M. Roger Karoutchi. Pourquoi donc ?
Mme Corinne Narassiguin. Parce que, par définition, ces dernières bénéficient d’une expertise dans la gestion de budgets faibles. Il s’agit de l’une de leurs contraintes quotidiennes. Leur coût salarial, par exemple, est très inférieur à celui du personnel de l’Ofii.
Le texte prévoit également le bénéfice de l’aide juridictionnelle et d’un avocat commis d’office. Actuellement, la désignation de l’avocat se fait par l’intermédiaire de la requête adressée au tribunal, dont le contenu a été élaboré avec les associations. Sans leur intervention, la personne retenue devra solliciter l’aide juridictionnelle préalablement au dépôt d’un recours, ce qui emportera des délais supplémentaires. Nous rencontrons donc ici la même difficulté : cette disposition n’est pas chiffrée, alors qu’elle emportera un coût supplémentaire évident. De plus, les avocats ne viendront pas tant qu’ils ne seront pas saisis, car ils ne seront pas informés.
J’ai donc sollicité l’avis de la profession, ce que visiblement ni l’auteure ni le rapporteur n’ont jugé bon de faire. Sa réponse est la suivante : « L’absence d’intervention des associations compromettrait gravement l’exercice du recours, les étrangers n’ayant pas les moyens de l’engager seuls. La profession s’oppose fermement à ce que l’information juridique des personnes retenues soit confiée à l’Ofii, estimant que cette responsabilité doit revenir à des acteurs indépendants afin de préserver les droits et de garantir un accompagnement objectif. » Les avocats attaqueront ainsi cette nouvelle disposition, et l’État risque fort d’être condamné.
Ce texte est également contraire au droit européen dans la mesure où il pourrait ne pas être conforme aux articles 13 et 16 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive Retour.
Par ailleurs, le pacte sur l’asile et la migration a rappelé un principe déjà évoqué dans la directive du 14 mai 2024 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant une protection internationale, dite directive Accueil : la mission d’information et de soutien des demandeurs d’asile doit être réalisée « par des conseils juridiques ou d’autres personnes dûment qualifiées, reconnues ou habilitées par le droit national, dont les intérêts n’entrent pas en conflit ou ne sont pas susceptibles d’entrer en conflit avec ceux du demandeur ».
Enfin, le choix de l’Ofii est en lui-même problématique, car le cadre juridique actuel impose l’indépendance de l’acteur qui assure l’information et le soutien. Or l’Ofii dépend du ministère de l’intérieur. Cette proposition de loi crée donc un réel conflit d’intérêts en lui confiant l’accompagnement des personnes retenues dans leurs démarches juridiques visant à contester la légalité des pratiques de services de police ou de préfectures agissant sous l’autorité directe de ce même ministère. Il s’agit d’un manque d’indépendance et de neutralité avéré, en réponse à un prétendu manque de neutralité des associations.
Aujourd’hui, le rôle joué par l’Ofii au sein des CRA se limite à un accompagnement pour l’aide au retour. Il serait donc éminemment contradictoire de lui confier en sus une assistance juridique. L’Ofii éprouve déjà des difficultés à remplir toutes les missions qui lui sont confiées au sein des CRA, comme le soutien moral et psychologique ou les entretiens de vulnérabilité. Pourquoi vouloir lui en confier de nouvelles ?
Ce texte n’a qu’un seul objectif, dont vous vous cachez à peine : empêcher les recours et faciliter les expulsions. Je le dis de nouveau, il ne changera strictement rien à l’exécution des OQTF. Le véritable problème aujourd’hui est non pas les recours contre les OQTF, mais l’incapacité de l’État à éloigner les personnes sous le coup d’OQTF prononcées massivement et sans discernement.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à cette proposition de loi, qui nous semble sans fondement et qui ne fait que stigmatiser les étrangers ainsi que les associations. Vous tentez de porter une nouvelle attaque frontale contre la liberté d’association, contre la liberté d’expression, une nouvelle attaque frontale contre notre État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous ne cachons pas notre satisfaction que la majorité sénatoriale prenne une initiative structurée sur la question de l’immigration.
Certes, commencer par les centres de rétention administrative c’est, reconnaissons-le, commencer par la fin de la chaîne migratoire. En effet, si les CRA sont une obligation pour retenir et faciliter l’expulsion d’étrangers en situation irrégulière, ils ne sont que le dernier maillon du processus.
Nous demandons depuis longtemps, et vous le savez, une action sur les causes profondes de l’immigration, notamment le laxisme judiciaire et régalien dans le contrôle de nos frontières et l’empêchement de l’entrée illégale sur notre sol. Il faudra un jour être dissuasif et, bien évidemment, la première des mesures devra être la mise en place, de plus en plus urgente, de la priorité nationale, puis l’abrogation de cette inanité juridique et politique qu’est le droit du sol.
Nous espérons qu’à l’occasion de la discussion des multiples prochains textes sur ce sujet, nous pourrons placer le débat à son juste niveau, sans discuter de la taille des cautères sur jambes de bois.
Dans tous les cas, nous approuvons la philosophie de ce texte, qui met en lumière une habitude malsaine prise par l’État : l’organisation de sa propre impuissance.
En effet, notre droit prévoit fort légitimement que les étrangers en CRA disposent d’une assistance juridique et d’un conseil pour faire valoir leurs droits et potentiellement contester les décisions de justice. À partir de ce principe, l’État a décidé de déléguer ce soutien aux étrangers à des associations diverses. Encore une fois, par principe, nous n’y sommes pas opposés.
Le malheur est que ces associations défendent et dispensent une vision militante de la migration. Il faut lire à ce titre leurs rapports d’activité dans lesquels l’expulsion de l’étranger est systématiquement présentée comme une défaite et son maintien par tout moyen sur le sol national comme un objectif. Sous le vocable de délégation de service public, l’État a donc surtout organisé et financé les moyens de sa propre impuissance.
Nous saluons ainsi l’objectif central du texte : confier à l’Ofii la charge de fournir des conseils juridiques aux étrangers. Redonner à un organisme public le contrôle de cette mission répond tant à l’exigence de l’ordre public et d’impartialité qu’à la bonne tenue de nos comptes.
Comme souvent, les beaux principes aboutissent à des catastrophes : catastrophe pour nos comptes, catastrophe pour la sécurité publique et surtout catastrophe pour l’efficacité de la justice administrative.
Nous voterons donc ce texte qui définit, à notre sens, les bases d’améliorations substantielles de la gestion de nos CRA et signe la fin de la récréation pour certaines associations faisant de l’immigration non plus une cause humanitaire, mais un business juteux et opportuniste sur le dos de la misère humaine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans notre République, les droits fondamentaux doivent s’appliquer à tous, sans distinction d’origine ni de statut. Une personne en situation irrégulière sur notre territoire doit être traitée avec respect et dignité, conformément aux principes que nous ont légués les Lumières et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
C’est dans cet esprit que notre droit prévoit un accompagnement juridique des personnes retenues en zone d’attente ou en centre de rétention. Cette assistance comprend l’analyse de leur situation, des conseils, un appui dans leurs demandes administratives et judiciaires, ainsi que la mise en relation avec un avocat ; elle constitue un pilier essentiel de l’exercice des droits et des garanties procédurales.
Si nous partageons tous l’objectif de garantir ces droits, nous ne pouvons ignorer les dysfonctionnements du système actuel. En confiant cette mission d’assistance juridique à des associations par le biais d’un marché public, l’État s’est, à nos yeux, éloigné de son rôle régalien.
Le respect de la neutralité indispensable dans le traitement juridique des situations individuelles n’est pas pleinement assuré par certaines associations intervenantes.
Des structures comme la Cimade, France terre d’asile, Assfam-Groupe SOS Solidarités, Forum réfugiés ou Solidarité Mayotte, bien qu’utiles à la vie démocratique et souvent engagées dans des missions humanitaires, ne peuvent être considérées comme neutres sur les questions migratoires. Leur engagement militant interroge dès lors qu’il s’agit de garantir une assistance juridique impartiale, mais leur rôle de soutien et de lanceur d’alerte demeure indispensable.
Notre collègue Marie-Carole Ciuntu, dans son rapport pour la commission des finances, soulève à juste titre la question suivante : ces associations ne participent-elles pas, même involontairement, à un phénomène de massification des recours, qui surcharge notre appareil judiciaire et nuit à son bon fonctionnement ?
Face à ce constat, nous considérons qu’il est temps d’agir. Si un doute existe quant à l’impartialité ou à l’efficacité de ces dispositifs, alors il est de notre devoir d’y mettre fin. En confiant cette mission d’assistance juridique à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, avec l’appui des avocats, nous cherchons à retrouver une cohérence institutionnelle, une meilleure réactivité et surtout la neutralité requise.
Aujourd’hui, l’État consacre près de 7 millions d’euros par an en subventions à des associations pour réaliser une mission qui pourrait, et devrait, relever de l’administration. C’est pourquoi la majorité de mes collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra les dispositions de cette proposition de loi dans un souci d’efficacité, d’équité et de responsabilité républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, cette après-midi, madame Ciuntu, c’est la fête !
Si je comprends bien, vous vous trouvez totalement en dehors du droit européen, même si plusieurs grands États européens n’accueillent évidemment pas d’associations dans leurs centres de rétention. Si vous, vous posez cette question, vous sortez du droit, contrairement aux autres. On ne sait pas pourquoi, mais c’est ainsi !
Je viens d’entendre que la solution la plus simple, finalement, serait que l’on ne prononce pas d’OQTF, que l’on ne place personne en centre de rétention. Ainsi, quel serait le problème ? Il n’y aurait plus à déterminer si l’on confie ou non cette mission à l’Ofii. C’est absurde !
La politique migratoire est définie par le Parlement et seulement par le Parlement, pas par les associations, pas par l’Ofii. Ce qui s’applique, c’est la loi, fort heureusement.
J’ai eu la chance et l’honneur de représenter le Sénat au conseil d’administration de l’Ofii pendant sept ans, entre 2014 et 2021, sous des gouvernements qualifiés de gauche de 2014 à 2017, puis sous des gouvernements macronistes de 2017 à 2021.
J’ai rédigé un certain nombre de rapports, j’ai formulé des propositions, j’ai effectué des visites de CRA et je me suis à chaque fois étonné de constater que notre politique migratoire ne consacrait pas un acteur unique, qui devrait être l’Ofii.
Lorsque l’on définit une politique migratoire, si l’on souhaite de la cohérence, tant en ce qui concerne son application, les éloignements, que l’intégration, ou l’augmentation des moyens pour l’éducation, pour les centres dépendants de l’Ofii, qui instruisent les dossiers des immigrés arrivant en France, il faut définir un seul organisme gestionnaire : l’Ofii.
J’ai entendu beaucoup de choses, mais, même si je ne suis plus représentant du Sénat à l’Office depuis maintenant quatre ans, je continue et continuerai de défendre cet organisme qui accomplit remarquablement bien son travail, qui n’est nullement politisé. Les agents de l’Ofii peuvent adhérer aux syndicats qu’ils souhaitent, ils peuvent nourrir les convictions qu’ils veulent, mais ils appliquent la loi, avec intelligence, avec discernement et avec compétence.
J’ai beaucoup entendu affirmer que le droit des étrangers étant extrêmement compliqué, il ne fallait pas le confier à n’importe qui. C’est vrai. Après tout, si nous disposons d’un organisme public, dont les agents spécialisés gèrent quotidiennement ces questions, je ne vois pas pourquoi celui-ci ne pourrait pas, dans les centres de rétention, mais aussi plus globalement, être le porte-parole et l’acteur intermédiaire entre le Parlement – la loi –, le Gouvernement – son exécution –, et l’ensemble des personnes en rétention. Il n’y a pas lieu de se méfier de l’Ofii.
J’avais reçu à plusieurs reprises les représentants des associations. On peut me reprocher beaucoup de choses, mais certainement pas de m’être opposé dans ma vie publique au monde associatif. Ils me disaient eux-mêmes combien ils n’étaient pas favorables à la loi. Ils tenaient ces propos aussi bien sous un gouvernement socialiste que sous un gouvernement macroniste : « Nous ne sommes pas favorables à la loi telle qu’elle est. Nous souhaitons qu’elle change. »
Je leur répondais que, si je pouvais comprendre ce désir, qui relevait de leur droit de citoyen, il me semblait qu’un problème se posait dès lors que cette opposition modifiait la manière dont ils exécutaient une mission de service public qui leur était confiée.
Vous pouvez me dire « mais non, mais non ! », mais si ! Je ne connais personne qui militerait contre une loi comme citoyen et, agissant dans un centre de rétention, l’appliquerait dans son intégralité. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Cela n’existe pas, la vie normale est ainsi faite ; vous pouvez me raconter ce que vous voulez, faites-vous plaisir, mais ce n’est pas la réalité !
M. Guy Benarroche. C’est la justice d’exception, donc ?
M. Roger Karoutchi. Monsieur Benarroche, je vous ai malheureusement écouté avec attention, faites-en autant ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les choses sont donc très simples : il existe un organisme idoine. J’ai d’ailleurs souhaité, durant les années où j’étais membre de son conseil d’administration, en augmenter les moyens, car c’est nécessaire, et pas seulement pour les centres de rétention. Monsieur le ministre d’État, il faut le faire, parce que nous avons besoin que l’Ofii dispense davantage d’heures d’enseignement de français et d’éducation à ce qu’est la société française. Nous avons besoin que les migrants légaux présents sur notre territoire soient formés, si nous entendons qu’ils soient intégrés.
L’Ofii, c’est l’acteur clé. Lui dénier ce rôle et prétendre le réduire, ce n’est rendre service ni aux migrants légaux ni à ceux qui souhaitent une politique ferme, mais juste, que l’Ofii incarne. Je considère que son rôle est d’être pleinement présent dans les centres de rétention.
D’ailleurs, lorsque je visitais ces centres, certains acteurs reconnaissaient eux-mêmes que la situation y était compliquée, y compris pour l’Ofii, tant la présence des associations était un peu plus envahissante que la sienne, pour le dire de manière élégante.
Monsieur le ministre d’État, il est clair qu’il appartient au Parlement d’élaborer la loi et de définir le droit applicable aux étrangers sur le territoire ; il revient au Gouvernement de le mettre en application et donc à l’Ofii, organisme public qui a toute notre confiance, de le faire respecter dans les centres de rétention, comme ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui soulève une question importante qui touche à la fois à la bonne utilisation des deniers publics, à l’efficacité de notre politique migratoire et à la garantie des droits fondamentaux : celle des conditions d’accueil, d’information et d’assistance juridique des personnes retenues dans nos centres de rétention administrative.
Un constat doit d’abord nous interpeller. Ces dernières années, le coût de l’assistance juridique dans les CRA a connu une progression bien plus importante que le nombre d’étrangers retenus.
En 2024, l’enveloppe prévue au titre de l’aide juridique dans ces centres a atteint 7,4 millions d’euros, contre 5,2 millions d’euros en 2019. Or, sur la même période, le nombre de personnes retenues n’a fait que diminuer. Pour l’année 2025, 9,2 millions d’euros sont prévus à cet effet. Cette évolution pose la question de l’efficacité de notre dispositif.
Il faut rappeler que les missions d’information et d’assistance juridique dans les CRA sont aujourd’hui assurées par des associations agissant dans le cadre de marchés publics.
Cette situation est tout à fait normale, il existe d’autres missions qui sont confiées par l’administration à des associations. Je pense, par exemple, à certaines mesures de probation en matière judiciaire.
Néanmoins, dès lors que ces associations se voient confier une mission de service public, une exigence fondamentale s’impose à elles : l’obligation légale de neutralité. Or cette neutralité est parfois mise à mal. Nous le voyons dans nos circonscriptions : certaines associations s’éloignent de leur mission première pour devenir les acteurs d’une contestation quasi systématique de la politique d’éloignement.
La vocation première du centre de rétention administrative est de maintenir un étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement, en attendant son renvoi forcé dans le respect du droit. Or des manquements existent dans la mission assurée par ces associations. Ceux-ci ont notamment été documentés par le rapporteur dans le cadre de ses auditions. Je pense notamment à certaines structures ultramarines : à Mayotte, par exemple, des mises en demeure ont été adressées aux associations en raison de dérives manifestes.
M. Roger Karoutchi. Et voilà…
Mme Solanges Nadille. Il peut s’agir d’un défaut de présence, d’une carence dans l’information ou de prises de position contraires à l’esprit du marché public auquel elles doivent se conformer.
Nous avons aujourd’hui l’opportunité d’améliorer la situation tout en garantissant les droits des personnes retenues. C’est dans ce contexte que la proposition de loi de notre collègue Marie-Carole Ciuntu s’inscrit. Ce texte vise à confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration certaines missions d’accueil et d’information au sein des CRA.
Cette évolution exige bien sûr des garanties. La version initiale du texte pouvait soulever des interrogations légitimes : comment garantir une assistance claire, complète et efficace si cette mission était exclusivement exercée par l’Ofii ? Comment éviter tout risque de confusion entre la mission d’information et l’assistance juridique ?
Les ajustements introduits par le rapporteur en commission sont, à nos yeux, bienvenus, car ils distinguent clairement les missions : d’un côté, l’information sur les droits serait confiée à l’Ofii ; de l’autre, la mission de conseil et d’assistance juridique serait renforcée et confiée aux avocats, qui, jusqu’ici, n’intervenaient souvent qu’au moment de l’audience devant les juridictions.
Cette nouvelle rédaction assure un équilibre nécessaire et bienvenu. Il faudra toutefois que cette réforme soit mise en place avec méthode. Monsieur le ministre d’État, le Gouvernement aura un rôle clé à jouer ; il lui appartiendra de recruter et de former les professionnels compétents au sein de l’Ofii, d’organiser leur déploiement sur le territoire, y compris dans les outre-mer, et de veiller à l’articulation avec le barreau local et avec le dispositif de l’aide juridictionnelle. Cette nouvelle répartition des missions ne doit pas créer de rupture dans la chaîne des droits.
Ce texte répond à un besoin d’efficacité et de clarté dans un dispositif parfois dévoyé. Toutefois, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants restera particulièrement vigilant pour que les droits de la défense des personnes retenues soient pleinement et intégralement garantis. La protection des libertés fondamentales, même dans un contexte budgétaire contraint, reste un principe non négociable de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous franchissons aujourd’hui une étape attendue, salutaire et nécessaire.
En effet, depuis des années, un paradoxe irrigue notre droit des étrangers : la mission d’assistance juridique, le cœur battant du respect de l’État de droit dans nos centres de rétention administrative, a été confiée à des associations, souvent militantes, qui s’opposent frontalement à la politique migratoire de l’État. Nul ne peut l’ignorer dans cet hémicycle, certaines d’entre elles ont transformé leur mission d’aide en un combat idéologique. Cette situation est devenue totalement inacceptable, d’autant qu’elle est juridiquement fragile, administrativement inefficace et politiquement illisible.
La proposition de loi de notre collègue Marie-Carole Ciuntu, que je salue, met fin à cette hypocrisie administrative et recentre la mission d’information juridique sur deux piliers essentiels et incontestables de l’État de droit : l’Office français de l’immigration et de l’intégration et le barreau.
Oui, il est temps de clarifier les rôles. L’Ofii est le bras opérationnel de l’État, il assurera ainsi l’accueil, l’information et la transmission des droits. Les avocats, garants de la défense et de l’État de droit, assureront les recours et la représentation des retenus. Quant aux associations, si certains s’en inquiètent, elles auront tout loisir de retrouver leur liberté d’expression en dehors des murs de l’État.
Depuis le début de l’examen de ce texte, on nous dit que cette proposition de loi constituerait une atteinte aux droits fondamentaux. J’invite les auteurs de ces critiques à relire avec attention le texte, car il n’y est nulle part question d’amoindrir les droits des personnes retenues, bien au contraire. Ces droits seront mieux encadrés, mieux garantis et mieux appliqués. Ce que nous proposons de changer au travers de cette proposition de loi, ce n’est pas le droit, c’est son canal de transmission ; ce que nous combattons, ce n’est pas la protection des personnes, c’est la captation militante d’un service public qui doit rester neutre, professionnel et républicain. (M. Thomas Dossus s’esclaffe.)
En effet, mes chers collègues, comment pouvons-nous justifier que l’État délègue l’accompagnement juridique des étrangers à des structures, à des associations, qui déposent parfois des recours à l’insu même des intéressés ? (M. Thomas Dossus proteste.)
M. Guy Benarroche. C’est inexact !
M. Stéphane Le Rudulier. Comment justifier que ces mêmes associations remplissent des formulaires « précochés » en masse ? qu’elles détournent leurs missions pour faire obstruction et non pas assistance ? Comment justifier qu’un étranger soit conduit à l’audience sans même savoir qu’un recours a été introduit en son nom ?
Est-ce cela la dignité que nous devons garantir à chacun ? Je ne le pense pas. N’est-il pas plus conforme à notre exigence républicaine que l’aide juridique soit fournie par ceux qui en ont la compétence professionnelle, la légitimité judiciaire et la responsabilité déontologique ?
Loin d’être d’un texte de repli, cette proposition de loi est un texte de clarté. Loin d’être un texte de fermeture, elle est un texte de rigueur et de justice. Loin d’être une remise en cause des droits, elle est un appel à mieux les protéger.
À l’heure où les Français attendent de nous des actes et non des postures, des réformes et non des slogans, cette proposition de loi constitue une réponse cohérente et responsable. Elle renforce l’autorité de l’État sans renier une seule de ses valeurs fondamentales.
Nous ne pouvons plus accepter, mes chers collègues, que l’État paie deux fois pour la même mission, sans contrôle ni cohérence. Nous ne pouvons plus accepter que l’action publique soit dévoyée par des logiques militantes. Nous ne pouvons plus accepter une forme de contournement idéologique de la République.
Ce texte met un terme à cette dérive et c’est pour toutes ces raisons que le groupe Les Républicains votera cette proposition de loin, avec clarté, conviction et sens de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’information et à l’assistance juridiques en rétention administrative et en zone d’attente
Article 1er
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le 5° de l’article L. 121-1, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis À l’information sur l’accès au droit des personnes placées ou maintenues en zone d’attente ou en rétention administrative » ;
2° La section 1 du chapitre III du titre IV du livre III est ainsi modifiée :
a) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 343-1, après le mot : « choix », sont insérés les mots : « , demander la désignation d’un avocat commis d’office et le bénéfice de l’aide juridictionnelle » ;
b) Sont ajoutés des articles L. 343-3-1 et L. 343-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 343-3-1. – Dans chaque zone d’attente, un document rédigé dans les langues les plus couramment utilisées et décrivant les droits de l’étranger au cours de la procédure de refus d’entrée et de placement ou de maintien en zone d’attente ainsi que leurs conditions d’exercice est mis à disposition des personnes placées ou maintenues.
« La méconnaissance des dispositions du présent article est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé des procédures de refus d’entrée et de placement ou de maintien en zone d’attente.
« Art. L. 343-3-2. – L’étranger maintenu en zone d’attente bénéficie d’une information sur ses droits et sur les voies de recours dont il dispose.
« Sur sa demande, il peut être assisté par un avocat désigné par lui ou commis d’office.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 744-4, après le mot : « médecin, », sont insérés les mots : « de demander la désignation d’un avocat commis d’office et le bénéfice de l’aide juridictionnelle » ;
4° (nouveau) L’article L. 744-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 744-9. – L’étranger maintenu en rétention bénéficie d’actions d’accueil, d’information et de soutien pour préparer son départ.
« Il bénéficie d’une information sur ses droits et sur les voies de recours dont il dispose, assurée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
« Sur sa demande, il peut être assisté par un avocat désigné par lui ou commis d’office.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »