Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Nicole Duranton, la spirale de brutalité et de violence déclenchée par le massacre antisémite du 7 octobre doit prendre fin au plus vite. C'est pourquoi la France appelle à un cessez-le-feu immédiat…

Mme Cathy Apourceau-Poly. On est tous d'accord, c'est un génocide.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … et à la libération de tous les otages du Hamas, lequel doit être désarmé – j'y reviendrai. Mais force est de constater que les décisions récentes du gouvernement israélien ne vont pas dans ce sens.

Le bombardement des infrastructures civiles n'a pas permis la libération des otages. La décision de créer vingt-deux nouvelles colonies en Cisjordanie justifie le choix du Hamas de ne pas déposer les armes, ou en tout cas lui sert de prétexte. Quant au nouveau système de distribution militarisée de l'aide humanitaire, qui devait éviter les détournements, il a tourné au fiasco, provoquant des cohues…

M. Rachid Temal. Et des morts !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … et des violences meurtrières.

Il faut rappeler au gouvernement israélien que cette attitude et ces décisions hypothèquent la sécurité du peuple israélien, à laquelle la France est indéfectiblement attachée, mais aussi, désormais, la cohésion même de la société israélienne, puisque – vous l'avez dit – ce sont deux anciens Premiers ministres israéliens, Ehud Barak et Ehud Olmert, qui, ces jours-ci, parlent de « guerre illégitime » et de « guerre de dévastation ».

Il est donc temps de cesser le feu et de choisir le seul chemin conduisant durablement à la paix et à la stabilité dans la région, qui est le chemin d'une solution politique.

C'est dans ce contexte que nous sommes déterminés à reconnaître l'État de Palestine, pour créer les conditions de l'existence de cet État. Et nous voulons que cette décision, que la France pourrait prendre dans quelques jours, serve de force d'entraînement pour amener toutes les parties prenantes, à commencer par l'Autorité palestinienne et par les pays arabes de la région, à faire mouvement et à accompagner cet effort visant à retirer tous les obstacles sur la voie qui mène vers l'existence de cet État de Palestine.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Parmi les conditions qui doivent être réunies, il y a évidemment le désarmement du Hamas : celui-ci ne saurait en aucun cas et d'aucune manière participer à la gouvernance à venir de la Palestine. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

situation de la psychiatrie et de la santé mentale en france

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Corinne Bourcier. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Monsieur le ministre, la psychiatrie va mal. Dans le Maine-et-Loire comme dans beaucoup d'autres départements, la situation est extrêmement difficile à cet égard : les services d'urgence sont saturés et ne sont plus en mesure d'assurer la prise en charge dont les patients ont besoin.

Au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers, certains malades, y compris ceux qui présentent des idées suicidaires, restent parfois plus d'une semaine au service d'accueil des urgences dans l'attente d'une place en psychiatrie. C'est inacceptable pour eux, mais aussi pour le personnel soignant, pourtant très dévoué. L'établissement a déjà vu le nombre de passages en psychiatrie augmenter de plus de 30 % l'année dernière.

Le centre de santé mentale angevin a quant à lui enregistré un taux d'occupation de plus de 101 % en 2024. Il fonctionne en sous-effectif, car 18 % des postes de psychiatre sont vacants.

L'hôpital de Cholet est lui aussi en grande difficulté, avec seulement cinq psychiatres en exercice à temps partiel. La pénurie de médecins généralistes dans ce territoire a aggravé la pression déjà très importante sur les urgences. L'établissement a dû fermer ses urgences psychiatriques en 2023 à cause du départ de plusieurs psychiatres. Le service s'organise pour faire beaucoup avec peu.

À cette situation s'ajoute la pénurie qui touche plusieurs psychotropes, indispensables à l'équilibre de nombreux patients. La consommation de psychotropes chez les plus jeunes est particulièrement préoccupante. En 2023, ce sont 936 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans qui ont bénéficié du remboursement d'au moins un psychotrope, soit 18 % de plus qu'en 2019.

Monsieur le ministre, nous sommes aujourd'hui le 4 juin. Alors que la santé mentale a été déclarée grande cause nationale en 2025, qu'a-t-il été fait concrètement en faveur de la psychiatrie et pour la santé mentale ? Et quelles actions prévoyez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et GEST – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, la santé mentale est la grande cause nationale 2025, et nous souhaitons tous que cette grande cause ne reste pas un simple slogan. Il nous faut donc agir maintenant ; c'est tout le sens de l'action que je compte mener.

Une première phase a eu lieu : la déstigmatisation. Elle est en passe d'être réussie, grâce notamment au coming out de certaines personnalités ayant révélé, par exemple, leur bipolarité.

Maintenant, je l'ai dit, il faut agir.

Le 11 juin prochain, je dévoilerai la feuille de route que j'entends mettre en œuvre pour améliorer la santé mentale en France, en déclinant l'ensemble des mesures. Je ne vous livrerai pas le détail du plan aujourd'hui, mais je peux d'ores et déjà mentionner un certain nombre d'actions, notamment celles que je mènerai avec Élisabeth Borne dans le domaine de la santé scolaire : il faut faire à la fois un énorme travail de dépistage des pathologies et, une fois cette première tâche accomplie, d'inscription dans des parcours de soins.

Il faut naturellement ouvrir le chantier – vous l'avez évoqué – de la prise en charge par les urgences psychiatriques, puisque 40 % des entrées dans la maladie se font par ce biais – c'est extrêmement important.

Pour cela, il faut plus de professionnels de santé et plus de lits disponibles. C'est pourquoi un plan d'accompagnement des ressources humaines est prévu.

Quant à la pénurie de médicaments, elle fera l'objet d'une intervention de ma part au Luxembourg le mois prochain, lors de la réunion du Conseil de l'Union européenne sur le paquet pharmaceutique. Au-delà du règlement de la situation de pénurie, qui est dramatique, il y a un enjeu de souveraineté sanitaire et de production de principes actifs dans notre pays.

Enfin, pour ce qui concerne la consommation de psychotropes, vous m'avez accompagné lors de ma visite au CHU d'Angers et vous avez pu constater que les équipes étaient particulièrement mobilisées, avec des applications numériques destinées au jeune public. La ministre des sports et moi-même nous sommes rendus à Clamart, dans une maison de sport-santé adossée à un hôpital psychiatrique…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. … et nous avons pu mesurer combien la pratique du sport pouvait faire diminuer de façon significative la consommation de psychotropes. Donc, rendez-vous le 11 juin prochain ! (Mme Frédérique Puissat et M. Alain Milon applaudissent.)

assassinat de hichem miraoui

Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

M. André Guiol. Monsieur le ministre de l'intérieur, j'ai mal à mon département !

Samedi dernier, à Puget-sur-Argens, à côté de Fréjus, dans le Var, Hichem Miraoui, coiffeur tunisien très apprécié, a été assassiné de cinq balles de revolver, tout simplement parce qu'il était maghrébin. L'assassin, mû par une haineuse idéologie, affichait un racisme décomplexé.

Cet événement dramatique et traumatisant est révélateur ; en effet, depuis des mois, une petite musique sournoise s'est installée dans notre pays. Elle se diffuse de façon insidieuse dans nos institutions, en boucle sur certains médias, sur nos réseaux, dans certaines associations, parmi nos politiques, dans nos écoles, bref, dans toute la population. Et, inévitablement, certains passent à l'acte, car, vous le savez, mes chers collègues, les propos insultants et dégradants tenus par des femmes et des hommes politiques deviennent des coups de couteau chez les colleurs d'affiches…

Dans le même temps, certains pays, dans le cadre d'une guerre hybride amorale, tentent de déstabiliser notre pays de liberté. Si le racisme est « un poison qui tue », monsieur le ministre d'État, faire son lit fait de nous des complices. Puisque Alexis de Tocqueville disait qu'en démocratie le peuple a le gouvernement qu'il mérite, ayons à l'esprit que les gouvernants ont l'obligation d'élever le peuple !

La majorité de nos concitoyens n'aspirent pas à la division et l'immense majorité des parlementaires, dont les membres du groupe du RDSE, ne cessent de défendre les valeurs chères à notre République, généreuses et fraternelles, une démarche indispensable à notre cohésion.

Face à cette situation particulièrement préoccupante, vous qui occupez une place prépondérante, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre ? Surtout, au-delà des mesures techniques, quelle attitude pensez-vous insuffler et quels propos allez-vous tenir en tant que ministre de l'intérieur pour permettre l'apaisement de notre pays et pour que cessent enfin ces assassinats racistes insupportables, d'où qu'ils viennent ? (Applaudissements sur les travées des groupes du RDSE, GEST, SER, CRCE-K, INDEP, RDPI et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, ce crime est, bien évidemment, beaucoup plus qu'un simple crime ; c'est un drame, une tragédie. Au moment où je vous réponds, j'ai une nouvelle pensée pour la victime, pour ses proches, pour sa famille, mais aussi pour la communauté tunisienne en France. J'ai d'ailleurs appelé dès lundi dernier mon homologue tunisien et je me suis rendu, le matin suivant, à l'ambassade de Tunisie afin de témoigner de notre soutien et d'exprimer la plus profonde désapprobation de l'ensemble du Gouvernement à l'égard de cet acte, de ce crime.

Ce crime, vous l'avez très bien décrit, était non seulement prémédité, mais il était également signé.

Il était d'abord prémédité, parce qu'il a été – on le voit bien au fur et à mesure que les informations sont révélées – minutieusement préparé.

Mais il était également signé. Il s'agit d'abord d'un crime raciste. On le voit dans les deux vidéos disponibles, celle qui a été tournée avant le crime et postée sur Facebook, et celle qui a été tournée après.

Il s'agit sans doute aussi d'un crime antimusulman ; je dis « sans doute » parce que c'est à l'autorité judiciaire, au parquet national antiterroriste (Pnat), qui s'est saisi de l'affaire, de faire tout l'éclairage sur cet acte, de le documenter.

Il s'agit probablement encore d'un crime à dimension terroriste, puisque – je le disais – le Pnat s'est saisi, et que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la sous-direction anti-terroriste (Sdat) sont chargées de l'enquête.

Enfin, permettez-moi d'ajouter une quatrième qualification : quand on prend connaissance au fil des jours des différentes informations qui nous sont transmises, on constate aussi qu'il s'agit d'un crime dont l'idéologie s'enracine dans l'ultradroite radicale, comme me l'a dit le procureur national.

C'est par conséquent un crime odieux, qui doit être sanctionné avec la plus extrême fermeté. Oui, je l'ai dit – vous m'avez cité –, et je le répète devant vous, le racisme est un poison, un poison qui peut tuer. Vous avez parlé de la France et de la République.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre d'État.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Selon moi, tout acte raciste est un acte anti-français, parce que la République ne connaît ni la couleur de la peau, ni l'origine, ni la religion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – MM. Jérôme Durain et Rachid Temal applaudissent également.)

assassinat de hichem miraoui

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Cinq semaines après le meurtre d'Aboubakar Cissé, un deuxième homicide à motivation raciste et antimusulmane a eu lieu, samedi dernier, dans le Var : Hichem Miraoui, Tunisien de 45 ans, a été tué par balles. Nous avons une pensée pour lui et pour sa famille. Nous saluons l'efficacité des forces de l'ordre pour l'interpellation de son meurtrier, admirateur sans borne du Rassemblement national et client ordinaire de la « fachosphère ».

Hier à l'Assemblée nationale et aujourd'hui encore devant nous, vous avez déclaré, monsieur le ministre d'État, que ce crime était prémédité, certainement raciste, sans doute antimusulman et peut-être de nature terroriste. Cette déclaration contraste nettement avec certains mots et certaines expressions employés au sein du Gouvernement – « submersion migratoire », par exemple –, qui contribuent à alimenter un climat délétère et une culture du soupçon.

M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?

M. Éric Kerrouche. Pour la première fois depuis sa création, le parquet national antiterroriste (Pnat) s'est saisi d'un meurtre possiblement inspiré par les idées de l'ultradroite.

Cette menace est bien réelle dans notre pays ; depuis 2017, au moins dix projets d'attentats liés à l'ultradroite ont été déjoués. En 2023, le directeur de la DGSI nous alertait sur la montée de cette menace, marquée par la banalisation de la violence et par une radicalisation idéologique néonazie, complotiste, raciste, « accélérationniste ».

Ces thèses sont notamment relayées par l'extrême droite et certains médias complaisants, et, comme souvent avec les mouvements radicaux, la propagande de l'ultradroite intervient majoritairement en ligne.

Monsieur le ministre d'État, ces mouvements menacent notre République, ils sont organisés. Quels leviers entendez-vous actionner pour les contrer et les éliminer ? À titre personnel, comptez-vous enfin vous inscrire dans une démarche de pacification du discours public ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – MM. Pierre Ouzoulias et Philippe Grosvalet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous répondrai avec la même franchise qu'à M. Guiol.

C'est un crime odieux. J'ai utilisé quatre termes pour le qualifier : raciste, c'est sûr ; antimusulman, c'est très probable ; terroriste, c'est vraisemblable ; et lié à l'ultradroite. Le parquet national antiterroriste a été saisi, au cours des dernières années, d'une vingtaine d'affaires et une quinzaine d'attentats s'enracinant dans l'idéologie de l'ultradroite radicale – je reprends la terminologie du Pnat lui-même – ont été déjoués.

En effet, il ne faut faire aucune concession avec de tels mouvements. J'espère pouvoir proposer au conseil des ministres, au cours des prochaines semaines, la dissolution d'un groupuscule lyonnais, Lyon populaire.

La démocratie, c'est le dissensus et j'accepte le débat – vous m'avez connu comme sénateur et nous avons souvent débattu l'un avec l'autre –, mais, si le débat public doit être serein, il ne doit pas non plus méconnaître la réalité. Lutter contre l'islamisme, par exemple, ce n'est pas lutter contre l'islam. Lutter contre l'islamisme, c'est lutter contre une idéologie politique qui n'a rien à voir avec une religion, avec la foi ; c'est de la politique ! Le pire des amalgames consisterait à affirmer que, quand on tape l'islamisme, on tape les musulmans.

J'ai eu l'occasion de le dire ici, les pays qui ont été les plus durs avec les Frères musulmans ne sont pas les démocraties occidentales, ce sont des pays arabes musulmans, le dernier en date étant la Jordanie. (M. Loïc Hervé opine.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. On peut avoir des désaccords, mais lorsque se produisent de tels événements, nous devons nous situer à une certaine hauteur et retrouver, au-delà des débats et des dissensus, qui sont naturels, une forme d'unité pour faire face à ces menaces, qui sont graves. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

financement des nouvelles places de prison

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains.

M. Étienne Blanc. Monsieur le garde des sceaux, depuis soixante-douze heures, vous vous interrogez, tout comme M. le ministre de l'intérieur, sur les sanctions prises à l'encontre de ceux qui ont commis des actes graves à la suite de la victoire du Paris-Saint-Germain. Vous partagez ces interrogations avec les Français, qui détectent une forme d'inadéquation entre la gravité des faits – voitures incendiées, magasins pillés, violences commises sur les forces de l'ordre et de sécurité civile, notamment les pompiers – et les sanctions prononcées.

Or, très rapidement, des syndicats de magistrats et des magistrats à titre individuel ont exprimé leur incapacité à prononcer des peines lourdes en raison de l'insuffisance de places de prison dans notre pays. Ils n'ont pas totalement tort. Le plan de 2018 du Président de la République, qui prévoyait 15 000 nouvelles places de prison pour 2027, n'a pas été respecté. On dit que cet objectif sera atteint en 2030 au mieux et certains experts parlent même de 2034.

Ma question sera donc simple, monsieur le garde des sceaux : quelles seront vos exigences dans la préparation du budget pour 2026 afin qu'il soit procédé à la construction de ces places de prison et que l'on rattrape enfin notre retard, qui nous met au ban des politiques européennes ?

Seconde question : ne croyez-vous pas qu'il serait temps d'adopter un texte vous permettant de vous affranchir des formalités administratives excessives – marchés publics, règles environnementales – qui s'appliquent aux établissements de détention, afin de pouvoir construire rapidement les établissements, comme cela s'est fait pour la cathédrale Notre-Dame, et répondre enfin à l'exigence de sécurité publique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Blanc, je suis parfaitement d'accord pour que l'on donne au ministère de la justice les moyens de construire des prisons bien plus rapidement. À ce jour, une fois le terrain viabilisé et si le maire concerné est d'accord, le ministère de la justice construit une prison en sept ans et la place de prison coûte 400 000 euros.

Cela dit, j'ai lancé un premier appel d'offres pour la construction de 3 000 places supplémentaires, le lauréat sera désigné au début du mois de juillet et les premières prisons seront livrées dès le mois d'octobre 2026. La construction aura donc pris – vous aurez fait le calcul – un an et demi, soit trois fois moins de temps qu'une prison normale. Il s'agit de prisons modulaires ; la première sera inaugurée à Troyes.

Ainsi, j'espère pouvoir construire 5 000 nouvelles places, non pas pour 2030 ou 2031, mais avant la fin du quinquennat du Président de la République afin de tenir la promesse des 15 000 nouvelles places : 5 000 ont déjà été construites, 5 000 sont en cours de construction et 5 000 n'étaient, en effet, pas encore prévues. Par conséquent, grâce à ces prisons modulaires, des prisons à taille humaine, plus rapides à construire et moins chères, nous pourrons avec le même budget, si Bercy et le Parlement l'acceptent, construire ces nouvelles places sans coût supplémentaire.

En revanche, je pense pour ma part, monsieur le sénateur, qu'il ne faut en aucun cas faire de régulation carcérale. Depuis mon arrivée au ministère de la justice, j'ai refusé toutes les mesures de réduction de peine, toutes les mesures de régulation carcérale qui m'avaient été proposées par mon administration. Ce faisant, je suis en désaccord avec beaucoup de syndicats et d'individus, et j'assume cette position de fermeté. Si l'on veut lutter contre la surpopulation carcérale, il faut construire des places de prison.

Toutefois, pour cela, il faut aussi que tous les élus jouent le jeu, monsieur le sénateur ! Actuellement, la construction de 700 places supplémentaires est bloquée dans les Yvelines, à Magnanville, et c'est également le cas à Noiseau, dans le Val-de-Marne, des parlementaires, notamment de votre groupe politique, m'écrivant pour me dissuader de construire ces établissements. Les prisons, aucun élu local n'en veut chez lui, mais tous réclament que, dans l'intérêt général, il y en ait ailleurs…

J'espère donc que la loi que vous me proposerez et que vous adopterez permettra également de passer outre l'avis des élus locaux, monsieur le sénateur… (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

emploi des seniors

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. La France détient le record européen du non-emploi des seniors : moins de 40 % des 60-64 ans occupent un emploi. Nous le savons, le premier frein, la première barrière à l'emploi, c'est l'âge, et cela démarre dès 50 ans, voire un peu plus tôt dans certains secteurs.

Après cette séance de questions d'actualité au Gouvernement, nous allons débattre de la transcription dans la loi de l'accord national interprofessionnel (ANI) signé par une partie des partenaires sociaux et faisant une place assez large à la question de l'emploi des seniors. À titre personnel, je trouve certains de ses aspects intéressants et d'autres plus gênants, mais en tout état de cause, le fléau est très important ; il n'y a qu'à entendre les gens qui perdent leur emploi après 50 ans et qui n'ont aucun espoir d'en retrouver un...

Aussi, monsieur le ministre, je voudrais savoir si, au-delà de cet accord, le Gouvernement compte fixer des objectifs aux employeurs. En effet, lorsque l'on traite de l'emploi des jeunes, on fixe bien des objectifs aux missions locales ; lorsque l'on parle de l'emploi en général, on fixe bien des objectifs à France Travail ; mais on ne fixe jamais d'objectifs aux employeurs. Or l'emploi des seniors ne dépend quasiment que de ces derniers. Les fondements vont donc être posés cet après-midi, mais comptez-vous aller au-delà, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Lubin, je vous réponds à la place d'Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail, qui est retenue à l'Assemblée nationale pour l'examen d'une motion de censure.

Vous évoquez l'emploi des seniors, un enjeu majeur de cohésion sociale et d'efficacité économique.

Rappelons quelques chiffres. Moins de 60 % des 55-64 ans et seulement 35 % des 60-64 ans ont actuellement un emploi. Ce sous-emploi massif est d'abord un gâchis humain, mais c'est aussi un gâchis économique, car nous nous privons ainsi de compétences, de savoir-faire et d'un potentiel de transmission important.

Le Gouvernement a lancé, le 29 avril dernier, une grande initiative intitulée Emploi des 50+, qui repose sur trois piliers : changer la loi, changer les regards et changer les pratiques.

Le premier pilier, changer la loi, est – vous l'avez dit – l'objet du projet de loi que le Sénat examine aujourd'hui et qui transpose l'accord national interprofessionnel signé en novembre dernier. Les axes concrets de cet accord résident dans la création d'un contrat de valorisation de l'expérience, dans un meilleur accès à la retraite progressive et dans le renforcement de l'entretien de mi-carrière.

Deuxième pilier : changer les regards. En effet, l'âge reste la première cause de discrimination. Une grande campagne nationale de communication sera lancée avec un objectif très clair : valoriser l'expérience et montrer que les plus de 50 ans sont un atout pour les entreprises.

Le dernier pilier réside dans le changement des pratiques. Aujourd'hui, plus de 2 000 entreprises et partenaires se mobilisent autour d'actions concrètes – forums, job dating, tables rondes – et un guide pratique a été élaboré avec la communauté « Les Entreprises s'engagent », qui est mis à disposition des entreprises. Ce guide donne des clefs simples et utiles pour recruter et maintenir dans l'emploi les salariés de plus de 50 ans.

Si vous souhaitez d'autres précisions, je transmettrai vos questions à Astrid Panosyan-Bouvet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous nous avez fait part de toutes les initiatives en la matière, qui sont toujours intéressantes dès lors qu'il s'agit de valoriser l'emploi des seniors. Toutefois, je le répète, il faut une mobilisation extrêmement importante des employeurs, ce qui exige d'aller au-delà du cadre, vers la fixation d'objectifs.

Je rappelle que, plus on vieillit en dehors de l'emploi, plus on a du mal à retrouver un emploi. J'espère donc que le Gouvernement et la majorité sénatoriale n'ont plus en tête l'intention d'allonger le temps de travail, donc d'exclure toujours plus de seniors de l'emploi et de les plonger dans la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

prolongation de l'accès rapide aux innovations thérapeutiques

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Alain Milon. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Monsieur le ministre, l'accès direct aux innovations thérapeutiques est une attente forte de nos concitoyens en situation d'impasse thérapeutique. Il constitue un enjeu d'attractivité pour notre pays.

C'est dans cet esprit que l'article 62 de la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, relatif à l'accès aux traitements innovants, permet la prise en charge anticipée, dès la publication de l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et sans attendre la fixation d'un prix, de certains médicaments présentant une amélioration du service médical rendu.

Cette expérimentation, qui doit s'achever en juillet 2025, a démontré son utilité pour plusieurs innovations, en réduisant les délais d'accès aux traitements pour les pathologies altérant fortement la qualité de vie des patients, avec un lourd fardeau psychosocial. Aux termes de la loi, un rapport du Gouvernement devait être remis au Parlement en mai 2025, afin d'évaluer les demandes déposées, les aires thérapeutiques concernées et la pertinence d'une éventuelle pérennisation de ce dispositif.

Le 20 mai dernier, devant la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat, la direction de la sécurité sociale (DSS) a indiqué que ce rapport serait remis à l'automne prochain, alors que vous-même aviez confirmé, en mars dernier devant la même instance, que vous en disposeriez en mai 2025.

Monsieur le ministre, l'avenir de ce mécanisme constitue un enjeu majeur pour les malades et pour notre système de santé. Pouvez-vous nous livrer un point d'avancement des travaux sur ce rapport ? Comptez-vous proposer, comme vous l'aviez suggéré et compte tenu des retours d'expérience positifs de l'ensemble des acteurs, la pérennisation de ce dispositif au-delà de l'échéance prévue, seule solution pertinente pour les patients français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)