Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Elle devra être complétée par un travail réglementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir respecter le temps qui vous est imparti, mes chers collègues.

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'estime que la proposition de loi aujourd'hui soumise à votre examen dépasse largement le cadre d'un simple texte législatif. Elle incarne la volonté collective puissante des employeurs territoriaux et des organisations syndicales de renforcer concrètement la protection sociale de nos agents territoriaux.

Je me réjouis de soutenir, au nom du Gouvernement, la transposition de l'accord national collectif du 11 juillet 2023 sur la protection sociale complémentaire. Ce texte constitue une avancée sociale et un levier d'attractivité essentiel de la fonction publique territoriale.

Cet accord, autorisé par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui a fixé le cadre des dispositions à prendre afin « de favoriser, aux niveaux national et local, la conclusion d'accords négociés dans la fonction publique », est le premier du genre.

Le choix des organisations syndicales et des employeurs territoriaux s'est porté sur une priorité : rendre les garanties au titre de la prévoyance obligatoires pour tous les agents publics territoriaux, au travers de contrats collectifs de protection sociale complémentaire, avec une participation minimale de l'employeur à hauteur de 50 % de la cotisation. En tant qu'ancien maire et élu local en exercice, je ne peux que comprendre et saluer ce choix.

Forte de ses 2 millions d'agents, dont les trois quarts occupent des postes de catégorie C et exercent souvent des métiers difficiles requérant des efforts physiques, la fonction publique territoriale ne pouvait laisser ses agents en marge de cette protection.

Cette proposition de loi, présentée par la sénatrice Florennes, dont je tiens à saluer l'engagement et la ténacité, permet la transposition de l'accord de 2023. Elle constitue en ce sens une avancée sociale majeure pour tous nos agents territoriaux. Il faut le dire haut et fort : la protection sociale complémentaire n'est pas un privilège. Il s'agit non pas d'un avantage réservé à une catégorie d'agents, mais d'un filet de sécurité supplémentaire dont tous les agents publics, quels que soient leur versant, leur statut ou leur lieu d'exercice, doivent bénéficier.

À ce jour, le déploiement de la protection sociale complémentaire est largement engagé dans la fonction publique d'État. Je souhaite qu'elle s'applique prochainement dans la fonction publique hospitalière.

Dans une logique d'équité, la fonction publique territoriale doit pouvoir avancer de concert avec les deux autres versants. Je me réjouis donc que les employeurs territoriaux en aient pris le chemin.

De nombreuses collectivités n'ont d'ailleurs pas attendu que le législateur se saisisse de l'accord pour le mettre en œuvre. Je tiens à cet égard à saluer l'engagement exemplaire des employeurs territoriaux qui, malgré un contexte financier tendu, ont anticipé la mise en œuvre de cette réforme avec rigueur et esprit de responsabilité.

Je pense notamment au centre de gestion du Rhône, où j'ai pu me rendre récemment avec le rapporteur Catherine Di Folco, dont je connais l'engagement sur cette thématique depuis de nombreuses années.

Je veux également citer le centre de gestion de Loire-Atlantique, qui a coordonné un marché public embrassant l'ensemble de la région Pays de la Loire, fédérant 1 542 collectivités et assurant 75 000 agents. Grâce à ce marché, 58 % des agents couverts bénéficient d'une participation financière de leur employeur supérieure aux 50 % prévus par l'accord national collectif.

Je salue également les initiatives d'élus, rencontrés lors d'un déplacement en Vendée, la semaine dernière, qui modulent leur participation en fonction de la rémunération des agents, comme à Saint-Paul en Pareds.

De telles initiatives montrent qu'en dépit de la complexité technique de tels dispositifs et des contraintes budgétaires, des employeurs ont la volonté politique réelle de protéger les agents et une compréhension forte des attentes du terrain.

Les agents eux-mêmes sont en attente de cette couverture. Depuis ma nomination, les organisations syndicales ont d'ailleurs plusieurs fois appelé mon attention sur ce sujet.

Cette cotisation obligatoire – il convient d'y insister – a pour but essentiel de protéger davantage les agents tout au long de leur carrière en faisant levier sur les garanties apportées par des contrats collectifs.

À ce titre, j'ai été très sensible à plusieurs témoignages d'agents qui bénéficient d'ores et déjà de cette protection.

Je pense à cette agente encore jeune, qui a dû s'arrêter plus de trois mois pour maladie et qui se félicitait d'avoir écouté le conseil, donné par une directrice des ressources humaines, de souscrire une protection complémentaire. En tant qu'employeur territorial, j'ai hélas ! rencontré plusieurs fois des femmes et des hommes qui n'avaient pas bénéficié de ce conseil et qui, en plus de gérer des problèmes de santé lourds, ont dû affronter des problèmes financiers.

Le rôle de l'État est donc primordial pour sécuriser le cadre juridique de cette protection sociale complémentaire et garantir à chaque collectivité territoriale un appui solide et clair. Nous devons aussi veiller à garantir l'équité entre tous les territoires, en évitant des disparités qui seraient injustes et contraires à notre conception républicaine de l'égalité, certaines collectivités décidant de couvrir leurs agents, d'autres non. Si cette loi de transposition est nécessaire, c'est aussi pour cette raison.

Je suis par ailleurs pleinement conscient des enjeux pratiques liés à la mise en œuvre de cette généralisation. La passation des marchés dans un secteur où les opérateurs sont peu nombreux, la complexité technique des contrats, ainsi que les besoins spécifiques d'accompagnement à la maîtrise d'ouvrage, notamment pour les petites collectivités, nécessitent un soutien fort tant de l'État que des centres de gestion, et peut-être un peu de souplesse et de progressivité dans la mise en œuvre du dispositif, puisque toutes les collectivités n'ont pas les mêmes capacités, humaines comme financières. Cet accompagnement est indispensable pour assurer une transition fluide et sécurisée, et ne compromet en aucun cas l'ambition de cet accord ni la volonté du Gouvernement de le transposer dans la loi.

En soutenant l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de la session extraordinaire, le Gouvernement prend acte du souhait des collectivités d'étendre la couverture prévoyance à l'ensemble des agents territoriaux. C'est un très bon signal qui est ainsi envoyé, pour la cohésion nationale comme pour le dialogue social.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons saisir cette occasion pour adopter un texte clair, lisible, équilibré et élaboré – cela a été rappelé – dans un esprit de consensus, ce dont je me félicite, un texte qui doit respecter le dialogue social et fournir à tous les employeurs territoriaux une base juridique stable et sécurisée permettant la généralisation de la protection sociale complémentaire. Cette proposition de loi dépasse la simple dimension réglementaire : c'est un acte politique fort en faveur de la solidarité, un geste d'équité et de cohésion territoriale. C'est aussi un texte de confiance et de soutien à l'égard des employeurs territoriaux.

Adopter cette proposition de loi, c'est, enfin et surtout, affirmer notre soutien aux agents publics territoriaux et reconnaître leur engagement quotidien au service des Françaises et des Français.

Je vous invite donc à la soutenir pleinement, afin que nous puissions ensemble construire la fonction publique territoriale de demain, une fonction publique mieux protégée, plus juste, plus attractive, à la hauteur des défis qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte attendu, utile et fondé sur un dialogue social abouti : la proposition de loi visant à généraliser et à encadrer la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique territoriale.

Trop longtemps, la protection sociale complémentaire a reposé sur un système hétérogène, facultatif, laissant à chaque collectivité une large marge de manœuvre, et aux agents, souvent les plus modestes, la responsabilité individuelle de se prémunir contre les risques lourds : incapacité, invalidité, inaptitude, décès.

Le texte que nous examinons vise précisément à corriger cette inégalité. Il donne une traduction législative à l'accord collectif national du 11 juillet 2023, fruit d'un dialogue social abouti entre employeurs et syndicats. Cet accord vise à garantir à chaque agent territorial une protection complémentaire minimale financée à 50 % par l'employeur public dans le cadre d'un contrat collectif à adhésion obligatoire. Il s'agit là d'un progrès social majeur.

La proposition de loi instaure ainsi un socle de garanties obligatoires, fixe les conditions de participation financière des collectivités, encadre les contrats pour assurer leur caractère solidaire, prévoit des dispositions protectrices pour les agents déjà fragilisés par la maladie au moment de la bascule.

Le texte a été utilement enrichi en commission, l'entrée en vigueur de ces nouvelles obligations étant notamment différée à 2029. Ce report est réaliste : il tient compte des contraintes budgétaires, du cycle électoral local et de la nécessité de conduire des appels d'offres dans le respect des règles de la commande publique. Il permet aussi aux opérateurs du secteur de se structurer et d'éviter une mise en concurrence désordonnée qui pourrait engendrer des hausses de tarifs.

Mais, au-delà du consensus auquel nous pouvons parvenir quant à l'objectif, il est de notre devoir d'alerter sur plusieurs points de vigilance.

Tout d'abord, nous devons éviter l'émergence d'une protection sociale au rabais, dont le niveau dépendrait trop fortement de la capacité financière des collectivités. Il ne suffit pas de poser des obligations : encore faut-il que les moyens suivent. Le risque est réel de voir les plus petites collectivités offrir une couverture minimale, tandis que d'autres proposeront des contrats bien plus avantageux. Cette situation créerait une inégalité de traitement entre agents et une mise en concurrence des territoires dans leur capacité à recruter ou à fidéliser.

Ensuite, ce texte doit s'articuler avec d'autres dispositifs existants, au premier rang desquels le régime local d'Alsace-Moselle. Ce régime spécifique, hérité de notre histoire sociale, couvre aujourd'hui plus de deux millions d'affiliés qui bénéficient d'un haut niveau de remboursement, fondé sur la solidarité intergénérationnelle et interprofessionnelle.

À l'heure où nous nous interrogeons sur les moyens de renforcer l'attractivité de la fonction publique territoriale dans nos départements frontaliers, l'extension du régime local aux fonctionnaires sous statut constitue une piste pertinente. Elle permettrait de garantir un socle de protection efficace, mutualisé, déjà opérationnel, et reconnu pour sa gestion rigoureuse. Elle éviterait également aux collectivités de devoir monter seules des dispositifs redondants, parfois coûteux, parfois moins favorables.

Enfin, un mot sur la cohérence d'ensemble : le secteur public ne doit pas être à la traîne du privé, mais il ne doit pas non plus être fragmenté en dispositifs concurrents, parfois incompatibles. La réussite de cette réforme dépendra de notre capacité collective à organiser une montée en charge équitable, lisible et maîtrisée.

Le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi : elle répond à un besoin réel, elle s'appuie sur un accord solide et elle a su intégrer, au fil des travaux parlementaires, des ajustements bienvenus. Mais nous resterons vigilants sur ses effets de terrain, sur sa mise en œuvre concrète et sur la juste reconnaissance du rôle essentiel de nos agents territoriaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les agents publics territoriaux, qui sont au service quotidien de nos concitoyens, ne bénéficient pas de garanties équivalentes à celles qui prévalent dans d'autres secteurs ; du reste, on note même des différences, à cet égard, entre les différentes collectivités. Cette situation, qui dure depuis trop longtemps, n'est pas acceptable.

Le texte que nous examinons aujourd'hui constitue de ce point de vue une avancée attendue, car il transpose dans la loi un accord collectif historique conclu le 11 juillet 2023. Cet accord, signé à l'unanimité par les organisations syndicales et les associations d'élus territoriaux, a permis de poser les bases d'un socle de solidarité en matière de protection sociale complémentaire, notamment dans le domaine de la prévoyance. Il prévoit des garanties minimales ambitieuses, telles que le maintien de 90 % de la rémunération nette en cas d'arrêt de travail ou d'invalidité, et une participation financière de l'employeur à hauteur de 50 %.

Mais, à ce jour, malgré l'urgence et en dépit de la clarté des engagements pris, aucun texte gouvernemental n'est venu concrétiser cette réforme. Il est regrettable que les gouvernements successifs n'aient pas pris l'initiative d'un projet de loi sur un sujet aussi structurant, au risque de ralentir la dynamique collective engagée. Plus encore, le choix d'une entrée en vigueur tardive, fixée à 2029 pour certaines dispositions, soulève une question majeure de crédibilité. Comment expliquer qu'un accord signé en 2023, dont les termes ont été mûrement négociés, ne soit pleinement applicable que six ans plus tard ? Ce délai est en décalage complet avec l'urgence sociale qui se fait jour sur le terrain.

En Lot-et-Garonne, de nombreuses collectivités font part de leur attente. Dans les petites communes du Fumélois ou de l'Albret, les maires nous disent leur difficulté à attirer et à fidéliser des agents en raison d'un manque d'attractivité des conditions d'emploi. Des agents techniques, des secrétaires de mairie, des personnels de crèche, tous engagés au quotidien, se retrouvent parfois en grande précarité lorsqu'un accident de santé les frappe. L'absence de prévoyance efficace signifie une chute brutale de revenus, une mise en danger personnelle et un sentiment d'abandon. Cette proposition de loi est donc, pour eux, un message d'espoir et de reconnaissance.

Il faut le dire avec force : dans nos territoires ruraux, le service public est souvent le dernier lien républicain, le seul visage de l'État et de ses institutions. Un agent territorial, ce n'est pas simplement un professionnel : c'est un facteur de cohésion, un repère, un garant de la continuité de la vie locale.

C'est pourquoi j'ai tenu à sécuriser la continuité de la couverture prévoyance des agents publics territoriaux en présentant, à l'article 4, un amendement qui a été adopté en commission. Il vise à clarifier un point essentiel : l'interdiction d'exclusion des pathologies contractées antérieurement à l'adhésion au contrat collectif à adhésion obligatoire s'applique dans tous les cas, y compris lorsqu'un agent passe d'un contrat individuel à un contrat collectif ou en cas de succession de contrats collectifs. Il s'agit d'éviter toute rupture de droits pour les agents les plus fragiles, mais aussi d'empêcher certaines interprétations restrictives ou contentieuses de la part d'organismes assureurs. En renforçant la portée juridique de cet article, nous garantissons une mise en œuvre fidèle à l'esprit de solidarité de la réforme.

L'objectif de cette proposition de loi est bien en effet de construire un cadre universel, juste et protecteur. Elle permet une meilleure couverture des agents, mais elle apporte aussi de la lisibilité et de la sécurité juridique aux employeurs publics, lesquels, d'ailleurs, sont souvent démunis face à la complexité des dispositifs actuels.

Le groupe du RDSE, fidèle à ses engagements en faveur du dialogue social et de la valorisation du service public local, votera majoritairement pour cette proposition de loi, car elle incarne une réforme utile, construite dans la concertation et guidée par un souci d'efficacité.

En protégeant mieux ceux qui font vivre nos territoires, nous renforçons non seulement l'attractivité de la fonction publique territoriale, mais aussi la cohésion sociale au cœur de nos collectivités. Il y a là une responsabilité que nous devons pleinement assumer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jean-Luc Brault et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, déposée par notre collègue Isabelle Florennes, que je salue pour son travail – je salue également Catherine Di Folco, rapporteure du texte, qui s'est beaucoup engagée sur ce sujet.

Le 11 juillet 2023, un accord collectif national a été conclu entre un grand nombre d'associations d'élus locaux, d'organisations d'employeurs territoriaux et de syndicats. Cet accord, qui s'inscrit dans le cadre d'une démarche de dialogue social engagée via l'article 40 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, visait à renforcer la protection sociale complémentaire des agents territoriaux. Par son échelle, il marque une avancée très positive pour la négociation collective. Nous ne pouvons qu'en féliciter les parties prenantes : preuve est ainsi faite que la démocratie sociale reste un outil efficace de compromis, y compris lorsqu'il s'agit d'autre chose que des retraites.

Sur le fond, cet accord est indéniablement utile, puisqu'il répond aux spécificités de la fonction publique territoriale et aux nouveaux enjeux qu'elle doit affronter. Les mesures de généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire et d'augmentation de la participation minimale de l'employeur touchent néanmoins à des dispositions législatives issues de l'ordonnance du 17 février 2021. Une transposition législative est donc indispensable pour en assurer la bonne application. Les instabilités institutionnelles et politiques successives n'avaient pas permis aux précédents ministres chargés de l'action publique et de la fonction publique de mener à bien cette transposition, dont ils avaient d'ores et déjà reconnu l'utilité. Aujourd'hui, après plus d'un an et demi, cet accord va trouver un fondement légal.

La présente proposition de loi vient répondre à une forme de paradoxe : alors que les agents territoriaux sont particulièrement exposés aux risques, ils demeurent peu ou mal couverts. Moins de la moitié des agents de la fonction publique territoriale sont aujourd'hui couverts par une protection complémentaire en matière de prévoyance.

Cette situation est le résultat de plusieurs facteurs : le caractère facultatif de la participation de l'employeur et de l'adhésion de l'agent aux contrats collectifs ; une culture hétérogène de la prévention et une perception souvent faible, y compris chez les agents eux-mêmes, des enjeux liés à la couverture du risque prévoyance ; une expertise insuffisante en matière de dispositifs assurantiels ; une méconnaissance des mécanismes de protection sociale complémentaire de la part des employeurs territoriaux, et notamment des collectivités les plus modestes ; un marché peu attractif pour les opérateurs du fait de l'absence de mutualisation des risques.

Devant cet état de fait, le texte répond à deux objectifs.

D'une part, il renforce la protection des agents contre les aléas de la vie et les risques de paupérisation qui peuvent en découler – des exemples ont déjà été donnés.

D'autre part, il crée un socle de nouveaux droits dont pourront bénéficier l'ensemble des agents. Il est à noter que, dans le contexte de la baisse d'attractivité de la fonction publique et du gel du point d'indice, la mise en place de dispositifs avantageux et efficaces de protection sociale complémentaire peut apparaître indispensable pour permettre au secteur public de faire face à la concurrence du secteur privé et de demeurer malgré tout attractif.

Venons-en maintenant aux principales dispositions prévues.

Les articles 1er et 2 généralisent les contrats collectifs à adhésion obligatoire. Sera instaurée une obligation pour les collectivités de proposer des contrats collectifs couvrant entièrement les risques en matière de prévoyance. Si, jusqu'à présent, une certaine forme de réticence à instaurer ce type d'obligation a souvent prévalu au nom de la libre administration des collectivités territoriales, je tiens à rappeler que ce texte instaure une unité d'approche, mais garantit aussi le respect de la liberté locale de négociation.

L'article 3 fixe une participation minimale de l'employeur à 50 % du montant de la cotisation du contrat de prévoyance, introduisant ainsi une véritable solidarité de prise en charge. Le relèvement de 20 % à 50 % du taux de participation a été conçu comme le corollaire de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire. Dès lors que l'agent doit obligatoirement souscrire un tel contrat, il paraîtrait socialement peu acceptable de le contraindre à un reste à charge qui serait élevé du fait d'une participation modeste de l'employeur – cela est d'autant plus vrai pour les agents de catégorie C, dont les revenus sont faibles. Il est à souligner qu'une telle mesure a un impact sur les finances locales, évalué à environ 500 millions d'euros au total ; ce chiffre inclut toutefois les participations actuellement versées par les employeurs, dont le montant agrégé n'est à ce stade pas connu à l'échelle nationale. Il y a là un point de vigilance, compte tenu des pressions qui pèsent sur nos finances locales.

Quant au fameux article 4, il garantit la prise en charge, par l'organisme assureur avec lequel a été conclu un contrat collectif à adhésion obligatoire, des suites d'états pathologiques survenus avant l'adhésion de l'agent au contrat en question. Il apporte ainsi une clarification bienvenue en appliquant à la fonction publique territoriale le cadre juridique relatif à la protection sociale complémentaire du secteur privé, issu de l'article 2 de la loi dite Évin du 31 décembre 1989.

Le groupe Union Centriste votera pour l'amendement n° 7 du Gouvernement, qui tend à rétablir, avec le soutien de la Coordination des employeurs publics territoriaux, la version initiale de l'article 4.

Je vais citer à cet égard un message que nous adresse M. Philippe Laurent au nom des membres de la Coordination des employeurs publics territoriaux, signataires de l'accord du 11 juillet 2023 – et je précise que ce n'est pas rien, cette coordination : elle réunit l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, l'Association des maires ruraux de France, l'Association des petites villes de France, Départements de France, la Fédération nationale des centres de gestion, France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France, ainsi que le collège employeurs du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale !

L'article 4, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, pose problème, nous écrit-il, car il laisse cours, à rebours de l'intention de ses auteurs, « à une ambiguïté juridique entre les notions relevant de la loi Évin et d'autres qui sont propres au champ assurantiel ».

Il nous expose en outre, poursuit Philippe Laurent, à une « réduction du niveau de concurrence et, partant, [à une] dégradation […] de l'assurabilité des risques », ainsi qu'à un « renchérissement du coût des premiers contrats à adhésion obligatoire par un transfert de risque […] malvenu pour la soutenabilité de l'effort financier qui serait supporté par les employeurs comme par les agents ».

C'est pourquoi la Coordination des employeurs publics territoriaux souhaite que soit rétablie, par l'adoption de l'amendement n° 7 du Gouvernement, la version initiale de l'article 4.

Quant à l'article 5, il vise à instaurer à titre transitoire un régime dérogatoire pour les agents se trouvant en arrêt de travail à la date de mise en place du premier contrat collectif à adhésion obligatoire. Cette mesure est pertinente s'agissant de lever une source potentielle d'insécurité juridique à laquelle pourraient être confrontés les employeurs territoriaux, comme l'avaient été les employeurs privés à l'époque de la mise en place des premiers contrats d'entreprise à adhésion obligatoire.

Au vu de tous ces éléments, les sénateurs du groupe Union Centriste souhaitent que l'ensemble du texte soit voté, modifié par l'amendement du Gouvernement qui, je le rappelle, est soutenu par la quasi-totalité des associations d'élus locaux.

Alors que nous représentons les élus locaux, il me paraîtrait incongru que nous ne suivions pas la volonté unanime ou quasi unanime des associations d'élus, qui souhaitent, j'y insiste, que cet amendement soit voté. Il y va de notre capacité à rassembler derrière ce texte l'ensemble des collectivités locales de France, à leur bénéfice, bien sûr, mais surtout à celui de nos agents territoriaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Daniel Chasseing et Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous soutenons l'accord du 11 juillet 2023 et sa transposition dans la présente proposition de loi, qui consolide en effet un progrès construit de concert par les représentants des employeurs territoriaux et par ceux des agents publics. Voilà un acquis social en soi, obtenu dans un moment où le dialogue a trop souvent été réduit à un simulacre de concertation.

Je pense, bien sûr, au conclave sur les retraites, non pas pour ressasser, mais pour faire l'observation suivante : quand le dialogue part du réel – des conditions de vie et de travail –, quand il n'est pas corseté par des injonctions contradictoires, alors il peut déboucher sur des avancées.

Signé par toutes les organisations syndicales représentatives et par la quasi-totalité des employeurs territoriaux, cet accord acte deux avancées essentielles.

Premièrement, la mise en place obligatoire d'un régime de prévoyance par contrat collectif, financé à au moins 50 % par l'employeur, garantissant un niveau de couverture situé entre 90 % et 95 % du traitement net en cas d'incapacité ou d'invalidité, représente une bouée pour des milliers d'agents qui, placés en congé de longue maladie, se retrouvent à demi-traitement.

Deuxièmement, la participation obligatoire des employeurs, toujours à hauteur de 50 %, au financement de la complémentaire santé librement choisie par leurs agents, constitue là encore une réponse concrète à un besoin social, et une étape dans la convergence avec le privé, où ces droits sont obligatoires depuis 2016, comme cela a été souligné. On est loin des clichés selon lesquels les agents publics seraient les mieux lotis des salariés de ce pays…

Nous saluons donc cette avancée, même si nous demeurons convaincus que le véritable horizon à atteindre reste le « 100 % sécurité sociale » : un système dans lequel les soins ne dépendent ni d'un bon contrat ni d'un bon prestataire, mais relèvent du droit égal de chacun à être soigné.

Si la protection sociale complémentaire a pris une telle place, c'est d'ailleurs parce que la sécurité sociale a été méthodiquement définancée, notamment par des décennies d'exonérations massives de cotisations patronales : ainsi des allègements sur les bas salaires pratiqués depuis maintenant fort longtemps, de ceux, plus récents, qui s'appliquent à des salaires parfois équivalents à 3,5 Smic, ou encore du CICE, crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi transformé en allègement de cotisations.

Je m'autorise à cet égard une parenthèse : pendant que certains jugent qu'il faut sans cesse abaisser le coût du travail, sans que cela conduise d'ailleurs à venir à bout du chômage de masse, les employeurs publics – collectivités territoriales, hôpitaux publics ou services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), par exemple – se voient, eux, appliquer des hausses du taux de cotisation à la CNRACL – la rapporteure l'a justement rappelé –, au motif du déficit de cette caisse. Or ce déficit s'explique notamment par la contribution de cette caisse à la solidarité entre les régimes vieillesse, dont le total cumulé s'élève à 100 milliards d'euros constants.

Cet accord que nous transposons aujourd'hui dans la loi ne peut pas non plus être isolé des choix économiques et de la réalité budgétaire des collectivités.

Et c'est ici que le bât blesse : 66 % des employeurs territoriaux qui n'ont pas mis en œuvre de protection sociale complémentaire pointent l'insuffisance de leurs marges de manœuvre. La dotation globale de fonctionnement a perdu, au total, près de 10 milliards d'euros entre 2014 et 2017. Elle n'est toujours pas indexée sur l'inflation, malgré nos propositions inlassablement réitérées. Et les gouvernements successifs ont organisé un effet de ciseau intenable. Les recettes dynamiques, comme la fiscalité économique locale, s'éteignent peu à peu, au profit de transferts rigides.

Nous n'opposons pas progrès social et contraintes budgétaires ; mais nous opposons la réalité des besoins du service public local à la logique d'austérité.

Malgré ce contexte, collectivités et agents avancent. Huit centres de gestion ont déjà mis en œuvre l'accord. Les premiers chiffres sont encourageants : participation employeur supérieure à 50 %, tarifs plus avantageux, solidarité plus efficace collectivement organisée.

Nous resterons vigilants, néanmoins, pour ce qui est de la convergence entre les trois versants de la fonction publique : elle ne doit pas ouvrir la voie à des logiques contraires à l'esprit du service public. Nous observons par exemple avec inquiétude, à Bercy, le recours à une start-up privée, sans ancrage territorial ni réseau physique, dont les actionnaires sont en partie des fonds spéculatifs.

Nous sommes tout aussi attentifs aux négociations dans la fonction publique hospitalière. Renoncer à la gratuité des soins pour les agents dans leur propre établissement serait à nos yeux un recul majeur, et un très mauvais signal envoyé à des personnels déjà éprouvés.

Pour ce qui concerne ce texte, nous proposerons, par voie d'amendement, qu'il soit mis en œuvre rapidement. Son adoption sera de nature à faire vivre le lien entre élus, fonctionnaires et usagers, un lien indispensable à l'affirmation d'un service public qui soit non seulement reconnu dans ses missions, mais aussi revendiqué et vécu comme un bien commun. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – MM. Akli Mellouli et Jean-Luc Brault applaudissent également.)