M. Franck Dhersin, rapporteur. C'est dit !
M. Pierre Médevielle. Dans le cadre de ce projet, des mesures compensatoires ont été prévues, des millions d'euros ont été investis dans la préservation de l'environnement, et des expertises de terrain ont été menées.
Cette infrastructure autoroutière, ce sont également 300 millions d'euros de dépenses déjà engagées, des travaux quasiment terminés et des emplois futurs ; elle est par ailleurs synonyme de dynamisme et de désenclavement d'un territoire. L'arrêt du chantier induit des coûts économiques, sociaux et environnementaux considérables.
En l'état, 200 000 euros ont été nécessaires pour sécuriser le site ; 1 000 emplois sont à l'arrêt ; il faut indemniser les concessionnaires, pour un coût journalier de 200 000 euros. Cela tombe bien : nous en avons les moyens !
Que dire aux habitants, aux entreprises et aux collectivités qui ont investi ? C'est toute la crédibilité de l'État qui est en jeu !
La présente proposition de loi adresse un message fort à un territoire qui attend ce projet depuis des années. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'indépendance de la justice ; la séparation des pouvoirs est garantie par le respect des décisions de justice, qui bénéficient de l'autorité absolue de la chose jugée. Ce n'est pas l'objet de ce texte.
Une autre question se pose : qui doit décider en matière de développement économique, touristique et social d'un territoire ? Des juges complètement hors sol (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)…
M. Ronan Dantec. C'est cela !
M. Pierre Médevielle. … ou des élus responsables, connaissant parfaitement les besoins de leur bassin de vie ?
Le bassin économique de Castres-Mazamet s'est construit grâce à des pionniers très attachés à leur terroir, qui ont surmonté les handicaps de l'enclavement. Aujourd'hui, nous savons que, sans infrastructures de transports jouant le rôle de catalyseur, ces bassins de vie sont voués à disparaître.
Qu'il me soit permis, à cet instant, d'avoir une pensée pour Pierre Fabre, pionnier de l'industrie pharmaceutique, qui a tant fait pour ce département et qui aurait aimé voir cette autoroute.
M. Philippe Folliot. Très bien !
M. Pierre Médevielle. Nous refusons d'entendre que ce projet ne serait soudainement plus adapté aux attentes actuelles, sous prétexte qu'il repose sur des bilans socioéconomiques réalisés il y a quelques années. Le Conseil d'État a d'ailleurs reconnu son utilité publique en 2021, en se fondant sur les mêmes bilans.
Le seul élément que nous pouvons entendre est la nécessité de faire évoluer le cadre juridique pour l'avenir, sans quoi les mêmes causes produiront les mêmes effets.
M. Philippe Folliot. Malheureusement !
M. Pierre Médevielle. Si le rôle du juge est de vérifier que l'action de l'administration répond bien à une raison impérative d'intérêt public majeur, nous pouvons, de notre côté, nous interroger sur le déroulement global du processus : et si la déclaration d'utilité publique (DUP) valait autorisation environnementale ?
Cela permettrait d'éviter un certain nombre d'écueils, à commencer par le décalage temporel entre les études, la DUP et la réalisation effective du projet, mais aussi la multiplicité des recours qui s'acharnent à retarder des projets majeurs.
Si la DUP valait autorisation environnementale, nous pourrions aller plus vite et, surtout, sécuriser nos projets. Lorsqu'une décision est prise, qu'elle suive son cours ! Ne prenons pas les territoires en otage !
Il nous faut impérativement revenir à une position cohérente. Ce projet transpartisan, comme l'a rappelé Philippe Folliot, est un projet de territoire défendu par les habitants, les entreprises et les élus, qui le considèrent comme vital. Respectons la volonté profonde de tous les acteurs.
Les mots me manquent face à tant d'absurdités. Cessons d'être hors sol et déconnectés des réalités locales.
M. le président. Il faut conclure.
M. Pierre Médevielle. Ce revers n'est pas une fatalité. Votons cette proposition de loi pour montrer que nous avons retrouvé la raison. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.) Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le tout net : cette proposition de loi revêt un caractère crucial pour l'avenir de notre territoire et pour l'équilibre de l'aménagement régional.
Rappelons ici que la question du désenclavement du sud du Tarn est très ancienne ; déclarée d'utilité publique par décret en 2018, cette liaison autoroutière est en fait en gestation depuis plusieurs dizaines d'années. Elle doit offrir aux habitants et aux entreprises une infrastructure moderne, sûre et efficace, constituant un axe essentiel pour le développement économique de cette partie du Sud-Ouest.
Malheureusement, le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés préfectoraux des 1er et 2 mars 2023 relatifs à cette liaison autoroutière, et, donc, l'autorisation environnementale – qualifiée d'illégale – de déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées aux noms aussi émouvants qu'évocateurs : le trèfle écailleux, la mousse-fleurie, également dénommée crassule mousse, plante charnue aux délicats reflets carmin, la nigelle de France, aux reflets bleus et à la tige cannelée, ou encore la fritillaire pintade, à ne pas confondre avec la fritillaire impériale, dont le bulbe frêle est globuleux… (Sourires.)
Et ce, malgré l'engagement des aménageurs à respecter et à déplacer en des terres favorables toutes ces espèces végétales.
Il y a de quoi s'interroger au regard du long et lourd contexte juridique dans lequel cette décision a été prise.
Rappelons que ce jugement fait suite à une déclaration d'utilité publique du projet autoroutier A69 en 2017 et en 2018, que les recours contre cette DUP ont été rejetés par le Conseil d'État le 5 mars 2021 ; s'en sont suivies plusieurs ordonnances de référé prises par le juge du tribunal administratif de Toulouse, rejetant la suspension des travaux en cours.
Au bout de quatre ans de processus, alors que 60 % du chantier a déjà été réalisé, qu'au surplus 300 millions d'euros de financement public et privé ont été investis et que les entreprises et leurs personnels sont mobilisés, ce jugement de première instance gèle de manière ubuesque le chantier et risque d'en compromettre l'achèvement.
Heureusement, monsieur le ministre, l'État a légitimement fait appel de cette décision, et nous espérons qu'un sursis à exécution sera prononcé par la juridiction administrative le 21 mai prochain.
Oui, le cas de l'A69 doit amener le législateur à faire évoluer la loi pour mieux concilier à l'avenir les impératifs incontournables de sécurité juridique et de protection de l'environnement.
Pour l'heure, le chantier de l'A69 est à l'arrêt, comme les milliers de personnes qui y travaillent. Abandonner cette réalisation dans sa phase finale n'est pas envisageable.
Le Sénat entend aujourd'hui prendre ses responsabilités et sécuriser ce projet. Face à ce blocage juridique, la présente proposition de loi prévoit de valider rétroactivement les deux autorisations environnementales délivrées par les représentants de l'État. Je félicite le rapporteur pour son travail sur ce texte, fruit d'un effort collectif et d'un large engagement.
Certains évoquent l'existence de solutions alternatives ou la nécessité de moderniser les infrastructures existantes, bien que les études et les concertations menées depuis plus de vingt ans ont prouvé le contraire.
Je ne minore pas les inquiétudes exprimées, notamment sur le plan environnemental. Ce projet a déjà fait l'objet de nombreuses études d'impact, de consultations et de mesures compensatoires, comme en témoignent les autorisations environnementales délivrées en 2023. Notre responsabilité collective est d'intégrer aujourd'hui la transition et le souci écologiques, sans sacrifier l'équilibre territorial.
Le texte apporte enfin une réponse à ceux qui tentent de faire échouer ce projet pour des raisons purement idéologiques. Ce sont toujours les mêmes associations, qui s'autoproclament écologistes et sont trop subventionnées par les collectivités publiques, qui sont à la manœuvre ; ce sont ces activistes et autres rebelles institutionnels, dont on entend régulièrement parler, comme ce fut le cas lors de la mise en place de « zones à défendre » (ZAD) sur les sites de Notre-Dame-des-Landes, de Sainte-Soline, de Sivens, ou encore sur le chantier en cours de la LGV entre Bordeaux et Toulouse.
Le chantier de l'A69 a même suscité – quel honneur ! – la venue d'une icône médiatique, Greta Thunberg (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.), réussite marketing à la figure pouponne de la lutte pour le climat, pur produit des adultes consentants et jamais assez repentants à son égard, comme le secrétaire général de l'ONU en son temps, ou certains chefs d'État, tous penauds et prompts à faire acte de contrition devant elle.
Que penser lorsque des adultes responsables, ministres et chefs d'État, s'inclinent et se couvrent la tête de cendre devant cette jeune adolescente, gourou médiatique qui fait la leçon à tout le monde ?
C'est un spectacle affligeant, pitoyable, que de voir le monde adulte, dont le devoir est de défendre la vérité et de faire preuve de courage, se prosterner devant la version la plus gnangnan (Rires sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) de la propagande et de l'infantilisme climatique.
Et quand les gogos ne sont pas suffisamment nombreux, c'est dans les prétoires que l'activisme se poursuit, par la multiplication des contentieux.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Absolument !
M. François Bonhomme. Et quand cela ne fonctionne pas, ces associations radicales légitiment l'action violente de militants extrémistes, au nom de ce qu'ils appellent la désobéissance civile, qui n'est que l'autre nom du mépris de la majorité silencieuse. Ils en viennent même à théoriser le déchaînement de la violence contre les forces de l'ordre.
En octobre 2023, nombre de ces défenseurs du vivant autodésignés, en bons militants pacifistes, allaient manifester leur désaccord contre l'A69 en se munissant de barres de fer, de disqueuses, de casques, de pioches, de masques à gaz, de bidons d'essence et de boules de pétanque : le parfait attirail du manifestant cool et pacifique ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Mes chers collègues, au-delà des clivages, nous entendons défendre ici une certaine idée de l'intérêt général, le droit au transport, la politique d'aménagement de nos territoires, notamment des territoires les plus excentrés des métropoles.
Aussi, je vous invite à voter en faveur de cette proposition de loi pour que la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse soit enfin reconnue pour ce qu'elle est : un projet d'avenir, porteur d'espoir et de progrès économique pour notre région.
Pour l'ensemble de ces raisons, notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d'emblée, le groupe RDPI est favorable à cette proposition de loi déposée par nos collègues du Tarn, Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau, texte qui a également recueilli le soutien des députés tarnais Philippe Bonnecarrère et Jean Terlier. (M. Philippe Folliot et Mme Marie-Lise Housseau applaudissent.)
La présente proposition de loi revêt en effet une importance stratégique pour ce territoire.
Lorsque le chantier de l'A69 a été brusquement interrompu il y a quelques semaines, la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, a rappelé avec clarté et responsabilité ce que beaucoup d'élus, d'habitants et d'entreprises de terrain savent depuis longtemps : cette autoroute est nécessaire. Elle a affirmé sa volonté de défendre l'intérêt général, qui ne saurait être réduit à des oppositions ponctuelles ou idéologiques.
M. Philippe Folliot. Très bien !
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Elle a ainsi déclaré : « Je continuerai d'être aux côtés des habitants et des entreprises du sud du Tarn qui ont besoin de cette liaison rapide, qui la soutiennent très largement, car elle est nécessaire au désenclavement du bassin de Castres-Mazamet. » La présidente Delga a raison, le désenclavement de ce territoire répond à une exigence d'équité territoriale et de dynamisme économique.
Ce lundi, nous évoquions ici même l'enjeu du désenclavement médical, notamment dans les zones rurales. Aujourd'hui, c'est la question de la mobilité, indissociable de l'accès aux soins, à l'emploi et aux services, que nous abordons. Elle est tout aussi essentielle.
Le soutien à ce projet est aussi celui de l'État, un soutien constant et transpartisan. Dès 2014, sous la présidence de François Hollande, l'État a déclaré l'utilité publique de ce projet autoroutier, qui concerne un linéaire de 53 kilomètres sur les 12 000 kilomètres du réseau national, destiné à relier Castres à Verfeil, au nord-est de Toulouse, où la future autoroute se connectera au périphérique via l'A680. Cette décision a permis d'engager les procédures administratives, techniques et foncières nécessaires au lancement du chantier.
Depuis lors, les gouvernements successifs n'ont cessé de confirmer leur engagement en faveur de cette infrastructure, qui a bénéficié de toutes les validations nécessaires. Cette position est partagée par les élus du Tarn, mais également par ceux de la Haute-Garonne, qui mesurent pleinement l'enjeu régional du projet. Aujourd'hui, le Sénat pourrait à son tour exprimer un soutien clair.
Pourtant, le 27 février 2025, le tribunal administratif de Toulouse a décidé l'annulation de l'autorisation environnementale de l'A69 et de l'A680. Ce jugement a eu pour effet l'arrêt immédiat du chantier, provoquant l'incompréhension d'une majorité d'acteurs locaux et économiques.
Monsieur le ministre, vous avez pris vos responsabilités.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Vous avez fait appel de cette décision devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et vous avez demandé la suspension de son exécution afin de permettre une reprise rapide des travaux. L'examen de cette demande interviendra d'ailleurs dans les prochaines semaines.
Pour autant, le temps presse : chaque mois de retard est un mois de désenclavement reporté, un mois de croissance ralentie pour les entreprises locales, un mois d'attente pour les usagers de la route.
Permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour mes compatriotes du Maroni, en Guyane, qui attendent depuis des décennies, avec espoir, la réalisation d'une route essentielle qui leur permettra enfin d'accéder plus aisément aux soins, à l'éducation et à une vie quotidienne digne et normale. J'en discuterai du reste avec vous très bientôt, monsieur le ministre, comme je l'ai déjà fait avec vos prédécesseurs.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Face à l'ancienneté du projet qui nous intéresse aujourd'hui, lancé il y a plus de vingt-cinq ans, soutenu par les majorités successives, mais ayant pâti de retards cumulés, ce texte vise à valider directement, par la loi, les arrêtés préfectoraux portant autorisation environnementale de la liaison autoroutière.
Il est notamment proposé de reconnaître la raison impérative d'intérêt public majeur, nécessaire à la réalisation de ces infrastructures. C'est ce que soutiendra notre groupe, j'y insiste.
La situation actuelle est incompréhensible pour nos concitoyens, qui ne peuvent concevoir qu'un projet soutenu de longue date puisse être remis en cause du jour au lendemain. Nous devons en tirer des leçons pour l'avenir en assurant plus de stabilité, de lisibilité et de sécurité juridique aux grands projets d'infrastructure publique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le chantier de l'autoroute A69 reliant Toulouse à Castres est à l'arrêt, à la suite d'une décision de justice. Je tiens d'emblée à rappeler notre attachement à l'État de droit, garant de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice.
M. Ronan Dantec. Très bien !
M. Christian Bilhac. Néanmoins, nous sommes confrontés à une situation qu'il convient de débloquer, car la suspension du chantier coûte chaque jour 180 000 euros à l'État. Si, dans la suite logique de cette suspension, devait être décidée la démolition des ouvrages déjà réalisés à 80 %, le coût pour l'État, c'est-à-dire pour le contribuable, serait bien supérieur à un milliard d'euros. Quel gâchis quand on connaît l'état de nos finances publiques !
M. Pierre Jean Rochette. Parfaitement !
M. Christian Bilhac. D'un côté, cette décision de justice s'appuie sur des conclusions fort négatives et sur une enquête publique qui ne l'est pas moins, puisqu'elle assure que la preuve qu'aucune alternative routière n'était meilleure n'a pas été apportée ; de l'autre, ce projet est soutenu par la quasi-totalité des élus locaux : les parlementaires, la présidente de région, les conseillers départementaux, les maires, etc.
M. Ronan Dantec. Non, pas tous les maires !
M. Christian Bilhac. Dans un tel contexte, il paraît judicieux de favoriser l'aboutissement de ce chantier.
À l'avenir, il conviendra de garantir le droit des citoyens d'intenter un recours en justice, car il s'agit d'un droit fondamental dans notre République, mais il faudra aussi raccourcir les délais des procédures.
Dans un monde en perpétuel mouvement, il est inexplicable qu'il faille attendre trente ans pour mener à bien l'élargissement d'une route nationale en une deux fois deux voies. Rendez-vous compte : la décision d'en faire une autoroute a été prise il y a quinze ans ! Il est inconcevable de continuer ainsi, alors que la Chine réalise ce type d'infrastructures en un mois. Je ne souhaite certes pas que nous adoptions le même fonctionnement que les Chinois, mais il me semble qu'il est possible de trouver un juste milieu entre les deux.
La logique veut que nous terminions ce chantier, car l'impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui engendre un gaspillage d'argent public qui doit cesser, et ce malgré l'erreur qu'a commise l'État d'autoriser le lancement des travaux avant que tous les recours soient purgés.
Le pragmatisme doit en tout cas nous conduire à faire évoluer la loi pour mieux concilier l'impératif de sécurité juridique et les réalités du terrain.
Prenons le cas de l'Hérault. Il y a quelques jours, nous débattions ici du mix énergétique : dans mon département, la moitié de la production éolienne est bloquée à la suite de recours des défenseurs des oiseaux – la moitié !
Autre exemple, le contournement nord de Montpellier, projet lancé également il y a plus de trente ans, ne s'achèvera que dans les deux ou trois ans à venir à cause des dizaines et des dizaines de recours qui ont été intentés ! Et je ne parle même pas du contournement ouest de Montpellier, absolument indispensable, qui est lui aussi suspendu à de possibles recours.
Il y a peu, nous avons aussi débattu du fret ferroviaire, du ferroutage, et tout le monde ici s'est accordé à dire qu'il s'agissait d'une bonne idée.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Exactement !
M. Christian Bilhac. Je suis héraultais, je vois passer des milliers de camions sur l'autoroute A9. Alors, permettez-moi de poser cette question : si l'on décide de mettre en place la liaison ferroviaire entre l'Espagne et Paris, ou le nord-est de la France, combien de temps cela prendra-t-il ? Cinquante ans ? Parce qu'entre la libellule que l'on trouvera à un endroit, le lézard un peu plus loin et la chauve-souris encore ailleurs (Sourires.), le ferroutage ne sera pas mis en œuvre avant au moins trente ans, alors que ce mode de transport est indispensable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et protéger l'environnement.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. C'est le bon sens même !
M. Christian Bilhac. Ceci étant dit, le groupe du RDSE votera majoritairement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Laurent Somon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Laurent Somon applaudit également.)
Mme Marie-Lise Housseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a presque trois mois, le 27 février 2025, la décision du tribunal administratif de Toulouse, qui a annulé les autorisations environnementales de l'A69 à dix mois de la mise en service de cette autoroute, qui devait relier Castres à Toulouse, a provoqué un véritable séisme, une onde de choc dans le Tarn et la Haute-Garonne, et, plus largement, dans la France entière.
Car chaque département peut être concerné par un projet d'infrastructure routière, ferroviaire, ou par un équipement plus modeste conçu dans l'intérêt public, et se retrouver sous le coup d'une annulation.
Au-delà du cas particulier de l'A69, au-delà, donc, de la situation inédite à laquelle nous devons faire face aujourd'hui, il me semble que le législateur devra sans tarder se pencher sur l'indispensable conciliation entre protection de l'environnement et sécurisation juridique des grands projets. Des pistes existent, et notre collègue Franck Dhersin n'a pas manqué de les évoquer dans son rapport.
Le texte que nous examinons aujourd'hui ne concerne que l'A69, un projet vieux de trente ans qui a donné lieu à un débat public en 2009-2010, qui a été reconnu d'intérêt public majeur par la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), une reconnaissance confirmée par le Conseil d'État en 2021.
Ce projet n'est pas un caprice : il répond à un réel besoin de désenclavement, de développement économique et de sécurité routière.
M. Philippe Folliot. Tout à fait !
Mme Marie-Lise Housseau. Il est par ailleurs voulu et soutenu par une large majorité de citoyens, d'acteurs économiques et sociaux, de collectivités et d'élus de toutes tendances politiques, de la région Occitanie, présidée par la socialiste Carole Delga, à la communauté d'agglomération Castres-Mazamet et à la métropole de Toulouse, présidées par les divers droite Pascal Bugis et Jean-Luc Moudenc, en passant par le conseil départemental du Tarn, présidé par le socialiste Christophe Ramond, sans oublier de nombreux maires et parlementaires, dont les deux députés du Tarn, Philippe Bonnecarrère et Jean Terlier, qui défendront ce texte à l'Assemblée nationale. Citons également nos collègues de Haute-Garonne Alain Chatillon, Brigitte Micouleau et Pierre Médevielle.
M. Philippe Folliot. C'est vrai !
Mme Marie-Lise Housseau. De plus, le chantier de l'A69 a été préparé collectivement à travers l'élaboration d'un projet de territoire qui a réuni tous les maires riverains, le département et les services de l'État. J'y ai moi-même participé pendant deux ans en tant que maire de Sorèze, un bourg situé à sept kilomètres de l'un des échangeurs de l'autoroute.
Enfin, ce projet est trop avancé pour être arrêté : trop d'argent a été dépensé ; aucun retour à l'état antérieur n'est possible.
La présente proposition de loi vise à valider les arrêtés des préfets du Tarn et de la Haute-Garonne des 1er et 2 mars 2023 portant autorisation environnementale, comme l'a si justement détaillé le rapporteur dans le cadre ses travaux.
Elle remplit les cinq conditions imposées à un texte de validation : le respect des décisions ayant force de chose jugée, le respect du principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions, une portée de la validation strictement définie, la non-méconnaissance par l'acte validé de règles ou principes de valeur constitutionnelle, et l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général justifiant cette validation.
Si celui-ci est voté, ce texte redonnera espoir aux habitants, aux entreprises et aux élus du bassin de Castres-Mazamet, ancien bassin industriel, qui aspire aujourd'hui à une renaissance autour de nouvelles activités comme la chimie fine, l'agroalimentaire ou le tourisme.
Dans le cas contraire, les dommages seront irrémédiables, sur les plans tant économique que psychologique pour ce département qui se sent humilié, méprisé et nié dans ses choix de développement.
Pensez-vous que, pour attirer de nouvelles entreprises, de nouveaux investisseurs, de jeunes médecins et de nouveaux habitants, un bassin de vie gagne à être désenclavé ?
M. François Bonhomme. Et ce n'est pas le seul !
Mme Marie-Lise Housseau. Pensez-vous qu'une autoroute est moins accidentogène qu'une route nationale bordée de platanes qui traverse des villages ?
Pensez-vous que nous préserverions mieux l'environnement en mettant en œuvre les seize millions d'euros de compensation environnementale, plutôt qu'en abandonnant ce chantier à la friche, après plus de deux ans de travaux ?
Pensez-vous, au vu de l'état désastreux de nos finances publiques, que les sommes nécessaires à l'arrêt définitif de l'A69, probablement plusieurs milliards d'euros, ne pourraient être plus utilement dépensées ?
Enfin, ne pensez-vous pas qu'à l'heure où la défiance de la population à l'égard de nos institutions atteint des sommets, un tel fiasco achèverait de nous décrédibiliser ?
M. Ronan Dantec. Eh si !
Mme Marie-Lise Housseau. C'est parce qu'à toutes ces questions notre groupe Union Centriste répond sans hésitation par l'affirmative qu'il votera avec assurance et détermination pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, et RDSE. – M. Laurent Somon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous la situation de l'A69. Celle-ci constitue un cas d'école et le restera. Les élus s'en souviendront longtemps à ce titre.
Comment un projet validé par l'État, bénéficiaire d'une déclaration d'utilité publique, peut-il finalement se trouver à l'arrêt du fait de l'annulation d'autorisations environnementales qui, dans un premier temps, avaient été accordées ?
Sur le fond, nous aurions préféré, comme notre collègue Christian Bilhac, que la liaison Castres-Toulouse puisse se faire via l'amélioration de la ligne ferroviaire. Le développement de la voiture individuelle comme du transport routier de marchandises est en effet contraire à nos objectifs en matière de réduction d'émissions de CO2. C'est mon côté « développement durable » ! (Sourires.)
Nous comprenons toutefois l'enjeu de désenclavement et l'intérêt économique qu'il y a à réduire la durée du trajet entre Castres et Toulouse, et, partant, à faciliter la liaison entre ces deux communes.
La proposition de loi dont nous débattons ce matin ne vise pas le fond du projet, même si elle reconnaît l'intérêt public majeur de cet axe autoroutier. Et pour cause : les travaux sont aujourd'hui interrompus et les autorisations environnementales annulées, alors que 45 % des terrassements sont déjà réalisés, que 70 % des ouvrages d'art sont construits et que près de 300 millions d'euros ont déjà été engagés.
Une telle situation et la présente proposition de loi, qui vise à y remédier, montrent que nous avons de véritables difficultés à régler : il nous faut en effet soit changer la loi afin de préciser la définition de l'intérêt public majeur et d'adosser sa reconnaissance à la déclaration d'utilité publique, soit ne pas changer la loi et veiller à ce qu'aucun chantier ne démarre avant que tous les recours soient purgés. C'est d'ailleurs ce qui est demandé aux citoyens français lorsqu'ils déposent une demande de permis de construire, car cela permet d'éviter des démolitions et des coûts inutiles.
En ce qui concerne l'A69, on pourrait chercher à savoir à la demande de qui et par qui le démarrage des travaux a été autorisé, alors même que la totalité des recours n'étaient pas purgés.