit être mis en place, aux termes de l’amendement qui l’a créé, en 2026. Je puis vous confirmer que cette réforme structurelle sera menée comme le Parlement l’a décidé.

Je veux revenir sur les propos de M. Grégory Blanc, de Mme Florence Blatrix Contat et de M. Stéphane Sautarel sur le flou, l’incertitude, le refus d’un débat global et le statu quo. Non, il n’y a rien de tout cela ! Au contraire, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons prévu, dans un temps bien plus long que celui qui nous a permis d’adopter avec vous et grâce à vous le budget pour 2025, une méthode de concertation très large.

Cette concertation a été engagée sur les sujets liés à la retraite, avec la tenue de ce que l’on appelle le conclave, dont les travaux se poursuivent.

Le dialogue va notamment s’engager, le 6 mai prochain, sous l’autorité de François Rebsamen et, bien évidemment, avec la ministre chargée des comptes publics et moi-même, dans le dialogue avec les associations d’élus locaux, afin de garantir que les collectivités locales, dans leur autonomie, contribuent à l’effort de stabilisation de la dépense publique.

Quant à l’action de l’État, nous avons engagé un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes. Nous avons interrogé les directeurs d’administration centrale sur leurs priorités, de façon à recueillir des idées de simplification.

À ce dialogue, nous allons associer, dans les mois qui viennent, les élus du Sénat et de l’Assemblée nationale qui le souhaitent, ainsi que l’ensemble des partis qui voudront y participer, de façon à aboutir, au mois de juillet prochain, à des mesures effectives qui seront issues de ce débat. Bien évidemment, vos propositions sont toutes les bienvenues ! Le Premier ministre arbitrera le moment venu.

Vous conviendrez que, pour la préparation du projet de loi de finances pour 2026, nous nous y prenons très en amont par rapport à la tradition de notre pays et de nos gouvernements.

Par ailleurs, il n’est évidemment pas question que le Parlement soit dépossédé de son autorité. Le projet de budget que l’exécutif a construit par le dialogue sera naturellement présenté aux deux assemblées. Nous espérons et pensons que cette méthode nous permettra d’arriver à une situation qui nous permettra de l’adopter dans les délais impartis. Mais je ne veux pas anticiper : nous agissons très en amont.

Je veux revenir sur les propos qui ont été tenus. En particulier, Marc Laménie a évoqué Sisyphe et appelé à des comparaisons internationales. M. Fouassin a parlé de coconstruction – je crois que j’en ai dit un mot.

Quel est le cadre général dans lequel nous nous situons au regard des comparaisons internationales et des difficultés que rencontre notre pays ?

C’est extrêmement simple : notre sujet principal est la dette. Comme la plupart d’entre vous l’ont rappelé, celle-ci s’élève à 113 % du PIB. Sa charge budgétaire est de 67 milliards d’euros par an environ – l’estimation dépend des méthodes de comptabilisation utilisées. L’impératif est de stabiliser les dettes, et je réaffirme notre engagement de faire passer le déficit sous la barre des 3 % en 2029.

Pourquoi cet objectif serait-il mieux tenu que précédemment ? Parce que, si nous ne le tenons pas nous-mêmes – je rappelle que nous sommes sous revue avec perspective négative des trois grandes agences de notation et que nos besoins de refinancement sont importants –, ce sont malheureusement des intervenants extérieurs qui devront nous accompagner, ce que, bien sûr, nous ne pouvons envisager en termes de souveraineté.

Pour cela, nous devons protéger la compétitivité. Notre projet continue d’être un projet de développement de notre économie. Compte tenu de la concurrence accrue, il nécessite de ne pas augmenter les charges et de ne pas alourdir les impôts qui pèsent sur les Français.

La solution est donc bien la maîtrise de la dépense. C’est ce travail que Mme la ministre et moi-même effectuons attentivement pour l’exécution du budget 2025 et que nous allons engager dans la préparation du budget 2026.

On nous parle, à juste titre, d’équité et de transformation écologique : celles-ci font évidemment partie de ce que nous voulons continuer de faire. C’est notamment vrai de la transformation écologique. Cependant, cette dernière demande que nous soyons capables d’investir et que nos entreprises puissent se transformer. Or c’est seulement en maîtrisant la dépense publique que nous pourrons financer ce double effort d’équité et de transformation écologique que nous voulons évidemment maintenir.

Michel Canévet a évoqué le courage que tout cela exige. Ce courage devra être collectif. Vous serez naturellement associés à l’effort, mesdames, messieurs les sénateurs, mais le Gouvernement prendra sa part.

Monsieur Barros, j’entends ce que vous dites. Je me permettrai néanmoins de revenir sur ce que vous appelez l’activation de la clause de sauvegarde. Il est vrai que l’Union européenne permet d’activer la clause de sauvegarde pour financer l’effort de défense, mais nous n’allons pas le faire, parce que ce serait de la dette supplémentaire. Or, de dette supplémentaire, nous ne voulons pas !

C’est donc à l’intérieur de l’épure que nous vous proposons que nous mettrons en place l’éventuel effort supplémentaire de défense qui serait nécessaire.

Vous avez raison, madame Lavarde. Tout d’abord, je vous remercie de souligner l’effort réalisé sur les dépenses, auquel vous avez fortement contribué par les travaux que nous avons conduits ensemble. Je veux répéter que le Parlement continuera d’être associé par la suite.

Après les propos de Pierre Barros, je me demandais si je devais revenir sur le sujet de la retenue à la source, sur lequel j’ai eu des échanges fréquents et approfondis avec le rapporteur général de la commission des finances ; votre intervention me conduit à le faire. Je ne veux pas être trop long et trop technique, mais je veux répondre à votre sollicitation.

J’ai évidemment un respect total pour le texte qui a été voté par la commission mixte paritaire et auquel Jean-François Husson a contribué. Sur la base d’un avis du Conseil d’État, le Gouvernement, qui devait prendre une position, a rédigé un mode d’emploi à destination des opérateurs financiers.

Sans entrer dans les détails, je veux dire que, dans la décision que nous avons prise, nous avons voulu respecter deux points.

Le premier est la possibilité, et même la nécessité absolue pour les services des impôts de sanctionner un opérateur qui ferait une opération non conforme au droit et à l’intérêt général pour éviter de façon frauduleuse la retenue à la source.

Cette possibilité existe, quel que soit le marché sur lequel les acteurs opèrent et dans toutes les circonstances. D’ailleurs, le texte que nous avons rédigé ne change en rien les procédures en cours, qui, vous le savez, se déroulent indépendamment des ministres – il est heureux que ceux-ci n’interviennent pas. Nous avons bien vérifié que le dispositif voté n’avait pas d’influence sur les procédures en cours.

Je reviens sur l’arbitrage, tel que je le perçois. Si les opérations financières se font de gré à gré, on connaît forcément la contrepartie et on peut procéder aux vérifications. Mais le plus souvent, sur les marchés réglementés, ces opérations se font au travers d’une place de marché qui, en réalité, en est la contrepartie. Par conséquent, si l’on vend un titre sur une place de marché, comme un titre du CAC 40 sur la place de Paris, on ne sait pas qui l’on a en face de soi, puisque l’acheteur est la chambre de compensation.

J’ai pensé que, dans ce cas, il n’était pas raisonnable, si nous souhaitons que les opérations restent domiciliées à Paris, de faire obligation au vendeur ou à l’acheteur de connaître sa contrepartie, parce que la véritable contrepartie, c’est la chambre de compensation.

En revanche, si, dissimulée derrière cette chambre de compensation, une opération frauduleuse apparaissait, bien évidemment, la possibilité de la sanctionner demeurerait – nous aurions alors besoin de preuves, mais nous avons vu que nous pouvions les trouver dans les e-mails ou les SMS échangés entre les opérateurs. Il va sans dire que nous y tenons, car je veux veiller à la fois à l’équité et aux finances publiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de m’excuser de ce développement un peu long, mais je ne pouvais pas me défiler face à ces deux demandes, notamment celle de Mme Lavarde. Mme la ministre chargée des comptes publics va compléter mon propos.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat de très grande qualité. Je pense que nous partageons beaucoup de choses, même si nous avons aussi des différences d’appréciation, et que c’est un très bon signe sur notre capacité à faire des compromis, car tel est, de facto, l’obligation qui se trouve devant nous.

Monsieur le rapporteur général, vous avez conclu votre propos en nous appelant à la vigilance et au volontarisme face aux aléas. Or je crois que c’est précisément ce qui nous a guidés ces dernières semaines, sous l’autorité du Premier ministre.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez notamment cité le caractère aléatoire des recettes de l’impôt sur les sociétés (IS). Je veux vous dire que les 2 milliards d’euros supplémentaires sont le fruit des observations comptables de fin d’année et qu’ils n’ont pas remis en cause notre appréciation de prudence de 1 milliard d’euros, laquelle vise à tenir compte d’une élasticité mécanique du volume total de l’IS.

L’inflation constitue un autre aléa – vous êtes d’ailleurs assez peu revenus sur ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui montre que les temps changent. Le scénario d’inflation est très difficile à prévoir. Ce matin, l’inflation en rythme annuel était de 0,8 %, ce qui est faible par rapport à ce que nous connaissions encore il y a dix-huit mois ou deux ans.

Néanmoins, il est difficile aujourd’hui de complètement apprécier la dynamique d’inflation qui est devant nous.

D’une part, comme vous le savez, les prix du pétrole sont en assez net recul, ce qui joue positivement sur le volume de consommation des ménages, mais pèse négativement sur l’inflation ; d’autre part, les droits de douane doivent, théoriquement, amener à une hausse des prix. On voit bien que, aujourd’hui, les banques centrales et les meilleurs économistes estiment que l’inflation est plus difficile à prévoir. Je tiens à ce que cela soit indiqué dans le compte rendu de ce débat.

Par ailleurs, vous avez tous rappelé que nous avions pris un décret d’annulation. Il s’agit, là aussi, de vigilance et de prudence.

Je veux vraiment vous rassurer : ce ne sont pas des coupes claires. Éric Lombard et moi-même avons annoncé, dès le départ, que, dans la construction du budget, nous demanderions à l’ensemble des ministères, sous l’autorité du Premier ministre, de mettre de côté 0,5 % de leur masse salariale et 5,5 % de leurs dépenses hors masse salariale. Cependant, ces dépenses pourront être de facto activées si la conjoncture le permet.

Nous avons ainsi créé, dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), une réserve interministérielle de 8,7 milliards d’euros. C’est dans ce cadre que nous annulons, en effet, 2,7 milliards d’euros. Mais c’est parce que nous avons reversé 2,8 milliards d’euros de surgel, de dépenses non engagées, que la réserve peut atteindre 8,7 milliards d’euros !

Cette pratique me paraît respectueuse du Parlement, parce que nous sommes extrêmement transparents et sincères, et c’est, je crois, une bonne méthode dans un monde avec des aléas. La solution de rechange serait de lancer les dépenses et de tout arrêter en cours d’année, mais je crois que ce ne serait ni sincère ni respectueux des Français.

Ce décret d’annulation, je veux le dire, n’est pas le reflet d’une politique d’austérité générale. Quand les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, je ne crois pas que nous puissions parler d’austérité !

Vous avez dit, monsieur le sénateur Barros, que vous étiez inquiet des coupes claires dans la santé ou l’éducation. Mais reprenons les chiffres du compromis qu’est le budget du pays : avec un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à 3,4 % et 1 milliard d’euros de plus pour l’hôpital, on ne peut pas parler d’austérité générale ! Pour l’éducation, vous savez, grâce aux annonces de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, que nous avons des ambitions en matière de recrutement, qui doit être beaucoup plus précoce, ou encore de renouvellement de la formation.

On ne peut donc pas dire aujourd’hui que l’austérité soit générale. On peut débattre des mesures ; on peut considérer qu’elles ne sont pas bonnes. Mais, budgétairement, je ne saurais laisser parler d’austérité générale pour un pays où les dépenses publiques représentent 57 % du PIB.

Nombre d’entre vous ont parlé des collectivités et des relations entre ces dernières et l’État. Je veux répéter ce que nous avons dit en réponse à une question au Gouvernement tout à l’heure : nous voulons donner de la prévisibilité aux collectivités.

Nous voulons mettre fin à cette pièce de théâtre qui commence en général le premier mardi d’octobre, où l’on sort du chapeau, tel un lapin, un chiffre magique, auquel tout le monde doit se conformer. Cette situation est totalement ingérable pour les élus, quelle que soit la collectivité où ils siègent et la durée de leur mandat.

Il est légitime que les collectivités nous demandent d’y voir clair sur l’endroit où nous allons. Cet objectif, nous le connaissons : c’est un déficit à 3 % du PIB en 2029. De nouveaux maires seront élus l’année prochaine. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de donner à ces nouveaux élus de 2026 de la visibilité sur au moins un demi-mandat. C’est ce que nous allons construire dès la semaine prochaine, autour de François Rebsamen.

De même, nous devons aux collectivités moins de normes, car celles-ci entraînent des dépenses contraintes. C’est sens des rapports de Boris Ravignon et d’Éric Woerth ou encore du lancement du Roquelaure de la simplification. Je crois que cela va dans le bon sens.

En tout état de cause, monsieur le sénateur Sautarel, le mot « spoliation » ne me semble pas correspondre à la relation entre l’État et les collectivités.

Premièrement, je rappelle que les Français n’ont qu’un porte-monnaie ! Nous ne spolions personne : nous gérons tous, avec responsabilité, l’argent des Français.

Deuxièmement, la spoliation serait attestée par l’incapacité pour les collectivités à mener leurs politiques publiques. Or les données que nous présenterons mardi prochain montrent que l’immense majorité des communes ont des ressources tout à fait stables, que l’immense majorité des régions ont des ressources tout à fait stables et que les EPCI ont des ressources tout à fait stables, même si, oui, on le sait, il y a un enjeu pour les départements.

L’an dernier, la dépense publique a augmenté, en volume, de 2 % au total, avec une croissance à 0,7 % pour l’État, à 3,1 % pour les collectivités et à 3,6 % pour la sécurité sociale. Il n’y a donc pas de spoliation. Je le dis ici très fortement : ne nous éloignons pas de la réalité.

Nombre d’entre vous, surtout du côté gauche de cet hémicycle, ont parlé des recettes, nous appelant à en trouver. Or les prélèvements obligatoires et les recettes représentent déjà 51,3 % de PIB ! C’est un record parmi tous les pays comparables au nôtre. (M. Grégory Blanc proteste.)

M. Pascal Savoldelli. Pas au niveau européen !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce taux n’est supérieur dans aucun pays européen, sauf peut-être en Suède ou en Finlande. Il serait à mon avis fallacieux de faire croire aux Français que c’est en augmentant ce ratio que nous allons trouver une solution.

Je pense qu’il est utile que nous examinions les dispositifs qui mitent et minent l’impôt et que nous nous penchions sur les niches fiscales, qui ont été très dynamiques dans certains cas. Vous le savez, je suis prête à mener ce travail. Nous devons également examiner si, dans certains cas, il y a un enjeu d’élasticité à la croissance. Mais, honnêtement, nous pensons que la conjoncture ne permet pas de créer de nouveaux impôts ni d’augmenter le taux des impôts existants.

Quelles sont, en bref, les perspectives pour 2026 ?

Monsieur Delahaye, vous avez raison : si nous avions maintenu la croissance de nos dépenses de fonctionnement à un niveau qui ne dépasse pas la croissance effective de l’économie – un principe auquel nous voulons vraiment nous tenir –, nous aurions aujourd’hui un déficit bien plus réduit. Ainsi, dans la perspective pluriannuelle dont nous voulons nous doter, les dépenses de fonctionnement n’augmentent pas plus vite que la croissance.

Si nous avions respecté cette règle, nous n’aurions pas à économiser 120 milliards d’euros aujourd’hui. Je crois donc que c’est une bonne boussole. C’est du pragmatisme, pas de l’austérité. Que les dépenses n’augmentent pas plus vite que la croissance paraît un principe sain.

Un deuxième principe doit être de bien répartir l’effort, madame la rapporteure générale. Vous avez demandé la répartition de l’effort entre sous-secteurs. Il nous semble – d’autres partagent ce point de vue – que nous ne pouvons pas demander de nouveau l’an prochain à l’État d’assumer près des trois quarts de l’effort de réduction du déficit, comme il le fait cette année. Ce serait un effort trop important et mal réparti. Il nous faut mieux le partager entre la sécurité sociale, les collectivités et l’État.

Un troisième principe – je viens d’en parler – doit être de s’interroger sur les niches fiscales. Les situations de rente minent l’impôt. Supprimons de nombreuses niches et baissons les impôts pour tout le monde, et pas seulement pour quelques-uns.

M. Vincent Delahaye. Très bien !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Un quatrième principe doit être de réfléchir à l’organisation de l’État, que nombre d’entre vous ont évoquée.

Comme l’a dit Éric Lombard, le Premier ministre a lancé une revue méthodique, ministère par ministère, mission par mission. Quelles sont nos priorités ? Comment sommes-nous organisés ?

Au-delà des agences et des opérateurs qui gèrent de l’argent public au nom des ministères et de l’État, sur lesquels travaille une commission d’enquête de votre assemblée, il faut aussi réfléchir à la relation entre l’État et ses services déconcentrés – je sais que vous y êtes très attachés –, pour qu’elle soit plus efficace et pour que les préfets et l’organisation territoriale de l’État soient davantage au service des politiques publiques.

Il faut aussi se pencher sur les autorités administratives qui, elles, sont des régulateurs. Nous ne parlons pas de la même chose quand nous parlons des comités en amont de la fabrique de la loi et de la norme, des agences et des opérateurs qui gèrent de l’argent public, des autorités administratives et de l’État déconcentré.

Au reste, les leviers sont différents en termes de dépenses publiques. Je tiens à dire que, pour les agences et les opérateurs, il existe deux leviers d’économies : les dépenses de fonctionnement, d’où les enjeux de fusion et de rapprochement, qui ne permettraient cependant de gagner que quelques milliards d’euros ; et, surtout, le rapprochement des dépenses d’intervention, pour y gagner en clarté et éviter les doublons, les redondances et les enchevêtrements.

Le dernier point que je souhaite aborder est la méthode. La semaine prochaine, il sera question des collectivités. Au mois de juin auront lieu à la fois la remise du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui sera un moment important, et un point d’étape sur la refondation de l’action publique que le Premier ministre veut conduire. En juillet auront lieu des annonces sur notre calendrier.

Nous croyons à la démocratie sociale. À cet égard, je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne lançons pas de ballons d’essai. Le débat sur les retraites qui nous a beaucoup animés ces derniers jours, c’est simplement le constat que le Premier ministre a confié aux partenaires sociaux une réflexion sur les pensions.

Dans le cadre du conclave, qui est, je crois, connu…