Comme je l’ai indiqué, un bureau de poste ne remplit pas les mêmes fonctions qu’une agence postale communale ou intercommunale. Il est impossible de balayer d’un revers de main le fait que l’attrition de l’amplitude horaire des bureaux conduit souvent les agences postales communales à prendre le relais.

Il faut donc mettre l’ensemble des réalités du réseau postal sur la table afin d’y apporter une réponse aussi satisfaisante que possible, tant pour les élus que pour nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Michallet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Damien Michallet. Permettez-moi, tout d’abord, de remercier très sincèrement la commission des affaires économiques pour l’organisation de ce débat très attendu, voire inespéré. Madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Dominique Estrosi Sassone, je sais que vous êtes extrêmement mobilisée sur le sujet, et je vous en sais gré.

Cependant, mes chers collègues, quelle frustration de tenir ce débat si tard ! Nous aurions dû débattre sur la base d’une véritable loi, d’un récit pluriannuel réaliste, comme vous le soulignez, madame la ministre.

La Poste doit s’adapter, évoluer, poursuivre sa mission de service public sur le fondement d’un contrat conclu et débattu au sein du Parlement, à savoir sur une loi postale que nous demandons depuis des mois, madame la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je le sais !

M. Damien Michallet. Nous sommes en 2025 et d’ici à la fin de cette année la délégation de la mission du service universel postal sera remise en jeu. À sept mois de l’échéance, les parlementaires n’ont toujours pas pu mettre le sujet sur la table. Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir demandé !

En tant que président de la Commission supérieure du numérique et des postes, à laquelle je vous sais attachée pour en avoir été membre, madame la ministre, j’ai alerté personnellement le président du Sénat, qui a ouvert ce débat ce soir, accompagné de Patrick Chaize. J’ai écrit à la présidente de l’Assemblée nationale, qui a soutenu la démarche. Seul le Premier ministre a oublié de me répondre…

Ce soir, nous débattons avec l’espoir que le président de La Poste et le Gouvernement actent l’urgence absolue et critique d’avancer sur une loi postale.

En réponse, qu’avons-nous ? Un projet de passage par voie réglementaire ! Si tel est le cas, je vous le dis, nous pouvons d’ores et déjà craindre la mort de la présence postale. En effet, à défaut d’un véritable texte législatif, il nous faudra valider plusieurs centaines de millions d’euros lors du prochain projet de loi de finances, sans aucune garantie au sujet de l’optimisation des services associés et de la création de valeur pour l’aménagement de nos territoires.

C’est bien simple, si on ne légifère pas, la poste française deviendra la poste danoise, laquelle a purement et simplement annoncé la fin du facteur danois au 31 décembre 2025 ! Si tel est l’objectif, dès ce soir, nous pouvons alors tous rentrer dans nos départements et dire à nos maires de se préparer à retirer les boîtes jaunes. Et là, croyez-moi, cela ne passera pas comme une lettre à la poste…

La loi postale devient plus qu’urgente. Il est urgent de légiférer, car les défis sont nombreux. Bien entendu, il y a d’abord le déficit qui doit nous alerter et guider nos travaux parlementaires, mais ce n’est pas le seul défi que La Poste doit affronter.

Sur le défi de l’aménagement du territoire, La Poste doit territorialiser et déconcentrer ses décisions ainsi que ses organisations pour être plus agile et moins « parisienne ». Les maisons France Services peuvent être au cœur du débat et, pourquoi pas, au cœur de la loi.

Sur le défi de la transition numérique, sur la dématérialisation des démarches administratives, sur la lutte contre l’illectronisme, La Poste peut, comme en Italie, devenir un acteur de premier ordre et, du coup, pérenne. Mais le Parlement doit en débattre.

Sur le vieillissement de la population, nous disposons de 60 000 facteurs prêts à répondre à cette nouvelle nécessité.

La Poste a un rôle à jouer ! Elle est forte d’un maillage territorial exceptionnel et d’agents dévoués aux services publics ! Mais elle doit pouvoir se restructurer dans son ensemble et pas seulement au niveau du réseau des facteurs – ce qui a d’ailleurs été fait –, ainsi que dans ses fonctions de support.

Nous savons que des résultats sont possibles. Identité numérique, cloud souverain, intelligence artificielle générative : La Poste sait faire !

La Poste a d’ores et déjà mené de nombreux travaux en ce sens avec son président, Philippe Wahl, qui a œuvré pendant douze années pour accompagner La Poste dans son évolution. Cependant, dès aujourd’hui, nous devons regarder devant nous et visualiser les douze prochaines années !

Donnons-nous les moyens de nos ambitions ! Nous sommes prêts à nous remonter les manches.

Les membres de la CSNP, avec Denise Saint-Pé, que je salue, conduisent d’ailleurs depuis plusieurs semaines des auditions sur ce sujet crucial. Nous partagerons les pistes que nous ouvrirons lors d’une table ronde au Sénat en présence du successeur de M. Wahl, en septembre. Ces travaux contribuent à éclairer les parlementaires, notamment ceux qui sont désignés par le président de la CSNP et qui siègent à l’ONPP.

La seule question qui reste en suspens, madame la ministre, et à laquelle nous ne pouvons pas répondre seuls est de savoir si l’État est capable de nous faire confiance, à nous, parlementaires, et de nous laisser débattre de ce sujet au travers d’une loi.

Il s’agit ici d’argent public, d’aménagement, d’accessibilité bancaire, des collaborateurs de La Poste, de l’avenir de nos territoires, de la France et de l’une de nos plus grandes entreprises publiques. Madame la ministre, vous l’avez compris, à quand une loi postale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président de la Commission supérieure du numérique et des postes, nous nous faisons confiance, et nous faisons confiance à La Poste pour continuer d’honorer ses missions essentielles !

Cependant, j’ai été gênée par l’idée, évoquée dans votre intervention, selon laquelle, parce que nous aurions trouvé une solution pragmatique de ce type pour faire face à une situation que je qualifierai, comme vous, de dégradée, les boîtes jaunes cesseront de fonctionner au 1er janvier 2026, faute d’une loi postale !

Vous savez que ce n’est pas le sujet. Qu’une loi soit nécessaire, à terme, pour aborder les défis structurels de La Poste et préparer son avenir, cela ne fait aucun doute. Mais non, il n’existe pas un texte caché dans un carton à Bercy que le Gouvernement ne révélerait qu’au dernier moment. Nous ne craignons pas non plus de vous présenter une telle loi !

Ce gouvernement exerce ses responsabilités depuis le 23 décembre 2024. Nous avons consacré les deux premiers mois à bâtir un budget. Ce budget a été promulgué le 28 février dernier, autrement dit il y a tout juste trois mois.

Nous avions le projet de déposer un amendement à l’Assemblée nationale, via notamment le soutien de M. Stéphane Travert. Pour des raisons légistiques complexes que je n’aurai pas la prétention de vous exposer ici, à minuit dix-neuf, car elles dépasseraient l’entendement collectif, cela n’a pas abouti.

Aujourd’hui, notre responsabilité consiste à passer outre et à considérer que nous ferons une loi postale solide et complète le moment venu. Entretemps, assurons-nous qu’au 1er juillet La Poste sache précisément ce qu’elle devra faire à compter du 1er janvier afin que les boîtes jaunes ne disparaissent pas.

Telle est la voie, que nous n’avons pas choisie, mais que nous avons été tenus d’emprunter. Si nous devions nous heurter à une impossibilité constitutionnelle, juridique ou administrative, en raison du refus du Conseil d’État, du Conseil constitutionnel ou de toute autre instance, je vous garantis que nous trouverons le « trou de souris » législatif nécessaire. Mais je ne veux laisser penser à quiconque que les boîtes jaunes disparaîtront !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Michallet, pour la réplique.

M. Damien Michallet. Madame la ministre, nous nous accordons sur l’analyse, mais comprenez néanmoins la frustration du Parlement : cela fait plus de trois mois que nous demandons d’être des acteurs !

Cela étant, vous semblez avoir pris un engagement : celui de revenir devant nous, d’une manière ou d’une autre, pour rouvrir ce débat. C’est précisément ce que nous attendons, car il est absolument nécessaire de remettre ce sujet sur la table.

C’est tout le sens de mes propos. L’image des boîtes jaunes a fonctionné, car elle parle à chacun. Elle a suscité votre réaction – en cela, elle a été utile. Mais ce que nous souhaitons, collectivement, c’est bien une loi postale, un débat, un vote.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie la commission des affaires économiques pour l’organisation de ce débat que j’estime nécessaire. La question du service public postal mérite en effet toute notre attention.

En tant que fils de postier, je suis très profondément attaché à La Poste, comme nombre de sénateurs sur l’ensemble de ces travées, non seulement pour ce qu’elle a été, mais aussi pour ce qu’elle pourrait devenir.

Ce service public fait face à un défi immense : le recours au courrier papier continue de diminuer rapidement, ce qui fragilise le modèle économique du service postal. Dans le même temps, l’aide de l’État se réduit ou, du moins, ne répond pas à l’ampleur des besoins.

Nous nous retrouvons face à une équation très difficile : volumes et recettes sont en décrue, tandis que les missions, elles, restent à un niveau égal, voire progressent.

Alors, que faire ? Il faut regarder la réalité en face et accepter qu’une simple augmentation des compensations publiques ne peut pas constituer, à elle seule, une réponse durable. La Cour des comptes l’a clairement souligné dans son rapport de mai 2023, dans lequel elle appelait, à raison, à une redéfinition en profondeur du cadre et du contenu des missions confiées à La Poste.

Il est donc impératif, madame la ministre, de conduire une réflexion aussi ambitieuse que lucide – et cela, dans un cadre démocratique clair, en y associant clairement le Parlement. Le temps presse.

La mission actuelle de La Poste en tant que prestataire du service universel postal arrive à son terme au 31 décembre 2025. Nous savons que le groupe peut encore s’appuyer sur ses compétences, sur ses infrastructures et, surtout, sur son ancrage territorial pour assurer des missions profondément humaines. Mais il faut lui redonner un cap et lui garantir des moyens adaptés.

La diversification des activités de La Poste est aujourd’hui une nécessité vitale. Des initiatives pertinentes ont déjà été lancées : portage de repas à domicile, visites aux aînés isolés ou encore accueil dans les maisons France Services.

Toutes ces missions répondent à un besoin réel des populations, notamment dans les zones rurales ou périurbaines. La Poste est souvent, hélas, le dernier service public de proximité encore présent dans ces territoires. Et c’est bien cela qu’il faut préserver.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas là d’un débat technique, mais d’une discussion de fond sur le rôle que nous voulons confier à La Poste dans les années à venir, sur les moyens que nous voulons lui accorder et sur la manière dont nous concevons le service public postal du XXIe siècle.

Madame la ministre, en tant que dernier orateur de ce débat, je vous le demande comme les précédents intervenants : quelle est la position du Gouvernement sur le projet de loi postale, tant attendu, qui sera prochainement présenté au Parlement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Vous êtes valeureux d’avoir assisté à ce débat jusqu’à son terme : je salue votre persévérance, et je vous remercie pour nos échanges.

Vous le voyez : le Gouvernement ne prévoit ni coup de rabot ni coup de Trafalgar. Au contraire, notre ambition est de donner au groupe La Poste, que les Français connaissent, valorisent et apprécient, les moyens de son ambition et de son développement, et ce dans un cadre transparent et démocratique.

Le moment viendra de réviser notre loi postale. Entretemps, trois échéances me semblent essentielles : la désignation du successeur du président du groupe, Philippe Wahl, que je remercie solennellement pour le travail qu’il a mené depuis douze ans ; le renouvellement du contrat de présence postale associant l’État, La Poste et l’AMF, qui a souhaité que sa révision n’intervienne que dans un délai supplémentaire d’un an ; enfin, le projet de loi postale.

Ces questions soulèvent des enjeux budgétaires, qui seront étudiés lors de l’examen du projet de loi de finances. Je me réjouis donc, à cette occasion, de revenir échanger avec vous sur le partage de l’effort budgétaire et sur les moyens à consacrer à cette mission d’importance dans notre vie quotidienne.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je salue l’ensemble de mes collègues qui sont restés jusqu’à la fin de ce débat.

Madame la ministre, je vous remercie pour votre présence et vos interventions, et pour la conscience dont vous avez fait preuve en répondant à chacun des sénateurs avec un souci de transparence, de vérité et de loyauté. Sachez que nous y sommes très sensibles. Jusqu’ici, les propos qui nous avaient été adressés sur le projet de loi postale étaient restés évasifs. En outre, nous n’étions pas certains de recevoir une ministre qui connaisse aussi bien le sujet dans le cadre de ce débat.

Il me semble que l’ensemble de mes collègues sont satisfaits de vos annonces, même si nous attendons désormais qu’elles se concrétisent.

Chacun a reconnu que ce débat sur l’avenir du groupe de La Poste, inscrit à l’ordre du jour par la commission des affaires économiques, était nécessaire et même incontournable. Je me réjouis donc qu’il ait eu lieu, bien que l’on puisse regretter qu’il se soit tenu à une heure si tardive, comme l’a dit Damien Michallet, et que les travées aient été aussi peu fournies.

D’ici au 25 juin prochain, la commission des affaires économiques aura à se prononcer sur la nomination du successeur de Philippe Wahl proposée par le Président de la République. Nous ferons preuve d’une grande attention lors de l’audition qui y sera consacrée, et plusieurs des questions que nous vous avons posées seront probablement soulevées à cette occasion.

À mon tour, je salue le travail colossal qu’a accompli Philippe Wahl. Les sénateurs issus de tous les groupes ont entretenu avec lui des relations de travail constructives, dans un climat de grande transparence, durant douze ans, afin de relever des défis majeurs. Alors que le recours au courrier papier diminuait drastiquement, M. Wahl a su internationaliser et diversifier les activités du groupe.

Chacun ici, en particulier Patrick Chaize et Damien Michallet, qui sont particulièrement impliqués sur ce sujet, a compris qu’une loi postale était attendue. Si nous en ignorons le calendrier, nous savons désormais que ce texte est selon vous nécessaire et que le Parlement ne sera pas contourné dans ce débat fondamental pour nos territoires, nos collectivités locales et l’ensemble de nos concitoyens. Je vous en remercie très sincèrement.

Plus que jamais, le Sénat restera mobilisé sur le devenir du groupe La Poste, auquel il reste particulièrement attaché. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir du groupe La Poste.

6

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 28 mai 2025 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Débat sur le thème « Terres rares et matériaux critiques : quel potentiel dans les territoires français et quelle stratégie pour renforcer notre approvisionnement ? » ;

Débat sur le thème « Quelle politique de protection et d’accompagnement des élèves dans les établissements scolaires, avec quelles modalités de contrôle ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 28 mai 2025, à zéro heure trente.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER