Mme Antoinette Guhl. Je n'ai jamais dit que c'était dans le rapport !

M. Laurent Burgoa. Attention à ne pas les utiliser à mauvais escient et à ne pas stigmatiser, ce faisant, l'ensemble d'une profession ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Laurent Burgoa, je veux tout d'abord vous remercier de l'ensemble des travaux qui ont été conduits sous l'égide de la commission d'enquête sénatoriale que vous avez présidée.

Vous me posez trois questions bien précises, tout en évoquant un certain nombre de failles. Ces manquements sont retracés dans un rapport qui comporte un grand nombre de recommandations, notamment sur la nécessité de préciser la réglementation en vigueur dans ce domaine.

Votre première interrogation porte sur la microfiltration, l'un des sujets les plus importants dans le cadre de vos travaux.

Sachez tout d'abord que, dans quelques jours, le ministère de la santé diffusera une instruction aux directeurs généraux des ARS et à l'ensemble des préfets pour clarifier la doctrine en la matière – je sais qu'il s'agit d'une attente forte sur le terrain.

De la même manière, l'Anses sera prochainement saisie et appelée à se prononcer scientifiquement sur les pratiques acceptables de microfiltration, c'est-à-dire sur celles qui ne dénaturent pas le microbisme de l'eau. C'est l'une des demandes de la commission d'enquête à laquelle nous répondons.

Enfin, le ministère de la santé va saisir la Commission européenne pour connaître sa position et l'interroger sur ses intentions quant à une possible révision de la directive européenne définissant la pureté originelle et le statut de la microfiltration, de sorte que nous parvenions à une harmonisation au niveau européen.

Par ailleurs, la fiscalité de l'eau peut en effet avoir des répercussions sur les collectivités territoriales. Des conférences territoriales sur l'eau ont d'ores et déjà été lancées le 7 mai. Elles seront l'occasion d'aborder plusieurs questions, dont celle du partage de la ressource face à la baisse de la disponibilité de l'eau. Je rappelle que le plan Eau vise une réduction de 10 % des prélèvements en 2030.

En ce qui concerne la protection des nappes phréatiques, le Gouvernement a l'intention d'associer l'ensemble des parties prenantes aux réflexions sur le sujet, qu'il s'agisse des parlementaires, des collectivités territoriales, des industriels ou des usagers. Il s'agit d'un enjeu majeur pour notre avenir, sur lequel des réflexions sont en cours.

Monsieur le sénateur, je vous propose de vous recevoir à mon ministère, avec le rapporteur de la commission d'enquête que vous avez présidée, pour que nous puissions étudier ensemble ces questions et prendre en compte vos recommandations. (M. François Patriat applaudit.)

partenariat stratégique entre londres et l'union européenne en matière de pêche

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Depuis plusieurs années, le secteur de la pêche subit de nombreuses et grandes difficultés : interdiction de pêcher pendant un mois en hiver, liée à la fermeture administrative du golfe de Gascogne ; difficultés financières liées aux tarifs du carburant ; tensions sur les zones de pêche à cause, notamment, du développement de l'éolien en mer ; pression constante de certaines ONG sur la filière…

Il y a cinq ans, le Brexit a également bousculé les marins de la zone Manche-Atlantique. Nous nous souvenons de la bataille qu'il a fallu mener pour obtenir des licences de pêche pour les eaux britanniques.

Cinq ans plus tard, nous passons à une nouvelle phase : le renforcement des négociations bilatérales entre l'Union européenne et le Royaume-Uni dans le cadre du reset. Un sommet s'est tenu avant-hier entre les deux parties et, après des mois de négociations, un accord a enfin été trouvé.

Grâce à la mobilisation de la France et des États membres concernés, mais aussi grâce à votre mobilisation, madame la ministre, des concessions ont été obtenues de la part des Britanniques. C'est une bonne nouvelle, et je vous en félicite ! Alors que les dispositions actuelles en matière d'accès aux eaux britanniques expiraient en 2026, vous avez obtenu une prolongation.

Pourriez-vous détailler les avancées que comporte cet accord majeur ? Quelles conséquences emporte-t-il pour les pêcheurs français ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Havet, je vous remercie de me donner l'occasion d'exposer les avancées que nous avons obtenues, car il s'agit d'une grande victoire française et européenne.

Cette négociation relative au droit de pêche inquiétait beaucoup nos pêcheurs et les élus des littoraux, car l'accord post-Brexit en la matière prenait fin cette année.

L'accord auquel nous sommes parvenus est le fruit d'un long travail collectif, au cours duquel je n'ai pas ménagé ma peine. Il prolonge jusqu'en 2038 les modalités d'accès et de répartition des ressources maritimes définies après la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. En un mot, nous avons sécurisé l'avenir de notre filière.

Il s'agit d'une victoire pour nos pêcheurs, leurs familles et les territoires littoraux qui vivent de cette activité. Il s'agit aussi, permettez-moi de le souligner, d'une victoire pour la diplomatie française et pour le Gouvernement dans son ensemble, qui a tenu bon dans cette négociation, sans jamais céder sur les principes essentiels : stabilité, prévisibilité et respect de nos droits historiques.

Je veux également saluer le rôle actif des parlementaires français et européens, qui, eux non plus, n'ont pas ménagé leur peine et qui ont sur faire entendre la voix des pêcheurs, tant dans les enceintes européennes que dans le dialogue bilatéral.

Nos élus locaux ont également été des relais précieux, et je veux particulièrement saluer le rôle des présidents de région, qui ont donné de la voix auprès de la Commission européenne. Leur mobilisation constante a renforcé notre position et rappelé que la pêche est non pas une variable d'ajustement, mais une composante vitale de notre souveraineté alimentaire et de notre économie maritime.

Enfin, cet accord témoigne d'un fait essentiel : l'Europe, lorsqu'elle parle d'une voix unie et forte, est respectée. Aucun État membre n'aurait pu arracher un tel résultat seul. C'est ensemble, au sein d'une Union cohérente et solidaire, que nous avons pu obtenir la stabilité des règles pour plus d'une décennie.

Madame la sénatrice, soyez-en certaine, nous continuerons de défendre les intérêts et les droits de nos pêcheurs français, avec la même détermination et dans l'esprit de responsabilité et de solidarité européenne qui a guidé cette négociation, y compris vis-à-vis de la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour la réplique.

Mme Nadège Havet. Je vous remercie, madame la ministre.

Je profite de cette tribune pour lancer une alerte. La troisième conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc) doit bientôt avoir lieu. Il convient de préserver les océans, mais également de protéger ceux qui en vivent, notamment nos pêcheurs. Ces derniers ne sauraient servir de boucs émissaires, car ils sont des modèles. Il est donc important de leur dire qu'ils sont importants pour chacun d'entre nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Vincent Louault applaudit également.)

fermetures de classes

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Laure Darcos. Ma question s'adressait à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Les inspections d'académie vont bientôt achever leur travail d'élaboration de la carte scolaire pour la prochaine rentrée. Dans de nombreuses communes, la sanction sera cinglante et définitive : pas assez d'élèves, on ferme une classe ! En revanche, lorsqu'il s'agit de réouvertures, les quotas sont toujours très difficiles à atteindre…

Pour les maires, le dialogue avec l'éducation nationale se tient chaque année sous tension, lorsqu'il ne vire pas au cauchemar. Malgré la mobilisation des parents et des professeurs à leurs côtés, les élus sont tout juste consultés. Trop souvent, leur avis ne pèse rien face à la détermination des inspections d'académie.

Dans mon département de l'Essonne, à Videlles et Courson-Monteloup, dans le Nord, à Steene, en Indre-et-Loire, à La Croix-en-Touraine, dans la Marne, à Broussy-le-Grand, dans la Loire, à Montverdun, ou encore en Loire-Atlantique, à Guérande, la même politique de rationalisation des moyens s'applique, sans tenir compte de la réalité des territoires ruraux. Quasiment tous mes collègues me l'ont confirmé !

Peut-on réellement croire que la qualité de l'enseignement et des apprentissages pourra être maintenue ? La charge qui pèse sur les enseignants, à qui sont confiées des classes de trois, voire de quatre niveaux, est trop forte.

Vous me répondrez certainement que le taux d'encadrement n'a jamais été aussi favorable et que la démographie baisse très sensiblement dans le premier degré. Soit, mais n'est-ce pas une aubaine pour nos écoles rurales ou périurbaines, qui pourraient bénéficier de classes à effectif réduit, à l'instar des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et des réseaux d'éducation prioritaire renforcé (REP+), pour enseigner les savoirs fondamentaux ? Où est l'égalité des chances lorsque l'on sacrifie les enfants ayant besoin d'un suivi individualisé ?

Les inspections d'académie ne pourraient-elles pas faire preuve d'une agilité accrue pour adapter leurs prévisions aux variations d'effectifs en cours d'année ? Ceux-ci évoluant au gré des livraisons de logements et des installations de familles, les projections devraient porter sur plusieurs années.

Par ailleurs, un dialogue soutenu avec les élus locaux est une nécessité. Êtes-vous prêt à leur donner plus de place dans le processus de concertation, afin de garantir une éducation de proximité, de préserver l'équité territoriale et d'assurer un avenir à nos campagnes ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Laure Darcos, Mme la ministre d'État étant retenue, je répondrai à sa place.

La question de la carte scolaire est particulièrement importante pour le ministère. Comme vous l'avez mentionné, nous dressons le constat d'une forte baisse démographique. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : lors de la rentrée 2025, près de 93 000 élèves se rendront en classe, dont 80 000 dans le premier degré, et le nombre moyen d'élèves par classes atteindra le niveau historiquement faible de vingt et un élèves par classe.

En ce qui concerne spécifiquement l'Essonne, la dotation du département prévoit la création de dix-neuf postes, bien que 380 élèves de moins soient attendus cette année. Je vous confirme donc, madame la sénatrice, que nous mettons bien cette baisse démographique au service de la réussite de tous les élèves et de la réduction des inégalités sociales et territoriales. (Murmures sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. Philippe Baptiste, ministre. En ce qui concerne la méthode, je vous rejoins parfaitement sur l'indispensable travail qui doit être mené conjointement par les directions académiques et les élus.

C'est tout le sens des observatoires des dynamiques rurales, qui ont été créés par Élisabeth Borne lorsqu'elle était Première ministre, dans le cadre du plan France ruralités, et qui ont été déployés cette année dans tous les départements. Ces instances permettent de partager avec l'ensemble des acteurs concernés les prévisions d'effectifs sur trois ans, comme vous appelez à le faire, madame la sénatrice.

M. Philippe Baptiste, ministre. Elles ont vocation à travailler sur les ouvertures et les fermetures de classes en associant étroitement les élus. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Alexandre Basquin. Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Cozic. C'est faux  !

M. Philippe Baptiste, ministre. Dans ce cadre, la ministre d'État a récemment signé une convention avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), dans laquelle elle a pris un double engagement : inscrire l'évolution de la carte scolaire dans une démarche pluriannuelle…

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre. … et associer les élus.

ingérences chinoises en métropole et en outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le Sénat a exprimé par deux fois son inquiétude face aux ingérences étrangères, en particulier face à l'influence chinoise, qui n'épargne ni l'Hexagone ni nos territoires ultramarins.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

En matière culturelle, trouvez-vous normal que le musée Guimet, qui est dépositaire d'un patrimoine culturel tibétain, ait définitivement supprimé le mot « Tibet » de son répertoire à l'automne dernier ?

Trouvez-vous normal de laisser agir les instituts Confucius au sein de nos universités, alors qu'ils sont, comme l'a confirmé le rapport d'information publié par notre ancien collègue André Gattolin en septembre 2021, le bras armé de la Chine ?

Trouvez-vous normal que la pêche illégale fasse des ravages et détruise nos fonds marins au large de la Guyane, uniquement pour faire plaisir aux Chinois, qui sont des mangeurs de courbine ? De même, trouvez-vous normal que 80 % de l'or extrait de manière illégale dans la région parte en Chine ?

Ne redoutez-vous pas, à l'instar du ministre Manuel Valls, que des formes de colonialisme s'instaurent dans le Pacifique par le biais de la présence chinoise ?

En cédant à des pressions politiques dans le domaine de la culture et des arts, nous ouvrons la porte à de graves dérives autoritaires et partisanes, dont il faut impérativement se méfier.

Il serait irresponsable de ne pas s'inquiéter de la stratégie d'implantation chinoise dans le Pacifique, qui menace l'avenir de nos territoires ultramarins, après ce qu'il s'est passé dans les îles Salomon. Ne pas protéger nos universités de cette influence compromet la liberté d'expression et l'autonomie des établissements.

J'imagine que vous avez pris connaissance du rapport publié le 23 juillet 2024 par Rachid Temal et Dominique de Legge, au nom de la commission d'enquête sénatoriale, sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères, qui expliquait clairement les inquiétudes que nous nourrissons. J'ose espérer qu'une tolérance passive ne sévit pas au Quai d'Orsay.

Monsieur le ministre, je vous demande donc de nous rassurer : une cellule a-t-elle été mise en place au sein de votre ministère, afin de lutter contre cette entreprise d'influence chinoise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger.

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, vous avez raison de pointer ce sujet important, sensible et parfois grave de l'ingérence et de l'influence de puissances étrangères. Vous avez essentiellement cité la Chine, mais cette question concerne également d'autres pays.

Vous avez eu raison de préciser que ces ingérences ciblent non seulement notre territoire métropolitain, mais aussi nos outre-mers. Vous avez ainsi cité à juste titre le cas du Pacifique et de la Polynésie française.

M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué. Je tiens à vous rassurer : le Gouvernement et l'ensemble des administrations concernées sont non seulement au fait de cette question, sans aucune naïveté, mais tout à fait concentrés sur les actions qu'il convient de mener.

L'enjeu est culturel, mais aussi économique. Compte tenu de mon portefeuille, je suis concerné au premier chef et je pense en particulier à la sécurité de secteurs d'activité sensibles, qui sont directement liés à notre souveraineté et à notre autonomie stratégique.

Aussi, je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice : sous l'impulsion du Président de la République, nos moyens en matière de sécurité économique ont été renforcés de manière significative.

Très concrètement, nous avons amélioré les capacités d'analyse et de surveillance de nos services de renseignement et mis en place des mécanismes de contrôle accru sur les financements étrangers des associations, notamment par le biais de la loi confortant le respect des principes de la République, qui, à cette fin, est utilisée à bon escient.

Par ailleurs, nous avons renforcé le dialogue avec les établissements d'enseignement supérieur et les collectivités locales, celles-ci étant également ciblées par des manœuvres d'influence.

Enfin, la coordination interministérielle pilotée par le secrétariat général de défense et de sécurité nationale joue pleinement son rôle.

En tant que ministre chargé du commerce extérieur, je tiens à déclarer que la France reste ouverte aux échanges internationaux et que ce n'est pas se replier sur soi-même que se défendre des ingérences étrangères.

Cela dit, nous ne sommes ni naïfs ni inattentifs. Nous continuerons d'agir avec une totale détermination, comme il se doit, pour défendre notre indépendance et protéger notre débat démocratique. (M. François Patriat applaudit.)

fast fashion et taxation des petits colis

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Cardon. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Sur le ring du commerce mondial, le match est truqué : d'un côté, Jennyfer, une enseigne française, est fragilisée et sera bientôt balayée ; de l'autre, Shein et Temu, des géants de l'e-commerce chinois, sont dopés par des produits à bas coût et polluants. Madame la ministre, en tant que prétendue arbitre, que faites-vous ?

À cause de la faillite de Jennyfer, 1 000 salariés sont menacés d'être licenciés, comme l'ont été les 2 100 de Camaïeu en 2022. Et demain, qui ? Et combien ?

Pendant ce temps, Shein réalise près d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en France, sans impôt et sans contrainte. En réalité, le scandale est triple : il est social, écologique et fiscal. Résultat : nos entreprises paient, eux contournent ; nos salariés sont licenciés, eux livrent ; nos normes contraignent, eux prospèrent.

Il est temps d'en finir avec la naïveté et d'exiger une réponse européenne, ferme, rapide et juste, d'adapter notre système douanier à l'e-commerce et d'imposer aux géants du numérique les mêmes règles qu'à nos commerçants de proximité.

Madame la ministre, qu'attendez-vous pour défendre l'emploi, la transition écologique et la justice fiscale ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Vincent Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Rémi Cardon, vous avez raison. Vous connaissez ce chiffre, puisqu'il a été annoncé par le PDG de cette entreprise au cours d'une audition au Sénat : 22 % des colis qui sont distribués par La Poste émanent de deux plateformes asiatiques.

L'une d'entre elles met en ligne 7 000 nouvelles références de produits textiles par jour et fait transiter 5 000 tonnes de produits textiles par jour à l'échelle mondiale par fret aérien. Au total, 1,5 milliard de colis sont livrés en France chaque année.

Ces livraisons ont des conséquences environnementales – le fret aérien a un impact négatif cent fois supérieur à celui du fret maritime –, mais aussi sociales et économiques. En effet, nous constatons une forme de concurrence déloyale : les produits qui arrivent sur le marché ne font pas l'objet des mêmes normes et de la même réglementation. Cela fragilise notre commerce physique. Nous devions donc sonner la mobilisation générale, et nous l'avons fait.

J'ai ainsi demandé à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de tripler le nombre des contrôles des produits issus des plateformes en question. J'ai souhaité que ces contrôles soient effectués à 360 degrés, c'est-à-dire qu'ils portent tant sur la loyauté des pratiques commerciales que sur la régularité des produits. J'ai demandé que, lorsqu'une faille est constatée au sujet d'un petit acteur, des contrôles soient effectués sur les gros acteurs occupant le même segment de marché.

En outre, avec Amélie de Montchalin, j'ai renforcé la coordination entre les douanes et la DGCCRF. Et avec Agnès Pannier-Runacher, j'ai poussé pour que la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile puisse être examinée au début du mois de juin prochain, mais aussi pour que nous soyons en mesure d'intégrer dans ce texte des dispositions plus robustes.

À l'échelle européenne, nous appelons à mettre fin à l'exemption de taxes douanières des colis d'une valeur de moins de 150 euros. Nous avons obtenu hier que la Commission européenne propose une surtaxe de 2 euros sur ces colis.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. C'est déjà une avancée, mais nous continuons de travailler à l'échelle européenne, pour faire en sorte que ces pratiques cessent.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la ministre.

La surtaxe proposée par la Commission européenne est tout à fait insuffisante : 2 euros de frais de gestion sur des colis d'une valeur moyenne allant de 20 euros à 70 euros ne feront peur à personne ! Par ailleurs, alors qu'elle enregistre un chiffre d'affaires de 1,6 milliard d'euros, l'entreprise Shein ne paie que 0,02 % d'impôts – ce n'est pas moi qui le dis, c'est le patron de Coopérative U !

Madame la ministre, vous parlez d'actions, mais les faits évoquent plutôt un abandon. En réalité, ce gouvernement fait de la fast fashion sa ligne politique : tout pour l'image, rien pour la durabilité ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

certification des comptes de la caisse nationale des allocations familiales

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

M. Philippe Mouiller. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des comptes publics et porte notamment sur la non-certification des comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) par la Cour des comptes.

Cette question ayant déjà été posée par Guislain Cambier, je vais en poser une autre, pour aller plus loin et mettre en avant les dysfonctionnements profonds de la branche famille de la sécurité sociale. (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Je rappelle tout de même que les comptes de la Cnaf n'ont pas été validés pour la troisième année consécutive. La réponse qui nous avait été apportée l'année dernière était d'ailleurs de la même nature que celle que vous nous donnez aujourd'hui, c'est-à-dire, en substance : « Ne vous inquiétez pas, nous avons la solution. » Je vous réponds donc : « Accélérez ! ».

Par ailleurs, le système d'information de la Cnaf est défaillant et soumis à de nombreuses attaques. Au-delà des défaillances formelles, l'administration fiscale, que vous connaissez bien, se trouve dans l'incapacité de transmettre plus de 2 millions d'euros de revenus fiscaux aux allocataires pour des problèmes de vérification des données. Cela pose problème pour effectuer les contrôles. Il s'agit d'un véritable dysfonctionnement.

Ensuite, malgré les chiffres importants que vous avez donnés à propos de la fraude, le nombre de contrôles effectués sur la branche famille a diminué de 7 % en 2024. Il s'agit d'un point essentiel : nous n'avons ni les outils informatiques ni les outils de suivi adaptés. Dans ce contexte, il est évidemment très difficile de mettre en place une politique de lutte contre la fraude, malgré la mobilisation de l'ensemble des fonctionnaires. Sur ce sujet, il y a urgence à agir.

La communication qui est faite depuis quelques jours est terrible. Nous ne pouvons pas expliquer aux Français que nous devons collectivement réaliser des efforts pour redresser les comptes sociaux, alors que nous n'avons pas les outils suffisants pour maîtriser les fraudes aux allocations logement et au revenu de solidarité active (RSA).

Il y a donc urgence à agir, et nous devons nous mobiliser de façon totalement transparente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous nous invitez à aller plus loin et vous avez raison.

La lutte contre la fraude a connu un épisode pour le moins malheureux : avant que ce gouvernement ne soit formé, vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, mené avec les députés un travail conjoint dans le cadre du PLFSS 2025 sur plusieurs mesures. Je pense notamment à l'échange de données entre complémentaires et sécurité sociale, à la réforme du service médical ou encore à l'harmonisation des pratiques entre départements.

Or, chacun le sait, ces dispositions ont été considérées comme des cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel. Elles sont donc inapplicables et inappliquées.

Au fond, pour résumer la situation, nous constatons, d'un côté, que nos outils fiscaux fonctionnent de mieux en mieux. Je ne dis pas que nous avons fini de traquer la fraude fiscale, mais nous avons beaucoup progressé, notamment en termes de gels et de saisies. L'Office national antifraude (Onaf) a ainsi saisi 600 millions d'euros au cours de la seule année dernière.

De l'autre, il semble qu'il soit devenu plus facile de frauder la sécurité sociale que le fisc. C'est absolument intolérable. Catherine Vautrin et moi-même avons d'ailleurs communiqué sur ce sujet. Car, à la fin, il s'agit toujours de l'argent des Français : nous n'avons qu'un seul portefeuille, et des politiques publiques en partage.

Catherine Vautrin et moi-même travaillons donc pour appliquer les mécanismes qui fonctionnent dans le domaine fiscal – les procédures, le soutien judiciaire, la réactivité… – dans la sphère sociale. L'an dernier, nous avons détecté pour 1,6 milliard d'euros de travail dissimulé. Au total, nous avons mis au jour 2,9 milliards d'euros de fraude dans la sphère sociale.

Les contrôles fonctionnent, mais ils doivent s'améliorer dans plusieurs branches. Nous devons surtout parvenir à bloquer l'argent et à le saisir. Nous devons le bloquer, car Tracfin nous montre qu'une partie des sommes est captée par la criminalité organisée et part à l'étranger.

Notre détermination à travailler avec vous en ce sens est totale. Par ailleurs, nous voyons que nous avons besoin d'outils législatifs renforcés. (M. François Patriat applaudit.)