Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, perdre un proche est une épreuve intime, profondément bouleversante. Dans ces instants de fragilité, nos concitoyens attendent des services qui les apaisent, qui les soutiennent et qui les protègent – certainement pas des services qui leur compliquent la vie et encore moins des services qui prélèvent l'argent qui leur est dû.
Or certaines pratiques bancaires liées aux successions heurtent cette attente légitime. L'absurdité tarifaire, lorsqu'elle s'ajoute à la peine, devient une violence, et l'absence de cadre renforce ce sentiment d'injustice.
Depuis plusieurs années, nous avons engagé des réformes importantes pour protéger les plus fragiles en matière bancaire : je pense à l'élargissement des critères d'accès aux plafonnements de frais ou encore à la création d'un bouclier tarifaire. Mais un angle mort persistait : celui des frais bancaires liés aux successions.
Pourtant, l'enjeu est réel. En France, les frais atteignent en moyenne 300 euros par succession, soit trois fois plus qu'en Belgique ou en Italie. Pour une succession de 20 000 euros, ils peuvent atteindre plus de 500 euros.
À cela s'ajoutent des écarts vertigineux entre établissements et des pratiques incompréhensibles pour les familles endeuillées, qui n'ont ni la liberté de les choisir ni les outils pour les comprendre ou les contester. Les héritiers, souvent captifs et démunis, se retrouvent ainsi soumis à des tarifs qu'ils ne peuvent pas davantage anticiper que contester, dans l'un des moments les plus dramatiques de leur vie.
Le texte qui nous rassemble aujourd'hui apporte donc une réponse attendue, proportionnée et profondément juste. Il est le fruit d'un travail rigoureux, soutenu avec persévérance par Mme Christine Pirès Beaune et enrichi avec sérieux par notre collègue Hervé Maurey.
Il institue trois cas de gratuité, pour les successions les plus simples, pour les petits patrimoines et pour les comptes détenus par des mineurs.
Grâce aux apports de notre chambre, la proposition de loi prévoit également le plafonnement des frais applicables à 1 %, au maximum, du montant total des sommes détenues par le défunt et assure, entre autres, la mise en œuvre effective des nouvelles règles et leur contrôle par les agents de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Toutefois, au-delà de ces mesures concrètes, ce texte exprime une volonté politique : celle d'une République plus juste, plus lisible et plus protectrice, qui ne laisse pas les familles seules face à l'arbitraire tarifaire.
En adoptant cette proposition de loi, nous permettrons à davantage de familles d'accepter leur succession, nous réduirons le nombre de renonciations et nous désengorgerons certains services de l'État chargés des dossiers vacants ou déficitaires. Surtout, nous restaurerons un peu de clarté et de dignité là où l'opacité a trop longtemps régné.
Le groupe RDPI votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2021, l'association l'UFC-Que Choisir levait le voile sur un scandale aussi discret qu'inacceptable, celui des facturations à prix d'or appliquées par les banques au pécule des morts au moyen des frais bancaires sur les successions. Or, quatre ans plus tard, en France, la mort peut toujours se révéler lucrative pour les banques.
Si, dans d'autres pays européens, ces frais sont faibles, voire inexistants, en France les banques récupèrent une manne sur les successions d'environ 200 millions d'euros chaque année. À l'image de l'âme qui, dans la mythologie grecque, s'acquitte d'une obole auprès de Charon pour traverser le Styx, elles accompagnent elles aussi les familles dans leur deuil, moyennant rétribution. Il était temps pour le législateur de démanteler cette escroquerie en bande organisée !
Depuis 2017, le Gouvernement a tenté d'y mettre fin, mais les avancées ont été maigres, les établissements bancaires ne jouant pas le jeu – c'est le moins que l'on puisse dire. Pis, en 2024, l'UFC-Que Choisir révélait que ces frais avaient augmenté de 50 % en douze ans. En effet, en l'absence d'encadrement par la loi, tous les excès étaient permis et les frais pouvaient varier entre 80 euros et 527 euros. Comment justifier un tel écart ?
La proposition de loi que nous examinons vise à homogénéiser les pratiques, dans l'intérêt des familles endeuillées, et à réduire cette forme de double peine qu'elles subissent. En effet, si l'État ne peut pas ressusciter les morts, il peut créer les conditions d'un deuil digne et apaisé. C'est le sens de ce texte proposé par la députée Pirès Beaune et enrichi par le Sénat.
Grâce à cette proposition de loi, les héritiers, les parents de mineurs décédés et les proches d'un défunt dont les avoirs, sur l'ensemble des comptes, sont inférieurs à 5 909,95 euros – vous apprécierez la précision, mes chers collègues ! (Sourires.) – ne paieront plus de frais bancaires sur la succession. Dans les autres cas, l'introduction d'un système de double plafonnement permettra de limiter ces frais à 1 %, au maximum, du montant total des sommes détenues par le défunt sur ses comptes.
Ce texte pose des règles du jeu plus équilibrées : toutes les opérations liées aux successions bénéficieront désormais de ce régime, à l'exception des plans d'épargne en actions (PEA).
En un mot, le texte que nous examinons vise à créer un cadre juste et décent sur les frais bancaires liés aux successions. Aussi, mes chers collègues, je forme le vœu qu'il puisse être adopté conforme par notre assemblée.
L'attente est devenue insoutenable pour bon nombre de nos concitoyens. Le groupe RDSE votera donc en faveur de cette proposition de loi et de ses articles dans leur rédaction actuelle. (M. Marc Laménie applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, tout a été dit : je n'ai rien à ajouter sur ce chapitre, que l'on connaît bien et qui pourrait s'intituler « Le législateur, la mort et les héritiers »…
Je salue un travail parlementaire réussi entre Christine Pirès Beaune et Hervé Maurey. Mon groupe votera bien entendu le texte conforme.
Madame la ministre, je profite de ce débat pour revenir sur un sujet que j'avais évoqué auprès de Thomas Cazenave lors du premier examen de ce texte, il y a près d'un an, et qui touche également à des questions relatives à la morale et à la justice lors d'un décès. Il s'agit du recueil des fichiers de contrats obsèques conclus auprès de sociétés de pompes funèbres, dont les héritiers n'ont parfois pas connaissance, ce qui pose problème.
Votre prédécesseur au banc du Gouvernement m'avait expliqué que son ministère y travaillait. En effet, il arrive que des gens se prémunissent auprès de sociétés de pompes funèbres, confessionnelles ou non, puis qu'ils décèdent sans laisser de documents accessibles à leurs héritiers. Ceux-ci contractent donc auprès d'autres sociétés – voire des mêmes, qui se gardent bien évidemment de les prévenir qu'un contrat a été signé ou même que des avances ont déjà été versées…
Il y a là un véritable problème, qui a trait également à la protection des consommateurs, mais qui est connexe à celui que nous examinons aujourd'hui. J'ignore où en sont les travaux de votre ministère sur ce sujet.
Nous avons souvent affaire à des formes de non bis in idem, dans les conditions particulièrement désagréables propres au deuil qui ont été évoquées au sujet des frais bancaires. En outre, tout cela se produit dans un délai si bref que les familles ne peuvent s'informer de l'existence de contrats auprès des sociétés de pompes funèbres.
J'espère donc que votre ministère pourra apporter une réponse à ce problème urgent, car il faut mettre un terme à cette opacité.
Pour le reste, tout a été dit. Mon groupe votera avec enthousiasme cette proposition de loi, qui aurait pu faire l'objet d'une seule lecture, tant le texte, dans sa première version, était tout à fait pertinent. Voilà bien la preuve de l'utilité du Parlement, à un moment où celle-ci peut être débattue… (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les frais bancaires dits de succession sont la manifestation d'un modèle de rente – une rente sur la mort, une ponction qui est silencieuse, mais particulièrement douloureuse pour les ayants droit modestes. Ce modèle a prospéré précisément parce qu'il ne faisait pas de bruit et qu'il s'abritait derrière la technicité des opérations pour que sa pratique reste légitime.
Rappelons que 2024 a été une année record pour les banques françaises, avec plus de 28,6 milliards d'euros de bénéfices cumulés pour les cinq plus grandes d'entre elles. On nous parle de savoir-faire en matière d'investissement : parlons aussi du savoir-encaisser de ces établissements !
Aujourd'hui, les banques tirent une part croissante de leurs marges, non plus seulement de l'intermédiation, mais également des frais de gestion, des commissions et des prélèvements automatiques. Ces revenus d'interface, pour ne pas dire d'extorsion, forment un gain de près de 6,5 milliards d'euros chaque année.
En ce qui concerne les frais de succession, qui représentent une petite partie de ces frais, certaines banques facturent jusqu'à 450 euros pour le traitement d'un héritage de 15 000 euros. Dans ce modèle, le client est devenu à la fois déposant, débiteur, captif et, surtout, source de profit.
Ces pratiques n'ont pas seulement prospéré à l'abri du regard public. Elles ont bénéficié de la passivité et, parfois, de la complaisance de l'État. Souvenons-nous du bouclier bancaire annoncé en fanfare par Bruno Le Maire en 2022 : c'était une simple opération de com', sans contrainte réelle, laissée à la discrétion des établissements. Pendant ce temps, les lobbys bancaires continuaient d'invoquer leurs contraintes opérationnelles pour bloquer toute régulation, comme ils le font encore aujourd'hui sur les CumCum, contre la volonté du Parlement.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. Nous sommes donc face à une économie où l'absence de régulation tente de faire système et où ce sont les classes populaires qui paient, en silence, le prix de la stabilité du bilan bancaire.
C'est pourquoi, malgré ses limites, cette proposition de loi est utile, nécessaire et juste. Elle instaure la gratuité pour les successions simples, plafonne les frais à 1 % pour les successions complexes et interdit tous les frais en dessous d'un certain seuil d'encours. Elle introduit des règles là où, jusqu'ici, régnait l'arbitraire.
Toutefois, nous devons aller plus loin. Le critère du contrat de crédit comme élément de complexité successorale, par exemple, est problématique. En 2024, quelque 42 % des ménages détenaient un crédit et 30 % un crédit immobilier, dont une majorité de primo-accédants.
La présence d'un crédit n'implique pas nécessairement une complexité dans le règlement de la succession : les contrats sont souvent couverts par des assurances, les échéances automatisées et les soldes connus. C'est pourquoi nous proposerons un amendement visant à supprimer cette mesure.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est une avancée. Il nous faudra demain aller plus loin, en régulant les frais d'incidents bancaires, en interdisant les commissions d'intervention abusives, en plafonnant les frais de tenue de compte et, plus largement, en repensant le rapport entre les banques et l'intérêt général.
En effet, la banque repose sur un privilège fondamental : celui de créer de la monnaie par le crédit. Ce privilège impose des devoirs. Selon nous, ni l'extraction sans contrepartie ni le profit sans limites ne peuvent faire système.
Le groupe CRCE-K votera cette proposition de loi avec exigence, avec vigilance et avec l'ambition, demain, de voir débattue une loi-cadre de régulation bancaire à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte visant à mettre un terme aux frais bancaires, trop souvent prohibitifs, qui pèsent sur les successions simples et de faible montant, ainsi que sur les fermetures de comptes de mineurs décédés.
À mon tour, je salue le travail de notre collègue Christine Pirès Beaune et du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, ainsi que celui de notre rapporteur au Sénat, Hervé Maurey.
J'estime particulièrement utiles la clarification du champ d'application de la proposition, opérée par voie d'amendement par la rédactrice de ce texte, ainsi que l'introduction par la Haute Assemblée du montant fixé par arrêté et indexé sur l'inflation.
En France, alors que la fermeture d'un compte est gratuite pour une personne vivante, elle est facturée en moyenne 233 euros pour une personne décédée. Ces frais ne sont pas réellement corrélés aux coûts réels des opérations bancaires. Et chacun s'accorde ici à reconnaître que faire payer 200 euros de frais pour la fermeture d'un compte crédité de seulement 500 euros est indécent et injuste. Dans l'océan des 11 milliards d'euros de frais bancaires prélevés par les banques commerciales, cela représente 150 millions d'euros.
Quand il s'agit de finances, on aime se comparer. Le résultat est implacable : nos voisins belges, italiens et espagnols appliquent des frais deux à trois fois inférieurs au niveau français, et ces frais sont même illégaux et interdits en Allemagne !
Après plusieurs décennies de dérégulation, on voit bien que les banques ne peuvent pas s'autoréguler en respectant le b.a.-ba de l'éthique et de la justice. En 2021, le Gouvernement français avait proposé d'arracher un accord aux banques sur ce sujet, pour éviter de passer par la voie législative ou réglementaire. Sans surprise, il ne s'est rien passé. Pis, certains établissements ont procédé à des augmentations significatives de leurs tarifs, jusqu'à 50 % sur un an, alors même que cette proposition de loi était discutée au Parlement.
Il est donc bel et bien impératif de légiférer. Le capitalisme financier, en plus d'être prédateur de ressources naturelles et sociales, n'épargne décidément jamais le corps social le plus modeste. Il réalise des profits disproportionnés au détriment des plus précaires, plus fortement affectés par ces frais prohibitifs que les plus aisés.
Ce texte concerne majoritairement des fratries, concernées par une succession non complexe, c'est-à-dire bien souvent sans patrimoine ou bien immobilier, qui ont perdu leur dernier parent, lequel ne possédait pas davantage que 5 909,95 euros sur l'ensemble de ses comptes bancaires.
Or 5 910 euros, c'est tout juste le montant qui peut être légalement prélevé sur le compte du défunt pour la prise en charge des frais d'obsèques. Aussi l'entrée en vigueur la plus rapide possible de cette proposition de loi est utile et indispensable, non seulement pour mettre fin à des frais bancaires abusifs et injustes, mais surtout parce qu'elle sera un gain manifeste pour les plus démunis d'entre nous, touchés par le décès d'un parent, auxquels elle offrira la possibilité de l'enterrer dignement.
C'est la raison pour laquelle le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient l'adoption conforme de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – MM. Marc Laménie et Christian Bilhac applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je souhaite répondre à Mme Nathalie Goulet.
Madame la sénatrice, vous étiez en effet intervenue auprès de Thomas Cazenave pour évoquer l'absence de recueil des contrats conclus avec les sociétés de pompes funèbres. Le sujet est en cours d'instruction par les services du ministère. Une suite sera probablement apportée à votre demande.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession
Article 1er
(Non modifié)
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 312-1-4, il est inséré un article L. 312-1-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-4-1. – Dans le cadre d'une succession, les opérations portant sur des comptes de dépôt, des comptes sur livret et, à l'exception des produits mentionnés aux sections 6, 6 bis, 6 ter et 7 ter du chapitre Ier du titre II du livre II, des produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique du défunt ne font l'objet d'aucuns frais par l'établissement teneur desdits comptes et auprès duquel sont ouverts lesdits produits dans les cas suivants :
« 1° Lorsque l'héritier justifie de sa qualité d'héritier soit par la production d'un acte de notoriété, soit par la production de l'attestation prévue au cinquième alinéa de l'article L. 312-1-4 et que les opérations liées à la succession ne présentent pas de complexité manifeste tenant à l'absence d'héritiers mentionnés au 1° de l'article 734 du code civil, à la présence d'un contrat de crédit immobilier en cours à la date du décès, à la nature professionnelle du compte à clôturer, à la constitution de sûretés sur les comptes et les produits d'épargne à clôturer ou à l'existence d'éléments d'extranéité ;
« 2° Lorsque le montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d'épargne est inférieur au montant fixé par l'arrêté mentionné au 2° de l'article L. 312-1-4 du présent code ;
« 3° Lorsque le détenteur des comptes et des produits d'épargne est mineur à la date du décès.
« Dans les autres cas, les opérations liées à la succession, au sens du premier alinéa du présent article, peuvent donner lieu au prélèvement de frais par l'établissement teneur desdits comptes et auprès duquel sont ouverts lesdits produits.
« Un décret, pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières, détermine les conditions d'application du 1° et les modalités de plafonnement des frais pouvant être prélevés en application de l'avant-dernier alinéa, dans la limite de 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d'épargne du défunt mentionnés au premier alinéa et dans la limite d'un montant fixé par le même décret. » ;
2° Aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 317-1, après la référence : « L. 312-1-2, », est insérée la référence : « L. 312-1-4-1, ».
II. – Le I entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
, à la présence d'un contrat de crédit immobilier en cours à la date du décès
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Par cet amendement, nous proposons de supprimer la mention automatique du contrat de crédit immobilier parmi les critères de complexité successorale prévus par l'article 1er.
Soyons précis : il ne s'agit pas de nier que certains crédits peuvent poser des difficultés juridiques ou retarder le règlement d'une succession ni de faire d'un instrument de masse un facteur discriminant.
En 2024, selon la Fédération française bancaire, un tiers des ménages français détenaient un crédit immobilier, dont 52 % de primo-accédants. La souscription à un crédit immobilier est donc non plus un privilège ni même un signe de complexité patrimoniale, mais bien une composante banalisée des trajectoires résidentielles, notamment pour les classes moyennes et populaires.
La massification du crédit ne saurait être interprétée comme une complexification du patrimoine. En réalité, pour des millions de familles, souscrire un prêt, c'est avant tout accéder à un logement, c'est-à-dire à un bien d'usage, et non à un actif spéculatif. Dans ce cas, la propriété immobilière n'est ni un capital dormant ni un vecteur d'accumulation patrimoniale, en particulier pour les primo-accédants, qui s'engagent souvent à rembourser leurs crédits pendant vingt ou même trente ans.
Dès lors, ériger la simple présence d'un crédit comme un signal de complexité revient à commettre une erreur de catégorisation. Il ne nous paraît pas juste d'exposer des héritiers de milieux modestes à des frais supplémentaires au moment précis où leur vulnérabilité est maximale. Nous y voyons une sorte de double peine sociale : après avoir payé pour accéder à la propriété, il faut payer une nouvelle fois à la mort du parent propriétaire…
La justice successorale suppose de traiter différemment les patrimoines complexes et les trajectoires populaires. Le crédit n'est pas un luxe : c'est une nécessité économique façonnée par des décennies de désengagement de la puissance publique, notamment sur le logement social.
C'est pourquoi nous proposons de retirer ce critère.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Les critères d'appréciation de la complexité des opérations de succession, prévus pour délimiter le champ d'application du cas de gratuité correspondant aux successions les plus simples, ont fait l'objet de discussions approfondies entre les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu'avec les services du ministère de l'économie.
À ce titre, la rapporteure de l'Assemblée nationale souhaitait également inclure les contrats de crédit à la consommation dans les critères de complexité. Cet élément a été finalement écarté à la demande du rapporteur du Sénat.
Ainsi, le critère relatif à la présence d'un contrat de crédit a été restreint au seul contrat de crédit immobilier. Si la proportion des ménages détenant un contrat de crédit immobilier s'élève à 30 % de la population, elle n'est évidemment pas uniforme et décroît logiquement avec l'âge. Dès lors, la part des successions visées par un tel critère de complexité est très sensiblement inférieure.
Par ailleurs, nous souhaitons aujourd'hui mettre un terme à une discussion entamée il y a quatre ans.
Or l'adoption de cet amendement repousserait le vote définitif sur le texte de plusieurs mois, au mieux, en raison des délais de la navette parlementaire. Ce serait contradictoire avec l'objectif que nous nous sommes collectivement fixé, à savoir une adoption conforme de la présente proposition de loi en vue d'une mise en œuvre rapide du dispositif d'encadrement des frais bancaires de succession. Cependant, cela n'interdit pas des progrès par la suite.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Les critères précisés à l'article 1er n'ont pas pour but de déterminer le champ de la gratuité pour l'étendre ou le restreindre artificiellement. Il s'agit d'assurer une tarification qui permette de couvrir une partie des frais réels engagés pour la réalisation d'opérations complexes, qui mobilisent fortement les services des banques chargés de la succession.
La présence d'un contrat de crédit immobilier n'est aucunement un luxe, vous l'avez dit. Il s'agit parfois d'une nécessité.
Cependant, lors d'une succession, un tel contrat peut exiger des traitements spécifiques dont la durée est difficilement maîtrisable, nécessitant maintes procédures faisant intervenir la banque, les héritiers et le notaire, pour mettre en place, par exemple, une gestion temporaire sur le crédit, avant d'accompagner la vente du bien et de liquider le crédit. Or ces opérations peuvent prendre un certain temps. Il semblait donc nécessaire d'inclure ces crédits dans la liste des opérations complexes.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous avions déposé cet amendement pour que le débat puisse avoir lieu. Madame la ministre, vous évoquez des frais relatifs à la complexification induite par les crédits immobiliers lors d'une succession. Or, vous le savez, ce n'est pas toujours le cas.
Les banques se contentent d'indiquer qu'une opération représente un coût important. Mais, je le répète, les frais bancaires, les frais de commission et les prélèvements automatiques représentent un gain de 6,5 milliards d'euros pour ces établissements. Il faut donc savoir raison garder !
Cet amendement visait à appliquer la gratuité dans ce cas précis. Cependant, je vais le retirer, pour garantir une adoption conforme et une mise en œuvre de la future loi dans les six mois, qui sera suivie d'un bilan. J'espère d'ailleurs que celui-ci sera bel et bien dressé, car il arrive que nous entendions parler d'évaluation et de bilan sans voir ni l'une ni l'autre par la suite…
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 2
(Non modifié)
Dans un délai d'un an à compter de la publication du décret prévu au dernier alinéa de l'article L. 312-1-4-1 du code monétaire et financier, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les effets de la présente loi sur l'évolution des frais appliqués dans le cadre des opérations liées à la clôture des comptes et des produits d'épargne du défunt ainsi que le nombre de personnes bénéficiant de la gratuité de ces frais. Ce rapport s'appuie notamment sur les travaux du Comité consultatif du secteur financier – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Profession d'infirmier
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, sur la profession d'infirmier (proposition n° 420, texte de la commission n° 558, rapport n° 557).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Philippe Mouiller, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure, chère Anne-Sophie Romagny, monsieur le rapporteur, cher Jean Sol, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le 11 mars dernier, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité, par un vote enthousiaste et transpartisan, le texte proposé à votre examen cette après-midi.
Je me réjouis d'être aujourd'hui devant vous, au Sénat, afin de poursuive ensemble l'examen de cette proposition de loi en vue de son adoption définitive, dont j'espère, comme vous, qu'elle sera rapide. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons fait le choix d'une procédure accélérée.
Vous le savez, ce texte important, qui concrétise dans la loi la refonte du métier infirmier, est très attendu. Et pour cause ! Mon ministère, à la tête duquel six ministres se sont succédé durant cette période, les parlementaires et l'ensemble de la profession y travaillent depuis plus de deux ans.
Je voudrais souligner combien les infirmières et les infirmiers se sont beaucoup investis, dans toutes les concertations et les dizaines de groupes de travail mis en place depuis 2023 pour préparer cette réforme. Je salue leurs représentants, dont Mme la présidente de l'Ordre national infirmier, qui ont tenu à être présents aujourd'hui pour assister à ce moment d'histoire pour leur profession.
Je leur dis, je vous le dis : il est temps d'aboutir. Les infirmières et les infirmiers font résolument partie de mes priorités en tant que ministre de la santé ; une priorité, vous l'aurez compris, que je veux traduire en actes.
C'est aussi pour cela que je me suis engagé auprès des trois organisations syndicales représentatives de la profession à publier une lettre de cadrage d'ici à la fin mai, ce qui nous permettra d'ouvrir des négociations conventionnelles avant l'été, pour traduire, notamment dans les rémunérations, les avancées de cette loi.
Ce texte était certes attendu, mais il est surtout nécessaire afin de donner corps à l'ambition que nous partageons tous de franchir une nouvelle étape décisive dans l'histoire du métier infirmier.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je pense que vous partagerez également ma volonté de commencer nos débats par un hommage légitime à la profession infirmière.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
M. Yannick Neuder, ministre. Il m'importe en effet de rappeler combien les infirmières et les infirmiers sont un pilier essentiel de notre système de santé.
D'abord en raison de leur nombre : ils sont en effet près de 640 000 professionnels, dont plus de 120 000 libéraux. La profession connaît une démographie particulièrement dynamique, soutenue par le ministère de la santé, qui a permis la création de 5 800 places supplémentaires dans les instituts de formation en soins infirmiers depuis 2020 dans la cadre d'un protocole entre l'État et les régions. Je me suis personnellement mobilisé sur le sujet afin de sécuriser les crédits nécessaires dans la loi de finances pour 2025.
Je souhaite mettre également en avant la polyvalence des infirmiers et des infirmières et les très nombreuses missions qu'ils assurent au quotidien, dans tous les territoires, auprès de nos concitoyens.
Ce rôle central des infirmiers n'est pas nouveau. La profession serait apparue au moment des grandes épidémies du Moyen Âge. À cette époque, elle se distinguait déjà par son caractère essentiel dans l'accompagnement des malades. Les infirmiers sont alors parmi les premiers à se structurer en tant que profession tournée vers les soins et à développer des formations spécifiques, d'abord via les ordres et les congrégations religieuses.
La structuration du métier infirmier a ensuite accompagné l'émergence de notre système de santé contemporain, dès le XIXe siècle, où cette profession participe activement à la mise en place des premières politiques d'hygiène et d'assistance publique.
À l'aube du XXe siècle, on peut citer le rôle joué par Léonie Chaptal, née dans l'Allier, dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes : elle a été le fer de lance de la professionnalisation et de la reconnaissance du métier d'infirmier après la guerre de 1914-1918. Elle était en effet convaincue qu'un pays qui ne possédait pas un service de santé efficace ne pouvait avoir l'ambition d'être une grande puissance et qu'il fallait s'appuyer pour cela sur un métier infirmier affirmé, défini et structuré.
Ce personnage historique, peu connu en dehors du monde infirmier, est pourtant fascinant. Léonie Chaptal est notamment l'une des premières à penser le renforcement de l'organisation des soins comme une question politique et stratégique pour notre nation.
Si je me suis permis ce court détour historique, c'est parce que la vision dont il témoigne est toujours d'actualité. L'histoire nous montre que la profession infirmière a toujours été résolument tournée vers l'avenir, en constante progression.
Avec cette proposition de loi, nous avons l'opportunité d'ouvrir un nouveau chapitre, qui sera un jalon majeur de cette histoire infirmière. La dernière grande « loi infirmière », celle qui reconnaît pour la première fois à la profession un rôle propre, date de 1978. La dernière révision du décret infirmier date, quant à elle, de 2004, soit voilà plus de vingt ans !
Aussi, face à des défis nouveaux – vieillissement de la population, émergence des maladies chroniques, nécessité des virages ambulatoire, domiciliaire et préventif –, il est plus que temps de franchir un nouveau cap, à même de projeter le métier infirmier dans une nouvelle modernité afin de lui redonner tout son sens, toute sa place et toute son ampleur et de lui ouvrir de nouvelles perspectives.
Le Parlement s'est pleinement saisi de cette réalité depuis quelques années déjà. Nous avons progressé sur les délégations d'actes et l'extension des compétences ; c'est d'ailleurs l'un des axes du pacte de lutte contre les déserts médicaux que j'ai annoncé avec le Premier ministre, la semaine dernière, dans le Cantal.
Je pense également à l'accès direct pour la prise en charge des plaies. Je sais qu'il reste un décret à prendre et je me suis engagé à ce que cela soit fait avant l'été, après les deux importants décrets que j'ai signés et qui sont parus le 22 avril dernier. Ces textes marquent l'aboutissement d'un engagement fort du Gouvernement et des travaux menés par plusieurs parlementaires, dont Mme la sénatrice Corinne Imbert, que je salue : il s'agissait de permettre aux infirmiers diplômés, volontaires et formés, de réaliser les certificats de décès.
Toutefois, nous avons aujourd'hui besoin d'une refonte plus globale. Les infirmières et les infirmiers ont démontré qu'ils étaient plus que prêts pour cette nouvelle étape en se saisissant avec enthousiasme de chacune des avancées que je viens de mentionner.
Les infirmiers se sentent aujourd'hui quelque peu « à l'étroit » dans un cadre d'exercice qui ne correspond plus vraiment à la technicité et à la diversité de leur métier. Nous leur devons cette réforme.
Ils sont les chevilles ouvrières de notre système de santé, dans les services hospitaliers, en ville, jusqu'au domicile des patients et y compris sur les terrains de crise. J'ai pu le constater à Mayotte, par exemple, où je me suis rendu, le mois dernier, avec un représentant du conseil national de l'Ordre.
Vous l'aurez compris, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, réussir cette refonte du métier infirmier est pour moi une priorité.
Je veux, une fois encore, saluer l'esprit transpartisan qui animera nos discussions aujourd'hui et remercier les parlementaires issus de tous les groupes qui se sont investis sur ce texte. Je ne pourrai tous les citer tant ils sont nombreux ; j'en évoquerai seulement quelques-uns : Corinne Imbert, les deux rapporteurs Jean Sol et Anne-Sophie Romagny, Véronique Guillotin, Khalifé Khalifé, Corinne Bourcier, Patricia Demas, Céline Brulin, Émilienne Poumirol, Jocelyne Guidez et Bernard Jomier.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et tous les autres !
M. Yannick Neuder, ministre. Bien sûr !
J'ai affirmé que nous posions, avec ce texte, un jalon majeur de l'histoire du métier infirmier. Ce sera en effet la première fois que le métier sera défini dans la loi. Ce n'est pas trop tôt, pourrait-on dire !
Au-delà d'une reconnaissance essentielle, la définition du métier permet aussi, et peut-être surtout, d'en préciser les grandes missions. C'est une nouvelle approche de la profession plus cohérente, plus agile et plus réaliste que celle du décret d'actes qui encadrait jusqu'alors son exercice. C'est un véritable changement d'importance dans notre manière d'envisager le métier.
Si l'on se penche sur les cinq grandes missions de la profession, on voit bien qu'elles correspondent aux besoins actuels de notre système de santé : dispenser des soins infirmiers curatifs, préventifs, relationnels, de surveillance clinique et palliatifs ; contribuer à la coordination et à la mise en œuvre des parcours de soins ; participer à la prévention, aux actions de dépistage et à la promotion de la santé ; concourir à la formation initiale et continue ; faire progresser la recherche infirmière et mobiliser les données probantes dans la pratique professionnelle.
J'insiste sur ce dernier point, trop souvent oublié au moment d'évoquer le métier d'infirmier. Il faut affirmer que l'expertise infirmière est aussi savante, que la science infirmière contribue pleinement à l'innovation en santé, notamment avec le déploiement de postes d'enseignants-chercheurs.
Par ailleurs, la proposition de loi concrétise les notions de consultation infirmière, par exemple dans le champ de la prévention ou de l'éducation thérapeutique, et de prescription infirmière.
Je prendrai le temps de préciser ici que le diagnostic infirmier n'a aucunement vocation à se substituer au diagnostic médical. C'est aussi bien en tant que ministre de la santé qu'en tant que médecin que je vous le garantis.
Les missions de l'infirmier ont toujours vocation à être exercées en coopération et en complémentarité avec toutes les autres professions qui interviennent dans la prise en charge des patients, au premier chef desquelles les médecins.
Il n'est pas question ici d'ouvrir un front avec les médecins ou avec les autres professions paramédicales. Il s'agit de renforcer un métier et de lui donner les moyens de l'exercer dans toute la latitude de son champ propre.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi permet des avancées majeures dans le champ du métier socle infirmier, auxquelles – je crois l'avoir clairement affirmé – je souscris pleinement. Elle comporte également des mesures relatives à l'ouverture de nouvelles perspectives concernant la pratique avancée.
Comme député, comme rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale et comme ministre, j'ai toujours soutenu la pratique avancée, que je considère comme un formidable outil autant pour renforcer l'accès aux soins que pour dynamiser les carrières infirmières.
C'est d'ailleurs moi qui ai signé, en janvier dernier, le décret mettant en œuvre l'accès direct des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA) exerçant en établissements de santé et en structures d'exercice coordonné.
Je me réjouis également que l'arrêté du 25 avril 2025, que j'ai également signé, soit paru au Journal officiel la semaine dernière, le 30 avril : il ouvre la primo-prescription aux IPA, après des concertations que j'ai menées avec les représentants de la profession infirmière.
Cette dernière, qui s'enrichit avec la pratique avancée, est aussi très riche de ses spécialités, qui ont une raison d'être fondamentale : assurer la sécurité des blocs opératoires et la prise en charge des enfants. Des spécialités d'anesthésie, de bloc et de puériculture ont ainsi forgé une forte identité professionnelle, à laquelle les infirmiers sont attachés, comme j'ai pu le constater lors de mes échanges réguliers avec les différentes organisations représentatives et durant les vingt années passées au bloc opératoire. Je suis persuadé que l'exercice spécialisé a sa place dans le système, tout comme la pratique avancée.
Il faut préserver cette richesse. La rédaction actuelle de l'article 2 ne le permet pas totalement, avec des effets de bord non négligeables de nature à menacer l'existence même de la notion de spécialité infirmière, si elle devait devenir une mention de la pratique avancée.
C'est pourquoi je me réjouis que le travail très constructif que nous avons mené avec les rapporteurs Sol et Romagny et la commission des affaires sociales du Sénat ait abouti à une proposition de réécriture de cet article, permettant de définir une forme de pratique avancée pour chacune des trois spécialités infirmières, tout en préservant leur spécificité. Le Gouvernement a d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Notre objectif est que les avancées bienvenues de l'article 2 correspondent le plus possible aux attentes des professionnels et aux enjeux d'accès aux soins, comme aux impératifs de sécurité des soins.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j'ai évoqué au début de mon propos la figure fondatrice de Léonie Chaptal. Je terminerai en empruntant une formule à une autre pionnière des soins infirmiers, Florence Nightingale, qui disait aux jeunes élèves qu'elle formait : « Ne nous considérons jamais comme des infirmières finies. Nous devons apprendre tout au long de notre vie. »
Depuis toujours, vous le constatez, le métier infirmier est innovant et ambitieux par nature. Il nous faut continuer de construire l'avenir de ce beau métier, si essentiel.
Il s'agit d'un texte de reconnaissance et de confiance envers la profession, envers toutes les infirmières et tous les infirmiers, à quelques jours de la Journée internationale des infirmières, le 12 mai prochain. Nous leur témoignerons cette confiance en faisant aboutir ce texte ambitieux et équilibré, qui répond à leurs attentes et à leurs aspirations légitimes.
Tel est notre objectif commun, afin que ces mesures fortes déploient leur pleine efficacité pour améliorer la prise en charge et le parcours des patients comme pour renforcer l'accès à la santé et à la permanence des soins, et ce dans tous les territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les 640 000 infirmiers de notre pays constituent un pilier silencieux, mais essentiel, de notre système de santé, œuvrant avec un dévouement exemplaire malgré des conditions d'exercice souvent éprouvantes.
Aujourd'hui, la profession est en souffrance ; ce n'est un secret pour personne. Elle est traversée par un sentiment de manque de reconnaissance, découlant d'un cadre d'exercice obsolète. Les conditions de travail dégradées, notamment en établissement, alimentent une forte rotation des effectifs et, parfois, des abandons de métier. Les conditions de rémunération des infirmiers restent insatisfaisantes, malgré les revalorisations consenties ces dernières années dans le cadre du Ségur. En ville, les principaux actes infirmiers n'ont pas été significativement revalorisés depuis 2009.
Alors que 300 000 infirmiers supplémentaires seront nécessaires d'ici à 2050 pour assurer la qualité des soins face au vieillissement de la population, un choc de valorisation de la profession s'impose. La proposition de loi que nous examinons, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, pose la première pierre en redéfinissant le cadre d'exercice de la profession et en simplifiant ses évolutions ultérieures : autant de mesures attendues par les professionnels.
La commission a soutenu ce texte, qu'elle réclamait de longue date, et l'a amendé pour favoriser sa mise en œuvre rapide et apaiser les tensions entre professions que la rédaction retenue avait pu faire naître.
Malgré sa place essentielle dans notre système de santé, la profession d'infirmier demeure, en droit, définie en référence au monopole médical. Par dérogation à ce dernier, l'intervention des infirmiers n'est possible que sur un champ circonscrit d'actes, énumérés dans un décret de 2004 distinguant un rôle propre et un rôle prescrit.
Cet encadrement est excessivement rigide et inadapté aux évolutions récentes de la profession. Malgré de nouvelles extensions de compétences, un phénomène de « glissement de tâches » est souvent rapporté, lequel conduit les infirmiers à réaliser des actes en dehors de leur champ de compétences reconnu et à encourir ainsi des sanctions pénales au titre de l'exercice illégal de la médecine.
L'article 1er de la proposition de loi vise à répondre à ce problème, en proposant une refonte du socle législatif de la profession. Désormais, la loi définirait les principales missions et conditions d'exercice des infirmiers, tout en renvoyant à un décret la définition des domaines d'activité et de compétence de la profession et à un arrêté la liste des actes que celle-ci réalise.
Dans une logique d'apaisement, la commission a adopté sur notre initiative quatre amendements destinés à préciser ce cadre général, à valoriser la recherche en sciences infirmières et à réaffirmer la complémentarité de l'exercice infirmier avec celui des autres professionnels.
Cet article consacre également les notions de consultation et de diagnostic infirmiers. Ces notions sont anciennes et fondées sur le rôle propre de la profession ; elles se distinguent donc sans ambiguïté de la consultation et du diagnostic médicaux et leur sont complémentaires. Ainsi, serait confié aux infirmiers un pouvoir de prescription de produits de santé et d'examens nécessaires à l'exercice de leur profession, sur un champ plus étendu que celui qui leur est aujourd'hui reconnu. Ces dispositions ont été soutenues et précisées, sur notre recommandation, par la commission.
Enfin, l'article 1er consacre l'accès direct aux infirmiers intervenant en soins de premier recours dans le cadre de leur rôle propre. La prise en charge en ville de ces actes demeure trop souvent conditionnée à une prescription préalable, malgré l'autonomie reconnue aux infirmiers dans ce périmètre.
Une expérimentation inscrite à l'article 1er quater ouvrira, en outre, l'accès direct aux infirmiers en exercice coordonné au-delà de leur rôle propre. Il nous semble qu'une telle expérimentation devrait se révéler utile, notamment pour apprécier l'opportunité d'une évolution des compétences infirmières ou, en leur sein, des périmètres respectifs du rôle propre et du rôle prescrit.
Sur notre initiative, la commission a supprimé l'inscription dans le droit commun d'un accès direct aux infirmiers dans le cadre de leur rôle prescrit, lui préférant le cadre expérimental de l'article 1er quater. Elle a également supprimé les dispositions faisant de l'adhésion à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) une condition suffisante à l'accès direct expérimenté, cette adhésion ne garantissant pas toujours un niveau suffisant de coordination. Elle a également prévu une saisine préalable de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'Académie nationale de médecine de la liste des consultations usuelles et sécurisantes.
L'article 1er bis vise à mieux reconnaître le rôle des infirmiers dans les soins de premier recours, en mentionnant explicitement la profession au sein des dispositions du code de la santé publique relatifs à ces soins. La commission a rétabli, sur notre proposition, la mention de la contribution du médecin traitant à ces mêmes soins, supprimée dans le texte transmis.
Je passe le relais à ma collègue, Mme Romagny, pour présenter les dispositions restantes de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues – je salue également les professionnels présents en tribune aujourd'hui –, au-delà de son apport bienvenu pour mieux reconnaître et valoriser le rôle décisif des infirmiers dans notre système de soins, cette proposition de loi vise à apporter des réponses concrètes à certains problèmes rencontrés par les professionnels dans le cadre de leur exercice.
À ce jour, la profession infirmière, pourtant particulièrement touchée par les interruptions d'exercice, ne bénéficie pas des moyens adéquats permettant d'accompagner les soignants souhaitant reprendre leur activité. L'article 1er ter traite cette question, en prévoyant de soumettre les infirmiers ayant interrompu leur exercice depuis un certain temps à une évaluation systématique de leurs compétences et, le cas échéant, de leur proposer, non de leur imposer – la nuance est importante –, une formation ou un stage préalable à leur reprise.
Cette disposition suscite, nous le savons, des réserves chez certains d'entre vous, mes chers collègues. Toutefois, il ne s'agit ni d'une punition des professionnels ni d'une dévalorisation du diplôme : il s'agit simplement d'offrir aux infirmiers la possibilité de se préparer à leur reprise d'activité dans de meilleures conditions. Cet article ne s'applique d'ailleurs, sur l'initiative des rapporteurs, qu'aux longues interruptions de carrière. Nous estimons donc qu'il complétera utilement les mécanismes existants, comme la certification périodique, à condition que le pouvoir réglementaire veille à leur bonne articulation.
Sur l'initiative de Mme Demas, que je salue pour son engagement, la commission a également adopté un article 2 bis, visant à harmoniser à l'échelle nationale la définition d'agglomération retenue par l'assurance maladie pour ouvrir droit aux indemnités kilométriques. Cette mesure d'équité répond aux attentes des infirmières libérales : elle pourra être mise en œuvre dès la conclusion des négociations conventionnelles, mais ne doit pas remettre en cause, monsieur le ministre, la nécessaire revalorisation des indemnités kilométriques, demande récurrente et légitime des infirmiers libéraux.
La proposition de loi traite, enfin, la question des modes d'exercice infirmiers qui se sont développés à côté du métier socle et qui rendent nécessaire une formation complémentaire. Il s'agit des infirmiers de spécialité, qui disposent de compétences étendues sur un champ clinique restreint – les infirmiers anesthésistes diplômés d'État (Iade), les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (Ibode), les infirmiers puériculteurs – et des infirmiers en pratique avancée, dotés d'un cadre d'exercice autonome, qui assurent une prise en charge globale des patients et bénéficient de compétences renforcées, notamment en matière de prescription.
L'article 2 fait évoluer le cadre de la pratique avancée en y apportant trois principales évolutions.
On cherche d'abord, au travers de cet article, à répondre à une demande de longue date des infirmiers de spécialité en ouvrant la pratique avancée à d'autres diplômes que celui d'IPA. L'idée est bonne : il s'agirait d'une juste reconnaissance des compétences poussées des infirmières de spécialité, acquises au terme d'une formation exigeante. Réduire la pratique avancée au seul modèle des IPA reviendrait, dans ce contexte, à ignorer la variété et la richesse des expertises infirmières.
Toutefois, la rédaction retenue, particulièrement floue, semble fondre les spécialités dans le métier d'IPA et suscite de vives inquiétudes pour la sécurité et la pérennité de l'exercice spécialisé. En effet, la demande des infirmiers de spécialité n'a jamais été d'exercer le métier d'IPA ; elle est de se voir reconnaître l'accès à une forme de pratique avancée, spécifique à chaque spécialité.
Il revient donc au législateur de répondre à cette préoccupation. Après y avoir travaillé avec le ministre, que nous remercions, nous vous proposerons une rédaction nous semblant satisfaire les attentes légitimes de reconnaissance des infirmiers de spécialité, sans diluer leurs caractéristiques, en consacrant une forme de pratique avancée spécifique qui exclue, notamment, l'accès direct. Si cette évolution est envisageable à court terme pour les Iade et les Ibode, elle doit être subordonnée, pour les puériculteurs, à une réingénierie et à une « universitarisation » de leur formation.
L'article 2 prévoit également de permettre l'exercice en pratique avancée dans les services de protection maternelle et infantile (PMI) et d'aide sociale à l'enfance (ASE), dans les crèches et dans les établissements scolaires. Cette mesure, recommandée par l'inspection générale des affaires sociales (Igas), favorisera dans ces lieux une prise en charge plus complète, continue et adaptée. La pratique avancée s'y exercera en lien avec un médecin, comme la loi le prévoit pour l'ensemble des autres terrains. Il s'agit là d'un apport supplémentaire de la commission.
Enfin, alors que le manque de diligence de certains organismes chargés de rendre un avis sur les décrets d'application de la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite Rist 2, a considérablement retardé la parution de ces textes, l'article 2 fait œuvre utile en imposant aux entités consultées de se prononcer dans un délai de trois mois.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi représente une étape importante et attendue dans l'évolution de la profession. Elle devra rapidement donner lieu à une révision ambitieuse des référentiels de compétences et de formation, ainsi qu'à un réexamen des conditions de rémunération des infirmiers, auquel le Gouvernement s'est engagé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte était attendu et espéré par toute une profession, celle des infirmières et infirmiers de France, qui, depuis trop longtemps, œuvrent dans l'ombre sans reconnaissance suffisante.
Ce que nous examinons aujourd'hui ne constitue pas une révolution ; c'est un acte de réalisme et de pragmatisme, un texte qui part du terrain. Les infirmiers réalisent déjà de nombreux actes dits avancés : ils évaluent, ils adaptent, ils coordonnent, ils remédient aux carences et parfois même à l'absence de médecin.
Pourtant, ils le font souvent sans cadre légal clair, sans reconnaissance statutaire, sans protection. Ce que cette proposition de loi leur offre, c'est justement ceci : un socle juridique, une légitimité, une sécurité. C'est la moindre des choses !
Néanmoins, ce texte ne saurait épuiser le sujet ; il est une première pierre, non un aboutissement, et il passe sous silence deux sujets majeurs que nous ne pouvons ignorer.
Le premier est celui de la question salariale. Aujourd'hui, un infirmier débutant gagne en moyenne 1 900 euros net par mois ; en Allemagne, c'est quasiment 50 % de plus. Comment attirer ? Comment fidéliser ? Comment valoriser une profession en marquant de tels écarts ? Comment demander à nos compatriotes frontaliers de rester travailler dans nos hôpitaux ou dans nos Ehpad ? La France reste le pays d'Europe où le rapport entre la charge de travail et la rémunération de cette profession est le plus déséquilibré.
En ce qui concerne l'attractivité du métier, près de 30 % des jeunes diplômés abandonnent la profession dans les cinq premières années de leur pratique. À l'hôpital, les démissions se sont envolées de 25 % entre 2019 et 2023. Ce ne sont pas que des chiffres, ce sont surtout des drames humains, des vocations brisées, des équipes à bout de souffle.
Les causes sont connues : surcharge chronique, désorganisation, perte de sens, déshumanisation de l'acte de soins. Pourtant, malgré tout cela, ces femmes et ces hommes continuent : ils soignent, rassurent, tiennent le système de soins à bout de bras. Dans l'ombre, dans la discrétion, dans la nuit parfois, ils sont les piliers invisibles mais solides de notre système de santé.
Second sujet : la formation. Avec une formation de trois années intensives, de 4 200 heures réparties entre théorie et pratique, sans compter le travail personnel, les étudiants infirmiers sont souvent épuisés et en précarité financière, alors que, pour la plupart des licences, la moyenne horaire est de 1 500 à 1 800 heures sur trois ans. En outre, l'accompagnement ou le tutorat dont bénéficient les étudiants sont parfois peu efficaces, non par manque de volonté des professionnels, mais par manque de temps ou par épuisement.
Alors, oui, il faut voter ce texte, oui, il faut enfin reconnaître les actes infirmiers, mais il faut aller plus loin : vers une revalorisation salariale digne, vers une refonte des conditions de travail, vers un respect plein et entier du rôle infirmier, mais aussi vers une refonte de la formation.
Les sénateurs du Rassemblement national voteront cette proposition de loi et proposeront des amendements pour l'améliorer. Nous continuerons de défendre avec constance cette profession admirable, trop souvent oubliée et plus que jamais indispensable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à remercier et à féliciter Nicole Dubré-Chirat, ma collègue députée de Maine-et-Loire, et Frédéric Valletoux, qui sont à l'origine de cette proposition de loi.
Je suis heureuse que la promesse de l'inscription de ce texte à notre ordre du jour ait pu être tenue malgré les bouleversements politiques des derniers mois. Je souhaite également saluer sincèrement le travail des rapporteurs, qui ont amélioré un texte dans un sens qui, je le pense, fera consensus.
Ce texte, tant attendu par la profession, consacre la reconnaissance, amplement méritée, du rôle fondamental des infirmiers dans la prise en charge des patients. Qu'ils exercent en ville, en maison de santé, à l'hôpital, en maison de retraite ou en établissement scolaire, ils sont plus de 600 000 en France à œuvrer quotidiennement pour la santé de nos concitoyens.
On dit souvent que les métiers du soin se font par vocation. Je ne sais pas si tous les infirmiers travaillent par vocation, mais ils le font, sans aucun doute, avec dévotion. Pour la première fois, un texte législatif reconnaît leur engagement et définit leurs missions. Actuellement, seul un décret liste les actes qu'ils sont autorisés à accomplir.
Cette proposition de loi représente donc un tournant important pour la profession, un tournant d'abord symbolique – et les symboles sont nécessaires, surtout quand il s'agit de la reconnaissance d'une profession essentielle –, mais aussi un tournant pratique, puisque ce texte définit les missions principales de la profession : réalisation et évaluation des soins, orientation de la personne, participation à la prévention et à la formation.
Par ailleurs, le texte consacre deux notions particulièrement attendues par la profession : la consultation infirmière et le diagnostic infirmier avec pouvoir de prescription, en reconnaissant au professionnel la possibilité de prescrire des produits de santé et des examens médicaux, tout en sécurisant ces notions au regard de l'exercice illégal de la médecine. Ces apports sont nécessaires à l'exercice de leur profession. Je le rappelle, à ce jour, il est impossible aux infirmiers et aux infirmières de prescrire du paracétamol, ce qui est tout bonnement illogique et injustifié compte tenu de leurs compétences.
Il reste impératif, et les rapporteurs ont parfaitement saisi et intégré cet enjeu, que les missions des infirmiers s'exercent toujours en coordination avec le médecin traitant. Reconnaître les compétences des infirmiers, c'est évidemment dégager du temps médical supplémentaire. Pour ce qui concerne certaines maladies chroniques, par exemple, l'infirmier est tout à fait capable d'assurer le suivi des patients et d'orienter vers le médecin traitant en cas de besoin.
Je souhaite aussi préciser – c'est important – que les soins relationnels, qu'il est légitime de reconnaître parmi les missions des infirmiers, n'ont pas été retirés du texte : ils figurent toujours à l'article 1er, avec les soins préventifs, curatifs et palliatifs.
Je me réjouis de l'adoption, par la commission, de mon amendement, identique à un amendement des rapporteurs et d'autres collègues, ayant pour objet d'affirmer l'importance des sciences infirmières, discipline dans laquelle la France souffre d'un retard préoccupant.
La proposition de loi ouvre également la voie à une revalorisation des actes infirmiers, en prévoyant que l'arrêté fixant la liste des actes et soins qu'ils peuvent réaliser donnera lieu à une négociation sur leur rémunération. Il était temps ! Les actes médicaux infirmiers n'ont pratiquement pas évolué depuis 2009. J'espère que cette mesure trouvera rapidement une traduction concrète, c'est-à-dire, comme cela a été récemment annoncé, avant l'été. Revaloriser les actes permet bien sûr de renforcer l'attractivité d'une profession dont nous avons grandement besoin.
Le texte accorde également davantage de reconnaissance à la pratique avancée, en élargissant les lieux d'exercice possibles de cette pratique aux services de protection maternelle et infantile, à la santé scolaire et à l'aide sociale à l'enfance.
Nous avons eu l'occasion de le rappeler à diverses reprises, les IPA représentent un pilier récent mais bien réel de l'accès aux soins de nos concitoyens. Ils sont désormais 3 000 à avoir été formés ; nous devons continuer en ce sens.
La reconnaissance et la revalorisation de la profession d'infirmier que permet ce texte sont une nécessité à l'heure où, malgré les différentes mesures, nous manquons toujours cruellement de médecins dans beaucoup de territoires.
Je partage enfin ce qui a pu être signalé par certains collègues en commission : on peut regretter la multiplication, en très peu de temps, du nombre de propositions de loi sur l'accès aux soins et sur les professionnels de santé, et l'absence d'un texte global qui permettrait de considérer les différentes professions dans leur ensemble. Néanmoins, en l'absence d'un tel projet de loi, il est louable que le Parlement agisse pour l'accès aux soins des Français.
Ce texte ne réglera pas à lui seul la question de l'accès aux soins ni toutes les difficultés des infirmiers et des infirmières, mais il contient des avancées indispensables et concrètes, que nous soutenons évidemment. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant été infirmière libérale pendant plus de trente ans, je défends aujourd'hui avec beaucoup d'émotion cette proposition de loi.
Je souhaite bien évidemment remercier le président de la commission, Philippe Mouiller, ainsi que les rapporteurs, Anne-Sophie Romagny et Jean Sol, de la qualité de leur travail. Je voudrais également rendre très chaleureusement hommage aux infirmières et infirmiers – je salue ceux qui sont présents en tribune – pour la qualité de leurs soins et leur accompagnement moral si précieux, de nuit comme de jour, du lundi au dimanche, de janvier à décembre. Je veux saluer leur courage, leur détermination et leur disponibilité de chaque instant, à tous les moments de la vie. Depuis trop longtemps, ils réclament légitimement une considération et une reconnaissance qui soient à la hauteur de leur profession.
Le texte que nous examinons aujourd'hui était attendu par les 640 000 infirmiers diplômés d'État, qui constituent aujourd'hui, et de très loin, la première profession de santé en France.
Notre pays se singularise, en Europe et par rapport aux pays anglo-saxons, par son retard dans l'adoption des compétences dévolues à la profession infirmière. Le décret d'actes ou décret de compétences, actuellement codifié au sein du code de la santé publique, restreint les possibilités d'action des professionnels.
Ce décret d'actes est une spécificité française : aucun autre pays n'a établi une liste aussi précise limitant les compétences des infirmières, ce qui fait naître de facto le sentiment d'un manque de reconnaissance au sein de la profession infirmière, lequel contribue à la perte d'attractivité du métier. En outre, à ce manque de reconnaissance s'ajoutent des problèmes de rémunération et des conditions de travail trop souvent éprouvantes.
La France doit impérativement reconnaître que les infirmières sont essentielles à la Nation, parce qu'entre le quotidien du terrain et le cadre qui organise leur exercice, il y a un vide juridique où s'épuise une profession pourtant au cœur du système de santé.
L'Assemblée nationale ne s'y est pas trompée en adoptant ce texte à l'unanimité. Or j'ai lu avec amusement que le Sénat avait souvent été frileux pour reconnaître la profession d'infirmière. J'accepte donc volontiers l'augure selon lequel nous allons prouver le contraire à la fin de nos débats d'aujourd'hui.
Cette proposition de loi doit impérativement acter la reconnaissance législative de la consultation infirmière, du diagnostic infirmier et de l'élargissement du droit de prescrire, mais elle doit également sanctuariser plusieurs missions infirmières. Toutefois, il convient d'ajouter une précision essentielle, qui faisait très justement l'objet d'un amendement de l'Assemblée nationale : l'accès direct aux infirmiers pour les soins de premiers secours.
Dans les faits, les consultations infirmières existent déjà – prévention, éducation, soins dispensés pour des maladies chroniques, accompagnement en soins palliatifs –, mais elles dépendent des établissements de santé. Il faut donc une reconnaissance claire et légale de cette pratique.
Le diagnostic infirmier est inscrit dans la réglementation depuis 1993, mais qui s'en souvient ? Il est trop souvent confondu avec le diagnostic médical. Or, je le rappelle, le diagnostic infirmier identifie non pas la maladie, mais les besoins ; il cherche non pas la pathologie, mais une réponse humaine à une situation de santé. Pourquoi donc ne pas admettre la légitimité des diagnostics infirmiers ?
Depuis le 31 mars 2012, la France autorise la prescription infirmière de dispositifs médicaux, de traitements nicotiniques ou de vaccins. Le texte en vigueur est fixé de façon limitative par l'arrêté du 20 mars 2012, publié au Journal officiel le 30 mars de la même année. Pourquoi ne pas permettre des prescriptions ciblées ? Le droit de prescrire dans un cadre bien défini permet de soigner sans délai, comme le rappellent justement de nombreux syndicats infirmiers. À l'heure où nous faisons face à une désertification médicale majeure, les prescriptions ciblées permettraient de désengorger les cabinets médicaux et d'éviter certaines hospitalisations.
Si certains se posent encore des questions sur cette proposition de loi, je tiens à les rassurer : non, ce texte ne remédie en aucun cas au manque de médecins ; cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant… Son seul objectif est de renforcer le statut des infirmières, d'élargir leurs compétences et de leur donner la reconnaissance que mérite leur profession.
Je veux aborder, pour finir, le problème de l'accès direct aux infirmières, qui est très limité aujourd'hui. L'accès direct désigne la faculté pour les patients de consulter un professionnel de santé et d'obtenir un remboursement par l'assurance maladie sans qu'une prescription médicale soit nécessaire.
Dans les territoires en tension, l'accès direct aux soins infirmiers est souvent la seule porte d'entrée pour le patient. Cette proposition de loi doit reconnaître cette réalité, c'est une mesure de justice sociale autant que de santé publique.
Mes chers collègues, le cadre législatif de la profession d'infirmier est obsolète. Il faut le transformer en profondeur. Les infirmiers ne demandent pas plus de tâches ; ils demandent plus de sens dans leur métier. Ils veulent sortir de l'ombre juridique, ils veulent que l'on reconnaisse leurs compétences, ils veulent enfin que l'on sécurise leurs actes.
Toujours infirmière dans le cœur, je voterai pour cette proposition de loi, afin de redonner de l'éclat à cette noble profession. Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les infirmiers présents en tribune, tous les anges n'ont pas d'ailes, mais beaucoup ont des blouses blanches… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui représente un tournant historique pour la profession infirmière, celle-là même qui, quotidiennement, incarne la proximité, la compétence et l'humanité de notre système de santé.
Adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ce texte est attendu depuis près de deux ans par des professionnels confrontés à un mal-être profond et à une perte d'attractivité alarmante. Selon l'ordre national des infirmiers, près de 20 % des professionnels envisagent de quitter la profession dans les prochaines années, signe tangible d'un désenchantement qu'il nous appartient de combattre ici et maintenant.
Face au vieillissement de la population, à la flambée des maladies chroniques et à l'extension des déserts médicaux, notamment dans les zones rurales et dans nos territoires outre-mer, il devenait indispensable de redonner à nos infirmiers les moyens juridiques et professionnels d'agir à la hauteur de leurs compétences.
Les chiffres sont éloquents : à l'horizon de 2050, la France comptera près de 22 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, soit près d'un tiers de sa population, ce qui rend l'action des professionnels infirmiers plus essentielle que jamais.
Oui, cette profession, première par ses effectifs, avec près de 600 000 membres en exercice en France, dont 87 % de femmes, et une croissance estimée à 37 % d'ici à 2050, est le socle invisible, mais indispensable, de l'accès aux soins. Pourtant, elle demeurait enfermée dans un cadre juridique obsolète, hérité d'un décret d'actes strictement limitatif et figé par le principe de monopole médical.
À ce titre, le présent texte comporte plusieurs avancées majeures, que je tiens à saluer.
D'abord, je me réjouis de la refonte complète du socle législatif de la profession. Pour la première fois, la loi reconnaîtra directement les missions clefs des infirmiers : réalisation de soins curatifs, palliatifs et relationnels, prévention, conciliation médicamenteuse, surveillance clinique, suivi du parcours de santé, formation et recherche en sciences infirmières.
Ensuite, l'introduction de la consultation infirmière et du diagnostic infirmier, fondée sur une démarche autonome d'analyse des besoins du patient, représente une reconnaissance pleine et entière de leur expertise clinique, sans confusion avec le diagnostic médical, mais en complémentarité intelligente avec les autres professions de santé.
Par ailleurs, le texte ouvre et organise de nouveaux droits de prescription, renforçant ainsi la capacité des infirmiers à intervenir rapidement et efficacement, en particulier dans les territoires où l'accès aux médecins est difficile. Aujourd'hui, seuls 16 % des infirmiers exercent en libéral ; or cette part pourrait atteindre 25 % d'ici à 2050, ce qui implique de donner plus d'autonomie à cette profession, afin de répondre aux besoins des territoires.
Cette refonte ambitieuse ne se limite pas au métier socle. Elle accompagne également l'essor de la pratique avancée, en élargissant les terrains d'exercice aux structures de protection maternelle et infantile, à la santé scolaire et à l'aide sociale à l'enfance.
En outre, elle amorce, la reconnaissance tant attendue d'une pratique avancée adaptée aux spécialités infirmières, telles que les Iade et Ibode, qui représentent près de 30 000 professionnels hautement qualifiés.
L'expérimentation de l'accès direct dans certains territoires, notamment en outre-mer, constitue un autre progrès majeur. Permettre aux infirmiers, à certaines conditions rigoureuses, de prendre en charge directement des patients sans prescription médicale préalable, dans leur champ de compétences, c'est faire confiance à leur expertise, tout en fluidifiant les parcours de soins. À titre d'exemple, en Nouvelle-Calédonie, 48 % des communes sont en situation de désert médical, ce qui illustre l'urgence qu'il y a à avancer vers ces dispositifs innovants.
Enfin, cette réforme prend en compte les réalités humaines de ce métier pénible : en prévoyant une évaluation adaptée en cas d'interruption prolongée d'exercice, ce texte valorise les compétences acquises tout en sécurisant la reprise d'activité, notamment dans une profession largement féminisée, où les interruptions de carrière sont fréquentes.
Il nous faut le reconnaître, cette réforme est une belle avancée. Elle conforte la place incontournable des infirmiers dans notre système de santé et renforce l'attractivité de leur métier. En outre, elle offre une respiration aux territoires, en particulier aux zones rurales et ultramarines, où l'autonomie de compétences est une nécessité vitale pour garantir un accès équitable aux soins.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants salue l'esprit de responsabilité qui a présidé à l'élaboration de ce texte, ainsi que le brillant travail de son auteur, Mme la députée Nicole Dubré-Chirat. Nous voulons croire que ce texte connaîtra le même sort au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Naturellement, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Corinne Bourcier, Nadia Sollogoub et Christine Bonfanti-Dossat applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s'inscrit dans le cadre d'une forte actualité médicale avec l'examen par le Parlement de deux textes sur l'accès aux soins et d'un autre sur la sécurité des professionnels de santé et une importante mobilisation dans la rue et dans les médias.
Traduisant une préoccupation tout aussi légitime, ce texte vise à une reconnaissance plus juste des compétences des infirmiers, à une modernisation et à une sécurisation du cadre de leur exercice et à un renforcement de l'attractivité de la profession.
De manière plus large, cette proposition de loi doit être perçue comme concourant à transformer globalement notre système de soins et non pas exclusivement à fournir un remède à la carence de médecins, car un professionnel ne remplacera jamais l'autre. Le nombre de sollicitations reçues ces derniers jours démontre les attentes de toute la profession infirmière, tout comme les inquiétudes quant à une déstructuration du parcours de soins, rendant nécessaire de clarifier les rôles de chacun.
Quelque 600 000 infirmiers sont en activité en France : avec une démographie particulièrement dynamique, c'est le plus grand vivier de professionnels de santé de notre pays. Il se heurte toutefois à plusieurs réalités : déséquilibre dans la répartition territoriale, 60 000 postes vacants dans les établissements de santé et 40 % des infirmières quittant la profession dans les dix ans suivant l'obtention de leur diplôme. Surtout, cette dynamique ne suffit déjà pas à répondre à l'évolution des besoins, alors que 21 % de la population a plus de 65 ans et que 10 millions de Français sont en affection de longue durée.
Dans ce contexte, des évolutions sont nécessaires. Le groupe RDSE a toujours défendu la montée en compétences des infirmiers et considère qu'il est effectivement grand temps de revoir notre base législative, au regard du décret obsolète de 2004 et de ses mises à jour successives ayant engendré une forme d'instabilité du statut, inadapté à la réalité du métier.
L'article 1er tend à préciser le cadre d'exercice de la profession et à introduire deux nouvelles notions jusqu'ici réservées au champ médical : la consultation infirmière et le diagnostic infirmier. Il vise aussi à autoriser la prescription de certains produits de santé ou d'examens complémentaires, dans le domaine de compétences des infirmiers, et l'accès direct pour les soins de premier recours.
Notre groupe se déclare sans réserve en faveur de la rédaction adoptée en commission, qui insiste sur la coordination avec les autres professionnels de santé dans les structures les plus intégrées, rétablit la consultation de l'Académie nationale de médecine et inscrit la recherche en sciences infirmières parmi les missions fondamentales de la profession.
Nous partageons avec enthousiasme les mesures en faveur des IPA, leur permettant d'exercer dans des services de PMI, de santé scolaire ou d'aide sociale à l'enfance, ainsi que l'ouverture à la pratique avancée pour les infirmiers spécialisés. En effet, certains secteurs comme la santé au travail et la médecine scolaire souffrent particulièrement. Allant dans le sens de la proposition de résolution sur la santé mentale des jeunes que mon groupe a fait adopter, la présence d'IPA en milieu scolaire aidera à la détection des troubles et à l'orientation médicale des jeunes, dont l'état de grande souffrance psychique est connu.
Toutefois, j'émettrai des réserves sur l'article 1er quater, qui crée une expérimentation d'accès direct aux infirmiers « pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre ». Celle-ci me paraît précipitée. Pour effectives qu'elles soient, les nombreuses mesures législatives et réglementaires dans le domaine de la santé requièrent à présent une déclinaison sur le terrain, avec des changements de pratique, voire d'état d'esprit, ce qui peut prendre du temps. J'en veux pour preuve le travail qui reste à réaliser en matière de déploiement des IPA en libéral ou encore de leur arrivée effective dans les services de santé au travail.
On dénombre 14 000 infirmiers puériculteurs, soit 2 % des effectifs infirmiers. À la suite de notre rapport au nom de la mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, Annick Jacquemet et moi-même défendons la création d'une nomenclature des actes des puéricultrices, notamment pour les structures de PMI, où ces professionnelles sont particulièrement actives et dont le modèle économique est fragile. L'effondrement des indicateurs de santé périnatale contraint le législateur à apporter des réponses urgentes.
Je défendrai également un amendement visant à reconnaître les exercices spécialisés se fondant sur un niveau master, notamment pour les perfusionnistes, dont les compétences doivent être identifiées comme telles.
Monsieur le ministre, je me permets un pas de côté pour vous sensibiliser en quelques mots à la situation des territoires frontaliers, qui subissent une double peine. Il est impératif de mieux prendre en compte leurs spécificités : intégration de la concurrence frontalière au coefficient géographique des établissements de santé – j'ai fait adopter un amendement en ce sens lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025 – ou encore meilleure coopération transfrontalière dans le domaine de la formation des infirmiers. Sur ces sujets, nous avons vraiment besoin de vous.
Au bénéfice de toutes ces remarques et malgré la réserve sur l'accès direct hors champ de compétences, le groupe RDSE soutiendra ce texte qui constitue une avancée bienvenue pour la profession d'infirmier, mais dont la réussite dépendra de la capacité à répondre aux préoccupations exprimées et à en assurer une mise en œuvre concertée et équilibrée sur le terrain, dans le respect des compétences de chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. François Patriat et Mme Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.)
Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues : « infirmiers en colère », voilà un cri devenu familier. Non seulement il se lit sur les pancartes, mais il s'entend dans les maisons, les hôpitaux, les cabinets et les campagnes. Les infirmiers vont mal et nul ne peut faire semblant de l'ignorer.
Face à la désertification médicale, au vieillissement de la population, à l'insuffisance de l'offre de soins et à l'éloignement des structures spécialisées ou d'urgence, la profession infirmière se retrouve en première ligne. Une pression croissante s'exerce sur elle, sans qu'elle soit accompagnée d'une véritable reconnaissance.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui suscite des espoirs chez les soignants comme chez nos concitoyens, qui soutiennent massivement les infirmiers. Elle vise à clarifier un cadre professionnel en pleine évolution.
Il faut toutefois poser les choses clairement : il n'est pas question ici d'une revalorisation des actes, qui relève des négociations conventionnelles. De fait, hormis un calcul plus cohérent des indemnités kilométriques, le texte ne modifie pas la rémunération. Il a pour objet de clarifier, de sécuriser et de reconnaître.
Les missions infirmières visées dans cette proposition de loi ne sont pas nouvelles. Elles sont déjà enseignées, pratiquées et encadrées par décret. Jusqu'à présent, ce cadre réglementaire suffisait à leur légalité. Mais aujourd'hui, les auteurs de ce texte veulent apporter des réponses face à une réalité : celle d'un exercice devenu précaire, confus, voire même méprisé.
La question est donc simple : ce texte apportera-t-il enfin une vraie reconnaissance à une profession experte, autonome et essentielle ? Permettra-t-il un changement de culture au sein du système de santé ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit : sortir d'une logique hiérarchique rigide pour entrer dans une dynamique de coopération entre professions.
La notion d'exercice coordonné doit être pleinement assumée. Elle est une réponse adaptée aux besoins des patients, niais elle peut aussi susciter des craintes. En précisant le périmètre des prescriptions, des diagnostics et de la recherche, nous ne remettons pas en cause la compétence médicale, nous sécurisons l'exercice de la profession d'infirmier ; nous ne créons pas de concurrence, nous construisons des synergies.
La pratique avancée, si souvent mal comprise, ne doit plus être perçue comme un glissement des tâches imposé par la pénurie. C'est une évolution naturelle, rationnelle, qui doit reposer sur un cadre clair et partagé, un cadre qui servira les soignants et, d'abord, les patients.
Un point particulier mérite d'être souligné : la situation des infirmiers libéraux. Ils sont bien souvent les derniers professionnels de santé présents à domicile. Ils jouent un rôle central dans la prévention comme vigiles du cadre et des habitudes de vie, des observances de traitement et des fragilités.
Pourtant, force est de constater que cette prise en charge globale des patients est en décalage avec la cotation des actes, dont beaucoup sont exécutés gratuitement, par déontologie et par humanisme. Les professionnels ressentent une grande défiance face à une administration qui s'appuie sur un cadre théorique traduisant trop l'ignorance de la réalité de leur exercice. Ces incohérences se répercutent sur leur quotidien et ils se sentent sans recours.
Le métier d'infirmier libéral ne se résume certes pas à une série d'actes, mais il ne peut continuer à être exercé selon une logique binaire, les actes payés devant compenser le temps passé sur des missions non valorisées. Des dispositifs forfaitaires existent pour mieux prévoir la prise en charge globale de patients dépendants. Je pense, par exemple, au bilan de soins infirmiers, qui doit être établi dans une relation partenariale avec le prescripteur, mais qui reste peu opérationnel, car chronophage. La vraie vie, comme toujours, entre difficilement dans les cases d'un acte administratif.
Cette proposition de loi ne résoudra pas tout, mais elle est une étape, un signal. Je veux profiter de cette tribune, comme élue d'un territoire rural, pour souligner que le malaise des infirmiers ne s'apaisera que si les conditions concrètes de l'exercice de leur métier sont enfin prises en compte, de manière réaliste et supportable. La colère des infirmiers est notre échec collectif. Il est temps pour le Sénat de l'entendre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi sur la profession d'infirmier est consensuelle, tant notre pays sait le rôle central joué par celles et ceux qui exercent ce métier : en témoignent les 146 cosignataires du texte à l'Assemblée nationale, provenant de huit groupes parlementaires différents, et son adoption unanime – fait assez rare pour être souligné. Cela ne doit pas nous interdire, tout aussi collectivement, de l'améliorer encore en répondant aux attentes des principaux intéressés, à savoir les infirmières et les infirmiers.
Au nombre de 637 000 dans notre pays, les infirmiers, le plus souvent des infirmières, constituent la première profession de santé. Ils connaissent une mutation profonde de leurs missions depuis des années, sans pourtant bénéficier de la reconnaissance équivalente et, surtout, d'une revalorisation de leurs rémunérations.
Le salaire des infirmières en France était inférieur en 2020 à celui de leurs homologues tchèques et polonaises. L'enjeu est donc important : il faut aller plus loin que les mesures du Ségur de la santé, en revalorisant tant les actes de ville, qui n'ont pas fait l'objet d'une revalorisation significative depuis 2009, que le point d'indice de la fonction publique hospitalière et en revoyant la grille hospitalière, désormais obsolète.
De surcroît, les politiques d'austérité et les difficultés que connaissent les Ehpad ont entraîné une dégradation généralisée des conditions de travail, qui a conduit à une pénurie de professionnels, renforçant la pression sur chacun d'entre eux ainsi que la perte de sens. Cette revalorisation indispensable doit être la prochaine étape, monsieur le ministre ; à défaut, l'espoir suscité par cette proposition de loi laissera place à l'amertume et à la colère.
Le présent texte permet de définir le métier et les missions d'infirmier dans toute leur étendue, de créer une consultation et un diagnostic infirmiers et d'autoriser la prescription par ces professionnels de certains produits de santé et examens médicaux. Il tend également à modifier les conditions d'exercice de la pratique avancée, qui connaît de nombreux freins depuis sa création en France en 2016, en l'ouvrant notamment aux services de protection maternelle et infantile, à la santé scolaire et à l'aide sociale à l'enfance.
Toutefois, la définition de la pratique avancée – les infirmiers sont nombreux à l'avoir souligné – reste très catégorielle. De surcroît, elle ne permet pas de reconnaître les infirmiers de spécialité qui exercent d'ores et déjà en pratique avancée, tels que les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État, les infirmiers anesthésistes diplômés d'État ou encore les puériculteurs. Plutôt que d'autoriser ces infirmiers à la pratique avancée, avec le risque de dissoudre les professionnels de spécialité dans la catégorie des IPA, il serait plus judicieux de renforcer les spécialités en leur reconnaissant la pratique avancée. Je pense que nos débats en séance permettront d'avancer sur ce point.
Il est nécessaire aussi de reconnaître de nouvelles spécialités : infirmier de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, perfusionniste ou infirmier hygiéniste. Je pense aussi aux infirmiers psychiatriques : beaucoup d'acteurs de la santé mentale ont exprimé le grand regret que cette spécialité n'existe plus, lors des auditions menées par MM. Sol, Chasseing, et moi dans le cadre de la mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19. Ces acteurs nous ont assuré, de manière très large, à quel point l'abandon de cette spécialité a été une grave erreur.
M. Jean Sol, rapporteur. C'est vrai.
Mme Céline Brulin. Malheureusement, les amendements visant à créer ou à recréer ces spécialités infirmières ont été retoqués au titre de l'article 40 de la Constitution.
Enfin, concernant les IPA, le Gouvernement ne pourra faire l'économie d'interroger le modèle économique retenu et le coût de la formation, qui expliquent la trop faible montée en puissance de cette pratique. La logique de coordination et de complémentarité doit remplacer la logique de transfert des actes répétitifs délaissés par les médecins. Nous avons conscience des résistances, mais l'urgence est là.
Pour conclure, je tiens à évoquer l'accès aux études d'infirmier, pour lequel Parcoursup montre sa totale inadaptation, et les conditions de cette formation. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les étudiants en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) étaient en 2021 trois fois plus nombreux à abandonner en première année qu'en 2013. Selon l'Enquête bien-être de 2025 de la Fédération nationale des étudiant.e.s en sciences infirmières, sept étudiants sur dix ont déjà pensé à arrêter la formation, à cause des conditions de stage dans 42 % des cas, de difficultés lors de la formation théorique ou en raison d'enjeux financiers.
Ces difficultés illustrent qu'un autre chantier doit commencer. En attendant, le groupe CRCE – K votera en faveur de ce texte que nous améliorerons encore – j'en suis convaincue – en séance. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « toutes les femmes, ou du moins presque toutes les femmes, en Angleterre, à une époque quelconque de leur vie, sont appelées à veiller sur la santé de quelqu'un, soit enfants, soit adultes, malades, ou valétudinaires ; en un mot, toute femme est naturellement destinée à devenir garde-malade.
« Chaque jour, les notions de l'hygiène, l'art de soigner les malades, le secret de fortifier la constitution, de façon à prévenir les maladies, ou de les guérir, quand on n'a pu les prévenir, prennent une plus grande importance.
« Bien entendu que cette science, qu'il est de notre devoir d'acquérir, est entièrement distincte de la science médicale, qui appartient exclusivement à la profession de médecin. »
Ainsi écrivait la célèbre infirmière britannique Florence Nightingale en 1860, dans un ouvrage pionnier des soins infirmiers. Depuis cette définition d'un autre siècle, deux évolutions doivent attirer notre attention.
En premier lieu, la vision essentialiste de la femme comme « garde-malade » naturelle n'est bien heureusement plus d'actualité, même s'il reste encore beaucoup à faire pour mieux partager la charge du care entre les femmes et les hommes.
En second lieu, la nurse de Nightingale, terme traduit en français en 1862 par « garde-malade », s'est professionnalisée et est devenue infirmière ou infirmier.
Alors que chaque année le Sénat examine des propositions de loi relatives aux médecins, mon groupe regrette que les autres professions de santé ne bénéficient pas d'une telle reconnaissance. Je pense aux aides-soignantes, aux auxiliaires de vie, aux ambulanciers, aux kinésithérapeutes et, bien entendu, aux infirmières et infirmiers. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires accueille ainsi avec intérêt la proposition de loi sur la profession d'infirmier, même si, malheureusement, monsieur le ministre, je regrette que nous n'examinions pas un projet de loi.
Nous savons à quel point les infirmières et les infirmiers mènent un travail essentiel pour la santé de nos concitoyennes et concitoyens. Avec ce texte, nous reconnaissons en eux des acteurs majeurs de notre système de santé, les considérant non plus comme des auxiliaires des médecins, mais comme des professionnels à part entière, dotés de rôles propres et qui coopèrent dans leur domaine avec les autres professionnels du secteur. À ce titre, il est plus que temps de créer des passerelles entre les professions infirmières et médicales. Une note de législation comparée a été réalisée à ma demande sur ce sujet ; il me semble crucial de continuer un tel travail.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient l'évolution des missions des infirmières et des infirmiers demandée par la profession, en particulier la création de consultations infirmières. Mais disons-le tout de suite : cette reconnaissance par la loi devra s'accompagner d'une reconnaissance salariale substantielle. Les principaux actes infirmiers en ville n'ont pas été revalorisés depuis 2009 quand la rémunération des intéressés à l'hôpital reste bien en dessous des standards internationaux : nous comptons sur le Gouvernement pour lancer une négociation salariale.
Je souhaite revenir sur trois enjeux, qui justifient les amendements que nous avons déposés sur ce texte.
D'abord, chacune et chacun doit devenir acteur de sa propre santé. À ce titre, les professionnels ont un rôle essentiel à jouer pour la démocratie sanitaire. Si cette proposition de loi entérine le rôle des infirmiers dans l'éducation thérapeutique, mon groupe proposera d'y associer les usagers du système de santé.
Ensuite, face au vieillissement de la population, nous devons reconnaître le travail des infirmiers en matière de prévention de la perte d'autonomie. Nous proposerons d'amender le texte en ce sens.
Enfin, les besoins de santé de la population imposent de reconnaître de nouvelles spécialités infirmières, avec une formation adaptée, en complément de la pratique avancée et des spécialités existantes. Je pense à l'exercice en milieu scolaire, à la santé au travail, à la santé environnementale et à la santé mentale. Alors que cette dernière a été reconnue grande cause nationale, mon groupe propose d'y consacrer de nouveau – j'y insiste – une spécialité infirmière spécifique. Ce n'est ni plus ni moins qu'une urgence de santé publique !
Pour conclure, je précise que le Sénat a déjà été largement alerté sur les enjeux de la formation infirmière. Nos débats nous permettront d'en discuter et j'attends de votre part, monsieur le ministre, une attention soutenue sur ce point. Il reste bien des questions à traiter pour la profession. Mon groupe espère que ce texte permettra de répondre utilement à certaines d'entre elles, dans l'attente d'un projet de loi. (MM. Yannick Jadot et Daniel Chasseing applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier tout d'abord les rapporteurs, pour la qualité de leurs auditions, et celles et ceux qui y ont participé et dont certains se trouvent aujourd'hui en tribune.
Depuis plusieurs années maintenant, les propositions de loi se succèdent pour réorganiser à la marge notre système de soins. Cette approche incrémentale ou par superposition ne permet pas de répondre aux défis immenses auxquels fait face la santé dans notre pays. Devant les difficultés d'accès aux soins, au vieillissement de la population, à la hausse de la mortalité infantile et au malaise de nos soignants, en particulier à l'hôpital, le législateur ne peut se contenter de procéder par petites touches. Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain attendent du Gouvernement un projet de grande loi Santé, qui permette d'avoir une vision d'ensemble de notre système de soins et de le réorganiser en profondeur.
La présente proposition de loi vise à mieux reconnaître la profession d'infirmier. Piliers de notre système de soins dans le contexte si difficile que la France connaît, les infirmiers constituent la première profession paramédicale de notre pays, avec 600 000 professionnels, dont environ 20 % en libéral.
Sans doute faudrait-il plutôt parler d'infirmières, puisque 87 % des infirmiers sont des femmes. Chaque jour, elles et ils sont aux côtés des patients pour les soigner et les accompagner. Bien souvent, les infirmières sont les derniers professionnels de santé à se rendre encore au domicile des patients. Dans le cadre du vieillissement de la population et de la gestion de la perte d'autonomie, leur rôle est plus que jamais essentiel. Il nous faut donc les reconnaître et je tiens à saluer toutes les infirmières et tous les infirmiers de notre pays.
Cette proposition de loi apporte des évolutions attendues depuis plusieurs années par les intéressés.
Reconnaître la profession d'infirmier n'est pas simplement un enjeu abstrait : il y va de la pérennité de notre système de soins. Dans une étude de décembre dernier, la Drees montrait la progression plus rapide des besoins en soins infirmiers que des effectifs. Si nous n'agissons pas, il manquera 80 000 infirmières en 2050 pour couvrir les besoins de la population.
Reconnaître la profession c'est d'abord arrêter de la définir au travers d'un décret d'actes. La France est le seul pays à définir de façon aussi précise, par un acte administratif qui n'a pas été révisé depuis 2004, ce que peuvent ou ne peuvent pas faire les infirmières. Un tel mode de fonctionnement est inadapté aux évolutions du système de soins. Il faut réviser le cadre légal de la profession. Le texte que nous examinons tend à structurer cette dernière autour de missions socles et à acter un champ de compétences propre aux infirmiers – il faut le saluer.
Surtout, la proposition de loi leur permet d'effectuer des consultations infirmières et de poser des diagnostics infirmiers. La recherche en sciences infirmières est également consacrée. Il s'agit non pas d'empiéter sur l'activité des médecins, mais de reconnaître des compétences spécifiques que les infirmières mettent déjà en œuvre.
Le diagnostic infirmier existe dans le décret d'actes depuis 1993. Il s'agit pour l'infirmier non pas d'identifier une pathologie, mais d'analyser les besoins du patient et les risques auxquels il est confronté dans sa situation de santé. Ce diagnostic est bien délimité. Pratiqué depuis longtemps, il est temps de l'inscrire enfin dans la loi.
Quant à la consultation infirmière, elle se pratique déjà de façon informelle. La reconnaître, c'est permettre aux 600 000 infirmières et infirmiers de notre pays d'exercer pleinement leurs missions de prévention et d'éducation thérapeutique et de jouer leur rôle propre.
Depuis 2016, les infirmières ont la possibilité de se former pour exercer en pratique avancée, grâce à une formation de niveau master et à un champ de compétences élargi. Au travers du texte qui nous occupe, il est également proposé de permettre l'exercice en pratique avancée pour les infirmières spécialisées : infirmières anesthésistes diplômées d'État, infirmières de bloc opératoire diplômées d'État et puéricultrices. Cette évolution permettrait de reconnaître les compétences spécifiques de ces spécialités et de leur offrir une autonomie dans leur pratique.
Les infirmières spécialisées nous ont néanmoins fait part de la nécessité impérieuse de préserver la spécificité de leur métier et de leurs conditions de formation et d'exercice. Il nous faut leur permettre d'exercer avec un statut adapté à chacune de leurs spécialités. Pour ce qui concerne les puéricultrices, cela devra également passer, comme elles le demandent, par la réingénierie de leur formation, pour la porter à deux ans.
Reconnaître les infirmières passe aussi par une rémunération à la juste mesure de leurs compétences – la France se situe en effet dans le bas du classement des pays de l'OCDE en la matière – et des conditions d'exercice pérennes. Limités par le cadre d'une proposition de loi, nos collègues de l'Assemblée nationale ont inscrit dans le texte le principe de la tenue de négociations conventionnelles lors de la modification des compétences des infirmiers. C'est une première étape.
Surtout, il faudra s'intéresser aux conditions de travail. La crise du covid-19 a mis en lumière la forte pénibilité de ce métier, qui induit des ports de charges lourdes, des postures pénibles et, souvent, des horaires étendus. Selon une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) de décembre dernier, 55 % des infirmières estiment ne pas pouvoir exercer jusqu'à la retraite. Lorsqu'elles arrivent à la retraite, elles sont 20 % à être en invalidité.
Le législateur doit avancer sur ces sujets, tant pour prévenir les facteurs de pénibilité que pour compenser ceux qui sont inhérents à la profession.
Les difficultés rencontrées par les infirmières sont aussi celles de notre système de soins. Nous le savons, la situation est grave : 87 % du territoire métropolitain est classé comme désert médical et 6 millions de nos concitoyens n'avaient plus de médecin traitant l'année dernière. À l'hôpital, les conditions de travail sont dégradées, le sous-effectif chronique et le manque de moyens constant.
S'il faut absolument reconnaître la profession d'infirmier, il faut également rester vigilant sur les compétences de chacun. Mon groupe ne souhaite pas placer les infirmiers dans une situation de risque moral et juridique en leur confiant des tâches qu'ils ne veulent pas assumer. L'accès direct ne doit pas être une rustine : il ne faut pas, face à la pénurie de personnel médical, remplacer les médecins par des infirmiers au risque de désorganiser les parcours de soins. Ce sont alors les patients qui en paieraient le prix. Il ne s'agit pas de mettre en place une médecine à deux vitesses.
La présente proposition de loi vise ainsi à inclure les infirmières dans la permanence des soins. Cette mesure peut être utile, à condition que cela se fasse en coordination avec un médecin. Surtout, cela ne permettra pas de régler la question de la faible implication des médecins dans cette mission de santé publique : seuls 38 % des généralistes y participent, contre 73 % en 2012.
Mon groupe est convaincu que la réponse aux difficultés actuelles se trouve dans l'exercice coordonné et pluriprofessionnel. Les centres de santé, les maisons de santé et les équipes de soins primaires, première étape de la coordination autour d'un projet de santé en équipe pluriprofessionnelle, sont les seuls à pouvoir rendre un temps médical de qualité aux patients. C'est dans ces structures que se trouve l'avenir de notre système de soins et dans ce cadre que doit s'organiser l'accès direct.
Les infirmières en pratique avancée ont parfaitement leur place à l'hôpital, en hémato-oncologie, en néphrologie pour le suivi de greffe et en médecine d'urgence. Elles sont pleinement à leur place également au sein d'une équipe pluriprofessionnelle en matière de santé mentale et de suivi des pathologies chroniques stabilisées. Elles permettent une véritable amélioration du suivi des patients et de la qualité des soins lorsqu'elles s'inscrivent dans un projet de santé coconstruit au sein d'une équipe. En revanche, nous sommes défavorables à l'exercice isolé en accès direct.
Enfin, nous proposons la création d'une quatrième année de formation pour les infirmiers. Cette année supplémentaire permettrait à la France de s'aligner enfin sur les standards européens, qui exigent 4 600 heures de formation, contre 4 200 dans notre pays. La formation des infirmières françaises est déjà particulièrement dense et exigeante et connaît un fort taux d'abandon en cours de formation, passé de 11 % en moyenne entre 2013 et 2019 à 20 % actuellement.
Si mon groupe est convaincu de la nécessité de cette quatrième année, son articulation avec les diplômes de spécialités infirmières et la pratique avancée reste à préciser. Pour cette raison, nous nous limitons à demander un rapport sur cette quatrième année de formation.
Cette proposition de loi va dans le bon sens et marque une étape importante dans l'évolution de la profession. Mon groupe, tout en restant vigilant et en s'attachant à préserver la cohérence des parcours de soins, y sera favorable. (M. Bernard Jomier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier nos rapporteurs, qui ont travaillé d'arrache-pied pour aboutir à un texte globalement équilibré, qui satisfait les principaux intéressés.
Notre modèle de santé, à bout de souffle, m'amène à souligner l'utilité de cette proposition de loi sur la profession d'infirmier, non seulement comme réponse aux défis immédiats de notre système, mais aussi comme fondation d'une vision à long terme pour faire face, dans les prochaines décennies, à un vieillissement sans précédent de notre population.
Dans tous nos territoires, l'urgence est palpable : multiplication des déserts médicaux, tensions liées à la pénurie de soignants. Au sein des hôpitaux, la profession d'infirmier subit, encore et toujours, un système qui rationalise à outrance, là où le temps compté est devenu le maître-mot ; or notre hôpital doit offrir à chaque soignant la possibilité de s'adapter en permanence à son patient.
Cette crise structurelle est aggravée par d'autres facteurs. Le volet de la formation ne contribue malheureusement pas à renforcer l'avenir de la profession. L'accès aux études en soins infirmiers, via Parcoursup, est inadapté et décourage les candidats. Les abandons en cours de cursus sont très préoccupants.
Dans mon département des Alpes-Maritimes, des centres hospitaliers et un grand nombre d'Ehpad, pour ne citer que ce type d'établissements, n'ont pas manqué de me signaler l'hémorragie d'étudiants qui aggravera la pénurie de soignants.
En nourrissant l'objectif de mieux reconnaître l'expertise du métier d'infirmier, son caractère désormais structurant dans le parcours de soins et les missions exercées, ce texte vise à apporter des améliorations au statut de la profession.
Nous franchissons ainsi une étape importante, qui en appelle nécessairement d'autres. La proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, déposée par notre collègue Philippe Mouiller et que nous examinerons bientôt, s'inscrit dans cet esprit. Le Gouvernement s'en est d'ailleurs inspiré pour partie, ce qui ouvrira – je l'espère – d'autres débats, dont celui de l'épanouissement des soignants au travail.
Repenser les modèles d'organisation des soins, favoriser une véritable collaboration interprofessionnelle, où les compétences de chaque acteur sont pleinement reconnues et exploitées, sont les piliers d'une réforme structurelle dont notre système de santé a tant besoin pour répondre aux nouveaux usages et aux attentes des professionnels ainsi que pour garantir un parcours de soin de qualité, fluide, au plus près des patients.
Il est essentiel de nourrir une vision prospective de la profession d'infirmier, qui tienne compte de ces évolutions.
La digitalisation croissante de la santé, le développement de la télésanté, la prévention, l'éducation thérapeutique sont autant de domaines où les infirmiers ont un rôle majeur à jouer. Cela implique d'adapter leurs formations initiales et continues, d'encourager le tutorat, qui est malmené, ou encore de prendre des mesures incitatives afin d'encourager les étudiants à s'installer dans les déserts médicaux.
Ces derniers, monsieur le ministre, sont d'ailleurs tenus à bout de bras par des infirmiers libéraux – que je soutiens ! Je suis sensible à ceux qui exercent en zone rurale, au chevet des Français, maillons forts et indispensables du parcours de soin. Ce sujet fait partie de mes engagements les plus constants depuis le début de mon mandat.
Je suis d'ailleurs honorée de défendre, à l'occasion de l'examen de ce texte, un amendement visant à clarifier la définition de la notion d'agglomération dans le calcul des indemnités kilométriques, qui a reçu un avis favorable de la commission.
En somme, cette proposition de loi a le mérite de mettre des mots sur des situations de vie et des situations d'exercice importantes pour les infirmiers, qu'il s'agisse de l'autonomie ou de la reconnaissance et de la pénibilité de leur métier et de leurs compétences.
Il nous appartient désormais de soutenir ces professionnels de santé pour investir dans la santé de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la vie exige qu'on aille de l'avant, qu'en gardant du passé ce qu'il a de précieux, on persévère dans l'effort vers l'avenir ». Ces mots de Léonie Chaptal, grande figure de l'histoire infirmière, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, trouvent aujourd'hui un écho tout particulier.
Le texte de reconnaissance que nous nous apprêtons à adopter est fidèle à cet esprit : il consacre ce que la profession infirmière a construit de précieux au fil du temps et ouvre la voie à un avenir plus juste et plus clair pour les soignants comme pour les patients.
Le terme même d'« infirmier », du latin infirmus, « celui qui est faible, vulnérable », nous rappelle que cette profession est entièrement tournée vers la fragilité humaine. De la guerre de Crimée à la crise du covid, en passant par les hôpitaux de fortune de la Grande Guerre ou l'engagement dans la Résistance, les infirmiers ont toujours été là, en première ligne, aux côtés des plus vulnérables.
Pourtant, sur le plan législatif, leur reconnaissance était restée elle-même « vulnérable ». Ce texte vient y remédier : il vise ainsi à ériger enfin un socle législatif propre à la profession d'infirmier diplômé d'État, définie non plus seulement en regard d'autres professions médicales, mais comme regroupant des acteurs de santé à part entière.
L'article 1er vise à redéfinir les missions infirmières autour de cinq axes fondamentaux : les soins curatifs et palliatifs, la prévention, l'éducation thérapeutique, la coordination des parcours, la formation des pairs et la recherche en sciences infirmières.
Cette reconnaissance, unanimement attendue par la profession, est également accueillie avec enthousiasme par le Parlement. Je tiens à saluer ici le travail de nos rapporteurs, Jean Sol et Anne-Sophie Romagny, ainsi que celui de la députée Nicole Dubré-Chirat, à l'origine de cette proposition de loi.
Depuis Léonie Chaptal, et même depuis le cadre réglementaire posé en 2004, la profession a profondément évolué. Le texte acte une réalité déjà vécue par les infirmiers : une montée en compétences significative, assortie d'une autonomie accrue.
Celle-ci se traduit concrètement par trois avancées majeures : l'inscription dans la loi de la consultation infirmière, la reconnaissance du diagnostic infirmier et l'ouverture à une capacité de prescription autonome.
Les infirmiers en pratique avancée (IPA) voient également leur rôle consolidé, en particulier dans les soins de premier recours. L'article 1er bis vise à les intégrer explicitement aux côtés des médecins traitants, tout en précisant les conditions de l'accès direct, limité aux actes relevant du rôle propre de l'infirmier.
L'article 2, quant à lui, vise à étendre les lieux d'exercice des IPA en santé scolaire, en matière de protection maternelle et infantile ou en établissements d'accueil du jeune enfant tout en conservant un lien avec les médecins.
Soyons clairs : ces évolutions ne visent en aucun cas à concurrencer la profession médicale ; elles s'inscrivent dans une logique de coopération, non de compétition. Dans un contexte de désertification médicale, nous savons que médecins et infirmiers travaillent déjà main dans la main, au service des patients.
C'est pourquoi nous saluons également les clarifications apportées en commission. La notion parfois floue de complémentarité a été judicieusement remplacée par celle de coordination interprofessionnelle, plus juste, plus protectrice.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Jocelyne Guidez. Il en va de même pour la conciliation médicamenteuse, désormais encadrée dans une logique de coordination pluriprofessionnelle.
Monsieur le ministre, cette reconnaissance législative appelle désormais des actes concrets et rapides. Nous ne devons pas reproduire les lenteurs passées. La loi Rist 2 a été promulguée voilà deux ans pour améliorer l'accès aux soins, mais nous attendons toujours la publication de certains décrets d'application concernant les infirmiers. Il faut que cela change.
La commission des affaires sociales a d'ailleurs pris ses responsabilités en intégrant un délai maximal de trois mois pour les avis de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine. Ce point est crucial pour garantir une mise en œuvre effective.
Mes chers collègues, ce texte ne prétend pas tout résoudre : il n'est pas un élargissement inconsidéré des compétences, il est une clarification nécessaire. Il ne bouleverse pas les équilibres, il les structure mieux, dans un esprit de coopération et de confiance.
Aussi, le groupe de l'Union Centriste votera cette proposition de loi avec conviction et respect pour celles et ceux qu'il concerne : les infirmiers, les soignants et tous les citoyens qu'ils accompagnent, chaque jour, dans la vulnérabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi attendue, nécessaire et urgente : celle qui vise à revaloriser la profession d'infirmier, dont il est grand temps de faire évoluer le statut. À cette fin, il faut que la loi acte enfin la reconnaissance à part entière de cette profession et que cette revalorisation, cela a déjà été souligné, soit aussi financière.
Les infirmières sont les piliers de l'organisation des soins. Elles sont présentes à chaque étape du parcours de santé : dans la stratégie de prévention, dans l'éducation thérapeutique, dans le maintien à domicile. Elles ont d'ailleurs un regard global, à 360 degrés, pour organiser la prise en charge, évaluer les risques, obtenir la confiance des malades et de leurs proches grâce à leur présence au quotidien.
Ainsi, en ambulatoire, elles permettent d'éviter une journée d'hôpital, dont le coût avoisine 1 000 euros, contre moins de 100 euros pour une journée d'hospitalisation à domicile.
C'est pourtant toujours et encore aux infirmières que l'on demande de faire des efforts : ce n'est plus possible. L'aspect sacrificiel de la profession ne doit plus être un argument pour justifier de la gratuité de certains actes. Nous tous qui avons des parents vieillissants ne pouvons qu'en témoigner : les infirmières sont déjà à pied d'œuvre ; elles sont incontournables dans la prise en charge de la personne âgée et du « mur du vieillissement ».
Nous sommes d'accord, monsieur le ministre : une infirmière, ce n'est pas une religieuse ; ce n'est pas non plus celle qui fait une piqûre sur ordre du médecin. Aujourd'hui, une infirmière peut être diplômée d'un doctorat en soins infirmiers. La reconnaissance des sciences infirmières, adoptée par la commission, est un moyen de défendre l'identité propre de ce métier, de lui conférer attractivité et ambition, à l'image d'Isabelle Fromentin, première infirmière docteur en sciences et ingénierie de la santé en France. D'ailleurs, elle sera la marraine de la première promotion d'IPA en santé mentale à Erstein, dans le Bas-Rhin – promotion 2022-2025.
J'espère, monsieur le ministre, que cette reconnaissance sera inscrite définitivement dans la loi et qu'elle donnera envie à de nombreux étudiants de s'engager dans les études en soins infirmiers. Vous l'avez bien compris, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi sur la profession d'infirmier
Article 1er
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l'article L. 4161-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « ou aux infirmiers » sont supprimés ;
b) Après le mot : « vaccinations », sont insérés les mots : « , ni aux infirmiers qui effectuent des consultations infirmières dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État ou qui prescrivent les produits de santé et les examens ou effectuent les actes professionnels et les soins figurant sur les listes prévues à l'article L. 4311-1 » ;
2° L'article L. 4311-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-1. – I. – L'infirmier exerce son activité, dans le respect du code de déontologie, dans le cadre de son rôle propre ou sur prescription et, notamment, en coordination avec les autres professionnels de santé.
« Dans l'exercice de sa profession, l'infirmier initie, réalise, organise et évalue les soins infirmiers. Il effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier. Il prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l'exercice de sa profession. La liste de ces produits de santé et de ces examens complémentaires est fixée par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine. Elle est mise à jour au moins tous les trois ans. Les avis mentionnés au présent alinéa sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois.
« II. – Les missions de l'infirmier sont les suivantes :
« 1° Dispenser des soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels ou destinés à la surveillance clinique, procéder à leur évaluation et contribuer à la conciliation médicamenteuse ;
« 2° Contribuer à l'orientation de la personne ainsi qu'à la coordination et à la mise en œuvre de son parcours de santé ;
« 2° bis Dans le cadre de son rôle propre, en accès direct, et dans le cadre de son rôle prescrit, participer aux soins de premier recours définis à l'article L. 1411-11 ;
« 3° Participer à la prévention, aux actions de dépistage, aux soins éducatifs à la santé, à la santé au travail, à la promotion de la santé et à l'éducation thérapeutique de la personne et, le cas échéant, de son entourage ;
« 4° Concourir à la formation initiale et à la formation continue des étudiants, de ses pairs et des professionnels de santé placés sous sa responsabilité ;
« 4° bis (Supprimé)
« 5° Mobiliser les données probantes dans la pratique professionnelle et concourir à la recherche, notamment dans le domaine des sciences infirmières.
« III. – L'infirmier participe à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions fixées à l'article L. 6314-1.
« IV. – Un décret en Conseil d'État précise les domaines d'activités et de compétences de l'infirmier.
« Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe, pour chacun de ces domaines d'activités, la liste des actes et soins réalisés par les infirmiers. La publication et l'actualisation de cet arrêté donnent lieu à une négociation sur la rémunération des infirmiers afin de tenir compte, en fonction des différents lieux d'exercice, des évolutions de compétences envisagées. »
II. – (Non modifié) Au deuxième alinéa du VII de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, les mots : « du sixième alinéa » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l'article.
Mme Élisabeth Doineau. Je suis heureuse de cette unanimité sur nos travées comme à l'Assemblée nationale. Ce texte était tellement attendu ! Chaque année, au moment d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les infirmiers nous appellent à changer leur statut. Lors des précédents budgets, certains d'entre nous ont voté des glissements de tâches : il était donc important de reconnaître cette profession à part entière. Bravo pour cette avancée !
L'article 1er va dans ce sens : il vise à affirmer pleinement les compétences propres des infirmiers, qu'il s'agisse de poser un diagnostic infirmier, de prescrire certains produits de santé ou d'assurer des consultations en accès direct.
Cette reconnaissance du rôle infirmier est une réponse concrète aux besoins du terrain : elle valorise un métier pivot dans le parcours de soins, tout en apportant des solutions à la tension sur la démographie médicale. Elle permet aussi de fluidifier les parcours, d'éviter des ruptures de prise en charge et de libérer du temps médical.
Je salue, par ailleurs, l'inscription de la consultation infirmière, des soins relationnels et de la recherche infirmière dans le cœur de métier. Il s'agit là d'une véritable évolution culturelle, j'y insiste, qui accompagne le virage préventif et l'approche globale du patient que nous appelons de nos vœux depuis fort longtemps.
Il faut, selon moi, rassurer les professionnels quant au renvoi au niveau réglementaire de la définition des soins relationnels. Ceux-ci sont reconnus en tant que mission à l'alinéa 9. Laissons de la souplesse dans cette définition, cela allégera le texte et ménagera l'avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.
M. Daniel Chasseing. Je salue à mon tour le travail des infirmières, qui jouent un rôle capital dans la prise en charge des soins à l'hôpital et à domicile.
L'article 1er tend à apporter la reconnaissance aux infirmières, à préciser leur mission dans l'accompagnement des soins et à réformer l'encadrement juridique de la profession pour tenir compte du glissement des tâches.
Les infirmières peuvent établir des certificats de décès, prescrire des vaccins, des substituts nicotiniques, des dispositifs médicaux en rapport avec leur rôle, mais ne pouvaient pas juridiquement modifier les doses d'insuline, équilibrer les anticoagulants, poser une sonde, donner du paracétamol, alors que cela se pratique quotidiennement, en coordination avec le médecin traitant. C'est ce que demandent d'ailleurs les infirmières.
L'article 1er vise à ouvrir l'accès direct aux infirmières pour les soins de premier recours en application de leur propre rôle. Il vise à redéfinir et à préciser leur rôle dans les soins préventifs, curatifs et palliatifs, la surveillance clinique, le bilan d'autonomie, la consolidation médicamenteuse avec le pharmacien, l'orientation du patient, la participation à la prévention et au dépistage, la prescription de produits de santé dans le cadre de leur profession.
Une liste des actes sera fixée par arrêté avec avis de l'HAS et de l'Académie nationale de médecine.
Le texte vise à prévoir aussi d'autoriser l'expérimentation, dans cinq départements, d'un accès direct aux infirmiers exerçant dans des structures d'exercice coordonné, avec compte rendu au médecin traitant et report dans le dossier médical partagé (DMP). Cette disposition concerne surtout le secteur médico-social.
Comme Mmes Le Houerou et Guillotin, je pense qu'il faut être très prudent sur l'accès direct et le réserver aux IPA.
Ce texte reprend les propositions de l'ordre national des infirmiers et des syndicats, soutenues par le ministère : c'est très bien.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Daniel Chasseing. Enfin, j'appelle de mes vœux une augmentation de la rémunération des infirmières libérales.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l'article.
M. Bernard Jomier. Avant de débuter l'examen de ce texte, je reviendrai sur trois points pour bien préciser notre position.
Premier point : il est temps d'affirmer et de valoriser les compétences des infirmières. Mais l'obstacle n'est pas toujours législatif. La pratique avancée date de la loi de 2016, soit neuf ans en arrière. Or, selon la présidente de l'rrdre national des infirmiers, il n'y aurait que quelques dizaines d'infirmières en pratique avancée en ville – un peu plus à l'hôpital.
L'infirmier référent a été voté dans cet hémicycle en 2018, mais son contenu précis n'est toujours pas élaboré. Il existe donc, en aval du Parlement et au niveau de l'exécutif, des obstacles culturels et réglementaires.
Deuxième point : non, les déserts médicaux ne sont pas une bonne raison ni un bon argument pour discuter des compétences des infirmiers. Qu'il y ait trop ou pas assez de médecins, le constat est le même : la profession d'infirmier est insuffisamment valorisée et reconnue dans ses compétences. Si, dans dix ans, la démographie médicale change radicalement et qu'il y a trop de médecins, il ne faudra pas pour autant minorer le rôle des infirmiers.
Troisième point, au cours de l'examen de ce texte, d'autres professionnels de santé nous ont alertés sur leurs propres problématiques. Nous leur avons expliqué qu'il s'agissait d'un texte sur la profession d'infirmier ; pour autant, comme plusieurs de mes collègues l'ont rappelé, il serait préférable non pas de raisonner en silo, profession par profession, mais de mener une réflexion globale en favorisant la coopération et le partage des compétences. La reconnaissance du rôle de chacun doit primer au nom de l'intérêt général. Avec une énième proposition de loi, en lieu et place d'un projet de loi sur lequel le Gouvernement s'engagerait, le compte n'y est pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l'article.
M. Olivier Paccaud. C'est un très beau texte qui nous réunit aujourd'hui pour rendre justice aux infirmières et faire œuvre utile.
À l'instar de Mme Guidez, permettez-moi un parallèle historique. Dans deux jours, nous allons nous retrouver autour de nos monuments aux morts. Savez-vous combien d'entre eux sont consacrés aux infirmières ? Il y en a trois en France, dont un dans mon département de l'Oise, à Pierrefonds, où une infirmière, Élisabeth Jalaguier, est tombée en août 1918, alors qu'elle prodiguait des soins aux blessés. Elle ne s'est pas arrêtée pendant les bombardements.
C'est tout un symbole que si peu de monuments soient dédiés à ces anges en blouse blanche, comme l'a si bien dit Christine Bonfanti-Dossat, toujours en première ligne, mais trop souvent oubliés.
Grâce à ce texte, qui a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et qui sera, je l'espère, enrichi au Sénat, nous leur rendrons plus que justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l'article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet article 1er, qui est très important, constitue presque le cœur de la proposition de loi.
La commission a fait œuvre utile en précisant que les infirmiers exercent leur activité non pas seulement « en complémentarité », comme le voulait l'Assemblée nationale, mais « en coordination » avec les autres professionnels de santé. Cette reconnaissance de leur rôle propre constitue une avancée significative.
Un certain nombre de points clefs sont également reconnus, qu'il s'agisse des consultations infirmières ou du diagnostic infirmier. Surtout, la profession est définie non plus en creux, au travers des missions qui pourraient lui être déléguées, mais par son rôle propre. Tout cela figure à présent noir sur blanc. C'est donc un progrès après le premier petit pas de 2004.
L'article 1er est indispensable, car il prévoit un arrêté fixant une liste d'actes et de soins réalisés par les infirmiers. La publication de cet arrêté donnera lieu à une négociation sur la rémunération. C'est un point très attendu dans nos territoires ; j'ai notamment été saisi de cette question dans l'Yonne. Les dernières revalorisations remontent à 2009, soit plus de quinze ans…
Cela a été dit, les IPA sont très peu nombreux, et pour cause : en l'état actuel, les modalités de validation des acquis de l'expérience (VAE) au regard de l'accroissement des rémunérations ne sont pas intéressantes.
L'article 1er aborde donc de nombreux sujets, ce dont le groupe RDPI se félicite, mais il reste encore quelques éléments à traiter. (M. François Patriat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Sol, rapporteur. Avant d'aborder l'examen du texte, nous souhaitions nous faire l'écho d'une vive inquiétude concernant les conditions de remplacement des infirmiers libéraux, relayée en audition par leurs représentants.
Le remplacement des infirmiers libéraux concourt à la continuité des soins, qui constitue à la fois une obligation déontologique et un impératif sanitaire.
Il est encadré par le code de la santé publique, qui autorise un infirmier à se faire remplacer temporairement par un confrère, sous réserve qu'il n'exerce aucune activité infirmière pendant la même période. L'infirmier remplaçant conserve pleinement son indépendance et n'est pas placé sous l'autorité de l'infirmier remplacé.
Alors que ces règles sont demeurées inchangées ces dernières années, les infirmiers libéraux, monsieur le ministre, sont confrontés à une recrudescence récente des contrôles portant sur les conditions de leur remplacement. Ces contrôles sont notamment diligentés dans les zones dites surdotées, au sein desquelles le conventionnement est régulé. Certains remplacements récurrents ont pu être qualifiés de travail salarié dissimulé et donner lieu à un redressement de cotisations, provoquant l'incompréhension de nombreux infirmiers.
Les professionnels que nous avons entendus soulignent la situation d'insécurité juridique dans laquelle ils sont placés et le manque de clarté du cadre actuel. Ils souhaitent que les règles relatives aux remplacements, notamment aux remplacements récurrents, soient rapidement précisées. Celles-ci relèvent exclusivement du domaine réglementaire. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si le Gouvernement entend agir sur ce sujet et dans quel délai ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Je salue le travail des rapporteurs. J'ai écouté les différents intervenants avec beaucoup d'attention.
En ce qui concerne les revalorisations, je serai clair. Comme je l'ai précisé à Mme la rapporteure, qui avait insisté sur ce point, je me suis engagé à l'Assemblée nationale à ouvrir les négociations conventionnelles dès que ce texte sera voté et à intégrer tout cela dans le PLFSS pour 2026.
Si le sénat adopte cette proposition de loi ce soir, ce que j'espère, je signerai à la fin du mois une lettre de cadrage que j'enverrai à la caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) sur la revalorisation des actes, les indemnités kilométriques et autres. Tout cela se fera en concertation avec les principaux syndicats infirmiers.
Certains auraient préféré un projet de loi. En tant que ministre, cette solution aurait également eu ma préférence. Cependant, faute de majorité à l'Assemblée nationale, l'essentiel est d'avancer. Nous n'avons que trop tardé à reconnaître la profession d'infirmier. Si cette proposition de loi nous permet d'aller de l'avant, je suis tout à fait disposé à m'appuyer sur ce texte pour envoyer une lettre de cadrage à la Cnam et commencer les négociations syndicales avant l'été. Tout cela trouvera sa place ensuite dans le PLFSS pour 2026.
M. le sénateur Jomier, notamment, a évoqué la création des infirmiers référents en 2018. Je profiterai de cette lettre de cadrage pour inclure leur rôle dans les nécessités conventionnelles de négociation. Depuis près de 130 jours que je suis en fonction, j'ai signé un certain nombre de décrets qui étaient en attente, notamment sur les certificats de décès. Je m'engage également à signer avant fin mai le décret sur la primo-prescription en matière de cicatrisation des plaies.
J'ai pris bonne note de vos remarques sur les contrôles dans les zones surdotées. Je saisirai la Cnam de cette question dans les meilleurs délais. Je rencontre M. Fatôme quasiment toutes les semaines : je lui demanderai d'éclaircir les rôles et les missions de chacun entre la Cnam, l'Urssaf, le conseil national de l'ordre des infirmiers et les principales organisations syndicales. Il importe avant tout de laisser travailler les infirmiers qui apportent des soins.
Je conçois que ces contrôles puissent perturber l'engagement des soignants auprès de leurs patients, mais il convient également de rappeler les règles. La situation de l'infirmier remplaçant doit être « au clair » : en aucun cas il ne doit exercer en même temps que l'infirmier titulaire. S'il faut repréciser les choses, je demanderai au directeur de la Cnam de s'en charger dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
infirmier
insérer les mots :
, quel que soit le mode d'exercice,
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à s'assurer de la bonne prise en compte des infirmières et des infirmiers exerçant notamment dans les centres de soins infirmiers et les centres de santé.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Les dispositions que vous proposez chère collègue, sont déjà applicables à tous les infirmiers, quel que soit leur mode ou leur lieu d'exercice. Il n'est donc pas utile d'ajouter cette mention, qui alourdirait inutilement le texte.
Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Madame Brulin, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?
Mme Céline Brulin. Non, je le retire, monsieur le président.
Mme la présidente. L'amendement n° 39 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 20 rectifié est présenté par Mmes Micouleau, Bonfanti-Dossat et Richer, M. Chatillon, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Bouchet, Mmes Evren, Josende, Joseph et Lassarade, M. Margueritte, Mme Nédélec et M. P. Vidal.
L'amendement n° 23 est présenté par MM. Patriat, Théophile et Iacovelli, Mme Nadille, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 81 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il exerce en toute autonomie et en responsabilité de ses actes.
La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à reconnaître l'autonomie infirmière.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour présenter l'amendement n° 23.
M. François Patriat. Notre groupe, nous l'avons dit, votera sans états d'âme ce texte, amendé par le Sénat.
Cet amendement vise à reconnaître explicitement dans la proposition de loi l'autonomie infirmière. Il tend également à préciser que les infirmières et infirmiers exercent leurs actes en responsabilité.
J'ai bien compris que la commission n'était pas favorable à ces amendements identiques, mais il me semble que les précisions que nous proposons ne font pas obstacle à la coopération avec d'autres professions de santé, au centre de la pratique infirmière. Notre amendement tend à permettre une plus grande reconnaissance de la profession.
Certes, comme cela a été dit en commission, l'autonomie infirmière est déjà reconnue dans le code de la santé publique, mais la précision que tend à introduire cet amendement aurait pour mérite d'apporter une clarification.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l'amendement n° 81.
Mme Anne Souyris. « Auxiliaires médicaux » : tels sont les termes consacrés par le code de la santé publique pour définir les infirmiers et les infirmières, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les ergothérapeutes et les psychomotriciens, les orthophonistes et les orthoptistes, et bien d'autres professionnels encore.
Cependant, disons-le clairement : les infirmiers et les infirmières ne sont pas de simples auxiliaires des médecins. Cette conception d'un autre siècle n'a plus lieu d'être. Aussi, nous proposons par cet amendement de reconnaître l'autonomie des infirmières.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. L'indépendance des infirmiers est déjà protégée par leur code de déontologie, qui prévoit que l'infirmier ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. De même, l'autonomie des infirmiers dans le cadre de leur rôle propre est d'ores et déjà protégée par le code de la santé publique.
Ces amendements étant satisfaits en droit, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Nous allons examiner un certain nombre d'amendements ayant pour objet de relayer des revendications, d'apporter un éclairage sur certaines situations, certains contextes, ou de proposer certaines pratiques.
Notre rôle au Sénat est de rédiger une loi qui soit la moins bavarde possible. Aussi, dès lors que les mesures que tendent à proposer ces amendements figurent déjà dans les codes existants, nous y serons défavorables, notre logique étant d'être précis et de rédiger une loi efficace.
Je tenais à le préciser, car nous émettrons de nombreux avis défavorables par la suite, non pas parce que nous sommes défavorables sur le fond aux amendements en question, mais parce que nous souhaitons un texte bien fait.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié, 23 et 81.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Muller-Bronn, MM. Bacci, Genet, Naturel, Saury, Panunzi, H. Leroy, Favreau, Sido et P. Vidal, Mme Ventalon, M. de Nicolaÿ et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après le mot :
profession
insérer les mots :
et dans l'intérêt global du patient
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Cet amendement vise à compléter la définition des missions de l'infirmière en précisant que l'ensemble de ses actes – initiation, réalisation, organisation, évaluation des soins, consultations, diagnostic et prescription – s'inscrivent non seulement dans l'exercice de sa profession, mais également dans l'intérêt global du patient.
En effet, l'infirmière n'agit pas uniquement dans les limites techniques de son rôle propre ou prescrit. Son action s'inscrit dans une approche globale du soin, qui prend en compte les besoins cliniques, psychologiques, sociaux et environnementaux du patient.
En ajoutant cette précision, l'amendement tend à préciser que la compétence clinique de l'infirmière s'exerce dans une mise en perspective de la santé des patients, qui va au-delà des seuls actes techniques. Cette compétence comprend par exemple l'éducation thérapeutique du patient et l'amélioration de sa vie quotidienne.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Ma chère collègue, cette mention n'est pas nécessaire : l'ensemble des professionnels de santé interviennent dans l'intérêt des patients. Cette caractéristique n'est pas propre à la profession infirmière ni à la mission précise que vous visez.
Le code de déontologie des infirmiers, à l'article R. 4312-10 du code de la santé publique, prévoit déjà, de manière plus générale, que l'infirmier agit en toutes circonstances dans l'intérêt du patient.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 89 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing et Laménie, Mme L. Darcos, MM. Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. A. Marc, Grand, Brault et Chevalier, Mme Guidez, MM. Fialaire, H. Leroy et Menonville et Mme Evren, est ainsi libellé :
Alinéa 7, troisième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et à l'intérêt global du patient en coordination avec le médecin traitant
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement tend à prévoir que l'infirmier prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l'exercice de sa profession et dans l'intérêt global du patient, en coordination avec le médecin traitant.
Il ne faut pas oublier le médecin traitant, même si la coordination avec le médecin est sous-entendue.
Mme la présidente. L'amendement n° 82, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 7, troisième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et à l'intérêt global du patient
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement a pour objet de replacer le patient au cœur de la définition légale de l'exercice infirmier. Il tend à compléter la définition des missions de l'infirmier en précisant que l'ensemble de ses actes s'inscrit non seulement dans l'exercice de sa profession, mais également dans l'intérêt global du patient.
Cet amendement tend à préciser que chaque acte infirmier est non pas une fin en soi, mais qu'il participe d'une vision globale du soin, orientée vers le mieux-être et la protection durable du patient.
Il tend enfin à rappeler que la compétence clinique de l'infirmier s'exerce toujours en ayant en perspective la santé de la personne dans son ensemble, au-delà du seul geste technique ou du seul épisode de soin.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Mes chers collègues, ces mentions ne sont pas nécessaires. Nous avons déjà précisé dans le texte que les infirmiers agissaient en coordination avec les autres professionnels de santé. En application de leur code de déontologie, ils doivent par ailleurs agir en toutes circonstances dans l'intérêt du patient.
Nous émettons donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 82.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 72, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'infirmier propose la consultation d'un médecin ou de tout professionnel compétent lorsqu'il l'estime nécessaire. »
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Cet amendement vise à rappeler un principe fondamental : l'infirmier, en tant que professionnel de santé de premier recours, doit pouvoir proposer au patient la consultation d'un médecin ou de tout autre professionnel de santé lorsqu'il estime que les soins que nécessite ce dernier dépassent son champ de compétences.
Pourquoi cela est-il important ? Parce que dans le cadre du parcours de soins, l'orientation vers un spécialiste ne peut se faire sans l'avis d'un professionnel de santé. L'infirmier, de par sa proximité avec le patient, est souvent le premier à identifier un besoin d'expertise complémentaire.
Il ne s'agit toutefois pas de substituer l'infirmier au médecin. Au contraire, cet amendement tend à souligner la complémentarité des rôles. Il affirme avec clarté que le médecin reste une référence centrale dans le parcours de soins. Il tend à prévoir non pas une délégation excessive, mais une orientation responsable.
En donnant un cadre à cette orientation, nous renforçons la qualité de la prise en charge du patient, nous clarifions les responsabilités de chacun, et surtout, nous faisons confiance au discernement des infirmiers. Cela contribue à une meilleure fluidité du parcours de soins, sans jamais affaiblir le rôle du médecin.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Tel qu'il a été amendé par la commission, le texte prévoit déjà que les infirmiers devront agir en coordination avec les autres professionnels de santé.
Par ailleurs, le code de déontologie fait obligation à l'infirmier de ne pas « entreprendre ou poursuivre des soins dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience, ses compétences ou les moyens dont il dispose ».
L'ajout de cette disposition n'étant pas nécessaire, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Cette disposition est superfétatoire, car les infirmiers orientent déjà les patients vers les autres professionnels de santé quand les soins qu'ils requièrent sortent de leur champ de compétences.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 72.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
en lien avec les différents professionnels de santé et sous la coordination du médecin
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à s'assurer que la conciliation médicamenteuse s'effectue en coordination entre professionnels de santé.
Selon la Haute Autorité de santé, la conciliation médicamenteuse est une démarche de prévention et d'interception des erreurs médicamenteuses. Elle est fondée sur le partage d'informations et sur la coordination entre professionnels de santé.
Les erreurs médicamenteuses sont un enjeu de santé publique majeure. En 2020, elles ont représenté plus des deux tiers des événements indésirables graves liés aux soins déclarés. Dans le cadre de l'hospitalisation à domicile, les erreurs médicamenteuses sont la première source d'événements indésirables liés aux soins.
Avec le vieillissement de la population et la hausse des maladies chroniques, la conciliation des traitements médicamenteux va donc devenir essentielle.
Le projet de loi que nous examinons vise à faire de la conciliation médicamenteuse une mission socle des infirmiers. Les infirmières jouent un rôle essentiel auprès des patients. Elles assurent l'observance des traitements et la surveillance des effets indésirables. Dans ce cadre, elles peuvent contribuer à la conciliation médicamenteuse et à la prévention des risques liés aux soins.
Lors de l'examen du texte en commission, nous avons acté le fait que les infirmières contribuent à cette conciliation, mais qu'elles ne l'assurent pas en autonomie. La Haute Autorité de santé insiste en effet sur l'importance de la coordination entre professionnels pour la prévention du risque iatrogénique.
Notre amendement vise donc à continuer dans ce sens en précisant que la contribution des infirmières à la conciliation médicamenteuse s'exerce en coordination avec l'ensemble des professionnels de santé intervenant auprès du patient.
Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing et Laménie, Mme L. Darcos, MM. Médevielle et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, MM. A. Marc, Grand, Brault et Chevalier, Mme Guidez, MM. Fialaire, H. Leroy et Menonville et Mme Evren, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
conciliation médicamenteuse
insérer les mots :
assurée par le pharmacien
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Alors que l'article 1er du texte permet la contribution de l'infirmier à la conciliation médicamenteuse, cet amendement vise à rappeler que cette dernière est assurée en priorité par le pharmacien.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. La commission a déjà amendé le texte en commission pour préciser que les infirmiers n'assuraient pas seuls la conciliation médicamenteuse.
La Haute Autorité de santé prévoit que celle-ci implique un grand nombre de professionnels de santé, parmi lesquels figurent les médecins, les sages-femmes, les pharmaciens et les préparateurs en pharmacie.
Il ne semble donc pas souhaitable de préciser l'implication de l'ensemble de ces professionnels dans des dispositions législatives ne concernant que la profession d'infirmière.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. La conciliation médicamenteuse est assurée par le pharmacien, en association, naturellement, avec tous les professionnels de santé qui interviennent auprès du patient. En termes de responsabilité, c'est bien au pharmacien qu'incombent la conciliation et l'évocation des contre-indications médicamenteuses.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. La conciliation médicamenteuse est pluridisciplinaire, mais c'est le pharmacien qui contrôle et peut indiquer au médecin de possibles iatrogénies.
Le médecin élabore l'ordonnance, mais le pharmacien explique souvent le traitement au patient en officine. C'est un contact essentiel pour le patient, qui bénéficie ainsi d'une sécurisation supplémentaire et des explications nécessaires à la prise médicamenteuse.
Parfois, le pharmacien participe à la recherche des médicaments effectivement pris par le malade. En effet, ce n'est pas parce que le malade s'est vu prescrire des médicaments qu'il les prend. Le pharmacien, lui, sait cela.
Mes chers collègues, la pharmacie en milieu rural fait très souvent gratuitement – c'est comme cela – la mise en place de piluliers, qui sont ensuite distribués par les infirmières.
Par cet amendement, je souhaitais simplement dire que la conciliation médicamenteuse est pluridisciplinaire et qu'il ne faut pas oublier le pharmacien, non plus que l'infirmière.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, et à l'évaluation et à la prévention de la perte d'autonomie
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Alors que 2,5 millions de personnes seraient en perte d'autonomie en France, nous n'avons pas les moyens de les accompagner.
Pis, la population âgée dépendante augmentera significativement au cours des vingt-cinq prochaines années. Par rapport à 2020, le nombre de ces personnes augmenterait d'environ 16 % d'ici à 2030, de 36 % d'ici à 2040 et de 46 % d'ici à 2050.
Face au vieillissement de la population, nous appelons à inscrire explicitement dans le texte le rôle de la profession infirmière dans l'évaluation et la prévention de la perte d'autonomie.
Cet amendement fait par ailleurs écho au rapport sénatorial sur la situation des Ephad, dans lequel la commission des affaires sociales affirmait la nécessité de revaloriser le rôle des infirmières et des infirmiers.
Je vous invite donc à voter cet amendement, qui tend à proposer que les consultations infirmières portent aussi sur l'évaluation et la prévention de la perte d'autonomie.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Ma chère collègue, la mission générale de prévention prévue par la loi comprend d'ores et déjà la prévention de la perte d'autonomie. Cette mission a vocation à être précisée par décret.
Les représentants que nous avons auditionnés ne souhaitent pas dans leur grande majorité la multiplication des missions législatives. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
en lien avec les associations mentionnées à l'article L. 1114-1 du code de la santé publique
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. La proposition de loi prévoit déjà que l'infirmier participe à la prévention et aux actions de dépistage.
Nous devons en plus rappeler explicitement l'intégration des infirmiers dans la démocratie sanitaire, en lien avec les usagers et les patients experts.
Cet amendement vise donc à associer les associations agréées de représentants des usagers du système de santé aux missions confiées aux infirmiers qui les concernent.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Ma chère collègue, bien que l'action de ces associations se révèle indispensable sur le terrain, il n'apparaît pas nécessaire de la citer dans les dispositions définissant les missions de la profession d'infirmier.
De même, le texte ne cite pas l'ensemble des professions de santé avec lesquelles les infirmiers travaillent quotidiennement.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice, étant très attaché à l'exercice libéral, je pense qu'il faut faire confiance aux professionnels de santé, en particulier aux infirmiers, en matière de prévention. Ils travaillent avec les bonnes personnes, qu'il s'agisse des élus locaux, des patients experts ou des associations, lesquels peuvent être différents d'un territoire à un autre.
Il faut les laisser libres de prendre des initiatives et de mener des actions de prévention dans chaque foyer, auprès de chaque patient. Or votre amendement, s'il était adopté, pourrait instaurer petit à petit une obligation. Laissons nos infirmiers libéraux agir en la matière en fonction de la spécificité de leur territoire.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 70, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 4 bis° Dispenser les soins relationnels permettant d'apporter un soutien psychologique et un support thérapeutique. Le soin relationnel s'inscrit dans une prise en charge globale du patient ;
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Par cet amendement, nous proposons de rétablir l'alinéa 14 de cet article, supprimé en commission, qui reconnaissait explicitement les soins relationnels comme une composante du métier d'infirmier.
Cet alinéa, que vous jugez symbolique, est en réalité essentiel, car les infirmiers sont souvent les premiers interlocuteurs des patients dont ils écoutent la souffrance psychologique. Ils les soutiennent, les rassurent, bien avant que ne débute la moindre prise en charge technique. Cette relation d'aide est une réalité quotidienne, mais elle n'apparaît nulle part dans la proposition de loi.
En supprimant cet alinéa, on relègue dans l'ombre cette dimension humaine, pourtant centrale dans le soin. Or comment prétendre améliorer notre système de santé si l'on oublie l'écoute, l'empathie, le lien ? Il s'agit là non pas de détails, mais de missions au cœur même du métier d'infirmière.
Rétablir cet alinéa, c'est donner sa juste place à l'infirmier, dont le rôle est d'être un soutien psychologique et un repère thérapeutique. C'est reconnaître ce que des millions de patients vivent, parfois dans la plus grande vulnérabilité.
Je vous invite donc à voter cet amendement avec conviction.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Mon cher collègue, cet amendement vise à rétablir les dispositions détaillant le contenu et l'objectif des soins relationnels, supprimés la semaine dernière par la commission.
Je saisis cette occasion pour souligner que ce faisant, la commission n'a pas entendu du tout nier le rôle des infirmiers dans les soins relationnels ni l'importance de ces soins pour les patients.
La proposition de loi confie déjà aux infirmiers la mission de dispenser des soins relationnels. Les dispositions supprimées apparaissent donc répétitives et donnent des soins relationnels une définition précise qu'il est préférable de renvoyer au décret. Cette architecture est souhaitable. Le décret peut, plus facilement que la loi, être mis à jour et adapté aux évolutions rapides de la profession d'infirmier.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur le sénateur, je pense que la grande efficacité thérapeutique, notamment à domicile, repose sur la relation que les infirmiers entretiennent avec leurs patients, par exemple lors des chimiothérapies.
C'est toute la consultation de l'infirmier qui permet d'encadrer le geste technique et d'assurer la bonne acceptabilité et la bonne compréhension par le patient de sa chimiothérapie, par exemple.
Je comprends le sens de votre amendement, mais la relation entre les infirmiers et les patients ne peut être définie dans la loi. Je le répète, faisons confiance à l'ensemble de nos professionnels de santé et à nos infirmiers pour avoir un relationnel adapté avec leurs patients. C'est le sens de leur engagement auprès des patients. On n'imagine pas en effet que des infirmiers puissent pratiquer des soins et des actes techniques sans avoir aucun relationnel avec leurs patients.
En outre, ce n'est pas parce qu'on inscrirait les soins relationnels dans le texte que l'on développerait l'empathie et tout ce qui permet une relation de confiance. Faisons confiance aux infirmiers !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je précise que les soins relationnels sont déjà prévus à l'alinéa 9 de l'article 1er du texte.
Il a été dit que le Sénat avait supprimé les soins relationnels, ce n'est pas le cas : ils sont inscrits noir sur blanc dans le texte, c'est clair, net et précis. Simplement, ils ne sont pas mentionnés dans tous les articles de la proposition de loi, notre objectif étant, je le rappelle, d'alléger le texte et de le rendre le plus clair possible d'un point de vue juridique.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Pour compléter les propos du président de la commission, j'indique qu'il n'est précisé dans le code de la santé publique pour aucune autre profession de santé que les soins relationnels font partie de leurs missions. On voit là encore les limites de ce texte en silo.
Le soin relationnel est évidemment constitutif de l'acte de soin. Cher collègue, je rappelle que notre assemblée a adopté la loi du 29 janvier 2025 relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, texte que j'avais proposé.
Ce texte a été particulièrement soutenu par la profession infirmière. Pourquoi ? Parce que, actuellement, on fixe un nombre de soignants par patient en fonction d'actes techniques. On ne prend pas assez en compte la dimension relationnelle du soin.
Eh bien figurez-vous, cher collègue, que les députés de votre mouvance politique n'ont pas voté cette loi, qui a été adoptée à une large majorité dans cet hémicycle. Elle prévoyait pourtant des soins relationnels. Il faut faire preuve d'un petit peu de cohérence ! Quand vient l'heure des actes concrets, on reconnaît ceux qui s'engagent véritablement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur le sénateur Jomier, j'ai soutenu votre proposition de loi à l'Assemblée nationale prévoyant des ratios. Elle a été adoptée.
En tant que ministre, je souhaite que le Parlement puisse améliorer ces ratios, le Parlement ayant choisi d'adopter un texte conforme et relativement nu s'agissant des critères quantitatifs et qualitatifs.
La Haute Autorité de santé a donc été mandatée pour définir des critères quantitatifs de charge de travail, mais pour répondre aux enjeux d'attractivité de l'hôpital pour l'ensemble des professions paramédicales, en particulier pour les infirmiers et les aide-soignants, il faut également définir des critères qualitatifs au lit de chaque patient. Enfin, il faut par ailleurs satisfaire le besoin d'engagement de nos soignants, qui souhaitent passer du temps avec les patients, et prendre en compte la dimension relationnelle du soin.
M. Bernard Jomier. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Participer à la réponse de l'État face aux crises sanitaires et aux situations d'urgence résultant d'actes terroristes, d'accidents collectifs, de catastrophes naturelles ou environnementales.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à reconnaître officiellement le rôle des infirmiers dans la réponse de l'État face aux situations de crise.
Dans des situations exceptionnelles, comme lors des inondations qui ont touché Valence, en Espagne, en octobre 2024 ou lors du cyclone Chido à Mayotte, plus récemment, les infirmiers ont été en première ligne.
Leur présence sur l'ensemble du territoire, leur connaissance du terrain, leurs capacités d'évaluation clinique, ainsi que leur coordination avec les autres acteurs de santé sont des atouts majeurs pour garantir la continuité des soins et protéger les populations.
Cependant, malgré le rôle de premier plan que jouent les infirmiers dans la réponse aux crises, leur implication ne figure pas de manière explicite parmi les compétences officiellement reconnues dans leur formation initiale ou continue. L'action des infirmiers dans ces contextes reste à ce jour largement informelle et spontanée, sans cadre structurant ni valorisation adéquate. Cet amendement vise à remédier à cette situation.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Ma chère collègue, les infirmiers sont en effet très fortement mobilisés lorsque survient ce type d'événements et nous devons leur en être fort reconnaissants.
Toutefois, il ne paraît pas souhaitable de faire de leur mobilisation l'une des grandes missions de la profession, qui s'appliquerait à l'ensemble des infirmiers, quel que soit leur lieu ou leur mode d'exercice.
La proposition de loi prévoyant déjà la reconnaissance des soins infirmiers et la participation de la profession aux soins de premier recours, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 79, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Participer à la démarche d'accompagnement du patient face aux risques environnementaux.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à outiller les infirmières afin qu'elles puissent agir spécifiquement sur les liens entre environnement et santé. Cette action s'inscrit à la croisée de la prévention primaire, de l'éducation thérapeutique et du diagnostic.
J'ai souvent l'occasion de parler de santé environnementale en commission, je souhaite le faire également aujourd'hui.
Nous savons désormais que notre santé est majoritairement déterminée par des facteurs environnementaux : l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons, l'urbanisme de la ville dans laquelle nous vivons, le logement que nous habitons.
Or la santé environnementale est malheureusement le parent pauvre de la santé publique. Quel dommage, alors que l'on rappelle de toutes parts l'importance d'une approche santé-environnement, notamment pour préparer et prévenir les épidémies. Je pense par exemple aux zoonoses ou à l'épidémie de chikungunya qui touche actuellement nos concitoyens de la Réunion.
Les infirmières ont un rôle essentiel à jouer dans ces situations : elles se rendent souvent au domicile des patients et peuvent donc participer à l'évaluation des déterminants négatifs de santé – plomb, air vicié, amiante – présents dans les logements.
Je vous propose donc de faire figurer leur rôle en la matière dans leurs missions.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Ma chère collègue, la proposition de loi fait déjà figurer parmi les missions des infirmiers la participation à la prévention, aux soins éducatifs, à la santé, à la promotion de la santé et à l'éducation thérapeutique.
Les risques environnementaux font bien sûr partie du périmètre de ces dispositions. Il ne semble pas souhaitable d'en faire une mission spécifique.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice, vous avez évoqué le chikungunya à La Réunion, ainsi que les aléas climatiques et environnementaux à Mayotte.
Pour m'être rendu à deux reprises à Mayotte et à La Réunion, à la suite d'événements cycloniques ou dans le cadre, malheureusement, de l'épidémie de chikungunya, je peux vous assurer que les professionnels de santé, particulièrement les infirmiers, que ce soit à l'hôpital ou en ville, sont très engagés pour apporter les premiers secours ou mettre en œuvre les mesures de prévention requises par les épidémies.
À Mayotte, on a craint une épidémie de choléra dans les premiers jours ayant suivi le cyclone. À La Réunion, face à l'épidémie de chikungunya, il a fallu mettre en place des mesures de protection et de lutte anti-vectorielle pour chasser les moustiques, expliquer les risques des piqûres, notamment pour les personnes les plus vulnérables, à savoir les personnes âgées, les personnes atteintes de comorbidité, les femmes enceintes, les nouveau-nés jusqu'à l'âge de trois mois, ainsi que les mesures de protection nécessaires.
J'entends le souhait de souligner le rôle de ces professionnels de santé, mais sachez qu'ils sont déjà particulièrement engagés. Une loi bavarde n'accroîtrait pas leur engagement dans de telles situations. Témoignons-leur notre reconnaissance sur ces sujets.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 79.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly et Silvani, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Après le mot :
État
insérer les mots :
pris après avis des représentants des professionnels
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les domaines d'activité et les compétences des infirmiers et des infirmières. Notre amendement vise à préciser que ce décret doit avoir fait l'objet d'un avis des représentants des professionnels infirmiers : ceux-ci doivent être associés à la définition des activités qu'ils exercent et de leurs compétences.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Ma chère collègue, il semble évident que les représentants des professionnels doivent être consultés préalablement à la publication du décret précisant les domaines d'activités et de compétences infirmières. Nous devons l'inscrire dans la loi. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Ils donneront leur avis au sein du Haut conseil des professions paramédicales, lors d'une réunion à laquelle j'espère pouvoir assister. Cet amendement est donc satisfait, et le Gouvernement a donc émis un avis défavorable à son adoption.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 66, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 18, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Cet amendement vise à empêcher que se tiennent des négociations conventionnelles systématiques sans consultation de l'ensemble des acteurs.
Mme la présidente. Les amendements nos 8 rectifié, 21 rectifié et 40 sont identiques.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par M. Henno, Mme Billon, M. Dhersin, Mme Housseau, MM. Lafon, Laugier et Mizzon et Mme Sollogoub.
L'amendement n° 21 rectifié est présenté par Mmes Micouleau, Bonfanti-Dossat et Richer, M. Chatillon, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Bouchet, Mmes Demas, Evren, Josende, Joseph et Lassarade et MM. Margueritte et P. Vidal.
L'amendement n° 40 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 18
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette négociation prend aussi en compte la pénibilité du métier.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.
Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement, déposé par Olivier Henno, vise à souligner le fait que le métier d'infirmière comporte de nombreux risques pour la santé. Les infirmières sont confrontées à de nombreux facteurs de pénibilité : exposition aux maladies, aux produits chimiques, parfois aux rayonnements, situations de tension avec le public, travail de nuit, rythme soutenu et atypique, longue route pour aller voir les patients à domicile… De plus, comme le précisait la tribune infirmière, 20 % des infirmiers et infirmières sont en invalidité lors de leur départ en retraite. L'espérance de vie d'une infirmière retraitée est de 78 ans, contre 85 ans pour une femme en France. Il est donc important d'intégrer la prise en compte de la pénibilité dans le texte de cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l'amendement n° 21.
Mme Brigitte Micouleau. De même, cet amendement tend à prévoir dans la loi la prise en compte de la pénibilité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 40.
Mme Céline Brulin. Chacun sait, en effet, combien le métier d'infirmière peut être pénible, avec des horaires atypiques, du travail de nuit… Et je ne reviens pas sur les écarts importants dans l'espérance de vie. La pénibilité doit donc pleinement être prise en compte : c'est l'objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Jean Sol, rapporteur. L'amendement n° 66 du Gouvernement vise à supprimer une des dispositions de l'article 1er.
Notre commission a plusieurs fois appelé à une revalorisation des infirmiers, ces dernières années. Les principaux actes réalisés en ville par les infirmiers libéraux n'ont pas connu de revalorisation significative depuis 2009 ! Toutefois, le Gouvernement s'est engagé, ces derniers jours, à lancer des négociations conventionnelles avant l'été. Les principaux syndicats infirmiers s'en sont d'ores et déjà félicités. Puis, ce type de dispositions, contraignant l'État et l'assurance maladie à conduire des négociations à chaque évolution des compétences réglementaires, n'existe pour aucune autre profession de santé.
Enfin, l'un des principaux objectifs de cette loi était de simplifier l'adaptation du cadre réglementaire des infirmiers aux évolutions rapides de la profession. Ces dispositions, en obligeant à ouvrir à chaque fois des négociations conventionnelles avec les syndicats d'infirmiers libéraux et, à l'hôpital, des négociations avec les syndicats, pourraient décourager le Gouvernement de revoir l'arrêté chaque fois que cela serait nécessaire.
La suppression de ces dispositions se révélera toutefois très sensible. Les infirmiers reprocheront inévitablement au Sénat et à notre commission d'avoir retiré du texte une obligation qu'ils jugent protectrice, et susceptible d'améliorer à terme leurs conditions de rémunération. C'est pourquoi, sur cet amendement, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Les trois amendements identiques sont relatifs à la pénibilité. Mentionner la pénibilité dans la loi ne nous semble pas souhaitable. Ces dispositions seraient dépourvues d'effet juridique, dans la mesure où elles ne contraindront pas le Gouvernement et l'assurance maladie à augmenter les rémunérations infirmières à ce titre. Les négociations, auxquelles participeront les syndicats d'infirmiers, devraient déjà tenir compte de la forte pénibilité du métier et des risques associés. Le Gouvernement s'est engagé, ces derniers jours, à les lancer avant l'été. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements identiques ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement en demande le retrait. À défaut, il a émis un avis défavorable à leur adoption. Je l'ai dit à l'Assemblée nationale : si ce texte est adopté, je souhaite que nous puissions débuter les négociations conventionnelles. J'adresserai donc, dans cet esprit, une lettre de cadrage à la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), pour faciliter l'ouverture des concertations avec les différents syndicats. Je souhaite donc préserver une certaine marge de manœuvre et ne pas rigidifier le texte, afin que les négociations conventionnelles puissent aboutir.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. À propos de l'amendement n° 66, déposé par le Gouvernement, j'attire votre attention sur le fait que c'est le seul endroit du texte où figure explicitement la nécessité d'une négociation sur les tarifs infirmiers. J'entends bien l'argument avancé dans l'exposé des motifs, à savoir que si, à chaque actualisation, il fallait systématiquement ouvrir une négociation, cela deviendrait complexe.
C'est d'ailleurs pourquoi j'avais souhaité déposer un sous-amendement pour préciser que la négociation s'impose au moment de la publication de l'arrêté initial, et non à chaque actualisation. Malheureusement, ce sous-amendement n'a pas été jugé recevable. Pourtant, cette proposition me paraît d'autant plus cohérente que le ministre a annoncé lui-même l'ouverture de négociations conventionnelles.
Donc, si nous adoptons en l'état l'amendement du Gouvernement – sans pouvoir le modifier – nous faisons une croix sur l'obligation de négocier les rémunérations. Or, comme on dit : les mots d'amour, c'est bien, mais les preuves d'amour, c'est mieux.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat. Pour ma part, j'invoquerais plutôt la jurisprudence Mouiller ! Le président de la commission nous le rappelle souvent : parfois, une rédaction n'est pas idéale, mais on l'adopte pour permettre à la commission mixte paritaire d'y revenir et de trouver une formulation plus consensuelle.
En revanche, si nous adoptons l'amendement n° 66 tel quel, il sera trop tard, nous ne pourrons plus revenir en arrière. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous appelle à ne pas voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bernard Jomier invoque la jurisprudence Mouiller. Cela me va ! C'est la meilleure solution, je crois. Nous sommes en effet dans une situation compliquée, parce qu'il faut que le message du Sénat soit clair : oui, il est temps de revaloriser les actes des infirmiers. Ce décalage dure depuis trop longtemps, ce n'est plus acceptable. Nous en sommes tous d'accord, sur tous les bancs, et le Gouvernement partage aussi cet objectif.
En même temps, on comprend bien qu'une actualisation systématique, à chaque modification des tarifs, deviendra vite une contrainte, y compris pour le Gouvernement. Cela pourrait même freiner certaines évolutions.
Je propose donc, monsieur le ministre, que nous n'adoptions pas votre amendement, non pas dans un esprit d'opposition, mais pour nous laisser la possibilité d'en retravailler la rédaction lors de la commission mixte paritaire. L'objectif est de garantir aux infirmiers cette revalorisation, sans créer une usine à gaz.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Très bien.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je m'inscris dans le droit fil des interventions de nos collègues Jomier et Mouiller.
Il est important de maintenir dans le texte un signal clair sur la nécessité de négocier la rémunération des infirmiers. Le ministre a été clair, et il ne s'agit pas ici de faire un procès d'intention. Mais il y a eu, de la part de notre assemblée, des prises de position constantes sur ce sujet ces dernières années, et il me paraît important qu'elles soient affirmées.
Une première option, que certains ont baptisée « jurisprudence Mouiller », consisterait, plutôt que de rejeter l'amendement du Gouvernement, à ce que le Gouvernement choisisse de le retirer. Ce serait une solution simple, conforme à l'élégance sénatoriale.
Il y a une deuxième option, monsieur le ministre : si vous souhaitez maintenir un amendement, il pourrait être utile de le retravailler pour préciser qu'il ne concerne que la première publication, puis l'actualisation de l'arrêté postérieure à la promulgation de la loi. Cela éviterait une rigidification excessive du dispositif – nous avons bien entendu votre péoccupation sur ce point – tout en conservant l'élan porté par notre assemblée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je m'inscris également dans les pas de mes prédécesseurs, et je trouve très opportun que la sagesse arrive dans la discussion ! J'apprécie la diligence du ministre, qui souhaite aller vite pour publier les décrets et réviser les rémunérations. Il est actif sur le sujet, qui lui tient à cœur, et nous lui donnons une direction qui me semble tout à fait opportune.
J'ai également soutenu les amendements portant sur la pénibilité. Pourquoi ? Parce que les conditions d'exercice des infirmières et infirmiers sont aujourd'hui extrêmement difficiles : travail de nuit, déplacements contraignants, souvent dans des conditions météorologiques éprouvantes. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, ils interviennent souvent en première ligne, là où les difficultés sont les plus aiguës. Cela a un impact direct, lourd, sur leur santé et leur bien-être.
Je suis convaincue qu'un travail de fond s'impose. Certes, je suis consciente qu'une telle réforme ne peut se faire à travers un simple amendement, mais j'attends du ministre un engagement. Je l'ai entendu, et je prends acte de sa volonté d'avancer. Il est nécessaire de poser clairement le problème, et de travailler, avec la profession, à des solutions concrètes pour améliorer durablement les conditions de vie et d'exercice dans ce métier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je me sens pleinement en accord avec les intervenants précédents. En effet, il ne serait pas cohérent d'avoir souligné presque unanimement, lors de la discussion générale, que cette proposition de loi constitue une étape importante, sans accompagner cette reconnaissance d'un signe concret de revalorisation des actes, que vous avez vous-même évoqué, monsieur le ministre. Or, des pistes viennent d'être proposées qui montrent qu'il est possible, dans la suite du parcours de ce texte, d'aller dans ce sens et de donner corps à ces engagements.
Concernant les amendements relatifs à la pénibilité, vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'une lettre de cadrage serait transmise à la Cnam pour initier les négociations. Ne pourriez-vous pas nous confirmer que cette lettre inclura explicitement des éléments relatifs à la reconnaissance de la pénibilité ? Nous pouvons entendre que cette reconnaissance ne peut se faire par voie d'amendement, mais nous attendons un signal clair sur votre volonté d'avancer concrètement sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je salue le travail de la commission des affaires sociales. À titre personnel je voterai les trois amendements relatifs à la pénibilité : le travail d'infirmière, d'infirmier, mérite beaucoup de respect, de reconnaissance, comme cela a été longuement rappelé. Métier de vocation, c'est aussi un métier très difficile : il faut faire des kilomètres de route en permanence, il y a beaucoup de pression de la part des patients, notamment à domicile. Le critère de pénibilité doit absolument être pris en compte.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les infirmiers libéraux, on en a besoin, et on en aura encore plus besoin avec le vieillissement de la population. Depuis 2009, il n'y a pas eu de revalorisation. Il est absolument indispensable d'en prévoir une. Je ne mets pas en doute la volonté d'avancer du ministre ni le sérieux de son travail, mais je soutiendrai la position du président de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. J'ai écouté avec attention les propos de chacun. Nous devons avant tout faire preuve de pragmatisme. Nous souhaitons tous que cette proposition de loi soit adoptée, pour améliorer les conditions d'exercice des infirmiers et infirmières. Et il faut qu'elle le soit dans les meilleures conditions pour enclencher les négociations conventionnelles. La lettre de cadrage prendra un maximum d'éléments en compte. Je rappelle que les négociations se feront avec la représentation syndicale de la profession, et je fais confiance au dialogue social qui se mettra en place pour cette négociation conventionnelle.
Les arrêtés, quoi qu'on en dise, rigidifient la discussion conventionnelle, au risque de la bloquer. Ce n'est pas mon souhait. Vous avez évoqué la sagesse du Sénat. Celle du ministre, aujourd'hui, sera de retirer son amendement, pour que les négociations se déroulent dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. L'amendement n° 66 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié, 21 et 40.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing et Laménie, Mme L. Darcos, MM. Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. A. Marc, Grand, Brault et Chevalier, Mme Guidez, MM. Fialaire et H. Leroy, Mmes Sollogoub et Bonfanti-Dossat, MM. Menonville et Fouassin et Mme Evren, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du V de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le personnel des établissements mentionnés au I et au IV bis peut comprendre un infirmier coordonnateur chargé, sous la responsabilité hiérarchique du médecin coordonnateur, d'assurer l'encadrement de l'équipe soignante de l'établissement. Les qualifications requises et ses autres missions sont définies par décret. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Adopté lors de l'examen du PLFSS 2025, cet amendement vise à la reconnaissance du statut d'infirmier diplômé d'État coordonnateur (Idec) en Ehpad. Malheureusement, le Conseil constitutionnel l'a censuré, puisqu'il ne relevait pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale.
Il reprend l'une des propositions du rapport du Sénat sur la situation des Ehpad, présenté en septembre 2024 et qui suggère de reconnaître et d'encadrer le statut d'Idec en Ehpad. Il correspond également à la feuille de route Ehpad-USLD (Unité de soins de longue durée) pour 2021-2023.
Actuellement, les Ehpad ne sont pas dans l'obligation de compter un Idec dans leur effectif. Le rôle des Idec n'est d'ailleurs défini dans aucun texte législatif ni règlementaire. Pourtant, dans les faits, ceux-ci jouent un rôle tout à fait crucial dans ces établissements, dans l'organisation et le suivi des soins des résidents, mais aussi dans le management de l'équipe soignante, le médecin coordonnateur n'exerçant souvent qu'à temps très partiel – un jour par semaine – et l'Idec étant, lui, souvent embauché à temps plein.
À l'heure où les Ehpad connaissent d'importantes difficultés, il est temps de reconnaître et d'encadrer le statut d'Idec, comme pour le médecin coordonnateur, ce qui contribuera au bon fonctionnement des Ehpad.
Dans certains Edpad, il n'y a pas de médecin-coordonnateur, et c'est l'infirmière-coordonnatrice qui soutient les équipes et se fait l'intermédiaire dans la prévention, la nutrition ; c'est elle qui établit la dépendance, notamment à l'entrée des pensionnaires.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. La fonction d'Idec est devenue un maillon essentiel du fonctionnement des Ehpad. Le nombre d'Idec n'est pas connu avec exactitude ; il est estimé entre 6 000 et 8 000. Pourtant, il n'existe pas de définition réglementaire des Idec.
Reprenant une des propositions du rapport de la commission sur la situation des Ehpad et un amendement adopté par le Sénat lors de l'examen du PLFSS, cet amendement a pour objet d'inscrire dans la loi le rôle des Idec, dont les fonctions sont nécessaires au bon fonctionnement des Ehpad. Le décret prévu permettra de préciser à court terme les missions et le positionnement de l'Idec. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Nous sommes tous convaincus de l'importance du rôle des Idec en Ehpad. Mes services rédigent actuellement un texte réglementaire pour réaffirmer ce rôle. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il a émis un avis défavorable à son adoption.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani, Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les mesures d'attractivité en termes de rémunération, de carrière et de statut pour les infirmières et les infirmiers.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à demander un rapport sur les revalorisations salariales dans le secteur hospitalier et la fonction publique hospitalière. Nous avons beaucoup évoqué la nécessaire revalorisation des actes dans l'exercice libéral. Certes, à l'hôpital, la revalorisation passe par le point d'indice, et les grilles hospitalières ne sont pas de votre seule responsabilité, monsieur le ministre.
Mais l'attractivité de la profession infirmière dans nos établissements hospitaliers passe forcément par des revalorisations salariales. Rappelons qu'une infirmière en début de carrière touche 1 500 euros. Pour créer un choc d'attractivité, que certains ont justement évoqué, il faut une revalorisation.
Mme la présidente. L'amendement n° 67, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les modalités d'une revalorisation salariale des infirmiers, en lien avec l'évolution de leurs compétences, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des consultations infirmières, des diagnostics infirmiers et des actes de prescription prévus par la présente loi.
Ce rapport doit étudier les perspectives d'ajustement des grilles indiciaires, les dispositifs de reconnaissance financière liés à la montée en responsabilité, ainsi que les leviers budgétaires à mobiliser pour garantir l'attractivité durable de la profession.
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Nous connaissons l'amour du Sénat pour les demandes de rapports… Néanmoins, cet amendement d'appel vise à en demander un, sur l'augmentation des grilles indiciaires des infirmiers. En effet, l'article 40 m'interdit d'introduire un amendement en ce sens.
Depuis plusieurs années, les compétences des infirmiers n'ont cessé d'évoluer. Leur rôle s'est considérablement élargi, et il ne va pas cesser de progresser : évaluation clinique, adaptation des traitements, coordination des parcours de soins... Pour autant, leur rémunération n'a pas suivi cette montée en compétences. Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, le salaire d'un infirmier est actuellement d'environ 1 900 euros. Il est presque deux fois plus élevé dans d'autres pays de l'Union européenne. Comment attirer, fidéliser, comment valoriser cette profession essentielle avec une telle déconnexion entre responsabilité et reconnaissance salariale ?
Ce rapport permettrait d'objectiver des données, d'ouvrir une réflexion sérieuse sur la juste rémunération des infirmiers et de poser les bases d'une réforme attendue. Rendre le métier attractif, ce n'est pas seulement légiférer sur les compétences : c'est aussi reconnaître concrètement, par la rémunération, l'importance de celles et ceux qui soignent, accompagnent et tiennent chaque jour notre système de santé à bout de bras.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean Sol, rapporteur. Il est important d'attirer l'attention du Gouvernement sur un sujet qui, je crois, nous préoccupe tous dans cet hémicycle : les manières de valoriser l'exercice infirmier et les compétences infirmières.
Cette proposition de loi y prend toute sa part en redéfinissant le cadre de l'exercice infirmier. L'ouverture des négociations conventionnelles qui suivra son adoption apportera une nouvelle réponse pour ce qui concerne l'exercice libéral. Les établissements doivent également agir pour proposer de meilleures conditions de travail et de rémunération à leurs infirmiers, mais cela ne relève naturellement pas du domaine de la loi.
Toutefois, s'agissant de demandes de rapports, vous connaissez la position de la commission. Celle-ci a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement a émis un avis favorable sur ces amendements, dont l'adoption permettra d'étayer les discussions salariales.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Il s'agit de deux demandes de rapports, et la commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements. Le Gouvernement, lui, a émis un avis favorable. Ce sont des sujets extrêmement importants. Le rôle des commissions des affaires sociales, dans les deux chambres, est justement de porter ce type de travaux. Nous avons bien que les demandes de rapport que nous adoptons n'aboutissent jamais. Ne soyons pas hypocrites et, sur des sujets aussi importants, demandons aux commissions des affaires sociales de s'emparer de la problématique, d'organiser des auditions et des rencontres.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani, Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport examinant les modalités de mise en œuvre d'une formation initiale des infirmières et des infirmiers sur quatre années dont une de professionnalisation. Il s'attache notamment à évaluer les besoins des instituts de formation en soins infirmiers en personnels d'encadrement, de terrains de stage et de prise en charge financière du coût des études.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Je m'excuse, monsieur le président de la commission, de revenir une fois de plus avec une demande de rapport. Mais je tiens à défendre cette proposition, car c'est le seul moyen dont je dispose pour porter cette idée, en raison notamment de l'article 40.
Nous avons tous été interpellés sur la nécessité d'instaurer une quatrième année de formation dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Beaucoup partagent la volonté de renforcer les compétences des infirmières et infirmiers, profession que nous avons, à juste titre, qualifiée d'essentielle à de nombreuses reprises. Cette montée en compétence devrait, je l'espère, s'accompagner de revalorisations salariales.
Cependant, il y a débat, car dans l'état actuel des choses, créer une année supplémentaire pourrait renforcer la précarité dans laquelle un certain nombre d'étudiants se trouvent. Les étudiants infirmiers sont indemnisés à hauteur de 1,03 euro de l'heure en première année, 1,71 euro de l'heure en dernière année de formation, alors que les étudiants de l'enseignement supérieur bénéficient d'une indemnité de stage qui s'élève à 4,35 euros de l'heure. La première des choses serait peut-être d'harmoniser tout cela.
L'autre difficulté, pour cette quatrième année, ce sont les terrains de stage. Ce sont les régions qui sont compétentes pour les Ifsi. J'ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous avez sanctuarisé les crédits permettant d'accroître l'offre de formation pour 2025. Si on devait aller vers une quatrième année, il faudrait que cela se fasse en concertation avec les régions. Tout cela, à mes yeux, mérite amplement que nous demandions un rapport sur le sujet.
Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'opportunité de porter la formation initiale des infirmiers à quatre années dont une de professionnalisation.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. J'aimerais rappeler quelques chiffres, en complément de ce qu'a très bien dit ma collègue Céline Brulin.
Pourquoi militons-nous pour une durée de quatre ans ? Voilà plus d'un demi-siècle que la formation des infirmières dure trois ans. Or on leur demande toujours plus, et le nombre d'heures qu'elles effectuent au cours de leurs trois années d'études est trois fois plus élevé que dans une licence classique.
Il nous paraîtrait donc très utile d'avoir une formation en quatre ans. D'ailleurs, c'est le cas chez la plupart de nos voisins européens. De ce point de vue, le modèle français est totalement archaïque.
Nous demandons un rapport, pour les mêmes raisons que Mme Brulin. Mais nous souhaiterions avoir des engagements clairs en faveur d'une quatrième année de formation.
Mme la présidente. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité d'étendre à quatre ans la durée de formation infirmière. Le rapport tient compte des obligations de la France au regard de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et examine notamment les impacts sur l'offre de soins infirmiers, ainsi que la compatibilité de cette extension à quatre ans avec l'intégration de la formation infirmière dans le système de cycles universitaires, y compris vis-à-vis des diplômes de spécialités infirmières et de pratique avancée.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement est similaire à ceux qui viennent d'être excellemment défendus par Mmes Brulin et Souyris.
Son adoption permettrait à notre pays de se mettre en conformité avec la directive européenne sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui impose d'avoir 4 600 heures de formation. La quatrième année pourrait comprendre une partie théorique et une partie professionnalisante sur le terrain.
Nous sollicitons donc la remise d'un rapport analysant les conditions dans lesquelles la mise en place de cette quatrième année pourrait s'envisager.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Conformément à sa jurisprudence traditionnelle sur les demandes de rapport, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le véritable souhait des sénatrices Brulin, Souyris et Le Houerou est en réalité moins la remise d'un rapport que l'instauration d'une quatrième année de formation. C'est donc sur ce point que je vais vous faire part de ma vision des choses, à laquelle vous souscrirez ou non.
Tout d'abord, les organisations syndicales et l'ordre, que j'ai beaucoup consultés, ne m'ont pas fait remonter une demande forte en ce sens, non plus d'ailleurs que les infirmières et infirmiers, hospitaliers ou libéraux. Personne ne m'a fait part de difficultés à cet égard.
Ensuite, madame la sénatrice, le fait que la création d'une quatrième année permettrait à la France de se mettre en conformité avec une directive européenne n'est pas un argument. Si nous considérons que nos infirmières et nos infirmiers sont insuffisamment formés, voyons comment il est possible d'améliorer la maquette pédagogique. Mais ne mettons pas en place une année supplémentaire juste pour coller à une directive européenne. Nous, Français, disons souvent que nous ne voulons pas être soumis à des carcans européens. Or, en l'occurrence, nous n'y sommes pas soumis.
En outre, et puisqu'il a été question de « précarité étudiante », je pense qu'il faut faire attention aux messages que nous envoyons.
Pour des lycéens souhaitant s'engager en formation initiale comme pour des professionnels intéressés par une formation continue, le fait que les études durent trois ans est, je le crois, un facteur d'attractivité.
Je ne suis pas certain qu'un lycéen ou une lycéenne ait forcément très envie de commencer une formation de quatre ans, à plus forte raison quand celle-ci pourrait être synonyme de difficultés financières, par exemple parce que, n'habitant pas dans la commune où se trouve l'Ifsi, il ne pourrait pas bénéficier du logement de ses parents.
Idem s'agissant de la formation continue ; c'est une question que je connais bien. On imagine difficilement des personnels soignants ou des aides-soignants vouloir repartir sur une formation en quatre ans : à partir d'un certain âge, la durée des études devient un frein.
Enfin, comme vous l'avez souligné – je vous rejoins sur ce point –, la compétence en matière de formation relève depuis 2004 des régions. Je pense donc que nous ne pouvons pas décider de l'ajout d'une année supplémentaire de formation sans en discuter avec elles.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument !
M. Yannick Neuder, ministre. En effet, les formations en matière sanitaire et sociale – dont les formations en soins infirmiers – représentent un coût budgétaire important pour les régions.
En l'occurrence, nous avons sanctuarisé plus de 215 millions d'euros dans le budget 2025, afin, précisément, de former davantage d'infirmiers et d'infirmières.
Au fond, je préférerais – je suis un peu taquin ! – un rapport sur les conditions d'attractivité. D'après les chiffres issus de Parcoursup, 80 % des étudiants d'un Ifsi proviennent de la région où celui-ci se trouve. Il faut donc nous interroger. Pourquoi y a-t-il plus d'étudiants qu'auparavant qui abandonnent ? Pourquoi 20 % des infirmiers quittent-ils la profession au bout de dix ans, notamment à l'hôpital ? La question de l'attractivité me semble plus importante que celle de la durée de formation.
Bien entendu, je serais prêt à revoir ma position si les consultations aboutissaient à des conclusions différentes.
Mais, à ce stade, j'émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Monsieur le ministre, nous avons nous-mêmes procédé à des consultations, et la demande d'une quatrième année est apparue très clairement. Je m'étonne que vous ne l'ayez pas entendue.
En outre, vous ne pouvez pas dire que, puisque les étudiants n'ont pas d'argent, ils doivent arrêter leurs études !
M. Yannick Neuder, ministre. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
Mme Anne Souyris. Il faut au contraire lutter contre la précarité étudiante ! Faisons en sorte que les étudiants ne soient plus empêchés de continuer leurs études ! Votre position est quelque peu hallucinante !
Différents collectifs ont proposé d'avoir des « infirmiers juniors », sur le modèle des « médecins juniors », qui pourraient commencer à travailler en même temps.
Dire que des étudiants en situation de précarité doivent arrêter leurs études pour se mettre à gagner de l'argent, ce n'est pas digne d'une démocratie !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame Souyris, apparemment, vous n'avez pas dû bien m'entendre… Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas faire de quatrième année parce qu'il n'y a pas d'argent !
J'ai en revanche effectivement évoqué la précarité étudiante, et j'ai surtout rappelé qu'une quatrième année n'était pas utile si nous considérons que les étudiants sont bien formés. Je repose donc la question : le sont-ils, et, partant, faut-il prévoir une année supplémentaire de formation ? Je n'ai jamais réduit le débat à sa seule dimension budgétaire, contrairement à ce que vous venez de dire.
Vous évoquez par ailleurs la possibilité que la dernière année de formation soit professionnalisante, comme c'est le cas de la quatrième année de médecine générale. C'est effectivement un sujet important, sur lequel il convient de réfléchir et de discuter avec les représentants de la profession et, surtout, les étudiants. Mais ne mélangeons pas tout : le fait de savoir si la dernière année de formation a, ou non, un caractère professionnalisant, la précarité étudiante et le coût budgétaire pour les régions sont des questions distinctes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Certes, je ne vote pas pour les demandes de rapport. Mais je trouve très intéressant le débat que nos collègues soulèvent.
Peut-être la création d'une quatrième année de formation n'est-elle pas expressément demandée par les organisations syndicales et l'ordre. Néanmoins, sur mon territoire – je ne sais pas si c'est pareil ailleurs –, les Ifsi et leurs professeurs font part d'une difficulté : certains étudiants ont des problèmes de capacité au raisonnement logique à leur arrivée.
M. le ministre parle d'une année professionnalisante. Je pense plutôt qu'il faudrait une année préparatoire, propédeutique, pour travailler sur les prérequis et les bases nécessaires aux études d'infirmier. Elle viserait à renforcer les connaissances indispensables en biologie, en sciences humaines et en communication écrite et orale, ainsi qu'à initier les étudiants aux méthodes de travail universitaire. Inspirée de dispositifs existants dans d'autres filières sélectives, elle permettrait de mieux sécuriser les parcours de formation, de limiter les abandons précoces et de garantir une meilleure adéquation entre les attentes de la formation et les compétences des étudiants. Cela se fait, par exemple, en Belgique et en Suisse.
Au regard de l'évolution des missions des infirmières et des infirmiers vers une pratique plus réflexive, autonome et scientifique, l'instauration d'une année préparatoire à visée propédeutique apparaît aujourd'hui comme une mesure de cohérence et de qualité au service d'une profession en pleine mutation. C'est, me semble-t-il, une réflexion que nous devons avoir.
Je remercie les auteurs de ces amendements de nous avoir permis d'aborder le sujet.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis
Le début du dernier alinéa de l'article L. 1411-11 du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Les professionnels de santé, dont les médecins traitants mentionnés à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale et les infirmiers, ainsi… (le reste sans changement). »
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l'article.
Mme Élisabeth Doineau. Je soutiens l'article 1er bis tel qu'il a été rédigé par la commission. Il traduit avec cohérence l'ambition de reconnaissance et de structuration du rôle des infirmières et des infirmiers en pratique avancée dans notre système de santé.
L'inscription explicite de ces professionnels dans un article du code de la santé publique n'est pas qu'un ajustement rédactionnel : c'est une reconnaissance symbolique et opérationnelle de leur pleine légitimité dans l'offre de soins de premier recours. En les associant clairement aux dynamiques de coordination et de coopération avec les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, nous affirmons ainsi une vision contemporaine de l'exercice professionnel, fondée sur la complémentarité des compétences, sur le décloisonnement et sur la réponse aux besoins réels des territoires.
Je me réjouis tout particulièrement de la consécration des notions de « consultation infirmière » et de « diagnostic infirmier ». Elles sont le reflet d'une réalité de terrain déjà bien ancrée et permettent de structurer juridiquement des pratiques qui contribuent efficacement à la qualité des soins, à la prévention et à une meilleure orientation des patients. C'est un élément de clarification face au risque de confusion avec le diagnostic médical. Il s'agit de renforcer la profession, et non de créer une opposition avec les médecins.
Aussi, je salue la réintroduction par les rapporteurs de la mention des médecins traitants parmi les professionnels impliqués dans les soins de premier recours. La reconnaissance de la contribution des infirmiers aux soins de premier recours ne doit pas effacer la contribution des médecins.
Cet article, en consolidant le rôle des infirmiers dans les parcours de soins, vient renforcer l'attractivité de la profession et ouvre la voie à un exercice plus autonome, plus reconnu, mais toujours inscrit dans une logique de coopération.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
Après l'article L. 4311-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4311-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-3-1. – Les infirmiers titulaires d'un diplôme, certificat ou titre mentionné aux articles L. 4311-3 et L. 4311-4 et les infirmiers titulaires du diplôme de formation en pratique avancée mentionné au II de l'article L. 4301-1 informent le conseil départemental de l'ordre dans le ressort duquel se situe leur résidence professionnelle lorsqu'ils interrompent leur activité pour une durée excédant un seuil défini par décret.
« Lorsque la durée de l'interruption de leur activité excède un seuil défini par décret et compris entre trois et six ans, les infirmiers mentionnés au premier alinéa souhaitant reprendre leur exercice sont soumis à une évaluation de leur compétence professionnelle. Lorsque l'évaluation révèle une insuffisance professionnelle, l'autorité compétente propose au demandeur d'effectuer, préalablement à la reprise d'activité, une formation théorique ou un stage de remise à niveau. Elle peut également subordonner la reprise d'exercice à la réussite d'une épreuve d'aptitude validante.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l'article.
Mme Élisabeth Doineau. Cet article 1er ter, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, instaurait initialement un dispositif spécifique d'évaluation et, le cas échéant, de remise à niveau pour les infirmiers en pratique avancée n'ayant pas exercé pendant une durée fixée par décret.
Dans le cadre de nos travaux de commission, j'avais déposé un amendement de suppression, considérant l'article comme redondant avec le cadre de la certification périodique des professionnels de santé définie par le décret du 22 mars 2024, pris en application de la loi du 24 juillet 2019. Je remercie les rapporteurs de l'avoir utilement réécrit, et je me range désormais à cette nouvelle rédaction.
Celle-ci réserve l'évaluation de compétences aux interruptions longues, excédant une durée comprise entre trois et six ans, afin d'éviter des procédures inutiles. Il est à noter que la durée de six ans correspond à l'intervalle entre deux périodes de certification périodique.
Le présent dispositif doit donc remplacer ou compléter les initiatives existantes sans doublonner ni rajouter des lourdeurs administratives excessives. Il est impératif de ménager une bonne articulation de l'évaluation des compétences prévue à l'article 1er ter et des différents autres dispositifs existants.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme Muller-Bronn, MM. Bacci, Genet, Naturel, H. Leroy, Favreau, Sido et P. Vidal, Mme Ventalon et M. de Nicolaÿ.
L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 44 rectifié bis est présenté par Mme Gacquerre, MM. Pillefer et Duffourg, Mme Jacquemet et MM. Levi, S. Demilly, Laugier et Kern.
L'amendement n° 61 est présenté par M. Jomier, Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 91 rectifié ter est présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. A. Marc, Laménie, Brault et Chevalier et Mmes Aeschlimann et F. Gerbaud.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour présenter l'amendement n° 11 rectifié.
Mme Laurence Muller-Bronn. J'irai dans le même sens que Mme Doineau. Il nous a été indiqué en commission que les formations de mise à niveau seraient « proposées ». Il s'agirait donc d'une proposition, et non d'une obligation ; nous sommes bien d'accord ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Oui !
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 34.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons la suppression de l'article 1er ter, considérant que les certifications périodiques suffisent à évaluer la compétence, y compris après une interruption d'exercice professionnel.
Certes, les rapporteurs ont amélioré le texte initial en proposant une durée comprise entre trois et six ans. Mais, même formulée ainsi, une telle disposition ne nous paraît pas forcément utile. Elle ne nous semble pas aller dans le sens de la simplification que d'aucuns réclament régulièrement. Les certifications périodiques suffisent.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour présenter l'amendement n° 44 rectifié bis.
M. Pierre-Antoine Levi. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l'amendement n° 61.
M. Bernard Jomier. Nous le voyons bien, la rédaction de l'article a évolué. Dans son amendement n° 65, le Gouvernement propose une durée de six ans.
Mais pourquoi soumettre les professionnels infirmiers, et pas les médecins, les kinésithérapeutes ou les orthophonistes, à un dispositif particulier en cas de cessation et reprise d'activité ?
Actuellement, les règles sont de niveau ordinal : elles relèvent des ordres professionnels. Je ne suis pas favorable à l'adoption d'une disposition spécifique pour les infirmières. Si le contrôle ordinal ne fonctionne pas bien, il faut le signaler, avec des éléments probants. Dans ce cas, j'accepterai de modifier la loi pour améliorer le fonctionnement.
Mais, en l'état, je ne vois pas pourquoi – je note d'ailleurs qu'une telle mesure ne figurait pas dans le texte initial ; elle a été ajoutée en cours d'examen – on imposerait des conditions particulières aux infirmières.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l'amendement n° 91 rectifié ter.
Mme Corinne Bourcier. Je souscris aux propos de M. Jomier. Le dispositif institué par l'article 1er ter ferait effectivement doublon. Et pourquoi cibler spécifiquement les infirmières plutôt que d'autres professionnels ?
Notre amendement a été travaillé avec l'ordre national des infirmiers.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. La commission, qui a adopté l'article 1er ter la semaine dernière, ne peut évidemment pas approuver les amendements tendant à le supprimer.
Toutefois, le débat sur ces amendements me donne l'occasion d'apporter un certain nombre de clarifications – nécessaires, car elles semblent avoir fait partiellement défaut – quant aux objectifs de cet article.
Encore une fois, il s'agit de permettre une évaluation des compétences des infirmiers en reprise d'activité après une longue interruption pour leur proposer – j'insiste sur ce terme, madame Muller-Bronn – un stage ou une formation de remise à niveau. Cela nous a semblé compléter utilement les dispositifs existants pour renforcer l'accompagnement des professionnels infirmiers.
Ce n'est pas du tout une punition, ni une contrainte, ni une dévalorisation du diplôme. C'est une possibilité d'accompagnement offerte pour se préparer à la reprise d'activité dans les meilleures conditions.
Nous pensons notamment à des infirmiers qui reprennent une activité sous la forme d'un mi-temps thérapeutique après une longue interruption d'activité. Aujourd'hui, l'accompagnement proposé est insuffisant et peut être source de mal-être au travail.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis que la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Si nous faisons passer des examens – j'ai bien entendu qu'il s'agissait d'une proposition, et non d'une obligation –, quid du financement ? En plus, cela va créer une rupture d'égalité par rapport aux autres infirmiers.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Sur le financement, le texte ne prévoit rien, madame Muller-Bronn.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. N'ayant obtenu aucune réponse à ma question – pourquoi les infirmières et pas les autres professions ? –, je maintiens mon amendement de suppression de l'article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je soutiens les amendements qui viennent d'être présentés. J'en avais déposé un identique en commission ; il n'a pas été accepté.
Je ne comprends pas la logique de cet article. Pourquoi une telle différence de traitement avec d'autres professionnels de santé en cas de reprise de l'activité après un arrêt plus ou moins long ?
Certes, Mme la rapporteure a précisé qu'il s'agissait d'une proposition ; je suis d'ailleurs sensible à cet argument. Mais il demeure tout de même une interrogation quant au financement. Au demeurant, des amendements sur la périnatalité – c'est un sujet qui me paraît très important – que j'ai déposés ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. J'avoue que certaines subtilités m'échappent…
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je ne voterai pas ces amendements de suppression, ayant moi-même déposé un amendement – je le présenterai dans quelques instants – tendant à ne retirer du texte de l'article 1er ter que son troisième alinéa. Il me paraît en effet souhaitable que les infirmiers interrompant leur activité en informent l'ordre départemental.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Deux poids, deux mesures !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié, 34, 44 rectifié bis, 61 et 91 rectifié ter.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 264 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 143 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
excédant un seuil défini par décret
par les mots :
supérieure à six ans
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les infirmiers mentionnés au premier alinéa ayant interrompu leur activité pendant plus de six ans et souhaitant reprendre leur exercice sont soumis à une évaluation de leur compétence professionnelle. Si l'autorité compétente constate l'insuffisance professionnelle de l'infirmier, elle lui demande d'effectuer, préalablement à toute reprise d'activité, les mesures d'accompagnement ou de formation qu'elle juge adaptées. »
III. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Cet amendement de compromis vise à porter à six ans la durée d'interruption à partir de laquelle l'infirmer est tenu d'informer son conseil départemental et est soumis à une évaluation s'il souhaite reprendre son activité.
Un tel allongement du délai bénéficiera, notamment, aux femmes, qui sont plus susceptibles d'interrompre leur carrière du fait d'un congé parental.
Nous introduisons de la souplesse pour laisser à l'autorité compétente une marge d'appréciation, afin de tenir compte des réalités et des contraintes, organisationnelles ou financières. Dans certains cas, elles peuvent être non négligeables.
Mme la présidente. L'amendement n° 59, présenté par Mme Imbert, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Cet amendement tend à supprimer seulement l'alinéa 3 de l'article 1er ter, qui prévoit une remise à niveau pour les infirmiers auxiliaires médicaux en pratique avancée n'ayant pas exercé leur profession pendant une durée déterminée par décret, tout en précisant que celle-ci doit être comprise entre trois ans et six ans.
Il existe déjà une obligation de certification périodique des professionnels de santé – Bernard Jomier l'a rappelé tout à l'heure. Les infirmiers sont soumis à l'obligation triennale du développement professionnel continu. Ainsi, réintroduire une procédure supplémentaire complexifierait la reprise d'activité et risquerait de freiner le retour à l'exercice des infirmiers.
D'une manière générale, retenir une durée aussi courte d'interruption de l'activité professionnelle me donne l'impression qu'il s'agit, ni plus ni moins, d'une remise en cause du diplôme.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Corinne Imbert. Je vous ai bien écoutée, madame la rapporteure, et je ne voudrais pas trop vous contrarier, parce que je vous aime bien ! (Sourires.) Certes, vous avez indiqué que le stage ou la formation de remise à niveau seraient « proposés ». Dont acte. Mais les infirmiers concernés auront auparavant dû se soumettre à une « évaluation de leur compétence professionnelle » au bout de trois ans.
M. Yannick Neuder, ministre. Six ans !
Mme Corinne Imbert. J'ai bien noté que vous aviez déposé un amendement en ce sens, monsieur le ministre. Mais, avec tout le respect que je vous dois, convenez qu'il n'a pas encore été voté !
Si l'article ne rend pas le stage ou la formation obligatoire, il ne précise pas non plus que l'infirmier ou l'infirmière peut s'y opposer. Ce qui est envisagé peut donc bien s'apparenter à une remise en cause du diplôme.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Sur l'amendement n° 65, l'avis de la commission est mitigé. Si elle ne voit de difficulté particulière au fait que la durée d'interruption d'activité au-delà de laquelle une évaluation des compétences est nécessaire soit fixée à six ans – c'était notre limite haute –, elle juge préférable, pour des raisons de suivi, que l'obligation de déclaration d'une interruption d'activité soit prévue avant six ans.
De plus, l'adoption de l'amendement renforcerait l'article 1er ter en rendant obligatoire la réalisation de mesures d'accompagnement en cas d'insuffisance professionnelle, alors que la rédaction proposée par la commission s'inscrivait davantage dans une logique d'accompagnement, avec l'idée que les infirmiers en difficulté après une interruption d'activité se voient proposer une formation ou un stage.
La commission a donc émis un avis de sagesse sur cet amendement.
Quant à l'amendement de Mme Imbert – moi aussi je vous aime bien, madame Imbert (Sourires.) –, il viderait de sa substance le dispositif de l'article 1er ter. La commission s'y est opposée pour les mêmes raisons que celles qui l'ont conduite à rejeter les amendements de suppression de l'article.
Le dispositif envisagé nous semble compléter utilement les dispositions existantes en matière d'accompagnement à la reprise d'activité. La durée de trois ans correspondait à la limite basse de la période que nous avions fixée, et qui allait jusqu'à six ans. Elle doit permettre une remise à niveau sur le principe du volontariat, dans un contexte où les pratiques évoluent de plus en plus rapidement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Ouh là ! (Sourires.)
M. Bernard Jomier. Quel cafouillage ! (Mêmes mouvements.)
M. Yannick Neuder, ministre. Madame Imbert, comme vous l'avez souligné, mon amendement n'est encore pas voté, mais s'il l'était, il porterait la durée à six ans, ce qui résoudrait une partie des difficultés que vous évoquez.
Pour vous être agréable, j'émettrai un avis de sagesse sur votre amendement. (M. Bernard Jomier s'amuse.)
Mme Corinne Imbert. Je vous en remercie…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 59 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.
(L'article 1er ter est adopté.)
Après l'article 1er ter
Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 88 rectifié quinquies, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Bouchet, Panunzi, Daubresse et Laugier, Mmes Bellurot et Gacquerre, MM. Piednoir, H. Leroy et Karoutchi, Mmes Goy-Chavent, Belrhiti, Malet et Jacques, M. Levi, Mme Bellamy, MM. Lefèvre et Sido, Mmes Micouleau, Ventalon, Gruny et Josende, MM. E. Blanc et P. Vidal, Mme Canayer, MM. Delia, Naturel, de Nicolaÿ, Pointereau et Longeot et Mme Evren, est ainsi libellé :
Après l'article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 4311-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4311-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-4-…. – Les infirmières et infirmiers du corps de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur constituent une spécialité infirmière autonome, pouvant être sanctionnée par un diplôme de niveau 7.
« À ce titre, ils exercent des missions spécifiques définies par leur cadre statutaire. Leur rôle, principalement éducatif et préventif, s'inscrit dans la politique générale de l'éducation nationale, dont l'objectif est de contribuer à la réussite de tous les élèves et étudiants.
« Un décret en Conseil d'État vient préciser le présent article. »
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à élever la santé scolaire au rang de spécialité de la profession infirmière, au même titre que l'exercice en bloc opératoire, en anesthésie, en puériculture ou en pratique avancée.
Les infirmiers de santé scolaire sont en effet des sentinelles vigilantes et bienveillantes de la promotion d'un bon état de santé physique et mental chez l'élève, garant d'un capital santé solide chez l'adulte.
Leur mission est d'autant plus importante dans un contexte de pénurie de médecins scolaires et de généralisation des déserts médicaux.
En réalisant chaque année plus de 18 millions de consultations spontanées, les infirmiers assurent un rôle de prévention et de détection des fragilités chez les élèves.
Or, malgré le dynamisme démographique observé dans la profession, seuls 7 500 infirmiers sur les 650 000 professionnels actifs en France exercent aujourd'hui en milieu scolaire auprès des 12 millions d'élèves. Le rôle de l'infirmier scolaire est donc mal connu, sous-estimé, insuffisamment valorisé et peu attractif.
Reconnaître la spécificité de l'exercice infirmier en milieu scolaire renforcerait la prévention dans notre système de soins.
Cette reconnaissance statutaire ne serait que justice. Elle est attendue par ces professionnels qui sont essentiels à la réussite et au bien-être de nos élèves, comme à l'inclusion et à la qualité du climat scolaire.
Un diplôme de niveau 7 permettrait de mieux les former aux enjeux spécifiques à l'enfance et à l'adolescence, et faciliterait le travail pluridisciplinaire, ainsi que la définition de référentiels d'actes de soins.
En résumé, il s'agit de créer, au travers de cet amendement, une expertise spécifique au sein des carrières infirmières.
Or les freins à l'accès au statut d'infirmier en pratique avancée, qu'évoquait notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, ne permettent pas d'atteindre cet objectif.
Mme la présidente. Les sept amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 18 rectifié est présenté par Mme Guillotin, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mmes M. Carrère et Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.
L'amendement n° 26 rectifié quinquies est présenté par Mmes Billon et Housseau, MM. J.M. Arnaud et Bleunven, Mme Bourcier, M. Chasseing, Mmes de La Provôté et Devésa, MM. Duffourg et Fouassin, Mmes Havet et Jacquemet, MM. Kern, Laugier, Levi et Longeot, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Saint-Pé et M. Verzelen.
L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 45 rectifié est présenté par Mmes Muller-Bronn, Bellurot et Josende, M. E. Blanc, Mmes Goy-Chavent et Valente Le Hir, M. Daubresse, Mme Dumont, M. P. Vidal, Mmes Ventalon et Drexler et MM. Delia et Bouchet.
L'amendement n° 46 rectifié ter est présenté par Mme Gacquerre et MM. Pillefer, Menonville et S. Demilly.
L'amendement n° 51 est présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 84 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 4311-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4311-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-3-…. – Les infirmières et les infirmiers du corps de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur constituent une spécialité infirmière.
« À ce titre, ils exercent des missions spécifiques définies par leur cadre statutaire. Leur rôle, principalement éducatif et préventif, s'inscrit dans la politique générale de l'éducation nationale, dont l'objectif est de contribuer à la réussite de tous les élèves et étudiants.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l'amendement n° 18 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise, lui aussi, à reconnaître la spécialisation d'infirmière scolaire comme une spécialité à part entière.
Force est de constater que la santé des jeunes se dégrade, que les inégalités scolaires se creusent, et que le climat dans nos lycées, collèges et établissements d'enseignement supérieur est empreint de plus en plus de violences et de difficultés.
Dans ce contexte, les 8 000 infirmières et infirmiers de l'éducation nationale jouent un rôle essentiel. Présents dans les établissements au plus près des élèves, ils assurent chaque année, comme cela a été dit, 18 millions de consultations.
Leur action est concrète, quotidienne et déterminante pour la santé physique et mentale de nos plus jeunes. Ces personnels de premier recours, ces référents de santé dans les écoles et les lycées repèrent les fragilités, accompagnent les élèves, conseillent les équipes éducatives et les familles.
Leur expertise est précieuse. La reconnaître passe par une formation diplômante de niveau 7. Nous y voyons une exigence de qualité, mais aussi un levier important pour rendre ce métier plus attractif, ce dont il a bien besoin.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié quinquies.
Mme Marie-Lise Housseau. L'objectif de cet amendement est double : améliorer la qualité du service rendu aux élèves et rendre ce métier de nouveau attractif.
En effet, la pénurie est forte et le turnover massif. Les infirmiers et les infirmières quittent l'éducation nationale en raison d'un manque de reconnaissance, de perspectives et de formation adaptée. Or qui dit profession dévalorisée dit métier déserté. Cette reconnaissance est donc nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 35.
Mme Céline Brulin. Je partage tous les arguments qui viennent d'être développés. Cette spécialité mérite en effet d'être reconnue, à l'école comme dans l'enseignement supérieur, et ce pour deux raisons.
Premièrement, l'état de santé général de nos jeunes – enfants et étudiants – se dégrade considérablement. Je pense ici non seulement à la santé physique, mais aussi à la santé psychique et mentale, domaine dans lequel nous assistons à des phénomènes extrêmement inquiétants.
Deuxièmement, il faut renforcer l'attractivité des professions de la santé scolaire. Nous manquons de personnel, médecins ou infirmières, et certains postes restent vacants. Pour y remédier, cette spécialité doit être reconnue de manière pleine et entière.
Le fait même que des amendements identiques proviennent de nos divers groupes politiques montre que ce besoin est partagé par l'ensemble de la communauté éducative, comme par les familles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour présenter l'amendement n° 45 rectifié.
Mme Laurence Muller-Bronn. J'abonde dans ce sens et j'ajoute que nos jeunes ont besoin de ces soignants et infirmières spécialisés.
On rapporte que 20 % des jeunes de 15 à 25 ans présentent des troubles psychiques. Avec près de 400 décès par an, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents. Quelque 11 % des élèves sont asthmatiques, 18 % d'entre eux sont en surpoids et 5 % souffrent d'obésité. Quant aux troubles « dys » – dyslexie, dysphasie, etc. –, ils concernent entre 6 % et 8% des élèves.
Il s'agit donc d'une demande émanant des élèves et des patients eux-mêmes.
Mme la présidente. L'amendement n° 46 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 51.
Mme Annie Le Houerou. Dans un contexte de dégradation très inquiétante de la santé mentale et physique des jeunes, la spécialisation professionnelle des infirmières scolaires s'impose.
Grâce à leur mission d'écoute, de prévention et de dépistage, elles sont souvent les premières à pouvoir détecter les signaux faibles.
Notre groupe soutiendra la spécialisation des infirmières scolaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l'amendement n° 84.
Mme Anne Souyris. En cette année où la santé mentale a été déclarée grande cause nationale, il est absolument essentiel que les infirmières scolaires voient leur spécialisation reconnue en tant que telle. Ces dernières sont les piliers de la santé scolaire dans la France entière.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. L'exercice est délicat. Nous comprenons parfaitement l'intention des auteurs des amendements qui sont regroupés dans cette discussion commune.
Les conditions d'exercice des infirmiers scolaires se dégradent de manière préoccupante et la pénurie de médecins scolaires contribue au creusement des inégalités. Il est donc important d'agir ; tout le monde en convient dans cet hémicycle.
Telle est l'ambition de cette proposition de loi, qui ouvre dans son article 2 l'accès à l'exercice en établissement scolaire aux infirmiers en pratique avancée. Cette piste concrète, qui s'accompagne d'un élargissement des compétences et d'une autonomie renforcée, rencontre d'ailleurs l'assentiment des infirmiers scolaires que nous avons pu consulter.
Si chacune des spécialités reconnues – IADE, Ibode, infirmier puériculteur – dispose d'un encadrement spécifique associé à des missions privilégiées ou exclusives, ces prérogatives découlent non pas de la qualification d'infirmier de spécialité, mais de l'encadrement spécifique à chacune des spécialités.
En effet, la notion de spécialité infirmière n'étant pas légalement définie, la simple reconnaissance de cette qualité n'emporte pas de compétences propres ni de conditions d'exercice distinctes. Elle revêtirait dès lors un aspect purement symbolique.
Dans ces conditions, il semble préférable que les infirmiers scolaires désireux d'évoluer professionnellement et d'obtenir des missions spécifiques se forment à la pratique avancée, plutôt que de créer une nouvelle spécialité infirmière. En allant au bout de la logique, il faudrait créer une mention spéciale au sein des IPA.
Cette proposition de loi ouvre tout de même l'accès des infirmiers au milieu scolaire et contient des éléments concrets en matière de prévention et d'éducation.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Je souscris aux arguments de Mme la rapporteure.
Précisons les choses. Les propos tenus dans cet hémicycle traduisent l'énorme besoin en santé dans nos écoles primaires, collèges, lycées et établissements d'enseignement supérieur.
Gardons-nous toutefois de toute confusion. Les besoins sont multiples. Nous aurions pu mentionner également l'obésité et le diabète, dus à la mauvaise qualité de l'alimentation, l'utilisation iatrogène des écrans, le sujet majeur de la santé mentale, ou encore les conduites addictives.
Mesdames, messieurs les sénateurs, s'il suffisait, pour faire face à ces besoins multiples, de créer un statut d'infirmier scolaire, le problème serait réglé. Je signerais sur-le-champ et je voterais même avec vous si je le pouvais.
Soyons prudents. Nous avons tous identifié les besoins, qui sont très importants. Je souhaite justement que, durant cette année consacrée à la santé mentale, nous mettions des choses en place.
Nous nous y attelons, comme en témoigne la bataille financière que nous avons livrée autour des 215 millions d'euros qui permettront de former davantage de professionnels de santé.
Nous souhaitons par ailleurs améliorer le repérage. Lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement de mercredi dernier, nous avons abordé des sujets extrêmement difficiles, à la suite de faits divers impliquant des adolescents souffrant possiblement de troubles psychiques et psychiatriques.
La question est avant tout celle du repérage de ces étudiants, lycéens ou collégiens, qui ne doit pas être dévolu aux seuls professionnels de santé. La société en général, les associations, le monde professionnel ou encore les enseignants doivent y contribuer également.
Madame Brulin, vous avez beau dodeliner de la tête, je le réaffirme : lorsque le comportement d'un élève au sein d'une classe paraît inadapté, il est important de faire le signalement qui permettra une prise en charge éventuelle.
Nous ne pourrons pas mettre une infirmière ou un infirmier derrière chaque élève. En revanche, il me semble important d'éveiller l'ensemble des consciences à la nécessité du repérage.
En ce qui concerne la formation, qui est donc d'une durée de trois ans, je suis favorable aux dispositions de cette proposition de loi : elles renforcent les compétences en matière de prévention et garantissent le suivi du socle initial de formation.
Je rappelle que, pour devenir infirmier scolaire, il faut réussir à un concours de l'éducation nationale, puis suivre une formation complémentaire spécifique d'une durée d'un an, ponctuée de stages pratiques et théoriques.
Restreindre l'accès au milieu de l'éducation nationale aux seuls infirmiers scolaires reviendrait à se priver de la possibilité de voir des infirmiers et infirmières intégrer l'éducation nationale après quelques années de pratique, en ville ou à l'hôpital.
J'y vois plutôt un risque de contingentement. Nous irions finalement à l'encontre du projet initial, dont l'objectif est d'augmenter le nombre de soignants qui interviennent dans l'éducation nationale pour des actions de prévention, de dépistage ou de vaccination.
Je vous rappelle au passage que nous mettrons en place à la rentrée prochaine un programme majeur de vaccination à destination des 11-14 ans. Ce programme prévoit le rappel du vaccin contre la méningite et la vaccination des petites filles – mais aussi des petits garçons – contre le papillomavirus, afin de tenter d'éradiquer notamment le cancer du col de l'utérus.
Pour toutes ces raisons, et même si j'en comprends les motivations, le remède ne me paraît pas approprié. Il vaut mieux laisser le maximum de professionnels de santé embrasser une carrière dans l'éducation nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, avec un peu plus de 7 700 infirmiers scolaires en France pour 12 millions d'élèves, nous sommes loin d'avoir une infirmière en face de chaque élève. Et encore, je n'évoque pas la situation dans l'enseignement supérieur : là, l'indigence est totale.
M. Yannick Neuder, ministre. Nous sommes bien d'accord.
Mme Céline Brulin. De même, c'est une très belle idée que de dire que l'on peut être infirmier et consacrer une partie de sa carrière à la santé scolaire. Mais c'est le contraire qui se produit !
Ce métier est tellement mal reconnu que les infirmiers et infirmières qui l'exercent le fuient dès qu'ils trouvent de meilleures conditions de travail, de rémunération ou d'accompagnement des patients et des populations concernées.
De plus, en disant cela, on méconnaît la santé scolaire. Les infirmiers et les médecins scolaires ne sont pas simplement des professionnels qui exercent en milieu scolaire. Le travail d'équipe qu'ils réalisent avec les enseignants et l'ensemble de la communauté éducative est une compétence particulière qui contribue à la réussite de nos enfants.
Que d'autres acteurs soient en situation de repérage en matière de santé mentale, c'est une évidence. Ces questions sont toutefois particulièrement complexes et vous ne pourrez pas demander aux enseignants, aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) ou à qui sais-je encore de faire du repérage.
Je salue le travail des rapporteurs, qui ont essayé de dénouer les confusions entre infirmiers de spécialité et IPA. Or nous en revenons là à ce type de confusion. (Mme Christine Bonfanti-Dossat s'exclame.)
Il y a des spécialités infirmières et il y a une pratique avancée, qui peut s'exercer dans tout domaine. Nous l'avons tous dit haut et fort : évitons les confusions.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame Brulin, pour éviter justement les confusions, je rappelle que tout infirmier en pratique avancée peut, s'il le souhaite, exercer en milieu scolaire.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous le savons bien !
Mme Céline Brulin. En effet !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 88 rectifié quinquies.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er ter, et les amendements nos 18 rectifié, 26 rectifié quinquies, 35, 45 rectifié, 51 et 84 n'ont plus d'objet.
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, il nous reste vingt-six amendements à examiner. La commission souhaite-t-elle que nous suspendions nos travaux à vingt heures, avant de les reprendre à vingt et une heures trente, ou bien que nous achevions l'examen de ce texte, sans procéder à une suspension ?
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, au regard du nombre d'amendements qu'il nous reste à examiner, des différentes prises de parole sur article et pour explication de vote, je propose que nous suspendions nos travaux à vingt heures, pour les reprendre à vingt et une heures trente. À défaut, et comme cela est arrivé la dernière fois, je crains que ne soyons trop contraints par le temps.
Mme la présidente. Il en est ainsi décidé.
Article 1er quater
I. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans et dans cinq départements, dont un département régi par l'article 73 de la Constitution, dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, dans les établissements et les services médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 344-1 du code de l'action sociale et des familles et dans le cadre des structures d'exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11-1, L. 6323-1 et L. 6323-3 du code de la santé publique, l'État peut autoriser les infirmiers à prendre en charge directement les patients pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre. Un compte rendu est adressé au médecin traitant du patient et reporté dans le dossier médical partagé de celui-ci.
II. – Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine, précise les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation mentionnée au I du présent article, les départements concernés par cette expérimentation ainsi que les conditions d'évaluation de l'expérimentation en vue d'une éventuelle généralisation. Les avis mentionnés au présent alinéa sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois.
III. – Au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation, qui se prononce notamment sur la pertinence d'une généralisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. L'article 1er quater prévoit d'expérimenter, pour une durée de trois ans et dans cinq départements pilotes, l'accès direct aux infirmières exerçant au sein de structures d'exercice coordonné – établissements de santé, établissements et services médico-sociaux, cabinets de ville –, pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre.
Cet accès direct répondrait à une attente forte de la part des infirmières libérales. Il serait un pas supplémentaire vers la reconnaissance de leur profession.
Dans le département des Ardennes, que je représente depuis 2007, les professionnels de santé se sont organisés pour travailler en commun et améliorer l'accès aux soins et leur qualité, en s'appuyant notamment sur les infirmiers spécialisés, qui sont titulaires de diplômes universitaires complémentaires.
Je soutiens leur action et les Ardennes pourraient être, conformément à leur souhait, l'un de ces départements pilotes. À titre personnel, je voterai cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. L'expérimentation prévue à cet article permettrait aux infirmiers, au sein d'une structure d'exercice coordonné, de prendre directement en charge des patients pour des actes qui ne relèvent pas de leur rôle propre. Il s'agit donc non pas d'une simple délégation de tâches, mais d'un transfert de compétences.
Les infirmiers ont un rôle propre, bien défini juridiquement. Si nous sommes favorables à l'accès direct aux infirmiers dans le cadre d'un exercice coordonné, nous n'en voyons pas l'intérêt en dehors de leur rôle propre, pour des motifs inconnus et selon des modalités qui seraient fixées par le Gouvernement.
Cette expérimentation risque de placer les infirmiers et les infirmières en situation d'insécurité professionnelle, lorsque, par exemple, des patients leur demanderont de pratiquer des actes pour lesquels ils ne sont pas formés et qu'ils ne peuvent pas réaliser de manière autonome.
Si nous sommes favorables à l'exercice coordonné, nous estimons qu'il faut veiller au respect des compétences de chacun. L'accès direct aux infirmières en dehors de leur rôle propre ferait courir le risque inacceptable d'une médecine à deux vitesses.
En effet, on ne saurait prétexter la pénurie de médecins pour remplacer ces derniers par des infirmières exerçant en dehors de leur champ de compétences. L'expérimentation prévue à l'article 1er quater porte en elle une désorganisation du parcours de soins qui compromettrait la sécurité des patients.
Pour rappel, il existe déjà un cadre légal adapté pour les délégations de compétences : les protocoles de coopération permettent d'améliorer l'accès aux soins tout en assurant la sécurité des patients.
Dans le cadre de ces protocoles, les infirmiers peuvent accéder à des formations adaptées à leurs nouvelles compétences. Plutôt que de créer un nouveau dispositif expérimental, améliorons l'existant.
Cet amendement vise donc à supprimer l'article 1er quater.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. La commission a soutenu cet article, considérant que l'expérimentation d'un accès direct pouvait être utile pour apprécier la pertinence de futures évolutions des compétences infirmières.
Elle a cherché à mieux encadrer sa mise en œuvre en recentrant son périmètre sur les structures garantissant un niveau de coordination suffisant et en prévoyant la saisine de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine.
Ainsi encadrée, cette expérimentation nous semble utile. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Cet article est le seul du texte à m'avoir perturbée. J'y ai beaucoup réfléchi et je voterai finalement l'amendement de Mme Poumirol.
La présente proposition de loi prévoit déjà bon nombre de bouleversements et de montées en compétence. Nous les avons souhaités avec beaucoup d'entrain et je crois que cela était nécessaire.
Je crains néanmoins qu'au travers de cette expérimentation, l'on ne recherche des solutions rapides, mais fragiles, à des situations de désertification médicale.
Nous disposons déjà d'une boîte à outils bien remplie. Commençons par appliquer les mesures que nous avons votées. Déployons les IPA. Les docteurs juniors, ces étudiants en dixième et dernière année de médecine, arrivent prochainement sur le terrain. Je ne suis pas certaine que tout soit prêt pour les accueillir et pour les affecter dans les zones où nous pourrions proposer un accès aux soins différent.
Je serai donc plus prudente. Appliquons les textes en vigueur, préservons les équilibres et redonnons de l'efficience sur le terrain.
Que les choses soient claires : je ne suis pas opposée à la pratique avancée ni à l'accès direct. Au contraire, nous avons voté dans ce sens à l'occasion de l'examen des articles précédents. Je voterai néanmoins l'amendement de Mme Poumirol.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je voterai cet amendement. Il est tout de même compliqué pour des infirmiers de pratiquer des actes ne relevant pas de leur rôle propre.
Nous avons la chance de pouvoir compter désormais sur des infirmières en pratique avancée. Autoriser l'accès direct, dans le cadre de structures d'exercice coordonné ou dans le domaine médico-social, aux infirmières en pratique avancée spécialisées dans les pathologies chroniques, me semble une bonne idée.
Toutefois, ce ne serait pas rendre service aux infirmières que d'étendre encore cette expérimentation. Certes, elle ne porte que sur cinq départements et nous verrons bien les conclusions à en tirer. Dans un premier temps, je le répète, je voterai donc l'amendement de Mme Le Houerou ainsi que les amendements suivants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Sans vouloir être rabat-joie, je veux dire que, depuis quatorze ans que je suis sénatrice, cela fait quatorze ans que je vois passer les textes et les majorités. Et nous faisons toujours le même constat : nous manquons de professionnels de santé de proximité. Nos concitoyens vous le disent aussi, j'en suis sûre, le week-end, dans vos circonscriptions.
Or à chaque fois que nous tentons d'apporter des solutions, cela ne va jamais : les médecins ont trop de patients, mais en même temps, ils n'en ont pas assez ; il y a trop de monde dans les salles d'attente, mais il ne faudrait pas que d'autres puissent pratiquer certains actes, y compris les plus faciles et les plus accessibles.
J'entends les arguments avancés par les « spécialistes » sur la sécurité, mais aujourd'hui, de plus en plus de nos concitoyens n'ont pas accès à un professionnel de santé régulièrement. Voilà la réalité ! (Mme Anne-Marie Nédélec acquiesce.)
Je ne prétends pas que cette expérimentation constituera l'alpha et l'oméga ni qu'elle permettra de tout régler, mais il faut reconnaître qu'il n'y a pas suffisamment de médecins référents, ce qui est problématique si l'on maintient l'obligation de suivre un parcours de soins coordonné.
Notre priorité doit être précisément de faire en sorte que nos concitoyens aient accès à des professionnels de santé bien formés, qui sauront, le cas échéant, les orienter vers un médecin ou un spécialiste.
Nous ne voterons pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. J'irai dans le même sens que ma collègue. Nous avons interrogé les professionnels sur le terrain. L'accès direct concernerait les soins courants. Je pense notamment à la réalisation des bilans de plaie.
Actuellement, une infirmière a besoin d'une ordonnance pour pouvoir soigner une plaie. Or, comme l'a dit la présidente de l'ordre national des infirmiers lors de son audition par la commission des affaires sociales, les infirmières savent penser et ne font pas que panser. Elles peuvent donc traiter une plaie : cela évite d'attendre que le patient ait obtenu une ordonnance, et donc de perdre du temps.
J'y insiste, il s'agit d'autoriser l'accès direct aux infirmiers uniquement pour les soins courants. Il n'est pas nécessaire d'avoir suivi une formation dans une spécialité médicale pour les réaliser. Nous avons simplement besoin que les infirmiers puissent intervenir dans certains cas. Dans beaucoup de territoires, nombre de patients n'ont pas accès à des soins de proximité de manière régulière, voire parfois quotidienne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Je tiens à préciser que notre amendement vise à supprimer l'expérimentation de l'accès direct aux infirmiers « pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre ». Cette précision est très importante, car cela signifie que, dans l'exemple qui vient d'être cité, l'accès direct serait possible puisque traiter une plaie fait partie du rôle propre des infirmiers, notamment en pratique avancée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi sur la profession d'infirmier.
Dans la suite de l'examen du texte de la commission, nous poursuivons l'examen de l'article 1er quater.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 53, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
ne relevant pas de leur rôle propre
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement de repli s'inscrit dans le prolongement de mon amendement précédent. Il s'agit de supprimer la possibilité ouverte par l'expérimentation de pratiquer des actes infirmiers en accès direct ne relevant pas des compétences propres des infirmières.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les protocoles de coopération permettent déjà d'organiser les transferts de compétences entre les professionnels de santé, selon des modalités mieux définies que dans le cadre de l'expérimentation qui nous est présentée. N'ouvrons pas la boîte de Pandore dans des territoires sous-dotés en médecins. Je crains que l'instauration de l'accès direct aux infirmiers ne donne lieu à des dérives qui ne seraient acceptables ni pour les patients ni pour les professionnels.
M. le président. L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Daubet et Fialaire, Mme Jouve et MM. Laouedj, Masset et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Remplacer les mots :
ne relevant pas
par les mots :
relevant
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Les infirmiers bénéficient déjà, en principe, d'un accès direct dans le cadre de leur rôle propre. Cet accès direct est, du reste, désormais consacré par les dispositions de l'article 1er pour les soins de premier recours.
Cet article vise, en complément, à expérimenter un accès direct pour certains actes relevant du rôle prescrit des infirmiers.
La commission a soutenu et encadré le dispositif, en restreignant l'expérimentation aux infirmiers exerçant au sein de structures qui garantissent un niveau de coordination suffisant entre les professionnels de santé, d'une part, et en prévoyant la saisine préalable de la HAS et de l'Académie nationale de médecine, d'autre part.
Dans ces conditions, l'expérimentation nous semble utile : elle permettra d'apprécier l'opportunité de faire évoluer les compétences des infirmiers et des infirmières ainsi que les périmètres respectifs de leurs rôles propre et prescrit.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quater.
(L'article 1er quater est adopté.)
Après l'article 1er quater
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 4 rectifié bis est présenté par MM. Khalifé, Husson et E. Blanc, Mmes Estrosi Sassone, Canayer et Imbert, MM. A. Marc et Mizzon, Mmes Herzog et Belrhiti, MM. Kern, Rapin et Sido, Mmes Bonfanti-Dossat, Valente Le Hir et Micouleau, M. Piednoir, Mmes Vermeillet, F. Gerbaud et Joseph, MM. Klinger et Pointereau, Mme Aeschlimann, M. Panunzi, Mme Malet, M. Bruyen, Mmes Sollogoub et Lassarade, MM. Grosperrin et Genet, Mmes Muller-Bronn et P. Martin, MM. Burgoa, H. Leroy et Delia, Mmes Housseau et Antoine, MM. C. Vial, Levi, Menonville et Chasseing, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Rochette, Mme de La Provôté, M. Naturel, Mme Dumont, M. Allizard et Mmes Berthet, Lermytte et Bourcier.
L'amendement n° 17 rectifié est présenté par Mmes Guillotin et M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.
L'amendement n° 24 est présenté par MM. Théophile et Patriat, Mme Nadille, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Iacovelli et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 43 rectifié ter est présenté par Mme Gacquerre, MM. Pillefer et Duffourg, Mme Jacquemet, M. S. Demilly, Mme Billon et M. Laugier.
L'amendement n° 58 est présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 4311-29 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …°Les exercices spécialisés exercés par les infirmiers nécessitant un diplôme universitaire de niveau master. »
La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l'amendement n° 4 rectifié bis.
M. Khalifé Khalifé. Cet amendement, cosigné par une cinquantaine de mes collègues, vise essentiellement à reconnaître les exercices spécialisés infirmiers reposant sur une formation universitaire de niveau master.
Cela concerne notamment les perfusionnistes, indispensables en chirurgie cardiaque et en assistance circulatoire, les infirmiers hygiénistes et les infirmiers de santé au travail, qui, en dépit de leur expertise, ne bénéficient d'aucun statut juridique propre, ce qui nuit à l'attractivité, à la reconnaissance, à la valorisation et à la sécurisation de leur travail.
Nous proposons donc que les contours de ces exercices spécialisés soient définis par la réglementation.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l'amendement n° 17 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Dominique Théophile. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 43 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 58.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement a été en partie défendu par mes collègues, mais je voulais citer également le cas des infirmières de santé au travail, qui assurent désormais près de 73 % des visites d'information et de prévention initiales dans les services de prévention et de santé au travail (SPST), quand elles n'en réalisaient que 5 % en 2016. Il est donc important de reconnaître cette spécialité, ainsi que celles d'hygiéniste ou de perfusionniste.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. L'objet de cette proposition de loi est, en grande partie, de mettre en adéquation les compétences attribuées par les textes et les réalités observées sur le terrain.
Certains infirmiers suivent une formation afin d'obtenir un diplôme universitaire pour devenir perfusionniste ou hygiéniste. Ils assument ensuite au quotidien des responsabilités plus importantes que celles qui sont prévues dans le cadre du métier socle, et ne disposent pour cela d'aucune reconnaissance supplémentaire ni d'aucun complément de rémunération. Cette situation pousse donc à s'interroger.
Pour autant, les spécialisations évoquées ne bénéficient pas toutes, actuellement, du niveau de maturité et de structuration suffisant pour justifier un encadrement normatif sous la forme d'un exercice spécialisé.
La commission a, de plus, émis quelques réserves sur la formulation retenue dans ces amendements : il ne faudrait pas, par exemple, que subordonner l'exercice des infirmiers en tant qu'hygiéniste ou perfusionniste à l'obtention d'un diplôme universitaire de niveau master emporte, pour les nombreux professionnels qui exercent aujourd'hui ces fonctions sans remplir ces conditions, une impossibilité d'exercer sans formation complémentaire.
Pour ces raisons, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Seules les formations aux spécialités d'infirmier anesthésiste ou d'infirmier de bloc opératoire confèrent un diplôme équivalent au grade de master. Ce n'est pas le cas pour la spécialisation d'infirmier en puériculture. Nous sommes en train de travailler avec la profession sur ce sujet.
Quant aux infirmiers perfusionnistes – j'ai, comme le sénateur Khalifé, beaucoup travaillé avec eux –, ils sont naturellement indispensables à la pratique de la chirurgie cardiaque et de la circulation extracorporelle. Nous réfléchissons plutôt à une évolution de leur régime indemnitaire, afin de renforcer l'attractivité de leur profession.
L'inscription dans la loi d'un niveau de diplôme n'est donc pas souhaitable. Une telle disposition n'existe d'ailleurs pas pour les infirmières et infirmiers en général ni pour les IPA.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est finalement l'avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié bis, 17 rectifié, 24 et 58.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 2
I. – L'article L. 4301-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, sont insérés des 2° bis et 2° ter ainsi rédigés :
« 2° bis Au sein de l'équipe pluridisciplinaire d'un service départemental de protection maternelle et infantile coordonnée par un médecin ;
« 2° ter Au sein d'une équipe pluriprofessionnelle en établissement scolaire, en lien avec un médecin ; »
b) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° En assistance d'un médecin référent dans un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ou un établissement d'accueil du jeune enfant. » ;
c) (Supprimé)
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les avis mentionnés au présent I sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « d'une durée d'exercice minimale de leur profession et » sont supprimés ;
– à la fin, les mots : « habilitée à cette fin dans les conditions mentionnées au III » sont remplacés par les mots : « accréditée à cette fin dans les conditions mentionnées au III ou d'un diplôme figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé ainsi que d'une durée minimale d'exercice de la profession d'infirmier déterminée par voie réglementaire » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les modalités d'application du présent II sont déterminées par un décret en Conseil d'État, qui peut, le cas échéant, prévoir des durées minimales d'exercice différentes selon la mention des diplômes concernés et les modalités d'accès à la formation. »
II. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l'article.
Mme Élisabeth Doineau. Je soutiens l'article 2, qui reconnaît, enfin, à leur juste valeur les compétences des infirmiers en pratique avancée ainsi que, surtout, leur rôle croissant dans notre système de santé.
Depuis leur création, en 2018, les IPA ont fait la preuve de leur efficacité, en apportant une réponse de proximité et de qualité, notamment dans les zones en tension médicale. Ils permettent un meilleur suivi des patients, une coordination renforcée des parcours de soins et un gain de temps précieux pour les médecins.
L'extension de la liste des lieux éligibles à leur exercice au secteur médico-social, au domicile des patients ou encore au domaine de la santé au travail est une évolution à la fois logique et nécessaire. Elle répondra aux besoins spécifiques de populations souvent éloignées du soin, tout en valorisant l'autonomie professionnelle des IPA.
Je me réjouis également de l'ouverture de la pratique avancée aux infirmiers spécialisés, notamment aux infirmiers anesthésistes et de bloc opératoire. Leur haut niveau de formation et leur expertise constituent un socle solide pour enrichir l'offre de soins dans ce cadre, au bénéfice des patients.
L'article 2 prévoit également la possibilité d'exercer en pratique avancée dans les établissements scolaires. Ces lieux pâtissent, comme cela a déjà été dit, d'une pénurie avérée de professionnels de santé.
Si je comprends l'intention des rapporteurs de ne pas créer de précédent et de renforcer la sécurité juridique du texte en précisant que la pratique avancée à l'école doit s'exercer en lien avec un médecin, je crains cependant que la rédaction proposée sur ce point n'annule l'effectivité de la mesure, parce que nous savons tous que les territoires manquent souvent de médecins.
Cet article représente néanmoins une avancée, qui s'inscrit dans une vision moderne et pragmatique de notre système de santé, pour faire en sorte que celui-ci soit plus souple, plus agile et fondé sur la coopération entre les différents professionnels de santé.
Je serai donc pleinement engagée auprès de nos rapporteurs pour que ces dispositions soient adoptées et mises en œuvre rapidement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.
M. Daniel Chasseing. L'article 2 autorise l'exercice de la pratique avancée dans les services de la protection maternelle et infantile, ainsi que dans les établissements scolaires et de l'aide sociale à l'enfance. Voilà une mesure très importante, compte tenu de la carence en pédopsychiatres et en médecins scolaires que nous connaissons, à condition toutefois que des postes d'IPA soient ouverts…
Les infirmiers en pratique avancée doivent travailler en coordination avec les médecins référents comme le font les autres professionnels de santé.
Je regrette que mon amendement sur les IPA en santé au travail ait été déclaré irrecevable.
Certaines infirmières de spécialité ne veulent absolument pas devenir IPA et souhaitent obtenir une reconnaissance propre à leur exercice.
Cet article, dans sa rédaction initiale, prévoyait la remise d'un rapport d'évaluation de la pratique avancée en ce qui concerne le traitement des pathologies chroniques ou des maladies rénales, l'oncologie, la psychiatrie et les urgences.
L'adoption de cet article risque de soulever des problèmes de formation. Le Gouvernement souhaite renforcer cette dernière. Les difficultés seront sans doute moindres pour les infirmières qui exercent dans les établissements de santé, car ces derniers pourront former des IPA, en fonction de leur budget, mais elles seront plus importantes pour les infirmières libérales.
Avec Céline Brulin et Jean Sol, nous avons constaté le rôle extrêmement important joué par les IPA de psychiatrie dans les centres médico-psychologiques des hôpitaux dans certains départements, comme les Pyrénées-Orientales, en raison de la carence en psychiatres et en pédopsychiatres.
En médecine générale, dans les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et dans les établissements médico-sociaux, les IPA spécialisées en maladies chroniques pourraient être très utiles pour faciliter l'accès aux soins, en permettant aux médecins d'avoir une plus grande patientèle.
Il convient donc, monsieur le ministre, d'encourager la formation d'infirmières libérales en pratique avancée, puis de leur garantir un salaire correct, en augmentant les forfaits et en autorisant les paiements à l'acte. Il faut savoir qu'actuellement une IPA libérale a un salaire bien inférieur à celui des autres infirmières libérales. Si nous voulons accroître l'accès aux soins, il est nécessaire, je le répète, d'augmenter les salaires de ces IPA libérales.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 rectifié bis est présenté par M. Henno, Mme Billon, MM. Lafon et Dhersin, Mme Housseau, MM. Laugier et Mizzon et Mme Sollogoub.
L'amendement n° 49 rectifié bis est présenté par MM. Canévet, Duffourg, Menonville et J.M. Arnaud.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le premier alinéa est complété par les mots : « sous l'appellation de profession médicale intermédiaire ».
La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Je ne reviendrai pas sur les propos d'Élisabeth Doineau et de Daniel Chasseing, auxquels je souscris pour l'essentiel.
J'ajouterai cependant qu'il importe de prendre en compte la pénibilité du métier d'infirmier ou d'infirmière. Ce métier expose aux maladies, aux produits chimiques, parfois aux rayonnements, à des situations de tension avec le public, au travail de nuit, à un rythme de travail soutenu et atypique, etc. Les infirmiers et les infirmières doivent parfois effectuer de longs trajets pour aller voir les patients à domicile, notamment dans la ruralité.
Ainsi, 20 % des infirmières sont en invalidité lors de leur départ en retraite.
Cet amendement vise donc à prendre en compte la pénibilité du métier.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié bis n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Alors que l'approche de la commission a été de concilier les préoccupations de chaque profession plutôt que de les opposer, la dénomination de « profession médicale intermédiaire » pour les IPA pourrait attiser les tensions avec les professions médicales.
En outre, elle serait dépourvue d'effet juridique dans la mesure où le code de la santé publique ne prévoit pas de statut de profession médicale intermédiaire et ne définit, en conséquence, aucune mission ni compétence attachée.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mmes Micouleau, Bonfanti-Dossat et Richer, M. Chatillon, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Bouchet, Mmes Demas, Evren, Housseau, Josende et Lassarade et MM. Margueritte et P. Vidal, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au septième alinéa, le mot : « qui » est remplacé par les mots : « , qui peuvent être définis selon une approche populationnelle et » ;
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à réformer les domaines d'intervention des IPA, en les recentrant selon une approche populationnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Nous partageons l'idée défendue par Mme Micouleau : nous sommes en effet attentifs au risque de surspécialisation des IPA et croyons aux vertus d'une approche populationnelle à large spectre pour certaines mentions.
Cela correspond, du reste, aux aspirations de certains infirmiers en pratique avancée avec lesquels nous avons échangé et à une mesure soutenue par plusieurs rapports administratifs.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Cet amendement ne concerne pas uniquement la pratique avancée de la profession d'infirmier ; il vise en fait l'ensemble des auxiliaires médicaux. Or, pour les autres professions paramédicales, il n'y a pas d'approche populationnelle.
Je suis donc un peu gêné par cet amendement. C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 7 rectifié ter est présenté par Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Ramia, MM. Rambaud, Rohfritsch, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 36 rectifié bis est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 54 rectifié est présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 64 rectifié est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 97 est présenté par M. Sol et Mme Romagny, au nom de la commission.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 11 à 16
Remplacer ces alinéas par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L'article L. 4301-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du II, après le mot : « avancée », sont insérés les mots : « , à l'exception de ceux mentionnés au III, » ;
2° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4301-1 et du I du présent article, les infirmiers anesthésistes, de bloc opératoire ou puériculteurs, titulaires d'un diplôme figurant sur une liste arrêtée par le ministre en charge de la santé, peuvent exercer en pratique avancée selon les modalités propres à leur spécialité définies par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l'amendement n° 7 rectifié ter.
M. Dominique Théophile. Cet amendement de ma collègue Patricia Schillinger avait été déposé au stade de la commission, mais écarté au titre de l'article 40 de la Constitution.
Il vise à reconnaître aux infirmiers de spécialité la possibilité d'exercer en pratique avancée, tout en conservant leur spécialité, les spécificités de leurs conditions d'exercice, ainsi que leur formation et l'organisation de leur métier.
Cet amendement permet ainsi de définir un cadre d'exercice en pratique avancée spécifique pour les infirmiers de spécialité, notamment les IADE et les Ibode, dont le diplôme répond déjà aux conditions fixées par le présent amendement.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 36 rectifié bis.
Mme Céline Brulin. L'article 2 de cette proposition de loi ouvre la pratique avancée à d'autres diplômes que celui d'IPA.
Nous partageons les réserves émises par les rapporteurs sur la rédaction de cet article, qui fait craindre aux professionnels une dilution des spécialités dans les missions des IPA.
Nous sommes favorables à la reconnaissance de la pratique avancée des spécialités, mais en conservant leur spécificité. Selon nous, des infirmiers de spécialité exercent déjà en pratique avancée, mais sans en avoir la reconnaissance, notamment en termes d'autonomie et de sécurité juridique.
Par ailleurs, l'article 2 réserve l'accès à la pratique avancée aux diplômés titulaires du grade de master. Cette condition n'est pas pertinente, car elle aurait pour effet de scinder les infirmières selon les spécialités ou selon leur âge ou génération pour celles et ceux qui ne sont pas détenteurs de ce grade.
À notre avis, le Gouvernement devrait envisager un dispositif de validation des acquis de l'expérience afin de généraliser l'accès à la pratique avancée à tous les professionnels volontaires. C'est le sens de notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 54 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. J'ajouterai simplement que la prise de conscience du niveau de technicité des infirmières spécialisées doit être traduite dans la loi. Il est important que le cadre législatif soit à la hauteur des responsabilités toujours croissantes assumées par les infirmières spécialisées.
Cet amendement permet de clarifier le rôle des IPA et le maintien des infirmières spécialisées.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 64 rectifié.
M. Yannick Neuder, ministre. Comme je l'ai clairement dit à l'Assemblée nationale et répété ici même, nous ne devons pas opposer infirmier spécialisé et infirmier en pratique avancée. Or la rédaction de l'article 2 ne permet pas, à ce stade, de reconnaître suffisamment l'exercice en pratique avancée pour les infirmiers spécialisés.
Je veux d'ailleurs rappeler le rôle fondamental de ces derniers dans les structures hospitalières – je pense évidemment aux infirmiers anesthésistes, aux infirmiers de bloc opératoire ou encore aux infirmiers puériculteurs – et il fallait que nous trouvions une solution qui permette une juste reconnaissance de ces professions, dont l'activité est essentielle dans les blocs opératoires ou pour les soins invasifs.
Le présent amendement ouvre la voie à la reconnaissance, pour les infirmiers de spécialité, de la possibilité d'exercer en pratique avancée, tout en conservant leur spécialité, les spécificités de leur condition d'exercice, leur formation et l'organisation de leur métier.
Il permet la définition, par décret, d'un cadre d'exercice en pratique avancée spécifique pour les infirmiers de spécialité, notamment pour les IADE et les Ibode, dont le niveau de diplôme actuel correspond déjà au niveau exigé pour les IPA.
Il permettra également d'intégrer les puériculteurs après la réingénierie de leur formation.
Je tiens à rassurer les acteurs sur ce choix qui est une position de consensus et qui fait évoluer les pratiques professionnelles dans l'intérêt des patients, tout en conservant dans chacun des secteurs où exercent les infirmiers spécialisés une qualité et une sécurité des soins de haut niveau telle qu'elle est aujourd'hui définie.
J'ai personnellement veillé à ce que soit respecté un équilibre entre les différentes professions d'infirmier et à maintenir les liens que ces professionnels entretiennent au quotidien, dans leur pratique, avec la communauté médicale. Le travail réglementaire à mener sera réalisé de manière concertée pour parvenir à une évolution des compétences de ces professionnels spécialisés.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 97.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. La rédaction actuelle de l'article 2 fait l'unanimité contre elle. Elle est trop floue et semble fondre toutes les spécialités dans le métier d'IPA, suscitant une vive inquiétude parmi les professionnels pour la sécurité et la pérennité de l'exercice spécialisé.
La demande des infirmiers de spécialité n'a jamais été d'exercer le métier d'IPA sous une mention ad hoc ; ils souhaitent se voir reconnaître, dans leur exercice, une forme de pratique avancée spécifique à leur spécialité.
En consacrant dans la loi une pratique avancée s'exerçant selon des modalités propres à chaque spécialité, cet amendement vise à répondre aux attentes des infirmiers de spécialité.
Il tend à exclure l'accès direct à la forme de pratique avancée propre à chaque spécialité, cette perspective ayant suscité de fortes inquiétudes chez les médecins anesthésistes-réanimateurs sans figurer parmi les principales préoccupations des infirmiers de spécialité. Les puéricultrices que nous avons rencontrées en audition étaient d'ailleurs opposées à cet accès direct.
Nous souhaitons vivement remercier le Gouvernement du travail collaboratif qui nous a permis d'aboutir à une rédaction commune sur ce sujet. La commission a ainsi estimé bienvenues les évolutions de rédaction : cela permettra d'éviter les scissions et les tensions au sein de chaque spécialité.
La commission appelle le Gouvernement à une mise en œuvre graduée de la reconnaissance de la pratique avancée pour chaque spécialité, toutes n'ayant pas le même degré de maturité sur le sujet. Pour les puériculteurs, par exemple, cet accès doit certainement être conditionné à une refonte de leur référentiel de formation.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pour préparer l'examen de ce texte, nous avons tous rencontré, dans nos départements, les représentants des différentes spécialités infirmières – IADE, Ibode, puériculteurs, etc. Je l'ai fait dans le Pas-de-Calais. Ces professionnels bénéficient d'une formation de deux ou trois ans avec au minimum deux années de pratique professionnelle, cela leur conférant un grade de master.
Je voterai évidemment ces amendements identiques et je suis heureuse, monsieur le ministre, que vous ayez déposé le vôtre. Il s'agit en effet d'une proposition transpartisane que nous défendons depuis plusieurs années, notamment dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, et c'est une bonne chose que cette mesure puisse aujourd'hui être adoptée.
Je voudrais cependant vous interroger sur un point particulier, monsieur le ministre : est-ce que les anciens IADE, qui n'ont pas tous cette reconnaissance de master, vont pouvoir bénéficier de ce que vous proposez aujourd'hui ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Comme vous, madame la sénatrice, je me réjouis que l'ensemble des groupes politiques soient favorables à cette nouvelle rédaction de l'article 2, qui permet une juste reconnaissance de la pratique avancée pour les infirmiers spécialisés.
Je vous remercie de votre question, parce que j'avais omis d'évoquer ce point. Nous avons justement pris soin, dans la rédaction, de ne pas mentionner le master afin de permettre aux infirmiers concernés, diplômés depuis quelques années, avant le processus d'universitarisation et de mastérisation, de bénéficier de cette reconnaissance de leur pratique avancée.
Cet après-midi encore, nous avons consulté l'ensemble des syndicats de médecins anesthésistes : ils sont, dans leur grande majorité, tout à fait favorables à cette réécriture de l'article 2.
Je suis particulièrement heureux, pour les infirmiers spécialisés, que cette mesure recueille ce soir l'unanimité du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié ter, 36 rectifié bis, 54 rectifié, 64 rectifié et 97.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Théophile, Mme Nadille, M. Fouassin et Mme Phinera-Horth, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les mentions mises en place pour la formation d'infirmier en pratique avancée. Ce rapport fait état de l'évolution du nombre d'étudiants formés dans chaque mention ainsi que des débouchés trouvés à l'issue de l'obtention du diplôme. Il se fonde sur des enquêtes permettant de recueillir l'avis des infirmiers en pratique avancée et des structures d'accueil sur la structuration de ces mentions et sur les évolutions jugées souhaitables. Il formule, le cas échéant, des propositions pour réformer ces mentions dans le but de recentrer l'infirmier en pratique avancée sur sa mission de prise en charge globale de la personne.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à réintroduire la demande de rapport sur les mentions du diplôme d'infirmier en pratique avancée, malheureusement supprimée en commission.
Bien que la pratique soit de ne pas adopter les amendements demandant des rapports au Gouvernement, il est parfois nécessaire de le faire, comme nous l'avons déjà fait par le passé.
Après sept ans d'existence, il est essentiel de dresser un bilan d'étape sur les cinq mentions existantes : pathologies chroniques stabilisées, oncologie, néphrologie, psychiatrie et médecine d'urgence. Ces mentions sont en effet très inégalement choisies et parfois mal définies.
L'enjeu est de garantir que ces mentions sont réellement adaptées aux besoins des patients et qu'elles ne transforment pas l'IPA en un infirmier spécialisé, alors qu'il doit conserver une mission globale de prise en charge.
Ce rapport permettra d'ajuster et de recentrer la formation des IPA pour mieux répondre aux réalités du terrain et aux objectifs du législateur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Conformément à la position habituelle de la commission sur les demandes de rapport, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Cependant, elle partage la nécessité de faire le point sur les mentions du diplôme IPA et de réfléchir à certaines évolutions, notamment pour s'inscrire davantage dans une démarche populationnelle. C'est dans ce sens qu'elle a donné un avis favorable sur l'amendement n° 22 de Mme Micouleau, que nous venons d'examiner.
Je saisis l'occasion de cet amendement – et je vous en remercie, monsieur Théophile – pour sensibiliser le Gouvernement sur l'importance de créer une mention spécifique du diplôme d'IPA pour les infirmiers en santé au travail. Une telle évolution offrirait à ces infirmiers des perspectives d'évolution professionnelle satisfaisantes et la potentialité de bénéficier de compétences élargies.
Rappelons que, depuis 2022, la loi rend possible l'exercice en pratique avancée dans des services de prévention et de santé au travail, mais ces dispositions n'ont pas été suivies de la création d'une mention ad hoc sur le diplôme d'IPA, ce qui limite son effectivité.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de consacrer une mention santé au travail dans le diplôme d'IPA ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Concernant tout d'abord l'amendement du sénateur Théophile, je vais m'en remettre à la sagesse du Sénat : je connais la culture de votre assemblée en matière de remise de rapports, mais cette proposition a été introduite dans le texte sur l'initiative de Mme Dubré-Chirat, rapporteure du texte à l'Assemblée nationale.
Concernant la question de la rapporteure sur la création d'une nouvelle mention dans le diplôme d'IPA, je rappelle que les cinq qualifications actuelles permettent déjà à l'ensemble des IPA d'exercer en santé au travail. Il ne me semble donc pas nécessaire de créer une nouvelle qualification spécifique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 92 rectifié ter, présenté par Mme Bourcier, MM. Capus et Chasseing, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Laménie, Brault et Chevalier et Mme Housseau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er janvier 2026, visant à créer une convention nationale encadrant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les infirmiers en pratique avancée. Cette convention spécifique à la pratique avancée pourra être conclue entre une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives des infirmiers en pratique avancée composées exclusivement d'infirmiers et d'infirmiers étudiants en pratique avancée et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. La pratique avancée ayant été créée pour faciliter l'accès aux soins des patients, exclure le domicile d'une vraie attractivité pour les soignants porterait gravement atteinte à l'offre de soins de ville dans les années futures.
Le rapport de 2022 relatif à la pratique avancée dresse un bilan très inquiétant sur l'exercice libéral de cette pratique. C'est pourquoi, pour Mme Bourcier, qui est à l'initiative de cet amendement qui vise à demander la remise d'un rapport avant le 1er janvier 2026, il est très important que des négociations conventionnelles aient lieu entre l'assurance maladie et les syndicats représentatifs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Conformément à la pratique habituelle de la commission sur les demandes de rapport, l'avis est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 86 rectifié ter, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon, Mmes Senée et M. Vogel, MM. Khalifé et Chasseing et Mmes Lermytte, Poumirol et Le Houerou, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 4311-4, après les deux occurrences des mots : « bloc opératoire », sont insérés les mots : « , soit d'infirmier de psychiatrie et santé mentale » ;
2° Au dernier alinéa de l'article L. 4311-22, après les mots : « bloc opératoire », sont insérés les mots : «, d'infirmier de psychiatrie et santé mentale ».
II. – Le I entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Nous sommes nombreux à nous rappeler les infirmiers et infirmières psychiatriques, une profession spécifique exercée en hôpital psychiatrique et formée parallèlement aux infirmiers diplômés d'État.
Au tournant du XXIe siècle, les gouvernements successifs ont décidé de rapprocher ces deux professions et ont ainsi construit un statut unique d'infirmier. Était-ce une bonne idée ? Cela partait en tout cas d'une bonne intention. Seulement, le statut d'infirmier psychiatrique a mécaniquement disparu. Les infirmiers en exercice en 1992 ont reçu un diplôme d'État spécifique sans qu'aucune formation soit mise en place pour faire vivre ce statut particulier.
Trente ans plus tard, nous avons recréé, pour les infirmiers en pratique avancée, une spécialité mention psychiatrie et santé mentale, mais c'est clairement insuffisant. Nous devons faire un effort supplémentaire pour la santé mentale et la psychiatrie, alors même que le Premier ministre a annoncé que ce sujet constituait – à nouveau… – une grande cause nationale.
Je propose donc de recréer une spécialité infirmière en psychiatrie et santé mentale pour les infirmiers diplômés d'État. Bien entendu, la création d'une spécialité infirmière relève du domaine réglementaire. Cet amendement constitue donc avant tout un appel au Gouvernement.
Pour autant, la partie législative du code de la santé publique fait déjà mention des spécialités infirmières. Il nous suffit donc d'y ajouter la mention de cette nouvelle spécialité.
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié ter, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon, Mmes Senée et M. Vogel, M. Khalifé et Mmes Poumirol et Le Houerou, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'une spécialité de psychiatrie et santé mentale pour le diplôme d'État d'infirmier, dans un délai d'un an après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement porte sur le même objet que l'amendement précédent, mais il tend à demander un rapport au Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 87 rectifié ter, puisqu'il s'agit d'une demande de rapport.
De son côté, la rédaction de l'amendement n° 86 rectifié ter ne semble pas conforme à son objet. En effet, elle ne permet pas la reconnaissance des infirmiers en psychiatrie en tant que spécialité, puisque le dispositif se borne à créer des procédures spécifiques pour l'exercice en tant qu'infirmier de psychiatrie par des professionnels exerçant dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen. Cela ne correspond pas, me semble-t-il, à l'intention de ses auteurs.
Nous proposons donc à Mme Souyris de retirer son amendement. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Pour la demande de rapport, c'est-à-dire l'amendement n° 87 rectifié ter, je partage l'avis de la commission.
Il en est de même pour l'amendement n° 86 rectifié ter.
Ne réécrivons pas l'Histoire ! Lorsqu'il existait, le diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique n'avait rien à voir avec les autres spécialités. En effet, si vous étiez infirmier en psychiatrie, vous n'étiez pas infirmier en autre chose. C'était une formation spécifique qui durait vingt-huit mois. La situation était donc différente de celle que nous connaissons aujourd'hui avec les Ibode ou les IADE.
Cela me semble important de le préciser pour la clarté des débats. Les infirmiers spécialisés, dont nous parlons ce soir, ont ce titre parce qu'ils ont suivi, au-delà de celle qui est nécessaire pour être infirmier, une formation spécifique de deux ans pour les Ibode et les IADE et d'un an pour les puériculteurs, alors que les infirmiers de psychiatrie d'antan ne pouvaient pas être infirmiers hors de leur spécialité.
Nous revenons finalement au même débat que celui que nous avons eu tout à l'heure au sujet de la médecine scolaire, lorsque le Sénat a examiné l'amendement n° 88 rectifié quinquies. Est-ce la meilleure solution, pour prendre en charge la santé mentale ou la santé scolaire, de créer un statut spécifique ?
La question n'est-elle pas plutôt, pour ce qui concerne la médecine scolaire, que la fonction d'infirmier n'est pas attractive ? Si cette fonction n'est pas attractive, est-ce à cause du concours mis en place par l'éducation nationale ? Au vu de nos échanges, je crois qu'il serait intéressant que je discute avec la ministre de l'éducation nationale pour savoir si nous ne devrions pas réformer, voire supprimer, ce concours. Je crois que nous avons tous identifié les mêmes besoins et que nous partageons le même but, à savoir favoriser la prise en charge.
J'ajoute que, quand vous arrivez à 40 ou 50 ans, vous pouvez avoir envie de changer d'activité – je crois beaucoup à ces évolutions de seconde partie de carrière –, mais que vous n'avez pas forcément envie, à ce moment-là, de passer un concours, par exemple pour devenir infirmier scolaire.
C'est un peu la même chose, madame Souyris, pour les infirmiers en psychiatrie. Vous le savez, je souhaite présenter, d'ici quelques semaines, un plan de santé mentale avec des propositions claires. Cela ne doit pas être un slogan et nous avons besoin de plusieurs années pour répondre au défi du désert actuel en termes de professionnels et de dépistage. Là aussi, nous avons tous identifié les besoins et savons bien que nous avons un problème.
Cette proposition de loi, en particulier à l'occasion de nos débats, permet d'augmenter les compétences de base de la profession d'infirmier. Aller dans votre sens, madame la sénatrice, serait finalement restrictif. Je crois que nous devons permettre à l'ensemble des infirmiers qui le souhaitent, notamment ceux qui exercent en pratique avancée, de s'engager sur les sujets que nous évoquons à cet instant.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, je vous remercie pour l'intérêt que vous portez à ce sujet. Il nous semble, de notre côté, qu'une spécialité d'infirmière en psychiatrie et santé mentale serait vraiment bienvenue.
L'état de santé mentale des Français et des Françaises est alarmant – je sais que vous en êtes conscient. Les maladies psychiatriques touchent aujourd'hui une personne sur cinq, soit au total 13 millions de personnes dans notre pays. Et la situation est particulièrement alarmante chez les plus jeunes.
Par ailleurs, le virage ambulatoire n'a pas compensé les fermetures de lits : 6 741 lits ont été fermés dans le secteur psychiatrique et la diminution des capacités d'accueil à temps complet n'a été compensée qu'à 30 % par les créations de places d'accueil à temps partiel dans le cadre du virage ambulatoire.
L'état préoccupant de nos services d'hospitalisation a des conséquences notables sur l'attractivité du métier d'infirmier et d'infirmière en psychiatrie. Dans beaucoup de ces services, de plus en plus de postes sont vacants. De nombreux services ont dû fermer des lits et le secteur de ville ne peut pas compenser cela. Cette situation dégrade les capacités d'accueil et la qualité des soins et accroît la pénibilité du travail pour les professionnels, ce qui rend ces missions encore moins attractives.
L'adoption de cet amendement ne réglerait pas tous les problèmes, mais il permettrait de redonner du sens à la profession d'infirmier en psychiatrie et santé mentale et de mieux la reconnaître.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Je maintiens mes amendements, qui me semblent très importants.
Monsieur le ministre, j'ai moi-même fait la différence avec ce qui existait auparavant. Le diplôme général d'infirmier, l'infirmier diplômé d'État, a été une fusion des deux statuts, mais cette fusion n'a-t-elle pas de facto noyé la spécialité psychiatrique ? N'a-t-elle pas finalement disparu ? Or, même si le statut a disparu, la fonction existe toujours bel et bien. Il existe toujours des infirmières dans les hôpitaux psychiatriques, sauf qu'elles n'ont plus de spécialité reconnue.
C'est cette question qui est au centre de mes amendements. Englober les ressortissants de l'Union européenne était la seule manière d'entrer dans le sujet et, s'ils sont concernés, les infirmiers français le sont aussi naturellement.
Je lance vraiment un appel au Gouvernement pour qu'il agisse d'un point de vue réglementaire afin de reconnaître, de nouveau, une spécialité infirmière en psychiatrie et santé mentale.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous soutiendrons cet amendement, que nous avions nous-mêmes proposé sous une autre forme.
Monsieur le ministre, vous indiquez vouloir faire des propositions en ce sens. Avec Jean Sol et Daniel Chasseing, nous travaillons actuellement sur la santé mentale. Je l'ai dit : beaucoup d'acteurs de ce domaine estiment que la suppression de la spécialité infirmière en psychiatrie et en santé mentale était une erreur.
Il ne s'agit pas forcément de reproduire le modèle précédent à l'identique. Pour ma part, je préfère parler d'infirmiers en psychiatrie plutôt que d'infirmiers en santé mentale. Je parle avec les mots de quelqu'un qui n'est pas une professionnelle de santé, mais il me semble que l'exercice de la profession d'infirmier en psychiatrie fait appel à des compétences que ne possèdent pas nécessairement l'ensemble des infirmiers et des infirmières.
Des situations très particulières nous ont été rapportées, témoignant de difficultés rencontrées par certains établissements en raison de ce manque de compétences, qui, certes, s'acquièrent sur le tas – et je rends hommage à tous les infirmiers qui interviennent dans le domaine psychiatrique –, mais sur lesquelles nous devrions mener une réflexion approfondie.
L'unanimité des acteurs entendus sur le sujet m'a moi-même interpellée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je soutiendrai également cet amendement.
Céline Brulin l'a dit : les infirmiers psychiatriques jouaient un rôle spécifique, très important. Dans les services, on regrette désormais souvent la disparition de cette formation. Il n'est peut-être pas possible de relancer ce diplôme. Cependant, la problématique est fréquemment exprimée par les acteurs de terrain.
Dans certains départements en avance sur d'autres, nous l'avons vu, l'infirmière en pratique avancée en psychiatrie et santé mentale occupe une place importante, notamment dans les centres médico-psychologiques, qui manquent de psychiatres et de pédopsychiatres. Le couple infirmière psychiatrique-IPA apporte un véritable « plus » dans ces structures, tout comme dans les équipes mobiles. Toutes deux forment un binôme très efficace, l'une pouvant prescrire les médicaments, l'autre bénéficiant d'une bonne connaissance des pensionnaires hospitalisés accueillis en CMP.
Ce couple doit pouvoir continuer à opérer, même si l'IPA en psychiatrie et santé mentale présente un grand intérêt, surtout dans un contexte de pénurie de psychiatres et de pédopsychiatres.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Guillotin et Jacquemet, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mmes M. Carrère et Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles visant à inscrire les actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices dans les services départementaux de protection maternelle et infantile parmi les actes pris en charge par l'assurance maladie.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Je suis bien consciente de l'aversion du Sénat pour les demandes de rapport.
Cet amendement d'appel s'inscrit dans la lignée des recommandations du rapport Transformation de l'offre de soins périnatals dans les territoires : le travail doit commencer.
Les indicateurs de santé périnatale se sont fortement dégradés dans notre pays. Son taux de mortinatalité infantile classe la France au plus bas du classement des pays de l'OCDE, à la 23e place, tandis que les taux de mortalité maternelle et de syndromes du post-partum restent importants. Or, dans ce paysage, les services de protection maternelle et infantile sont de plus en plus fragiles.
Dans les services de PMI travaillent en grande partie des infirmières puéricultrices. Or leurs actes ne peuvent être remboursés par la sécurité sociale, faute de nomenclature adaptée pour leur cotation. Cette situation fragilise la santé financière des services de protection maternelle et infantile.
Monsieur le ministre, mon amendement invite le Gouvernement à engager une réflexion sur la création d'une nomenclature spécifique pour les actes des infirmières puéricultrices. Cela permettrait de mieux reconnaître leur travail, de sécuriser les budgets des PMI et d'étendre leurs capacités d'action sur le terrain.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. J'ai participé à la mission d'information sur la périnatalité. Aussi, ma chère collègue, je comprends votre position. Toutefois, conformément à sa doctrine établie en la matière, la commission a émis un avis défavorable sur votre demande de rapport.
Nous vous sommes toutefois reconnaissants de mettre en avant, à l'occasion de ce débat, ce sujet important pour les infirmiers puériculteurs, et espérons que vous pourrez obtenir des réponses du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie d'évoquer ce sujet. Le constat est clair : un problème de nomenclature empêche en effet la cotation des actes des infirmières puéricultrices. Cependant, ce sujet, de nature technique, doit être distingué de la question de la mortalité infantile : il n'y a pas de lien de cause à effet entre les deux.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Pour ma part, je m'engage à me pencher sur ce problème de cotation.
Par ailleurs, j'aurai l'occasion de vous faire des propositions dans les jours à venir pour enrayer la progression de la mortalité infantile. Je ne les détaillerai pas ce soir, car vous les connaissez parfaitement. À ce titre, il ne me semble pas que la mortalité infantile, dans toutes ses dimensions, soit en hausse : le problème concerne essentiellement la mortalité néonatale, soit lorsque le décès intervient entre la naissance et le vingt-huitième jour de l'enfant. En outre, la problématique est multifactorielle : l'âge de la mère, notamment, est un facteur important. Soyons donc prudents avant de tirer des conclusions, et formulons les bonnes propositions pour améliorer le taux de mortalité infantile en France.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je retire mon amendement, puisque, de toute façon, mon but n'était pas de le faire adopter. Cependant, je n'ai fait ni confusion ni raccourci : le rapport sénatorial que j'ai cité offrait une vision étayée, à 360 degrés. La PMI sert aussi à assurer le suivi des enfants dès la naissance, ainsi que celui des mères, des couples et des familles, qui ne vont pas toujours très bien en post-partum.
Monsieur le ministre, je tenais surtout à vous alerter sur la nécessaire modification de la nomenclature des actes des infirmières puéricultrices
Je vous remercie de m'avoir entendue.
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
L'amendement n° 41, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation à l'article 1er de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, les bacheliers s'inscrivent directement dans l'institut de formation en soins infirmiers de leur choix. Les modalités de sélection des instituts sont fixées par décret au niveau national.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à exclure l'accès aux Ifsi de la plateforme Parcoursup.
Permettez-moi, tout d'abord, de commencer par un argument factuel. Depuis que l'accès aux Ifsi dépend de Parcoursup, il y a trois fois plus d'abandons au cours des études d'infirmier ou d'infirmière, ce qui est un problème en soi.
Ensuite, vous devez, comme moi, avoir entendu des retours assez négatifs de la part d'étudiants. Il faut souligner un fait remarquable : de nombreux Ifsi restent adossés à des hôpitaux de proximité. Ainsi, des jeunes issus de milieux ruraux ou de quartiers populaires suivent ces formations, par vocation, certes, mais aussi pour de simples raisons de proximité – et, à terme, ils alimentent les effectifs des hôpitaux de proximité.
Or, avec Parcoursup, un étudiant peut se retrouver en Ifsi alors que ce n'était que son septième ou huitième choix sur la plateforme – ou alors, il peut y être admis, conformément à son premier choix, mais à l'autre bout de la France !
Par ailleurs, et cela ne concerne pas seulement cette profession, le métier d'infirmier répond à une forme de vocation – j'ai consciente que l'expression peut sembler obsolète. Or je ne suis pas sûre que Parcoursup soit l'algorithme idéal pour déterminer la vocation d'un jeune !
Enfin, vous l'évoquiez, monsieur le ministre, il arrive que l'on devienne infirmier après un parcours de vie. C'est un métier du lien, de la relation aux autres, et ce sont parfois les expériences de vie qui donnent envie de se tourner vers cette forme d'altérité.
Si chacun d'entre vous laisse parler sa raison, cet amendement sera adopté, j'en suis certaine !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Est-ce l'avis de la raison ? (Mme Céline Brulin sourit.)
Sortir les formations infirmières de Parcoursup constituerait une réforme d'ampleur, sans articulation avec le reste des formations en santé. Cette mesure nécessite une étude d'impact préalable et des concertations avec les étudiants infirmiers, ce que le délai d'examen du texte rend impossible.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Mon avis est également défavorable.
Cependant, madame Brulin, je vous remercie de cet amendement.
Je le vois bien : il y a quelque chose qui ne va pas.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Yannick Neuder, ministre. C'est un sujet que j'ai évoqué à de nombreuses reprises lorsque j'étais député, notamment auprès de l'association Régions de France, dont la commission santé, formations sanitaires et sociales était présidée par Françoise Jeanson, qui est désormais vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine.
Le sujet est important et nécessite un traitement à part entière. Je m'y suis moi-même intéressé en tant que ministre. J'ai notamment convié dans mon bureau le référent de la plateforme Parcoursup. J'ai cependant été quelque peu désarçonné en apprenant que 80 % des étudiants des Ifsi étaient issus de la région, car j'étais persuadé que ces instituts étaient caractérisés par un très grand brassage.
Cependant, comme vous, je crois que l'on peut encore parler de vocation. A minima, les métiers du soin requièrent un certain engagement. Or je ne suis pas certain que cela corresponde au mode de sélection de Parcoursup.
Cependant, tout n'est pas noir ou blanc, et je reste donc pondéré dans mes propos. Parcoursup a en effet introduit une forme de diversité et de mixité dans les Ifsi, puisque les concours, auparavant, étaient payants, et assez onéreux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il faudrait les rendre gratuits.
M. Yannick Neuder, ministre. Cela avait d'ailleurs posé un problème de financement, dont il avait fallu discuter à l'échelle de la région : les frais de concours contribuant aux recettes des Ifsi, il avait fallu les compenser dès lors que la sélection des candidats s'effectuait sur la plateforme Parcoursup.
Le sujet est important et grave. Il nous renvoie d'ailleurs également aux messages que nous devons envoyer à nos étudiants. Souvent, l'Ifsi est adossé à un hôpital de proximité, mais il arrive que ce ne soit pas le cas, s'agissant des instituts de plus petite taille. Les étudiants représentent ainsi un vivier pour l'ensemble des établissements médico-sociaux, en particulier en milieu rural. Le lien de proximité est donc important.
J'ai donc un avis mitigé. J'ai échangé sur le sujet avec mon collègue chargé de l'enseignement supérieur. Je suis favorable à une collaboration avec la commission des affaires sociales du Sénat, si le président Mouiller accepte de m'accorder un peu de son temps, pour travailler sur ce problème, qui me paraît trop grave pour être traité par un simple amendement à vingt-deux heures.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Yannick Neuder, ministre. Je vous remercie néanmoins de l'avoir soulevé, car je ne suis pas certain que le fonctionnement actuel soit le meilleur pour nos étudiants et nos patients.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Comme ma collègue Céline Brulin, je pense que l'exercice du métier d'infirmière, comme des métiers du soin et de l'éducation, répond à une vocation.
La suppression du concours a eu lieu en 2019. Les arguments alors invoqués étaient la volonté de démocratiser l'accès à la formation et de renforcer l'égalité des chances, au regard des moyens onéreux qu'exigeait la sélection. Nous aurions cependant pu nous contenter de rendre le concours gratuit : cela nous aurait épargné bien des soucis…
L'accessibilité de la formation par le biais de Parcoursup, à compter de 2019, devait permettre de rendre les procédures moins lourdes, moins chères, plus simples et moins centralisées. Cependant, les chiffres en disent long sur les résultats.
En 2015, 10 % à 15 % des jeunes arrêtaient leur formation avant la fin du cursus. En 2020, ils étaient 15 % à 20 %. En 2025, cette part est supérieure à 20 %. Nous devons nous poser les véritables questions. Certes, la proportion de jeunes qui interrompaient leur formation alors que celle-ci était accessible sur concours était déjà importante, mais elle restait plus faible qu'aujourd'hui.
Monsieur le ministre, il est important de s'interroger sur cette situation : quand la formation en Ifsi est le sixième ou le septième choix d'un étudiant, forcément, il ne va pas jusqu'au bout du cursus…
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales a récemment lancé une mission sur l'enseignement, qui s'intéresse précisément aux dysfonctionnements relatifs au Pass (parcours accès santé spécifique) – LAS (licence accès santé).
Si vous êtes d'accord pour ouvrir le chantier sur l'accès aux Ifsi, je proposerai que cette mission élargisse son périmètre de travail à ce sujet. Tous les membres de la commission qui le souhaitent seront invités à y participer.
Je vous proposerai rapidement un rendez-vous.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Je suis très content de la proposition du président de la commission, et, naturellement, je l'accepte. Plus vite on pourra avancer, mieux ce sera. Avec le ministre chargé de l'enseignement supérieur, nous souhaitons réformer le Pass-LAS à l'horizon septembre 2026. Nous sommes donc dans les temps pour nous pencher sur les Ifsi. Je vous remercie de cette étroite collaboration.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, je vous remercie de ces propositions. J'émettrai cependant un bémol : ce n'est pas la première fois que je soulève cette question.
M. Yannick Neuder, ministre. Auprès de moi, c'est la première fois !
Mme Céline Brulin. Ce n'est pas non plus la première fois que nombre de mes collègues me rejoignent sur ce constat. Pourtant, la situation n'a pas avancé, malheureusement, et les conséquences sont lourdes, puisque nous nous privons chaque fois de personnels de santé qui pourraient rejoindre les rangs des infirmiers.
Bien entendu, nous aimerions avoir une étude d'impact. Plusieurs de mes collègues l'ont dit : ce texte aurait pu faire l'objet d'un projet de loi. Monsieur le ministre, nous vous croyons sur parole lorsque vous rappelez qu'il est compliqué de lancer des initiatives gouvernementales actuellement ! (M. le ministre sourit.) Pour autant, je regrette de vous entendre dire que nous voudrions traiter le sujet à la va-vite, à vingt-deux heures, alors que nous examinons précisément une proposition de loi sur les infirmiers : au contraire, il aurait été inimaginable de ne pas mentionner ce sujet à cette occasion, quelle que soit l'heure.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Ce n'est pas ce que nous avons dit.
Mme Céline Brulin. Je vous prends au mot, tous, afin que nous avancions sérieusement et concrètement. Personnellement, je suis disponible pour mener ce travail, comme d'autres membres de mon groupe. Nous ne pouvons plus attendre encore très longtemps : cela me fend le cœur de voir des jeunes qui, souhaitant s'engager dans ce métier, s'en trouvent exclus simplement parce qu'une plateforme en a décidé autrement !
M. le président. Madame Brulin, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?
Mme Céline Brulin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.
L'amendement n° 71 n'est pas soutenu.
Article 2 bis (nouveau)
L'article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les conditions de facturation des indemnités kilométriques des infirmiers, notamment la définition nationale de l'agglomération, précisée par décret, qui servira de référentiel commun pour garantir un traitement équitable sur l'ensemble du territoire. »
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Demas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Après le mot :
infirmiers,
insérer le mot :
incluant
2° Remplacer le mot :
la
par le mot :
une
La parole est à Mme Patricia Demas.
Mme Patricia Demas. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. La commission a naturellement émis un avis favorable sur cet amendement rédactionnel, qui nous donne l'occasion de remercier vivement Mme Demas de son combat au sujet des indemnités kilométriques, qui représente un sujet majeur pour les infirmières et infirmiers libéraux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Je suis également favorable à cet amendement. Cette mesure fait partie intégrante de la négociation qui s'ouvrira, je l'espère, dans quelques heures, une fois que nous aurons voté cette proposition de loi. C'est le sens de la lettre de cadrage que j'adresserai à la Cnam pour permettre une juste revalorisation.
Cette revalorisation est très attendue, notamment par les infirmiers libéraux dans nos territoires, sans lesquels nous ne pourrons accomplir le virage ambulatoire et domiciliaire. Une étude révélait que plus de 50 % des infirmiers envisageaient une autre forme d'exercice professionnel au bout de cinq ans de pratique. Nous avons donc intérêt à renforcer l'attractivité du paramédical dans les territoires.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Demas, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
agglomération
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Patricia Demas.
Mme Patricia Demas. Cet amendement vise à sécuriser juridiquement l'article 2 bis, qui permettra d'harmoniser la définition de l'agglomération à l'échelle nationale afin de rendre plus équitable la facturation des indemnités kilométriques sur le territoire.
Il tend à offrir une rédaction plus condensée et à supprimer la mention du décret pour laisser aux partenaires conventionnels la liberté de choisir la définition d'agglomération harmonisée à retenir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. La rédaction de cet amendement est plus respectueuse du dialogue conventionnel cher à notre commission. En effet, elle laisse le soin aux partenaires conventionnels d'opter pour la définition d'agglomération qui leur semblera la plus opportune afin d'harmoniser les modes de détermination des indemnités kilométriques. Ceux-ci nous paraissent les plus à même de trouver une solution équilibrée, au bénéfice des infirmiers libéraux.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Avis favorable, pour les raisons que j'ai exposées précédemment.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.
(L'article 2 bis est adopté.)
Après l'article 2 bis
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1111-1 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre de la constitution des dossiers de demande auprès des maisons départementales des personnes handicapées, les infirmiers diplômés d'État sont habilités à renseigner, dans les limites de leurs compétences professionnelles, les éléments médicaux du formulaire, notamment en ce qui concerne l'évaluation fonctionnelle, les soins prescrits et les besoins en accompagnement. Cette participation s'effectue en lien avec le médecin traitant ou le médecin référent du patient.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment les mentions que les infirmiers sont autorisés à compléter, les modalités de traçabilité, ainsi que les garanties en matière de responsabilité professionnelle. »
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. Cet amendement ne semble pas opportun, dans la mesure où il tend à habiliter les infirmiers à renseigner les éléments du questionnaire auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans la seule limite de leurs compétences. Les familles auront toujours besoin d'un médecin pour remplir les parties du certificat qui relèvent du champ de compétences des médecins.
Si cet amendement était adopté, les familles qui recouraient à des infirmiers pour remplir une partie du questionnaire devraient donc consulter deux professionnels de santé au lieu d'un, ce qui engorgerait davantage l'accès aux infirmiers sans répondre aux problèmes d'accès aux médecins. In fine, loin de contribuer à l'amélioration de l'accès aux droits, cet amendement reviendrait, en fait, à alourdir la procédure.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Au nom du groupe Les Républicains, je remercie les rapporteurs Anne-Sophie Romagny et Jean Sol de leurs travaux, qui ont permis de sécuriser et d'encadrer certaines dispositions de la proposition de loi.
Les principales modifications apportées au texte évitent d'opposer les professionnels de santé et permettent d'apaiser les tensions. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Je pense, notamment, au rétablissement de l'avis de l'Académie nationale de médecine sur la liste des produits et examens pouvant être prescrits par les infirmiers et à la consécration du principe de coordination interprofessionnelle.
La profession d'infirmier souffre depuis trop longtemps d'une reconnaissance insuffisante et d'un cadre d'exercice obsolète. Les mesures portées par la proposition de loi permettent de mieux valoriser la profession, de refondre son encadrement juridique et de simplifier ses évolutions ultérieures. Elles sont donc les bienvenues. Nous voterons en faveur de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour explication de vote.
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis certaine que ce texte sera largement adopté. Je m'en félicite, car cette reconnaissance, tellement attendue, est très importante pour l'ensemble des infirmières et des infirmiers.
Le texte final n'est certes pas parfait. J'aurais souhaité que certains amendements proposés, qui répondaient à des attentes de la profession, soient adoptés. Néanmoins, cette proposition de loi contient de réelles avancées et elle a reçu l'approbation globale de la profession. Le groupe Les Indépendants votera donc pour.
Pour autant, attention : ce texte ne réglera pas tout. Les infirmières et les infirmiers continueront à être confrontés à nombre de difficultés. Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour tenir l'engagement que vous avez pris sur l'ouverture de négociations conventionnelles.
Je tiens à remercier les infirmières et les infirmiers que j'ai pu rencontrer à l'occasion de l'examen du présent texte, nos collègues Nicole Dubré-Chirat, députée de Maine-et-Loire, qui est présente ce soir dans les tribunes de notre hémicycle, et Frédéric Valletoux, député de Seine-et-Marne, pour avoir porté cette proposition de loi, ainsi que les rapporteurs.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'associe aux propos de Corinne Bourcier.
Ce texte consacre la reconnaissance qui était attendue par les infirmières, précise leurs missions dans le cadre de l'accompagnement des soins, réforme et adapte l'encadrement juridique de la profession, et prévoit une coordination interprofessionnelle.
L'article 1er redéfinit et précise le rôle de l'infirmière dans les domaines des soins préventifs et curatifs, du dépistage, de la surveillance clinique et médicamenteuse.
J'avais émis une réserve concernant la prise en charge directe des patients, qui ne relève pas, selon moi, des missions spécifiques des infirmières, même si elle entre dans le cadre de la coordination des soins et si elle est mise en place dans le dossier médical partagé.
Concernant l'exercice en pratique avancée, nous sommes très favorables à ce que celui-ci soit ouvert aux établissements d'accueil du jeune enfant, aux établissements scolaires, aux services de protection maternelle et infantile et de l'aide sociale à l'enfance, bien sûr en coordination avec les médecins référents. J'espère qu'il en sera de même s'agissant de la santé au travail.
Si toutes les IPA sont importantes, deux catégories permettent plus particulièrement d'améliorer l'accès aux soins de la population.
Il s'agit, tout d'abord, des IPA qui travaillent en milieu scolaire. En effet, la situation dans le domaine de la santé mentale s'est beaucoup dégradée dans notre pays, surtout chez les jeunes âgés de 15 à 25 ans. Il convient donc – vous l'avez dit, monsieur le ministre – de détecter les cas de souffrance psychique parmi ces jeunes. Or il n'y a qu'une infirmière pour 1 800 élèves ; surtout, le nombre de médecins scolaires est de 800 pour 1 800 postes budgétés. La carence est très forte à ce niveau !
Il faut donc augmenter le nombre d'infirmières en milieu scolaire, a fortiori pour les deux raisons suivantes : d'une part, on s'est rendu compte qu'elles étaient consultées deux fois plus qu'auparavant ; d'autre part, faute d'effectifs suffisants, il arrive que la gravité de certains cas – je pense ici à ce qui s'est passé à Nantes – ne soit pas repérée.
J'évoquerai, ensuite, les IPA en psychiatrie, dont il convient de former un grand nombre, car leur rôle est très important au sein des centres médico-psychologiques. Quant à celles qui exercent dans les maisons de santé ou les Ehpad, leur mission, accomplie en collaboration avec les médecins traitants et les équipes de ces établissements, est fondamentale d'un point de vue sanitaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi sur la profession d'infirmier.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je tiens à remercier toutes les sénatrices et tous les sénateurs ici présents, qui ont adopté la proposition de loi à l'unanimité : cela doit faire plaisir à ceux qui nous regardent, notamment les professionnels présents dans les tribunes, que je salue. Bravo pour ce travail collectif et ce résultat !
Je salue également, bien entendu, nos collègues députés Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux pour avoir élaboré ce texte.
Je remercie les rapporteurs Jean Sol et Anne-Sophie Romagny. Lorsqu'un texte est soutenu par tous les groupes politiques, on a toujours le sentiment que cela facilite le travail d'élaboration, la discussion et le dialogue… Eh bien, non ! En effet, l'ouverture d'un chantier aussi important que celui-ci suscite l'expression de nombreuses revendications, de souhaits, d'aspirations, et crée parfois aussi des regrets.
La proposition de loi telle qu'elle a été rédigée par la commission est équilibrée, même si elle doit encore donner lieu à débat à l'occasion de la prochaine commission mixte paritaire, dont nous attendons la date. On l'a entendu au cours de cette séance, des collègues ont demandé que des points soient précisés et des interrogations subsistent concernant, notamment, certains votes. Il y a donc encore du travail à faire.
Pour autant, la représentation nationale, en l'occurrence le Sénat, a exprimé sa volonté de reconnaissance du métier d'infirmier et a souhaité que des moyens soient dégagés pour mettre en valeur cette profession.
Monsieur le ministre, vous vous êtes beaucoup engagé au cours de ce débat sur des sujets ô combien intéressants et importants, notamment en enclenchant le rendez-vous des négociations conventionnelles. Nous attendons désormais la suite des travaux sur ce texte, afin que soit atteint dans les meilleurs délais l'objectif que nous visons tous : la reconnaissance du métier d'infirmier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Je tiens, tout d'abord, à vous faire part de ma grande satisfaction à la suite de l'adoption à l'unanimité par le Sénat de cette proposition de loi sur la profession d'infirmier, que je remercie les députés Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux d'avoir portée à l'Assemblée nationale.
Je remercie également les rapporteurs Anne-Sophie Romagny et Jean Sol d'avoir contribué à une large acceptation de ce texte.
Enfin, je veux vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité de nos débats. Si nous n'avons pas été d'accord sur tous les sujets, je confirme, pour ma part, les engagements importants que j'ai pris ce soir au banc.
Je me suis ainsi engagé sur un point essentiel : adresser dans les prochains jours une lettre de cadrage à la Cnam afin que soient ouvertes les négociations conventionnelles, comme je l'avais promis aux organisations syndicales. Des réunions se tiendront avant l'été prochain, puis aux mois de septembre et d'octobre, prémices, si je puis dire, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Je souhaite également saluer les administrateurs du Sénat de leur travail, ainsi que l'ensemble des services de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), qui m'ont aidé à répondre du mieux possible aux questionnements que vous avez exprimés à travers vos amendements.
Nous nous sommes quelque peu emballés, tout à l'heure, à propos de Parcoursup. Il conviendra d'associer à nos discussions la commission sénatoriale de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, puisque ce sujet relève du champ de la formation et de l'orientation ; pour ma part, je travaille déjà sur ce dossier avec mon collègue ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, Philippe Baptiste.
J'ai une pensée particulière, à cet instant, pour les infirmières et les infirmiers avec lesquels j'ai travaillé durant vingt-cinq ans, jusqu'en décembre dernier, et qui sont les professionnels de santé les plus au contact des patients. Je suis heureux que nos échanges aboutissent à la revalorisation, à terme, de leur rémunération, mais surtout à la reconnaissance de leur profession.
Nous avons eu grand besoin des infirmiers et des infirmières pendant la période de la covid, et nous les avons même applaudis. Il me semble donc normal que le Parlement inscrive dans la loi, quelque temps plus tard, la reconnaissance légitime que nous devons à ces professionnels de santé. Je souhaite que nous puissions procéder de même, prochainement, pour l'ensemble des professions paramédicales.
Nous avons réussi à éviter l'écueil consistant à opposer les infirmiers spécialisés et les infirmiers en pratique avancée, et je crois qu'il n'y a ce soir que des gagnants : les infirmiers, dont chaque spécificité professionnelle sera reconnue. Nous envoyons là un beau message, notamment, aux étudiants en cours de formation dans les Ifsi.
Je saisis l'occasion qui m'est ici offerte pour remercier l'ensemble des régions de France, dont les élus ont bien compris, quelle que soit leur couleur politique, l'enjeu consistant à former davantage en vue de résoudre au mieux le problème des déserts médicaux, lesquels font l'objet de nombreuses discussions au sein du Parlement.
Nous avons tous compris que, si nous voulons mieux prendre en charge nos patients et mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, il faut former plus de professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, et les former mieux. Et il convient aussi de s'assurer qu'ils continuent, une fois formés, à exercer leur métier.
Cette meilleure reconnaissance de la profession d'infirmier, désormais inscrite dans la loi qui vient d'être votée, passera aussi, à l'automne – je l'espère –, par une revalorisation financière de leur mission au sein de notre société, qui est de prendre soin de nous tous.
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 6 mai 2025 :
À quatorze heures trente et le soir :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur la souveraineté énergétique de la France ;
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 (texte de la commission n° 565, 2024-2025) ;
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé (texte de la commission n° 563, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER