M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord avoir une pensée pour les trois sapeurs-pompiers agressés en Haute-Savoie. Deux d’entre eux ont été blessés dimanche lors d’une intervention à Saint-Cergues. Cette agression est survenue à une trentaine de kilomètres d’Évian-les-Bains, où un pompier a été percuté samedi dans les conditions que chacun sait, alors qu’il tentait d’interrompre un rodéo urbain. J’exprime tout mon soutien à ces héros du quotidien, qui incarnent nos valeurs républicaines, et à leurs proches.

Le texte qui nous réunit aujourd’hui est aussi l’occasion d’affirmer ou de réitérer le profond soutien du Sénat au modèle français de sécurité civile et aux pompiers de France.

La création du corps des sapeurs-pompiers professionnels et le développement progressif de la professionnalisation – nous comptons aujourd’hui un peu plus de 41 000 sapeurs-pompiers professionnels – ne se sont jamais faits au détriment de la volonté des pouvoirs publics d’impliquer les citoyens dans la protection de leur prochain.

Il s’agit là, avant tout, d’un choix de valeurs, celui d’une citoyenneté engagée au service d’une société plus solidaire et mieux protégée, mais aussi d’un choix politique réaliste et résolu en faveur d’un service public de proximité à coût maîtrisé.

Nous pouvons donc nous féliciter vivement du franchissement récent du seuil de 200 000 volontaires dans tous les villages et villes de France.

Le franchissement de ce seuil est d’autant plus significatif que les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas, contrairement à ce que leur nom pourrait laisser entendre, une force subsidiaire, qui viendrait en aide aux professionnels pour effectuer des tâches subalternes ou pour les assister uniquement lors d’événements majeurs.

Au contraire, le code de la sécurité intérieure précise bien que les sapeurs-pompiers volontaires, qui constituent 80 % des forces françaises de sécurité civile, exercent les mêmes activités que les professionnels. Ils sont soumis aux mêmes exigences, aux mêmes devoirs et aux mêmes contraintes en termes d’exposition.

Ils assurent des astreintes, des gardes postées et, bien évidemment, des interventions pour lesquelles ils perçoivent non pas un salaire, mais une modique indemnité horaire.

À ce titre, leur mobilisation est essentielle au bon fonctionnement de nos services départementaux d’incendie et de secours, dont ils assurent 67 % des interventions.

Cette force complémentaire apparaît d’autant plus essentielle que la charge indemnitaire des sapeurs-pompiers volontaires ne représente que 20 % du budget des Sdis, lequel est majoritairement pris en charge, vous le savez, par les départements et, dans une moindre mesure, par les communes et les intercommunalités.

Autre réussite, notre modèle de volontariat apporte une certaine souplesse d’organisation aux Sdis : d’une part, les volontaires sont employés à l’échelle du département, ce qui a permis la mise en place d’équipes mobiles ; de l’autre, les Sdis peuvent recourir, pour faire face à des périodes d’accroissement temporaire des risques, à un engagement saisonnier.

En définitive, il nous a semblé excessif de considérer, comme le fait l’auteur du texte dans son exposé des motifs, que nos Sdis font face à un « défaut d’opérationnalité » qui trouverait sa source dans un dysfonctionnement du volontariat.

Bien sûr, cela ne doit pas nous conduire pour autant à ignorer les difficultés que le volontariat rencontre : mode de financement à bout de souffle, manque de disponibilité des volontaires en semaine et en journée ou encore menace que font peser les évolutions de la jurisprudence européenne.

En effet, si la jurisprudence issue de l’arrêt du 21 février 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 février 2018, dite Matzak, qui assimile les astreintes à du temps de travail salarié, était appliquée en France, les Sdis devraient embaucher, selon les calculs de l’inspection générale de l’administration (IGA), pas moins de 22 000 sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires, pour un coût supérieur à 1,1 milliard d’euros, soit 20 % de leur budget annuel. Vous voyez bien que cela est impossible.

La nécessité d’agir pour adapter notre modèle de sécurité civile aux défis de notre temps fait donc consensus. Sans surprise, la façon de l’adapter est en revanche nettement moins consensuelle.

Dans la multitude des propositions qui émergent actuellement, une boussole peut guider nos travaux : l’attachement du Sénat à « la préservation du volontariat de sapeur-pompier », exprimé le 26 juillet 2024 au travers de la résolution européenne n° 147 visant à reconnaître la spécificité de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile.

J’y suis d’autant plus sensible et attaché que j’ai vécu de près cet engagement des sapeurs-pompiers volontaires comme président du Sdis des Hautes-Alpes pendant de nombreuses années.

Je formule donc le vœu, monsieur le ministre, que cette position soit aussi celle qui ressortira des travaux du Beauvau de la sécurité civile. Vous savez à quel point les acteurs de la sécurité civile de tous ordres, mais aussi les élus locaux et nationaux, en attendent beaucoup. Nous espérons d’ailleurs prendre connaissance de ses préconisations et recommandations dans les prochaines semaines.

J’en viens à présent à l’objet de notre rencontre de ce soir et au dispositif proposé par Grégory Blanc. J’ai bien entendu notre collègue, qui souhaitait au départ créer, pour une période expérimentale de deux ans, des « groupes de vacataires opérationnels de sécurité civile » au sein des services départementaux d’incendie et de secours, dans un premier temps à l’échelle nationale, puis de manière expérimentale, dans cinq départements « particulièrement vulnérables ».

Ces groupes de vacataires auraient été inspirés, au moins dans l’esprit, des réserves opérationnelles dont dispose l’armée. Leur objectif est toutefois apparu confus.

En effet, le texte disposait que ces groupes avaient à la fois vocation à « répondre à des situations d’urgence opérationnelle » et à être mobilisés de manière programmée pour assurer des gardes postées dont le champ de mission aurait été « laissé à la libre appréciation » du Sdis, ce qui à la fois est satisfait par la pratique du volontariat et ne correspond pas à la même temporalité que l’urgence précitée.

Les sapeurs-pompiers volontaires souhaitant, en sus de leur activité de volontaire classique, devenir vacataires opérationnels, auraient alors pu s’engager pour une période maximale de soixante jours.

Selon ma compréhension du texte, il s’agissait donc de créer un statut intermédiaire entre le sapeur-pompier professionnel et le sapeur-pompier volontaire. Le dispositif proposé ne se serait pas substitué à ces deux statuts, mais aurait théoriquement permis aux volontaires déjà sous contrat d’intensifier leur engagement.

Le régime indemnitaire de ces vacataires n’était cependant pas précisé dans le texte. Le terme de vacataire s’appliquant d’ailleurs davantage à un professionnel qu’à un volontaire, l’indemnité horaire de ce dernier aurait été sûrement plus élevée que celle d’un sapeur-pompier volontaire classique.

À cet égard, l’Association nationale des directeurs et directeurs adjoints des services d’incendie et de secours (Andsis) a estimé que le coût annuel de chacun de ces vacataires pour les Sdis aurait atteint 10 000 euros à 20 000 euros.

Malgré les bonnes intentions de l’auteur, sur lesquelles je n’ai aucun doute, la commission a estimé que ce texte était au mieux prématuré, au pire inopportun. Il a été en tout cas dénaturé par les discussions initiales et par l’accord qui avait été donné par un certain nombre de fédérations nationales représentatives de pompiers. Je tiens à rappeler cette vérité, qui ne doit pas être contestée.

En outre, la création, même expérimentale, de ces groupes de vacataires opérationnels ne nous est pas apparue pertinente dans la mesure où elle n’aurait apporté, par rapport aux pratiques actuelles du volontariat, aucune plus-value opérationnelle aux Sdis.

L’expérimentation envisagée ne nous a pas semblé non plus judicieuse dans la mesure où le choix des termes « vacataires opérationnels » laisse entendre un glissement vers une semi-professionnalisation du volontariat, une évolution que nous sommes nombreux, me semble-t-il, ici et ailleurs, à ne pas soutenir à ce stade.

Outre son coût très élevé pour les Sdis, et donc pour les départements et pour le bloc communal, cette expérimentation est d’autant moins souhaitable qu’elle semble manifestement contraire à la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui a justifié la jurisprudence Matzak.

Nous avons par ailleurs tenu compte de la ferme opposition, particulièrement exprimée lors des auditions, des principales associations ou fédérations des acteurs de la sécurité civile. Ces dernières ont souligné le risque réel de dénaturation du volontariat et l’illisibilité créée par la cohabitation de trois statuts. Nous sommes donc loin, hélas, du consensus qui vient d’être évoqué.

Par ailleurs, l’expérimentation proposée ne répondait pas à la principale difficulté du volontariat, à savoir le manque de disponibilité des volontaires en semaine. Inciter ces derniers à effectuer plus de gardes postées en devenant semi-professionnels ne résoudrait en rien ces difficultés, sauf à demander aux volontaires d’effectuer un temps partiel explicite.

Enfin, ce texte présentait un risque de déstabilisation du volontariat d’autant moins propice que sont attendues d’ici peu les conclusions du Beauvau de la sécurité civile. Monsieur le ministre nous en dira peut-être davantage à ce sujet dans son intervention.

C’est pourquoi, avec l’accord de l’auteur du texte et dans l’esprit d’un espace transpartisan que, pour ma part, j’estime intéressant, nous avons tenté de trouver une voie de passage.

Nous avons ainsi proposé un amendement visant à supprimer cette expérimentation et à lui substituer un nouveau dispositif. J’avais souhaité que ce dernier soit davantage consensuel et opérationnel ; nous verrons ce qu’il en est à l’issue de ces débats.

Nous avons préféré développer l’engagement saisonnier des sapeurs-pompiers volontaires qui s’investissent sur de courtes périodes pour répondre à des besoins opérationnels ponctuels, en donnant plus de visibilité et en conférant une base législative à cet engagement, qui est actuellement régi en détail par des dispositions réglementaires. Dans nombre de nos départements, nous bénéficions de cet engagement, notamment pour la surveillance des plages.

Dans le même souci de lisibilité du droit applicable aux sapeurs-pompiers, nous avons en parallèle abrogé des dispositions transitoires du code général des collectivités territoriales devenues inutiles, trente ans après la départementalisation des services d’incendie et de secours.

Nous avons ainsi mis en œuvre, grosso modo, certains des dispositifs adoptés par le Sénat le 25 janvier 2024 dans le cadre de la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, dite Balai 3.

En tant que rapporteur, la méthode de travail que nous avons suivie ne me satisfait pas pleinement. J’accepte néanmoins cette situation, comme chacune et chacun d’entre nous.

Chacun votera en son âme et conscience sur ce texte transpartisan. C’est en tout cas l’esprit dans lequel il a été travaillé. Les modifications que nous avons apportées permettent, de mon point de vue, de faire émerger un compromis et, peut-être, le sens des responsabilités de notre assemblée.

Je salue le travail de la présidente de la commission, qui m’a soutenu dans mon travail de convergence, si bien que la commission des lois a finalement adopté le texte ainsi modifié. J’espère que le Sénat fera de même. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Grégory Blanc et Hussein Bourgi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en montant à cette tribune pour aborder le sujet relatif aux sapeurs-pompiers, j’ai une pensée pour le brigadier-chef Niccolo Scardi. Au moment où je vous parle, il continue de lutter pour sa vie.

J’ai aussi une pensée pour les deux sapeurs-pompiers qui, à Saint-Cergues, à quelques kilomètres de là, ont également été agressés.

J’aimerais tout d’abord remercier tous ceux qui, dans chacun des groupes qui composent cette assemblée, ont choisi d’endosser ou de soutenir la proposition de loi défendue par le sénateur Grégory Blanc.

Une fois de plus, vous apportez la preuve que la sécurité civile est et demeure un sujet transpartisan. Sur les travées de cet hémicycle, je retrouve ce même dépassement des clivages que j’ai pu observer à chacune des étapes du Beauvau de la sécurité civile, que le ministre d’État et moi-même avons relancé au lendemain de mon arrivée au ministère de l’intérieur.

Plus que jamais, ce dépassement est important, car rarement notre modèle de sécurité civile aura eu autant besoin d’être consolidé.

Chacun le sait ici, et plus encore ceux qui s’intéressent particulièrement à ce sujet, la dernière loi de modernisation de la sécurité civile date de 2004. Or, en vingt ans, le paysage de la sécurité civile a profondément changé.

Premièrement, les risques climatiques se sont multipliés dans notre pays. En témoignent notamment les inondations de janvier dernier dans les villes d’Ille-et-Vilaine ou encore les cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion.

Deuxièmement, les missions ont évolué. La lutte contre les incendies représente à peine 6 % de l’activité de nos Sdis, contre 85 % désormais pour les secours et les soins d’urgence aux personnes. Force est de constater que cette dynamique ne fera que se poursuivre : la population étant à la fois croissante et vieillissante, les secours aux personnes continueront mécaniquement d’augmenter.

Troisièmement, la pression opérationnelle s’est accentuée : en dix ans, le nombre d’interventions quotidiennes a augmenté de 17 %, portant le nombre d’interventions annuelles à 4,9 millions, un chiffre extraordinaire.

Quatrièmement, enfin, la réglementation s’est transformée. La directive européenne de 2003 sur le temps de travail et l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne, en 2018, apparaissent – disons-le – comme une véritable menace pour un modèle qui repose essentiellement sur le volontariat. Je rappelle que le corps des sapeurs-pompiers est constitué de 42 000 professionnels et de 200 000 volontaires.

Oui, le volontariat est au cœur même de notre modèle. Si ce dernier agrège des hommes et des femmes provenant d’horizons très différents, ce sont bien les sapeurs-pompiers volontaires qui en constituent la colonne vertébrale.

Au 1er janvier 2024, plus de 78 % des 255 000 sapeurs-pompiers et marins-pompiers – n’oublions pas ces derniers – étaient des volontaires. Ils assurent plus des deux tiers de l’engagement opérationnel des sapeurs-pompiers et permettent que les secours soient distribués sur l’ensemble du territoire, dans la vie de tous les jours ou lors des événements exceptionnels.

Il n’est donc pas exagéré de dire, sans vouloir faire la moindre différence, bien évidemment, avec les sapeurs-pompiers professionnels, que ce sont les volontaires qui assurent la part la plus importante de la charge opérationnelle du secours aux personnes.

Notre système de sécurité civile fait figure de modèle en Europe. Il doit demain être réformé pour conserver son excellence.

Réformer notre modèle, c’est avant tout consolider l’engagement des sapeurs-pompiers et susciter de nouvelles vocations.

C’est l’ambition que nous nous sommes fixée en relançant le Beauvau de la sécurité civile. Durant la phase de concertation, dans le grand amphithéâtre de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers d’Aix-en-Provence (Ensosp), j’ai redit ma détermination et celle du Gouvernement à répondre aux attentes exprimées par nos personnels, au premier rang desquels nos volontaires. Nous partageons tous cette même résolution.

Pas plus tard que lundi dernier, à Montpellier – nous l’évoquions tout à l’heure lors des questions au Gouvernement –, nous avons pu constater la présence importante de nos volontaires ainsi que, j’y insiste, le rôle et l’excellence de la formation.

Pour répondre à cette ambition réformatrice, nous devrons nous appesantir sur la question du champ « missionnel », sur le financement des Sdis – il s’agit probablement du point le plus difficile à trancher – et sur les moyens de valoriser les mérites de nos sapeurs-pompiers volontaires.

Nous devrons aussi nous intéresser au statut juridique particulier de ces derniers ainsi qu’aux obligations propres qui leur sont associées et déterminer les conditions de leur évolution.

À cette fin, nous pouvons nous appuyer sur les conclusions de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale de la sécurité civile, qui ont été saisies, en mars 2023, d’une mission d’évaluation des pratiques et des modalités de management des sapeurs-pompiers volontaires.

Nous avons d’ailleurs déjà intégré certaines de leurs préconisations pour mieux encadrer, dans les Sdis, les modèles d’organisation les plus à risques, comme le recours excessif aux gardes postées.

Sur ce dernier sujet, qui est au cœur de la présente proposition de loi, nous avons demandé à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) d’entamer des travaux juridiques pour prévenir le risque de voir l’engagement du sapeur-pompier volontaire requalifié juridiquement en contrat de travail. La problématique de droit est ainsi posée, et clairement posée.

M. Grégory Blanc. Très bien !

M. François-Noël Buffet, ministre. Bien que cette proposition de loi poursuive un objectif analogue, le Gouvernement estime qu’elle ne résout pas totalement cette difficulté, du moins dans sa rédaction actuelle.

Malgré des échanges de grande qualité entre le Gouvernement et la commission, notamment sur la question de la réserve opérationnelle ou des vacataires opérationnels, et malgré les modifications qui y ont été apportées, ce texte ne peut en l’état être soutenu par le Gouvernement.

De notre point de vue, la rédaction proposée ne répond pas totalement aux enjeux de sécurisation juridique de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires ni à ceux, tout aussi importants d’ailleurs, de leur fidélisation.

Telle est la position du Gouvernement, mais c’est aussi et surtout celle de la grande majorité des acteurs de la sécurité civile, notamment de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

Cette proposition de loi, vous en conviendrez, monsieur le rapporteur, n’apporte pas la plus-value espérée au cadre juridique de l’engagement du sapeur-pompier volontaire. Contrairement à son ambition, elle ne clarifie pas davantage les missions qu’ils exercent. Nous craignons même qu’elle ne fragilise ce cadre.

L’engagement des sapeurs-pompiers volontaires est indispensable à notre société. Il doit donc pouvoir prendre des formes multiples – disponibilité, astreinte, garde postée –, qui soient toutes adaptées aux besoins du terrain et à la protection de nos concitoyens.

Nous avons donc la responsabilité collective de consolider cet engagement et, bien évidemment, de ne pas l’affaiblir. Pour cela, le sujet doit être abordé non pas sous l’angle d’une seule de ses caractéristiques, mais dans sa globalité. C’est ce à quoi nous nous attachons dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.

Vous m’avez interrogé tout à l’heure, monsieur le rapporteur, sur l’état d’avancement de cette consultation. Nous en avons quasiment terminé avec le processus d’élaboration d’un projet de loi pour la sécurité civile. Pour ne rien vous cacher, nous recevrons ce vendredi une dernière fois la fédération des sapeurs-pompiers. Nous procédons aux derniers ajustements et l’aspect financier est en cours d’expertise.

Notre objectif est d’établir avant la fin du mois de juin prochain un texte qui pourra sans doute être débattu devant le Parlement à l’automne.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement, qui ne veut pas être désagréable envers l’auteur de ce texte, pas plus qu’envers le rapporteur et l’ensemble des parlementaires ayant travaillé sur ce sujet, est plutôt défavorable à l’adoption de cette proposition de loi, même si, par courtoisie, il pourrait émettre un avis de sagesse. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m’associer aux propos précédents et d’avoir une pensée pour le sergent-chef Niccolo Scardi, sapeur-pompier volontaire au centre d’incendie et de secours d’Évian-les-Bains, violemment percuté par un barbare de la route.

Après de nombreuses modifications, nous examinons aujourd’hui, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à expérimenter la création d’un groupe de vacataires opérationnels au sein des services départementaux d’incendie et de secours et à encourager le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile.

Si l’objectif est louable, la tâche est difficile. Le cheminement de cette proposition de loi en est le parfait exemple : malgré la volonté assurément sincère de son auteur de défendre le volontariat, l’adoption du texte initial aurait abouti à la création d’un troisième corps de sapeurs-pompiers – en plus des volontaires et des professionnels – encadrant trop strictement le droit des sapeurs-pompiers volontaires de prendre des gardes postées dans les centres d’incendie et de secours. Loin d’être amélioré, notre modèle de sécurité civile en eût été fortement dégradé.

Notre modèle de sécurité civile est l’un des meilleurs d’Europe et les 240 000 hommes et femmes sapeurs-pompiers, dont 80 % de volontaires, en sont le pilier essentiel.

Malgré cela, la réalité est tenace : difficultés de recrutement et de fidélisation des sapeurs-pompiers volontaires, manque de budget dans les Sdis pour recruter des professionnels, précarité de certains centres d’incendie et de secours, fermeture temporaire de casernes, faute d’effectifs, et augmentation constante des interventions depuis des années, comme cela a été rappelé.

Les causes profondes de ces difficultés sont connues : désindustrialisation de nos territoires, éloignement des lieux de travail, mobilité accrue, poids administratif croissant et reconnaissance insuffisante des sapeurs-pompiers volontaires. À cet égard, monsieur le ministre, ces derniers attendent toujours le décret relatif à la bonification de leurs trimestres de retraite qui leur avait été promis…

Prétendant contrer la directive européenne sur le temps de travail, ce texte ouvrait en réalité une brèche supplémentaire dans l’argumentaire européen, qui tend déjà à assimiler les pompiers volontaires à des travailleurs.

Bien que le Gouvernement se soit déjà prononcé contre l’application de cette directive, restons vigilants quant aux attaques de la Commission européenne tendant à fragiliser notre modèle de sécurité civile. Aujourd’hui, les sapeurs-pompiers volontaires ; demain, les bénévoles des associations agréées de sécurité civile. Et ensuite ?

Je salue le travail de la commission des lois, qui a modifié ce texte en profondeur pour finalement acter juridiquement le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires comme saisonniers pour une durée maximum de quatre mois.

La saison des feux de forêt, la surveillance des plages ou encore les catastrophes naturelles sont autant d’occasions de projeter des sapeurs-pompiers volontaires sous contrat saisonnier.

Je suis d’autant plus sensible à ce sujet de la sécurité civile que j’ai moi-même été sapeur-pompier volontaire.

Monsieur le ministre, les sapeurs-pompiers volontaires de France comptent sur nous. Leurs revendications sont multiples et nous espérons que de nombreuses mesures découleront du Beauvau de la sécurité civile.

(Mme Sylvie Vermeillet remplace M. Loïc Hervé au fauteuil de la présidence.)