Pour l’année 2024, cette photographie des comptes de la sécurité sociale révèle un déficit de 15,3 milliards d’euros, soit plus que le montant envisagé initialement, mais moins que le budget révisé dans le cadre du projet de loi de financement de la sociale pour 2025.
Selon le Gouvernement, ce déficit constitue une situation alarmante. La Cour des comptes, quant à elle, juge la situation financière de la sécurité sociale très préoccupante, son financement n’étant plus assuré à terme, à moins d’adopter des « mesures vigoureuses de redressement ».
Certes, mais qui doit prendre ces mesures, sinon le Gouvernement, qui s’alarme des effets de sa propre politique ?
La dramatisation des déficits de la sécurité sociale est systématiquement utilisée depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale pour justifier les coupes budgétaires futures. Déjà, en 1995, l’état calamiteux de nos finances publiques justifiait le lancement du plan Juppé, du nom du Premier ministre d’alors.
Le déficit invoqué cette année pour justifier les prochaines mesures d’austérité représente 2,3 % des dépenses de la sécurité sociale. Ce n’est pas parce qu’il est inférieur au plafond de 3 % du PIB fixé par le traité de Maastricht qu’il faut s’en satisfaire pour autant !
Le déficit de la sécurité sociale s’explique par une hausse des dépenses de 1,1 milliard d’euros, mais c’est surtout la baisse de recettes, d’un montant de 3,7 milliards d’euros, qui en est la cause.
Le dérapage des comptes de la sécurité sociale provient donc de recettes moindres, en particulier les recettes de TVA. Celles-ci sont en effet inférieures de 2,2 milliards d’euros par rapport aux prévisions.
Le Gouvernement avait pourtant affirmé que, face à ce gouffre financier, la seule réponse à la désindexation des prestations sociales en 2026 ou à la réduction des dépenses des personnes souffrant d’une affection de longue durée (ALD) serait d’instaurer une TVA dite sociale.
Selon nous, la TVA sociale constitue l’impôt le plus inégalitaire, puisqu’elle frappe indifféremment tout un chacun, quel que soit son niveau de revenu. Elle est acquittée de la même façon par une aide-soignante que par Bernard Arnault, qui gagne pourtant des millions d’euros.
La TVA sociale est l’impôt le plus injuste, car elle va encore baisser le pouvoir d’achat des salariés qui n’en peuvent plus, qui se lèvent tôt pour aller travailler, qui ne cessent de se serrer la ceinture.
Surtout, la TVA sociale, cette vieille marotte de la droite et du Medef (Mouvement des entreprises de France), existe déjà !
Depuis 2019, le président Macron a réalisé le fantasme du patronat en remplaçant les exonérations du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par la suppression définitive des cotisations à la charge des employeurs, compensée par les recettes de TVA. Ainsi, 50 milliards d’euros de TVA compensent les exonérations de cotisations patronales, soit plus de la moitié des 80 milliards d’euros d’exonérations annuelles.
Rappelons que, sur ces 80 milliards d’euros, 5,5 milliards d’euros d’exonérations et 3,3 milliards d’euros d’exemptions de cotisations pour les primes et les heures supplémentaires n’ont pas été compensés à la sécurité sociale. Cela représente 8,8 milliards d’euros en 2024.
En d’autres termes, plus de la moitié du déficit pour 2024 serait résorbée par l’État s’il respectait le principe de compensation posé par la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite Veil.
Je tiens à le souligner, le déficit de la sécurité sociale a été organisé sciemment par les gouvernements successifs, en asséchant les recettes des caisses via la multiplication des exonérations. Les coupables sont ceux-là mêmes qui alertent aujourd’hui sur les déficits alarmants.
Le redressement vigoureux des comptes de la sécurité sociale passe, selon nous, par une baisse des exonérations de cotisations et la mise à contribution des revenus financiers.
Le Sénat a eu l’occasion de garantir 20 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires pour le budget de l’État en adoptant la taxe Zucman. Je rappelle qu’il s’agit d’un impôt de 2 % sur le patrimoine des ultrariches. Pourtant, la droite sénatoriale s’y est opposée.
En conclusion, le groupe CRCE-K votera contre ce texte, comme il s’est opposé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
J’en profite pour interroger la majorité sénatoriale sur la différence entre le rejet d’un texte et l’adoption d’une motion. L’an dernier, la commission des affaires sociales a déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour 2023, car la Cour des comptes n’avait pas certifié les comptes de la branche famille et de la Cnaf.
Cette année encore, elle n’a pas certifié les comptes de la branche famille. En outre, les indicateurs d’évaluation ne sont toujours pas respectés. Malgré tous ces éléments, vous n’avez pas déposé de motion, mes chers collègues.
Mme Pascale Gruny. Ce n’était pas nécessaire…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Au mois d’octobre prochain, la sécurité sociale, créée par Ambroise Croizat et Georges Buisson, fêtera ses quatre-vingts ans. L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 permettra de clarifier les intentions du Gouvernement.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Allez-vous prononcer l’oraison funèbre de notre modèle de protection sociale ou célébrer, à nos côtés, les quatre-vingts ans de la sécurité sociale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, le Parlement examine l’exécution budgétaire de la sécurité sociale.
La situation serait alarmante, nous dit-on, avec un déficit et une trajectoire budgétaire quasiment hors de contrôle. Voyons ce qu’il en est.
Parlons tout d’abord du déficit et, pour une fois, commençons par les recettes. Selon la Cour des comptes, le différentiel de près de 5 milliards d’euros entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le Placss provient, pour 77 %, de moindres rentrées de TVA, ce qui atteste de l’instabilité de ce mode de financement.
En effet, la TVA sociale existe déjà. Elle est supposée compenser les exonérations à la charge de l’employeur, qui ont quadruplé depuis 2019, passant de 1 % à 8 % des recettes des comptes sociaux.
La Cour des comptes révèle que, à la faveur de la transformation du CICE en exonérations, la fraction de TVA prévue en guise de compensation se révèle régulièrement insuffisante. Oubliée, la loi Veil !
Une part des exonérations est sous-compensée à la sécurité sociale. Cela provoque en 2024 un manque à gagner de 5,5 milliards d’euros. Cumulée depuis 2019, la sous-compensation atteint 18 milliards d’euros. Ce coût est essentiellement supporté par l’Acoss, ce qui contribue à sa crise de liquidité.
L’année 2019 marque aussi la non-compensation des heures supplémentaires, qui coûte plus de 2 milliards par an à la branche retraite. Son déficit, d’un montant de 5,6 milliards d’euros en 2024, correspond, à hauteur de 84 %, au cumul de la sous-compensation des exonérations et de la non-compensation de plusieurs niches sociales.
Depuis 2019 – décidément ! –, les exemptions nettes d’assiette explosent. Entre 2019 et 2023, celles-ci ont augmenté de 8 milliards d’euros, alors que le déficit de la sécurité sociale n’augmentait que de 6 milliards d’euros sur cette même période.
On observe aujourd’hui des dépenses dynamiques pour plusieurs branches de la sécurité sociale. Elles sont liées non seulement au vieillissement de la population, à la chronicité des maladies et à l’innovation thérapeutique, mais aussi aux nécessaires mesures nouvelles qui augmentent tendanciellement partout en Europe.
Non seulement de nouvelles recettes ne sont pas collectées pour faire face à ces dépenses, contrairement à ce qui se faisait par le passé, mais l’attrition des recettes est organisée, planifiée et accélérée, notamment depuis 2019, provoquant ainsi une rupture dans les ressources. C’est ce d’aucuns nomment la « politique des caisses vides ».
Bien sûr, des mesures favorisant l’efficience et l’efficacité des dépenses sont légitimes et nous les demandons : lutte contre les rentes de situation, exigences de profitabilité des opérateurs financiarisés, lutte contre le travail dissimulé, ruptures de parcours, etc. Il faut également pointer l’insuffisant pilotage par la qualité des soins, le manque de suivi des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et la nécessité de mener une politique ambitieuse de prévention dans un cadre pluriannuel.
La régulation des dépenses est conduite depuis plusieurs exercices, mais les mesures nouvelles sont totalement gagées sur des mesures d’économies de la dépense.
Au-delà des mesures nouvelles, financées par une baisse en valeur des dépenses, il est aussi requis de réaliser des économies sur la dynamique mécanique des dépenses.
Pour rappel, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) tend à s’élever à plus de 4 %, hors mesures nouvelles. Ainsi, son blocage à 2,9 % revient à exiger un tiers d’économies supplémentaires !
Concernant les retraites, je conteste les chiffres que vous évoquez : brasser les dizaines de millions est un peu malhonnête. Les dépenses sont bel et bien maintenues à 14 % du PIB, ce qui est rendu possible par la baisse relative des pensions et l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, alors que le décrochage des recettes recoupe celui du déficit.
En conséquence, la Cour des comptes souligne l’existence, depuis 2019 – toujours 2019 –, d’un différentiel de 0,5 point de PIB en moyenne entre les dynamiques des dépenses et celles des ressources.
L’année 2019 marque bien l’instauration d’une politique des caisses vides délibérée, qui a profondément chamboulé non pas la société, mais la trajectoire des comptes sociaux.
D’après le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), « la maîtrise des dépenses ne saurait que difficilement suffire à ramener les branches les plus en difficulté à l’équilibre. La question du pilotage des recettes doit donc nécessairement être traitée ».
Enfin, il convient de distinguer le déficit structurel du déficit conjoncturel lié à la crise covid, qui sature la Cades – celle-ci ne peut contenir d’éventuels déficits conjoncturels – et aliène 18 milliards annuels à son remboursement. Sans ce fardeau, la sécurité sociale ne présente pas de déficit structurel.
Pas de recettes pour faire face au Ségur, pas plus que pour répondre à la crise sanitaire exceptionnelle, aux mesures nouvelles et à la régulation des dépenses délétères, quand il s’agit de compenser l’attrition des recettes que vous avez causée :…
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. … depuis 2019, les choix politiques déstructurent la trajectoire budgétaire de la sécurité sociale de façon accélérée.
Le groupe GEST ne peut les cautionner et votera donc contre ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier. (Mme Isabelle Briquet applaudit.)
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, le Sénat s’apprête sans doute à rejeter le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, comme l’a fait l’Assemblée nationale avant lui.
Si nous abordions ce texte par son aspect technique, l’absence de certification des comptes de la Cnaf et de la branche famille, comme les années précédentes, légitimerait à elle seule ce rejet.
Toutefois, ce texte a une dimension politique. La situation est alarmante, la Cour des comptes parle d’une trajectoire « hors de contrôle ».
La sécurité sociale frôlait l’équilibre en 2018 et en 2019. Pourtant, son déficit s’est creusé de manière vertigineuse depuis la crise sanitaire. Si le covid pouvait expliquer un déficit historique entre 2020 et 2022, les années suivantes ont confirmé que ce déséquilibre s’installait durablement.
En 2024, le déficit s’élève à 15,3 milliards d’euros, soit près de 5 milliards d’euros supplémentaires par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale.
La suite s’annonce encore pire : 22 milliards d’euros de déficit prévus en 2025, 24 milliards d’euros en 2028 et 25 milliards d’euros en 2029.
Face à cette situation, votre gouvernement n’a présenté aucune stratégie de retour à l’équilibre. Il laisse filer les déficits et les mots qu’il emploie peinent à masquer son inaction.
Ce creusement est dû à une forte progression des dépenses – de l’ordre de 5,3 % en 2024 –, mais aussi à un essoufflement des recettes. Un tel déséquilibre met en péril notre modèle social, qui fête cette année ses quatre-vingts ans.
Le déficit de la sécurité sociale n’est pas une fatalité : c’est la résultante de choix, le fruit d’une politique d’appauvrissement méthodique des recettes et d’exonérations massives de cotisations. Ainsi, il manque plus de 5 milliards d’euros de compensation pour l’année 2024.
En outre, nous déplorons l’absence de transfert annuel de charges de l’État à la sécurité sociale via la Cades – on parle tout de même de 13 milliards d’euros – et un laxisme concernant les indus, qui représentent près de 10 milliards d’euros chaque année.
Reprenons les exonérations de cotisations. La part des cotisations dans le financement de la sécurité sociale a fondu de 82 % en 1993 à 48 % aujourd’hui. Le rapport Bozio-Wasmer l’a démontré : les exonérations de cotisations sociales ont un effet très limité sur l’emploi ; en revanche, elles pèsent lourd sur les comptes publics.
Pire encore, ces exonérations créent une trappe à bas salaires. En 2023, plus de 17 % des salariés étaient payés au Smic – un record depuis trente ans – et 60 % d’entre eux, il faut le noter, étaient des femmes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui !
M. Bernard Jomier. Cette smicardisation est liée à un système qui décourage toute revalorisation salariale, alors que, dans notre pays, le travail ne paie pas assez et paie même de moins en moins. Voilà huit ans que le Gouvernement encourage une société d’héritiers et de rentiers en lieu et place d’une société du travail.
Tout récemment, madame la ministre, vous avez accusé les salariés français d’être davantage en arrêt maladie que leurs voisins allemands : quinze jours en France, contre dix à douze jours en Allemagne. Vous le savez, vous vous êtes fondée sur une étude erronée et tronquée. (Mme la ministre manifeste son scepticisme.)
Que proposez-vous pour financer notre modèle social ? Une TVA sociale, injuste par excellence, qui pénalise les plus modestes ? Une taxe Vautrin sur les mutuelles – encore une –, qui touchera en premier lieu les retraités, les malades chroniques et les plus fragiles ? Une année blanche, qui promettra à ceux qui perçoivent des revenus leur permettant à peine de survivre des fins de mois toujours plus angoissantes et des temps encore plus durs ?
Alors que votre socle commun a massivement refusé la mise en place de la taxe Zucman, vous frapperiez les plus modestes.
Comment le Gouvernement pourrait-il être crédible en refusant de faire contribuer les ménages les plus aisés et les héritiers, alors qu’il sollicite en permanence les ménages les plus modestes ? Il n’y a aucun réalisme économique derrière tant d’injustice sociale. Les Français ne l’accepteront pas et votre gouvernement perdra toute capacité à faire accepter ses mesures.
Précipiter le pays dans la réduction des moyens des plus modestes, dans une logique de réduction des consommations et de l’activité économique ne répond à aucun réalisme économique.
Face au constat de la dégradation chronique des comptes de la sécurité sociale, des solutions existent. Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) est clair : un retour à l’équilibre est possible. Toutefois, un tel redressement ne pourra être envisagé que sur plusieurs années. En effet, il nécessite une vision de long terme, un pilotage pluriannuel des dépenses sociales, qui s’appuie sur des prévisions réalistes.
L’Ondam, conçu comme un outil de maîtrise des dépenses de santé, est devenu un indicateur sans portée réelle. Pour la cinquième année consécutive, il est dépassé. La dérive est structurelle. Il est donc temps d’adopter une autre politique.
Nous devons reconstruire notre engagement des dépenses et notre système de santé autour de trois piliers.
Premier pilier : la prévention. Il s’agit de mieux soigner en amont, en agissant notamment sur les consommations à risque et les facteurs environnementaux. Par ailleurs, nous devons faire confiance aux acteurs professionnels pour construire des parcours de soins en la matière.
Deuxième pilier : le virage territorial. Nous avons tout intérêt à développer un pilotage local des moyens avec les professionnels, les hôpitaux, les élus, les usagers et l’État, en définissant les priorités selon les besoins de santé de la population.
Il faut repenser la cohérence de la carte sanitaire et de l’organisation territoriale des soins. En effet, le mitage dramatique de celle-ci doit beaucoup à la pénurie de médecins, mais aussi à l’absence de cohérence et de confiance dans les acteurs territoriaux.
Troisième pilier : la lutte contre la financiarisation du soin. Il faut stopper les logiques de rentabilité qui coûtent cher, qui minent la qualité et l’égalité d’accès aux soins, qui transforment nos prélèvements obligatoires en pensions de retraite pour Américains ou Australiens.
Qu’a fait votre gouvernement en ce domaine, si ce n’est attendre la publication d’un rapport ? Il ne demande rien aux acteurs financiers, pendant qu’il suspend des accords conventionnels et brise la confiance avec les professionnels de santé. En annulant des revalorisations prévues par contrat, il compromet notre capacité à aborder collectivement la question de l’efficience des moyens alloués à la santé.
De nouvelles orientations doivent guider les prochains budgets. Pour l’heure, le Gouvernement attend la fin de la session parlementaire pour présenter ses annonces budgétaires et éviter tout débat et tout risque de censure. C’est une méthode opaque, qui consiste à contourner le débat démocratique et qui compromet l’adhésion des Français.
Mes chers collègues, nous refusons cette logique du renoncement. Il est possible de redresser les comptes sociaux, à condition de retrouver le sens de la responsabilité politique et de la justice sociale et fiscale.
Ce n’est pas ce qui a été fait depuis huit ans et, si nous n’empruntons pas une meilleure voie demain, nous laisserons notre système de sécurité sociale partir à la dérive. Nous ne pouvons certainement pas nous y résoudre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, 15,3 milliards d’euros : c’est le montant du déficit de la sécurité sociale en 2024, soit presque 5 milliards d’euros de plus que le déficit prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Les prévisions de déficit pour les prochaines années sont encore plus préoccupantes : 22 milliards d’euros en 2025 et 24 milliards d’euros en 2026.
Il est difficile de discuter du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale en s’en tenant strictement à ce texte, sans évoquer l’année n+1.
Je partage en partie ce qui a pu être dit en commission : il est logique que les dépenses augmentent de façon constante, à cause du vieillissement de la population, de l’explosion des maladies chroniques, des innovations thérapeutiques et, tout simplement, de l’inflation et de l’indexation de certaines prestations, notamment les retraites, qui ont augmenté de 14 milliards d’euros cette année.
Si nous laissons les dépenses filer de façon incontrôlée, il nous faudra perpétuellement chercher de nouvelles sources de financement. Notre modèle ne peut pas continuellement être financé par la dette.
Du côté des recettes, les choses sont relativement simples : la sécurité sociale est essentiellement alimentée par les cotisations et contributions issues du travail. Davantage de travail lui assurerait donc plus de recettes.
Afin d’augmenter la part de la population au travail, nous avons adopté il y a peu un texte sur l’emploi des seniors. C’était indispensable, alors que le taux d’emploi des 60-64 ans dans notre pays n’est que de 38 %, contre plus de 50 % dans l’Union européenne. La réévaluation du taux d’emploi de ces personnes assurerait 5,8 milliards d’euros de cotisations retraite supplémentaires.
Au-delà du sujet des seniors, je suis certain que, à l’automne prochain, nous aurons l’occasion de discuter de différentes modalités pour augmenter les recettes sociales par davantage de travail. Je rappelle que nous travaillons moins que nos voisins européens : 1 670 heures par an, contre 1 790 heures en moyenne dans l’Union européenne.
Travailler dix minutes de plus par semaine rapporterait 2,5 milliards d’euros chaque année. Cela permettrait de financer la prise en charge de la dépendance, appelée à continuer d’augmenter.
Dans le même temps, il conviendrait de trouver de nouvelles sources de financements, afin de baisser, en contrepartie, les contributions qui pèsent sur le travail. Augmenter la TVA sociale de 1 point permettrait de dégager 11 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Je rappelle au passage que le taux de TVA s’élève à 21 % en Espagne, à 22 % en Italie et à 25 % au Canada.
Aujourd’hui, les intérêts de la dette française explosent, jusqu’à atteindre 80 milliards d’euros, alors qu’ils s’élevaient à moins de 40 milliards d’euros en 2019. Nous le voyons bien, l’État ne peut participer davantage au financement de la sécurité sociale.
Du côté des dépenses, on ne peut pas se satisfaire des 18 milliards d’euros d’indus versés en 2023, 8,1 milliards d’euros n’ayant pas été détectés. La fraude affaiblit notre modèle social, pas seulement d’un point de vue financier.
Par ailleurs, on ne peut que regretter que l’Ondam soit systématiquement largement dépassé. Il l’a été en 2024 – de 1,5 milliard d’euros –, il le sera de nouveau en 2025. À cet égard, dans un avis rendu la semaine dernière, le comité d’alerte sur le respect de l’Ondam annonçait un risque de dérapage de plus de 1,3 milliard d’euros.
On peut toujours décider de créer de nouvelles taxes, mais cette démarche risque de se révéler contre-productive. Je ne prendrai qu’un seul exemple. En 2018, nous avons institué une taxe sur les yachts de plus de 30 mètres. Selon les prévisions, elle devait rapporter à l’État 10 millions d’euros par an ; en 2024, elle n’a pourtant permis que de collecter 20 000 euros, car il ne reste plus que quatre yachts en France. C’est caricatural !
Augmenter le taux des cotisations pour suivre le rythme des dépenses mettrait en difficulté les entreprises, qui sont déjà soumises à un record de contributions à l’échelon européen.
Tout en conservant le départ à la retraite à 64 ans – en tenant compte de l’aménagement qui, je l’espère, aura été défini par les partenaires sociaux –, nous devons mieux contrôler nos dépenses et trouver plus de recettes qui ne pèsent pas sur le travail. C’est ainsi que nous pourrons préserver la sécurité sociale, colonne vertébrale de la République, et garantir l’égal accès aux soins dans tous les territoires.
Pour reprendre les mots d’un éminent responsable politique socialiste aujourd’hui disparu, la mère de toutes les batailles, c’est l’inégalité sociale. Selon moi, la perte de la sécurité sociale serait la plus grande des inégalités.
Enfin, que ferons-nous du déficit de 22 milliards d’euros l’année prochaine et de 25 milliards d’euros en 2029 ? Dès cette année, le déficit devient déjà supérieur à la capacité annuelle d’amortissement de la Cades.
L’endettement de l’Acoss, qui gère la trésorerie de la sécurité sociale, créera un risque de crise de liquidité lorsqu’il atteindra 70 milliards d’euros. Ce sera bien le cas en 2027. Très concrètement, certaines prestations pourraient ne plus être versées.
Mes chers collègues, jusqu’à quel montant les déficits doivent-ils se cumuler avant que nous décidions collectivement de faire les choix qui s’imposent pour préserver la sécurité sociale pour tous ? Comme l’a dit la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, soyons réalistes !
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Olivier Henno applaudit également.)
Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 fait apparaître un déficit supérieur aux prévisions initiales. Il est dû, en grande partie, à une surestimation des recettes et à une hausse des dépenses via le dépassement de l’Ondam.
Permettez-moi de m’attarder sur la branche maladie et l’Ondam, ainsi que sur la réforme du financement à l’hôpital.
En 2024, les dépenses relevant du champ de l’Ondam ont atteint 256,4 milliards d’euros, contre 247,8 milliards d’euros en 2023. Si le dépassement de fin d’exercice est assez limité cette année, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros, l’Ondam qui a été fixé lors du vote de la loi initiale de financement de la sécurité sociale est encore dépassé, et ce pour la cinquième année consécutive.
Nous avons refusé de voter l’Ondam pour 2024, ne l’estimant ni crédible ni sincère. Force est de constater que les résultats nous donnent une nouvelle fois raison.
Quant à la Cour des comptes, elle estime que l’année 2024, pourtant marquée par une inflation faible, est « une occasion manquée de retour à une maîtrise de l’exécution de l’Ondam ». C’est également une occasion manquée de maîtriser les dépenses de soins de vie.
En outre, l’Ondam pour 2024, qui devait être inférieur à l’Ondam pour 2023 – lui-même inférieur à l’Ondam pour 2022, en raison de la résorption des dépenses de crise –, lui est finalement supérieur.
Ce dépassement, entièrement lié au sous-objectif « Dépenses de soins de ville », n’est ni compréhensible ni justifiable. En effet, aucun événement exceptionnel ne l’explique, contrairement aux années précédentes.
La branche maladie, dont 80 % des dépenses reposent sur l’Ondam, est à elle seule responsable d’une grande partie du déficit. En 2024, son déficit s’élève à 13,2 milliards d’euros, pour un déficit total de 15,3 milliards d’euros, si l’on inclut le fonds de solidarité vieillesse.
Il convient de noter que la branche maladie continue de porter le poids de la crise sanitaire. En 2024, les dépenses engagées à la suite du Ségur de la santé auront coûté 13 milliards d’euros.
Depuis 2019, nous observons une hausse structurelle des dépenses de l’Ondam : alors que celles-ci avaient progressé de 5 % entre 2017 et 2019, elles ont augmenté de 23,7 % entre 2019 et 2024.
Pour mémoire, ainsi que M. le ministre l’a rappelé, en 2019, l’Ondam s’élevait à 200 milliards d’euros. En 2024, il atteint 256,4 milliards d’euros, soit 56,4 milliards d’euros de plus. Malgré les moyens supplémentaires engagés, qui sont très importants, notre système de santé est toujours en crise. Certes, il faut prendre en compte l’inflation et le Ségur de la santé, mais tout de même…
L’an passé, à cette même tribune, j’ai insisté sur la nécessité de renforcer les mécanismes de suivi infra-annuel. Il nous faut, avec l’appui du comité d’alerte sur le respect de l’Ondam, disposer de prévisions toujours plus solides. Le groupe Les Républicains salue à cette occasion l’appel de cette instance à redoubler de vigilance sur les dépenses de soins de ville pour 2025. D’ores et déjà, nous ne pouvons que nous inquiéter des perspectives de dépassement de l’Ondam pour 2025.
Par ailleurs, comme l’a annoncé la rapporteure générale, je souhaite faire un point sur l’application de la réforme du financement des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), adoptée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Nous avons en effet soutenu cette réforme qui vise à diminuer la part de la tarification à l’activité en créant un financement plus équilibré entre la tarification et les dotations sur des objectifs de santé publique et pour des missions spécifiques. Force est de constater que les faits confirment les réserves que la commission des affaires sociales a exprimées sur le calendrier et les modalités d’application de la réforme.
Ainsi, toutes les fédérations hospitalières regrettent l’absence de mise en œuvre opérationnelle à ce stade. Je m’inquiète tout particulièrement de l’avancée de la réforme du financement des activités de radiothérapie et de dialyse, qui, de l’aveu même des fédérations hospitalières, ne pourra pas être correctement mise en œuvre le 1er janvier 2026.
Si de nombreux chantiers ont été lancés, tous restent inachevés. Nous ne pouvons que regretter un manque criant de hiérarchisation : il entraîne des incertitudes pour les établissements de santé, lesquels doivent agir dans un contexte financier critique. Le déficit des établissements publics atteindrait en effet 3 milliards d’euros sur l’année écoulée.
Il ne suffit pas de changer la pancarte et de lancer des chantiers pour annoncer que la réforme du financement des hôpitaux est en cours. Il est plus que temps que le Gouvernement réalise des études d’impact permettant de mieux anticiper les effets de la réforme selon les paramètres choisis et qu’un calendrier réaliste des chantiers prioritaires soit adopté.
Enfin, il paraît nécessaire de prévoir dès maintenant les modalités d’évaluation et de révision des paramètres de la réforme afin d’assurer une visibilité aux établissements de santé.
Mes chers collègues, les hôpitaux publics ont enregistré un déficit de près de 3 milliards d’euros à la fin de l’année 2024. Nous ne cessons, de projet de loi de financement de la sécurité sociale en projet de loi de financement de la sécurité sociale, de demander des efforts aux secteurs du médicament et des dispositifs médicaux. La question des ruptures de stock de médicaments n’est toujours pas réglée.
Ces constats doivent orienter les choix politiques à venir et nous inciter à rester conscients des défis et de l’exigence qui nous attendent à l’aube de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Le groupe Les Républicains ne votera pas en faveur du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024. Ce n’est pas un renoncement, c’est une désolation. Notre attachement à la sécurité sociale nous oblige. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale est un moment important de la vie parlementaire.
Il s’agit non pas d’un simple exercice comptable, mais d’un temps fort de transparence et de vérité budgétaire. C’est aussi, pour la représentation nationale, l’occasion de prendre pleinement la mesure de l’état de nos comptes sociaux, d’en débattre sereinement et de faire vivre le contrôle démocratique de la gestion de notre protection sociale.
Pourtant, force est de constater que, jusqu’à présent, aucun projet de loi de ce type n’a été adopté, ni en 2023 ni en 2024. Notre pays ne peut se satisfaire de ces rejets systématiques, car, au-delà des clivages, nous partageons un impératif commun : la vérité des comptes et la soutenabilité de notre modèle de solidarité.
Le bilan pour l’année 2024 révèle un déficit de 15,3 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires, soit un peu moins que les 18 milliards d’euros anticipés, mais bien plus que les 10 milliards d’euros que nous avions collectivement envisagés lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Ce déficit s’explique en grande partie par la dépense croissante des branches maladie et vieillesse, sur fond de ralentissement de l’inflation. En effet, cette dernière, revenue à des niveaux plus modérés, n’a pas suffi à corriger les déséquilibres, car les dépenses ont continué de croître, notamment en raison des revalorisations fondées sur l’inflation passée.
Cela étant, nous ne pouvons détourner le regard des prévisions les plus alarmistes. Le déficit pourrait atteindre 22 milliards d’euros en 2028 si nous ne prenons pas les mesures nécessaires. En outre, les dépenses de santé ont bondi de 56 milliards d’euros depuis 2019 et les pensions de retraite ont également augmenté, notamment en raison de leur revalorisation de 5,3 % le 1er janvier dernier, alimentant principalement cette dynamique. Ces dépenses correspondent à des choix sociaux forts, mais nécessitent des financements clairs, durables et assumés.
Comme vous l’avez évoqué, madame la ministre, la non-certification des comptes de la branche famille demeure une source de préoccupation pour la Haute Assemblée, en raison des incertitudes qui pèsent sur la fiabilité des données. Nous estimons toutefois qu’elle ne remet pas en cause la sincérité de ce Placss.
Dans un tel contexte, il ne nous semble pas envisageable de rejeter le texte pour des raisons purement politiques. Il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre une politique passée ; il s’agit de prendre acte d’une réalité, de tirer collectivement les leçons de nos déséquilibres et de préparer l’avenir.
Oui, des défis immenses se dressent devant nous : vieillissement de la population, baisse préoccupante de la natalité, progression des dépenses d’autonomie, tension sur le financement des retraites et de la santé. Le solde de la branche vieillesse est fortement dégradé. L’excédent de la branche famille, qui semblait rassurant, est en réalité soutenu artificiellement par une baisse des naissances.
Que faire dans ces conditions ? Certainement pas attendre que le vent tourne, masquer la réalité par des jeux d’écriture, des transferts de charges entre caisses ou de nouvelles taxes. Non, la réponse doit être plus ambitieuse et plus courageuse : rétablir nos comptes sociaux est une nécessité, une exigence. C’est un enjeu de souveraineté nationale, car une protection sociale financée par la dette n’est pas une protection durable, c’est une illusion.
En 1945, quand nous avons bâti ce système, personne n’imaginait qu’il deviendrait lui-même une source de dette. Les textes budgétaires de 2026 et ceux des prochaines années devront permettre un redressement significatif des finances publiques. Cela impliquera des réformes profondes, structurelles, exigeantes, mais nécessaires, dans le but non pas de fragiliser notre modèle social, mais de le sauver et de garantir aux générations futures un droit non pas fictif, mais réel à la santé, à la retraite, à la solidarité.
Dans cet esprit, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) votera en faveur du texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le troisième projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Ce type de texte est une innovation issue de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui vise à renforcer le rôle du Parlement dans le suivi de l’exécution budgétaire.
L’approbation des comptes n’est ni une absolution ni un blanc-seing. C’est une photographie, forcément imparfaite, mais utile. Le groupe RDSE reste attaché à cet exercice de transparence, car le Parlement doit pouvoir contrôler l’utilisation de l’argent public. C’est là le fondement de la démocratie.
L’intérêt de ce texte réside dans ce qu’il révèle, mais aussi dans les interrogations qu’il suscite. Le tableau présenté cette année est préoccupant. Le déficit des régimes obligatoires de base du fonds de solidarité vieillesse atteint 15,3 milliards d’euros en 2024, soit une aggravation de plus de 4 milliards d’euros par rapport à 2023.
La dynamique observée entre 2021 et 2023 s’est interrompue et, selon les projections de la commission des comptes de la sécurité sociale, ce déficit pourrait approcher les 22 milliards d’euros en 2025 et même dépasser les 24 milliards d’euros à l’horizon de 2028.
La Cour des comptes, dans le rapport qu’elle a rendu au mois de mai dernier, va encore plus loin, parlant d’une trajectoire « hors de contrôle ». Elle alerte sur le risque d’une crise de liquidité si des mesures correctrices ne sont pas rapidement engagées.
Il ne s’agit plus de simples petits écarts conjoncturels ; c’est la soutenabilité du financement de notre protection sociale qui est engagée. Toutes les branches ne sont pas concernées de la même manière : sans surprise, les branches maladie et vieillesse concentrent l’essentiel du déficit.
La situation de la santé est préoccupante. Les déserts médicaux s’étendent, les hôpitaux manquent de soignants, les urgences sont débordées, nous subissons une pénurie de médicaments. Dans le même temps, le déficit de la branche maladie s’élève à 13,1 milliards d’euros.
L’Ondam, qui devait croître de 3,2 %, a été dépassé pour la cinquième année consécutive. L’effet covid ne permet plus d’expliquer cette augmentation : c’est la dépense ordinaire qui dérive.
L’avis rendu la semaine dernière par le comité d’alerte sur le respect de l’Ondam est préoccupant. Il pointe un risque sérieux de dépassement de l’objectif pour 2025, dont l’ampleur serait supérieure au seuil fatidique de 0,5 %.
La certification des comptes constitue un autre sujet d’inquiétude. Pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes n’a pas certifié les comptes de la branche famille, car elle est dans l’incapacité de se prononcer sur la justesse des données.
La situation de l’Urssaf Caisse nationale appelle également notre vigilance. Sa dette, qui atteint 49 milliards d’euros, pourrait franchir le plafond autorisé dès 2026, ainsi que Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales l’a souligné. Ce signal inédit doit être pris au sérieux, car il met en lumière un risque de liquidité systémique qui ne peut être ignoré.
Je réaffirme ici notre attachement à la sécurité sociale, véritable pilier de notre pacte républicain. Comme le rappelait Pierre Laroque, son principal artisan, la protection sociale est non pas une charge, mais un investissement dans l’avenir de notre société. Elle n’est pas un fardeau, elle est une promesse qui, pour vivre encore demain, exige responsabilité, courage et lucidité.
Les déséquilibres actuels ne pourront être corrigés par de simples ajustements techniques. Si nous voulons préserver cet acquis essentiel, il faut engager une réforme structurelle d’ampleur, refuser les dérives financières chroniques autant que les coups de rabots mécaniques, sortir des injonctions contradictoires entre ambition sociale et sincérité budgétaire.
Saurons-nous dégraisser le mammouth administratif de la santé ? Serons-nous capables de trouver de nouvelles recettes ? Aurons-nous l’imagination et le courage nécessaires pour répondre aux demandes de nos populations et à celles des soignants et rééquilibrer les comptes ?
La sécurité sociale fêtera ses quatre-vingts ans au mois d’octobre prochain. Elle fut créée dans l’élan de la Libération, à une époque où notre pays avait peu de moyens, mais beaucoup d’ambition collective. À nous d’être à la hauteur de cet héritage. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024 nous offre une double opportunité : exercer notre devoir de contrôle parlementaire sur la sincérité et la qualité des comptes publics, mais aussi poser un regard lucide sur les difficultés systémiques qui fragilisent notre modèle social.
Je salue bien évidemment le travail de Mme la rapporteure générale et des rapporteurs des branches, dont les travaux contribuent à expliciter ce texte technique.
Commençons par souligner les évolutions positives que nous constatons. Elles concernent principalement la forme, mais elles ne sont pas anecdotiques.
Nous saluons en particulier l’amélioration significative de la qualité des annexes, en particulier des rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss). Ceux-ci, désormais plus lisibles, permettent une lecture plus opérationnelle des effets réels des politiques menées. L’amélioration de la lisibilité et de la cohérence des indicateurs est la bienvenue.
De même, l’annexe relative aux niches sociales que la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale impose d’évaluer de manière approfondie tous les trois ans commence à trouver sa place. Certes, cette mise en œuvre reste partielle et le rythme de l’évaluation demeure inégal, mais nous devons reconnaître que de véritables progrès ont été réalisés. Nous avons appelé de nos vœux une telle dynamique lors de l’examen des projets de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) précédents, nous sommes satisfaits de constater que nos alertes ont été entendues.
Ces avancées participent à une meilleure information du Parlement et, plus largement, des citoyens sur l’utilisation des ressources sociales, ainsi que sur l’efficacité des dispositifs mis en place. Elles constituent un préalable indispensable à tout pilotage réformateur des comptes sociaux.
Élisabeth Doineau, Mme et M. les ministres ont déjà abordé le sujet, mais je tiens à insister à mon tour sur le recouvrement des indus frauduleux dans la branche famille, plus particulièrement à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Ce sujet technique est en réalité un marqueur puissant des limites actuelles de notre politique sociale et budgétaire, notamment en ce qui concerne le pilotage.
En effet, l’incapacité de la Cour des comptes à certifier les comptes de la branche famille pour la deuxième année consécutive n’est pas un simple incident comptable. C’est un signal d’alarme, qui met en cause la fiabilité même de l’information budgétaire sur laquelle nous sommes censés fonder notre vote. Comment, dans ces conditions, valider un texte sans avoir la garantie que les chiffres qu’il contient sont sincères ?
Ces dysfonctionnements se doublent d’un problème d’efficacité. En 2023, le montant total des indus frauduleux et non frauduleux dans la branche famille s’élève à 4,2 milliards d’euros – excusez du peu ! Pourtant, seuls 400 millions d’euros d’indus frauduleux ont été détectés et seuls 300 millions d’euros ont été mis en recouvrement, soit moins de 10 % du volume total.
Cette disproportion témoigne d’un déficit structurel de notre capacité à prévenir et à corriger les fraudes. Le problème ne cesse de s’aggraver. Le nombre d’indus frauduleux liés à l’allocation aux adultes handicapés, en hausse de 558 % entre 2020 et 2024, a explosé. Pour ceux qui sont liés à la prime d’activité, l’augmentation atteint 144 %. Il est évident que le système actuel ne permet pas un traitement suffisamment rapide ni homogène des situations frauduleuses.
La procédure de qualification d’une fraude, lourde, nécessite de réunir trois éléments : la violation de la loi, l’intentionnalité et l’obtention indue des allocations. Les délais sont ainsi allongés. Résultat, il faut en moyenne 20 mois pour traiter un indu frauduleux, contre 4,4 mois pour un indu non frauduleux. Cette différence n’est pas acceptable.
Par ailleurs, les disparités territoriales sont choquantes. Les taux de recouvrement varient de 50,7 % à 94,6 % selon les caisses d’allocations familiales, soit un écart de 44 points. Ces écarts nuisent à la crédibilité de l’action publique et alimentent le sentiment d’injustice.
Pour autant, le rapport coût-efficacité du dispositif reste favorable. En 2023, les 3 336 équivalents temps plein mobilisés pour les contrôles ont permis de récupérer en moyenne 3,1 millions d’euros chacun, avec un ratio de 53 euros recouvrés pour 1 euro investi. Il s’agit donc non pas d’un problème de volonté, mais bien d’un problème d’organisation, de moyens et de pilotage.
Je formule donc trois recommandations structurantes, à la croisée de la rigueur budgétaire et de l’équité sociale.
Premièrement, il faut harmoniser les pratiques territoriales et professionnaliser les acteurs. Cela implique de renforcer l’accompagnement des caisses d’allocations familiales (CAF) les moins performantes, mais aussi de créer une certification obligatoire des gestionnaires de fraude et d’organiser des formations continues.
Deuxièmement, nous devons accélérer la modernisation informatique. Le déploiement du nouveau système Corali enrichi d’outils de data mining est essentiel. L’intégration de solutions d’intelligence artificielle doit aussi être envisagée pour accroître l’efficacité de la détection.
La modernisation doit aller de pair avec une révision des seuils économiques : nous préconisons de rehausser le seuil en deçà duquel les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale sont autorisés à abandonner la mise en recouvrement de leurs créances, actuellement fixé à 1,27 % du plafond mensuel de sécurité sociale en vigueur, à 5,3 %, soit 209 euros.
Troisièmement, il faut étudier l’extension du dispositif de solidarité à la source, généralisé à partir de mars 2025 pour le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d’activité. Préremplir les données des allocataires permet de prévenir les erreurs et les fraudes. Étendre ce mécanisme à d’autres prestations renforcerait la fiabilité des comptes et la transparence des droits.
Ces propositions s’inscrivent dans un contexte plus large de fragilité des comptes sociaux. Ainsi que cela a été indiqué, le déficit global de la sécurité sociale s’élève à 15,3 milliards d’euros, dont 13,8 milliards d’euros concernent la seule branche maladie. Ce chiffre reflète un double échec : une dérive des dépenses et une surestimation chronique des recettes. La moins-value de 3,7 milliards d’euros de recettes, dont 2,2 milliards d’euros sont dus à de moindres recettes de TVA, traduit une perte de maîtrise. Ces chiffres ne sont pas abstraits, ils signalent l’échec des logiques de pilotage.
Le Haut Conseil des finances publiques a lui-même pointé, au mois d’avril dernier, le trop grand optimisme des hypothèses gouvernementales. Sans doute la chaîne de prévision, de programmation et de maîtrise doit-elle être reconsidérée.
La Cnaf continue quant à elle d’accuser un taux d’erreur résiduel élevé, la Cour des comptes soulignant une dégradation continue de la qualité de ses comptes depuis 2020. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les montants en jeu sont massifs et que les ménages les plus vulnérables sont les premiers concernés.
Nous devons cesser de considérer les textes de certification comme de simples formalités. Ils doivent redevenir ce qu’ils sont censés être : un moment de vérité budgétaire et de responsabilité politique.
En conséquence, bien que les progrès formels de la qualité des documents soient réels, notamment en ce qui concerne les annexes et les Repss, ils ne peuvent faire oublier que la sincérité des comptes de la branche famille n’est toujours pas garantie et que le déficit social continue de se creuser.
Le groupe Union Centriste, fidèle à sa ligne de responsabilité, ne peut donc pas voter en faveur du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024.
Il ne s’agit pas d’un rejet de principe. Ce refus est l’expression d’une exigence de rigueur, de sincérité et d’efficacité dans la gestion de notre protection sociale. Nous appelons à un sursaut pour restaurer la confiance des citoyens, garantir l’équité entre allocataires et remettre nos comptes sociaux sur une trajectoire soutenable. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous examinons le troisième projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, dont l’objectif affiché est d’améliorer la transparence, l’information et la qualité du débat avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’exercice suivant.
Malgré d’incontestables améliorations depuis les exercices précédents, la commission des affaires sociales a considéré à juste titre que les lacunes du Placss 2024 demeuraient trop importantes pour permettre son adoption.
Il est ainsi constaté un déficit plus important que prévu, qui repart à la hausse notamment en raison de la revalorisation des prestations indexées, mais aussi à cause de recettes moindres, notamment de TVA, les prévisions reposant sur l’hypothèse optimiste d’une croissance des recettes supérieure à celle de leur base taxable.
Plus généralement, les travaux de la commission des affaires sociales ont démontré une inquiétante absence de maîtrise des comptes sociaux. Sans nouvelles mesures, la situation continuera de se dégrader, même si l’on retient les hypothèses de croissance du Gouvernement, pour atteindre un déficit proche de 25 milliards d’euros en 2029.
Comme l’année dernière, le rapport comprend des contributions des rapporteurs des branches. Je me suis naturellement penchée sur la branche vieillesse, pour laquelle la Cour des comptes maintient ses réserves, mais mentionne des progrès. Ainsi, une prestation de retraite sur dix attribuées à d’anciens salariés comporte une erreur financière, contre une sur huit en 2023.
Cette année, j’ai souhaité approfondir la question des inégalités de pension de retraite entre les femmes et les hommes. La Cour des comptes avait en effet insisté sur la nécessité de renforcer l’équité inter- et intragénérationnelle dans les paramètres de notre système de retraite.
Je me réjouis tout d’abord de la réduction progressive de l’écart de pension entre les hommes et les femmes. Il était de 54 % pour la génération née en 1930 ; il est de 37 % en 2021. Cette réduction est le fait d’une meilleure insertion des femmes sur le marché du travail, d’une hausse de leurs qualifications et, bien sûr, de leurs rémunérations.
Pour autant, l’éducation des enfants incombe encore prioritairement aux femmes. À ce rôle s’ajoute désormais dans notre société vieillissante celui d’aidant familial, ce qui les conduit souvent à opter pour une activité à temps partiel.
Vous le savez, mes chers collègues, le niveau des pensions de retraite des régimes de base et du régime général dépend à la fois du revenu d’activité et de la durée d’assurance validée. Le recours au temps partiel atténue ainsi la durée de cotisation et amoindrit le revenu perçu, surtout lorsque l’on y recourt en fin de carrière, au moment où le revenu d’activité est le plus élevé.
Ces réalités sociales expliquent qu’en 2021 les femmes représentaient 73 % des bénéficiaires du minimum contributif du régime général et 56 % des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ces deux mécanismes leur garantissant un revenu minimum.
Les écarts de pension de retraite contribuent à la paupérisation des femmes, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire. Fort heureusement, des mécanismes visent à corriger ces inégalités, comme la pension de réversion, dont 88 % des bénéficiaires sont des femmes, ou encore les droits familiaux pour compenser l’éducation des enfants dans le calcul des pensions de retraite.
S’il faut se féliciter de la réelle plus-value de ces mécanismes, rappelons toutefois que les inégalités de carrière entre les sexes pénalisent les femmes dans l’accès aux dispositifs du départ anticipé à la retraite et du cumul emploi-retraite, tous deux renforcés lors de la réforme des retraites du 14 avril 2023.
En effet, la carrière fragmentée des femmes constitue un obstacle à la validation de la durée d’assurance légale ouvrant droit aux dispositifs de départ anticipé à la retraite pour carrière longue, même si elles ont commencé à travailler tôt. Les femmes sont surreprésentées parmi les retraitées en situation de cumul emploi-retraite ayant les pensions les plus modestes.
En ma qualité de rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, je ne peux qu’encourager à poursuivre les efforts afin d’atteindre l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes qui, je le rappelle, s’étend aux retraites.
J’ai ainsi formulé trois propositions en ce sens.
La première consiste à privilégier le recours à la majoration de pension sur la validation de trimestres pour compenser les pertes de trimestres et de salaires liées aux interruptions de carrière.
Les deux suivantes s’inscrivent dans une réforme du dispositif de départ anticipé à la retraite, afin que le temps partiel y soit mieux pris en compte et que les trimestres de majoration pour l’éducation des enfants soient comptabilisés dans la durée d’assurance requise pour pouvoir bénéficier de ce dispositif.
En attendant la concrétisation de ces propositions, le groupe Les Républicains votera contre le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour témoigner de mon écoute attentive et de la considération que j’accorde à vos propos, je répondrai à certaines des remarques que vous avez formulées.
Certains ont appelé à un pilotage pluriannuel des comptes de la sécurité sociale. Ainsi que je l’ai indiqué à la tribune, je suis très favorable à la définition d’une trajectoire de retour à l’équilibre – celui-ci sera évidemment impossible à atteindre en un an. Nous sommes parvenus à rééquilibrer les comptes sociaux entre 2010 et 2019 ; entre 2020 et 2028, ou au plus tard en 2029, nous devrons avoir reconstruit une telle trajectoire.
Plusieurs manières de faire sont envisageables. Nous pourrions déjà nous engager en faisant de cette trajectoire un point de référence. Nous pourrions également travailler ensemble pour trouver des mesures permettant de réaliser des économies au-delà d’une seule année.
D’aucuns ont affirmé que nous avions dramatisé les choses. Ce qui m’inquiète, c’est l’évolution de la situation, qui doit nous amener à nous interroger sur la construction même de nos dépenses de santé.
Aujourd’hui, 30 % des adultes de plus de 30 ans sont en affection longue durée, ce qui signifie que 75 % des dépenses du système de santé sont consacrées aux maladies chroniques. Nous devons donc réfléchir non seulement sur la prévention, mais aussi sur les modalités de prise en charge des affections de longue durée.
Catherine Vautrin et Yannick Neuder l’indiquent souvent, notre système a été conçu pour traiter des cas aigus, mais nos malades sont aujourd’hui des malades chroniques. Nous devons donc réfléchir à la bonne organisation de notre système de santé.
Il faut aussi tenir compte du vieillissement de la population, qui n’a rien à voir avec ce qu’il était ne serait-ce qu’il y a cinq ans. Le nombre de personnes de plus de 60 ans est en très forte augmentation : chaque jour, 2 500 personnes fêtent leurs 60 ans, alors que nous ne célébrons que 1 800 naissances.
Cette réalité doit nous amener à réfléchir : la dynamique est beaucoup plus rapide, en tout cas plus prégnante que dans certains discours. Il faut aborder cette question avec responsabilité et, surtout, poser le bon diagnostic, comme diraient les médecins. De fait, l’enjeu démographique est majeur pour nos comptes sociaux.
En 2024, les arrêts maladie et les indemnités journalières, représentent 17 milliards d’euros de dépenses, contre 12 milliards en 2019 – je parle bien de l’avant-covid –, soit une augmentation de plus de 40 %. Si l’on regarde en détail, cinq facteurs expliquent cette hausse.
Le premier facteur est l’âge, responsable de 40 % de cette augmentation. En effet, la société travaille plus longtemps à mesure qu’elle vieillit.
Le deuxième facteur est l’augmentation du nombre de jours d’arrêt, qui représente 25 % de la hausse des dépenses. D’après diverses études, dans certains cas, les prescriptions excèdent largement les préconisations médicales de la Haute Autorité de santé.
Le troisième facteur est la hausse des salaires. Si les gens sont mieux payés, notamment parce que le Smic augmente, il est normal que les dépenses liées aux arrêts maladie suivent cette tendance.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Logique.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il s’agit là d’une tendance contre laquelle, à mon avis, on ne doit rien faire.
Le quatrième facteur est le taux de recours, notamment chez les jeunes. La tranche d’âge qui connaît la plus forte augmentation d’arrêts maladie est celle des moins de 30 ans. Aussi, il faut nous interroger sur les enjeux de santé au travail, de conditions de travail et de management, lesquels concernent bien plus l’entreprise que la sécurité sociale.
Le cinquième facteur est la très forte hausse des arrêts dits longs : un quart des dépenses relatives aux arrêts maladie concerne des arrêts de plus d’un an. En l’état actuel du droit, pour reprendre une activité après un arrêt d’un mois ou plus, il faut voir un médecin du travail.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La pénurie de médecins du travail entraîne mécaniquement des arrêts plus longs : un certain nombre de salariés en bonne santé ne peuvent reprendre leur activité, malgré leur souhait, faute d’un rendez-vous médical. Il nous faut nous pencher sur ce sujet. Yannick Neuder, Catherine Vautrin, Astrid Panosyan-Bouvet et moi y travaillons actuellement.
Beaucoup d’entre vous ont parlé de la compensation des exonérations, notamment celles qui touchent aux charges, ou plutôt de leur sous-compensation, selon certains.
En premier lieu, je réfute en partie un tel vocable. À bien y regarder, certaines années ont connu des surcompensations. En 2019 ou en 2022, la TVA a été bien plus dynamique que ne l’auraient été les charges sociales sans les exonérations. D’autres années, la dynamique a été moindre par rapport à nos attentes.
En second lieu, je suis toujours très prudente sur la question des transferts. Disons-nous la vérité : je pourrais mettre la branche famille en déficit et la branche maladie en excédent. Les transferts sont largement d’ordre comptable. Ils ne doivent pas nous faire oublier que, à la fin, nous faisons face au déficit de la Nation. Je pourrais même assurer l’équilibre de la sécurité sociale et accroître beaucoup plus le déficit de l’État – ou inversement !
Aussi, il nous faut appréhender la situation économique selon une logique d’ensemble. Il me semble moins intéressant d’examiner les soldes que la dynamique des dépenses ou des recettes. Regardez les hôpitaux : un solde en déficit peut entraîner des effets pervers sur le pilotage des établissements et leurs dépenses.
Aussi, pour faciliter nos débats à venir, j’aimerais que, tous, nous nous intéressions plus au rythme des dépenses, par exemple en matière d’arrêts maladie. Cette question me semble une boussole qui simplifiera notre recherche d’un retour à l’équilibre des comptes dans leur ensemble et d’une limitation de notre endettement, grâce à une meilleure compréhension des mécanismes. En effet, piloter des soldes qui sont pour beaucoup liés à des transferts comptables revient parfois – nous pouvons nous le dire ! – à se voiler la face et à se raconter des histoires. Celles-ci ne correspondent pas, malheureusement, à la réalité vécue par les Français.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame la rapporteure générale, sachez que le ministère de la santé travaille sur la mise en œuvre de la réforme du financement de l’hôpital et sur la sortie du « tout T2A ». L’architecture financière des hôpitaux repose à présent sur trois compartiments : le financement à l’activité, les dotations relatives à des objectifs de santé publique et les dotations relatives à des missions spécifiques. Tous les textes qui devaient être publiés pour permettre ce changement l’ont été. Par conséquent, la part de T2A dans le volume global de l’Ondam diminuera désormais.
Concrètement, le ministère travaille aussi au financement à la séquence plutôt qu’en fonction de l’activité globale. Cette réforme s’appliquera par exemple à la dialyse ou à la radiothérapie.
Pour certaines spécialités, le « tout T2A » ne s’applique pas. Ainsi, dans le cadre du compartiment Activité, le financement à l’activité représente 19 % des moyens accordés pour la psychiatrie, 40 % pour la médecine d’urgence et 50 % pour la réadaptation. L’évolution se perçoit : une dotation populationnelle est accordée aux établissements et le financement par compartiments est ciblé sur les plateaux techniques spécialisés.
Les injonctions sont paradoxales. Pour réduire leur déficit, les hôpitaux auraient intérêt à pratiquer davantage de T2A. Pour autant, si celle-ci devient dynamique, certes, ce serait une bonne chose pour les hôpitaux, mais, d’un point de vue plus global, cela reviendrait à augmenter l’Ondam. Il faut donc analyser cette situation en prenant un peu de champ.
Je me retrouve dans la position inverse de celle qui était la mienne quand je travaillais dans le secteur hospitalier ! Plus on faisait de l’activité, plus la structure avait des chances d’atteindre l’équilibre, voire, en fonction de certaines activités, de dégager des marges – dans un pôle hospitalier, les pratiques lucratives permettent de compenser les autres. Cependant, cette augmentation de l’activité se traduit par des dépenses de santé plus dynamiques que les recettes. Tout cela entraîne un effet ciseaux.
En matière de radiothérapie, il faut tenir compte des innovations, qui sont importantes : pour certains types de cancers, des doses moindres produisent des effets identiques. Pour cette raison, le ministère souhaite passer d’un financement au forfait à un financement à la séance. Cela peut parfois entraîner des perturbations : certains centres de radiothérapie, notamment publics, ont équilibré leurs comptes, du fait de lourds investissements dans les équipements, à partir d’un volume de financement calculé au forfait.
Lorsque j’étais rapporteur général du budget de la sécurité sociale, j’ai défendu de telles mesures pour 2025. La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a avancé en ce sens.
Madame la sénatrice Imbert, le ministère a annoncé qu’il assurera l’équité de financement entre le secteur public, le secteur privé et le secteur non lucratif à partir du mois d’octobre 2025. Au vu des éléments dont je dispose, le calendrier devrait être tenu et les forfaits seront applicables à cette date.
Pour le législateur, il s’agit de mesures d’efficience d’un point de vue économique tout autant qu’en matière de service médical rendu aux patients ; en effet, il n’est pas nécessaire de multiplier les séances. En revanche, les comptes et les financements des établissements qui ont investi dans la radiothérapie seront dégradés.
Ce sujet fait partie de ceux sur lesquels la ministre chargée des comptes publics et moi réfléchissons. Comment assurer, au nom de l’intérêt des patients, une efficience qui soit bonne d’un point de vue macroéconomique pour le budget, au risque de dégrader structurellement l’équilibre financier de nos structures ?
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles du projet de loi.
projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024
Article liminaire
Les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale s’établissent comme suit pour l’année 2024, au sens de la comptabilité nationale :
(En points de produit intérieur brut) |
|
Recettes |
26,6 % |
Dépenses |
26,6 % |
Solde |
0,0 % |
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article liminaire.
(L’article liminaire n’est pas adopté.)
Article 1er
Au titre de l’exercice 2024, sont approuvés :
1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
|||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||
Maladie |
239,2 |
253,0 |
-13,8 |
||
Accidents du travail et maladies professionnelles |
16,9 |
16,3 |
0,7 |
||
Vieillesse |
288,2 |
293,8 |
-5,6 |
||
Famille |
58,9 |
57,8 |
1,1 |
||
Autonomie |
41,2 |
39,9 |
1,3 |
||
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
626,4 |
642,8 |
-16,4 |
||
Toutes branches y compris Fonds de solidarité vieillesse (hors transferts entre branches ou fonds) |
627,8 |
643,1 |
-15,3 |
; |
2° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
|||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
21,64 |
20,53 |
1,1 |
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. À chaque fois que les ministres répondent aux différentes remarques qui ont été formulées dans la discussion générale, nous avons droit à un grand tunnel d’explications et nos débats s’en trouvent déséquilibrés. Par ailleurs, nous ne sommes pas tellement là pour parler du détail des politiques menées.
Madame la ministre, vous me surprenez vraiment : la Cour des comptes elle-même affirme que le Gouvernement a régulièrement recours aux sous-compensations ! Sans doute dit-elle n’importe quoi… Non, les compensations ne font pas un mouvement de yoyo, d’autant que je n’ai jamais vu une surcompensation de 5,5 milliards d’euros.
Vous affirmez pouvoir mettre n’importe quel acteur public en déficit. En effet ! C’est ce que vous êtes en train de faire pour la sécurité sociale. Du reste, vous le savez très bien, car vous avez fait exploser le montant des exonérations.
Désormais, les non-compensations risquent de dépasser le plafond que vous permet la loi organique et au-delà duquel vous ne pouvez pas aller, c’est-à-dire 14 % du montant de l’ensemble des exonérations. Pourtant, vous avez à un moment frôlé les 15 %.
Aussi, vous avez exclu une part importante d’éléments des salaires de l’assiette des cotisations sociales. Cela vous a permis d’augmenter de 10 milliards d’euros le montant des allégements de cotisations. Celui-ci est en effet passé de 9 milliards d’euros lorsque M. Macron est devenu Président de la République à près de 20 milliards d’euros aujourd’hui. Et encore, c’est parce que vous ne pouvez pas aller plus loin en la matière !
Vous avez raison, on ne pilote pas par le seul solde, le pilotage se fait tout à la fois par les recettes et par les dépenses. Pourtant, vous ne vous appuyez que sur le levier des dépenses pour agir sur le solde. Je ne vois pas pourquoi. C’est la raison pour laquelle je propose de piloter par les dépenses et par les recettes.
Vos propos sur les arrêts maladie mériteraient qu’on s’y arrête. Vous avez eu l’occasion de longuement vous expliquer, je ne peux en faire autant. Par conséquent, nous en reparlerons dans d’autres circonstances, quand le temps de parole sera plus équilibré.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Article 2
Au titre de l’exercice 2024, sont approuvés :
1° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 256,4 milliards d’euros ;
2° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles ;
3° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 16 milliards d’euros.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 n’est pas adopté.)
Article 3
Est approuvé le rapport figurant en annexe à la présente loi présentant un tableau, établi au 31 décembre 2024, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits, tels qu’ils sont constatés dans les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2024 figurant à l’article 1er.
Annexe
Rapport retraçant la situation patrimoniale, au 31 décembre 2024, des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents et la couverture des déficits constatés pour l’exercice 2024
I. – Situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2024 :
(En milliards d’euros) |
|||||
Actif |
2024 (net) |
2023 (net) |
Passif |
2024 |
2023 |
Immobilisations |
7,4 |
7,3 |
Fonds propres |
-93,4 |
-92,2 |
Immobilisations non financières |
5,6 |
5,4 |
Dotations |
22,0 |
24,6 |
Régime général |
8,9 |
10,0 |
|||
Prêts, dépôts de garantie |
1,1 |
1,2 |
Autres régimes |
10,0 |
9,4 |
Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) |
0,2 |
0,2 |
|||
Avances/ prêts accordés à des organismes de la sphère sociale |
0,7 |
0,7 |
Fonds de réserve pour les retraites (FRR) |
2,9 |
5,0 |
Réserves |
21,8 |
22,5 |
|||
Régime général |
3,8 |
3,7 |
|||
Autres régimes |
3,4 |
5,2 |
|||
FRR |
14,7 |
13,6 |
|||
Report à nouveau |
-140,8 |
-149,4 |
|||
Régime général |
11,6 |
12,3 |
|||
Autres régimes |
1,7 |
1,1 |
|||
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) |
0,0 |
0,8 |
|||
CADES |
-154,1 |
-163,6 |
|||
Résultat de l’exercice |
1,9 |
8,5 |
|||
Régime général |
-14,4 |
-10,7 |
|||
Autres régimes |
-2,0 |
-1,3 |
|||
FSV |
1,1 |
1,1 |
|||
CADES |
16,0 |
18,3 |
|||
FRR |
1,2 |
1,0 |
|||
Écart d’estimation (réévaluation des actifs du FRR en valeur de marché) |
1,7 |
1,6 |
|||
Provisions pour risques et charges |
18,2 |
17,2 |
|||
Actif financier |
76,0 |
60,6 |
Passif financier |
197,0 |
174,0 |
Valeurs mobilières et titres de placement |
59,4 |
38,2 |
Dettes représentées par un titre (obligations, billets de trésorerie, europapiers commerciaux) |
186,5 |
164,7 |
Régime général |
21,3 |
0,0 |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) |
39,3 |
13,8 |
Autres régimes |
18,2 |
17,8 |
CADES |
147,2 |
150,9 |
CADES |
0,0 |
0,0 |
Dettes à l’égard d’établissements de crédits |
6,8 |
5,6 |
FRR |
19,9 |
20,4 |
Régime général (ordres de paiement en attente) |
5,9 |
4,6 |
Encours bancaire |
16,3 |
20,3 |
Autres régimes |
0,1 |
0,1 |
Régime général |
5,7 |
12,7 |
CADES |
0,8 |
0,8 |
Autres régimes |
4,0 |
4,5 |
|||
FSV |
0,0 |
0,0 |
Dépôts reçus |
0,0 |
0,2 |
CADES |
6,1 |
2,5 |
ACOSS |
0,0 |
0,2 |
FRR |
0,5 |
0,5 |
|||
Créances nettes au titre des instruments financiers |
0,3 |
2,2 |
Dettes nettes au titre des instruments financiers |
0,2 |
0,0 |
CADES |
0,3 |
1,9 |
ACOSS |
0,2 |
0,0 |
FRR |
0,0 |
0,3 |
Autres |
3,4 |
3,5 |
Autres régimes |
1,8 |
3,0 |
|||
CADES |
1,6 |
0,5 |
|||
Actif circulant |
115,1 |
109,3 |
Passif circulant |
76,8 |
78,1 |
Créances de prestations |
10,3 |
9,2 |
Dettes et charges à payer à l’égard des bénéficiaires de prestations |
39,1 |
42,4 |
Créances de cotisations, contributions sociales et d’impôts de sécurité sociale |
9,2 |
9,6 |
Dettes et charges à payer à l’égard des cotisants |
5,0 |
4,9 |
Produits à recevoir de cotisations, contributions sociales et autres impositions |
67,8 |
64,6 |
|||
Créances sur entités publiques et organismes de sécurité sociale |
18,5 |
17,7 |
Dettes et charges à payer à l’égard d’entités publiques et organismes de sécurité sociale |
20,7 |
19,9 |
Produits à recevoir de l’État |
0,7 |
0,7 |
|||
Autres actifs |
8,6 |
7,4 |
Autres passifs |
12,1 |
10,9 |
Total de l’actif |
198,5 |
177,2 |
Total du passif |
198,5 |
177,2 |
Sur le champ des régimes de base, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui est celui qui est commenté dans la présente annexe, sans inclusion donc des régimes complémentaires, le passif net (ou « dette ») de la sécurité sociale, mesuré par ses fonds propres négatifs, et qui recouvre pour l’essentiel le cumul des déficits passés restant à financer, s’élève à 93,4 milliards d’euros au 31 décembre 2024.
Alors qu’il atteignait un niveau très élevé lors des années qui ont suivi la crise financière de 2008, le passif net a été en recul constant entre 2014 et 2019. Tout au long de cette période, la réduction des déficits des régimes de base et du FSV, ainsi que les résultats excédentaires de la CADES et du FRR, ont conduit à dégager un résultat consolidé positif sur le périmètre d’ensemble de la sécurité sociale ici décrit. Cependant, dans le contexte de crise sanitaire et économique, les fonds propres des organismes mentionnés au paragraphe précédent se sont fortement dégradés à partir de 2020 : le passif net s’est accru de 25,3 milliards d’euros entre 2019 et 2020, de 6,8 milliards d’euros entre 2020 et 2021 et à nouveau de 5,7 milliards d’euros entre 2021 et 2022. Il atteignait ainsi un total de 99,2 milliards d’euros au 31 décembre 2022.
Si la réduction entre 2022 et 2023 des déficits des régimes de base et du FSV a ramené le passif net de la sécurité sociale à 92,2 milliards d’euros fin 2023, sa situation nette s’est à nouveau dégradée en 2024, à hauteur de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2023.
Le résultat d’ensemble de la sécurité sociale sur le périmètre appréhendé ici demeure positif en 2024 (+1,9 milliard d’euros, après +8,5 milliards d’euros en 2023, cf. tableau ci-dessous). En effet, le résultat positif de la CADES (+16,0 milliards d’euros en 2024), qui traduit sa capacité annuelle d’amortissement des déficits passés, et celui du FRR (+1,2 milliard d’euros) ont fait plus que couvrir les déficits des régimes au titre de l’exercice 2024 (-15,3 milliards d’euros en incluant le résultat du FSV). Cependant, retraité de l’incidence du versement de 2,1 milliards d’euros du FRR à la CADES que cette dernière enregistre en produit dans ses comptes alors qu’il s’agit d’une opération de bilan pour le FRR, le résultat d’ensemble de la sécurité sociale ne permet pas de compenser les autres mouvements qui affectent ses fonds propres, dont les versements de l’assurance maladie aux établissements participant au service public hospitalier effectués en application de l’article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, qui se sont élevés à 1,1 milliard d’euros en 2024.
Le financement du passif net de la sécurité sociale est assuré, à titre principal, par un recours à l’emprunt qui est essentiellement porté par la CADES et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). L’endettement financier net de la sécurité sociale, tel qu’appréhendé dans la présente annexe, qui correspond à la différence entre les dettes financières et les actifs financiers placés ou détenus en trésorerie, suit donc en premier lieu les mêmes tendances que le passif net auquel il est fait référence ci-dessus. Il subit, à titre secondaire, les effets de la variation du besoin en fonds de roulement lié à la gestion des organismes, qui ont également un impact sur la trésorerie. Après avoir atteint, sous l’effet de la crise « covid », un total de 122,7 milliards d’euros fin 2022, l’endettement financier avait reculé de 9,3 milliards d’euros en 2023 (113,4 milliards d’euros au 31 décembre 2023). Cependant, il ressort à nouveau en hausse en 2024 (120,9 milliards d’euros en fin d’exercice, soit 7,5 milliards d’euros de plus par rapport à l’année précédente), en cohérence avec l’évolution du passif net et de celle du besoin en fonds de roulement.
Évolution du passif net, de l’endettement financier net et des résultats comptables consolidés de la sécurité sociale depuis 2011
(En milliards d’euros) |
||||||||||||||
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Passif net au 31/12 (fonds propres négatifs) |
-100,6 |
-107,2 |
-110,9 |
-110,7 |
-109,5 |
-101,4 |
-88,5 |
-77,0 |
-61,4 |
-86,7 |
-93,5 |
-99,2 |
-92,2 |
-93,4 |
Endettement financier net au 31/12 |
-111,2 |
-116,2 |
-118,0 |
-121,3 |
-120,8 |
-118,0 |
-102,9 |
-86,8 |
-74,6 |
-110,6 |
-115,3 |
-122,7 |
-113,4 |
-120,9 |
Résultat comptable consolidé de l’exercice (régimes de base, FSV, CADES et FRR) |
-10,7 |
-5,9 |
-1,6 |
+1,4 |
+4,7 |
+8,1 |
+12,6 |
+14,9 |
+15,4 |
-22,9 |
-4,9 |
-1,3 |
+8,5 |
+1,9 |
II. – Couverture des déficits et affectation des excédents constatés sur l’exercice 2024 :
Parmi les différents régimes, certains présentent par construction des résultats annuels équilibrés ou très proches de l’équilibre, et n’appellent donc aucune mesure de couverture des déficits. Il en est ainsi de la branche AT-MP, et des branches et régimes intégrés financièrement au régime général (ensemble des branches Maladie des différents régimes de base depuis la mise en œuvre, en 2016, de la protection universelle maladie, et branche Vieillesse de base du régime des salariés agricoles depuis 1963). Il en est de même des régimes de retraite qui bénéficient, sous forme d’attributions directes jusqu’en 2024, de subventions de l’État (SNCF, RATP, régimes des mines et des marins) et des régimes d’employeurs équilibrés par ces derniers (fonction publique de l’État, industries électriques et gazières).
S’agissant des déficits, l’année 2024 ne pourra être couverte par les versements de la CADES organisés par la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, ceux-ci se rapportant seulement aux déficits cumulés des exercices 2020 à 2023 des branches Maladie, Vieillesse et Famille du régime général, du FSV et de la branche Vieillesse du régime des non-salariés agricoles.
Enfin, conformément à l’article 24 de la loi n° 2015-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, l’excédent constaté au 31 décembre 2024 du Fonds de solidarité vieillesse sera affecté à la branche Vieillesse du régime général. Aucune autre mesure relative à la couverture des déficits ou à l’affectation des excédents des autres régimes ou branches n’a été prise au titre de 2024. Ces déficits ou excédents seront donc affectés, selon le cas, aux réserves ou au report à nouveau des branches ou régimes concernés, conformément aux décisions adoptées par les instances délibératives approuvant les comptes.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’article 3 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble du projet de loi, dans la mesure où tous les articles qui le composent auraient été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait donc être admise.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit sur l’ensemble du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024.
Quelqu’un demande-t-il la parole pour expliquer son vote sur l’article 3 ou sur l’ensemble du projet de loi ?…
Je mets aux voix l’article 3.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 332 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 301 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Les articles du projet de loi ont été successivement supprimés par le Sénat.
Je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 est rejeté définitivement.
4
Décret complétant l’ordre du jour de la session extraordinaire
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date de ce jour et complétant le décret du 11 juin 2025 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.
Acte est donné de cette communication.
Ce décret a été publié sur le site internet du Sénat.
5
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 24 juin 2025 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 734, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER