M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, je saisis la perche que vous avez tendue : nous pourrions défendre conjointement une proposition de loi sur les outils de lutte contre la fraude, pour éviter de nous retrouver dans la même situation qu'à l'issue de l'examen du PLFSS 2025.

Il y a urgence, car ce travail doit être mené d'ici à l'examen du PLFSS 2026 ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Tout à fait !

harcèlement et sévices dans l'armée

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Ma question s'adresse à M. le ministre des armées.

« Le principe n'était pas de nous former, mais de nous bizuter, de nous humilier pour amuser les cadres. Ils ont décidé de me briser. » Monsieur le ministre, ces mots sont ceux de Clovis Tritto, un ancien militaire du 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa) de Castres. Ils reflètent une souffrance que l'on ne peut ignorer.

Il y a quelques jours, quatre ex-militaires ont déposé plainte pour des faits de harcèlement moral, de violences psychologiques et d'humiliations. Ils décrivent un climat de soumission où l'autorité se confondrait avec la brutalité et des bizutages qui n'épargneraient ni l'intégrité physique ni la dignité. Parmi les quarante-six recrues de cette section, seules seize ont poursuivi leur engagement.

Soyons clairs, il ne s'agit pas de généraliser, et encore moins de salir l'image de notre armée. Nos cadres, sous-officiers et officiers, servent avec honneur et exigence. Nos armées forment la jeunesse à l'endurance, à l'engagement et à la maîtrise de soi. Cette autorité-là est précieuse. Elle fait la force, la fierté, l'identité et l'attractivité de nos armées.

Toutefois, l'autorité n'autorise pas les sévices, et la tradition ne saurait excuser la maltraitance. Or les abus existent, de même que les drames. Nos miliaires ont eux aussi une santé mentale. Ils peuvent connaître des troubles psychiques, un mal-être, une dépression, a fortiori lorsqu'ils sont confrontés au harcèlement.

Je pense à Louis Tinard, dont j'ai eu le père au bout du fil. Ce jeune militaire s'est suicidé dans sa caserne en 2022. Sa mort a été reconnue comme un accident de service.

Monsieur le ministre, quelles dispositions comptez-vous mettre en place pour éviter ce genre de drames ? Comment garantir à nos jeunes volontaires un encadrement sûr, digne et conforme aux valeurs de notre République, mais aussi de nos armées ? Comment mieux détecter et accompagner les soldats qui souffrent en silence ? Quand l'engagement devient souffrance, nous ne pouvons rester dans l'indifférence. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d'abord de partager votre émotion et la tonalité de votre question. Au nom de l'institution militaire et du Gouvernement, je redis la colère que nous avons ressentie lorsque les faits que vous évoquez sont parus dans la presse.

Ma réponse peut paraître simple, mais la première des réponses est de faire preuve de rigueur et d'empathie et de respecter la parole des victimes, ce qui n'a malheureusement pas toujours été le cas par le passé. Il nous faut non seulement tenir compte de leur parole, mais aussi, comme vous appelez à le faire, accompagner les victimes avec l'ensemble des outils dont nous disposons, y compris dans le domaine psychologique ou médicosocial.

Nous l'avons certes fait dans le cadre de ce qui a été nommé, d'ailleurs à tort, le « #MeToo des armées », mais nous n'avons pas été à la hauteur dans d'autres cas. Depuis lors, des mesures correctives ont été prises.

La deuxième des réponses réside dans les enquêtes de commandement qui doivent avoir lieu. Le chef d'état-major de l'armée de terre (Cemat) en a été saisi. Je rappelle que dans le champ militaire – je le dis sous le regard des officiers de la gendarmerie qui sont présents en tribunes –, l'autorité d'un officier en position de commandement lui impose également un devoir de protection de ses subordonnés. Nous devrons donc faire la lumière sur l'affaire que vous avez mentionnée.

La troisième des réponses est de collaborer avec l'autorité judiciaire dans les suites des enquêtes de commandement. Dans le cas des faits que vous avez rappelés, ce sont les plaignants qui ont saisi la justice. Par le passé, il est arrivé que l'institution militaire se contente d'une enquête de commandement. Or l'article 40 du code de procédure pénale, que chacun connaît ici, s'applique évidemment à l'autorité militaire.

La quatrième réponse est de savoir punir lorsque c'est nécessaire. Je le dis, car l'institution a trop souvent été tentée, par le passé, d'éloigner – pour le dire pudiquement – les victimes plutôt que les auteurs. Or elle doit être capable de se débarrasser de ses canards boiteux.

Enfin, vous l'avez dit, madame la sénatrice, mais je veux l'affirmer de nouveau devant le Sénat : quelques dérives individuelles ne sauraient en aucun cas porter atteinte à la réputation de l'institution militaire dans son ensemble. Il y va du succès des armes de la France. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse très claire.

Un soldat en souffrance ne sera jamais un bon soldat, et l'autorité naturelle d'un bon cadre ne résidera jamais dans l'humiliation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

rapport sur les frères musulmans

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, ce matin, un conseil de défense s'est réuni pour la présentation d'un rapport intitulé Frères musulmans et islamisme politique en France, réalisé par le préfet Pascal Courtade et le diplomate François Gouyette. L'élaboration de ce rapport commandé par votre prédécesseur a fait l'objet d'un important travail d'analyse de plusieurs mois.

Selon nos informations, il semblerait qu'il brosse le tableau effrayant d'un pays – le nôtre, la France, monsieur le ministre ! – miné de l'intérieur par une confrérie qui y a structuré un important réseau d'implantation. Que ce soit par des lieux de culte, des associations, des écoles confessionnelles, voire des écosystèmes complets, ce réseau investit progressivement nos quartiers et nos villes.

Tout cela se déroule à bas bruit, mais avec beaucoup d'efficacité, et serait même alimenté par des circuits financiers, notamment étrangers. L'objectif n'est rien de moins que d'établir la prééminence de la loi coranique sur les lois et les valeurs de notre République.

Monsieur le ministre d'État, vous auriez vous-même affirmé que ce rapport est accablant et alarmant. Compte tenu de ces propos très forts, pourriez-vous nous en dire plus et, bien entendu, nous indiquer la suite que le Gouvernement compte donner à ce constat effrayant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le sénateur André Reichardt, bien sûr que ce rapport est alarmant.

Il concerne l'islamisme. Au reste, il est essentiel de séparer ces menées islamistes d'une pratique de l'islam compatible avec la République. J'observe d'ailleurs que les pays les plus durs avec les Frères musulmans sont non pas les démocraties occidentales, mais les pays musulmans.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Il y a une grande différence entre ce que l'on a appelé le séparatisme et l'entrisme. Le séparatisme consiste à construire de petites contre-sociétés séparées de la communauté nationale, tandis que l'entrisme tend à nous faire modifier profondément nos propres règles, ce qui concerne l'ensemble de la communauté des citoyens.

Vous vous êtes intéressé à ce sujet, monsieur Reichardt, comme le montrent vos travaux, que je connais, notamment votre rapport de 2016 intitulé De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés, ainsi que votre proposition de loi relative aux conditions d'exercice de la liberté de culte dans un cadre républicain, adoptée par le Sénat en 2018.

Or qu'il s'agisse d'entrisme ou d'islamisme à bas bruit, c'est toujours la même matrice politique. Ce sont les Frères musulmans qui l'ont inventée, à partir de 1928, et elle n'a pas changé depuis lors. Elle repose sur la prééminence de la loi coranique sur la loi de la République, sur l'infériorisation du statut de la femme et sur l'antisémitisme sous couvert d'antisionisme.

Bien entendu, il faut prendre ce problème à bras-le-corps. Le rapport sur lequel vous m'interrogez, monsieur Reichardt, fait état de deux menaces.

La première porte sur nos intérêts fondamentaux, notamment le caractère républicain de nos institutions, mais aussi sur la cohésion nationale. Pour y remédier, dans les mois à venir, il faudra tout d'abord proposer une meilleure organisation de l'État, avec un véritable chef de filât en matière de renseignement et, au ministère de l'Intérieur, un parquet administratif pour diligenter des dissolutions et des entraves administratives.

La seconde est relative aux circuits financiers. Il est capital de comprendre comment les biens et les actifs de BarakaCity, après la dissolution de cette association, ont été transférés au Royaume-Uni. De même, comment se fait-il que, à la suite de la dissolution du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), ses biens et ses actifs soient allés se réfugier en Belgique ? Il y a là des lacunes qui doivent être comblées.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Enfin, il faudra mener une stratégie de sensibilisation informationnelle de la population et former les fonctionnaires et les élus, car c'est capital.

Dans quelques heures, le rapport sera rendu public.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d'État.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Nous avons la ferme intention de combattre le frérisme et l'entrisme. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Michel Masset applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.

M. André Reichardt. Si, comme le disait Albert Camus, « mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde », ce ne sera pas le cas avec ce rapport, au sein duquel, cette fois, les ennemis des valeurs de notre République semblent être bien nommés.

Je salue vivement cette prise de conscience. Mais il faut également des actes pour démonter la mécanique à l'œuvre. Comme vous le savez, monsieur le ministre d'État, le Sénat a formulé plusieurs propositions en ce sens, dont celles qui sont contenues dans le rapport que vous avez bien voulu citer, que j'avais commis sous la présidence de Corinne Ferret et corédigé avec Nathalie Goulet.

La liste des recommandations que nous avions formulées était longue : la lutte pour la transparence des financements, le contrôle des subventions de l'Union européenne et la qualification des ministres du culte, entre autres.

M. le président. Il faut conclure !

M. André Reichardt. Il reste beaucoup à faire. Je sais qu'il faut du courage politique et de l'énergie. Monsieur le ministre d'État, vous ne manquez ni de l'un ni de l'autre. Allez-y ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

sans-abrisme

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre chargée des comptes publics, selon le décompte du collectif Les Morts de la rue, publié avant-hier, 855 personnes auraient péri de la sorte en 2024.

Ce sont 855 personnes, dont une majorité d'hommes et 112 femmes, qui sont morts sur la voie publique dans des abris de fortune ; 855 personnes, dont 19 de moins de 4 ans. Cette situation est intolérable dans notre pays. Or elle s'aggrave et concerne tous les départements.

Depuis 2017, le nombre de morts de la rue a augmenté de 135 %. Pourtant, la fortune des milliardaires français a crû de plus de 24 milliards d'euros depuis 2019, selon Oxfam. La Fondation pour le logement des défavorisés, quant à elle, fait état de 350 000 sans domicile fixe en 2024. Au-delà de celles qui sont à la rue, 1 118 000 personnes sont sans logement à soi.

À rebours des promesses du président Macron formulées en 2017, les politiques sociales des gouvernements successifs aggravent les risques de se retrouver à la rue. Ainsi, les places d'hébergement d'urgence et le budget afférent stagnent depuis des années. Les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) sont plus que débordés, au désespoir des travailleurs sociaux.

La promesse de 10 000 places supplémentaires ne répondra qu'à 7 % des besoins. En outre, la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, dite loi Kasbarian-Berger, a provoqué une chute des constructions de logements sociaux : en 2024, moins d'une demande de logement social sur dix est satisfaite et neuf sur dix ne le sont pas.

Dans nos territoires, la tension qui règne sur les budgets des collectivités et des associations de solidarité empêche celles-ci de répondre aux besoins exprimés. Les difficultés d'accès aux soins en santé mentale accentuent aussi la marginalisation de certaines personnes.

Madame la ministre, confirmez-vous ces chiffres insupportables du nombre de morts dans la rue en France ? Quelles mesures envisagez-vous pour lutter contre la précarité et assurer un abri décent pour tous, enfants, femmes, hommes mis en danger de mort dans les rues de notre pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la sénatrice, vous nous interrogez sur un sujet qui se situe à la croisée de la politique du logement, de la politique budgétaire, de l'aménagement du territoire et, plus largement, de la politique de soutien aux personnes les plus vulnérables. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

Valérie Létard aurait pu vous donner les détails des chiffres et des politiques qu'elle mène dans son action résolue en tant que ministre du logement.

Je voulais vous répondre sur un élément qui a été moteur depuis 2017, à savoir le dispositif Logement d'abord. Il s'agit d'un plan massif d'investissement, en lien avec les collectivités, pour sortir de la logique de l'urgence et redonner aux personnes leur dignité. Nous parlons de centaines de milliers de Français et de familles qui, depuis 2017, ont été sortis de la précarité et de cette boucle infernale de l'hébergement d'urgence où l'on ne se réinsère pas, où l'on ne se scolarise pas et où l'on ne peut, malheureusement, trouver ni travail ni emploi.

Le Logement d'abord, qui a permis à ces centaines de milliers de familles de sortir de la précarité,… (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre. … est une politique que nous continuons de mener grâce aux collectivités.

Hier, avec Valérie Létard, nous avons confirmé notre soutien aux bailleurs sociaux. Nous avons ainsi signé le décret relatif à la réduction de loyer de solidarité (RLS), de sorte à diminuer le poids de l'hébergement en 2025. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste.)

Avec Valérie Létard, je soutiens toutes les mesures, notamment dans le cadre de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), en faveur des personnes les plus fragiles.

Madame la sénatrice, nous ne voulons pas opposer les Français entre eux, alors que tous contribuent à la solidarité nationale. Je vous sais attachée à la justice fiscale : nous le sommes aussi. (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. On aura tout entendu !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vous sais attachée à la bonne tenue des comptes publics. Or nous luttons contre la fraude, toute la fraude, qu'elle soit fiscale ou sociale. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Quel est le rapport ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas le sujet !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je ne souhaite pas que nous opposions les efforts que nous réalisons sur des politiques d'ampleur en ce qui concerne l'aide aux plus vulnérables.

Je pourrais vous donner, avec Valérie Létard, les chiffres du budget consacré au logement : nous n'avons ni gelé ni annulé les crédits liés au logement d'urgence. Nous n'avons ni gelé ni annulé les crédits liés à la politique du logement social.

M. Hussein Bourgi. Demandez à Kasbarian !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Notre politique est lisible. Nous voulons que cela fonctionne mieux, et nous n'y arriverons que si, dans chaque bassin de vie, dans chaque commune, nous travaillons de manière collective, sans polémiques et sans effets d'annonce, lesquels, malheureusement, ne sont que trop rarement suivis d'actions concrètes. (M. François Patriat applaudit.)

MM. Bernard Jomier et Hervé Gillé. Mais des gens meurent dans la rue !

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, les chiffres sont têtus ! Le nombre de morts dans la rue augmente et le Logement d'abord ne résoudra pas ce problème.

C'est une question de dignité des personnes. Nous devons un toit à tous les Français – tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

entraves normatives et hausse du coût des fertilisants subies par les agriculteurs

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Kristina Pluchet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'agriculture.

Madame la ministre, de nouvelles manifestations se préparent la semaine prochaine, nourries par le démontage méthodique à l'Assemblée nationale de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur portée notre collègue Laurent Duplomb, sous l'influence des lobbies écolo-gauchistes. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Mickaël Vallet. Et même islamo-gauchistes !

Mme Kristina Pluchet. Dans ce contexte, je veux saluer la clarté et l'engagement sans faille de la ministre Annie Genevard, que je sais présente en ce moment aux côtés des agriculteurs, durement touchés par les récentes intempéries dans le Sud-Ouest. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Toutefois, voilà qu'un nouveau front s'ouvre. La Commission européenne a proposé et les États membres ont validé une augmentation substantielle et exponentielle, dès juillet prochain, des droits de douane sur les engrais d'origine russe et biélorusse, dans le cadre de la proposition de règlement portant modification des droits de douane applicables aux importations de certains produits originaires de la Fédération de Russie et de la République de Biélorussie ou exportés directement ou indirectement à partir de ces pays.

Cette taxe, cette surtaxe, cette énième taxe va inévitablement faire flamber les prix et posera un problème de disponibilité. Les agriculteurs en seront, une fois de plus, les premières victimes, alors que leurs trésoreries sont plus que tendues et qu'ils subissent déjà de plein fouet l'inflation, la concurrence déloyale et un carcan normatif toujours plus suffocant.

Madame la ministre, avez-vous l'assurance d'une compensation rapide, lisible et efficace tendant à pallier l'inévitable explosion du prix des engrais azotés ?

Surtout, comment garantir que ces fertilisants russes ne seront pas réimportés, à des prix prohibitifs, via des pays tiers ? Que l'Europe veuille pénaliser la Russie, c'est une chose, mais le faire sur le dos de ceux qui nous nourrissent, c'en est une autre, qui est inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Kristina Pluchet, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui se trouve actuellement dans le Sud-Ouest, aux côtés des agriculteurs dont les exploitations ont été affectées par des intempéries au cours des dernières nuits.

Vous soulevez la question de la surtaxe des fertilisants azotés, en évoquant, ce qui est bien compréhensible, les fortes inquiétudes que celle-ci suscite chez les agriculteurs. Nous l'entendons.

La Commission européenne a déposé cette proposition avec un double objectif. D'une part, comme vous l'avez dit, la visée est d'ordre géopolitique : il s'agit de ne pas financer l'effort de guerre de la Russie. Je crois que nous pouvons nous accorder sur cette nécessité. D'autre part, nous devons réduire nos dépendances stratégiques, celles qui sont suscitées par les engrais étant inacceptables.

Le but est donc de diversifier les approvisionnements en provenance de pays tiers et, à plus long terme, de réimplanter en Europe des industries pour la production d'engrais. La Commission européenne a ainsi proposé un système progressif, jusqu'à 2028, avec une évolution lente au départ, afin de permettre une forme d'adaptation.

Cela étant, la position de la France, consciente de l'effort requis, est de considérer que celui-ci ne doit pas être supporté par nos agriculteurs. La protection de ces derniers est notre priorité, celle du Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre et de notre ministre de l'agriculture. Nous l'avons fait comprendre au Conseil de l'Union européenne.

Nous avons ainsi demandé l'intégration de mesures de remédiation et un mécanisme de stop and go pour protéger les agriculteurs en cas de crise. Nous nous sommes opposés à l'inclusion de l'ammoniac dans les produits soumis à la surtaxe et nous avons obtenu de la Commission un engagement à prendre des mesures adéquates en cas d'augmentation trop importante des prix.

Nous avons également indiqué que nous souhaitions la mise en place de dispositifs visant à éviter que la mesure ne soit contournée et que ne reviennent, via d'autres pays, des flux en provenance de la Russie.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. La France sera très vigilante sur les conditions de prix. Nous serons aux côtés de la ministre de l'agriculture pour veiller à ce que les agriculteurs ne soient pas pénalisés par ces dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.

Mme Kristina Pluchet. Le bon sens aurait voulu que l'Europe soit souveraine en matière de production d'engrais avant d'envisager de couper le robinet russe ! Cependant, il n'en est rien.

J'y insiste, il nous faut des garanties rapidement, comme celle d'une levée des taxes douanières et anti-dumping sur les importations d'engrais provenant d'autres régions du monde, afin de maintenir un approvisionnement compétitif de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

lutte contre l'immigration illégale dans les alpes

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur, ma question porte sur les moyens affectés à la lutte contre l'immigration illégale, tout particulièrement à la frontière italienne dans le département des Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre.

En effet, ce col, situé entre 1 800 et 1 900 mètres d'altitude, est devenu en 2015 le premier point d'entrée terrestre de flux illégaux de migrants en France. On constate ainsi une augmentation de plus de 130 % du nombre des passages entre 2024 et 2025. Face à ces afflux et compte tenu des conditions géographiques et climatiques du col, la police aux frontières est, tout bonnement, dépassée.

Premièrement, la charge de travail ayant quadruplé, le manque de personnel se fait durement ressentir, avec un nombre insuffisant d'officiers de police judiciaire.

Deuxièmement, les locaux sont inadaptés, tant à un accueil digne pour les migrants qu'à des conditions de travail décentes pour les fonctionnaires de police. Je rappelle que les rétentions administratives s'opèrent dans des Algeco situés à plus de 2 000 mètres d'altitude.

Troisièmement, il existe un flou juridique concernant le traitement des étrangers en situation irrégulière depuis que la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, dans un arrêt du 21 septembre 2023, que la France ne pouvait pas procéder au refoulement de personnes migrantes entrées illégalement sans que ces dernières aient bénéficié d'un délai au cours duquel elles peuvent quitter volontairement le territoire.

Monsieur le ministre, ma question est simple. Le Gouvernement compte-t-il déployer des moyens durables pour faire face à cette situation, qui n'est pas sans conséquence sur la sécurité du territoire national dans son ensemble ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Lauriane Josende applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, nous sommes parvenus à verrouiller la frontière entre les Alpes-Maritimes et l'Italie. Ainsi, désormais, le flux d'Érythréens passe en Italie, par Lampedusa, puis par le col de Montgenèvre, donc par les Hautes-Alpes. En effet, 90 % des mineurs non accompagnés qui ont été interceptés proviennent de l'Érythrée.

Qu'allons-nous faire ? Tout d'abord, protéger la frontière. Vous savez que, contrairement à beaucoup d'autres pays, nous n'avons pas de corps unifié de gardes-frontières.

Nous avons donc constitué un corps diversifié, comprenant les gendarmes, la police aux frontières, la douane, bien sûr, et l'armée, au travers de l'opération Sentinelle, pour mieux garder les frontières. J'ai également décidé de dépêcher une compagnie républicaine de sécurité (CRS) pour renforcer ces effectifs. Ces derniers seront également complétés par des officiers de police judiciaire et bénéficieront de bâtiments modulaires supplémentaires. C'est fondamental.

Je mentionne, par ailleurs, l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), qui traque les filières dans ce domaine. Ainsi, l'an dernier, nous avons pu démanteler 269 d'entre elles, qui comprennent de véritables trafiquants d'êtres humains. Nous renforcerons cette dimension de notre action.

Vous m'interrogez sur la question juridique, monsieur le sénateur, notamment la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne de septembre 2023, dite ADDE, du nom de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers. Elle nous complique énormément le travail, comme vous le savez.

Avec l'Italie, nous avons obtenu des résultats, notamment dans les Alpes-Maritimes. Nous avons, avec des patrouilles mixtes, la possibilité d'avoir une procédure simplifiée. Il faut faire de même dans votre département des Hautes-Alpes, qui comprend, certes, moins de policiers.

Surtout, la révision de la directive Retour est absolument fondamentale. Aujourd'hui, je tends plutôt à l'appeler directive Antiretour, puisqu'elle donne aux clandestins le choix de rester en leur accordant un délai de départ volontaire... Autant dire que cela ne peut pas fonctionner. L'idée est d'inverser la logique. C'est ce que la Commission européenne a proposé il y a quelques semaines. Voilà qui va tout changer.

Croyez-moi, monsieur le sénateur, nous sommes totalement mobilisés pour garder la frontière entre votre département et l'Italie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Marc Ruel applaudit également.)