Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

Secrétaires :

Mme Céline Brulin, M. Fabien Genet.

1. Questions d’actualité au Gouvernement

conditions d’adoption de la proposition de loi réformant le mode d’élection à paris, lyon et marseille

M. Ian Brossat ; M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement ; M. Ian Brossat.

violences à l’occasion de la finale de la coupe d’europe

Mme Isabelle Florennes ; M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Isabelle Florennes.

cohérence entre les choix économiques du gouvernement et les engagements de la france en matière environnementale

M. Ronan Dantec ; M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Ronan Dantec.

durcissement des sanctions pénales

Mme Muriel Jourda ; M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Muriel Jourda.

situation à gaza

Mme Nicole Duranton ; M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

situation de la psychiatrie et de la santé mentale en france

Mme Corinne Bourcier ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

assassinat de hichem miraoui (i)

M. André Guiol ; M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur.

assassinat de hichem miraoui (ii)

M. Éric Kerrouche ; M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur.

financement des nouvelles places de prison

M. Étienne Blanc ; M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

emploi des seniors

Mme Monique Lubin ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; Mme Monique Lubin.

prolongation de l’accès rapide aux innovations thérapeutiques

M. Alain Milon ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; M. Alain Milon.

situation des artisans pêcheurs

M. Paul Toussaint Parigi ; Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.

dégradations et actes antisémites

M. François Bonhomme ; M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. François Bonhomme.

pénuries de médicaments

Mme Émilienne Poumirol ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; Mme Émilienne Poumirol.

mesures prises à la suite du meurtre du jeune elias

Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

état des ponts routiers

Mme Brigitte Devésa ; M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, Mme Brigitte Devésa.

Suspension et reprise de la séance

2. Communication d’avis sur des projets de nomination

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Daniel Chasseing

Mme Laurence Muller-Bronn

M. Bernard Buis

Mme Guylène Pantel

M. Olivier Henno

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Monique Lubin

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 1 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 2 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 8 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 9 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Mme Monique Lubin

Amendement n° 21 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 3

Amendement n° 18 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° 22 rectifié de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Article 4

Amendement n° 3 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 10 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 16 de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° 12 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 11 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendements identiques nos 6 de Mme Cathy Apourceau-Poly et 15 de Mme Monique Lubin. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 19 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendements identiques nos 4 de Mme Cathy Apourceau-Poly, 14 de Mme Raymonde Poncet Monge et 17 de Mme Monique Lubin. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 23 rectifié de la commission. – Adoption.

Amendement n° 20 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 13 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Articles 5 à 10 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Monique Lubin

M. Daniel Chasseing

Mme Raymonde Poncet Monge

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Céline Brulin,

M. Fabien Genet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions d’actualité au Gouvernement

Mme la présidente. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’indique que M. le président du Sénat, Gérard Larcher, ne peut présider notre séance, car il participe à Varsovie, à l’invitation de Mme Malgorzata Kidawa-Blonska, présidente du Sénat polonais, à la réunion des Sénats de Pologne, d’Allemagne et de France en format « triangle de Weimar », aux côtés de nos collègues Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et Gisèle Jourda, vice-présidente de la commission des affaires européennes.

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

conditions d’adoption de la proposition de loi réformant le mode d’élection à paris, lyon et marseille

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Ian Brossat. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Le Sénat était amené, hier, à se prononcer sur la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille. Cette proposition de loi a été très – très ! – massivement rejetée par le Sénat.

Les débats d’hier ont permis de démonter un à un tous les arguments avancés par les promoteurs de ce texte. Non, la proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille ne garantira pas le principe « un électeur, une voix », comme vous l’avez d’ailleurs reconnu avec honnêteté au cours des débats, monsieur le ministre, alors que tel était l’argument massue de ceux qui proposaient cette réforme.

Non, cette proposition de loi ne garantira pas le retour au droit commun, puisqu’elle prévoit une prime de 25 % pour la liste arrivée en tête, ce qui n’existe dans aucune autre commune de France.

Elle ne garantira pas non plus l’élection directe du maire à Paris, Lyon et Marseille, élection directe qui, du reste, n’existe dans aucune commune de France.

Bref, aucun des arguments avancés pour justifier ce texte ne tient la route. M. le Premier ministre, François Bayrou, le disait d’ailleurs ici même le 19 février dernier en réponse à une question de notre collègue Mathieu Darnaud : « Je n’imagine pas qu’un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu’un accord soit trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat. » (Mme Agnès Evren applaudit.)

Il va falloir vous y faire : il n’y aura pas d’accord sur ce texte, pour la simple et bonne raison que le Sénat a massivement considéré, hier, que cette proposition de loi était inamendable et qu’elle méritait d’être rejetée en bloc.

Ma question est donc simple : qu’attendez-vous pour ranger ce texte dans le placard dont il n’aurait jamais dû sortir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Brossat, il est possible d’être en désaccord – je l’ai rappelé hier – sans pour autant caricaturer les positions des uns et des autres !

Depuis que ce gouvernement est arrivé aux responsabilités, voilà quelques mois, on a entendu beaucoup de propos susceptibles de bousculer nos institutions. J’ai entendu parfois, sur les bancs de l’Assemblée nationale – heureusement, tel n’est pas le cas au Sénat –, assimiler certains usages de l’article 49.3 à des coups d’État et certaines motions de rejet préalable à des « 49.3 parlementaires ».

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas la question !

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Et, désormais, j’entends que convoquer une commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi réformant le mode d’élection à Paris, Lyon et Marseille serait un coup de force ! Tel n’est pas le cas. Une CMP, c’est précisément le lieu du compromis et du consensus, ce même compromis et ce même consensus qu’en l’espèce – vous l’avez rappelé à raison – le Premier ministre appelait de ses vœux.

M. Marc-Philippe Daubresse. Il y a des sincérités successives…

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Imaginons un instant qu’un texte soit largement adopté au Sénat, puis soit rejeté à l’Assemblée nationale.

M. Pascal Savoldelli. On n’est pas sur Netflix !

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Pourrait-on concevoir que les députés demandent que la CMP ne soit pas convoquée ? D’ailleurs, il n’y a même pas besoin d’imaginer un tel scénario : c’est ce qui s’est passé sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur des sénateurs Duplomb et Menonville. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie sexclame.) Et le Gouvernement va bel et bien convoquer, sur ce texte, une CMP.

Pour ce qui est du texte à propos duquel vous m’interrogez, l’Assemblée nationale comme le Sénat ont parfaitement identifié les sujets qui pouvaient faire l’objet de débats : la question de la prime majoritaire ; le cas spécifique de Lyon ; l’élection des conseillers métropolitains ; la désignation des grands électeurs de ces trois villes. (M. François Bonhomme sexclame.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué. C’est en CMP – nous l’espérons – que pourra être trouvé le chemin d’un compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Cécile Cukierman proteste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Monsieur le ministre, vous disiez, soutenant ce texte, qu’il s’agissait de lutter contre une forme d’anomalie démocratique.

L’anomalie démocratique, ce n’est pas le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille.

L’anomalie démocratique, c’est de vouloir imposer un tel texte, qui concerne les territoires, sans la chambre des territoires, contre la chambre des territoires et contre les élus concernés ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

violences à l’occasion de la finale de la coupe d’europe

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Isabelle Florennes. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

Après les violences insupportables perpétrées à l’issue de la victoire du PSG, je tiens à rendre hommage à toutes les victimes et à leurs familles, et particulièrement aux deux personnes décédées ainsi qu’aux policiers et gendarmes blessés. Je tiens aussi à saluer l’engagement de toutes nos forces de l’ordre, qui sont intervenues pour protéger nos concitoyens.

Ce déchaînement de violence a de quoi nous interpeller quand on le compare à la liesse populaire dont la Coupe du monde de 1998 avait été l’occasion. C’était il y a vingt-sept ans ; c’était un autre monde. Nous ne pouvons plus accepter de tels actes.

Les premières condamnations intervenues depuis ces événements dramatiques semblent marquées d’une extrême mansuétude : deux à huit mois de prison avec sursis, un stage de citoyenneté ou une simple amende de quelques centaines d’euros.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La justice est indépendante !

Mme Isabelle Florennes. Cette impression d’indulgence laxiste est choquante.

Face à cela, vous avez réagi en déclarant que les condamnations « ne sont plus à la hauteur de la violence que connaît notre pays ». Et pourtant, ces décisions sont à mettre en parallèle avec votre circulaire de politique pénale générale du 27 janvier dernier, dans laquelle vous appeliez déjà à plus de fermeté contre toutes les atteintes dont les représentants de nos institutions sont victimes.

Monsieur le garde des sceaux, comment concrètement comptez-vous rendre cette fermeté effective ? Vous l’avez dit, voilà qui ne peut passer que par la loi. Avez-vous aujourd’hui les moyens de faire évoluer radicalement ladite loi ? En outre, comment s’assurer que cette fermeté aura enfin un effet profondément dissuasif ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, à ne considérer que le ressort de la préfecture de police – il y a eu d’autres violences ailleurs sur le territoire national : je pense évidemment aux blessés graves de Grenoble, au policier blessé dans la Manche et placé dans le coma, au mort de Dax –, les services de M. le ministre de l’intérieur ont procédé à 600 interpellations. Sur ces 600 interpellations, on compte seulement 256 gardes à vue. Il y a donc déjà un écart très important entre le nombre d’interpellations et le nombre de gardes à vue par les policiers ou gendarmes.

Je rappelle que les questions de maintien de l’ordre sont sous l’autorité du préfet de police et du ministre de l’intérieur, et non sous l’autorité des procureurs de la République, laquelle ne s’exerce qu’à partir de la garde à vue. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie sexclame.)

Sur les 256 gardes à vue, il y a eu 82 classements sans suite, soit pour irrégularité de procédure soit pour absence d’infraction. Se pose en effet la question de l’infraction collective, que le Parlement doit concéder, me semble-t-il, au ministère de la justice et au ministère de l’intérieur, sachant que le droit pénal – vous le savez – est individuel. Une proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations avait été portée par MM. Retailleau et Castaner ; sa disposition phare avait été censurée par le Conseil constitutionnel.

Je souhaite que soit créée une infraction visant les attroupements collectifs et permettant aux services de police de qualifier les faits pour éviter les classements sans suite.

Pour ce qui concerne les violences sur lesquelles vous m’interrogez, madame la sénatrice, j’ajoute que 52 mineurs sont concernés. À ce propos, vous venez d’adopter une proposition de loi instaurant une procédure de comparution immédiate spécifique aux mineurs, mais elle n’a pas encore été validée par le Conseil constitutionnel.

Mes propositions sont assez simples.

Comme il y a des peines maximales dans le code pénal, je souhaite la création de peines minimales. La tâche est plus difficile encore que pour les peines planchers, qui ne concernaient que les cas de récidive : les peines minimales que j’ai en vue seraient applicables dès le premier acte.

Autre proposition simple : trois mois de prison ferme, à exécution immédiate, dès lors que l’on s’en prend à un représentant des forces de l’ordre. (M. Laurent Somon acquiesce.)

Je souhaite également mettre fin – je l’ai dit dès mon arrivée à la Chancellerie – à l’obligation d’aménager les peines de moins d’un an d’emprisonnement, c’est-à-dire de revenir sur une orientation qui fut partagée par l’ensemble des gouvernements précédents et par les gardes des sceaux successifs – M. Perben, Mme Dati, Mme Taubira, Mme Belloubet, M. Dupond-Moretti.

Je compte proposer au Parlement, sous l’autorité du Premier ministre, l’abrogation du principe de l’aménagement obligatoire dès lors qu’une peine de prison a été prononcée, quelle qu’en soit la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je souhaite enfin la suppression du sursis.

À la demande du Premier ministre, je travaille donc sur un texte que j’espère pouvoir présenter au mois de septembre. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains. – MM. Franck Menonville et Olivier Cigolotti applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour la réplique.

Mme Isabelle Florennes. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces propositions.

Je vous renvoie à l’excellent rapport sénatorial fait par François-Noël Buffet, désormais ministre, en sa qualité de rapporteur de la commission d’enquête sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023. La commission des lois y avait formulé un certain nombre de propositions relatives aux sanctions applicables aux primodélinquants et aux mineurs délinquants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)

cohérence entre les choix économiques du gouvernement et les engagements de la france en matière environnementale

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, nous avions enregistré, en 2023, une baisse de 5,8 % de nos émissions de gaz à effet de serre : ce n’était pas si mal. Mais la baisse fut seulement de 1,8 % en 2024 : c’est totalement insuffisant pour tenir l’objectif européen de 55 % de réduction d’ici à 2030.

Malgré cette alerte, le gouvernement auquel vous appartenez accélère son désengagement brutal du financement de la transition écologique.

Concernant la décarbonation du secteur automobile, vous avez, en six mois, supprimé la prime à la conversion et divisé par trois l’aide à l’électromobilité, réduisant le leasing social et le bonus écologique. Par cette quasi-suppression de l’accompagnement financier de l’État pour le changement des véhicules anciens, vous avez ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrés les populistes pour chercher à supprimer les zones à faibles émissions (ZFE). (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Conséquence peu soulignée, le vote de l’Assemblée nationale va aussi redonner vie au marché de l’occasion des véhicules les plus polluants, au détriment des modèles les plus récents et, évidemment, de l’électrification du parc.

Monsieur le ministre, allez-vous poursuivre dans la même voie avec le gel de MaPrimeRénov’ pour cause d’enveloppe déjà consommée ? En matière de stop and go, pratique fort nuisible, comme vous le savez, pour l’économie réelle, vous dépasseriez ainsi tout ce que nous avons connu par le passé, y compris sous Nicolas Sarkozy !

Je poserai deux questions très simples.

Avez-vous pleinement conscience, monsieur le ministre, que vos décisions vont provoquer mécaniquement des pertes d’emploi massives dans ces secteurs clés pour notre économie que sont le bâtiment et l’automobile ?

Assumez-vous ainsi des décisions qui nuisent directement à la santé des Français, surtout les plus modestes, par l’absence d’amélioration de leur logement ou par leur exposition à la pollution atmosphérique ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Ronan Dantec, je veux d’abord réaffirmer devant vous que nous maintenons l’objectif d’une société décarbonée en 2050. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe GEST.) Cet objectif est d’une importance vitale pour l’ensemble de nos concitoyens, pour notre économie et pour la qualité de la vie. Nous nous l’assignons dans toutes les dimensions de notre action.

Nous voulons promouvoir l’industrie – la réindustrialisation du pays –, mais une industrie verte. Je sors d’une réunion où étaient célébrés les 25 ans de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui a aussi pour mandat de favoriser le développement des énergies décarbonées. Ce développement, nous nous y attelons via un nouveau programme de centrales nucléaires, l’accélération de la production d’énergies renouvelables et l’investissement dans les réseaux qui permettent que l’électricité soit accessible partout.

Vous évoquez deux domaines : la rénovation des logements et l’automobile. Les budgets sont peut-être moins abondants que ce qui avait pu être envisagé dans le passé, mais cela ne nous empêche pas de poursuivre nos efforts.

Pour ce qui est des véhicules électriques, je veux rappeler que nous avons installé en France des usines de batteries et que le nouveau véhicule électrique proposé par un des grands fournisseurs français a entamé une brillante carrière commerciale. Cette dynamique sera soutenue par l’installation de bornes de recharge électrique, dont nous continuons à accélérer le développement : nous disposerons bientôt de 7 millions de bornes. La meilleure façon d’encourager nos concitoyens à acquérir des véhicules électriques est bien de rendre ces véhicules financièrement accessibles ; nous allons continuer à y travailler avec les constructeurs. À cette fin, il faudra sans doute alléger quelques réglementations européennes : les utilisateurs de véhicules électriques doivent pouvoir les recharger partout et à des conditions avantageuses.

Pour ce qui est de la rénovation thermique, il est vrai que le dispositif MaPrimeRénov’ fait l’objet à la fois d’un encombrement et d’un excès de fraudes. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) En la matière, et parce qu’il s’agit de finances publiques, il est impératif que nous reprenions la main ; d’où la suspension. Mais naturellement, une fois ce problème réglé, le processus pourra continuer. (M. François Patriat applaudit.)

M. Yannick Jadot. Et les artisans ?

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, votre réponse est catastrophique. Elle va encore accroître l’inquiétude des artisans et de tous ceux qui ont besoin de rénover leur logement.

En guise de réplique, je me contenterai d’une citation : « Faire des reculs sur l’écologie pour privilégier l’économie, c’est de la paresse et ce n’est pas vrai. » Cette phrase est d’Emmanuel Macron ! Vous jouez le court terme et vous êtes en train de sacrifier l’avenir de la société française, la santé des Français et nos objectifs environnementaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

durcissement des sanctions pénales

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains.

Mme Muriel Jourda. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

Je veux à mon tour revenir sur les faits d’une grande violence qui se sont déroulés samedi dernier, à la « faveur », ou plutôt au prétexte, d’un match de football. Certes, pour ce qui est des forces de l’ordre mobilisées, les moyens déployés étaient importants. En outre, les instructions données étaient inédites ; d’où le nombre d’interpellations que vous avez indiqué.

La question est désormais de savoir quelle va être la sanction. À mon sens, elle doit être punitive et dissuasive. Nous en sommes d’accord, me semble-t-il : en substance, monsieur le garde des sceaux, vous avez dit souhaiter que la sanction soit plus effective et plus lourde.

Mais comment allez-vous faire ? J’ai entendu votre réponse tout à l’heure, mais elle ne répond pas à un certain nombre de problèmes.

Comment imposer des peines minimales lorsque le principe d’individualisation des peines a été constitutionnalisé ? Comment allez-vous faire, sachant que cela suppose, au-delà de l’abrogation du texte de loi sur l’aménagement obligatoire des courtes peines, de s’opposer à une culture de politique pénale prévoyant que des peines d’avertissement doivent être données pour la première infraction, voire pour les premières infractions ?

Comment allez-vous faire pour diffuser, non seulement auprès des magistrats du parquet, mais aussi auprès des magistrats du siège, qui rendent les décisions, une telle circulaire de politique pénale ?

Enfin, comment allez-vous faire face à un syndicat de magistrats qui s’est déjà exprimé et qui, lorsque votre prédécesseur rendait une circulaire de politique pénale, diffusait immédiatement une contre-circulaire ?

Expliquez-nous, monsieur le garde des sceaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, les violences de ce week-end sont totalement inacceptables ; ces désordres publics sont choquants pour l’intégralité de la Nation. Ayant eu à gérer des questions relevant de l’ordre public – je pense notamment aux jeux Olympiques –, je sais combien de telles difficultés sont difficiles à gérer.

Lorsqu’arrive le moment pour la justice de remplir son office, c’est-à-dire une fois que le ministère de l’intérieur a fait son travail de maintien de l’ordre public, la réponse qu’elle apporte – la réponse judiciaire – doit être non seulement efficace et rapide, mais aussi éducative, dans la perspective d’autres faits qui pourraient malheureusement se produire. En effet, on le voit, malgré le volontarisme et les moyens déployés, et comme l’a dit M. le ministre de l’intérieur, la violence dont il est question est désormais inhérente à notre société.

C’est pourquoi il faut adapter notre code pénal. Madame la présidente de la commission des lois, vous êtes à la fois une grande légiste et une avocate, et vous savez que les magistrats, en qui nous avons tous ici confiance – je l’espère –, appliquent la loi de la République.

Or la loi de la République, c’est-à-dire le code pénal, prévoit un maximum de peine, mais non un minimum. Et de même que les peines planchers, telles qu’elles ont été inventées par le président Sarkozy, que vous avez soutenu, laissaient intact le principe d’individualisation des peines,…

M. Mickaël Vallet. Justement !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … l’inscription dans le code pénal d’un minimum et d’un maximum laissera au magistrat un éventail assez large pour individualiser la peine dès le premier fait.

Le système que nous avons collectivement construit, malheureusement, depuis trente ou quarante ans, toutes majorités confondues, ne met en prison que des multirécidivistes ; or lorsque l’on en est au stade de la multirécidive, il est trop tard !

La révolution pénale que j’ai proposée dès le 12 mai dernier dans ma lettre aux magistrats – je n’ai pas attendu ce week-end –, c’est la révision totale de l’échelle des peines.

Notre code pénal prévoit un éventail de 235 peines, dont nous sommes tous responsables, contre 3, par exemple, en Allemagne : le jour-amende, la peine de probation, la peine de prison, point. Que chaque jour-amende non payé se transforme en jour de prison, tel n’est pas notre droit aujourd’hui.

Je suis tout à fait certain que les magistrats appliqueront la loi. Il nous faut être courageux, tous ensemble. Je le serai, à ma place. Vous n’avez jamais entendu un garde des sceaux dire ce que j’ai dit depuis quelques semaines, et particulièrement depuis quarante-huit heures.

Je sais que vous me soutiendrez dans ce qui est désormais le socle commun. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Capo-Canellas, Loïc Hervé et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le garde des sceaux, je vous soutiendrai, bien sûr, mais vous avez – nous avons – désormais une obligation de résultat.

Les Français ont constaté, effarés, qu’un boulanger qui ouvrait le 1er mai se voyait infliger une amende de 7 500 euros (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.), alors qu’un délinquant qui brise du mobilier urbain, qui brise des vitrines, qui brise, en définitive, les codes de ce qui fait notre société, se voit infliger une peine beaucoup plus faible. (Protestations sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. Yannick Jadot. Sérieusement ? Et l’ancien président de la République ?…

Mme Muriel Jourda. La confiance ne tient plus qu’à un fil : la confiance non seulement dans la politique, dans le ministre ou dans le Gouvernement, mais aussi la confiance dans nos institutions et, tout compte fait, la confiance dans l’État de droit. L’État de droit, c’est la fin de la loi du plus fort.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

Mme Muriel Jourda. Et aujourd’hui, ce que constatent nos concitoyens, c’est que l’État de droit les empêche d’acheter du pain un jour férié (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.),…

Mme la présidente. Il faut conclure !

Mme Muriel Jourda. … mais ne les protégera pas des barbares un prochain soir de match. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

situation à gaza

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

Mme Nicole Duranton. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

« Israël commet des crimes de guerre »,…

Une voix sur les travées du groupe Les Républicains. C’est faux !

Mme Nicole Duranton. … telle est la déclaration choc prononcée par l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert le 27 mai dernier. Jusqu’à présent, il défendait Israël contre les accusations de génocide et de crimes de guerre, tout en reconnaissant des excès. Mais son opinion sur l’actuel Premier ministre a changé : il reconnaît que la famine est utilisée comme une arme de guerre et rappelle que, non, tous les Gazaouis n’appartiennent pas au Hamas.

Si personne ne pouvait contester le droit d’Israël à se défendre, la guerre de dévastation à Gaza est « inacceptable » – derechef, je cite Ehud Olmert.

Mme Nicole Duranton. Doit-on accepter l’inacceptable ?

Face à cette situation alarmante, le Président de la République a déclaré le 30 mai dernier que la reconnaissance d’un État palestinien n’était pas simplement un devoir moral, mais qu’elle était une exigence politique, tout en énumérant plusieurs conditions à réunir, en premier lieu la libération des otages toujours détenus par le Hamas.

Le Président de la République indique aussi qu’il faudra de surcroît une démilitarisation du Hamas et la non-participation de ce mouvement islamiste, classé comme organisation terroriste par l’Union européenne et par les États-Unis, à la gouvernance du futur État palestinien.

Parallèlement, il faudra une réforme de l’Autorité palestinienne conduisant à une reconnaissance mutuelle du futur État palestinien et du droit d’Israël à vivre en sécurité, ainsi que la création d’une architecture de sécurité pour toute la région.

Nous ne pouvons que saluer cette volonté de faire progresser la seule solution viable, la solution à deux États, afin que les peuples puissent enfin cohabiter en paix et en sécurité.

Toutefois, les conditions posées pour la reconnaissance d’un État palestinien semblent difficiles à remplir à la veille de la conférence de l’ONU prévue sur ce sujet le 18 juin, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite.

Monsieur le ministre, comment la France peut-elle être force d’entraînement, avec l’appui de la communauté internationale, afin de faire progresser les négociations en vue d’une reconnaissance de l’État palestinien qui ne soit pas uniquement symbolique, mais qui soit suivie d’une solution pérenne à deux États ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Laure Darcos, MM. Philippe Grosvalet, Bernard Jomier et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Nicole Duranton, la spirale de brutalité et de violence déclenchée par le massacre antisémite du 7 octobre doit prendre fin au plus vite. C’est pourquoi la France appelle à un cessez-le-feu immédiat…

Mme Cathy Apourceau-Poly. On est tous d’accord, c’est un génocide.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … et à la libération de tous les otages du Hamas, lequel doit être désarmé – j’y reviendrai. Mais force est de constater que les décisions récentes du gouvernement israélien ne vont pas dans ce sens.

Le bombardement des infrastructures civiles n’a pas permis la libération des otages. La décision de créer vingt-deux nouvelles colonies en Cisjordanie justifie le choix du Hamas de ne pas déposer les armes, ou en tout cas lui sert de prétexte. Quant au nouveau système de distribution militarisée de l’aide humanitaire, qui devait éviter les détournements, il a tourné au fiasco, provoquant des cohues…

M. Rachid Temal. Et des morts !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … et des violences meurtrières.

Il faut rappeler au gouvernement israélien que cette attitude et ces décisions hypothèquent la sécurité du peuple israélien, à laquelle la France est indéfectiblement attachée, mais aussi, désormais, la cohésion même de la société israélienne, puisque – vous l’avez dit – ce sont deux anciens Premiers ministres israéliens, Ehud Barak et Ehud Olmert, qui, ces jours-ci, parlent de « guerre illégitime » et de « guerre de dévastation ».

Il est donc temps de cesser le feu et de choisir le seul chemin conduisant durablement à la paix et à la stabilité dans la région, qui est le chemin d’une solution politique.

C’est dans ce contexte que nous sommes déterminés à reconnaître l’État de Palestine, pour créer les conditions de l’existence de cet État. Et nous voulons que cette décision, que la France pourrait prendre dans quelques jours, serve de force d’entraînement pour amener toutes les parties prenantes, à commencer par l’Autorité palestinienne et par les pays arabes de la région, à faire mouvement et à accompagner cet effort visant à retirer tous les obstacles sur la voie qui mène vers l’existence de cet État de Palestine.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Parmi les conditions qui doivent être réunies, il y a évidemment le désarmement du Hamas : celui-ci ne saurait en aucun cas et d’aucune manière participer à la gouvernance à venir de la Palestine. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

situation de la psychiatrie et de la santé mentale en france

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Corinne Bourcier. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

Monsieur le ministre, la psychiatrie va mal. Dans le Maine-et-Loire comme dans beaucoup d’autres départements, la situation est extrêmement difficile à cet égard : les services d’urgence sont saturés et ne sont plus en mesure d’assurer la prise en charge dont les patients ont besoin.

Au centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers, certains malades, y compris ceux qui présentent des idées suicidaires, restent parfois plus d’une semaine au service d’accueil des urgences dans l’attente d’une place en psychiatrie. C’est inacceptable pour eux, mais aussi pour le personnel soignant, pourtant très dévoué. L’établissement a déjà vu le nombre de passages en psychiatrie augmenter de plus de 30 % l’année dernière.

Le centre de santé mentale angevin a quant à lui enregistré un taux d’occupation de plus de 101 % en 2024. Il fonctionne en sous-effectif, car 18 % des postes de psychiatre sont vacants.

L’hôpital de Cholet est lui aussi en grande difficulté, avec seulement cinq psychiatres en exercice à temps partiel. La pénurie de médecins généralistes dans ce territoire a aggravé la pression déjà très importante sur les urgences. L’établissement a dû fermer ses urgences psychiatriques en 2023 à cause du départ de plusieurs psychiatres. Le service s’organise pour faire beaucoup avec peu.

À cette situation s’ajoute la pénurie qui touche plusieurs psychotropes, indispensables à l’équilibre de nombreux patients. La consommation de psychotropes chez les plus jeunes est particulièrement préoccupante. En 2023, ce sont 936 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans qui ont bénéficié du remboursement d’au moins un psychotrope, soit 18 % de plus qu’en 2019.

Monsieur le ministre, nous sommes aujourd’hui le 4 juin. Alors que la santé mentale a été déclarée grande cause nationale en 2025, qu’a-t-il été fait concrètement en faveur de la psychiatrie et pour la santé mentale ? Et quelles actions prévoyez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice, la santé mentale est la grande cause nationale 2025, et nous souhaitons tous que cette grande cause ne reste pas un simple slogan. Il nous faut donc agir maintenant ; c’est tout le sens de l’action que je compte mener.

Une première phase a eu lieu : la déstigmatisation. Elle est en passe d’être réussie, grâce notamment au coming out de certaines personnalités ayant révélé, par exemple, leur bipolarité.

Maintenant, je l’ai dit, il faut agir.

Le 11 juin prochain, je dévoilerai la feuille de route que j’entends mettre en œuvre pour améliorer la santé mentale en France, en déclinant l’ensemble des mesures. Je ne vous livrerai pas le détail du plan aujourd’hui, mais je peux d’ores et déjà mentionner un certain nombre d’actions, notamment celles que je mènerai avec Élisabeth Borne dans le domaine de la santé scolaire : il faut faire à la fois un énorme travail de dépistage des pathologies et, une fois cette première tâche accomplie, d’inscription dans des parcours de soins.

Il faut naturellement ouvrir le chantier – vous l’avez évoqué – de la prise en charge par les urgences psychiatriques, puisque 40 % des entrées dans la maladie se font par ce biais – c’est extrêmement important.

Pour cela, il faut plus de professionnels de santé et plus de lits disponibles. C’est pourquoi un plan d’accompagnement des ressources humaines est prévu.

Quant à la pénurie de médicaments, elle fera l’objet d’une intervention de ma part au Luxembourg le mois prochain, lors de la réunion du Conseil de l’Union européenne sur le paquet pharmaceutique. Au-delà du règlement de la situation de pénurie, qui est dramatique, il y a un enjeu de souveraineté sanitaire et de production de principes actifs dans notre pays.

Enfin, pour ce qui concerne la consommation de psychotropes, vous m’avez accompagné lors de ma visite au CHU d’Angers et vous avez pu constater que les équipes étaient particulièrement mobilisées, avec des applications numériques destinées au jeune public. La ministre des sports et moi-même nous sommes rendus à Clamart, dans une maison de sport-santé adossée à un hôpital psychiatrique…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. … et nous avons pu mesurer combien la pratique du sport pouvait faire diminuer de façon significative la consommation de psychotropes. Donc, rendez-vous le 11 juin prochain ! (Mme Frédérique Puissat et M. Alain Milon applaudissent.)

assassinat de hichem miraoui (i)

Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

M. André Guiol. Monsieur le ministre de l’intérieur, j’ai mal à mon département !

Samedi dernier, à Puget-sur-Argens, à côté de Fréjus, dans le Var, Hichem Miraoui, coiffeur tunisien très apprécié, a été assassiné de cinq balles de revolver, tout simplement parce qu’il était maghrébin. L’assassin, mû par une haineuse idéologie, affichait un racisme décomplexé.

Cet événement dramatique et traumatisant est révélateur ; en effet, depuis des mois, une petite musique sournoise s’est installée dans notre pays. Elle se diffuse de façon insidieuse dans nos institutions, en boucle sur certains médias, sur nos réseaux, dans certaines associations, parmi nos politiques, dans nos écoles, bref, dans toute la population. Et, inévitablement, certains passent à l’acte, car, vous le savez, mes chers collègues, les propos insultants et dégradants tenus par des femmes et des hommes politiques deviennent des coups de couteau chez les colleurs d’affiches…

Dans le même temps, certains pays, dans le cadre d’une guerre hybride amorale, tentent de déstabiliser notre pays de liberté. Si le racisme est « un poison qui tue », monsieur le ministre d’État, faire son lit fait de nous des complices. Puisque Alexis de Tocqueville disait qu’en démocratie le peuple a le gouvernement qu’il mérite, ayons à l’esprit que les gouvernants ont l’obligation d’élever le peuple !

La majorité de nos concitoyens n’aspirent pas à la division et l’immense majorité des parlementaires, dont les membres du groupe du RDSE, ne cessent de défendre les valeurs chères à notre République, généreuses et fraternelles, une démarche indispensable à notre cohésion.

Face à cette situation particulièrement préoccupante, vous qui occupez une place prépondérante, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre ? Surtout, au-delà des mesures techniques, quelle attitude pensez-vous insuffler et quels propos allez-vous tenir en tant que ministre de l’intérieur pour permettre l’apaisement de notre pays et pour que cessent enfin ces assassinats racistes insupportables, d’où qu’ils viennent ? (Applaudissements sur les travées des groupes du RDSE, GEST, SER, CRCE-K, INDEP, RDPI et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, ce crime est, bien évidemment, beaucoup plus qu’un simple crime ; c’est un drame, une tragédie. Au moment où je vous réponds, j’ai une nouvelle pensée pour la victime, pour ses proches, pour sa famille, mais aussi pour la communauté tunisienne en France. J’ai d’ailleurs appelé dès lundi dernier mon homologue tunisien et je me suis rendu, le matin suivant, à l’ambassade de Tunisie afin de témoigner de notre soutien et d’exprimer la plus profonde désapprobation de l’ensemble du Gouvernement à l’égard de cet acte, de ce crime.

Ce crime, vous l’avez très bien décrit, était non seulement prémédité, mais il était également signé.

Il était d’abord prémédité, parce qu’il a été – on le voit bien au fur et à mesure que les informations sont révélées – minutieusement préparé.

Mais il était également signé. Il s’agit d’abord d’un crime raciste. On le voit dans les deux vidéos disponibles, celle qui a été tournée avant le crime et postée sur Facebook, et celle qui a été tournée après.

Il s’agit sans doute aussi d’un crime antimusulman ; je dis « sans doute » parce que c’est à l’autorité judiciaire, au parquet national antiterroriste (Pnat), qui s’est saisi de l’affaire, de faire tout l’éclairage sur cet acte, de le documenter.

Il s’agit probablement encore d’un crime à dimension terroriste, puisque – je le disais – le Pnat s’est saisi, et que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la sous-direction antiterroriste (Sdat) sont chargées de l’enquête.

Enfin, permettez-moi d’ajouter une quatrième qualification : quand on prend connaissance au fil des jours des différentes informations qui nous sont transmises, on constate aussi qu’il s’agit d’un crime dont l’idéologie s’enracine dans l’ultradroite radicale, comme me l’a dit le procureur national.

C’est par conséquent un crime odieux, qui doit être sanctionné avec la plus extrême fermeté. Oui, je l’ai dit – vous m’avez cité –, et je le répète devant vous, le racisme est un poison, un poison qui peut tuer. Vous avez parlé de la France et de la République.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre d’État.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Selon moi, tout acte raciste est un acte anti-français, parce que la République ne connaît ni la couleur de la peau, ni l’origine, ni la religion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – MM. Jérôme Durain et Rachid Temal applaudissent également.)

assassinat de hichem miraoui (ii)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Cinq semaines après le meurtre d’Aboubakar Cissé, un deuxième homicide à motivation raciste et antimusulmane a eu lieu, samedi dernier, dans le Var : Hichem Miraoui, Tunisien de 45 ans, a été tué par balles. Nous avons une pensée pour lui et pour sa famille. Nous saluons l’efficacité des forces de l’ordre pour l’interpellation de son meurtrier, admirateur sans borne du Rassemblement national et client ordinaire de la « fachosphère ».

Hier à l’Assemblée nationale et aujourd’hui encore devant nous, vous avez déclaré, monsieur le ministre d’État, que ce crime était prémédité, certainement raciste, sans doute antimusulman et peut-être de nature terroriste. Cette déclaration contraste nettement avec certains mots et certaines expressions employés au sein du Gouvernement – « submersion migratoire », par exemple –, qui contribuent à alimenter un climat délétère et une culture du soupçon.

M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?

M. Éric Kerrouche. Pour la première fois depuis sa création, le parquet national antiterroriste (Pnat) s’est saisi d’un meurtre possiblement inspiré par les idées de l’ultradroite.

Cette menace est bien réelle dans notre pays ; depuis 2017, au moins dix projets d’attentats liés à l’ultradroite ont été déjoués. En 2023, le directeur de la DGSI nous alertait sur la montée de cette menace, marquée par la banalisation de la violence et par une radicalisation idéologique néonazie, complotiste, raciste, « accélérationniste ».

Ces thèses sont notamment relayées par l’extrême droite et certains médias complaisants, et, comme souvent avec les mouvements radicaux, la propagande de l’ultradroite intervient majoritairement en ligne.

Monsieur le ministre d’État, ces mouvements menacent notre République, ils sont organisés. Quels leviers entendez-vous actionner pour les contrer et les éliminer ? À titre personnel, comptez-vous enfin vous inscrire dans une démarche de pacification du discours public ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – MM. Pierre Ouzoulias et Philippe Grosvalet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, je vous répondrai avec la même franchise qu’à M. Guiol.

C’est un crime odieux. J’ai utilisé quatre termes pour le qualifier : raciste, c’est sûr ; antimusulman, c’est très probable ; terroriste, c’est vraisemblable ; et lié à l’ultradroite. Le parquet national antiterroriste a été saisi, au cours des dernières années, d’une vingtaine d’affaires et une quinzaine d’attentats s’enracinant dans l’idéologie de l’ultradroite radicale – je reprends la terminologie du Pnat lui-même – ont été déjoués.

En effet, il ne faut faire aucune concession avec de tels mouvements. J’espère pouvoir proposer au conseil des ministres, au cours des prochaines semaines, la dissolution d’un groupuscule lyonnais, Lyon populaire.

La démocratie, c’est le dissensus et j’accepte le débat – vous m’avez connu comme sénateur et nous avons souvent débattu l’un avec l’autre –, mais, si le débat public doit être serein, il ne doit pas non plus méconnaître la réalité. Lutter contre l’islamisme, par exemple, ce n’est pas lutter contre l’islam. Lutter contre l’islamisme, c’est lutter contre une idéologie politique qui n’a rien à voir avec une religion, avec la foi ; c’est de la politique ! Le pire des amalgames consisterait à affirmer que, quand on tape l’islamisme, on tape les musulmans.

J’ai eu l’occasion de le dire ici, les pays qui ont été les plus durs avec les Frères musulmans ne sont pas les démocraties occidentales, ce sont des pays arabes musulmans, le dernier en date étant la Jordanie. (M. Loïc Hervé opine.)

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. On peut avoir des désaccords, mais lorsque se produisent de tels événements, nous devons nous situer à une certaine hauteur et retrouver, au-delà des débats et des dissensus, qui sont naturels, une forme d’unité pour faire face à ces menaces, qui sont graves. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

financement des nouvelles places de prison

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Étienne Blanc. Monsieur le garde des sceaux, depuis soixante-douze heures, vous vous interrogez, tout comme M. le ministre de l’intérieur, sur les sanctions prises à l’encontre de ceux qui ont commis des actes graves à la suite de la victoire du Paris-Saint-Germain. Vous partagez ces interrogations avec les Français, qui détectent une forme d’inadéquation entre la gravité des faits – voitures incendiées, magasins pillés, violences commises sur les forces de l’ordre et de sécurité civile, notamment les pompiers – et les sanctions prononcées.

Or, très rapidement, des syndicats de magistrats et des magistrats à titre individuel ont exprimé leur incapacité à prononcer des peines lourdes en raison de l’insuffisance de places de prison dans notre pays. Ils n’ont pas totalement tort. Le plan de 2018 du Président de la République, qui prévoyait 15 000 nouvelles places de prison pour 2027, n’a pas été respecté. On dit que cet objectif sera atteint en 2030 au mieux et certains experts parlent même de 2034.

Ma question sera donc simple, monsieur le garde des sceaux : quelles seront vos exigences dans la préparation du budget pour 2026 afin qu’il soit procédé à la construction de ces places de prison et que l’on rattrape enfin notre retard, qui nous met au ban des politiques européennes ?

Seconde question : ne croyez-vous pas qu’il serait temps d’adopter un texte vous permettant de vous affranchir des formalités administratives excessives – marchés publics, règles environnementales – qui s’appliquent aux établissements de détention, afin de pouvoir construire rapidement les établissements, comme cela s’est fait pour la cathédrale Notre-Dame, et répondre enfin à l’exigence de sécurité publique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Blanc, je suis parfaitement d’accord pour que l’on donne au ministère de la justice les moyens de construire des prisons bien plus rapidement. À ce jour, une fois le terrain viabilisé et si le maire concerné est d’accord, le ministère de la justice construit une prison en sept ans et la place de prison coûte 400 000 euros.

Cela dit, j’ai lancé un premier appel d’offres pour la construction de 3 000 places supplémentaires, le lauréat sera désigné au début du mois de juillet et les premières prisons seront livrées dès le mois d’octobre 2026. La construction aura donc pris – vous aurez fait le calcul – un an et demi, soit trois fois moins de temps qu’une prison normale. Il s’agit de prisons modulaires ; la première sera inaugurée à Troyes.

Ainsi, j’espère pouvoir construire 5 000 nouvelles places, non pas pour 2030 ou 2031, mais avant la fin du quinquennat du Président de la République afin de tenir la promesse des 15 000 nouvelles places : 5 000 ont déjà été construites, 5 000 sont en cours de construction et 5 000 n’étaient, en effet, pas encore prévues. Par conséquent, grâce à ces prisons modulaires, des prisons à taille humaine, plus rapides à construire et moins chères, nous pourrons avec le même budget, si Bercy et le Parlement l’acceptent, construire ces nouvelles places sans coût supplémentaire.

En revanche, je pense pour ma part, monsieur le sénateur, qu’il ne faut en aucun cas faire de régulation carcérale. Depuis mon arrivée au ministère de la justice, j’ai refusé toutes les mesures de réduction de peine, toutes les mesures de régulation carcérale qui m’avaient été proposées par mon administration. Ce faisant, je suis en désaccord avec beaucoup de syndicats et d’individus, et j’assume cette position de fermeté. Si l’on veut lutter contre la surpopulation carcérale, il faut construire des places de prison.

Toutefois, pour cela, il faut aussi que tous les élus jouent le jeu, monsieur le sénateur ! Actuellement, la construction de 700 places supplémentaires est bloquée dans les Yvelines, à Magnanville, et c’est également le cas à Noiseau, dans le Val-de-Marne, des parlementaires, notamment de votre groupe politique, m’écrivant pour me dissuader de construire ces établissements. Les prisons, aucun élu local n’en veut chez lui, mais tous réclament que, dans l’intérêt général, il y en ait ailleurs…

J’espère donc que la loi que vous me proposerez et que vous adopterez permettra également de passer outre l’avis des élus locaux, monsieur le sénateur… (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

emploi des seniors

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. La France détient le record européen du non-emploi des seniors : moins de 40 % des 60-64 ans occupent un emploi. Nous le savons, le premier frein, la première barrière à l’emploi, c’est l’âge, et cela démarre dès 50 ans, voire un peu plus tôt dans certains secteurs.

Après cette séance de questions d’actualité au Gouvernement, nous allons débattre de la transcription dans la loi de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé par une partie des partenaires sociaux et faisant une place assez large à la question de l’emploi des seniors. À titre personnel, je trouve certains de ses aspects intéressants et d’autres plus gênants, mais en tout état de cause, le fléau est très important ; il n’y a qu’à entendre les gens qui perdent leur emploi après 50 ans et qui n’ont aucun espoir d’en retrouver un…

Aussi, monsieur le ministre, je voudrais savoir si, au-delà de cet accord, le Gouvernement compte fixer des objectifs aux employeurs. En effet, lorsque l’on traite de l’emploi des jeunes, on fixe bien des objectifs aux missions locales ; lorsque l’on parle de l’emploi en général, on fixe bien des objectifs à France Travail ; mais on ne fixe jamais d’objectifs aux employeurs. Or l’emploi des seniors ne dépend quasiment que de ces derniers. Les fondements vont donc être posés cet après-midi, mais comptez-vous aller au-delà, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice Lubin, je vous réponds à la place d’Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail, qui est retenue à l’Assemblée nationale pour l’examen d’une motion de censure.

Vous évoquez l’emploi des seniors, un enjeu majeur de cohésion sociale et d’efficacité économique.

Rappelons quelques chiffres. Moins de 60 % des 55-64 ans et seulement 35 % des 60-64 ans ont actuellement un emploi. Ce sous-emploi massif est d’abord un gâchis humain, mais c’est aussi un gâchis économique, car nous nous privons ainsi de compétences, de savoir-faire et d’un potentiel de transmission important.

Le Gouvernement a lancé, le 29 avril dernier, une grande initiative intitulée Emploi des 50+, qui repose sur trois piliers : changer la loi, changer les regards et changer les pratiques.

Le premier pilier, changer la loi, est – vous l’avez dit – l’objet du projet de loi que le Sénat examine aujourd’hui et qui transpose l’accord national interprofessionnel signé en novembre dernier. Les axes concrets de cet accord résident dans la création d’un contrat de valorisation de l’expérience, dans un meilleur accès à la retraite progressive et dans le renforcement de l’entretien de mi-carrière.

Deuxième pilier : changer les regards. En effet, l’âge reste la première cause de discrimination. Une grande campagne nationale de communication sera lancée avec un objectif très clair : valoriser l’expérience et montrer que les plus de 50 ans sont un atout pour les entreprises.

Le dernier pilier réside dans le changement des pratiques. Aujourd’hui, plus de 2 000 entreprises et partenaires se mobilisent autour d’actions concrètes – forums, job dating, tables rondes – et un guide pratique a été élaboré avec la communauté « Les Entreprises s’engagent », qui est mis à disposition des entreprises. Ce guide donne des clés simples et utiles pour recruter et maintenir dans l’emploi les salariés de plus de 50 ans.

Si vous souhaitez d’autres précisions, je transmettrai vos questions à Astrid Panosyan-Bouvet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous nous avez fait part de toutes les initiatives en la matière, qui sont toujours intéressantes dès lors qu’il s’agit de valoriser l’emploi des seniors. Toutefois, je le répète, il faut une mobilisation extrêmement importante des employeurs, ce qui exige d’aller au-delà du cadre, vers la fixation d’objectifs.

Je rappelle que, plus on vieillit en dehors de l’emploi, plus on a du mal à retrouver un emploi. J’espère donc que le Gouvernement et la majorité sénatoriale n’ont plus en tête l’intention d’allonger le temps de travail, donc d’exclure toujours plus de seniors de l’emploi et de les plonger dans la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

prolongation de l’accès rapide aux innovations thérapeutiques

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Alain Milon. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

Monsieur le ministre, l’accès direct aux innovations thérapeutiques est une attente forte de nos concitoyens en situation d’impasse thérapeutique. Il constitue un enjeu d’attractivité pour notre pays.

C’est dans cet esprit que l’article 62 de la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, relatif à l’accès aux traitements innovants, permet la prise en charge anticipée, dès la publication de l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et sans attendre la fixation d’un prix, de certains médicaments présentant une amélioration du service médical rendu.

Cette expérimentation, qui doit s’achever en juillet 2025, a démontré son utilité pour plusieurs innovations, en réduisant les délais d’accès aux traitements pour les pathologies altérant fortement la qualité de vie des patients, avec un lourd fardeau psychosocial. Aux termes de la loi, un rapport du Gouvernement devait être remis au Parlement en mai 2025, afin d’évaluer les demandes déposées, les aires thérapeutiques concernées et la pertinence d’une éventuelle pérennisation de ce dispositif.

Le 20 mai dernier, devant la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat, la direction de la sécurité sociale (DSS) a indiqué que ce rapport serait remis à l’automne prochain, alors que vous-même aviez confirmé, en mars dernier devant la même instance, que vous en disposeriez en mai 2025.

Monsieur le ministre, l’avenir de ce mécanisme constitue un enjeu majeur pour les malades et pour notre système de santé. Pouvez-vous nous livrer un point d’avancement des travaux sur ce rapport ? Comptez-vous proposer, comme vous l’aviez suggéré et compte tenu des retours d’expérience positifs de l’ensemble des acteurs, la pérennisation de ce dispositif au-delà de l’échéance prévue, seule solution pertinente pour les patients français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le sénateur Milon, je vous remercie de votre question sur l’accès précoce ; on aurait également pu parler de l’accès compassionnel.

L’accès précoce est une innovation : la France est l’un des premiers pays à l’avoir instauré, en 2021. Je regrette comme vous le retard de publication de ce rapport, mais j’en disposerai à l’automne prochain, avant les discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Toutefois, je crois pouvoir vous livrer, sans déflorer le contenu de cette évaluation, quelques données chiffrées, car ce sujet m’intéresse particulièrement. Quelque 250 demandes ont été déposées, avec un délai d’octroi de soixante-dix-sept jours. J’y insiste devant vous, quand un patient a besoin d’une innovation thérapeutique en France, si le laboratoire concerné remplit les conditions requises, il y a accès dans les soixante-dix-sept jours, c’est tout de même remarquable !

Pour un certain nombre de cas, par exemple pour les cancers du sein triples négatifs, qui sont les plus agressifs et pour lesquels l’accès à la thérapeutique change le pronostic de vie, c’est particulièrement important. Par conséquent, oui, j’attends ce rapport avec impatience et, en effet, j’envisage bien de pérenniser ce dispositif si les données préliminaires confirment ces constats.

Je souhaite revenir sur la doctrine globale d’évaluation de la Haute Autorité de santé, puisque nous sommes dans un processus de simplification. Lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (SAIA), j’ai lancé un appel à manifestation d’intérêt auprès de l’ensemble des laboratoires pour changer la doctrine de cette agence, afin d’évaluer plus rapidement les molécules et d’en fixer plus vite le prix. Cet appel à manifestation d’intérêt est ouvert jusqu’au mois de juin et il permettra de tester, au moyen de l’intelligence artificielle, des cohortes virtuelles, les bras synthétiques, de sorte que notre recherche et notre innovation soient rapidement disponibles pour nos patients.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Yannick Neuder, ministre. Cela leur permettra de bénéficier de ces innovations et de gagner des années de vie. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.

M. Alain Milon. En effet, monsieur le ministre, il faut pérenniser l’accès direct et l’accès compassionnel.

Selon nous, il est préférable de fournir, par la recherche et l’expérimentation, une aide active à guérir plutôt qu’une aide active à mourir… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

situation des artisans pêcheurs

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Paul Toussaint Parigi. Madame la ministre déléguée, je souhaite porter aujourd’hui la voix de ceux qui ont été trop longtemps ignorés, la voix de femmes et d’hommes pour qui la mer n’est pas seulement un métier, mais constitue également une identité profonde, une mémoire vivante : la voix des petits pêcheurs, gardiens discrets de nos côtes, artisans d’un savoir-faire précieux, la voix de ces âmes, fières et humbles, perdue dans l’écho sourd et lointain des embruns. Les pêcheurs n’attendent ni faveurs ni privilèges, ils n’aspirent qu’à une seule chose : survivre.

Quotas inadaptés, interdictions arbitraires, tailles minimales ou encore obligations de matériel : l’avalanche de réglementations conçues pour des réalités industrielles s’abat sur leurs frêles embarcations telle une lame de fond. Ce sont autant d’exigences administratives qui pèsent sur les petites unités, dépourvues de moyens humains et financiers et qui, pour s’y conformer, devraient sacrifier rentabilité et survie.

En Corse, comme sur l’ensemble de notre littoral, les pêcheurs dénoncent une capitulation forcée face à des règles pensées pour d’autres réalités. Ces règles, censées protéger la mer, étranglent ceux qui la respectent et asphyxient un modèle artisanal durable et profondément humain. Cette uniformisation aveugle accélère la disparition d’un tissu social et économique irremplaçable, d’un savoir-faire pourtant essentiel à l’équilibre de nos territoires maritimes.

Madame la ministre, alors que l’année 2025 est proclamée année de la mer, alors que va se tenir la Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc), les promesses ne suffisent plus, il est temps d’agir, vite et avec courage ! Construisons des solutions au plus près de ceux qui vivent de la mer sans la piller, repensons la réglementation pour qu’elle protège sans exclure. Voilà le véritable enjeu !

Madame la ministre ma question est simple : pouvez-vous prendre ici et maintenant l’engagement d’une réforme ambitieuse, pour sauver la pêche artisanale et assurer la pérennité de nos communautés littorales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Parigi, je vous remercie de me donner l’occasion d’exprimer, au nom d’Agnès Pannier-Runacher, le soutien total du Gouvernement à la filière de la pêche, particulièrement à celle du territoire où vous êtes élu, la Corse, que vous défendez avec beaucoup d’émotion et d’attachement – on l’a senti –, à quelques jours de l’ouverture de l’Unoc à Nice.

La Méditerranée sera bien sûr au cœur de cet événement, d’abord parce que ce dernier se déroule sur son littoral, mais également, et surtout, parce qu’elle est l’une des mers les plus en danger face au changement climatique et face à diverses menaces, notamment la pollution plastique.

C’est pourquoi la ministre réunira, à l’occasion de ce sommet, les ministres de l’environnement de tous les pays méditerranéens, pour aborder les défis auxquels notre mer commune est confrontée.

Comme sur l’ensemble des façades, les pêcheurs sont chaque jour les premières victimes de ces pollutions. C’est pourquoi, depuis janvier dernier, nous accomplissons un travail très sérieux à ce sujet au travers d’engagements concrets, afin de protéger nos pêcheurs de la concurrence déloyale, en agissant sur les pêches illégales et en imposant des mesures miroirs dans nos négociations commerciales. En outre, nous concevons avec la filière, c’est-à-dire avec les pêcheurs, un modèle renouvelé de pêche via la modernisation et la décarbonation de notre flotte.

Nous avons défini ces objectifs avec la filière dans le cadre du contrat stratégique de filière, qui représentera notre boussole lors des négociations européennes.

La Méditerranée sera centrale dans la révision de la politique commune des pêches qu’Agnès Pannier-Runacher défend à Bruxelles, notamment pour ce qui concerne le plan West Med, que vous devez connaître. Il est urgent de réviser ce plan afin de redonner de la cohérence, en particulier à nos pêcheries méditerranéennes.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. C’est un discours fort et déterminé que nous portons, aux côtés de nos collègues espagnols et italiens, auprès de la Commission européenne. Vous pouvez compter sur notre engagement !

dégradations et actes antisémites

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, en 2023, quelques jours après l’attaque du Hamas contre Israël, des dizaines d’étoiles de David ont été peintes sur les façades de plusieurs immeubles à Paris.

En 2024, des mains rouges ont été peintes sur le mur des Justes du mémorial de la Shoah.

Dans la nuit du 30 au 31 mai dernier, plusieurs sites parisiens juifs ont été dégradés, dont deux synagogues et de nouveau le mémorial de la Shoah.

Il y a quelques jours à Lyon, un départ de feu a été découvert, ainsi que des inscriptions antisémites dans une école primaire.

Je tiens également à rappeler quelques faits récents parmi les plus graves : l’attentat contre la synagogue de la Grande-Motte en août dernier ; l’incendie criminel de la synagogue de Rouen ; le viol antisémite d’une fillette de 12 ans à Courbevoie.

Ces événements sont la marque claire d’une recrudescence des actes antisémites dans notre pays, de la montée de l’islamisme et de l’instrumentalisation politique de la cause palestinienne sur notre territoire.

Les services du renseignement territorial ont recensé une très forte augmentation des faits antisémites en 2024 par rapport à l’année 2023, s’agissant notamment des atteintes à la personne. C’est au point que, aujourd’hui, les actes antisémites représentent les deux tiers de l’ensemble des faits antireligieux.

En outre, nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire ont, dans le cadre d’une mission du Sénat, pointé l’inquiétante résurgence du climat antisémite à l’université.

J’ajoute que l’engagement maximal des forces de l’ordre ne peut pas tout, car il s’agit d’un mal sournois et profond qui appelle une réponse politique forte.

Monsieur le ministre, quelle analyse faites-vous de cette situation alarmante ? Quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour protéger l’ensemble de nos concitoyens de confession juive ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur François Bonhomme, je vous remercie pour ce constat sans concession, mais parfaitement juste.

Nous ne pouvons pas combattre l’antisémitisme sans évoquer, au préalable, un certain nombre de chiffres qui correspondent à une réalité malheureuse.

Deux chiffres : nos compatriotes de confession juive représentent moins de 1 % de la population et, vous l’avez rappelé, ils sont victimes de près des deux tiers – un peu plus de 60 % – des actes racistes et antireligieux.

Comme le disait le philosophe Jankélévitch : « Lorsque les juifs ont peur, c’est la démocratie qui est malade. »

Comment combattre ce fléau ? D’abord, en assurant la protection de nos compatriotes de confession juive. C’est ce que je fais très régulièrement, en mobilisant l’ensemble des préfets de France pour sécuriser les fêtes juives, les sites, les synagogues, les écoles. Actuellement, 800 sites religieux juifs sont protégés.

Nous avons également mis en place un fonds permettant à toutes les confessions religieuses de disposer de subventions destinées à financer les équipements de sécurisation. Là encore, 70 % de ces subventions ont bénéficié à la sécurisation de lieux cultuels ou éducatifs juifs. C’est un point fondamental.

Mais on lutte aussi – et vous l’avez esquissé dans votre question – en posant un diagnostic lucide et courageux. Hier, l’antisémitisme était le monopole de l’extrême droite. Aujourd’hui, il mute. Il prend la forme de l’islamisme. Souvenez-vous : le fondateur des Frères musulmans, Hassan el-Banna, n’a jamais fait mystère de ses sympathies pour Hitler.

Il prend aussi la forme d’une extrême gauche qui, sous couvert d’antisionisme, tisonne les braises rougeoyantes de l’antisémitisme.

Il prend enfin la forme d’ingérences étrangères. Permettez-moi de vous le rappeler : vous avez mentionné l’épisode des mains rouges, mais il y a eu également certaines marques vertes – on sait ce à quoi cela renvoie… – apposées sur des monuments. Les trois individus interpellés sont de nationalité serbe. Peut-être découvrira-t-on qu’ils ont agi contre rémunération ? Il s’agirait alors d’une ingérence étrangère visant à diviser les Français entre eux.

Oui, l’antisémitisme, nous devons le combattre, car c’est un mal, non seulement pour nos compatriotes juifs, mais pour l’ensemble des Français, pour la République, pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Je me réjouis de cette volonté clairement affirmée. Je rappelle simplement ici que Georges Bensoussan, historien de l’antisémitisme et de la Shoah, a été poursuivi pour incitation à la haine raciale après la parution de son ouvrage Les Territoires perdus de la République, mais il a été relaxé. Il ne faisait que dénoncer ce nouvel antisémitisme, en provenance de certaines banlieues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

pénuries de médicaments

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

Monsieur le ministre, les pénuries de médicaments atteignent des niveaux inédits depuis une dizaine d’années, comme vous venez vous-même de le reconnaître. Malgré quelques mesures conjoncturelles qui ne s’attaquent pas aux causes profondes du problème, les tensions d’approvisionnement persistent, en particulier dans les zones rurales.

Les causes de ce phénomène structurel sont pourtant connues : en premier lieu, le non-respect par les laboratoires pharmaceutiques de leurs obligations. Au Sénat, en juillet 2023, Laurence Cohen, Sonia de La Provôté et moi-même avions remis un rapport dans lequel nous formulions trente-six recommandations pour répondre à cet enjeu de santé publique.

Dans ce contexte tendu, deux pharmaciens corréziens installés dans un désert en santé, le plateau de Millevaches, ont été lourdement sanctionnés le mois dernier. Ils ont été condamnés à six mois d’interdiction d’exercice, dont quatre avec sursis, pour avoir dispensé à l’unité des médicaments en tension. Deux mois d’interdiction d’exercice dans un désert médical auront des conséquences graves pour les patients : cela signifie des interruptions de traitement, une rupture de la continuité des soins !

Nous avions pourtant voté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, la possibilité d’imposer la dispensation à l’unité de certains médicaments face aux tensions d’approvisionnement. La sanction infligée à ces pharmaciens est donc totalement injustifiée, et nous voulons leur redire notre soutien.

Monsieur le ministre, mesurez-vous réellement les conséquences sanitaires de la fermeture de ces pharmacies dans des territoires ruraux et hyperruraux qui sont déjà aujourd’hui de véritables déserts en santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice, merci de cette question. La pénurie de médicaments est un problème dont les causes sont multiples et variées et qui se pose au-delà des frontières de la France.

Il y a d’abord un enjeu européen : celui de la souveraineté sanitaire et de la localisation, voire de la relocalisation, des principes actifs sur notre territoire. C’est le sens de l’action que nous menons actuellement concernant un certain nombre de substances actives. Plus de quarante d’entre elles sont aujourd’hui en cours de relocalisation. C’est le cas, je peux en témoigner, dans ma propre circonscription, où le paracétamol est relocalisé sur un site industriel permettant de couvrir 60 % de la consommation européenne.

Le deuxième sujet, c’est la gestion de la pénurie lorsqu’elle survient. Les difficultés actuelles d’approvisionnement en psychotropes, par exemple, sont liées à un problème de production en Grèce, ce qui illustre bien l’ampleur européenne de la problématique et la nécessité de renforcer notre souveraineté pharmaceutique.

C’est dans cette perspective que se tiendra, à la fin du mois de juin, à Luxembourg, le Conseil des ministres européens de la santé. Il portera notamment sur le paquet pharmaceutique, l’objectif étant d’encourager fortement la relocalisation des industries pharmaceutiques en Europe.

Troisième point : lorsque la pénurie est malheureusement là, un certain nombre de mesures sont mises en œuvre, comme la dispensation à l’unité, la substitution, l’interdiction pour les grossistes-répartiteurs de livrer à l’étranger, ou encore le gel de certaines prescriptions. Ces leviers, que nous mobilisons par le biais de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) visent à limiter les impacts de la pénurie.

Je prendrai avec beaucoup d’attention, en aparté, les coordonnées des deux pharmacies que vous évoquez.

Les pharmaciens jouent un rôle majeur, notamment dans les déserts médicaux. Je compte bien mener l’action nécessaire pour qu’ils ne deviennent pas également des déserts pharmaceutiques. Une pharmacie ouverte du lundi au samedi, nous le savons bien, est un lieu de soins de proximité, un lieu de conseil, un lieu de dispensation, qui permet d’effectuer des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) ou de délivrer des médicaments essentiels.

Nous devons réfléchir à la manière de soutenir cette présence territoriale, car de nombreuses pharmacies ne sont plus rentables, ne trouvent plus de repreneurs, et finissent par fermer. Je serai donc très attentif à la situation que vous évoquez. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, il est évident que la réponse est européenne et qu’elle doit passer par la réindustrialisation.

Toutefois, je vous interpellais surtout sur le cas de ces deux pharmaciens condamnés en Corrèze. À l’heure actuelle, de nombreuses pharmacies peinent à retrouver des repreneurs et sont obligées de fermer. Après les déserts médicaux, nous sommes à présent confrontés aux déserts en santé. Les conséquences de telles situations sont extrêmement néfastes pour nos territoires ruraux et hyperruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco et M. Michel Masset applaudissent également.)

mesures prises à la suite du meurtre du jeune elias

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le ministre, le 24 janvier dernier, Elias, âgé de 14 ans, a été assassiné à la machette et à la hachette, à Paris, dans le XIVe arrondissement, par deux mineurs multirécidivistes. Déjà condamnés, ils étaient libres. Ils auraient dû être placés en centre éducatif fermé ou en prison. Ils ne l’étaient pas. Ainsi, Elias est mort.

C’est le symbole de l’effondrement silencieux d’un système qui ne protège plus, n’éduque plus, ne sanctionne plus à temps et presque jamais dès le premier délit.

J’ai deux questions, monsieur le ministre.

Premièrement, allez-vous enfin abroger les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dite loi Belloubet, qui interdit les courtes peines de prison ? Quand réintroduirez-vous des peines ultracourtes pour que soient enfin appliquées des sanctions immédiates, proportionnées et éducatives ? Ce refus de sanctionner ne sauve personne, il enfonce les jeunes dans la violence.

On nous répond souvent : « Nous n’avons pas de place. » Étienne Blanc en a parlé : être efficace pour construire des places de prison et d’établissement pour mineurs, c’est certes austère, cela ne fait pas le journal de vingt heures, mais c’est absolument indispensable, vous l’avez également souligné.

Deuxième question, allez-vous remettre en cause la césure du procès pénal des mineurs, qui est devenu l’un des symboles du renoncement face à la délinquance juvénile ?

Comment un adolescent peut-il saisir la gravité de son acte quand la peine tombe, le cas échéant, un an après et est prononcée moins au vu de la gravité du délit qu’au regard du comportement du mineur vis-à-vis de son éducateur dans l’intervalle ?

Il est temps de restaurer l’unité de jugement et de redonner à la sanction son rôle pédagogique premier : elle doit pour cela être immédiate, certaine, lisible et assumée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée, je vais essayer de répondre à l’ensemble de vos interrogations, même si je me suis déjà exprimé sur ce sujet en réponse aux questions de Mme Jourda, de Mme Florennes et de M. Blanc.

Vous l’avez compris, j’ai la ferme volonté de construire rapidement de nouvelles places de prison, en procédant différemment de ce que fait habituellement le ministère de la justice.

Aujourd’hui, on construit, grosso modo, les mêmes établissements pénitentiaires sur l’ensemble du territoire national, sans véritablement différencier les profils de détenus selon leur dangerosité. On les catégorise seulement selon leur statut devant la justice : les personnes en détention provisoire sont orientées vers les maisons d’arrêt, tandis que les personnes condamnées sont placées dans des établissements pour peine. Résultat : surpopulation chronique en maison d’arrêt et sous-occupation des établissements pour peine. Ce déséquilibre traduit un dysfonctionnement du système.

Le 31 juillet prochain, comme vous l’avez voté, sera créée la première prison de haute sécurité dans le Pas-de-Calais. Puis ouvrira, le 15 octobre, celle de Condé-sur-Sarthe. Comme je l’ai indiqué à M. Blanc, nous développons également des prisons à taille humaine, moins carcérales, destinées aux auteurs de délits ou de crimes qui, une fois condamnés et incarcérés, ne poseront plus de problèmes à l’extérieur. Je pense, notamment, aux infractions routières, à certains faits de violences sexuelles ou de destruction. Les auteurs de ces faits, une fois qu’ils sont à l’intérieur de la prison, ne posent plus de difficulté à l’extérieur, ce qui n’est pas le cas des narcobandits ou des terroristes.

Oui, je suis favorable à la fin de l’aménagement de peine obligatoire. Vous avez cité la loi Belloubet, mais permettez-moi de rappeler que cette orientation a été mise en œuvre par M. Perben, poursuivie par Mme Dati, puis par Mme Belloubet, enfin par M. Dupond-Moretti. Tous ont agi au nom d’un principe intelligent que nous avons collectivement soutenu : celui d’une régulation carcérale inversée, en refusant les peines ultracourtes, qui n’ont jamais véritablement eu leur place dans notre droit.

Un travail est en cours au Sénat sur ces peines courtes et ultracourtes. Je pense notamment aux travaux conduits par Mme Vérien. Nous devons également observer ce qui se fait au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Je suis prêt à en débattre. Mais j’indique d’ores et déjà que je proposerai la fin de l’aménagement de peine obligatoire dès le premier jour d’incarcération dans le texte que je compte vous présenter – je l’espère – dès septembre prochain.

J’en viens à la justice des mineurs. Vous avez, madame, voté la réforme du code de la justice pénale des mineurs proposée par mon prédécesseur, qui prévoit notamment la césure. Et dans le texte dont nous avons débattu ensemble – je parle ici de votre groupe politique –, vous n’avez pas proposé la suppression de ce dispositif.

Cependant, la loi qui vient d’être adoptée permet de faire beaucoup de choses. La comparution immédiate, l’assistance éducative suivie de sanctions, le couvre-feu, sont autant d’outils à notre disposition.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous attendons à présent la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, vous avez cité M. Perben. Je me permets de vous rappeler – mais vous le savez certainement – que lors du mandat du président Jacques Chirac,…

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. … nous avions fait voter une loi spéciale pour accélérer le rythme de construction de places de prison. Il y avait même, à l’époque, un ministre qui se consacrait entièrement à cette tâche.

Je tenais à vous adresser un mot d’encouragement pour les deux années qui viennent. Car, même en l’absence d’une majorité parlementaire forte, il est possible de réaliser des avancées considérables en matière de construction carcérale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

état des ponts routiers

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Brigitte Devésa. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des transports, Philippe Tabarot.

La situation du réseau des ponts routiers en France est aujourd’hui très préoccupante. Sur les 250 000 ponts que compte notre pays, près de 40 000 sont en très mauvais état en raison d’un manque d’entretien.

Mon collègue Hervé Maurey, que je salue, avait déjà alerté sur cette situation dans un rapport d’information en 2019. Nous avons encore à l’esprit l’effondrement du pont de Gênes et de celui de Mirepoix-sur-Tarn. Tout le monde souhaite éviter une nouvelle catastrophe de cette nature dans notre pays.

Pour remédier à cette situation, l’État a mis en place le programme national Ponts piloté par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui aide les communes à financer les diagnostics et les réparations de leurs ouvrages d’art.

Cependant, ce dernier apparaît clairement sous-dimensionné. Il est doté de seulement 55 millions d’euros, quand il faudrait 730 millions d’euros pour intervenir sur les ponts les plus endommagés. Nous connaissons tous la situation délicate de nos finances publiques et nous réalisons l’investissement que cela représenterait. Mais rien ne justifie de mettre ainsi en danger nos concitoyens en laissant nos ponts se dégrader.

Vous avez vous-même admis, monsieur le ministre, dans une réponse du 8 mai 2025 à une question écrite posée par mon collègue Hervé Maurey, que « l’enveloppe n’est pas dimensionnée pour couvrir à terme l’ensemble des coûts de réparation des ponts les plus endommagés ».

Puisque vous avez posé ce diagnostic, monsieur le ministre, je vous le demande : comment le Gouvernement compte-t-il faire pour augmenter l’enveloppe du programme national Ponts, afin de réaliser un entretien complet des ponts qui traversent notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice Devésa, l’état de nos ponts est en effet préoccupant. Le Gouvernement agit avec détermination.

Le rapport Maurey de 2019, auquel vous faites référence, a permis de tirer la sonnette d’alarme. Trois ans plus tard, l’excellent rapport d’information Sécurité des ponts : face au « chantier du siècle », lurgence dune action publique plus ambitieuse de Bruno Belin, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a confirmé ces constats et fait un premier état des lieux étayé de la mise en œuvre des recommandations. Je salue le travail de ces deux sénateurs… et de tous les autres ! (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est précisément en réponse aux préconisations sénatoriales que le Gouvernement a créé le programme national Ponts. Je souhaite apporter des précisions sur son dimensionnement. Le programme est doté de 110 millions d’euros au total. Les 55 millions dont vous avez parlé correspondent à la seule partie consacrée aux subventions de travaux. Cette enveloppe, confiée au Cerema, s’inscrit dans une logique cohérente.

Tout d’abord, le diagnostic : 14 800 communes ont bénéficié d’évaluations gratuites de leur ouvrage, 63 000 ponts ont été expertisés. Chaque maire a ensuite reçu le carnet de santé de ses ponts. Puis un accompagnement technique a été mis en œuvre : le dispositif SOS Ponts permet d’apporter une aide aux communes dans leurs études préalables aux travaux.

Enfin, en ce qui concerne le soutien financier, sur les 55 millions d’euros prévus pour les subventions de travaux, 26,8 millions ont été accordés. Je tiens surtout à rappeler qu’aucun dossier n’a été bloqué pour insuffisance budgétaire. Le comité d’attribution instruit tous les dossiers qui lui sont transmis.

Cependant, nous savons que cette enveloppe ne couvrira pas tous les besoins, vous l’avez dit. C’est pourquoi nous discutons déjà des suites de ce programme dans le cadre de la conférence Ambition France Transports.

Rappelons, enfin, que l’entretien des ponts incombe d’abord aux gestionnaires de voirie. L’État accompagne et soutient, mais ne peut se substituer aux responsabilités locales. Par ce programme, le Gouvernement agit méthodiquement. C’est un premier jalon solide que nous posons et nous poursuivrons notre action dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.

Mme Brigitte Devésa. À présent que nous partageons tous le même constat, y compris le Gouvernement, le temps est à l’action. Je vous demande, monsieur le ministre, de veiller à ce que cet outil public indispensable, reconnu pour son expertise, réponde pleinement aux attentes de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Communication d’avis sur des projets de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des finances a émis un avis favorable sur la nomination de M. Olivier Sichel à la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, la commission des lois a émis un avis favorable sur la nomination de M. Bernard Stirn à la présidence de la commission prévue au dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi sur la profession d’infirmier est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Discussion générale (suite)

Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (projet n° 600, texte de la commission n° 668, rapport n° 667).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui répond à un objectif simple tant sur le fond que sur la forme : il s’agit d’assurer la transposition législative fidèle et complète de trois accords intervenus entre les partenaires sociaux le 14 novembre 2024 sur des sujets importants et attendus par nos compatriotes.

Permettez-moi tout d’abord de faire quelques rappels afin que chacun puisse bien comprendre le contexte dans lequel ce texte est soumis au Parlement.

À l’automne dernier, le Premier ministre Michel Barnier, que je tiens à saluer chaleureusement, et moi-même étions convaincus qu’il y avait matière à accord et qu’il était nécessaire de relancer le dialogue social. Je suis sûre que le président Gérard Larcher, père de l’article L. 1 du code du travail, ne nous aurait pas contredits !

Nous avons donc demandé aux partenaires sociaux de reprendre plusieurs négociations qui, au cours de la dernière période, n’avaient pas abouti. Nous leur avions promis que s’ils parvenaient à des accords, ceux-ci seraient appliqués fidèlement par voie réglementaire, si cela était possible, ou qu’ils seraient retranscrits fidèlement dans la loi.

Après quelques semaines de négociations, le 14 novembre 2024, cette initiative a été validée par un triple accord.

Les partenaires sociaux ont ainsi conclu deux accords nationaux interprofessionnels, l’un sur l’emploi des travailleurs expérimentés – je préfère cette expression au terme « seniors » –, l’autre sur le dialogue social, ainsi qu’une nouvelle convention Unédic.

Ces trois textes ont été largement signés. Un peu plus de six mois après leur conclusion, une partie de ces accords est bien entrée en vigueur par voie réglementaire. Toutes les stipulations des trois accords du 14 novembre n’impliquaient pas en effet de mesures de transposition dans la loi. La convention Unédic, par exemple, a été agréée par décret. Quelques stipulations, notamment sur la possibilité de prendre une retraite progressive à 60 ans au lieu de 62 ans, nécessitaient quant à elles des mesures réglementaires uniquement, qui ont été prises depuis lors.

Il appartient donc au Parlement d’assurer la transposition législative du reste des mesures prévues.

Pour cela, nous avons veillé à ce que ce projet de loi retranscrive le plus fidèlement possible la volonté des partenaires sociaux. C’est ce qui a justifié de nombreux échanges avec eux au cours des derniers mois afin de les associer au mieux à l’élaboration de ce texte, qu’ils soient signataires ou non des différents accords.

Je sais que le Sénat partage avec ce gouvernement le souhait de faire vivre la démocratie sociale. Vous êtes rompus, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’exercice de transposition fidèle des accords négociés par les partenaires sociaux. Nous en avons ainsi fait ensemble l’expérience en finalisant la transposition de l’ANI sur les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Abordons à présent le contenu de ce projet de loi.

Sept des dix articles du texte concernent l’emploi des travailleurs expérimentés. En effet, 61 % des plus de 55 ans sont en activité. Ce taux s’établit à moins de 40 % parmi les plus de 59 ans. Ces statistiques nous placent loin, très loin derrière les mieux-disants européens.

La fin de carrière effraie. C’est un gâchis humain et économique inacceptable, que nous ne pouvons plus nous permettre.

Sur cette question stratégique, j’ai donc lancé ce printemps une grande initiative nationale qui vise à changer le regard porté sur l’emploi des 50 ans et plus en luttant contre les stéréotypes.

Tout d’abord, une campagne de communication en ce sens a débuté samedi dernier et se poursuivra jusqu’au 6 juillet 2025.

Ensuite, nous devons changer les pratiques des employeurs, en embarquant France Travail, l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), les organisations professionnelles, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) ou encore la communauté Les Entreprises s’engagent, pour mettre en avant les entreprises qui se sont saisies de cette question.

Enfin, nous devons modifier la loi : c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Concrètement, les deux premiers articles renforcent le dialogue social en obligeant les branches et les entreprises d’au moins 300 salariés à mener tous les quatre ans des négociations spécifiques sur ce thème.

En effet, il est essentiel que le dialogue social, à tous les niveaux, porte sur le maintien en emploi des 50 ans et plus, sur la gestion de la seconde partie de carrière, sur la transmission des compétences, mais aussi sur le recrutement des salariés expérimentés. Afin d’apporter les bonnes réponses en fin de carrière, employeurs et salariés doivent se préparer en amont.

L’un des enseignements majeurs tirés de l’expérience des pays d’Europe du Nord, qui sont engagés sur cette question depuis les années 2000, et dont le taux d’activité général et celui des seniors sont plus élevés que le nôtre, est clairement que, pour travailler plus longtemps, il faut anticiper au plus tôt.

L’article 3 crée donc un nouvel entretien professionnel organisé dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière. Ce dispositif intégré a vocation à faire de ce rendez-vous un moment clé pour mieux répondre aux enjeux de santé au travail, notamment en matière de prévention de l’usure professionnelle. Il sera également l’occasion d’aborder l’ensemble des questions liées aux compétences, aux qualifications, aux besoins de formation, aux mobilités ou aux reconversions.

L’article 4 apporte une réponse en matière de recrutement des travailleurs expérimentés en prévoyant l’expérimentation durant cinq ans du contrat de valorisation de l’expérience (CVE), destiné aux demandeurs d’emploi âgés de 60 ans et plus. On sait que les chômeurs de plus de 55 ans mettent deux fois plus de temps à retrouver un emploi que les actifs âgés de 20 à 49 ans.

La situation est aujourd’hui déséquilibrée : un employé peut faire valoir son droit à la retraite quand il peut prétendre à une retraite à taux plein, mais s’il ne le souhaite pas, son employeur ne peut lui imposer de quitter l’entreprise. Or ce manque de visibilité est un frein à l’embauche. Cela nous a été dit à de multiples reprises par de nombreux employeurs.

Grâce au contrat de valorisation de l’expérience, les salariés concernés pourront bénéficier d’un contrat à durée indéterminée – j’insiste sur ce point. Les entreprises bénéficieront, en contrepartie, d’une sécurité et d’un avantage.

La sécurité, c’est la certitude pour l’employeur, s’il le souhaite, de voir le salarié partir à la retraite lorsqu’il atteint l’âge légal de départ à taux plein. L’avantage pour l’entreprise, c’est l’exonération de cotisation sur les indemnités de mise à la retraite.

Puisque la question a été posée lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, je tiens à revenir sur le coût de cette exonération. Il n’est en rien comparable à l’exonération de cotisation d’allocations familiales évoquée il y a quelques années sur chaque salaire mensuel, qui se chiffrait en centaines de millions d’euros. Nous parlons ici d’une exonération sur la seule indemnité de mise à la retraite, qui n’est versée qu’une fois.

Il est complexe de donner un montant précis, car le coût total dépendra du nombre de nouvelles embauches dans le cadre d’un CVE et des profils de salaires qui en bénéficieront, puisque l’indemnité de mise à la retraite dépend de l’ancienneté du salarié.

Néanmoins, à titre de perspective, les cotisations sur les primes de mise à la retraite des 57-64 ans actifs, qui n’ont pas vocation à basculer sur ce type de contrat, représentent aujourd’hui 62 millions d’euros.

Les articles 5, 6 et 7 facilitent les aménagements de fin de carrière.

Dans les pays où le taux d’emploi des 61-64 ans est élevé, comme la Suède et le Danemark, le recours au temps partiel est beaucoup plus fréquent. Ce type de contrat a l’avantage de sortir d’une logique trop binaire avec laquelle il faut rompre concernant les travailleurs expérimentés de plus de 60 ans. En France, on se figure qu’on ne peut être qu’à 100 % en activité ou à 100 % en retraite. Imaginons plutôt un continuum d’activité, comme cela existe en Europe du Nord, qui corresponde aux aspirations personnelles des salariés et aux besoins des entreprises.

L’article 5 vise donc à faciliter les aménagements de fin de carrière en obligeant les entreprises à motiver précisément les refus qu’elles sont en droit d’opposer aux demandes de passage à temps partiel.

L’article 6 permet à l’employeur d’un salarié qui décide de réduire son temps de travail de lui verser, de manière anticipée, tout ou partie de l’indemnité de départ à la retraite afin de compenser en partie la rémunération perdue. Il instaure ainsi le mécanisme de retraite progressive, très développé dans certains pays et beaucoup moins dans le nôtre.

L’article 7 clarifie les règles relatives à la mise à la retraite d’office pour les rendre pleinement applicables aux salariés bénéficiant d’un cumul emploi-retraite qui ont été recrutés après avoir atteint l’âge de la retraite à taux plein.

Comme je l’indiquais en préambule, la retraite progressive à 60 ans fait évidemment partie de l’ANI en faveur de l’emploi des travailleurs expérimentés, mais sa mise en œuvre n’exige pas de modification de nature législative. La publication prochaine du décret permettra l’entrée en vigueur de cette disposition au 1er septembre 2025.

Aujourd’hui, le dispositif de retraite progressive n’est pas assez mobilisé : seules 30 000 personnes en bénéficient, en cumulé, sur les 700 000 retraités que compte une cohorte annuelle moyenne. Les chiffres sont donc très faibles. Le dispositif est bien plus populaire aux Pays-Bas et dans les pays d’Europe du Nord, où les taux d’activité des travailleurs expérimentés sont bien plus élevés que les nôtres.

L’ouverture de la retraite progressive à 60 ans a le même objectif que les dispositions en discussion : il s’agit de favoriser l’aménagement des fins de carrière en sortant d’une logique binaire, selon laquelle on est à 100 % en activité ou à 100 % en retraite.

Le développement de la retraite progressive doit permettre aux salariés qui le souhaitent de réduire leur temps de travail, en commençant à percevoir une partie de leur pension tout en continuant à cotiser à taux plein.

L’article 8 traite d’une question différente : la qualité et la continuité du dialogue social, qui est l’objet du second ANI en date du 14 novembre 2024.

Les partenaires sociaux ont trouvé un accord très large et supprimé la limitation à trois du nombre de mandats successifs que les membres élus des comités sociaux et économiques (CSE) peuvent effectuer.

L’article 9 traite de l’assurance chômage.

Pour l’essentiel, la nouvelle convention Unédic, qui a fait l’objet d’un accord en novembre dernier, a été agréée. Elle est entrée en vigueur par un décret du 20 décembre 2024.

Je rappelle que, au total, en régime de croisière, cette nouvelle convention permettra de réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies par an. Au début des négociations, le gouvernement Barnier avait demandé aux partenaires sociaux de dégager 400 millions d’euros d’économies supplémentaires sur le régime.

L’une des propositions des partenaires sociaux n’avait alors pas pu être agréée, faute de base législative : il s’agit de la mesure qui améliore les droits des primo-entrants dans le dispositif, en abaissant de six mois à cinq mois la durée d’affiliation des personnes s’inscrivant pour la première fois à l’assurance chômage.

L’objectif est de mieux sécuriser la situation de ces demandeurs d’emploi particulièrement fragiles. Cela se justifie pleinement au regard de la remontée du chômage, en particulier chez les jeunes, que nous observons actuellement. L’article 9 du projet de loi donne une base législative à cette mesure et permettra son intégration à la nouvelle convention d’assurance chômage.

Enfin, le Gouvernement a souhaité saisir l’occasion de ce vecteur législatif pour permettre la transcription des futures conclusions de la négociation en cours sur les transitions et les reconversions professionnelles, en introduisant un article 10.

Lors de mon audition par la commission des affaires sociales, j’ai évoqué les raisons qui ont incité le Gouvernement à demander une habilitation à légiférer par ordonnances. J’ai parfaitement conscience des limites de cette procédure, qui peut être interprétée comme une forme de dessaisissement par le législateur de sa compétence.

Dans un marché du travail préoccupant à certains égards, les salariés et les employeurs ont besoin d’outils plus efficients, plus lisibles et plus facilement mobilisables. Aussi, plutôt que d’attendre un véhicule législatif inconnu, à une date incertaine, nous avons préféré prendre les devants en rédigeant cet article 10.

Je le répète : c’est uniquement par pragmatisme et par souci de trouver la meilleure articulation entre le temps du dialogue social et le calendrier parlementaire que nous avons rédigé cet article, l’idée étant de substituer à l’ordonnance les dispositions de l’accord dès que possible.

En effet, au moment où le Parlement commence ici même l’examen de ce projet de loi, les partenaires sociaux, sur l’invitation de Catherine Vautrin et de moi-même, ont entamé des négociations sur nos dispositifs de transition et de reconversion.

Les partenaires sociaux ne partaient pas d’une page blanche ; ils avaient déjà entamé des négociations sur le sujet, qui n’ont pas abouti. Conscients de l’urgence, ils se sont remis au travail et souhaitent trouver un accord d’ici à la mi-juin.

Ces dispositifs doivent jouer un rôle clé dans notre stratégie en faveur de l’emploi des plus de 50 ans. Ils doivent aussi profiter aux salariés, aux entreprises et aux territoires touchés par des restructurations pour une meilleure continuité professionnelle et salariale.

Cela nécessite de rendre nos dispositifs plus simples.

L’objectif est de mieux accompagner les salariés, de favoriser les mobilités internes et externes, mais aussi de développer l’alternance pour les adultes, sans limite d’âge, grâce au contrat de professionnalisation.

Aujourd’hui, nous avons bon espoir que ces négociations aboutissent très prochainement. Le cas échéant, il faudra en assurer une transposition législative rapide.

C’est d’ailleurs une demande formulée expressément par les partenaires sociaux, tant par les organisations patronales que par les organisations syndicales. Tous sont convaincus de l’urgence de disposer de dispositifs plus efficaces.

Je remercie donc très sincèrement les rapporteures et la commission des affaires sociales de la solution très pragmatique qui a été trouvée : en cas d’accord, le Gouvernement s’engage à déposer un amendement de réécriture reprenant le plus fidèlement possible les propositions des partenaires sociaux.

Sur toutes ces questions, le Gouvernement et les partenaires sociaux s’attachent à revitaliser le dialogue social.

Comme le montrent les travaux de la commission des affaires sociales, le Sénat est rodé à l’exercice particulier que constitue la transposition des accords nationaux interprofessionnels. Il s’agit d’être à la fois loyal et précis pour assurer une parfaite transposition, sans renoncer au pouvoir d’appréciation générale du législateur.

C’est la tâche qui vous incombe aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui relève d’un exercice particulier : il s’agit d’effectuer la transposition législative d’accords nationaux interprofessionnels.

Je ne reviendrai pas sur le parcours un peu difficile des négociations, que Mme la ministre a évoqué. Je préfère que nous nous réjouissions de voir que le dialogue social interprofessionnel s’est renoué et a abouti par trois fois en novembre 2024 : sur le travail des salariés expérimentés, sur l’évolution du dialogue social et sur les règles de l’assurance chômage.

Face à cette réussite du paritarisme, ma collègue rapporteure et moi-même pensons que le législateur doit faire preuve d’humilité et viser une transposition législative loyale des accords ainsi conclus. La commission a donc examiné le texte en veillant à ce que l’intention des partenaires sociaux ne soit pas dévoyée.

Il faut dire d’emblée que cet objectif est effectivement rempli par le projet de loi qui nous est présenté par le Gouvernement. Les organisations syndicales comme patronales signataires des accords ont souligné que la rédaction retenue du texte est bien conforme aux accords conclus.

Avant d’en venir aux dispositions mêmes du texte, permettez-nous de rappeler quelques chiffres sur l’emploi des seniors, sujet principal du projet de loi.

La désinsertion, l’usure professionnelle et les freins à l’embauche, parfois assimilables à de véritables discriminations, expliquent que le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans soit inférieur à celui des autres catégories de la population. En 2023, ce taux s’établissait à 58,4 %, contre 82,6 % chez les 25-49 ans.

Comme souvent, la comparaison avec certains pays européens nous laisse rêveurs : le taux d’emploi des seniors atteint ainsi 74 % en Allemagne et jusqu’à 78 % en Suède. Si la France parvenait à rattraper le taux d’emploi des seniors allemands, elle ferait un bond de 16 points, qui entraînerait un accroissement du PIB de près de 125 milliards d’euros, ce qui aurait une heureuse incidence sur ses finances publiques…

Le projet de loi s’ouvre sur un chapitre primordial visant à la relance du dialogue social sur l’enjeu spécifique des seniors.

L’article 1er transpose ainsi l’objectif de l’ANI de réinstaurer une négociation obligatoire sur ce sujet au niveau des branches. Depuis 2017, le code du travail demeure en effet silencieux sur les thèmes du travail et de l’emploi des seniors à l’échelle de la branche.

La négociation se tiendrait au moins tous les quatre ans et devrait aborder le recrutement des salariés seniors, leur maintien dans l’emploi, l’aménagement des fins de carrière et la transmission des savoirs et des compétences.

L’article 2 a le même objectif à l’échelle des entreprises. Il instaure une obligation quadriennale de négociation portant sur les mêmes sujets que l’article 1er à destination des entreprises d’au moins 300 salariés. Le seuil retenu permet de préserver les très petites entreprises (TPE) ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME), moins outillées pour ces exercices de négociation et dans lesquelles le dialogue sur l’accompagnement des fins de carrière est souvent moins formalisé.

Ces entreprises ne sont toutefois pas oubliées dans le projet de loi, puisque l’article 1er prévoit que l’accord de branche pourra, le cas échéant, comporter un plan type pour les entreprises de moins de 300 salariés, applicable si une négociation dans l’entreprise a tout de même été lancée, sans aboutir.

Plutôt que d’imposer nationalement des mesures préconçues, les partenaires sociaux ont préféré inciter, par le dialogue social, l’émergence de solutions adaptées aux réalités socio-économiques des secteurs d’activité et des entreprises. Nous pensons que cette option est la bonne.

L’article 3 concerne la préparation de la seconde partie de carrière. Il s’agit d’aborder, au cours de rendez-vous clés, les évolutions possibles dans l’organisation du travail afin de maintenir le salarié dans l’emploi et de prévenir l’usure professionnelle. La visite médicale de mi-carrière serait ainsi mieux articulée avec les entretiens professionnels. Quant aux mesures proposées par le médecin du travail, elles devront être discutées au cours de cet entretien.

Cet article, qui transpose fidèlement l’ANI, est tout à fait vertueux. Son application effective représentera cependant un véritable défi, dans un contexte de pénurie de médecins du travail.

Comme cela a été mentionné, le texte comporte également des mesures issues de l’ANI sur l’évolution du dialogue social signé le 14 novembre 2024 et de la convention d’assurance chômage conclue le 15 novembre 2024.

Craignant un manque de candidats volontaires pour exercer le mandat d’élu du comité social et économique, les partenaires sociaux ont souhaité supprimer la limitation à trois du nombre de mandats successifs qu’un élu peut exercer. L’article 8 lève ainsi cette contrainte prévue dans le code du travail depuis 2017.

Enfin, les partenaires sociaux ont décidé d’assouplir les conditions d’affiliation à l’assurance chômage des primo-entrants, c’est-à-dire des travailleurs, jeunes pour 62 % d’entre eux, n’ayant jamais bénéficié de l’allocation d’aide au retour à l’emploi ou ne l’ayant pas touchée depuis une longue période. Toutefois, une base légale manquait pour que le Gouvernement puisse agréer cette mesure contenue dans la convention d’assurance chômage ; l’article 9 la prévoit.

Considérant que le projet de loi assure une transposition adéquate des accords nationaux, nous vous invitons à l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, outre les mesures qu’a présentées Mme le rapporteur, le projet de loi prévoit des dispositions visant à favoriser le maintien des seniors dans l’emploi par d’autres dispositifs d’aménagement des fins de carrière.

Afin de ne pas entraver le recours à la retraite progressive, l’article 5 encadre davantage le refus de l’employeur d’accorder à un salarié de passer à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre d’une retraite progressive. Le refus devra être motivé par l’incidence de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise et par les tensions de recrutement.

L’article 6 permet de négocier par accord collectif un versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’un passage à temps partiel ou réduit. Ce versement échelonné permettrait ainsi d’assurer un maintien total ou partiel de la rémunération, en dépit de la réduction de la quotité d’activité. Certaines branches ou entreprises ont prévu un tel dispositif dans leurs accords et la modification proposée du code du travail permettra d’assurer la légalité de ces clauses.

L’article 7 vise à faire évoluer le droit, à la suite d’un récent arrêt de la Cour de cassation, afin de préciser que la mise à la retraite d’office d’un salarié est permise y compris lorsque ce dernier a été recruté après avoir atteint l’âge de départ à taux plein.

Ces différentes mesures répondent ainsi à l’un des écueils identifiés dans le monde professionnel en France. Trop souvent, les fins de carrière sont vues au travers d’un prisme binaire. Entre le travail à temps complet et la cessation totale d’activité et le départ à la retraite, une tierce option semble difficilement concevable.

Seuls 25 % des salariés de plus de 55 ans sont à temps partiel en France, alors que ce taux atteint 40 % aux Pays-Bas. De même, la retraite progressive n’a concerné que 26 000 salariés en 2023.

Or ce sont précisément ces modèles flexibles d’organisation du travail en fin de carrière qui permettront le maintien d’un plus grand nombre de salariés dans l’emploi. L’ANI conclu par les partenaires sociaux, tout comme ce projet de loi, apporte de premières réponses, mais la diffusion de ces modes d’organisation du travail ne reposera pas seulement sur des dispositions législatives. Un effort de longue haleine sera nécessaire pour changer les mentalités. Les négociations dans les branches et les entreprises devraient y contribuer.

Afin de lever les freins à l’embauche, il est proposé, à l’article 4, de créer un nouveau contrat à durée indéterminée à destination des demandeurs d’emploi seniors, le contrat de valorisation de l’expérience, qui permettrait à leur employeur de procéder à leur mise à la retraite seulement une fois atteint l’âge d’obtention d’une pension de retraite à taux plein.

Afin d’inciter à la conclusion de tels contrats, une exonération de la contribution employeur spécifique sur l’indemnité de mise à la retraite est prévue. Nous vous proposerons d’ailleurs un amendement de précision à ce sujet pour rendre compte fidèlement de l’intention des partenaires sociaux.

L’article 4 s’inscrit dans la lignée du contrat de fin de carrière proposé par le Sénat lors de la réforme des retraites. La commission a donc bien sûr soutenu cet article. Elle a toutefois déposé un amendement visant à conférer un caractère expérimental aux dispositions et prévu la remise d’un rapport d’évaluation afin d’assurer la bonne information du législateur cinq ans après l’entrée en vigueur du dispositif.

Enfin, l’une des modifications les plus substantielles apportées par la commission au projet de loi concerne l’article 10. Le texte proposé par le Gouvernement prévoyait d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour modifier les dispositifs qui concourent aux reconversions professionnelles. L’intention annoncée était de transposer l’ANI en cours de négociation entre les partenaires sociaux afin de remédier au manque de lisibilité des dispositifs de transition professionnelle existants.

Nous avons considéré qu’un tel recours à une ordonnance n’était pas approprié. Le Parlement doit être pleinement saisi de cette réforme d’ampleur et veiller à la bonne transposition d’un éventuel accord. Toutefois, nous n’avons pas souhaité supprimer purement et simplement l’article. Nous comprenons qu’il est important que le dialogue social, s’il aboutit, puisse rapidement trouver un véhicule législatif. La rédaction de l’article 10 proposée par la commission consacre donc les objectifs de la réforme des transitions professionnelles à l’aune desquels les partenaires sociaux négocient.

Pour conclure, nous pouvons nous féliciter de la démarche du Gouvernement, qui nous présente aujourd’hui un projet de loi visant à la stricte transposition des mesures des accords relevant du domaine de la loi.

La commission vous invite donc à adopter le texte dans la version issue de ses travaux, dont les seules modifications substantielles concernent les articles 4 et 10. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à féliciter les rapporteurs pour les améliorations qu’ils ont apportées au texte.

Si comparaison n’est pas raison, nous comparer à nos voisins européens n’en demeure pas moins parlant. Ainsi, si la France avait le taux d’emploi des Pays-Bas, nos recettes publiques en seraient améliorées de 140 milliards d’euros. Ce chiffre semble colossal, et pour cause : il équivaut aux budgets de la défense et l’éducation nationale réunis.

Le taux d’emploi des seniors de 55 à 64 ans n’est que de 60 % en France, contre 65 % dans l’Union européenne, 75 % en Allemagne et aux Pays-Bas et 78 % en Suède. Il est trop bas dans notre pays. Nous devons donc apporter des solutions pour permettre une meilleure insertion professionnelle des seniors.

Si nous augmentions notre taux de cinq points pour atteindre la moyenne européenne, nous disposerions de 5 milliards d’euros supplémentaires pour les retraites. En 2023, nous avons voté une réforme reportant l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, si un projet de loi comme celui que nous examinons aujourd’hui avait alors été adopté, instaurant davantage de dialogue social, le report de l’âge égal aurait été, je le pense, mieux accepté.

Si nous ne faisons rien en faveur de l’emploi des seniors alors que nous avons reporté l’âge légal de départ à la retraite, nous risquons une augmentation du nombre de chômeurs. L’objectif de la réforme était pourtant de dégager des recettes supplémentaires par le travail, en ayant davantage de salariés. Il est donc indispensable d’agir.

L’évolution de la démographie de notre pays est extrêmement éloquente. La part des personnes âgées de 60 ans et plus, qui représentait 16 % de la population dans les années 1960, est passée à 28 % en 2024 et à 30 % en 2030. Les seniors sont une richesse pour les entreprises et devraient être mieux valorisés. Leur intégration dans l’économie est essentielle pour transmettre les compétences et préserver le financement de notre modèle social.

Le projet de loi qui nous est soumis apporte des solutions afin de favoriser l’emploi des seniors.

Il impose, tout d’abord, une obligation de négocier régulièrement de la question de l’emploi des seniors dans les entreprises de plus de 300 salariés. Nous soutenons évidemment cette mesure. Nous serions favorables à ce qu’elle concerne aussi des entreprises moins grandes. Ce sera le cas dans le cadre de la branche.

L’article 3 du texte améliore la préparation de la deuxième partie de carrière. Il prévoit que la question de la formation ou de la reconversion du salarié doit être évoquée lors de l’entretien professionnel qui suit la visite médicale de mi-carrière. De même, il prévoit que devront être abordées lors de l’entretien professionnel précédant les 60 ans du salarié les possibilités d’aménagement de fin de carrière, dont l’éventualité d’une retraite progressive.

Ce dispositif est encore trop peu utilisé en France. Seules 35 000 personnes en bénéficient chaque année, alors qu’entre 700 000 et 800 000 personnes prennent leur retraite. Cette lacune est le fruit d’une méconnaissance du dispositif de la part du salarié, mais aussi parfois même de l’employeur, notamment dans les petites entreprises – il faut qu’elles s’en emparent.

Le texte améliore le dispositif, à l’article 6, en permettant d’échelonner le versement de l’indemnité de départ à la retraite, afin que celle-ci puisse constituer un complément de rémunération lors d’un passage à temps partiel. Nous espérons que cette possibilité contribuera à augmenter le recours à la retraite progressive et au travail à temps partiel.

L’article 4 instaure le contrat de valorisation de l’expérience – la nouveauté de ce projet de loi –, un CDI réservé aux demandeurs d’emploi âgés de 60 ans, ou de 57 ans si un accord de branche le prévoit, qui ne remplissent pas encore les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Lorsqu’il remplira les conditions, le salarié pourra être mis à la retraite par l’employeur, qui bénéficiera alors d’une exonération de la contribution patronale sur l’indemnité de mise à la retraite.

L’article 5 prévoit que l’employeur doit justifier un refus éventuel – c’est un point important.

Cela a été dit, ce dispositif est certes moins favorable, et donc moins incitatif, que le contrat de fin de carrière proposé, il y a deux ans, par René-Paul Savary dans le cadre de la réforme des retraites. Celui-ci prévoyait, en plus d’une exonération de la contribution sociale sur l’indemnité de mise à la retraite, une exonération de la cotisation « famille » sur la rémunération du salarié. Le dispositif du contrat de valorisation de l’expérience reste néanmoins utile pour favoriser l’emploi des salariés expérimentés. Nous le soutenons évidemment.

Le dialogue social a aussi permis de prévoir, à l’article 9, une ouverture plus large de l’assurance chômage, ce qui constitue une amélioration.

Enfin, ce projet de loi est la transposition fidèle des accords nationaux interprofessionnels signés largement par les syndicats en novembre 2024. Nous nous félicitons du résultat de cette démocratie sociale et saluons les mesures de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui, relatif à l’emploi des seniors, vient enfin combler le grand vide laissé par la réforme des retraites, en vigueur depuis 2023.

Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles cette réforme a été adoptée ; en revanche, je rappellerai les conséquences négatives qu’elle entraîne pour les seniors de plus de 55 ans, et encore davantage pour les femmes seniors.

En 2023, le gouvernement Borne a en effet décidé de reculer l’âge légal de la retraite dans le cadre d’un texte financier, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, sans avoir traité ni avant ni après un sujet pourtant crucial : l’emploi des seniors.

Cette stratégie est d’autant plus regrettable que le problème était déjà identifié et connu depuis des années. Les difficultés à retrouver un emploi après 55 ans sont parfaitement documentées, notamment par l’Unédic et la Cour des comptes. Cette dernière avait déjà alerté en 2019 le Premier ministre en exercice sur le danger du chômage des seniors et « le risque croissant de trappe à pauvreté » qu’il représente chez les plus de 60 ans.

Que de temps perdu, mes chers collègues !

La situation actuelle est parfaitement décrite par nos deux rapporteures : dès l’âge de 56 ans, il devient très difficile de retrouver un emploi stable. Et pourtant, de nombreux seniors devront travailler jusqu’à 67 ans, et non pas 64 ans, puisqu’il faut compter, rappelons-le, quarante-trois annuités pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

À ce propos, méfions-nous de la progression apparente du taux d’emploi des seniors, car elle masque en réalité une amélioration en trompe-l’œil. Le taux d’emploi de la tranche d’âge des 55-64 ans est de 58,4 %, mais il chute de manière vertigineuse à 33 % entre 60 ans et 64 ans.

En France, l’âge demeure, cela a été dit, le premier motif de discrimination sur le marché du travail, avant l’orientation sexuelle, l’origine ethnique ou sociale. À titre d’exemple, les salariés de 50 ans représentent les deux tiers des licenciements dans les plans sociaux.

L’étude de l’Association pour l’emploi des cadres et de Pôle emploi parue en juin 2022 révélait également que 71 % des cadres en recherche d’emploi étaient des seniors en chômage de longue durée.

Il est donc urgent de changer de regard dès aujourd’hui et de se projeter vers l’avenir, car ces salariés représenteront bientôt – à l’horizon de 2035 – près de 50 % des actifs. Revenons à la réalité, sortons des préjugés et des stéréotypes !

D’ailleurs, si ces préjugés ne sont pas officiellement assumés et renseignés, ils sont en revanche bien intégrés dans les processus et les pratiques de recrutement.

Oui, le senior s’adapte ; oui, le senior peut être productif ; oui, ses compétences et son expérience peuvent être rentables ! À nous, législateurs, d’inciter les entreprises à favoriser un temps de travail adapté, comme le font les Pays-Bas, où 83 % des seniors bénéficient d’horaires flexibles ou d’un poste à temps partiel.

En France, cette discrimination prive notre économie d’une force de travail expérimentée et engagée. C’est une grave erreur, que nos voisins européens n’ont d’ailleurs pas commise, même si dans certains pays qui ont été mentionnés, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, les montants des pensions ont en parallèle fortement diminué.

Nous examinons donc aujourd’hui un projet de loi issu d’un accord des partenaires sociaux qui, espérons-le, permettra de rattraper au moins une partie du retard de la France par rapport aux pays qui ont instauré des dispositifs adaptés. Le temps partiel, la retraite progressive ou encore les mini-jobs, comme en Allemagne, sont autant de solutions connues, mais très peu développées en France.

Par manque de flexibilité et d’imagination, ou par habitude, les fins de carrière se résument actuellement à un choix binaire entre un emploi à plein temps ou la cessation totale de l’activité professionnelle. Notre marge de progrès est donc immense.

Autre regret, madame la ministre : la réforme des retraites n’a pas tenu compte des parcours professionnels féminins. C’est une grande erreur. Le sujet des carrières féminines n’est certes pas l’objet de cet accord, mais je tiens à rappeler ici que nous devrons impérativement l’aborder, notamment pour les femmes seniors et aidantes.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 50 et 64 ans, elles sont 60 % à occuper un emploi, mais, dès lors qu’elles sont aidantes, cette proportion chute à 37 %. C’est un fait, les femmes exercent des responsabilités familiales, qu’il s’agisse de la maternité, de l’éducation ou de l’accompagnement des parents vieillissants, isolés ou malades.

Être senior, et en plus être une femme, c’est la double peine, madame la ministre. Les femmes sont le pivot des solidarités familiales : en cela, elles sont source de solutions pour l’accompagnement du grand âge et elles font faire des économies à la société.

Ce gain devrait être considéré à sa juste valeur. Il faut aménager des temps partiels pour les femmes, leur octroyer des trimestres supplémentaires ou supprimer la décote, qui est une mesure totalement indécente de la dernière réforme.

Je referme cette parenthèse.

Dans le domaine de la formation, la marge de progrès est également immense.

Je terminerai donc en évoquant le fameux article 10, qui concerne les dispositifs de transition professionnelle. Notre commission a très justement réécrit cet article pour éviter que ce sujet essentiel n’échappe au contrôle du Parlement.

En effet, les dispositifs censés accompagner les seniors dans leurs projets de transition ou de reconversion sont nombreux, mais inefficaces. Leur complexité, leur inadéquation aux besoins du marché, les inégalités territoriales et les dérives financières de coachings en tout genre ont créé un système à la fois coûteux et illisible, n’ayant permis que peu de créations d’emplois.

En 2022, 18 milliards d’euros ont été dépensés dans ces dispositifs. Est-ce bien raisonnable ? Ne faudrait-il pas mobiliser ces 18 milliards pour alléger les charges sociales, aménager les fins de carrière à temps partiel et investir dans des dispositifs de formation plus adaptés aux seniors ?

La baisse du coût du travail est un levier clé pour sortir de cet engrenage, qui prive les salariés expérimentés, dès l’âge de 50 ans, du droit au travail.

Réduire et rationaliser les dispositifs de reconversion pour les adapter enfin aux compétences recherchées aurait un effet positif à la fois sur l’emploi et sur les finances publiques.

Bien qu’ils soient réservés sur l’article 10, les membres du groupe Les Républicains voteront bien entendu ce projet de loi, qui transpose des mesures attendues à la fois par les salariés, les entreprises et les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui a dit que le dialogue social ne fonctionnait plus dans notre pays ? Après une reprise des négociations en octobre 2024, force est de constater que le dialogue social est non pas une chimère, mais bel et bien une réalité.

En témoignent l’accord national interprofessionnel en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et l’accord national interprofessionnel relatif à l’évolution du dialogue social, conclus les 14 et 15 novembre 2024, qui seront, je l’espère, transposés dans notre droit grâce à l’adoption de ce projet de loi.

Je l’espère, car, mes chers collègues, nous le constatons toutes et tous sur nos territoires, la France traverse une période marquée par de nombreuses incertitudes, dans un contexte particulier, tant sur le plan social que sur le plan financier.

Tout d’abord, le taux d’emploi des seniors dans notre pays est très inférieur à la moyenne de l’Union européenne. Seulement 38,9 % des personnes âgées de 60 à 64 ans sont en activité en France, contre plus de 65 % en Allemagne ou 68,9 % en Suède. Notre pays accuse un net retard par rapport à ses voisins européens, où la moyenne des seniors en activité avoisine les 51 %.

Par ailleurs, malgré les différents plans gouvernementaux et les politiques ambitieuses menées ces dernières années, notamment en matière d’alternance et d’apprentissage, le taux d’emploi des jeunes est désormais en repli.

En effet, selon les statistiques de l’Insee, après une forte augmentation en 2021 et en 2022, le taux d’emploi des 15-24 ans a ralenti en 2023 avant de diminuer de 0,6 point en 2024. Qu’il soit question des jeunes comme des moins jeunes, notre pays peut donc faire mieux. Je dirai même que notre pays doit faire mieux.

Dans un moment si particulier où le financement de notre modèle social est remis en cause, je pense que notre pays a besoin de réaliser des économies et de prendre des décisions politiques destinées à faire augmenter le taux d’emploi de toutes les générations. À défaut, nous prendrions le risque d’une forte dégradation du climat social en France.

Grâce à ces accords nationaux interprofessionnels, le projet de loi que nous examinons cet après-midi comporte à mes yeux des réponses adaptées et bienvenues pour agir sur le taux d’emploi des seniors, qualifiés, à juste titre, de « salariés expérimentés ».

En effet, le premier accord prévoit un ensemble d’outils ayant pour vocation de favoriser la reprise d’emploi ou le maintien en emploi des seniors, par exemple l’abaissement de l’âge ouvrant droit à la retraite progressive de 62 à 60 ans ou encore les stipulations permettant de favoriser le temps partiel en fin de carrière.

Je pense aussi et surtout à la création du contrat de valorisation de l’expérience, réservé aux demandeurs d’emploi de plus de 60 ans, mais qui pourra également s’appliquer dès 57 ans en cas d’accord de branche. L’objectif principal de ce contrat, qui sera bel et bien un contrat à durée indéterminée, est d’offrir aux employeurs de la visibilité sur la fin de carrière du salarié, puisque la mise à la retraite pourra intervenir dès que le salarié atteindra l’âge de départ à taux plein.

J’espère que ce contrat, prévu à l’article 4 sous la forme d’une expérimentation, portera ses fruits et qu’il pourra ensuite être pérennisé dans notre droit social.

Par ailleurs, mes chers collègues, si l’on souhaite agir sur le taux d’emploi des seniors, encore faut-il que ce sujet soit sur la table des négociations. Ce sera le cas demain, grâce aux deux premiers articles du projet de loi, qui prévoient l’obligation de négocier, d’une part, sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés dans les branches professionnelles et, d’autre part, sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

Enfin, si l’expérience vient souvent avec l’âge, ce qui est sûr et certain, c’est que, au fil des années, on se soucie davantage de sa santé. Il est donc tout à fait logique de lier la visite médicale de mi-carrière à l’entretien professionnel et de prévoir un entretien professionnel avant les 60 ans du salarié ; tel est l’objet de l’article 3 du projet de loi. Ces réponses adaptées permettront demain, je le souhaite, de faciliter l’embauche des seniors et d’augmenter ainsi leur taux d’emploi.

Toutefois, ce projet de loi contient également d’autres mesures justifiant à mon sens son adoption.

En effet, l’article 9 traduit dans la loi une des mesures de la convention relative à l’assurance chômage du 15 novembre 2024, dont le but est d’apporter une réponse aux difficultés d’insertion rencontrées par les primo-entrants.

En l’espèce, les partenaires sociaux ont souhaité assouplir les conditions d’accès à l’assurance chômage pour les personnes n’ayant jamais bénéficié de l’allocation d’aide au retour à l’emploi ou ne l’ayant pas touchée depuis une longue période. Le nombre de jours travaillés nécessaires pour bénéficier de l’assurance chômage en tant que primo-entrant passe ainsi de 130 à 108 jours, autrement dit de six mois d’activité actuellement à environ cinq mois.

Compte tenu des difficultés d’insertion rencontrées par ces personnes sur le marché du travail, notamment les plus jeunes d’entre elles, qui représentent tout de même plus de 62 % des primo-entrants et dont le taux de chômage reste bien évidemment encore insatisfaisant, cette disposition constitue, là encore, un ajustement bienvenu.

Ensuite, l’article 8 du projet de loi supprime la limitation à trois du nombre de mandats successifs que les membres de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent exercer. Nous saluons cette décision qui permettra, j’en suis convaincu, de dynamiser le dialogue social dans toutes les entreprises et, surtout, d’assurer l’exercice de ces mandats.

Le texte témoigne de la vitalité du dialogue social dans notre pays et prouve que la concertation, le dialogue et le compromis ont encore de l’avenir !

C’est dans le respect de ces principes que nous attendons avec impatience les conclusions d’un nouvel accord national interprofessionnel sur les reconversions, qui seront, je le souhaite et je l’espère, insérées par voie d’amendement au cours de la navette parlementaire.

En l’absence d’accord, je n’ai aucun doute sur le fait que l’article 10 proposant d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances sera supprimé. Vous l’avez clairement indiqué en commission, madame la ministre.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Buis. Toujours est-il que, dans l’hypothèse où un accord pourrait être trouvé, amender cet article pour y incorporer les conclusions des partenaires sociaux me semble tout à fait opportun.

En attendant la fumée blanche, nous voterons sans hésitation ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’évolution démographique de la population française nous oblige à adapter notre modèle de travail, nos politiques d’emploi et nos représentations collectives.

Or, à cet égard, la situation actuelle est préoccupante. Le taux d’emploi des personnes de plus de 55 ans reste faible, et la transition vers la retraite s’apparente trop souvent à une période d’exclusion progressive du monde professionnel. Dès 58 ou 59 ans, certains salariés se voient proposer des ruptures anticipées, se heurtent à des refus d’embauche ou peinent à accéder à des formations. Cela n’est ni juste ni économiquement viable.

Nous devons sortir de cette logique paradoxale où, d’un côté, on prolonge la durée d’activité et, de l’autre, on rend plus difficile la possibilité même de travailler après un certain âge. Une société ne peut pas demander plus sans offrir mieux !

En effet, les seniors ont toute leur place dans le monde du travail : leur expérience, leur stabilité, leur capacité à transmettre sont des atouts pour nos entreprises, pour les services publics et pour les territoires. Mais cela suppose des engagements politiques clairs et ambitieux.

C’était, semble-t-il, l’intention du Gouvernement le 21 novembre 2023, lorsqu’il a invité les partenaires sociaux, sur la base de l’article L. 1 du code du travail, à engager une négociation nationale interprofessionnelle, afin d’identifier les mesures favorables au maintien et au retour en emploi des seniors.

Après un échec des négociations dans un contexte nettement dégradé par une réforme des retraites adoptée aux forceps, les partenaires sociaux ont été invités par le Gouvernement, en octobre 2024, à reprendre les négociations. Ils sont finalement parvenus à la conclusion d’un accord national interprofessionnel en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, signé le 14 novembre 2024. Le projet de loi dont nous débattons cet après-midi est donc une transposition du contenu de l’accord des partenaires sociaux.

Permettez-moi, au nom du groupe du RDSE, de remercier ces derniers pour leur travail utile à notre démocratie. En effet, la démocratie sociale n’est pas une simple formalité consultative, elle est ce second souffle républicain qui donne aux corps intermédiaires – syndicats de salariés, organisations patronales et associations – leur juste place dans la construction des politiques publiques. C’est la raison pour laquelle notre groupe plaide pour un renforcement structuré de la démocratie sociale, par une reconnaissance formelle de son rôle dans le processus normatif et des moyens supplémentaires.

À ce sujet, nous saluons le rétablissement d’une obligation formelle de négociation, dans toutes les branches professionnelles, sur l’emploi et les conditions de travail des seniors.

Aussi, nous accueillons favorablement la création d’une nouvelle obligation de négociation, au moins une fois tous les quatre ans, pour les entreprises de 300 salariés et plus, sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.

Le dialogue social, lorsqu’il est ancré dans la proximité, devient un véritable outil de cohésion au sein de l’entreprise. En encourageant des échanges réguliers et directs entre les représentants du personnel, les salariés et la direction, il favorise une meilleure compréhension des réalités du terrain et des besoins concrets des équipes.

L’autre volet majeur de ce projet de loi est l’expérimentation pendant cinq ans du contrat de valorisation de l’expérience pour les demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans inscrits à France Travail, ou de 57 ans si un accord de branche le prévoit.

Cet outil vise à lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi, par l’exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite. Si nous soutenons cette mesure, nous restons néanmoins vigilants, car – cela sera certainement évoqué cet après-midi – seulement 8 % des entreprises ont conçu des politiques de recrutement pour les salariés expérimentés.

Ce type de mesure est très marginal et montre que la lutte contre les discriminations liées à l’âge lors des recrutements reste un combat qui est loin d’être gagné.

Nous partageons les propos de Mme la rapporteure Anne-Marie Nédélec sur l’urgence de changer les mentalités en entreprise et de modifier le regard porté sur les salariés âgés et les fins de carrière.

En somme, ce texte est pragmatique, équilibré et porteur d’un objectif fondamental : conjuguer performance économique et progrès social. La précision sur les dispositifs de formation professionnelle et l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement des organismes qui concourent à l’accompagnement des transitions professionnelles sont également bienvenues.

Pour conclure, les membres du groupe du RDSE voteront ce projet de loi, par sens des responsabilités. Ce texte a le mérite de traduire un compromis issu du dialogue social sur la reconnaissance de l’expérience des femmes et des hommes en fin de parcours professionnel.

Mais nous restons lucides. Il s’agit d’un texte d’ajustement, pas d’un virage structurel. C’est pourquoi notre soutien sera exigeant, pour que de véritables avancées suivent en matière de droits, de sécurisation des parcours, de justice sociale et de revalorisation des salaires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Laurence Muller-Bronn applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer le travail remarquable des rapporteures – même si nous ne sommes guère surpris ! Grâce à leur engagement, le texte transpose avec fidélité les accords nationaux interprofessionnels négociés entre les partenaires sociaux. Je salue aussi leur vigilance sur l’article 10. Nous adhérons à la rédaction de cet article qu’elles nous proposent.

Ce projet de loi est important. Il donne toute leur place aux salariés expérimentés, que l’on appelle aussi les seniors. Car la France ne peut pas se permettre d’ignorer leur potentiel : ils sont dans bien des secteurs le socle de la transmission des savoirs, des repères et de la culture d’entreprise. Mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe reviendra sur ce point.

Comme le disait Raymond Barre, une société qui ne valorise pas ses anciens est une société qui oublie d’où elle vient et où elle va. Cela a déjà été dit, les chiffres sont implacables : en 2023, seulement 58,4 % des 55-64 ans étaient en emploi, contre plus de 78 % en Suède. Cela démontre qu’il existe encore de trop nombreux freins non seulement à l’embauche des seniors, mais aussi à leur maintien dans l’emploi.

Le texte apporte des réponses concrètes à ces problèmes.

Il vise à lever les freins à l’emploi grâce au contrat de valorisation de l’expérience, une innovation attendue qui concilie souplesse pour l’employeur et sécurité pour le salarié.

Il oblige les branches et les grandes entreprises à négocier régulièrement sur l’emploi des seniors et à favoriser des fins de carrière progressives, adaptées et humaines, afin d’éviter les sorties prématurées de l’emploi.

Enfin, le dialogue social reposant aussi sur la compétence des représentants du personnel, nous saluons la suppression symbolique de la limitation à trois du nombre de mandats successifs des élus du comité social et économique.

Mes chers collègues, j’aborderai également l’avenir en évoquant la véritable révolution culturelle qui se présente à nous en matière d’organisation du travail. Il est loin le temps où les seniors étaient la seule variable d’ajustement des entreprises en matière de ressources humaines. C’est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, celui où l’État accompagnait cette stratégie brutale des entreprises, celui du Fonds national pour l’emploi (FNE), quand certains partaient à la retraite dès 50 ans.

Ce temps est révolu, tant mieux ! Celui qui s’ouvre sera le temps des transitions plus fluides, celui du temps partiel – le terme figure bien dans le projet de loi –, mais aussi de la multiactivité. Cette question, absente du texte, est à approfondir, car elle concerne aussi, à mon sens, l’avenir de l’organisation des entreprises.

Les mutations de l’organisation du travail sont multiples et seront de plus en plus nombreuses avec l’intelligence artificielle (IA) et la robotisation ; elles permettent l’emploi des seniors. Rien de mieux et de plus pertinent que le paritarisme et le dialogue social, à l’image du modèle rhénan, pour que ces changements se fassent non pas contre les salariés, mais avec eux.

J’entends parfois les réserves de certains collègues sur le paritarisme. Mais le paritarisme ne signifie pas un abandon pour le Parlement ; il exige, comme l’a relevé la rapporteure Frédérique Puissat, un accompagnement humble. Pour citer Voltaire, comme je l’ai déjà fait en commission, « l’humilité est le contrepoison de l’orgueil ». Accepter, accompagner, faciliter le paritarisme, c’est faire œuvre utile.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UC votera résolument ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2050, les personnes âgées de plus de 60 ans seront au nombre de 22,3 millions en France. Autrement dit, elles représenteront près du tiers de la population.

Face à ce bouleversement démographique, le discours dominant est fondé sur la peur – il associe vieillissement et déclin – et sur une approche comptable des enjeux économiques et sociaux, comme le montre par exemple le recul de l’âge de départ à la retraite.

Loin d’être une charge ou un fardeau, les seniors sont aussi l’avenir de la France, à condition de poser les bonnes questions.

Comment améliorer les conditions de travail pour réduire la pénibilité et l’usure professionnelle et permettre de rester en emploi jusqu’à la retraite ?

Comment mieux prendre en compte les inégalités entre les femmes et les hommes, puisque, selon la Cour des comptes, les femmes de plus de 61 ans sont 33 % à n’être ni en emploi ni à la retraite, contre 22 % des hommes du même âge ?

Comment améliorer la formation continue des travailleurs seniors et lutter contre les stéréotypes qui veulent que ceux-ci soient incapables de s’adapter aux nouvelles technologies, qu’ils aient une moindre productivité et qu’ils occupent une place qui devrait être laissée aux jeunes ? Celles et ceux qui ont donné toute leur vie doivent pouvoir partir dans de bonnes conditions.

Enfin, comment lutter contre les discriminations dans les entreprises et permettre aux seniors de retrouver un emploi à 55 ans, après une carrière d’ouvrier chez ArcelorMittal à Dunkerque, Bridgestone à Béthune, ou de mareyeur chez Capitaine Houat à Boulogne-sur-Mer ? Je ne prolongerai pas plus longtemps le suspense : vous ne trouverez pas de réponse à toutes ces questions dans le présent projet de loi.

Ceux qui ont méprisé l’unité syndicale lorsqu’elle s’opposait à la réforme des retraites, ceux qui ont imposé l’austérité aux fonctionnaires et réduit les droits à l’assurance chômage voulaient à tout prix un accord entre le patronat et les syndicats pour démontrer leur attachement de façade au dialogue social.

Ils peuvent toujours agiter un bout de papier avec dix logos, leurs mauvais coups affecteront pour l’essentiel les salariés de notre pays. Loin d’être un pacte pour la vie au travail, ce texte transcrit deux accords a minima sur les travailleurs expérimentés et le dialogue social.

En matière de dialogue social, le texte crée une obligation de négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, ce qui est une bonne chose. Cependant, pour éviter de créer une réunion quadriennale inutile, il aurait fallu prévoir des sanctions en cas d’absence d’accord. Surtout, une obligation qui ne concerne que les entreprises de plus de 250 salariés exclut la moitié des entreprises et 72 % des salariés de notre pays.

En outre, pour mieux prendre en compte la pénibilité et prévenir l’usure professionnelle, le Gouvernement aurait dû rétablir les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), en particulier en raison de la pénurie de médecins du travail que nous constatons tous.

La principale mesure qui concerne les salariés expérimentés figure à l’article 4 : il s’agit de la création d’un contrat de valorisation de l’expérience. Censé favoriser le recrutement des chômeurs de plus de 57 ans, ce CDI senior est assorti d’une exonération de la contribution patronale de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite. Cela constitue une aubaine pour les entreprises, qui pourront embaucher des salariés moins bien payés et les licencier librement.

L’addition est lourde pour la sécurité sociale, qui perdra 123 millions d’euros chaque année, sans qu’une compensation par l’État soit garantie. Madame la ministre, le Conseil d’État vous a alertée sur la faiblesse de l’expérimentation proposée dans cet article, aucun rapport d’évaluation, aucun objectif chiffré n’étant prévu.

Si le patronat a obtenu ces nouvelles exonérations sociales, il a en revanche refusé d’accorder un droit opposable à la retraite progressive demandé par les organisations syndicales, pourtant nécessaire pour celles et ceux qui travaillent dans des conditions pénibles. Je pense aux aides à domicile, aux aides-soignantes, aux ouvriers du bâtiment et des travaux publics (BTP), des transports et des entreprises de nettoyage.

Madame la ministre, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), 37 % des salariés ne se sentent pas capables de travailler jusqu’à la retraite. Les seniors sont particulièrement vulnérables aux accidents et aux maladies de longue durée en raison de leur usure physique et de leurs conditions de travail exigeantes.

La retraite progressive constitue dès lors un levier important pour améliorer les fins de carrière et adapter le temps de travail. Cette question aurait mérité d’être bien mieux travaillée.

Enfin, l’article 10 de ce texte constituait une sorte d’ovni parlementaire. Le Gouvernement demandait au Parlement une habilitation à légiférer par ordonnances sur un sujet sur lequel le patronat et les syndicats n’ont pas encore achevé les négociations. Le Parlement, nous le pensons, doit être systématiquement consulté sur des questions aussi importantes. Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle sagement supprimé cette habilitation, en attendant la fin des négociations sur les dispositifs de transition professionnelle.

En conclusion, comme Mme la rapporteure l’a indiqué en commission, ce projet de loi ne comporte pas de mesures miracles ni de solutions révolutionnaires. Par conséquent, nous nous abstiendrons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi suscite des réserves de notre part dans la mesure où il transpose non pas un seul ANI, mais trois, dont certains n’ont pas recueilli la signature de l’ensemble des organisations représentatives.

Cette méthode consistant à agréger des sujets qui méritent chacun un examen à part entière est regrettable, car elle tend à contraindre le vote final. Le Parlement est souvent soumis à l’injonction de transposer à l’identique de tels accords, sans amendement, sous prétexte de répondre à la demande des partenaires sociaux.

Pourtant, la plupart de nos amendements portent sur des articles qui n’ont pas suscité l’unanimité chez les partenaires sociaux. Faut-il rappeler que le Parlement conserve une légitimité démocratique et politique ? Nous avons notamment permis par le passé d’améliorer l’accord relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, lequel avait fait l’unanimité à l’époque, en prenant en compte le point de vue des victimes.

En l’occurrence, il eût été utile ici de recueillir le positionnement des organisations de demandeurs d’emploi concernées par le contrat spécifique créé à l’article 4. En effet, celles-ci auraient pu nous éclairer sur les difficultés rencontrées par les demandeurs d’emploi seniors auxquelles le présent texte prétend apporter des solutions.

Ainsi, hormis le CDI de valorisation de l’expérience, que prévoit le texte pour lutter contre les discriminations et les obstacles à l’embauche ? Ce contrat ne fait que s’inscrire dans la lignée des multiples contrats spécifiques créés depuis vingt ans après chaque réforme des retraites, dont le bilan est bien maigre.

En l’espèce, il n’y a donc aucune garantie que ledit contrat permette de mieux faire, d’autant qu’il s’accompagne de clauses régressives. En témoigne la possibilité pour l’employeur de mettre à la retraite un salarié en CDI dès que celui-ci peut liquider sa retraite à taux plein. Il s’agit d’une dérogation complète au droit du travail, lequel empêche la mise à la retraite avant 70 ans. En outre, une retraite à taux plein ne signifie pas une retraite pleine, car un salarié peut atteindre le taux plein sans décote à 67 ans, sans avoir pour autant validé tous ses trimestres.

Dès 64 ans, mais surtout à partir de 67 ans et jusqu’à 70 ans, le droit de rester en emploi est donc ôté aux salariés. Or ceux-ci peuvent souhaiter obtenir les trimestres qui leur manquent pour compléter leur carrière et ainsi avoir droit à une pension complète.

De plus, le salarié a l’obligation de fournir puis d’actualiser l’information sur sa situation en termes de décote. En résumé, il renonce à un droit et gagne une nouvelle obligation. Cela pénalisera principalement les travailleurs aux carrières hachées, c’est-à-dire essentiellement les femmes.

Ce nouveau contrat est assorti en outre d’une nouvelle niche sociale pour l’employeur, laquelle coûtera selon vos propres chiffres, madame la ministre, 123 millions d’euros à la sécurité sociale, sans garantie de compensation pour elle. Le poids des exonérations dépasse pourtant déjà le ratio de 14 % fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 : d’après la Cour des comptes, il atteint 15 %.

Quoi qu’il en soit, nous pensons qu’il n’y aura pas d’augmentation sensible du taux d’emploi des seniors sans changer le travail tout au long de la vie.

Par rapport à ses voisins européens, la France sous-performe en matière de qualité de l’emploi et de conditions de travail. Selon la chercheuse Dominique Méda, la France est en queue de peloton des trente-six pays européens concernés par l’enquête sur les conditions de travail d’Eurofund. C’est vrai s’agissant des pénibilités physiques, des contraintes émotionnelles, du sentiment d’être payé à la juste mesure de ses efforts ou de la possibilité d’avoir voix au chapitre au travail.

Sur ce dernier point, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a pointé dans un récent rapport les contre-performances du management français, trop vertical, voire autoritaire. Selon la chercheuse Mathilde Guergoat-Larivière, les gains de productivité à l’avenir sont désormais conditionnés à l’amélioration des conditions de travail.

Madame la ministre, si vous voulez augmenter le taux d’emploi des seniors, ouvrez – et en grand ! – le chantier des conditions de travail et celui de l’organisation du travail, en revenant sur la suppression des CHSCT et en améliorant l’écoute des salariés sur leur situation réelle de travail.

Certes, ce projet de loi contient des avancées sur le dialogue social et revient notamment sur une partie des ordonnances que certains d’entre nous ont ratifiées et qui ont tant nui au monde du travail. Pourtant, en raison de son approche incomplète et de sa méthode de transposition groupée, il passe encore à côté des enjeux structurels de l’emploi des seniors.

À chaque nouveau recul de l’âge de départ à la retraite, faute de traiter la question de la pénibilité, de nouveaux contrats et de nouvelles niches sociales sont créés sans qu’aucun enseignement ait été tiré de l’échec des précédents dispositifs.

Changer de regard ne suffira pas. Il n’est pas admissible qu’en France, selon la Dares, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. Ce chiffre date de 2019, soit deux ans avant la prolongation de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Raymonde Poncet Monge. Aussi, si les amendements que nous avons déposés ne sont pas adoptés, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Monique Lubin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons de voir enfin arriver en discussion dans l’hémicycle la question du maintien en emploi des personnes en fin de carrière.

Nous le savons, le monde du travail est dominé par l’âgisme. Cependant, jusqu’aujourd’hui, aucune initiative de l’exécutif ne nous a permis de prendre ce problème à bras-le-corps.

Nous avons pourtant débattu à de multiples reprises de la question des retraites, inextricablement liée à ce sujet, mais nous l’avons fait par le petit bout de la lorgnette, pour aboutir à une réforme ayant pour seule ambition des modifications paramétriques.

Conformément à la volonté de l’exécutif, de nouvelles normes ont été édictées. Toutefois, elles n’ont pas automatiquement entraîné le maintien en emploi des seniors. Qu’ils aient 55 ans ou 60 ans, ces derniers ne choisissent pas d’être évincés du monde du travail. Pour mémoire, en 2023, seulement 58,4 % des personnes ayant entre 55 ans et 64 ans sont en emploi, contre 82,6 % des 25-49 ans. Cette situation appelle une politique publique volontariste.

Je tiens donc à saluer le travail des partenaires sociaux durant les négociations interprofessionnelles. Un double objectif leur était fixé : aboutir à un accord national interprofessionnel, mais également démontrer que même lorsqu’on lui impose des contraintes excessives, le paritarisme sait être efficace.

Il faut rappeler combien le fonctionnement de celui-ci a été altéré depuis 2018. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a profondément modifié le cadre de la négociation entre partenaires sociaux. Depuis – je le rappelle, car l’effet de cette mesure est délétère –, le Gouvernement doit transmettre un document de cadrage en amont de la négociation, sans lequel les partenaires sociaux ne peuvent se réunir.

Le Gouvernement peut donc définir de manière autonome une grande partie des règles de la négociation : il en fixe les objectifs et les délais, il reprend la main lors de la période de carence qui s’ouvre en cas d’échec, sans être tenu de respecter l’esprit des accords antérieurs, même si c’est l’usage. Les dernières réformes de l’assurance chômage en sont malheureusement la démonstration.

Le paritarisme vit donc depuis 2018 des heures difficiles. En novembre dernier, démontrer que la négociation collective fonctionne revêtait donc une dimension existentielle.

Le groupe socialiste et moi-même saluons la transposition fidèle des accords trouvés par les partenaires sociaux dans le projet de loi que nous examinons, qui comprend des avancées importantes. Cependant, nous avons des réserves, que traduisent les amendements que nous avons déposés.

Nous soutenons la démarche des rapporteures, qui ont modifié l’article 10 du projet de loi. Introduit sur l’initiative du Gouvernement, cet article ouvrait la voie à la transposition, sans regard du Parlement, d’un accord sur les transitions professionnelles, sur lequel les négociations sont en cours. Si le travail des partenaires sociaux doit trouver un débouché législatif, il ne faut pas pour autant priver le Parlement de l’exercice de sa mission.

L’ANI reprend des propositions que le sénateur René-Paul Savary et moi-même avions formulées en 2019 dans notre rapport d’information sur l’emploi des « seniors ». Nous y exprimions notamment notre préoccupation s’agissant du caractère discriminant de cette appellation. On essaie ici de contourner la difficulté en parlant de « salariés expérimentés ».

À raison, le Conseil d’État trouve cette dénomination floue. Il rappelle que « la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 impose au Parlement d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ». Il propose donc d’ajouter à l’expression « salarié expérimenté » le complément « en considération de son âge ». Cette proposition demeure peu satisfaisante et est révélatrice de la difficulté qui est la nôtre de penser la vie au travail des seniors.

Le texte reprend la proposition qui figurait dans notre rapport visant à encourager la retraite progressive, levier pour l’emploi des salariés expérimentés. Ce sujet devra être abordé lors de l’entretien professionnel de fin de carrière, tout comme le maintien en emploi et l’adaptation des postes, autres points qui nous semblaient fondamentaux.

L’aide au recrutement trouve quant à elle une traduction dans le projet de loi avec la création du contrat de valorisation de l’expérience (CVE). Nous avons quelques réserves sur ce contrat. Nous craignons qu’il ne permette aux entreprises de bénéficier d’un effet d’aubaine : elles pourraient embaucher des salariés a minima et de surcroît bénéficier de l’exonération de cotisation patronale spécifique de 30 % sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite.

Les syndicats signataires que nous avons consultés à ce propos se sont voulus rassurants. Ils ont insisté sur le fait que seuls les salariés de plus de 60 ans sont susceptibles de se voir proposer un tel contrat. Selon les accords de branche, des salariés de 57 ans pourraient toutefois être concernés, ce qui me paraît tout de même un peu tôt, mais nous en rediscuterons.

Notre inquiétude persiste cependant en raison d’une autre clause du CVE. Un demandeur d’emploi ayant récemment été employé en CDI dans une entreprise ou un groupe peut en effet se voir proposer un contrat de ce type dans la même entreprise ou le même groupe, à condition que six mois soient passés depuis son départ. Nous craignons le développement de pratiques comme celle qui ont notamment fleuri à la suite de la montée en puissance de l’autoentrepreneuriat.

Un autre point nous pose problème : lors de la signature d’un CVE, le demandeur d’emploi devra remettre à l’employeur un document transmis par l’organisme chargé de l’assurance retraite qui mentionne la date prévisionnelle d’obtention d’une retraite à taux plein.

Nous nous interrogeons sur cette condition, car des salariés ayant atteint un taux plein peuvent néanmoins vouloir retarder leur départ. C’est notamment le cas des femmes ayant exercé à temps partiel durant l’essentiel de leur carrière et qui voudraient continuer de travailler.

Je le rappelle, pour valider un trimestre, il faut n’avoir travaillé que 150 heures. Certaines femmes peuvent souhaiter continuer de travailler, car même si elles ont le nombre de trimestres nécessaire et peuvent prétendre à une retraite à taux plein, le montant de leur pension sera très faible, leur carrière ayant été hachée, que ce soit de façon subie ou non.

En matière d’assurance chômage, nous nous réjouissons que l’article 9 prévoie la possibilité d’adapter les conditions d’activité requises pour ouvrir des droits à l’allocation chômage, qu’il modifie la durée de ces droits et tienne compte du fait que le demandeur d’emploi n’a jamais perçu cette allocation ou qu’il n’en a pas bénéficié depuis une longue période.

Sur le sujet emblématique de l’assurance chômage, les partenaires sociaux reprennent enfin la main, ce qui constitue un grand soulagement. Sur ce front, la situation est stabilisée jusqu’au 31 décembre 2028.

Toutefois, cette avancée est obtenue dans un contexte peu favorable. Nous sommes loin de revenir sur les réformes de l’assurance chômage imposées par l’exécutif en 2019, puis par le gouvernement Attal en 2024, qui ont fortement durci les conditions d’indemnisation des chômeurs. C’est pour nous une source de préoccupation, au vu de la multiplication actuelle des plans de licenciement.

En tout état de cause, nous sommes satisfaits des mesures de renforcement du dialogue social sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés. Alors que le code du travail prévoyait depuis 2003 que l’emploi des seniors devait être abordé de manière spécifique dans les négociations de branche, ce sujet a été évincé dans la plupart des négociations en 2017, sur l’initiative de l’exécutif actuel. L’article 1er du présent projet de loi réinstaure cette obligation, ce qui est une bonne chose.

Nous saluons également la mise en place d’une obligation quadriennale de négociation à destination des entreprises d’au moins 300 salariés portant sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés. C’est une avancée.

Cependant, les PME et les TPE, qui concentrent une grande part de l’emploi des seniors, semblent laissées de côté. Le dialogue social y est pourtant souvent plus difficile que dans les grandes structures.

Plus globalement, nous nous interrogeons sur les moyens d’assurer l’effectivité du présent projet de loi. Comment vérifier en particulier la manière dont les entretiens de mi-carrière se dérouleront ou la façon dont les acteurs se saisiront des dispositifs de ce texte ?

J’achèverai mon propos en interpellant amicalement mes collègues siégeant à droite de l’hémicycle. Mes chers collègues, si nous vous entendons aujourd’hui chanter les louanges du paritarisme, nous vous avons vus moins tendres avec les syndicats pendant la réforme des retraites.

En tout état de cause, les avancées que comporte le présent projet de loi sont réelles et les syndicats attendent de nous une transposition fidèle de l’ANI. Cela nous incite pour notre part à voter ce projet de loi.

Néanmoins, et c’est un point capital, il ne peut s’agir que d’un début. Énormément reste à faire. Nous attendons du Gouvernement qu’il donne une suite ambitieuse à ce premier texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons l’examen de ce texte avec une réelle satisfaction. Il s’agit d’un signe très fort de la vitalité du paritarisme, lequel constitue en effet, madame Lubin, une chance pour notre pays.

Il revient donc maintenant au Sénat de transposer fidèlement l’ANI, ainsi que Mmes les rapporteures le proposent dans leur excellent rapport. Si nous sommes satisfaits, c’est que ce texte apporte des réponses à une question et à une réalité préoccupantes.

Pour beaucoup, le dernier tiers de carrière est devenu une source d’inquiétude et même parfois d’angoisse. Les études mettent clairement en évidence l’existence d’un âge pivot, à 56 ans, à partir duquel, même s’il n’est évidemment pas encore question de retraite, l’accès à l’emploi devient bien plus difficile.

Loin d’être une simple donnée statistique, cet âge marque pour trop de nos concitoyens le début d’un parcours d’obstacles. Combien se sentent mis à l’écart, dans une société qui peine à valoriser leur expérience, ou tout simplement à la conserver ?

Le projet de loi comporte des réponses concrètes et attendues pour dépasser cette situation. Il introduit de nouveaux outils de dialogue social, sur lesquels mon excellent collègue Olivier Henno s’est arrêté. Je me bornerai, pour ma part, à commenter les mesures concernant l’emploi des seniors.

À titre expérimental, le contrat de valorisation de l’expérience permettra enfin aux salariés de retrouver leur juste place sur le marché du travail, sans craindre l’ombre de la précarité à quelques années de la retraite.

Quant à la retraite progressive, elle est à juste titre renforcée et facilitée, ainsi que Mme la ministre l’a rappelé. Le but est de permettre une transition en douceur, sans priver les entreprises de compétences précieuses. Une telle mesure vise à briser la logique néfaste : les seniors sont trop souvent considérés comme un coût plutôt que comme un atout.

La question est bien sûr économique. Ainsi que notre collègue Sylvie Vermeillet l’a démontré, l’emploi des seniors est une clé pour sauver la retraite par répartition.

Je vous cite, madame la présidente : « En supposant que l’ensemble des personnes ni en emploi ni en retraite (NER) qui ne sont pas au chômage et sont en bonne santé – soit environ 589 000 personnes […] – reviennent en emploi, les recettes supplémentaires atteignent 11,7 milliards d’euros, selon la méthodologie du Conseil d’orientation des retraites (COR). »

Selon les chiffres que vous fournissez, madame la présidente, cela représenterait un gain net de 5,8 milliards d’euros pour les finances publiques, ce qui permettrait de réduire d’un tiers le déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) à l’horizon de 2035.

Puisque nous parlons de répartition, il est bon de rappeler que l’emploi des seniors est aussi une question d’équité et de solidarité. Si les finances publiques étaient améliorées, c’est d’abord et surtout la cohésion de notre société qui serait renforcée.

Madame la ministre, les membres du groupe Union Centriste s’inscrivent pleinement dans cette démarche, parce qu’ils croient au dialogue social. Nous voterons donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je souhaite apporter deux éléments factuels en réponse aux propos de certains orateurs lors de la discussion générale.

Premièrement, si un consensus se fait pour constater que le taux d’emploi des seniors est effectivement plus bas en France que chez nos voisins européens mieux-disants, il ne faut pas y voir là une fatalité. Le taux d’emploi des seniors a en effet augmenté de trois points en deux ans en France, alors que, dans le même temps, il n’augmentait que de deux points en Allemagne et d’un peu plus de deux points en Europe en moyenne. (Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly protestent.)

Pour la première fois depuis que l’on mesure le taux d’emploi, le taux d’emploi des plus de 55 ans dépasse enfin 60 %. Il s’établit à 61,5 % au premier trimestre de 2025, selon l’Insee.

Mme Émilienne Poumirol. Ce n’est pas ce qui est dit dans l’ANI !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Deuxièmement, certes l’ANI n’a pas été voté à l’unanimité. Toutefois, l’accord en faveur de l’emploi des salariés expérimentés a été signé par 74 % des organisations syndicales représentatives et 100 % des organisations patronales. L’accord relatif à l’évolution du dialogue social a été signé par 100 % des organisations syndicales et par 67 % des organisations patronales. Enfin, 59 % des organisations syndicales et toutes les organisations patronales ont signé l’accord sur l’assurance chômage.

Ces chiffres témoignent d’une représentativité suffisante qui nous permet d’affirmer que le dialogue social fonctionne dans notre pays.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social

TITRE Ier

RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L’EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTES

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 2

Article 1er

Le chapitre Ier du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 2241-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 5° bis » ;

b) Après le 5°, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge ; »

c) (Supprimé)

2° L’article L. 2241-2-1 est ainsi rétabli :

« Art. L. 2241-2-1. – L’accord de branche conclu dans le cadre des négociations prévues au 5° bis de l’article L. 2241-1 peut comporter un plan d’action type pour les entreprises de moins de trois cents salariés.

« Si à l’issue d’une négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, avec les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise, un accord collectif n’a pu être conclu, l’employeur peut l’appliquer au moyen d’un document unilatéral après avoir informé et consulté le comité social et économique, s’il en existe dans l’entreprise, ainsi que les salariés, par tous moyens. » ;

3° Au a du 1° de l’article L. 2241-5 et à l’article L. 2241-6, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 5° bis » ;

4° (Supprimé)

5° La sous-section 3 de la section 3 est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :

« Paragraphe 5

« Salariés expérimentés

« Art. L. 2241-14-1. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, une fois tous les trois ans, pour engager, après établissement d’un diagnostic, une négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge.

« Cette négociation porte sur :

« 1° Le recrutement de ces salariés ;

« 2° Leur maintien dans l’emploi ;

« 3° L’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;

« 4° La transmission de leurs savoirs et compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.

« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire.

« Art. L. 2241-14-2. – La négociation prévue à l’article L. 2241-14-1 peut également, s’agissant des mêmes salariés, porter notamment sur :

« 1° Le développement des compétences et l’accès à la formation ;

« 2° Les impacts des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;

« 3° Les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ;

« 4° La santé au travail et la prévention des risques professionnels ;

« 5° L’organisation et les conditions de travail. »

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer le mot :

Cette

par les mots :

L’accord conclu à l’issue de la

La parole est à M. Alexandre Basquin.

M. Alexandre Basquin. L’intensification du travail est l’évolution la plus caractéristique des conditions de travail observées au cours des vingt-cinq dernières années. La culture de la réactivité, le travail dans l’urgence ou sous pression sont malheureusement devenus la norme.

Selon la Dares, en France, en 2019, 37 % des travailleurs ne se sentaient pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des risques professionnels et l’altération éventuelle de l’état de santé accroissent le sentiment d’insoutenabilité du travail.

L’intensification du travail démontre l’impérieuse nécessité d’engager un véritable dialogue social sur l’évaluation et l’adaptation de la charge du travail. Nous demandons donc de passer d’une obligation de négociation à une obligation d’accord.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à créer une obligation de résultat lors de la négociation obligatoire au niveau des branches.

L’obligation de conclure un accord dépasse largement l’esprit de l’ANI. En outre, si le législateur encourage les accords de branche et prévoit plusieurs négociations obligatoires, nous croyons à la liberté conventionnelle comme principe essentiel du droit du travail.

Enfin, le code du travail prévoit déjà que la négociation doit être loyale et sérieuse. Nous faisons donc confiance aux partenaires sociaux. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 3

Article 2

Le chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2242-2, il est inséré un article L. 2242-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-2-1. – Lorsqu’une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives sont constituées dans les entreprises et les groupes d’entreprises au sens de l’article L. 2331-1 d’au moins trois cents salariés, l’employeur engage, au moins une fois tous les quatre ans, en plus des négociations mentionnées à l’article L. 2242-1, une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge. » ;

2° À l’article L. 2242-4, les mots : « et L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;

3° À la fin du 1° de l’article L. 2242-11, les mots : « à l’article L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;

4° À l’article L. 2242-12, les mots : « à l’article L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;

5° Après le 3° de l’article L. 2242-13, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Tous les trois ans, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés mentionnées à l’article L. 2242-2-1, une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, dans les conditions prévues à la sous-section 5 de la présente section. » ;

6° Au 6° de l’article L. 2242-21, les mots : « l’emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences, » et, à la fin, les mots : « et l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés » sont supprimés ;

7° La section 3 est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :

« Sous-section 5

« Salariés expérimentés

« Art. L. 2242-22. – Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés mentionnées à l’article L. 2242-2-1, l’employeur engage, tous les trois ans, une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.

« Cette négociation est précédée d’un diagnostic et porte sur les matières mentionnées à l’article L. 2241-14-1.

« La négociation peut également porter sur les matières mentionnées à l’article L. 2241-14-2.

« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 3, 8 et 13

Remplacer les mots :

trois cents

par le mot :

cinquante

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à abaisser le seuil de déclenchement de la négociation obligatoire sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.

L’article 2 prévoit de rendre obligatoire la négociation dans les entreprises de plus 300 salariés. La portée de cette mesure est dès lors considérablement limitée : en effet, seulement 50 % des entreprises seraient concernées, quand 72 % des salariés en seraient privés.

Par cet amendement, nous proposons d’étendre cette obligation aux entreprises de taille intermédiaire, de plus de 50 salariés, et aux grandes entreprises, de 250 salariés et plus.

Je tiens à préciser que la disposition en question reste assez souple. En effet, comme notre collègue vient de le rappeler, il n’y a pas d’obligation d’accord, mais simplement une obligation de négociation.

Enfin, si j’entends bien que le seuil de 300 salariés est le fruit de la négociation de cet ANI, il n’en reste pas moins qu’il ne correspond pas à grand-chose. Je ne porte pas de jugement de valeur, mais je m’interroge : puisque des seuils sont bien définis dans le code du travail pour les différentes catégories d’entreprises, et que ces seuils font l’objet d’un consensus général, pourquoi ne pas nous y tenir ?

Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 3, 8 et 13

Remplacer les mots :

trois cents

par les mots :

deux cent cinquante

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous proposons également d’abaisser le seuil d’application de l’obligation de négociation sur l’emploi des salariés expérimentés de 300 à 250 salariés.

Cette modification répond à trois impératifs de cohérence et d’efficacité.

Tout d’abord, on s’alignerait ainsi sur les recommandations européennes, qui retiennent le seuil de 250 salariés pour déterminer quelles structures peuvent être considérées comme de grandes entreprises. Le décret du 18 décembre 2008 a d’ailleurs également retenu le plafond de 250 salariés pour définir les PME. Nous nous assurerons donc ainsi de viser l’ensemble des grandes entreprises, tandis que la rédaction actuelle en laisse certaines de côté, sans aucune justification.

Ensuite, ce point rejoignant le premier, l’ajustement proposé étendrait la couverture de ce dispositif à plusieurs centaines d’entreprises supplémentaires situées dans la première strate des entreprises de taille intermédiaire. Ces structures, qui emploient une part significative des 3 millions de salariés des ETI françaises, représentent un nombre important d’emplois seniors, que la rédaction actuelle néglige.

Enfin, il s’agit d’un amendement de cohérence juridique, puisque le seuil de 250 salariés existe déjà dans notre droit du travail, notamment pour la contribution supplémentaire à l’apprentissage, ainsi que pour la désignation d’un référent handicap et d’un référent harcèlement. Il paraît que nous sommes en plein mouvement de simplification de notre droit ! Eh bien, harmoniser ces bornes simplifierait le droit social et éviterait l’empilement de seuils hétérogènes.

La plupart de ces entreprises disposant déjà d’une instance représentative, aucune charge disproportionnée supplémentaire ne viendrait peser sur elle.

En somme, l’adoption du présent amendement permettrait d’étendre la portée de la réforme, d’aligner les seuils juridiques sur les classifications statistiques européennes et de sécuriser une base sociale déjà outillée pour la négociation, en étendant la diffusion de bonnes pratiques essentielles au maintien en emploi des salariés expérimentés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements tendent à revenir sur le seuil de 300 salariés clairement retenu par les partenaires sociaux, à l’article 1.2 de l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, pour le ramener, le premier à 50, le second à 250 salariés.

Ce seuil n’est pas arbitraire, mais correspond à une logique déjà présente dans le code du travail. Ainsi, c’est déjà le même seuil qui a été retenu dans le cadre de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC).

Ces deux amendements n’étant pas conformes à l’ANI, la commission y est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Vous nous dites, madame la rapporteure, que le seuil de 300 salariés existe tout aussi bien dans notre droit que celui de 250 salariés. On nous bassine avec la simplification (M. Fabien Genet sexclame.) et l’on affirme souvent que le code du travail multiplie sans justification les seuils.

Vous citez la GPEC ; dont acte, mais s’il devait demain y avoir un mouvement de simplification du code du travail concernant les seuils et les effets de seuil, je suis persuadée que ce serait le seuil de 250 salariés qui serait partout retenu pour caractériser les grandes entreprises, d’autant que cela permettrait d’aligner notre droit sur les normes européennes.

Ce n’est pas parce qu’une aberration fait que divers seuils figurent dans le code du travail qu’il faut renoncer à ce que toutes les grandes entreprises soient concernées par ces dispositions ! Notre proposition est d’autant plus acceptable que, j’y insiste, la disposition en question ne comporte pas même une obligation de résultat : ce n’est qu’une obligation de négocier ! Il ne serait donc pas difficile d’y soumettre la strate des entreprises de 250 à 300 salariés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 2242-8, il est inséré un article L. 2242-8-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-8-…. – Dans les entreprises et les groupes d’entreprises au sens de l’article L. 2331-1 d’au moins trois cents salariés où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur qui n’a pas rempli l’obligation de négociation mentionnée à l’article L. 2242-2-1 est soumis à une pénalité.

« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise ne respecte pas l’obligation de négociation mentionnée à l’article L. 2242-2-1.

« Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. » ;

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le texte que nous examinons rétablit, enfin, l’obligation de négocier sur l’emploi des travailleurs seniors, obligation qui, je le rappelle, avait été supprimée en 2017 par ordonnance, donc sans débat démocratique, et malgré l’opposition de certains partenaires sociaux. Ce fut une erreur, voire une faute manifeste, comme en atteste ce retour en arrière.

Pour autant, alors même que le code du travail inflige des pénalités aux entreprises qui, par exemple, n’organisent pas de négociations sur les salaires ou sur l’égalité professionnelle, le présent projet de loi ne punit d’aucune sanction le non-respect de l’obligation de négociation – et non d’accord, je le redis – qu’il instaure. Il s’agit pour le moins d’une anomalie, qui prive l’obligation de toute effectivité et empêche d’en garantir le respect.

Ce manque de sanction est d’autant plus étrange que la situation nécessite des dispositions à la hauteur du problème. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 50 ans était de 868 000 à la fin de 2024. Or cela est notamment dû à un nombre important de ruptures de contrat après 55 ans. Selon l’Unédic, la moitié des personnes de 55 ans et plus prises en charge par l’assurance chômage le sont à la suite d’un licenciement. Il est vrai que ce point n’est pas du tout à l’ordre du jour… On parlait pourtant récemment encore d’un index seniors !

Pour contribuer à enrayer ce phénomène, des négociations, notamment sur les conditions de travail, sont nécessaires. Ces négociations doivent être obligatoires et les entreprises doivent être sanctionnées si elles ne les mènent pas, d’autant que – on ne le dira jamais assez – ce n’est qu’une obligation de moyens et non de résultat.

C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons tout simplement d’instaurer une pénalité à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas cette obligation. Cette mesure de bon sens, alignée sur les dispositifs existants, donnera de la substance à cette obligation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir le principe d’une sanction financière en l’absence de négociation d’entreprise.

Je rappelle qu’une telle mesure n’a pas été retenue par les partenaires sociaux – organisations patronales comme syndicales – et qu’elle serait de nature, selon nous, à affaiblir le dialogue social, en plaçant la négociation sous contrainte.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Mmes les rapporteures nous expliquent que, quoi qu’il en soit, aucun de nos amendements n’est recevable, tout simplement parce qu’ils n’auraient pas été retenus par les partenaires sociaux. C’est un peu court !

Les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte et, surtout, celles dans lesquelles ont travaillé les partenaires sociaux sont en effet loin d’être idéales, d’abord parce que la négociation est, depuis la loi du 29 mars 2018, extrêmement encadrée par le Gouvernement.

Pour ma part, j’ai appelé certains syndicats, j’ai lu et écouté ce que disaient les partenaires sociaux. J’en ai retenu que, entre le moment où le Gouvernement a lancé la négociation et celui où le Medef a convoqué les autres parties, il s’est tout de même écoulé quatre semaines, quatre semaines qui n’ont donc pas été consacrées à la discussion.

Ensuite, certains syndicats m’ont expliqué qu’ils n’avaient pas réellement eu d’autre choix que d’accepter ce qui leur était proposé. Cela ne vous plaît peut-être pas de l’entendre, madame la ministre, mais je le dis tout de même. S’ils n’avaient pas le choix, c’est parce que la fenêtre de tir pour faire passer certaines choses d’ordre législatif était très petite, et qu’ils craignaient qu’elle ne se reproduise pas d’ici à la fin de la mandature actuelle. Voilà pourquoi la négociation n’est pas allée jusqu’au bout.

Je tiens aussi à faire remarquer que, même si nous sommes, bien évidemment, très favorables au paritarisme, cela ne doit pas conduire à priver le Parlement de sa parole.

Mme Monique Lubin. En l’occurrence, pardonnez-moi, mais nous sommes contraints, puisqu’on nous rappelle toutes les cinq minutes qu’il faut permettre aux syndicats de recevoir les résultats de cet ANI. Et j’avoue que la position que j’ai proposé à mon groupe d’adopter sur ce texte est, elle aussi, déterminée par cette considération. Il n’en reste pas moins que la méthode induite par les changements législatifs apportés en 2018 n’est satisfaisante ni pour les partenaires sociaux ni pour les parlementaires que nous sommes.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je rappelle, comme cela a été dit dans toutes les interventions, que la retranscription d’un accord national interprofessionnel est un exercice très particulier.

Pour autant, ce n’est pas parce que nous refusons des amendements que les idées sous-jacentes ne peuvent pas être reprises d’une autre manière. Nous avons tous, en tant que parlementaires, la possibilité de déposer des amendements et d’en discuter – c’est bien ce que vous faites aujourd’hui –, mais aussi de déposer des propositions de loi.

Mais, comme je l’ai déjà dit, l’exercice que nous avons à mener aujourd’hui est indéniablement particulier : quand il s’agit de transcrire un accord national interprofessionnel, le parlementaire doit parfois savoir s’effacer.

Nous avons organisé une table ronde, lors de laquelle les organisations syndicales et patronales se sont exprimées de manière extrêmement claire : chacune des parties nous demande de retranscrire fidèlement le texte de l’accord qu’elles ont trouvé, accord très juste par rapport aux travaux qui avaient été menés par le Gouvernement.

C’est cette demande que nous respectons, sachant que ces organisations ont eu en la matière une totale liberté : rappelons qu’une organisation syndicale n’a pas signé l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et qu’une organisation patronale n’a pas signé l’ANI relatif à l’évolution du dialogue social. Cette liberté est indéniable, même si je conviens qu’il y a pu y avoir une contrainte quant à la temporalité, au vu du contexte politique très particulier que nous connaissons.

Toujours est-il que ce n’est pas parce que nous refusons vos amendements sur ce texte que les idées qui s’y expriment ne méritent pas d’être reprises dans un autre contexte politique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je tiens à poser une question : ne faudra-t-il plus jamais, désormais, assortir de telles obligations, dans d’autres domaines, de pénalités ? Une obligation, c’est un devoir ; je ne comprendrais donc pas qu’il n’y ait pas de sanction si elle n’était pas respectée. Est-ce que vous envisagez de supprimer la sanction prévue en cas de non-tenue de la négociation obligatoire sur l’égalité homme-femme ? La situation est exactement la même !

En l’occurrence, on pose une obligation de négociation, mais comme par hasard – je le redis – aucune obligation de résultat ! Ensuite, on élimine du dispositif un certain nombre d’entreprises, celles qui comptent entre 250 et 300 salariés. Et voilà en plus que, si les entreprises concernées ne font rien, elles ne subiront aucune sanction. Mais qu’est-ce que c’est que cela !

Vous nous renvoyez au souhait des partenaires, mais je tiens à faire remarquer que l’un d’entre eux a bien dit qu’ils avaient négocié sous la contrainte. Plus généralement, je n’ai entendu aucun d’entre eux nous demander de ne déposer aucun amendement.

Rappelons par ailleurs que nous avions modifié les dispositions transposant l’ANI relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, alors même que les cinq organisations syndicales comme les organisations patronales nous demandaient de le transposer à l’identique. Il a bien fallu que nous jouions notre rôle de parlementaire pour rectifier des dispositions défaillantes en matière de rente ou d’accidents du travail. Et ce n’a pas été un drame : nous les avons modifiées et tout le monde est tombé d’accord à la fin.

Mais ce que je retiens de vos propos, c’est qu’il est maintenant possible d’instaurer une obligation sans l’assortir d’une sanction. Nous vous le rappellerons en temps voulu, notamment pour ce qui est de certaines obligations touchant aux prestations sociales.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je tiens à rappeler que l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés a été signé par 74 % des organisations syndicales.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Sous contrainte !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Cette proportion est quand même significative. Une seule organisation syndicale n’a pas soutenu ce texte. Je le rappelle, parce que j’entends relativiser la représentativité et la légitimité de ces accords.

On affirme notamment qu’ils auraient été conclus « sous contrainte ». Je veux bien entendre l’argument, mais je tiens à rappeler le déroulement des faits. L’une des premières choses que j’ai faites quand j’ai été nommée ministre du travail a été de demander aux partenaires sociaux de se remettre autour de la table pour discuter de nouveau de textes sur lesquels les négociations avaient échoué quelques mois auparavant. Ils partaient donc en la matière d’un texte sur lequel ils avaient déjà travaillé, ce qui leur permettait – ils nous l’ont dit eux-mêmes – d’aller plus vite.

Par ailleurs, les arguments avancés par Mme le rapporteur pour expliquer l’avis défavorable de la commission sur cet amendement comme les précédents vous ont aussi apporté des réponses de fond.

J’entends bien votre argument quant à l’incohérence des différents seuils figurant dans le code du travail, notamment entre 250 et 300 salariés. Peut-être faudra-t-il, à un moment donné, les examiner avec les partenaires sociaux pour les faire converger. Et je conviens que le seuil utilisé dans le droit européen est plutôt celui de 250 salariés. Cependant, il y a une cohérence à retenir ici le seuil de 300 salariés, qui s’applique déjà en matière de gestion des compétences, sujet absolument crucial quand il est question des dernières parties de carrière et des entretiens de mi-carrière.

Une réponse a également été apportée sur le fond à l’argument des menaces. (Mme Raymonde Poncet Monge sexclame.) Est-ce vraiment la menace qui permet de mieux négocier ? C’est peut-être une question plus philosophique que politique. Pour notre part, nous faisons confiance au dialogue social, et nous estimons préférable de permettre aux partenaires sociaux à qui cette négociation est confiée de la mener sereinement, d’autant que toute organisation syndicale représentative peut demander que le sujet soit remis en discussion, passé un certain délai après la dernière négociation, si l’employeur ne prend aucune initiative en la matière.

Enfin, pour ce qui est de l’égalité professionnelle, nous en discuterons lors de la transposition de la directive européenne du 10 mai 2023, qui comporte des dispositions très importantes, notamment en matière de transparence salariale, et prévoit un dispositif de sanction.

En revanche, pour le texte qui vous est soumis aujourd’hui, les partenaires signataires de ces ANI nous ont bien dit qu’ils en voulaient une retranscription fidèle ; alors, restons-en là. (Mmes Monique Lubin et Raymonde Poncet Monge sexclament.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

TITRE II

PRÉPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE

Article 2
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Après l’article 3

Article 3

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 4624-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le cas échéant, la mise en œuvre des mesures, lorsqu’elles sont formulées à l’issue des visites prévues aux articles L. 4624-1, L. 4624-2 et L. 4624-2-3 organisées après celle de mi-carrière prévue à l’article L. 4624-2-2, est abordée lors de l’entretien professionnel. » ;

2° L’article L. 6315-1 est complété par des IV et V ainsi rédigés :

« IV. – L’entretien professionnel mentionné au I est organisé dans les deux mois au plus suivant la visite médicale de mi-carrière prévue à l’article L. 4624-2-2.

« Les mesures proposées, le cas échéant, par le médecin du travail en application de l’article L. 4624-3 sont évoquées au cours de cet entretien.

« En plus des sujets mentionnés au I, cet entretien aborde, s’il y a lieu, l’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste de travail, la prévention de situations d’usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié.

« Pour préparer cet entretien, le salarié peut bénéficier de l’appui d’un conseiller en évolution professionnelle prévu à l’article L. 6111-6.

« À l’issue de l’entretien, le document écrit mentionné au second alinéa du I du présent article récapitule sous forme de bilan l’ensemble des éléments abordés en application du présent IV.

« V. – Le premier entretien professionnel qui intervient dans les deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié aborde, en plus des sujets mentionnés au I, les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, votre conclusion – « restons-en là » – est un peu limite. S’il en est ainsi, si l’on considère que la majorité de la commission s’est prononcée et que cela suffit, on peut s’en aller ! (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.) Il n’est pas normal que Mme la ministre nous réponde de la sorte.

Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après le mot :

lieu,

insérer les mots :

le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail ainsi que

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous l’avons déjà dit, depuis la réforme des retraites de 2023, le maintien en emploi des travailleurs seniors passe nécessairement par l’amélioration de leurs conditions de travail.

Or les études montrent que la France « sous-performe » – ce terme n’est pas de moi : je l’ai lu et le trouve assez juste – en matière de conditions de travail et de qualité de l’emploi par rapport à ses partenaires européens. Cela explique certains faits déjà cités : 37 % des salariés ne se sentaient pas capables, en 2019, de tenir jusqu’à leur retraite, qu’ils pouvaient alors prendre à 62 ans ; une part non négligeable de seniors est écartée de l’emploi pour des raisons de santé, parce que les membres de cette tranche d’âge ne sont, malheureusement, pas tous en bonne santé, notamment ceux qui sont en dehors de l’emploi, mais aussi les ouvriers et les employés ; les salariés de plus de 50 ans connaissent les durées d’arrêt maladie les plus élevées ; enfin, rappelons tout de même que les accidents mortels du travail sont plus fréquents après 60 ans.

Les seniors arrivent en bout de chaîne de démarches de prévention déjà insuffisantes. Ils subissent également le management vertical, critiqué par l’Igas dans son dernier rapport, approche plus largement responsable de la dégradation des conditions de travail en France.

Le code du travail impose à l’employeur de protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Neuf principes généraux de prévention guident cette obligation dans le droit du travail.

Il conviendrait à l’avenir d’inscrire comme principe général de prévention, au-dessus de ces neuf principes figurant à l’article L. 4121-2 du code du travail, l’écoute des travailleurs sur le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail. C’est une des conclusions des Assises du travail. J’espère que celles-ci aussi peuvent quelquefois inspirer des amendements !

Nous proposons donc par cet amendement, en attendant d’inscrire véritablement dans le code du travail ce principe supérieur, que les entretiens de mi-carrière comprennent un temps de réflexion et d’écoute au sujet de la situation réelle d’activité du salarié, de ses conditions de travail, ainsi que sur l’organisation du travail et les relations au travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à compléter la liste des sujets devant être abordés lors de l’entretien professionnel de mi-carrière. Devraient ainsi être évoqués le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail.

Ces sujets supplémentaires recoupent tout de même largement, ma chère collègue, ceux qui sont déjà largement listés à l’article 3, qui lui-même transpose fidèlement, presque mot à mot, l’article 2.1 de l’ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés.

En conséquence, ce que vous proposez serait à la fois non conforme à l’ANI et quelque peu superfétatoire. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’avis de la commission appelle une remarque sémantique. Notre collègue Monique Lubin défendra dans quelques instants un amendement assez similaire. Cette similitude n’est pas un hasard : ces propositions ne viennent pas de nous, nous avons simplement validé l’analyse que nous ont soumise des spécialistes du travail, notamment des ergonomes, qui se sont fondés sur les Assises du travail. Ils ont jugé pertinent d’ajouter ces sujets de discussion à l’entretien de mi-carrière et regretteront que cela ne soit pas fait : nous leur ferons savoir que ces propositions ont été jugées « superfétatoires ». Toutefois, si elles l’étaient, je doute qu’ils nous auraient ainsi sollicités.

À vrai dire, ce ne sont pas des propositions qui m’avaient séduite d’emblée, mais j’ai travaillé dessus avec les personnes qui nous les ont soumises, et je peux vous dire qu’il n’y aurait qu’à interroger l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) ou des instituts similaires pour comprendre qu’elles sont loin d’être superfétatoires.

J’y insiste, écouter les travailleurs qui sont amenés à s’exprimer sur leurs conditions réelles de travail, et non pas, si je puis dire, sur le travail prescrit, est une des clés qui permettraient d’améliorer les conditions de travail en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je tiens à souligner que, pour la première fois, cet entretien de mi-carrière regroupera le sujet des compétences et celui de la santé. Ainsi, on pourra notamment prendre en compte les recommandations de la médecine du travail et les échanges que le salarié peut avoir avec son manager.

La dimension sanitaire de cet entretien ouvre aussi, à l’évidence, la possibilité de réfléchir à des aménagements de poste. À cette occasion, les professionnels dont vous avez raison de mentionner le caractère absolument indispensable, notamment les ergonomes, joueront tout leur rôle pour aménager le poste du salarié, s’il est maintenu dans le même emploi.

Mais c’est précisément parce que l’entretien, tel qu’il est défini dans le texte du projet de loi, comporte déjà cette dimension de santé, que je rejoins la position de fond de Mme la rapporteure : la rédaction retenue permettra vraiment d’avoir un entretien très complet et d’aborder l’ensemble des conditions de travail.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 4

Après l’article 3

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 4121-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Écouter les travailleurs sur le contenu technique du travail, sur son organisation, sur les conditions de travail et les relations au travail ; »

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à inscrire au sein des principes généraux de prévention figurant dans le code du travail l’écoute de l’expression des salariés sur le contenu et l’organisation de leur travail.

Aujourd’hui, si le droit à l’expression est reconnu, il reste partiel parce qu’il ne s’accompagne pas d’un véritable droit à l’écoute. Or cette écoute est un levier essentiel pour prévenir les risques professionnels, améliorer la santé au travail et accompagner les transitions que nous vivons.

Les chiffres sont alarmants. Entre 2021 et 2023, selon la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), le nombre d’accidents du travail mortels a augmenté de 18 %. En treize ans, les affections psychiques reconnues comme maladie professionnelle ont été multipliées par trente-cinq. Selon la Dares, près de quatre salariés sur dix ne pensent pas pouvoir tenir jusqu’à la retraite. Les salariés expérimentés sont les plus exposés. Les plus de 60 ans subissent la fréquence la plus élevée d’accidents du travail mortels et les plus de 50 ans enregistrent la durée moyenne d’arrêt maladie la plus longue.

Malgré cela, la France reste à la traîne en matière de participation des travailleurs à l’organisation du travail. Selon un rapport récent de l’Igas, elle se classe dernière en Europe pour ce qui concerne l’autonomie et la participation des travailleurs et des travailleuses à l’organisation de leur travail.

Face à ce constat, il est urgent de faire évoluer les principes de prévention. L’article L. 4121-2 du code du travail fixe neuf principes, mais aucun ne mentionne explicitement l’écoute des salariés. Pourtant, comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental (Cese), celles et ceux qui travaillent sont les mieux placés pour identifier les risques et améliorer les processus.

Nous proposons donc que l’écoute des travailleurs devienne un principe général de prévention à part entière, et même le premier d’entre eux, afin d’alimenter l’ensemble du dispositif. En faire un principe, c’est rendre plus efficace la prévention, plus durable le maintien en emploi et plus juste la transformation écologique du travail.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 4121-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Écouter les travailleurs sur le contenu technique du travail, sur son organisation, sur les conditions de travail et les relations au travail. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je tiens à ajouter à l’argument de ma collègue que le rapport de l’Igas sur les pratiques managériales dans les entreprises pointait déjà que les résultats obtenus par la France dans le domaine du management apparaissaient médiocres.

Trop verticale, trop hiérarchique, l’organisation du travail en France laisse peu de place à des éléments pourtant essentiels, à savoir l’autonomie des travailleurs, la reconnaissance de leur activité de travail et leur participation aux décisions relatives aux conditions de leur travail.

De fait, selon l’Igas, la proportion d’organisations caractérisées par une faible autonomie des travailleurs est supérieure de six points et demi à la moyenne européenne. Seuls 56 % des salariés français estiment que leur travail est reconnu à sa juste valeur, contre les trois quarts des salariés allemands.

Ce management médiocre participe aux mauvaises conditions de travail, à la mauvaise qualité de vie au travail. Je ne reviens pas sur les enquêtes européennes menées en la matière.

Pour corriger cette trajectoire, l’écoute des travailleurs sur leurs conditions réelles d’exercice du travail, puisque c’est ce dont il est question ici, doit être posée, non pas – veuillez m’en excuser – comme un dixième principe de prévention, mais comme un principe général et premier, conditionnant l’efficacité et l’efficience des neuf autres principes de prévention déjà inscrits dans le code du travail.

Il est démontré qu’une écoute active réduit les risques psychosociaux en renforçant l’autonomie des salariés. Cette démarche managériale permet de dégager des marges de manœuvre sans se substituer au dialogue social entre partenaires sociaux de l’entreprise. Ainsi, on lutte contre l’une des causes de la dégradation des conditions de travail relevées par l’Igas, à savoir le recul de l’implication des travailleurs dans les mesures de gestion des risques psychosociaux en France.

Nous proposons donc, par cet amendement, d’inscrire dans le code du travail l’écoute des salariés comme principe premier et général de prévention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements visent à inscrire dans le code du travail, parmi les grands principes qui doivent guider les employeurs lorsqu’ils prennent des mesures pour s’assurer de la sécurité et de la santé des salariés, l’écoute des travailleurs sur le contenu, l’organisation et les conditions de leur travail.

Nous convenons tous, me semble-t-il, de l’importance du dialogue au sein de l’entreprise sur la prévention en matière de santé au travail.

Cependant, l’article 3 du projet de loi énumère déjà des éléments devant être abordés au cours de l’entretien professionnel, contribuant ainsi à prendre en considération cet enjeu d’écoute, d’autant que, comme Mme la ministre l’a fait remarquer, cet entretien professionnel est rapproché de la visite médicale de mi-carrière.

Par ailleurs, je précise que « les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement » des salariés figurent déjà à l’article 1er. Vous souhaitez certes en faire un article spécifique, mais ces éléments sont déjà prévus dans ce projet de loi.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce principe d’écoute, comme vous l’avez rappelé, mesdames les sénatrices, découle des Assises du travail, qui l’avaient retenu à l’issue d’un travail d’ailleurs extrêmement intéressant.

Nous tenons à conserver l’équilibre du présent texte, mais je pense que cette question sera abordée de nouveau à l’occasion de la conférence sociale sur la qualité du travail que le Président de la République a appelé de ses vœux. Le ministère du travail souhaitait qu’elle se tienne au printemps, mais les partenaires sociaux n’avaient malheureusement pas nécessairement la bande passante nécessaire pour ce faire, étant occupés par les retraites.

J’espère qu’il s’agit là d’un principe d’avenir. En effet, comme vous l’avez souligné, qu’il s’agisse des pratiques managériales ou des écarts relevés avec d’autres pays européens en termes de participation des salariés, nous avons des marges de progrès. Ce principe d’écoute peut constituer une réponse très intéressante à cet égard.

Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur ces deux amendements : cette question sera traitée dans quelques mois, voire quelques semaines, à d’autres occasions, mais en tout cas pas dans le présent texte.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE III

LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D’EMPLOI SENIORS

Après l’article 3
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 5

Article 4

I. – À titre expérimental, pendant les cinq années suivant la publication de la présente loi, peuvent être conclus des contrats, dits de valorisation de l’expérience, soumis aux dispositions régissant les contrats de travail à durée indéterminée sous réserve de celles du présent article, entre toute entreprise et toute personne qui, au moment de son embauche et cumulativement :

1° Est âgée d’au moins soixante ans, ou d’au moins cinquante-sept ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit ;

2° Est inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée au 3° du I de l’article L. 5312-1 du code du travail ;

3° Ne peut bénéficier d’une pension de retraite de base de droit propre à taux plein d’un régime légalement obligatoire à l’exception de celles attribuées au titre des régimes mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 161-22-1-2 du code de la sécurité sociale ou en application de l’article L. 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

4° N’a pas été employée au sein de cette entreprise ou, le cas échéant, au sein d’une entreprise appartenant au même groupe, au cours des six mois précédents.

Pour l’application du 4°, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise et celles qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Les missions devant être exercées dans le cadre de ce contrat peuvent être précisées par convention ou accord de branche étendu.

II. – Lors de la signature du contrat, le salarié remet à l’employeur un document, transmis par l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 222-1 du code de la sécurité sociale, mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il justifiera, le cas échéant, des conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. En cas de réévaluation ultérieure de cette date, le salarié en informe son employeur et lui transmet une version mise à jour de ce même document.

III. – L’employeur peut mettre à la retraite le salarié dès lors qu’il a atteint l’âge mentionné au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, ou l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du même code s’il justifie d’une durée d’assurance au moins égale à celle mentionnée à l’article L. 161-17-3 dudit code.

IV. – Les articles L. 1237-6 et L. 1237-7 du code du travail sont applicables aux mises à la retraite effectuées en application du III.

Si ni les conditions de mise à la retraite prévues au III et au premier alinéa du présent IV, ni celles prévues à l’article L. 1237-5 du code du travail ne sont réunies, la rupture du contrat de travail par l’employeur constitue un licenciement.

V. – L’employeur est exonéré, jusqu’à la fin de la troisième année suivant la publication de la présente loi, de la contribution mentionnée à l’article L. 137-12 du code de la sécurité sociale au titre des indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrats de travail effectuées en application du III du présent article. Cette exonération s’applique dans la limite des sommes mentionnées au a du 5° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale.

VI (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue au présent article. Ce rapport présente notamment le bilan du recours au contrat de valorisation de l’expérience ainsi que le montant des exonérations qui y ont été associées.

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 1231-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute rupture du contrat de travail d’un salarié d’un âge déterminé par décret ouvrant droit au versement de l’allocation d’assurance prévue à l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale entraîne l’obligation pour l’employeur de verser aux organismes visés à l’article L. 213-1 du même code une cotisation dont le montant est fixé par décret dans la limite de douze mois de salaire brut calculé sur la moyenne mensuelle des salaires versés au cours des douze derniers mois travaillés. Ce montant peut varier selon l’âge auquel intervient la rupture et la taille de l’entreprise concernée. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement tend à lutter contre le licenciement des salariés jugés insuffisamment productifs par les employeurs. À cette fin, nous proposons de rétablir la contribution Delalande. Cette taxe française créée en 1987 par le député qui lui a légué son nom visait les entreprises licenciant les salariés de plus de 50 ans.

Cette contribution a été supprimée en 2008 par le gouvernement Fillon II, qui a évoqué son effet dissuasif pour les entreprises, réticentes à conserver un salarié après sa cinquantième année. Si cette argumentation pouvait s’expliquer dans les années 2000, lorsque l’âge légal de départ à la retraite était fixé à 60 ans, ce n’est plus le cas maintenant que celui-ci a été reporté par les gouvernements successifs, notamment sous les mandats d’Emmanuel Macron : après 50 ans, il faut travailler encore entre quatorze et dix-sept ans !

Nous devons donc stopper l’hémorragie des licenciements des salariés expérimentés. Pour ce faire, nous suggérons de rétablir la contribution Delalande, qui était une bonne idée, même s’il ne s’agit pas de l’une de nos mesures.

Par cohérence, je vous invite à soutenir cet amendement, mes chers collègues.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Par cet amendement, vous souhaitez rétablir la contribution Delalande, créée en 1987. Comme vous l’avez indiqué, cette taxe n’a pas atteint son objectif, puisque, malheureusement – on peut le regretter –, certaines entreprises mal intentionnées ou indélicates, pour ne pas dire plus, licenciaient leurs salariés juste avant leurs 50 ans.

Ma chère collègue, il ne vous a pas échappé que l’adoption de cet amendement reviendrait à supprimer le CVE, qui est tout de même l’une des pièces maîtresses de l’ANI que nous examinons aujourd’hui et qui a recueilli un accord massif des organisations tant syndicales que patronales.

Parce que l’adoption de cette mesure nous mettrait en total porte-à-faux, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Les rapports de l’Igas et de l’IGF (inspection générale des finances) de 2005 ont montré que la contribution Delalande avait joué un rôle très désincitatif à l’embauche des seniors. Il nous faut en tirer les enseignements qui s’imposent. Augmenter d’un montant équivalent à douze mois de salaire brut le coût du licenciement des salariés de plus de 50 ans a fortement freiné, sinon découragé l’embauche des plus de 50 ans. C’est d’ailleurs pour cette raison que cette mesure a été supprimée en 2008.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Si, dans sa version initiale, ce projet de loi prévoyait une expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience, celle-ci a été retirée par le Gouvernement après avis du Conseil d’État, ce dernier ayant notamment pointé qu’une expérimentation devait nécessairement s’accompagner d’une évaluation.

Le Gouvernement a donc choisi d’instaurer ce dispositif sans évaluation. Heureusement, la commission des affaires sociales a réintroduit le principe d’une expérimentation assortie d’une évaluation.

Nous saluons cet ajout positif. Cependant, nous constatons que ce texte instaure une expérimentation de cinq ans, alors même que le contrat est sous-tendu par une exonération de cotisations sociales, laquelle, depuis la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de mars 2022, relève exclusivement des lois de financement de la sécurité sociale si elle perdure au-delà de trois ans.

Dès lors, maintenir pendant cinq ans une expérimentation qui prévoit une telle exonération revient à préempter le débat parlementaire. En effet, l’article 4 permettra de prolonger le dispositif dans les futures lois de financement de la sécurité sociale pendant deux ans, et ce sans évaluation préalable de l’impact sur les comptes sociaux, puisque l’évaluation globale aura lieu au bout de cinq ans.

Cette durée renvoyant l’évaluation à cinq ans prive ainsi le Parlement d’un débat éclairé sur la prolongation du dispositif à l’heure où, selon la Cour des comptes, les trois quarts du déficit de la sécurité sociale sont dus à un manque de recettes.

Par conséquent, l’amendement que nous présentons est de bon sens. Il vise à réduire de cinq ans à trois ans la durée de l’expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience. Cette durée garantit qu’une éventuelle prolongation au projet de loi de financement de la sécurité sociale fera l’objet d’un débat spécifique, accompagné d’un rapport d’évaluation précis pour éclairer le Parlement dans ses décisions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Cet amendement vise à réduire à trois ans la durée de l’expérimentation du CVE.

Comme vous l’avez rappelé, la commission a rétabli le principe d’une évaluation de l’expérimentation. Par conséquent, s’il était adopté, cet amendement reviendrait sur cet apport.

Bien plus, une expérimentation de trois ans est trop courte pour permettre une évaluation correcte. (Mme Raymonde Poncet Monge manifeste son scepticisme.)

Je rappelle que le dispositif que nous mettons en place concerne des salariés ayant au moins 60 ans – quelquefois même 57 ans. Comme l’entreprise ne peut pas se séparer des salariés en CVE avant que ceux-ci n’aient atteint l’âge de la retraite à taux plein, l’évaluation pourrait ne pas être pertinente, les salariés risquant de ne pas avoir alors atteint cet âge.

Une expérimentation de trois ans n’aurait donc pas tellement de sens. Qui plus est, les premières années risquent d’être peu concluantes, puisque l’on imagine bien que ce nouveau dispositif ne tournera pas à plein régime.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Une durée de cinq ans paraît plus pertinente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Les raisons pratiques relatives à la durée de ce dispositif au regard de la situation de ses bénéficiaires ont bien été explicitées par Mme la rapporteure.

J’ajoute que les partenaires sociaux ont prévu dans l’ANI que l’expérimentation fera l’objet d’une évaluation, s’agissant notamment de l’appétence des entreprises comme des salariés pour le dispositif. Celle-ci sera réalisée par les organisations d’employeurs et de salariés signataires avant la fin de la deuxième année de la mise en œuvre.

Par conséquent, sans parler de clause de revoyure à proprement parler, il est envisagé d’apprécier la popularité de ce dispositif avant une évaluation plus globale au bout de cinq ans.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 16, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après la première occurrence du mot :

entreprise

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de conclure un contrat de valorisation de l’expérience avec une personne ayant déjà été employée dans l’entreprise ou dans une entreprise du même groupe au cours des six mois précédents.

Nous craignons en effet les effets d’aubaine. Bien sûr, on nous rétorquera que ce n’est pas possible, qu’une entreprise ne se sépare pas d’un salarié pour le réembaucher juste après, ne serait-ce que parce qu’un licenciement coûte cher, etc.

C’est pourtant ce qui s’est produit lors de l’explosion de l’autoentrepreneuriat : on a vu de petites entreprises demander à leurs salariés de démissionner ou bien les licencier et les faire revenir une fois que ceux-ci avaient le statut d’autoentrepreneur. C’est cet exemple qui me vient à l’esprit, mais les entreprises ont également bénéficié d’autres effets d’aubaine à d’autres occasions.

Certes, on peut comprendre que le contrat de valorisation de l’expérience est un effort demandé aux employeurs et que, à ce titre, il faille prévoir quelques garde-fous, mais il suffirait de préciser que l’entreprise ne peut pas « reprendre » un salarié en CVE.

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

groupe

insérer les mots :

et n’a pas fait l’objet d’un licenciement par cette entreprise ou, le cas échéant, par une entreprise appartenant au même groupe

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Certes, il peut paraître paradoxal qu’un salarié soit réembauché dans la même entreprise, car cela a un coût, mais il pourrait tout à fait l’être dans le même groupe. Dans les grands groupes, puisque c’est de cela qu’il est question, il est assez facile de licencier dans une structure et de réembaucher dans une autre !

L’amendement n° 12 est un amendement de repli, car l’amendement n° 11 que nous examinerons ensuite a pour objet de conditionner le bénéfice du contrat de valorisation de l’expérience à la publication d’un index seniors pour éviter que les entreprises ayant des taux élevés de rupture de contrat visant les seniors ne puissent continuer à se séparer de tels travailleurs tout en utilisant dans le groupe un nouvel outil désocialisé.

Rappelons que, selon l’Unédic, 56 ans est l’âge pivot à partir duquel le taux d’accès à l’emploi durable devient significativement plus faible qu’à 50 ans, baissant de deux à quatre points. Le taux d’accès à l’emploi durable après la perte d’un CDI entre 50 et 61 ans est particulièrement faible puisqu’il est divisé par trois ; cela touche particulièrement les salariés à l’ancienneté élevée dans l’emploi.

Pourtant, le texte actuel interdit seulement le recrutement d’un salarié ayant été employé en CDI dans la même entreprise dans les six derniers mois. Ce n’est pas très contraignant. Cette disposition est largement insuffisante.

C’est pourquoi cet amendement tend à interdire explicitement le recrutement en CVE d’un senior licencié par la même entreprise ou le même groupe dans les six mois précédents. Sans cette garantie, les entreprises pourraient bénéficier indûment des exonérations de cotisations prévues au titre de ce contrat tout en contournant leurs obligations.

Il s’agit de protéger les travailleurs seniors contre une potentielle instrumentalisation, d’éviter un effet d’aubaine pour les entreprises, ma collègue vient de le souligner, et de donner sa pleine efficacité au contrat de valorisation de l’expérience.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ces deux amendements procèdent de la même intention d’exclure la possibilité de recourir à un CVE pour des demandeurs d’emploi qui auraient été licenciés par l’entreprise ou par une entreprise du groupe ou qui auraient déjà travaillé pour ladite entreprise.

Cette précision n’ayant pas été retenue par les partenaires sociaux, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Je rappelle, même si cela a été fait, que l’article 4 prévoit déjà qu’un CVE ne peut pas être conclu avec un salarié qui aurait été employé par l’entreprise ou par une entreprise du même groupe au cours des six derniers mois. Ce faisant, il s’agit d’éviter la transformation d’un CDI classique en un CVE, ce qui, on en convient, ne serait pas souhaitable.

Je ne vous dirai pas, mes chers collègues, que l’effet d’aubaine n’existe pas. Je ne suis pas si naïve ! (Sourires.) En revanche, je pense que, concernant cet accord, il faut faire confiance aux partenaires. Ce sera d’ailleurs tout l’intérêt de l’évaluation de montrer s’il y a eu ou pas des débordements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

bis. – Le bénéfice du contrat mentionné au I pour les entreprises est soumis, dans des conditions fixées par décret, à la publication par l’employeur chaque année d’indicateurs relatifs à l’emploi des seniors mentionnant le nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l’article L. 1251-1 du code du travail, impliquant des salariés de plus de cinquante ans à l’exclusion des démissions, des contrats de travail et contrats de mise à disposition conclus avec une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 du même code et des contrats de mission mentionnés au 2° de l’article L. 1251-1 dudit code.

Lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs mentionnés au premier alinéa du présent I bis se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’entreprise ne peut plus bénéficier du contrat mentionné au I du présent article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Ce contrat s’appuie sur la parole des employeurs. On parle d’unanimité, mais ce n’est pas vrai : un accord n’a été signé ni par la CGT ni par la CGC.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ce n’est pas le même !

Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit là d’un contrat ad hoc, qui est la contrepartie pour les employeurs des avancées obtenues par les salariés. C’est pour cela qu’un certain nombre d’amendements ont été déposés sur l’article 4.

Nous considérons comme paradoxal d’offrir des avantages à des entreprises qui continueraient à licencier leurs salariés seniors. L’un des articles de la réforme des retraites de 2023 créait un index seniors censé contrôler et réguler les ruptures massives de contrats dont sont victimes les travailleurs seniors. Il a été retoqué, car il s’agissait d’un cavalier législatif. Il est bien dommage qu’on ne le retrouve pas dans ce texte, car c’était l’une des rares dispositions avec lesquelles nous étions d’accord.

Faute d’un tel outil, cet amendement vise à conditionner le bénéfice de ce CDI à la publication d’un index seniors sur le modèle de ce qui était prévu dans la réforme des retraites.

C’est une mesure de transparence et de responsabilisation indispensable pour que ce dispositif serve réellement l’emploi des seniors – c’est son objectif – plutôt que des stratégies d’optimisation sociale de la part des entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Cet amendement a pour objet de conditionner le recours au contrat de valorisation de l’expérience à la publication d’indicateurs relatifs à l’emploi des seniors, dont la liste serait fixée par décret.

Je répète une nouvelle fois que les partenaires sociaux n’ont pas retenu ces modalités de mise en place. Toutefois, un comité de suivi et d’évaluation est prévu par l’ANI : il semble plus pertinent qu’une obligation à l’échelle de l’entreprise, laquelle serait susceptible de créer une charge administrative supplémentaire substantielle. Il pourrait faire office d’index seniors.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce contrat vise à permettre l’embauche de demandeurs d’emploi de plus de 60 ans ou de plus de 57 ans en cas d’accord de branche. Je rappelle que, dans notre pays, la durée moyenne de chômage des plus de 55 ans est de 588 jours. L’objectif, c’est donc bien de faciliter le recrutement des travailleurs de plus de 55 ans.

Toute complexité ou formalité supplémentaire nuira à cet objectif. Les seuls indicateurs qui vaillent, ce sont le taux d’activité des plus de 55 ans dans notre pays – même si on peut faire mieux, il s’est amélioré de trois points depuis ces deux dernières années –, le taux de chômage des plus de 55 ans et la baisse de la durée moyenne au chômage des chômeurs de plus de 55 ans.

Ajouter des contraintes supplémentaires, c’est prendre le risque de ne pas être ambitieux et volontariste sur la question du chômage de longue durée qui accable un trop grand nombre de nos compatriotes de plus de 55 ans.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, nous partageons l’objectif de réduire la durée de chômage des personnes dites expérimentées ou âgées, on ne sait plus trop comment les nommer.

Il faudrait au préalable arrêter le flux ! Dans ce texte, rien n’est prévu pour arrêter les licenciements, aucun index.

Je rappelle que la moitié des plus de 55 ans pris en charge par l’assurance chômage, et pour des durées très longues au regard de leur âge, le sont à la suite d’un licenciement. Que fait-on pour empêcher ces inscriptions massives ? Je sais bien que vous voulez réduire la durée d’indemnisation.

Et que dire des 100 000 seniors qui deviennent chômeurs à la suite d’une rupture conventionnelle ? Nous savons que les ruptures conventionnelles sont quelquefois des démissions déguisées et encore bien plus souvent des licenciements déguisés.

On traite le « stock » des chômeurs – les guillemets s’imposent – pour qu’ils retrouvent un emploi – tant mieux, j’espère que ce sera le cas –, sans rien prévoir, ni action ni prévention, pour empêcher le licenciement de ces salariés, par exemple via un index qui pourrait montrer les pratiques des entreprises. Voilà qui est aberrant.

Tarissons d’abord le flux des demandeurs d’emploi de plus de 55 ans qui sont au chômage à la suite d’un licenciement. Nous nous occuperons ensuite de ceux qui restent au chômage. C’est tout l’objet d’outils aussi vertueux que le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », que nous soutenons.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, il existe deux dispositifs, qui, s’ils ne sont pas suffisants, ont pour objectif de tarir le flux de personnes de plus de 50 ans ou de 55 ans se retrouvant au chômage.

Le premier dispositif, c’est l’entretien de mi-carrière. Il n’est qu’à voir ce qui se passe dans les pays d’Europe du Nord : je les prends toujours en exemple, car ces pays sont ceux qui concilient le mieux la cohésion sociale, même s’il y a eu des reculs – vous connaissez très bien ces sujets –, et l’attractivité économique. En ce sens, ils sont intéressants.

Quel enseignement en tirer ? Il faut s’y prendre en amont, en s’intéressant aux compétences, à la santé et aux conditions de travail ; or ces trois facteurs ont souvent été minorés quand il s’agit de parler des travailleurs expérimentés, des travailleurs plus de 50 ans.

Le second dispositif, qui est essentiel, concerne la reconversion et la transition. Je regrette que l’on ne puisse pas en parler, puisque c’est l’objet des discussions que mènent en ce moment même les partenaires sociaux.

Comment simplifier les dispositifs de reconversion et de transition ? Je pense en particulier aux dispositifs à la main des entreprises, par exemple Pro-A (reconversion ou promotion par alternance) ou Transco (Transitions collectives), qui concernent en particulier celles qui licencient ou qui sont en restructuration. Pendant la durée du contrat de travail, les salariés peuvent bénéficier d’une formation dispensée par une entreprise qui recrute dans le même territoire.

On met toujours en avant le dispositif Transco, alors qu’il n’a concerné que 1 000 salariés depuis sa création en 2021. Nous allons donc le simplifier. Ce dispositif de reconversion aidera également les travailleurs expérimentés qui sont exposés à l’usure professionnelle. Vous le savez, certains métiers ne sont pas tenables toute une vie et il est raisonnable de limiter leur exposition ; par conséquent, soit on aménage les postes, soit on anticipe des reconversions.

On met en place des dispositifs qui ont été étudiés par les partenaires sociaux. Les reconversions sont une réponse aux préoccupations que vous exprimez.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 15 est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Alexandre Basquin, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Alexandre Basquin. L’obligation pour le salarié de transmettre à l’employeur un document indiquant une date prévisionnelle de départ à la retraite nous pose problème, car elle remet en cause le principe même du contrat à durée indéterminée.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas concernés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 15.

Mme Monique Lubin. Nous proposons nous aussi de supprimer les dispositions qui imposent au salarié de transmettre à l’entreprise un document mentionnant une date prévisionnelle de départ à la retraite et qui permettent à cette dernière de mettre unilatéralement fin au contrat de travail.

Une telle disposition me paraît curieuse.

Qu’en est-il pour les femmes, dont on sait qu’elles ont choisi ou subi des temps partiels ?

Je l’ai dit précédemment, il faut 150 heures pour valider un trimestre. Certaines femmes auront uniquement validé des trimestres à temps partiel au cours de leur carrière professionnelle, si bien qu’au moment de liquider leur retraite le montant de leur pension sera insuffisant. Aussi décideront-elles de continuer à travailler.

Il me paraît dommage de mettre cette barrière, au moment où l’on fait un effort pour recruter des demandeurs d’emploi âgés. Je ne comprends pas très bien. Un tel dispositif aurait pour effet de plonger ces femmes dans la précarité, soit parce qu’elles devront vivre de l’assurance chômage, soit parce que le montant de leur retraite sera insuffisant.

S’il fait l’effort de recruter une personne de 60 ans, un employeur peut envisager de la garder jusqu’à 67 ans. S’il considère que ce n’est pas possible, cela signifie que les conditions de travail ne sont pas adaptées à l’âge du salarié, auquel cas il faut tout revoir. C’est d’ailleurs le sens des débats que nous avons eus jusqu’à présent.

Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux amendements identiques précédents, qui vise à juste titre à supprimer l’obligation pour le salarié de communiquer la date prévisionnelle de sa retraite à taux plein, dès qu’il est embauché en contrat de valorisation de l’expérience. Il s’agit d’une information personnelle dont, jusqu’à présent, l’employeur ne pouvait pas exiger la transmission.

Cette disposition est paradoxale. D’un côté, nous prétendons favoriser l’emploi des seniors ; de l’autre, nous donnons aux employeurs les clés pour mettre ceux-ci à la retraite dès qu’ils remplissent les conditions d’absence de décote, avant même l’âge de 70 ans qui, seul, autorise aujourd’hui la mise à la retraite par l’employeur.

Certes, le CVE est un CDI un peu particulier, une sorte de CDD déguisé, puisqu’il comporte une date butoir. Il s’agit d’un recul des droits pour les salariés : les entreprises pourront ainsi recruter des salariés tout en sachant précisément quand s’en séparer.

Pour ma part, je crains un effet contre-productif de ce dispositif – nul besoin de se référer à la contribution Delalande dont il a été question tout à l’heure. Le CVE sera défavorable à l’embauche des seniors les moins en mesure de bénéficier rapidement d’une retraite à taux plein, notamment ceux qui doivent attendre l’âge de 67 ans pour ne pas subir de décote.

Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, il pénalisera ceux qui, à 67 ans, ne bénéficieront pas pour autant d’une retraite de base complète ou qui percevront une pension insuffisante même s’ils ont validé le nombre de trimestres requis, puisqu’ils seront privés du droit de poursuivre une activité salariée jusqu’à 70 ans.

Ce n’est pas que nous soyons particulièrement favorables à cette dernière configuration, mais elle concerne de nombreuses femmes qui reprennent une activité professionnelle tardivement, pour réduire la proratisation de leur retraite, qui s’applique, en plus de la décote, aux salariés ayant eu des carrières discontinues. En effet, il faut distinguer la décote de la proratisation.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous contestons l’obligation faite au salarié d’informer son employeur de la réévaluation de la date prévisionnelle à laquelle il justifiera des conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ces amendements visent tous à supprimer la communication à l’employeur de la date de départ à la retraite à taux plein, qui constitue pourtant le principal motif de recours au CVE.

Pour les directeurs des ressources humaines que la commission a auditionnés, cette information est importante. Ce n’est guère étonnant, me répondrez-vous. Reste que les organisations syndicales et patronales que nous avons également entendues n’ont pas soulevé cette question.

Replaçons les choses dans un contexte plus large.

Employer des seniors, faire appel à des travailleurs expérimentés, prolonger l’activité, en plus des problèmes d’adaptabilité que cela peut poser, exige de l’anticipation. On peut comprendre que l’employeur ait besoin de savoir quand il perdra telle ou telle compétence, que ce soit pour le recrutement de celui qui reprendra le poste ou pour la formation de son propre personnel, etc. Tous les acteurs considèrent que connaître la date prévisionnelle de départ à la retraite constitue un élément important pour que le dispositif fonctionne. Il s’agit d’éviter le flou.

Pour autant, rien n’empêche de prolonger le contrat après l’âge de la retraite à taux plein, même s’il est vrai que celui-ci marque une étape. Reconnaissons tout de même que les entreprises n’embaucheront pas des travailleurs expérimentés uniquement parce que le CVE existe, pour profiter d’exonérations ou pour faire plaisir à je ne sais qui ! Si le salarié est d’accord pour poursuivre son activité et si l’entreprise a besoin de ses compétences, l’âge de la retraite peut être repoussé d’un commun accord.

Malheureusement, une fois de plus, les femmes sont dans une situation défavorable.

Cette disposition étant un élément important du CVE, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je rappelle qu’une double condition est prévue : l’employeur ne peut mettre le salarié à la retraite que lorsque celui-ci a atteint l’âge légal de départ et qu’il remplit les conditions de liquidation pour obtenir une retraite à taux plein.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. S’il manque à un salarié de 63 ans trois trimestres pour bénéficier d’une retraite à taux plein, l’employeur ne pourra pas exercer cette option avant que le salarié n’ait validé les trimestres manquants.

Cette double condition est absolument essentielle en ce qu’elle protège le salarié.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, je vous rassure : nous comprenons très bien !

Simplement, partir à taux plein ne signifie pas nécessairement avoir une retraite suffisante. Ce n’est pas la même chose ! Nous, nous préférerions que tout le monde puisse partir avant 64 ans. Mais, à défaut, je pense qu’il faut laisser aux salariés qui jugent le montant de leur pension trop faible la faculté de continuer à travailler.

Encore une fois, une femme qui aura tous ses trimestres parce qu’elle aura validé 150 heures par trimestre sera contrainte de partir et se retrouvera dans la précarité.

Selon vous, madame la rapporteure, les employeurs n’attendront pas je ne sais quelles conditions pour faire des CVE. Honnêtement, s’ils avaient été plus proactifs, comme on dit, pour recruter des seniors, il n’aurait sans doute pas fallu en passer par un tel dispositif !

Nous espérons évidemment qu’il y ait un effet d’entraînement. Mais nous pensons malheureusement qu’il ne faut pas se faire trop d’illusions à ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Vous évoquez une « double condition », madame la ministre. Qu’un salarié n’ayant pas atteint l’âge légal ou ne remplissant pas les conditions pour partir ne puisse être mis à la retraite d’office par son employeur, c’est tout de même la moindre des choses ! Pour autant, le dispositif est totalement à la main de ce dernier, convenez-en.

J’aimerais d’ailleurs faire un rappel historique : si la limite de 70 ans est apparue dans le code du travail, c’est parce que la durée de cotisations a explosé, atteignant quarante-trois années, alors que les jeunes entrent en moyenne deux ans plus tard sur le marché de l’emploi et que l’âge légal de départ est passé de 60 ans à 62 ans, puis à 64 ans.

Cela a deux justifications : d’une part, permettre à certains, et plus encore à certaines – ma collègue l’a souligné – de continuer à cotiser même en ayant validé tous les trimestres pour avoir une retraite acceptable ; d’autre part, et surtout, éviter la proratisation, en rattrapant les trimestres manquants pour avoir une retraite complète.

Or, avec votre dispositif totalement à la main de l’employeur, l’accès à une retraite complète sera interdit. Je pense qu’il n’y a pas de raison de retirer la limite de 70 ans du code du travail, d’autant que, si la décote s’arrête à 67 ans, tel n’est pas le cas de la proratisation.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 15.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 4 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 14 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L’amendement n° 17 est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 4.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 12 de l’article 4, qui prévoit l’exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur les indemnités de mise à la retraite pour les entreprises recrutant des personnes en CVE. En effet, une telle exonération peut devenir une nouvelle niche sociale.

Or une littérature de plus en plus abondante montre combien toutes ces exonérations sociales, par leur nombre et leur volume, sont coûteuses pour nos finances publiques, à l’heure où, semble-t-il, de nouveaux efforts de redressement des comptes vont être demandés aux Français, possiblement via la TVA sociale ou autres « réjouissances » du même acabit…

Je rappelle simplement que le montant des exonérations de cotisation pour les entreprises représente aujourd’hui quatre fois le déficit de l’ensemble des branches de la sécurité sociale. Continuer dans cette voie, en plus de n’être pas très juste au moment où l’on exige des efforts de la majorité des Français, me paraît particulièrement inefficace : ces politiques, menées depuis des décennies, n’ont pas contribué à enrayer le chômage de masse, pas plus que celui des seniors.

Si nous travaillons sur ce texte, ce n’est pas parce que nous considérons que les entreprises devraient faire une bonne action en recrutant des seniors ; c’est parce que nous pensons qu’il y a des compétences à valoriser !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Tout à fait !

Mme Céline Brulin. Or ce contrat, qui est quasi exclusivement à la main des employeurs, ne nous paraît pas juste au regard de la situation des travailleurs expérimentés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 14.

Mme Raymonde Poncet Monge. Alors que les précédents dispositifs spécifiques tendant à favoriser l’emploi des seniors se sont révélés relativement peu probants, le Gouvernement recycle de vieilles lunes, cette fois avec un nouveau CDI associé à une exonération de la contribution patronale de 30 % sur les indemnités de mise à la retraite.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que ce nouveau dispositif coûterait 123 millions d’euros aux comptes sociaux. Le paradoxe est saisissant : au moment même où il prétend faire des efforts budgétaires – « Les exonérations sociales, stop ou encore ? », demandent certains –, le Gouvernement crée de nouvelles niches fiscales en faveur d’un dispositif dont rien ne garantit l’efficacité !

Parallèlement, vous avez coupé 1,5 milliard d’euros de crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », alors qu’un certain nombre de mesures en faveur de la réinsertion des seniors avaient, elles, plutôt fait leurs preuves. Ainsi, 27 % des contrats aidés ont bénéficié aux plus de 50 ans ; cela représente près de 20 000 contrats. C’est peut-être modeste, mais c’est déjà ça !

Ces 123 millions d’euros viendront s’ajouter aux dizaines de milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Sans compensation garantie, cette nouvelle niche viendra grossir les 5,5 milliards d’euros d’exonérations non compensées, selon la Cour des comptes, et les 19 milliards d’euros de manque à gagner sur les compléments de salaire désocialisés.

Je le rappelle, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, les niches sociales représentent déjà l’équivalent de 15 % des recettes des régimes sociaux, soit plus que le plafond légal de 14 % fixé par la loi de programmation des finances publiques.

Alors, stop ou encore ? Pour notre part, nous proposons de dire « Stop » et de supprimer, en votant notre amendement, l’exonération sociale qui accompagne ce nouveau CDI.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 17.

Mme Monique Lubin. C’est tout de même extraordinaire : la seule contrainte que l’on impose aux employeurs, c’est la négociation, sans la moindre obligation de résultat, et l’on en profite pour leur accorder au passage une petite ristourne de cotisations !

Dois-je vous rappeler la situation budgétaire actuelle ? Je sais bien que l’on ne reviendra pas sur toutes les exonérations qui existent, mais l’on pourrait au moins ne pas en créer de nouvelles…

Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par Mmes Nédélec et Puissat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 12, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. J’ai longuement évoqué cet amendement en commission ce matin. Il s’agit de supprimer, à l’alinéa 12 de l’article 4, la phrase : « Cette exonération s’applique dans la limite des sommes mentionnées au a du 5° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale. »

Madame la ministre, cela implique que vous leviez le gage financier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 4, 14 et 17 ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ces trois amendements identiques visent à supprimer l’exonération de contribution sur l’indemnité de mise à la retraite. Or ce serait non seulement revenir sur l’accord des partenaires sociaux, mais également se priver d’un élément d’attractivité du CVE.

Il s’agit d’un système transactionnel : d’un côté, cela favorise le recrutement de personnes de 57 ans, 58 ans ou 60 ans – nous savons combien il est parfois difficile d’être embauché à cet âge –, et le salarié a la garantie d’être maintenu dans son emploi jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de départ à la retraite à taux plein ; de l’autre, l’entreprise bénéficie d’une information sur la date du départ à la retraite et de cette fameuse exonération.

Certains avancent de nombreux chiffres à propos des exonérations, mais ils oublient souvent d’évoquer l’autre versant : des demandeurs d’emploi qui retournent au travail, ce sont des cotisations en plus et des allocations chômage en moins.

Pour toutes ces raisons, la commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 4, 14 et 17.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. J’aimerais apporter quelques précisions quant au coût budgétaire.

Le taux de chômage des plus de 50 ans se situe aux alentours de 5 %. Alors que 19 % des demandeurs d’emploi sont des demandeurs de longue durée, ce taux atteint 35 % chez les plus de 50 ans. En outre, le taux de retour à l’emploi des demandeurs d’emploi âgés de 50 ans et plus est inférieur de 40 % environ à celui des 25-49 ans.

Nous parlons donc de personnes qui, une fois au chômage – heureusement, cela ne concerne que 5 % d’entre elles –, ont une probabilité statistique plus forte que le reste de la population de l’être durablement.

Par ailleurs, diminuer d’un point le taux de chômage des plus de 58 ans ou 60 ans, cela coûterait 35 millions d’euros en exonérations. Je pense que cela en vaut vraiment la peine. En effet, comme Mme la sénatrice l’a souligné à juste titre, l’objectif n’est pas d’accorder une quelconque faveur : il s’agit d’abord d’éviter un gâchis monumental de compétences et de savoir-faire, que nous ne savons pas valoriser aujourd’hui.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 4, 14 et 17.

En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 23, sur lequel je lève le gage.

Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 23 rectifié.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 14 et 17.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 13, seconde phrase

Après le mot :

notamment

insérer les mots :

le protocole expérimental permettant de recueillir les éléments de nature à éclairer le législateur en vue de son éventuelle pérennisation et

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Dans la version initiale du texte, il y avait eu d’abord une expérimentation, puis un contrat sans expérimentation.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je me réjouis que la commission des affaires sociales ait rétabli le caractère expérimental et prévu une évaluation, même si j’aurais préféré que celle-ci fût de moins longue durée.

Toutefois, je souhaite rappeler un élément. Le Conseil d’État avait indiqué qu’une expérimentation impliquait un protocole expérimental – d’ailleurs, cela semble évident – pour permettre au législateur de disposer d’éléments de nature à éclairer sa décision au moment de se prononcer sur la pérennisation, ou non, du dispositif.

La commission a, en quelque sorte, parcouru la moitié du chemin. Le dispositif, certes bienvenu, qu’elle a retenu ne suit pas totalement les recommandations du Conseil d’État. Il reste nécessaire d’avoir un tel protocole expérimental. Et le fait que nous ayons établi l’évaluation prouve que c’est possible.

Cet amendement vise donc à intégrer complètement dans le texte les recommandations du Conseil d’État, en vue d’une information pleine et entière du Parlement lorsqu’il aura à décider de la pérennisation, ou non, du CVE.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Ma chère collègue, vous saluez le rétablissement du caractère expérimental du dispositif par la commission, ainsi que l’instauration d’une évaluation, mais vous aimeriez avoir des précisions sur le contenu du rapport.

Certes, nous comprenons bien l’intention. Mais il ne nous semble pas nécessaire de préciser dans la loi la méthodologie du rapport.

C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Honnêtement, il faudra m’expliquer : comment allez-vous réaliser une évaluation formative, puis finale sans protocole expérimental ? J’ai conduit beaucoup d’expérimentations en tant qu’employeuse. Qu’allez-vous évaluer ? Un protocole expérimental, c’est le préalable méthodologique à une évaluation.

Ce n’est pas un hasard si le Conseil d’État lie le rapport d’évaluation au protocole expérimental permettant de recueillir les éléments de nature à éclairer le législateur en vue de l’éventuelle pérennisation du dispositif.

En refusant ce protocole, vous videz le rapport d’évaluation de sa substance. C’est bien dommage…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Toute éventuelle prolongation des dispositions prévues au V, après la troisième année suivant la promulgation de la présente loi, par le biais d’une loi de financement selon les dispositions de l’article L.O. 111-3-6 du code de la sécurité sociale, est conditionnée à la remise d’un rapport d’évaluation concernant le nombre de seniors de retour en emploi grâce aux dispositions du présent article, ainsi que les impacts des dispositions du présent article sur les comptes sociaux.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Si au moins l’un de nos amendements pouvait être adopté, cela justifierait notre présence… (Sourires.)

Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à celui qui visait à restreindre l’expérimentation du CVE à trois ans.

La commission des affaires sociales a modifié à raison – je l’ai indiqué – le texte initial, en ajoutant une évaluation du dispositif. C’était nécessaire, tant l’histoire nous enseigne la prudence dès lors que l’on croit pouvoir résoudre le problème du taux d’emploi des seniors par un contrat désocialisé, plutôt que par une réflexion en amont sur les conditions de travail.

Cependant, la date de remise de cette évaluation est portée, comme l’expérimentation, à cinq ans. Or la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale impose une évaluation pour prolonger un dispositif accompagné d’exonérations de cotisations sociales au-delà de trois ans.

En l’occurrence, nous allons être conduits à nous prononcer sur la prolongation du dispositif sans évaluation à l’issue des trois ans.

Par cet amendement, nous proposons de conditionner la prolongation du CVE à un rapport d’évaluation préalable qui devra être établi au bout de trois ans. Cela permettra d’évaluer l’efficacité sociale et l’impact budgétaire du dispositif. Il est en effet souhaitable que nous soyons informés lorsque nous aurons à nous prononcer en loi de financement de la sécurité sociale. C’est respecter l’esprit de l’ANI et la bonne gestion des ressources publiques.

Vous me direz sans doute qu’un éventuel dérapage financier serait bon signe ; ce serait la preuve qu’il y a beaucoup de CVE… Permettez-moi tout de même de douter de l’utilité de prolonger un dispositif inefficace et coûteux.

Il faut donc une évaluation avant toute prolongation, c’est-à-dire une évaluation à trois ans, quand bien même la durée de l’expérimentation est de cinq ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Nous avons déjà expliqué pourquoi la durée de trois ans, prônée par les auteurs de cet amendement, ne nous paraissait pas pertinente.

Au demeurant, dans le cadre d’une loi de financement de la sécurité sociale, il faudrait une étude d’impact.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

TITRE IV

FACILITER LES AMÉNAGEMENTS DE FIN DE CARRIÈRE

Article 4
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 6

Article 5

Le second alinéa des articles L. 3121-60-1 et L. 3123-4-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « La justification apportée par l’employeur rend notamment compte des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des tensions pour y procéder sur le poste concerné. – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 7

Article 6

I. – L’article L. 1237-9 du code du travail est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « Sous réserve du dernier alinéa, l’indemnité est attribuée lorsque le salarié fait valoir ses droits à pension de vieillesse de droit propre au titre du régime de base auquel il est affilié à raison de l’emploi qu’il occupe dans l’entreprise. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir la possibilité d’affecter l’indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de la rémunération du salarié en fin de carrière lorsque celui-ci, à sa demande et en accord avec son employeur, passe à temps partiel ou à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle de travail exprimée en jours. Si le montant de l’indemnité de départ qui aurait été due au moment où il fait valoir ses droits à retraite est supérieur au montant des sommes affectées à son maintien de rémunération, le reliquat est versé au salarié. »

II. – Le II de l’article L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Aux assurés qui bénéficient de l’affectation de l’indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de leur rémunération en application du dernier alinéa de l’article L. 1237-9 du code du travail. – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 8

Article 7

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1237-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « atteint », sont insérés les mots : « , y compris si c’était déjà le cas à la date de son embauche, » ;

b) Au septième alinéa, après le mot : « bénéficier », sont insérés les mots : « ou continuer de bénéficier » ;

(nouveau) L’article L. 1237-5-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1237-5-1. – Aucune convention ou accord collectif prévoyant la possibilité d’une mise à la retraite d’office d’un salarié à un âge inférieur à celui fixé au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ne peut être signé ou étendu. » ;

(nouveau) Les deuxième et dernier alinéas de l’article L. 1524-10 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 1237-5-1. – Aucune convention ou accord collectif prévoyant la possibilité d’une mise à la retraite d’office d’un salarié à un âge inférieur à celui fixé au deuxième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte ne peut être signé ou étendu. – (Adopté.)

TITRE V

AMÉLIORER LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL

Article 7
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 9

Article 8

Le code du travail est ainsi modifié :

(nouveau) Après la seconde occurrence du mot : « élus », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 2143-3 est supprimée ;

2° Les deuxième à cinquième et dernier alinéas de l’article L. 2314-33 sont supprimés – (Adopté.)

TITRE VI

ASSURANCE CHÔMAGE

Article 8
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Article 10

Article 9

L’article L. 5422-2-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent également être modulées en tenant compte, soit de ce que le demandeur d’emploi n’a jamais bénéficié de l’allocation d’assurance, soit de ce qu’il n’en a plus bénéficié depuis une durée importante. – (Adopté.)

TITRE VII

TRANSITIONS PROFESSIONNELLES

Article 9
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 10

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – Les dispositifs prévus aux articles L. 6111-6, L. 6323-17-1, L. 6324-1 et L. 6325-1 du code du travail, ainsi que les autres dispositifs concourant à la reconversion professionnelle des travailleurs, sont mobilisés par les salariés et leurs employeurs afin de favoriser les mobilités internes et externes à l’entreprise, de prévenir l’usure professionnelle, d’améliorer la prévention de la désinsertion professionnelle et d’améliorer les transitions professionnelles – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 10
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je veux revenir sur certains points de notre discussion.

Tout d’abord, madame la ministre, vous nous parlez de l’amélioration des chiffres de l’emploi des seniors. Mais, nous le répétons sans cesse, quand on demande à des gens qui ont 62 ans de travailler deux ans de plus, les statistiques en matière d’emploi des seniors s’améliorent mécaniquement. Il faut avoir l’honnêteté de le dire.

Ensuite, mesdames les rapporteurs, en réponse à nos observations, vous avez souvent fait valoir que c’était une demande des partenaires sociaux. Cependant, nous parlons d’une négociation, et personne ne peut nier que certaines demandes – je pense notamment à celle qui concerne le départ à la retraite dès lors que le taux plein est atteint – émanent clairement du Medef.

Enfin, lorsque j’entends dire qu’il est normal que les employeurs connaissent l’issue du contrat de travail pour faire de la gestion prévisionnelle des effectifs, je m’inscris en faux contre cette assertion. Un employeur, qu’il recrute un jeune ou un senior, ne sait pas jusqu’à quand la personne va rester. On entend souvent des employeurs dire qu’ils ont investi sur un salarié en finançant des formations ; pourtant, celui-ci s’en va. Cet argument n’est donc pas opérant.

J’ai proposé dès le début que le groupe SER vote ce texte, ayant entendu les représentants syndicaux qui avaient signé l’accord – ce n’est pas le cas de tous – affirmer leur souhait de profiter de cette fenêtre de tir pour faire avancer le sujet. Nous allons donc voter pour, mais j’avoue tout de même que je ressens un peu d’amertume à la suite de notre débat.

Je trouve que nos positions ont été déconsidérées, pour ne pas dire autre chose. Je trouve dommage, alors que nous travaillons nous aussi beaucoup sur ce sujet, que nous ne soyons pas un peu mieux considérés et que notre débat soit limité par cette obligation des partenaires sociaux à arriver à une conclusion, ce qui tend à mépriser le rôle du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux dire un mot sur les entrepreneurs, qui sont des gens responsables.

Je le rappelle, ce sont les entreprises qui créent de la richesse. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Avec les salariés !

Mme Raymonde Poncet Monge. N’oubliez pas les salariés !

M. Daniel Chasseing. Bien sûr, ils créent cette richesse avec les salariés.

M. Daniel Chasseing. Or je ne puis accepter que l’on mette en cause l’honnêteté des employeurs, qui ne prennent pas toujours des décisions de gaîté de cœur. Il leur arrive aussi de garder des employés après 60 ans, et le plus longtemps possible, dès lors qu’ils ont du travail à leur proposer. Néanmoins, certaines entreprises en difficulté sont obligées de licencier.

Il faut inciter les entreprises à embaucher ou à conserver les plus de 60 ans. C’est ce que ce texte vise à faire, en mettant en place une exonération de cotisations sociales et surtout en fixant des étapes dans une carrière, pour éviter d’avoir à débaucher de manière brutale.

Les salariés en milieu de carrière seront encouragés à suivre des formations de reconversion et, à 60 ans, ils devront avoir un entretien professionnel leur permettant d’envisager une retraite progressive. Ce sont des points importants, qui ont été validés par les partenaires sociaux.

Nous avons besoin de plus de cotisants pour assurer le financement de notre modèle social, hérité du Conseil national de la Résistance. Il est donc essentiel d’intégrer les seniors dans l’économie.

J’espère que ce texte produira les effets attendus. Les seniors ont toute leur place dans les entreprises, où leur savoir-faire et leur expérience doivent être valorisés.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est tout à fait favorable à ce texte, qui est essentiel pour l’avenir de notre modèle de retraite et de sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra, aucun effort n’ayant été consenti par le Gouvernement et par la majorité sénatoriale sur l’article 4. Et celui-ci, selon nous, déséquilibre cet accord.

En fait, tout est en désordre ! Nous avons réformé les retraites sans traiter l’ensemble des problèmes. Or deux ans ont passé depuis cette réforme.

Monique Lubin a raison, le taux d’emploi augmente, certes, mais il faut préciser les choses avec le recul dont nous disposons. Comme lors du passage de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans, le taux d’emploi progresse mécaniquement. En revanche, celles et ceux qui se trouvent dans un sas de précarité – ni en emploi, ni en formation, ni accompagnés – voient leur situation prolongée de deux années supplémentaires.

Faire progresser un taux, c’est une chose ; le faire croître de manière vertueuse, c’en est une autre.

Désormais, on nous explique que certains dispositifs n’apparaissent pas dans le texte, mais qu’ils seront intégrés dans un accord lui-même transcrit par ordonnance. Je le répète, tout est en désordre !

S’il y a tant d’éléments en faveur de la transition et de la reconversion, madame la ministre – nous y sommes favorables, puisque nous considérons que l’économie dans son ensemble doit suivre la bifurcation écologique –, quand ces mesures seront-elles mises en œuvre ? C’est toujours pour après : après la réforme des retraites ; après ce texte insuffisant. C’est, si j’ose dire, le tiercé dans le désordre.

En ce qui concerne la déclaration de réévaluation, imaginez un employeur qui recrute une personne à temps partiel, en supposant qu’elle atteindra le taux plein, par exemple, à 66 ans.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Raymonde Poncet Monge. Si cette personne complète sa carrière avec un temps partagé pour partir avant à la retraite, elle n’a pas à en informer l’employeur. L’imposer me semble particulièrement contestable du point de vue de la liberté individuelle.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social.

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite, en premier lieu, saluer nos deux rapporteurs : Frédérique Puissat, qui maîtrise ces sujets depuis longtemps et travaille de manière approfondie sur les questions relatives au dialogue social, et Anne-Marie Nédélec, pour qui c’est une première en tant que rapporteure. Chères collègues, je vous remercie toutes les deux de votre implication dans cet exercice, qui est difficile.

Nous sommes nombreux à défendre la valorisation du dialogue social sur des enjeux fondamentaux, connus et attendus de longue date, en l’occurrence l’emploi des personnes expérimentées, mais ce type d’exercice laisse toujours une forme de frustration : il y a bien un débat et un vote parlementaire, mais nous ne voulons pas bouleverser l’équilibre né du dialogue social.

Pourquoi ? On sait tout d’abord que les accords ne sont pas signés à l’unanimité ; celui-ci, par exemple, a recueilli l’adhésion de 74 % des signataires. Ensuite, une négociation aboutit toujours à un équilibre fragile : déplacer une ligne peut remettre en cause certaines dispositions et, partant, les conclusions de l’accord. Les parlementaires ne doivent donc intervenir qu’avec parcimonie.

Nous avons en tête, particulièrement ici, au Sénat, la loi Larcher sur le dialogue social, et nous comprenons l’engagement des rapporteurs à respecter la continuité des discussions entre les organisations professionnelles et syndicales. En même temps, nous sommes avant tout des parlementaires, qui veulent souvent aller plus loin et modifier les textes. C’est donc un peu frustrant pour nous.

À tout le moins, l’examen des amendements a permis de faire émerger des débats et de faire entendre des positions. Certains estimaient que le texte n’allait pas assez loin, d’autres qu’il allait trop loin ou qu’il comportait des difficultés d’application. Il y a en tout cas encore beaucoup à faire.

En conclusion, madame la ministre, je vous adresse les remerciements de la commission pour l’écoute que vous nous avez accordée. Il reste un enjeu crucial : la négociation en cours sur les transitions professionnelles. Nous espérons qu’elle aboutira dans de bonnes conditions, afin qu’une traduction concrète de ces discussions puisse intervenir dès juin ou juillet prochain. Ce serait un pas supplémentaire vers un dialogue social renforcé, soutenu par l’initiative parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je souhaite remercier les deux rapporteurs du travail que nous avons mené ensemble et qui a notamment permis de corriger une erreur du Gouvernement sur le plafonnement d’exonération – d’où le gage levé tout à l’heure.

Je sais que le Sénat croit dans la démocratie sociale, dans ce dialogue entre partenaires sociaux qui doit enrichir la démocratie parlementaire. En ce qui concerne l’article 10, je me suis engagée à ce que la transposition de l’accord, s’il y a accord le 14 juin, soit effectuée, en concertation avec nos deux rapporteurs, de la manière la plus fidèle et la plus sincère possible.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
 

5

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 5 juin 2025 :

À dix heures trente et l’après-midi :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées (texte de la commission n° 647, 2024-2025) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu’habitation en habitations (texte de la commission n° 643, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER