Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Je vous assure que nous modifierons le texte pour retenir le délit d’outrage. Sur ces amendements, je m’en remets à la sagesse du Sénat, bien que je rejoigne l’argument de la rapporteure sur l’effet de distorsion entre les ordres professionnels.
Nous souhaitons que tous les professionnels de santé puissent bénéficier d’une anonymisation du dépôt de plainte, afin d’éviter les représailles. Si le professionnel de santé exerce dans un établissement, on demandera à celui-ci de se substituer au professionnel. Or, si ce n’est pas un praticien hospitalier ou un professionnel exerçant au sein d’un établissement médico-social, il faut trouver le bon substitut.
Doit-il s’agir des unions régionales des professionnels de santé (URPS) ou des ordres professionnels ? Quoi qu’il en soit, il faut choisir une solution qui convient à tout le monde, pour bien enclencher le dépôt de plainte, éviter les représailles et ainsi protéger le professionnel de santé.
Nous devons retravailler ce sujet, car il faut que nous parvenions à un dispositif uniforme, afin que la protection du soignant ne dépende pas de son appartenance à tel ordre à telle profession.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 rectifié ter et 31 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 2 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. V. Louault, Chasseing, Chevalier et Rochette, Mme Bourcier et MM. Laménie, A. Marc et Capus, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 9° de l’article 10-2, après le mot : « public », sont insérés les mots : « ou un professionnel de santé » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 89, après le mot « public », sont insérés les mots : « ou un professionnel de santé ».
La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Il s’agit d’un amendement déposé par notre collègue Vincent Louault. Seul un médecin sur deux porte plainte à la suite d’une agression physique commise par un patient. Parmi les réticences à cette démarche, il y a la crainte de représailles de l’agresseur ou de son entourage à l’égard du soignant ou de l’un de ses proches. L’impunité qui en résulte contrecarre l’effet dissuasif des lois pénales aggravant les infractions en cause.
L’article 2 bis de la présente proposition de loi avait pour objet de lever une part de ces craintes, en évitant que l’adresse du domicile du soignant n’apparaisse dans la procédure. Le texte optait ainsi pour une déclaration d’adresse de l’ordre professionnel.
La commission des lois, sur avis de la rapporteure, a estimé que le dispositif prévu par le texte engendrait des complications qui risquaient de neutraliser l’effet attendu. Il n’empêche que, en l’état actuel du droit, aucune simplification, pourtant nécessaire, n’est menée pour que les poursuites pénales soient engagées à hauteur des faits signalés.
Cet amendement vise à réécrire l’article 2 bis, en donnant aux professionnels de santé le droit de ne donner que leur adresse professionnelle, souvent connue de l’auteur de l’infraction, dont bénéficient déjà les agents de l’État.
Il est extrêmement important de ne pas révéler son adresse. Lorsque je travaillais au sein d’un établissement bancaire, mes collègues et moi-même ne donnions jamais notre adresse personnelle lorsque nous étions victimes d’une agression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. Cet amendement, qui a été lui aussi proposé par l’association Médecins pour demain, soulève plusieurs difficultés. En premier lieu, il est entièrement satisfait pour ce qui concerne l’ensemble des professionnels de santé exerçant dans un établissement public.
En effet, le 9° de l’article 10-2 du code de procédure pénale prévoit que « lorsque la victime est une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public et que l’infraction a été commise en raison de ses fonctions ou de sa mission, elle est informée qu’elle peut déclarer, sans cet accord, son adresse professionnelle ».
Concernant les professionnels de santé qui exercent au sein des établissements privés, ils peuvent déjà, en l’état actuel du droit, déclarer l’adresse de leur ordre ou de leur avocat, s’ils ne souhaitent pas que leur adresse personnelle soit connue. Cette déclaration d’adresse nécessite l’accord du tiers concerné, tout simplement pour s’assurer que celui-ci s’appliquera à transmettre toutes les informations au plaignant, comme les convocations.
On estime que cet accord n’est pas nécessaire pour le service public, car l’employeur public a pour charge d’assurer la protection fonctionnelle de ses agents, donc de leur transmettre toutes les informations nécessaires s’ils déclarent leur adresse professionnelle lors du dépôt de plainte.
Cette garantie n’existe pas pour les employeurs privés. C’est pourquoi il est nécessaire de maintenir le droit en vigueur, qui impose l’accord du tiers dont le plaignant déclare l’adresse.
Enfin, cet amendement ouvrirait la voie à une extension de la déclaration d’adresse professionnelle à toutes les professions ayant un contact même approximatif avec le public. Cette évolution ne semble pas souhaitable eu égard au droit à un procès équitable, car les autres professions seraient désavantagées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Nous n’avons pas la même analyse que Mme la rapporteure. Cet amendement vise à compléter le droit existant pour ouvrir aux professionnels de santé la possibilité de déclarer leur adresse professionnelle lors d’un dépôt de plainte.
Je partage le souci de ses auteurs de faciliter le dépôt de plainte, en permettant aux professionnels de ne pas révéler leur adresse personnelle, ce qui limite la peur des représailles. C’était l’un des objectifs de l’article 2 bis, dans sa version adoptée à l’Assemblée nationale. Or il a été supprimé par la commission des lois du Sénat, en raison de certaines redondances avec le droit existant.
L’article 10-2 du code de procédure pénale est mieux-disant que l’article 2 bis pour les seuls professionnels des établissements publics chargés d’une mission de service public, car il permet la déclaration de l’adresse professionnelle sans autorisation du procureur ou du juge d’instruction.
En revanche, les autres professionnels ne sont pas explicitement couverts par le droit en vigueur. Cet amendement est donc tout à fait pertinent en ce qui les concerne. En conséquence, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme Corinne Bourcier. Merci !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 bis demeure supprimé.
Article 3
I. – (Supprimé)
II. – Après l’article 15-3-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-4 ainsi rédigé :
« Art. 15-3-4. – Sans préjudice du second alinéa de l’article 433-3-1 du code pénal, lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer l’une des infractions prévues aux articles 222-1, 222-9 à 222-13, 222-15, 222-16, 222-17, 222-18, 322-1, 322-3 et 433-3 du même code et lorsque cette infraction est commise à l’encontre d’un professionnel de santé ou d’un membre du personnel exerçant au sein d’un établissement de santé, d’un centre de santé, d’une maison de santé, d’une maison de naissance, d’un cabinet d’exercice libéral d’une profession de santé, d’une officine de pharmacie, d’un laboratoire de biologie médicale ou d’un établissement ou d’un service social ou médico-social, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions, l’employeur, après avoir recueilli le consentement écrit de la victime, peut déposer plainte. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsque les faits sont commis entre professionnels de santé ou membres du personnel.
« Le présent article ne dispense pas l’employeur du respect des obligations prévues au second alinéa de l’article 40 du présent code.
« Il ne donne pas à l’employeur la qualité de victime.
« Pour l’application du présent article aux professionnels de santé exerçant à titre libéral, un décret précise les modalités selon lesquelles les ordres professionnels peuvent porter plainte pour les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes ou pédicures-podologues qui en font expressément la demande. Le même décret détermine l’organisme représentatif autorisé à porter plainte pour les autres professionnels libéraux mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique. »
III (nouveau). – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 4312-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil départemental ou interdépartemental autorise son président à ester en justice. Il peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession d’infirmier, y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l’appartenance à cette profession. » ;
2° Après le troisième alinéa de l’article L. 4321-18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession de masseur-kinésithérapeute, y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l’appartenance à cette profession. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié septies est présenté par Mme Aeschlimann, M. Panunzi, Mme Josende, MM. Daubresse, Somon et Burgoa, Mmes Lavarde, Estrosi Sassone, Gosselin, Belrhiti, Bellurot, Ventalon, Garnier, Noël, Billon, Joseph, Muller-Bronn et Drexler, MM. Bouchet et Margueritte, Mmes Dumont, Berthet, Canayer et Romagny, M. Genet et Mme Gruny.
L’amendement n° 5 rectifié octies est présenté par Mme Jacquemet, M. Laugier, Mmes Morin-Desailly, Guidez et de La Provôté, MM. J.M. Arnaud et Duffourg, Mmes Saint-Pé et Herzog, M. Canévet, Mmes Loisier et Housseau, MM. S. Demilly, Fargeot et Parigi, Mme Florennes, MM. Levi, Pillefer, Henno, Dhersin et L. Hervé, Mmes Perrot et Devésa, MM. Longeot et Menonville, Mme Vermeillet et MM. Chauvet et Courtial.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par MM. Chasseing, Laménie, Rochette, Brault, Chevalier, Capus, Grand, Khalifé et H. Leroy, Mme F. Gerbaud, M. Maurey, Mmes Evren et Richer et M. Milon.
L’amendement n° 26 est présenté par Mmes Schillinger et Ramia, MM. Rohfritsch, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Après le mot :
pharmacie,
insérer les mots :
d’un prestataire de santé à domicile,
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié septies.
Mme Marie-Do Aeschlimann. L’article 3 de la présente proposition de loi ouvre la possibilité à l’employeur d’un professionnel de santé ou d’un membre du personnel ayant subi des violences, ou ayant été informé des infractions prévues par le texte, de déposer plainte en lieu et place de l’intéressé, après avoir recueilli son consentement.
À l’instar des dispositifs que nous avons votés à l’article 1er, cet amendement vise à permettre aux personnels qui interviennent à domicile de confier à leur employeur le soin de déposer plainte en leur nom.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié octies.
Mme Annick Jacquemet. Ma collègue Aeschlimann a très bien présenté les enjeux. J’ajouterai que, devant l’augmentation des violences, certains employeurs sont obligés d’envoyer deux personnels soignants au domicile, alors qu’un seul suffirait. Il est nécessaire de prendre des mesures qui permettraient aux employeurs de porter plainte à la place de leurs salariés, avec leur accord.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. L’article 3, dans sa rédaction actuelle, ne mentionne pas les auxiliaires de santé de proximité que sont les prestataires de santé à domicile (PSAD). Il s’agit souvent de personnels chargés de la mise en place de dispositifs médicaux – respirateurs, sources d’oxygène, appareils de traitement de l’apnée du sommeil – et de l’accompagnement thérapeutique des patients.
Parfois, les PSAD doivent soutenir et accompagner les salariés victimes d’agression. Ainsi, comme pour les autres acteurs de santé à domicile, il semble nécessaire de permettre aux employeurs de déposer plainte à la place des victimes, après avoir recueilli leur accord.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 26.
Mme Patricia Schillinger. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. Conformément à l’argumentaire qui a été développé lors de l’examen de l’article 1er, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Par cohérence avec la position d’élargissement des dispositions du présent texte aux professionnels et aux prestataires de santé à domicile, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié septies, 5 rectifié octies, 19 rectifié bis et 26.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 11 rectifié ter est présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. A. Marc, Chasseing, Rochette, Brault et Chevalier.
L’amendement n° 28 rectifié bis est présenté par Mme Imbert.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
déposer plainte
par les mots :
adresser un signalement auprès du procureur de la République compétent
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En l’absence de dépôt de plainte et sous réserve de l’accord préalable du professionnel de santé, son ordre professionnel peut adresser un signalement auprès du procureur de la République compétent. »
La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié ter.
Mme Corinne Bourcier. L’article 3, qui prévoit le dépôt de plainte par un tiers – employeur, ordre ou organisme représentatif déterminé par décret –, en lieu et place de la victime, pose problème pour les raisons suivantes.
Il n’existe aucune disposition similaire permettant à un tiers de déposer plainte à la place d’une victime directe disposant de la capacité juridique, à l’exclusion des mineurs ou des majeurs incapables.
La plainte constitue un droit fondamental que la personne doit pouvoir exercer en son nom propre. La rédaction actuelle ne précise pas à qui incombe la mise en œuvre des droits de la victime, donc l’étendue de la responsabilité des ordres professionnels dans le suivi de la procédure.
Cette immixtion soulève des questions sur plusieurs points, à commencer par le recueil des informations nécessaires au dépôt de plainte et au bon déroulé de l’enquête. Ce recueil doit se faire directement auprès de la victime par un enquêteur formé. Or le tiers n’est ni victime ni témoin et ne connaîtra pas le détail de l’agression. En outre, il lui faudra s’assurer que les informations portées à sa connaissance sont suffisamment circonstanciées, pour le préserver d’une plainte en dénonciation calomnieuse.
Par ailleurs, qu’en est-il de l’exercice des droits tout au long de la procédure ? La victime doit être informée en temps réel de la date de l’audience correctionnelle, en vue de préparer le procès et de se constituer partie civile pour demander réparation de son préjudice. Par ailleurs, cette mesure créerait une différence de traitement par les ordres entre les professionnels de santé salariés et libéraux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié bis.
Mme Corinne Imbert. Il est défendu.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 10 rectifié sexies est présenté par Mmes Estrosi Sassone et Di Folco, MM. P. Vidal, Delia, Bacci et Daubresse, Mmes Joseph et Lassarade, MM. Bonnus, Bouchet et Klinger, Mmes Dumont et Richer, MM. Cuypers et Husson, Mmes Gruny et Demas, MM. Grosperrin et Belin, Mme Josende, MM. Piednoir et C. Vial, Mme Bellamy, MM. Rapin, Brisson, Burgoa et J.B. Blanc, Mmes Chain-Larché, Ventalon, Aeschlimann et Canayer, M. Chaize, Mme Drexler, M. Cambon, Mmes F. Gerbaud et Garnier, MM. Pernot, Perrin et Rietmann, Mme Eustache-Brinio et MM. Duplomb, J.M. Boyer, Sido et Genet.
L’amendement n° 23 est présenté par MM. Bourgi et Durain, Mmes de La Gontrie et Harribey, M. Chaillou, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Kerrouche, Roiron, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Après les mots :
ordres professionnels
insérer les mots :
ou les unions régionales de professionnels de santé
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié sexies.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Hussein Bourgi. Cet amendement vise à permettre aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) de déposer plainte au nom d’un professionnel de santé victime d’une infraction ou d’une agression.
Comme vous le savez, le texte de la proposition de loi offre cette possibilité aux ordres départementaux. Cependant, les courriers, que nous avons vraisemblablement tous reçus, témoignent de positions divergentes parmi les ordres : certains y sont favorables, d’autres s’y opposent.
Afin de ne pas priver un professionnel de santé d’accompagnement lorsque son ordre y est hostile, cet amendement tend à proposer une solution de rechange. Sur la base du volontariat et avec l’accord du professionnel concerné, une URPS pourrait l’aider, l’assister et déposer plainte en son nom.
Le conseil de l’ordre, lorsqu’il l’estime nécessaire, peut saisir cette possibilité ; dans le cas contraire, la victime disposerait d’une autre option : l’URPS. Ces unions ne nous ont pas fait part, dans leurs courriers, des mêmes objections que certains conseils de l’ordre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. Les amendements identiques nos 11 rectifié ter et 28 rectifié bis de Mmes les sénatrices Bourcier et Imbert visent à supprimer la faculté, pour l’employeur ou pour l’ordre, de déposer plainte au nom du professionnel de santé agressé, une proposition émanant du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, dont nous n’avons eu connaissance qu’après son audition.
Je n’y ai pas souscrit, car elle me semble résulter d’un postulat erroné selon lequel notre législation ne prévoirait aucun cas dans lequel la plainte pour autrui serait permise.
Or il s’agit au contraire d’une procédure en expansion, autorisée depuis plusieurs années pour les agents publics ayant reçu des menaces ou subi des violences dans l’exercice de leurs fonctions de service public. De plus, le législateur l’a récemment étendue aux agents des services publics de transport dans la loi du 28 avril 2025 relative au renforcement de la sûreté dans les transports, dite loi Tabarot.
Les difficultés juridiques soulevées par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens me semblent donc infondées, d’autant plus que l’article 17 du code de procédure pénale permet déjà aux officiers de police judiciaire de recueillir les dénonciations, y compris celles qui émanent d’un employeur ou d’un ordre. Ces amendements me semblent donc satisfaits par l’état du droit.
Par ailleurs, je tiens à préciser que l’article 3 n’ouvre qu’une faculté de dépôt de plainte pour les ordres, et non une obligation. Si le Conseil national de l’ordre des pharmaciens ne souhaite pas en faire usage, il reste libre de s’en abstenir.
Enfin, j’appelle votre attention sur la forte demande des professionnels de santé d’être mieux accompagnés dans le dépôt de plainte, ce que permet précisément cet article 3.
L’avis de la commission est donc très défavorable sur ces amendements identiques nos 11 rectifié ter et 28 rectifié bis.
Concernant les amendements identiques nos 10 rectifié sexies et 23, la commission a choisi de confier aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les libéraux, d’une part, parce que les ordres y sont très favorables et peuvent déjà se constituer partie civile lorsqu’un de leurs membres est engagé dans une procédure judiciaire, y compris s’il fait l’objet d’une procédure disciplinaire ; d’autre part, parce que le dépôt de plainte ne correspond pas aux missions des URPS et risquerait, ainsi que l’Union nationale des professions de santé (UNPS) nous l’a indiqué par courrier, « de parasiter et diluer davantage leur rôle principal ».
L’avis de la commission est donc également défavorable sur ces amendements nos 10 rectifié sexies et 23.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. S’agissant des amendements nos 11 rectifié ter et 28 rectifié bis, mon avis rejoint celui de Mme la rapporteure, il est défavorable.
En revanche, les amendements nos 10 rectifié sexies et 23 visent à permettre le dépôt de plainte par les URPS, en plus des ordres professionnels, en lieu et place du professionnel de santé concerné. Cette disposition se justifie, car elle permet de pallier le fait que tous les professionnels de santé ne relèvent pas d’un ordre.
Pour autant, cette position peut interroger au regard de la mission première des ordres, qui est de veiller aux principes de moralité, de probité et de compétence indispensables à l’exercice de la profession qu’ils représentent.
L’avis du Gouvernement est donc favorable, mais seulement parce que tous les professionnels de santé ne relèvent pas d’un ordre. Cet avis ne signifie pas pour autant qu’il faille en créer quand il n’en existe pas, mais vise uniquement à répondre de manière appropriée à la question qui nous est posée. Cette position pourrait toutefois encore évoluer.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié quater et 28 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié sexies et 23.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Khalifé, Mme Dumas, MM. Cambon et E. Blanc, Mmes Canayer et Garnier, MM. Karoutchi et Belin, Mmes Imbert et Evren, MM. Milon, Delia et Saury, Mmes Jacquemet et Berthet, M. Naturel, Mme Gruny, MM. Menonville et Burgoa, Mme Josende, MM. A. Marc, Levi et Laménie, Mmes Dumont, Valente Le Hir et Belrhiti, M. Chasseing, Mmes Malet, Sollogoub, Joseph et Goy-Chavent et MM. Somon, Fialaire, Piednoir, H. Leroy et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Une attention particulière est portée à la prévention des risques liés au trafic de stupéfiants dans les établissements de santé, en particulier les établissements psychiatriques, qui peuvent être exposés à des situations de vulnérabilité accrue. Des actions de sensibilisation, de coordination avec les forces de sécurité intérieure et de sécurisation des locaux peuvent être engagées à cette fin. »
La parole est à M. Khalifé Khalifé.
M. Khalifé Khalifé. Lors de la discussion générale, j’ai évoqué la fréquence du narcotrafic dans les hôpitaux, en particulier dans les hôpitaux psychiatriques, lesquels accueillent des personnes vulnérables. Ce narcotrafic et les séances de deal qui l’accompagnent sont à l’origine de nombreuses dérives et violences.
Cet amendement vise essentiellement à prévenir ces violences liées au narcotrafic et à renforcer la sécurité au sein des établissements hospitaliers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. La portée normative de cet amendement nous semble nulle (Exclamations amusées.) ; nous considérons donc qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
Dans le cas contraire, je rappelle que le Conseil constitutionnel, depuis une décision de 2005, déclare contraire à la Constitution toute disposition dépourvue de portée normative.
Je laisse M. le ministre répondre sur le fond au sujet de la prévention des risques liés au trafic de stupéfiants dans les établissements de santé ; pour ce qui concerne la commission, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Je remercie Mme la rapporteure ! (Sourires.)
Je comprends parfaitement l’esprit de cette proposition, cependant, sans reprendre les termes de Mme la rapporteure, on ne peut que constater une certaine difficulté à asseoir pleinement cet amendement dans un cadre juridique. Il subsiste donc un problème de portée. Peut-être pourrions-nous retravailler ce point en vue de la commission mixte paritaire ?
J’ai donc très envie d’émettre un avis de sagesse en considération de l’esprit de l’amendement. Néanmoins, nous sommes dans une enceinte législative et il est impératif que les dispositions que nous acceptons aient une portée juridique.
Par conséquent, je me vois dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Une précision sémantique : le fait que la portée normative de l’amendement soit nulle ne signifie nullement que l’intention elle-même l’était, et encore moins le sénateur qui l’a portée ! (Sourires.)
Je tenais à le souligner, car j’ai perçu une certaine surprise dans cet hémicycle. Bien évidemment, cela ne préjuge en rien de la qualité de l’intention, que nous partageons tous, mes chers collègues.