Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Conconne,
Mme Marie-Pierre Richer.
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J'appelle chacun de vous à rester attentif au respect des uns et des autres, mais aussi à celui du temps de parole.
proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)
M. Jean-Claude Tissot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'agriculture.
Ce qui s'est déroulé lundi à l'Assemblée nationale, madame la ministre, n'est pas digne de notre parlementarisme. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Paccaud lève les bras au ciel.)
N'ayant pas le courage d'assumer ses choix, le socle commun s'est joyeusement livré, dans une parfaite connivence avec le Rassemblement national, à un contournement des procédures législatives. Fuir le débat n'honore personne, et certainement pas les parlementaires ! (Marques d'assentiment sur les travées du groupe SER.)
Sans doute, madame la ministre, la pression était-elle trop forte : rappelons que le syndicat agricole majoritaire, non content d'avoir eu le privilège de rédiger lui-même la proposition de loi, s'est permis de venir, devant l'Assemblée nationale, mettre la pression sur les parlementaires !
Et permettez-moi de m'adresser aussi à vous, monsieur le Premier ministre. Contrairement à ce que vous avez affirmé hier, sur les ondes et dans les journaux, il n'y a pas besoin que vous nous expliquiez le texte : l'agriculture c'est mon métier, je sais de quoi je parle ; quant à ce texte, nous le comprenons parfaitement, et c'est bien pour cela que nous lui sommes farouchement opposés !
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
M. Jean-Claude Tissot. Nous disons non à l'assouplissement de l'usage des pesticides ! Non à la réintroduction des néonicotinoïdes ! Non à la normalisation des mégabassines et des fermes-usines !
L'allégement des contraintes n'est ici qu'un élément de langage servant à faire passer avant tout les intérêts court-termistes d'une agriculture chimique, intensive et passéiste. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous nous répétez sans cesse, madame la ministre, que ce texte est attendu par le monde agricole. C'est faux et archifaux : c'est mon monde, et je n'attends pas un tel texte ! Il est uniquement attendu par les syndicats libéraux, droitiers, conservateurs, voire réactionnaires. (Mêmes mouvements. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le débat ne doit pas être seulement entre agriculteurs : il doit être ouvert, et toute la société doit y prendre part.
Madame la ministre, cessez de regarder ailleurs quand la communauté scientifique est unanime, quand mille chercheurs et médecins nous alertent sur les dangers de cette proposition de loi.
Ayons collectivement de l'ambition, et cessons d'aligner les normes sanitaires et environnementales à la baisse ! Oui, il faut simplifier, c'est indispensable, mais simplification ne doit pas rimer avec régression.
Alors, madame la ministre, quand allez-vous entendre le monde paysan dans son ensemble, tous les paysans ? Quand allez-vous entendre la société dans son ensemble, tous les citoyens ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
À défaut de débattre devant la représentation nationale, ayez au moins ce courage, madame la ministre !
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Claude Tissot. Entendez les agriculteurs bio ! Entendez les apiculteurs ! Entendez les Français qui ne veulent plus de pesticides ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Jean-Claude Tissot, vous évoquez l'adoption par une majorité de députés, ce lundi, de la motion de rejet de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. Vous avez un regard de sénateur.
M. Jean-Claude Tissot. Et de paysan !
Mme Annie Genevard, ministre. J'aimerais que vous regardiez ce qu'il s'est passé à l'Assemblée nationale, où près de 3 500 amendements avaient été déposés sur ce texte, ce qui aurait empêché d'aller jusqu'au vote. Là est le scandale démocratique, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Vous avez refusé le débat !
Mme Annie Genevard, ministre. Le débat, j'aurais aimé qu'il ait lieu, mais nous nous sommes heurtés à une pile d'amendements à notre arrivée en séance. Cela faisait des semaines que nous nous préparions au débat, et nous l'aurions conduit avec beaucoup de conviction. Alors, je vous en prie, pas de procès d'intention à l'égard du Gouvernement !
Je respecte la voix des parlementaires. (Rires sur les travées du groupe SER.) Ils en ont décidé ainsi, après soixante-dix heures de débats en commission ; le débat reprendra en commission mixte paritaire et lors de la lecture de ses conclusions par les assemblées.
J'en viens au fond du texte. (Ah ! sur les travées du groupe SER.) Monsieur le sénateur, vous avez assisté aux débats qui se sont déroulés dans cet hémicycle, débats auxquels vous avez d'ailleurs longuement contribué – je vous en remercie –, et vous avez pu constater d'où nous sommes partis et où nous sommes arrivés, ici même.
M. Yannick Jadot. Justement !
Mme Annie Genevard, ministre. Nous avons travaillé sur ce texte avec le ministère de la transition écologique,…
M. Guy Benarroche. Avec la FNSEA, plutôt !
Mme Annie Genevard, ministre. … et nous sommes tombés d'accord sur à peu près – je dis bien : à peu près – tous les articles, à l'exception de l'article 2. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)
En tout état de cause, c'est la position du Gouvernement que je défends, et c'est en son nom que je me suis toujours exprimée. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Vous opposez les modes de production ; vous opposez les paysans entre eux. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Ce ne sera jamais ma philosophie ! C'est peut-être la vôtre, elle vous appartient, mais je crois que c'est une impasse. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP. – MM. Bernard Buis, Henri Cabanel et Bernard Fialaire applaudissent également. – Vives protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
annonces budgétaires du premier ministre
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Pierre Barros. Monsieur le Premier ministre, dans votre dernière intervention télévisée, au sujet de l'effort que vous demandez aux Français pour trouver vos 40 milliards d'euros d'économies, vous avez déclaré : « Je ne ciblerai pas une catégorie de Français à l'exclusion des autres. »
Sur le terrain, pourtant, nous constatons que vous ciblez, encore une fois, les collectivités locales et leurs habitants les moins riches.
Lors de la construction du budget 2025, par exemple, vous avez diminué les crédits alloués à la politique de la ville.
Il y a une semaine, à quelques jours de l'été, nous avons apprécié avec amertume la mise en œuvre de vos choix politiques. Ils s'expriment notamment, dans nos quartiers prioritaires, par une réduction de 30 % des fonds consacrés aux opérations Quartiers d'été, à destination de notre jeunesse. À croire que le Gouvernement n'a rien retenu de ce qui a conduit aux émeutes de 2023 !
On comprend mieux pourquoi le comité interministériel des villes a sans cesse été reporté – peut-être se réunira-t-il au début de juin – et pourquoi la récente conférence financière des territoires a fraîchement accueilli vos propositions.
Il est en effet difficile de justifier une telle décision auprès des élus locaux sans que ces derniers se sentent, à nouveau, abandonnés.
Je n'ose citer ici les retours que j'ai reçus concernant les dossiers de subventions liés aux récentes catastrophes naturelles : nous notons que la participation de l'État n'atteint pas même 20 % des coûts nécessaires de la reconstruction. Qui va donc payer ?
De même, que dire de votre idée de TVA sociale pour refinancer la sécurité sociale ? À l'heure où les Français font déjà des efforts majeurs pour survivre dans un contexte économique des plus moroses, vous estimez qu'il leur faut contribuer encore davantage par le biais d'une TVA sociale, l'un des impôts les plus injustes, puisque les moins riches y contribuent plus que les autres.
Monsieur le Premier ministre, voici donc ma question : vous dites souhaiter une prise de conscience des Français, à l'heure où nos collectivités et leurs habitants les moins riches sont les cibles de vos coupes budgétaires, mais de quelle prise de conscience parlez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, la prise de conscience, c'est d'abord reconnaître que, collectivement, nous paierons bientôt plus pour la charge des intérêts de la dette que pour des politiques profitant à nos enfants, à leur éducation.
M. Franck Montaugé. C'est de votre faute !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La prise de conscience, c'est admettre que notre souveraineté géopolitique, en tant qu'État, est indissociable de notre souveraineté financière.
La prise de conscience, c'est affirmer que tous les Français sont concernés par nos comptes publics, puisque tous les Français sont liés par les finances publiques. Ils en sont à la fois tous contribuables et tous bénéficiaires : tous bénéficiaires de notre sécurité sociale, pour nous soigner ; tous bénéficiaires de l'éducation nationale, pour éduquer nos enfants ;…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et heureusement !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. … tous bénéficiaires de la protection de nos armées, pour la défense de notre territoire ; tous bénéficiaires, enfin, des investissements consentis pour la transition écologique.
Nous avons donc tous intérêt à ce que nos services publics fonctionnent mieux ; nous avons tous intérêt à ce que chaque euro d'argent public soit employé là où il est le plus utile et non là où l'on a l'habitude de trouver de l'argent public ; nous avons tous intérêt à ce que notre dépense n'augmente pas plus vite que notre croissance.
Bref, nous avons tous intérêt à ce que nos comptes publics soient des comptes solides, qui nous permettent d'envisager l'avenir avec des marges de manœuvre, qui permettent à notre nation, à notre démocratie, de vivre et à vous, ses parlementaires, de faire des choix qui ne soient pas contraints.
Vous avez évoqué le sujet des collectivités locales. L'objectif que je partage avec le Premier ministre est simple. Les communes vivent sur des mandats de six ans ; l'État, lui, est contraint par l'annualité de son budget. Nous ne pouvons pas travailler ainsi, car cela est source de frustrations, d'incompréhensions et de beaucoup d'inefficacité. Nous devons aux élus locaux de la prévisibilité ; nous devons tous, et eux aussi, être en mesure de contribuer pleinement à cet effort national.
Nous n'opposons pas les Français entre eux, mais nous voulons retrouver de la confiance. Pour cela, il faut de la transparence, il faut dire où nous en sommes et où nous allons. Où nous allons, c'est fort simple : c'est arrêter de faire augmenter notre dette et les charges d'intérêts qui lui sont liées. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Cécile Cukierman. Mais vous ne réclamez pas la même chose à tous les Français !
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour la réplique.
M. Pierre Barros. Madame la ministre, pardonnez-moi, mais c'est à vous de prendre conscience de la réalité de ce que vivent les collectivités.
Certes, il faut trouver de nouvelles recettes, mais cela ne peut pas se faire sur le dos de celles et ceux qui savent équilibrer leur budget et se serrent déjà la ceinture.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Pierre Barros. La situation financière de la France, c'est votre bilan, vos choix politiques, votre responsabilité, et non pas celle des collectivités ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Agnès Canayer et M. Michel Savin applaudissent également.)
situation des comptes sociaux
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Madame la ministre, la Cour des comptes dénonce une croissance « hors de contrôle » des dépenses de l'assurance maladie, qui a connu un déficit de quelque 14 milliards d'euros en 2024. La Cour s'inquiète d'autant plus que le déficit de la sécurité sociale devrait atteindre 22 milliards d'euros en 2025.
Plus grave et périlleux encore, la Cour nous alerte sur un risque de défaut de paiement de la sécurité sociale dès 2027 si nous ne réalisons pas rapidement des économies.
L'année 2025 sera d'ailleurs le « point de bascule », dit-elle, le déficit devenant supérieur à la capacité annuelle de financement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
Prolonger la Cades au-delà de 2033 « ne résoudrait pas le problème de fond », assure la Cour. Cela supposerait d'adopter une loi organique, qui doit être votée dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale et au Sénat, autant dire une gageure !
Des économies sont donc indispensables. Pour les retraites, nos espoirs reposent sur le « conclave » des partenaires sociaux. Pour l'assurance maladie, des pistes d'économies existent, telles qu'une lutte plus ardente contre la fraude sociale…
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
Mme Cécile Cukierman. Et la fraude fiscale ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … et une réduction drastique des actes médicaux inutiles ou redondants ; cela pourrait rapporter une vingtaine de milliards d'euros en trois ou quatre ans.
Pour ce qui est des recettes, notre groupe a toujours souhaité taxer les importations : c'est la fameuse TVA dite sociale, qui permet en échange de baisser les cotisations sur le travail et ainsi d'augmenter les salaires.
Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour répondre à l'alerte de la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, il y a quelque chose que nous n'avons pas vraiment essayé, ou, à tout le moins, où nous n'avons pas tout essayé : c'est le travail. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Jacques Grosperrin. C'est du Sarko !
M. Yannick Jadot. Au boulot !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et augmenter les salaires, non ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Si nous avions le même taux d'emploi des jeunes que nos amis allemands, si nous avions le même taux d'emploi des seniors, à l'instant même, ce sont 25 milliards d'euros de cotisations supplémentaires qui rentreraient directement dans les caisses de la sécurité sociale.
Pourquoi commencer ma réponse ainsi ? Évidemment, avec Catherine Vautrin et tout le Gouvernement, nous allons chercher des pistes d'efficacité. Évidemment, nous allons lutter contre la fraude et le gaspillage. Mais, pour trouver des recettes, avant de chercher à taxer et à imposer, nous devons poursuivre la seule chose qui nous mettra tous à l'abri des temps difficiles, celle qui permettra de continuer à protéger tous les Français comme la sécurité sociale le fait depuis 1945. La meilleure des protections, le meilleur des financements, c'est le travail !
Or, dans notre pays, si ceux qui travaillent ne travaillent pas moins qu'ailleurs, en revanche, nous y sommes moins nombreux à travailler.
Derrière ma réponse, il y a le désarroi des jeunes, qui mettent deux ans de plus qu'ailleurs à trouver un emploi. Derrière ma réponse, il y a le désarroi des seniors, comme on les appelle, qui se font refouler parce qu'ils seraient trop vieux, parce qu'ils sauraient trop de choses, parce qu'ils pourraient trop transmettre et parce que, à en croire certains, ils coûteraient trop cher.
Cette réponse, je ne la fais pas par élégance, ou parce que nous voudrions éviter les sujets qui fâchent, mais précisément parce que c'est là qu'est le cœur de notre problème : nous avons 20 % de PIB par habitant de moins que partout ailleurs, alors que nous avons des entrepreneurs de talent…
Mme Cécile Cukierman. Il faudrait en parler au patronat !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. … et des innovateurs de talent, alors que nous exportons dans le monde entier des biens de très grande qualité.
Mais si nous n'arrivons pas à donner à tous les Français qui le souhaitent un emploi stable et bien payé, nous ne parlerons que de déficit et jamais de réussite ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
protection de la biodiversité et lutte contre les pesticides
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la ministre de la transition écologique, je ne reviendrai pas sur la basse manœuvre politique à laquelle on a assisté lundi dernier à l'Assemblée nationale. C'est du jamais vu ! Ce summum de la stratégie politicienne ne peut qu'alimenter la défiance envers le politique.
Je m'attacherai plutôt aux enjeux de la proposition de loi en question, qui sera discutée en commission mixte paritaire, à l'abri des regards et de la démocratie, loin des enjeux de santé publique, loin des enjeux de biodiversité.
Ce qui en ressortira ne fait guère de doute : ce sera un texte peu différent de celui qu'a adopté le Sénat, un texte qui subordonne la protection de la biodiversité et la santé publique aux intérêts économiques de court terme.
Ce texte est un condensé de propositions émanant d'un obscurantisme crasse ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il détricote méthodiquement des avancées environnementales. Dans ce texte, une agence, après d'autres, est visée : l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), une agence indépendante dont l'expertise fait référence.
Madame la ministre les reculs de votre gouvernement sont constants et dramatiques ; les coûts associés seront colossaux.
C'est la santé qui est altérée, en premier lieu celle des agriculteurs, qui continueront de subir de nombreuses maladies professionnelles : Parkinson, Alzheimer, lymphomes, cancer de la prostate, etc.
Mais les conséquences ne se limitent pas aux agriculteurs : les cancers pédiatriques explosent, ils sont devenus la deuxième cause de mortalité des enfants. Ces pollutions agricoles, associées à celles d'autres secteurs, conduisent à une pollution diffuse généralisée.
Réautoriser l'acétamipride se paiera au prix fort. Comme pour le chlordécone, nous chercherons demain les responsables.
Alors, madame la ministre, que répondez-vous aux Français qui nous regardent, à ceux qui assistent atterrés à ce passage en force, à tous ces Français – 83 % d'entre eux – qui craignent le retour sur le marché de ce neurotoxique du développement, que vous avez dénoncé vous-même il y a quelques mois ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Salmon, je voudrais d'abord rappeler, à la suite de ma collègue Annie Genevard, que cette proposition de loi a été retravaillée au Sénat, mais aussi avec le ministère de la transition écologique.
Vous connaissez mes préventions sur un article de ce texte, l'article 2, mais sur tous les autres articles, je peux admettre les propositions qui sont faites… (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Pas vous !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … parce que j'y ai travaillé, parce que j'ai fait évoluer le texte, à ma manière, et parce que je n'ai pas refusé le débat démocratique.
Or il me semble que, tant tactiquement que démocratiquement, la position qu'a adoptée le groupe écologiste à l'Assemblée nationale a finalement coûté beaucoup de points de vue à ceux qui auraient voulu améliorer ce texte. En effet, en faisant le choix de l'obstruction, vos homologues en ont empêché l'examen, et donc l'amélioration. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. C'est trop facile !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le droit, si je ne me trompe, nous apprend que l'on ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! (Rires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Essayons maintenant de dézoomer quelque peu, pour examiner les objectifs de ce texte, mais aussi la politique que nous menons en matière de produits phytosanitaires.
Je veux rappeler plusieurs éléments importants.
Le Gouvernement, vous le savez, a adopté un plan Écophyto, qu'il continue de soutenir. Ce plan vise à réduire de 50 % les usages de produits phytosanitaires et les risques associés. C'est une réalité ! À ce plan sont associés plus de 300 millions d'euros de financement destiné à chercher des alternatives à ce produit.
Les chiffres sont clairs : le recours au biocontrôle a bondi de 30 % ces dernières années. Le Nodu (nombre de doses unité), qui n'est certes pas l'indicateur que nous utilisons dans le plan Écophyto, mais qui a été présenté comme incontournable, a baissé l'année dernière.
Regardons donc ces chiffres, plutôt que de zoomer sur les difficultés que nous pouvons avoir ! Vous connaissez mes préventions sur l'acétamipride (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) ; vous connaissez aussi la position commune que nous avons sur l'Anses.
M. Yannick Jadot. Et alors ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le texte en question n'est pas encore voté. Je compte sur votre soutien en commission mixte paritaire. Mais, en refusant le débat, vous avez abandonné le terrain à tous ceux qui voudraient revenir en arrière sur ces principes. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, vous savez pertinemment que cette proposition de loi est un contresens historique. De tels textes, fondés sur un prétendu bon sens, sont des insultes à la science, vous le savez parfaitement ! La politique doit se faire non pas rue de La Baume, mais entre les différents ministères, en prenant en considération la santé des Français et l'intérêt général, et non les intérêts particuliers. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
sabotages électriques dans les alpes-maritimes
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Un pylône scié à Villeneuve-Loubet ; un incendie sur un poste électrique à Tanneron ; un autre incendie sur un transformateur à Nice. Le bilan : 200 000 foyers privés d'électricité sur la Côte d'Azur !
Il est temps, désormais, de nommer les choses : ce ne sont pas de simples dégradations ; ce sont des actes de sabotage, revendiqués par un groupuscule anarchiste d'extrême gauche.
L'objectif était de perturber le Festival de Cannes, premier festival culturel au monde, de priver de courant Thales Alenia Space, fleuron français et mondial de l'ingénierie satellitaire, de déstabiliser les entreprises de la French Tech, de bloquer l'aéroport – bref, de semer le chaos !
Je veux saluer la réactivité de tous ceux qui se sont mobilisés, notamment nos forces de sécurité et nos élus locaux, et ont su répondre immédiatement à ces attaques.
Monsieur le ministre, nous devons agir avec force et détermination pour arrêter ces activistes dangereux.
Ma question est donc simple : au-delà de l'enquête en cours, comment le Gouvernement compte-t-il mettre hors d'état de nuire ces dangers pour la République, alors que la France, particulièrement dans mon département des Alpes-Maritimes, accueille les plus grands événements du monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Alexandra Borchio Fontimp, vous avez rappelé en quelques mots les conditions dans lesquelles plus de 240 000 personnes ont été privées d'électricité pendant plusieurs heures – 45 000 dans le massif du Tanneron, dans le Var, 160 000 autour de Villeneuve-Loubet, dans les Alpes-Maritimes, 45 000, enfin, à Nice.
Beaucoup de foyers ont donc été privés d'électricité, mais aussi des hôpitaux et d'autres services de santé, ce qui a suscité des risques de mise en danger de nombreuses personnes, jusqu'à des risques de décès. Voilà les conséquences réelles de ce qui s'est passé cette semaine !
Il est parfaitement établi que les responsables de ces sabotages sont des mouvements d'extrême gauche, anarchistes ; chacun comprend qu'ils ont agi de façon militante, mais en prenant le risque d'occasionner des désordres majeurs.
Les services de police se sont bien sûr immédiatement mobilisés, les enquêtes sont en cours ; les personnes en cause n'ont pas encore été arrêtées, mais nous espérons évidemment qu'elles le seront le plus rapidement possible.
D'ores et déjà, le ministre d'État Bruno Retailleau a décidé de densifier les patrouilles afin de porter une attention particulière à la surveillance des sites du réseau électrique, dans votre territoire, mais aussi partout ailleurs. Le contact a été immédiatement pris avec les responsables et les acteurs du secteur pour améliorer la sécurisation des infrastructures électriques, enjeu extrêmement important ; ils ont été reçus dès mardi place Beauvau.
Pour la suite, au-delà de l'action immédiate, nous devons nous préparer à renforcer la protection de ces lieux absolument stratégiques, par un travail de moyen et long termes. Auparavant, il faudra une action majeure de renseignement, mais aussi policière et judiciaire. Vous avez rappelé que se tiendra dans quelques jours un sommet extrêmement important à Nice. Sa protection est absolument essentielle pour nous, tout comme l'est celle de l'ensemble de la population, dont la sécurité doit être garantie au quotidien.
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour la réplique.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le ministre, depuis 2020, on recense 150 actions de sabotage par an ! Ce sont autant d'actions violentes qui pourrissent la vie de nos concitoyens, mettent en difficulté nos entreprises, ternissent l'image de la France et coûtent de l'argent à tous les contribuables.
Je veux redire ma solidarité avec les personnes les plus vulnérables, qui ont été les premières victimes de ce sabotage, parmi lesquelles on trouve des enfants malades qui ont vu leur radiothérapie annulée. Ce sont les plus fragiles qui ont fait les frais de cette folie « antitech » !
Monsieur le ministre, il s'agit ni plus ni moins d'une forme de terrorisme : un terrorisme idéologique, structuré et dirigé contre des infrastructures essentielles, qui met en danger la population.