Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 7 est présenté par Mme Margaté, M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 9 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 5.

Mme Corinne Narassiguin. Pour toutes les raisons évoquées en discussion générale et détaillées par nos collègues communistes et écologistes en défense des motions, nous proposons de supprimer l’article 1er de cette proposition de loi.

Comme tous les textes que nous avons examinés au cours des six derniers mois en matière de droit des étrangers, celui-ci repose non pas sur des faits établis et vérifiés, mais sur des approximations, des erreurs, des mythes. Il s’appuie en outre sur le refus d’admettre certaines réalités, comme l’augmentation de 60 % en cinq ans du nombre d’OQTF, source de la massification des recours.

Par ailleurs, plusieurs de nos collègues issus des travées opposées aux nôtres ont repris à leur compte les accusations formulées par le rapporteur le 7 mai dernier, lors de la présentation de son rapport à la commission, selon lesquelles les associations formeraient des recours à l’insu des retenus eux-mêmes, auxquels elles feraient signer des documents vierges. Le rapporteur avait alors cité une enquête préliminaire de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants datant de novembre 2024.

Or, au-delà de la violation du secret de l’enquête et de la présomption d’innocence que cela constitue et indépendamment de la volonté de monter en épingle quelques prétendus faits ponctuels pour procéder à une attaque en règle et généralisée contre les associations, vous avez omis de préciser, monsieur le rapporteur, que cette procédure avait fait l’objet, le 14 avril 2025, d’un classement sans suite par le procureur de la République de Meaux.

Cela est indigne des travaux de la Haute Assemblée… (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 7.

Mme Marianne Margaté. Je le considère comme défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 9.

M. Guy Benarroche. Je ne répéterai pas ce qu’ont dit nos collègues au cours de la discussion générale ou de la défense des motions. Je dirai simplement un mot sur la question des avocats.

Vous affirmez, monsieur le rapporteur, que ces derniers n’interviennent pas dans la rédaction des recours, qui est assurée par les associations, et qu’ils découvrent le plus souvent les dossiers à l’audience, ce qui rend difficile, voire impossible, une défense efficace.

Par ailleurs, vous précisez dans votre rapport que « l’existence […] de permanences d’avocats spécialisées dans les barreaux des ressorts des centres de rétention » est « fréquente », « mais pas systématique » et vous plaidez pour un renforcement de la présence des avocats, car, nous expliquez-vous, la situation s’est dégradée et les permanences d’avocats en CRA sont désormais très rares. Vous souhaitez donc reporter la charge de l’information en temps contraint – les délais sont parfois de quarante-huit heures – à une profession qui n’est actuellement pas en mesure de le faire.

D’ailleurs, les avocats, les avez-vous consultés ?

M. David Margueritte, rapporteur. Bien sûr !

M. Guy Benarroche. Leur avez-vous seulement demandé ce qu’ils pensaient de leur capacité à exercer cette nouvelle mission ? de leur formation en la matière ? Mme Narassiguin a soulevé cette question, car, elle, elle les a consultés. Là encore, il manque une étude d’impact. Le choix consistant à ne pas demander leur avis aux avocats est préjudiciable à la sincérité de nos débats.

En outre, vous justifiez votre volonté de recourir aux avocats en affirmant que cela évitera à l’État de payer deux fois. Vous pensez donc, je suppose, que les nouvelles missions ainsi dévolues à cette profession, qui accroîtront sa charge de travail, ne donneront pas lieu à un paiement, que les avocats feront plus sans gagner plus. Ce raisonnement déviant se heurte au réel, monsieur le rapporteur.

S’il fallait une nouvelle preuve que ce texte commandé depuis la place Beauvau ne vise qu’à sanctionner les associations qui ont l’outrecuidance de vouloir faire respecter le droit des étrangers, vous venez de l’apporter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. David Margueritte, rapporteur. Je ne relancerai pas le débat en reprenant tous les arguments que j’ai exposés précédemment.

Madame Narassiguin, sachez que nous avons organisé de nombreuses auditions, nous nous sommes rendus dans des centres de rétention administrative, nous avons entendu de nombreux témoignages et nous avons bien évidemment sollicité les avocats.

Je dispose en outre d’un courrier, transmis par les services du ministre, qui rappelle que, si les faits évoqués n’ont en effet pas été pénalement qualifiés, ils ont été établis. (Mme Corinne Narassiguin proteste.) Le rapport en question avait pour objet d’étudier « trois recours examinés au cours de l’audience de ce jour qui n’avaient manifestement pas été formulés par les retenus eux-mêmes, soit qu’ils aient signé des documents en blanc, manifestement remplis a posteriori, soit qu’ils n’aient tout simplement pas signé les recours ». Les faits sont donc établis !

Par ailleurs, ce que nous affirmons à propos des recours dont les intéressés découvrent manifestement l’existence à l’audience nous a été rapporté à plusieurs reprises. Je le répète, l’inflation du nombre de recours, parfois d’ailleurs de piètre qualité, ne garantit pas le droit effectif au recours. Celui-ci s’analyse au regard de la qualité du recours déposé en fonction de la situation individuelle du requérant. Or, compte tenu de la spécialisation accrue du droit des étrangers, ce travail peut être mieux réalisé par des avocats, ce qui garantira à la fois la neutralité du système de l’information et le droit effectif au recours au regard des contraintes jurisprudentielles, conventionnelles et constitutionnelles.

La commission a donc évidemment émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Même avis, madame la présidente. Je ne répéterai pas ce qui a déjà dit à cet égard.

Madame Briante Guillemont, vous m’avez demandé des éclaircissements sur le profil des personnes retenues en CRA. Au moment où je vous parle, trente-trois retenus ont un profil de terroriste – ce n’est pas rien –, soit 2 % du total. Pas question de les laisser dans la nature ! Ensuite, 91 % des retenus sortent de prison – il s’agit souvent d’auteurs d’atteintes aux personnes, éventuellement de faits répétés troublant l’ordre public. Ainsi, vous le voyez, 93 % des retenus ont des profils dangereux, d’une dangerosité plus ou moins grande, mais qui présente une menace pour l’ordre public.

Quant aux OQTF, madame Narassiguin, ce n’est pas le gouvernement français qui, pris d’un caprice, a décidé d’en augmenter le nombre. C’est lié à la directive Retour. L’Allemagne, qui ne prononçait pas systématiquement de mesures d’éloignement, a d’ailleurs été condamnée en 2021 par la Cour de justice de l’Union européenne, qui lui a enjoint de se conformer à la directive Retour en prononçant systématiquement une obligation de quitter le territoire lorsque la situation irrégulière d’un étranger était constatée.

Enfin, plusieurs sénateurs m’ont appelé à conforter les missions de l’Ofii en lui donnant les moyens d’agir. Ce sera fait, puisque cette proposition de loi permettra d’économiser, je le répète, 6,5 millions d’euros, que nous redéploierons en partie en faveur de cet office.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Cette proposition de loi repose donc sur des témoignages recueillis par le rapporteur, mais à peine cités dans le rapport et relatifs à des événements ayant conduit à un non-lieu, sur le mensonge du milliard d’euros, que nous avons démonté lors de la discussion générale, et sur certaines outrances de votre part, monsieur le ministre d’État.

En effet, vous affirmez que des associations « se sont dévoyées », pour reprendre l’expression que vous avez employée lors d’un entretien accordé à LExpress, en visant notamment la Cimade. Or que fait cet organisme ? Comme nombre d’autres associations de solidarité, il pointe régulièrement les manquements des pouvoirs publics, c’est-à-dire de votre administration, monsieur le ministre d’État, quand ils appliquent mal les règles en matière de droit des étrangers. Vous devriez donc plutôt tâcher de garantir cette bonne application par vos services que de couvrir leurs manquements…

Ensuite, la Cimade s’est-elle dévoyée ? Le mot est fort, il suppose l’abandon de certaines valeurs initiales. Vous avez évoqué le sens de l’histoire en citant le cas d’une affiche dans une salle de pause, mais peut-être pourrait-on rappeler le sens originel de l’acronyme Cimade et le contexte de sa fondation : il s’agissait initialement du Comité inter-mouvements auprès des évacués, créé en 1939. Selon ses statuts, qui n’ont pas changé depuis lors, cette association « a pour but de manifester une solidarité active avec » ceux qui souffrent et d’assurer leur défense, quelles que soient leur nationalité, leurs origines, leurs positions politiques ou religieuses.

Rappelons-le, la Cimade a joué un rôle très important, notamment dans la région dont je suis élu, pendant la Seconde Guerre mondiale, en assistant les juifs fuyant les persécutions, en particulier en organisant leur accueil dès 1940 au Chambon-sur-Lignon. Dans le département dont je suis élu, elle est impliquée dans le sauvetage de 108 enfants juifs dans les camps de transit de Vénissieux, en août 1942. Ensuite, après la guerre, elle a constamment œuvré en faveur des réfugiés, de toutes les personnes migrantes. Bref, rien de nouveau, elle ne s’est nullement « dévoyée ».

En revanche, ceux qui se sont dévoyés, ce sont évidemment les membres de cette droite dite républicaine, qui s’en prend désormais aux organisations de solidarité ayant fait l’honneur de notre pays. (M. Guy Benarroche et Mme Émilienne Poumirol applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.

M. Ian Brossat. Avant toute chose, je tiens à présenter mes excuses à ma collègue Marie-Carole Ciuntu, à qui j’ai attribué des propos qui étaient non pas les siens, mais ceux de Valérie Boyer. On n’est responsable que des propos que l’on tient, non de ceux des autres.

Je souhaite revenir sur les reproches adressés aux associations qui interviennent dans les centres de rétention. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention de Roger Karoutchi en discussion générale et certains de ses arguments me semblent glisser dangereusement.

Vous commencez par affirmer, mon cher collègue, qu’il s’agit d’associations militantes, mais, que je sache, le militantisme n’est pas un délit : on a le droit d’être militant et de défendre des causes.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mais oui, tout à fait !

M. Ian Brossat. Le directeur de l’Ofii lui-même défend des opinions avec beaucoup d’énergie et écrit des tribunes dans la presse ; ses positions ont d’ailleurs varié au cours de sa carrière. Quoi qu’il en soit, on pourrait aussi lui adresser cette remarque sur le militantisme.

Ensuite, vous indiquez que le problème réside non pas dans le fait qu’il s’agisse d’associations militantes, mais dans les opinions qu’elles défendent. Selon vous, le problème est qu’elles se sont exprimées publiquement contre les lois relatives à l’immigration adoptées au cours des dernières années. Si l’on part du principe que ceux qui se sont opposés à telle ou telle loi ne l’appliquent pas et ne la font pas respecter, on en a fini avec tous les principes républicains !

Vous et moi, nous respectons tous les jours des lois auxquelles nous ne sommes pas favorables. Il y a, par exemple, certains de nos collègues qui se sont opposés au mariage pour tous, ce qui ne les a pas empêchés pour autant de célébrer, en tant qu’élus locaux, l’union de deux hommes ou de deux femmes.

Attention aux arguments employés : nous ne sommes pas loin du délit d’opinion, nous nous en approchons même dangereusement… (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Roger Karoutchi. Soyons sérieux ! Tout ce qui est excessif est insignifiant !

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. Comme disait Talleyrand !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour explication de vote.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Je ne savais pas que l’exégèse de Paris Match faisait partie de nos travaux parlementaires, quelle que soit la qualité de ce journal. Je pense que l’on aurait tout aussi bien pu partir de mon intervention liminaire, en discussion générale…

M. Ian Brossat. C’est vous qui choisissez de vous exprimer dans la presse !

Mme Marie-Carole Ciuntu. Je souhaite donc relire quelques lignes de mon propos initial. Vous le verrez, il n’y a aucune confusion, ni dans mon discours d’aujourd’hui ni dans aucun de mes propos, entre le milliard d’euros donné aux associations qui interviennent dans la politique migratoire et l’argent donné aux associations chargées de l’assistance juridique dans les centres de rétention.

Je répète donc ce que j’ai dit précédemment : « Sur le plan financier, si le budget lié à l’assistance juridique assurée par les associations ne pèse pas le plus lourd sur le milliard d’euros d’argent public versé chaque année aux associations pour remplir différentes missions dans le domaine de l’immigration et de l’intégration, il convient tout de même d’observer, comme le fait clairement la Cour des comptes, que, alors que le nombre de personnes retenues a baissé de 20 %, le coût de l’assistance juridique par l’intermédiaire des associations a augmenté de 30 %. »

M. Guy Benarroche. Ce n’est pas cela !

Mme Marie-Carole Ciuntu. On ne saurait être plus clair, plus précis, mieux citer le rapport de la Cour des comptes, qu’il faut avoir lu avant de lui faire dire ce qui nous arrange. Il faut citer le rapport exactement, mes chers collègues. (MM. Thomas Dossus et Guy Benarroche protestent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 7 et 9.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le mot : « départ », la fin est supprimée ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour permettre l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, le ministre chargé de l’immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d’informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. À cette fin, la personne morale assure, dans chaque centre dans lequel elle est chargée d’intervenir, des prestations d’information, par l’organisation de permanences et la mise à disposition de documentation. Ces prestations sont assurées par une seule personne morale par centre.

« Les étrangers retenus en bénéficient sans formalité dans les conditions prévues par le règlement intérieur.

« Les étrangers maintenus dans un local de rétention peuvent bénéficier du concours d’une personne morale, à leur demande ou à l’initiative de celle-ci, dans des conditions définies par convention conclue par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police. »

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement tend à réécrire l’article 1er, afin de faire de cette proposition de loi ce qu’elle aurait dû être : un texte fondé sur des réalités objectives et non sur des biais idéologiques.

Je ne répéterai pas ce que vient de dire notre collègue Ian Brossat sur le respect de la liberté d’association et de la liberté d’expression, qui ne doivent pas être remises en cause. En revanche, je rappelle que ces associations interviennent depuis des années dans le cadre de marchés publics qui leur sont attribués, que la qualité de leur travail n’a jamais été remise en cause par quelque rapport que ce soit et que ces marchés sont régulièrement renouvelés. Il est donc pour le moins étrange d’expliquer maintenant que l’inflation du nombre de recours est de leur fait…

Par ailleurs, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a déploré à plusieurs reprises l’existence d’une pression liée à des préoccupations d’ordre politique et sécuritaire, qui conduit à une augmentation mécanique du nombre de personnes placées en rétention, avec un nombre croissant non seulement de personnes éligibles à une protection contre l’éloignement, mais également de personnes dont l’éloignement est impossible ou dont l’état de santé est manifestement incompatible avec la rétention. Autant de motifs d’annulation ou de suspension par un juge de l’exécution d’une décision administrative, l’autorité judiciaire jouant alors pleinement son rôle de gardienne des libertés en vertu de l’article 66 de la Constitution.

Ainsi, monsieur le ministre d’État, même quand on respecte le droit européen, la situation irrégulière d’un étranger ne doit pas automatiquement entraîner une OQTF. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle 44 % des recours aboutissent à une remise en liberté du requérant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. David Margueritte, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre, dans la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile certaines dispositions précédemment évoquées de la partie réglementaire de ce code. Il s’agit ainsi de consacrer le rôle des associations ou, pour reprendre les termes de l’amendement, des personnes morales conventionnées.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, dont l’objet est de vider le texte de sa substance.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Même avis, bien évidemment. Cette disposition reviendrait à supprimer purement et simplement la teneur de la proposition de loi. C’est habile, mais le Gouvernement ne peut qu’y être défavorable.

Pour apporter de l’eau au moulin de ceux qui dénoncent l’attitude dépourvue d’impartialité et de neutralité d’un certain nombre d’associations, je tiens à préciser que la Cimade avait institué les « charter awards » pour « récompenser » les préfets avec, par exemple, l’attribution du prix Petits bagnards…

M. Thomas Dossus. Ce n’est pas dans le cadre d’un marché public !

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. La liberté des associations demeure totale : libre à chacune d’entre elles d’avoir les opinions qu’elle souhaite ! Simplement, il est évident que, dans le cadre d’une délégation de service public dans un lieu administratif, des contraintes de neutralité s’imposent.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Encore une tentative de confusion !

La Cimade n’a pas organisé cet événement dans un centre de rétention administrative, monsieur le ministre d’État.

M. Roger Karoutchi. Pitié ! C’est grotesque !

M. Thomas Dossus. Le marché public et sa mise en œuvre sont contrôlés par vos services, plus précisément, me semble-t-il, par la direction générale des étrangers en France. Si vous n’arrivez pas à prouver que l’association ne respecte pas le cahier des charges de ce marché public, vous pouvez dénoncer ce dernier. En l’occurrence, vous mélangez un événement organisé dans le cadre de la vocation politique de cette association avec cette délégation de service public. Vous essayez donc, encore une fois, de faire un lien entre l’activité militante de l’association, pour laquelle sa liberté est entière, et l’exercice d’un marché public, lien complètement controuvé.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre d’État, ce que vous venez de dire correspond exactement à la situation dénoncée voilà quelques instants par Ian Brossat.

Vous avez renoncé à mettre en cause, dans vos démonstrations, la qualité du travail des associations, qui déposeraient de prétendus recours abusifs – sans que l’on connaisse d’ailleurs les critères de ce caractère abusif. Vous en venez à incriminer la pertinence de la partie technique du travail de l’une d’elles, alors qu’elle respecte le cahier des charges du marché public qu’elle a remporté et qui a été renouvelé il y a très peu de temps par l’administration elle-même.

Si ces défauts étaient si patents, si certains agissements accomplis par cette association dans le cadre de l’exécution du marché public avaient pu être dénoncés devant la justice, je pense que vous l’auriez fait…

Or, bien entendu, rien ne s’y prête aujourd’hui, sauf à considérer que, dorénavant, il faut un certificat, un badge de « bonne pensée », montrant que l’on pense comme il faut, que l’on a les opinions qui conviennent. Des valeurs défendues par ces associations dépendrait leur capacité de remplir leur mission dans les CRA. Si tel est le cas, il faut le noter dans le cahier des charges des marchés publics. Il faut préciser que le candidat n’a pas le droit de défendre telle ou telle valeur s’il veut répondre à une consultation. Et alors, bon courage…

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le ministre, vos explications sur les causes des rétentions me semblent manquer de précision. D’après vous, 2 % des retenus ont un profil terroriste et 90 % sortent de prison, notamment pour des faits de trouble à l’ordre public. Il faudra un jour qualifier ce trouble de manière précise. Les personnes contrôlées par la police dans les gares, sur le chemin de leur travail, sont-elles comptabilisées ?

De fait, derrière ce voile se cache une bonne partie des personnes retenues. Sans définition précise, on aboutit à une grande confusion : les associations sont accusées d’agir de manière militante pour défendre 90 % de retenus dangereux.

Ce raisonnement me paraît extrêmement malsain, raison pour laquelle le groupe CRCE-K s’oppose avec détermination à ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour explication de vote.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Je souhaite poursuivre mon précédent raisonnement sur la dangerosité des détenus, d’autant que des chiffres précis viennent d’être fournis par le ministre de l’intérieur. Il est très important de se rendre compte de la réalité.

Si, mes chers collègues, vous vous êtes rendus dans les centres de rétention administrative, alors vous avez dû entendre – ce propos y est courant – que les associations s’y sentent aussi menacées que les autres intervenants. Il est très difficile d’agir dans ces lieux. À ce titre, il a été question dans nos débats de l’Ofii, mais je pourrais également parler des psychologues, des psychiatres et des infirmiers, en sus des policiers à qui j’ai rendu hommage tout à l’heure, puisque ces derniers constituent le gros des effectifs.

De fait, les associations, à plusieurs reprises, n’ont plus souhaité assumer leur mission face à certains retenus et ce sont les policiers eux-mêmes qui ont dû les convaincre de continuer, de crainte qu’elles ne s’appuient sur ces difficultés pour arguer que leur mission n’était pas effective.

Tout cela prouve bien que le groupe Les Républicains a raison de poser les problèmes. Cette proposition de loi permet de simplifier l’action des associations dans un milieu où il leur serait supposément simple d’entrer en relation avec les retenus, alors que c’est bien plus compliqué qu’il n’y paraît.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Les 91 % de retenus sortant de prison se sont rendus coupables de crimes de sang, de trafic de stupéfiants ou de violences contre les personnes. Si vous trouvez ces faits banals et légers, il faudra l’expliquer aux Français. (Exclamations sur les travées du groupe GEST. – Mme Pascale Gruny applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 744-9 et à l’assistance juridique et linguistique mentionnée au second alinéa de l’article L. 744-6

II. - Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

bis La première phrase du second alinéa de l’article L. 744-6 est complétée par les mots : « selon des modalités définies par décret en Conseil d’État » ;

La parole est à M. le ministre d’État.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Cet amendement constitue une mesure miroir. Il s’agit de confier à l’Ofii la mission d’assistance aux étrangers placés en rétention qui sont soit demandeurs d’asile soit susceptibles de l’être.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. David Margueritte, rapporteur. Cet amendement permet d’assurer la pleine cohérence du dispositif en permettant à l’Ofii d’intervenir dans l’aide à la rédaction et le conseil en matière de demande d’asile.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'information et l'assistance juridiques en rétention administrative et en zone d'attente
Article 2 (nouveau) (début)

Après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Margueritte, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° La cinquième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 152-1 et L. 153-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

L. 121-1

La loi n° … relative à l’information et à l’assistance juridiques en rétention administrative et en zone d’attente

L. 121-2 à L. 121-16

 

 » ;

2° La vingt-sixième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 362-1 et L. 363-1 et la vingt-septième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 364-1, L. 365-1 et L. 366-1 sont remplacées par trois lignes ainsi rédigées :

« 

L. 342-18 à L. 342-19

 

L. 343-1

La loi n° … relative à l’information et à l’assistance juridiques en rétention administrative et en zone d’attente

L. 343-2

 

 » ;

3° Après la vingt-septième ligne du second alinéa des articles L. 362-1 et L. 363-1 et la vingt-huitième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 364-1, L. 365-1 et L. 366-1 est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

L. 343-3-1 et L. 343-3-2

La loi n° … relative à l’information et à l’assistance juridiques en rétention administrative et en zone d’attente

» ;

4° Le 19° de l’article L. 366-2 est ainsi rédigé :

« 19° À l’article L. 343-1 :

« a) Après les mots : « et le bénéfice de l’aide juridictionnelle » sont ajoutés les mots : « dans les conditions applicables localement » :

« b) Les mots : « hors de France » sont remplacés par les mots : « hors du territoire de la Nouvelle-Calédonie » ;

5° La trente-troisième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 762-1 et L. 763-1, la vingt-septième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 764-1 et la vingt-neuvième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 765-1 et L. 766-1 sont remplacées par cinq lignes ainsi rédigées :

« 

L. 743-25 à L. 744-3

 

L. 744-4

La loi n° … relative à l’information et à l’assistance juridiques en rétention administrative et en zone d’attente

L. 744-5 à L. 744-8

 

L. 744-9

La loi n° … relative à l’information et à l’assistance juridiques en rétention administrative et en zone d’attente

L. 744-10 à L. 744-16

 

 ».

6° Après le 12° de l’article L. 766-2, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :

« 12° bis À l’article L. 744-4, après les mots : « et le bénéfice de l’aide juridictionnelle » sont ajoutés les mots : “dans les conditions applicables localement” ; ».

La parole est à M. le rapporteur.