M. Christophe Chaillou. Et c’est pour cela que vous voulez augmenter la durée de rétention…

M. Stéphane Ravier. Comble de tout cela, les forces de l’ordre me rapportent que, la date de l’échéance de leur rétention approchant, de nombreux étrangers cherchent à les agresser, préférant rester en prison chez nous plutôt que d’être libres chez eux !

M. Guy Benarroche. Quelle fable !

M. Stéphane Ravier. La rétention est un mal financier nécessaire à la sécurité des Français. Elle doit être rendue quasi inutile à long terme par la cohérence d’ensemble d’une politique de maîtrise des flux migratoires.

M. Christophe Chaillou. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier.

M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous examinons ce jour la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.

Comme chacun, avant toute chose, je tiens à rendre hommage à notre collègue Olivier Marleix, dont le décès brutal nous a tous profondément marqués. Rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, il a fourni, comme à son habitude, un travail exigeant et rigoureux. C’est donc avec beaucoup de gravité que je m’exprime aujourd’hui sur cette proposition de loi.

L’enjeu de ce texte est majeur. Il s’agit d’empêcher que ne se reproduisent des faits intolérables, dramatiques, à l’image de l’assassinat de la jeune Philippine ; cela a été rappelé.

Aujourd’hui, l’éloignement des étrangers représentant une menace se heurte à plusieurs obstacles. Les pays d’origine sont en effet souvent réticents à accepter le retour de personnes condamnées pour des infractions graves.

Dans le même temps, le délai de droit commun de la rétention administrative est limité à 90 jours maximum. Des exceptions sont possibles, grâce notamment à l’article L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi, les étrangers condamnés pour des actes liés au terrorisme peuvent être retenus jusqu’à 210 jours.

En pratique, du fait de la lenteur des procédures de retour, plus de la moitié des éloignements effectués ont lieu après le quatre-vingt-dixième jour de rétention.

En outre, on estime que 61 % des personnes détenues en centre de rétention administrative ne sont pas renvoyées dans leur pays au terme du délai de 90 jours. Cela signifie qu’à l’issue de ce délai, celles qui ont commis des faits graves autres que des actes de terrorisme, qui présentent d’importants risques de récidive et qui n’ont pas été éloignées du territoire, peuvent être remises en liberté.

C’est dans ce contexte que cette proposition de loi d’origine sénatoriale a été déposée par notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio. Je tiens à saluer son travail, ainsi que celui des rapporteurs, Lauriane Josende et, bien évidemment, Olivier Marleix, dont les efforts ont permis l’adoption de ce texte à une grande majorité par l’Assemblée nationale.

L’article 1er permet d’étendre le champ de la dérogation pour allonger la durée de rétention des étrangers ayant commis des faits graves, y compris lorsque ces actes ne relèvent pas du terrorisme, comme le viol ou encore les actes de torture et de barbarie.

Convaincus que cela permettra de mieux protéger nos compatriotes, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiennent cette mesure. Celle-ci est notamment conforme à la directive européenne du 16 décembre 2008, qui permet de prolonger le placement en rétention de douze mois en cas de retard dans l’obtention des laissez-passer consulaires.

Par ailleurs, la présente proposition de loi comprend également un certain nombre d’autres mesures nécessaires.

Ainsi, l’article 2 étend le caractère suspensif automatique de l’appel interjeté contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention, en cohérence avec le champ de l’article 1er.

L’article 3, introduit au Sénat en première lecture, simplifie le séquençage des prolongations de la rétention administrative de droit commun, substituant à deux périodes de quinze jours une unique période de trente jours.

L’article 4 permet de décompter en heures plutôt qu’en jours certains délais relatifs au placement initial en rétention administrative en zone d’attente. Cette modification permet d’éviter le décompte d’un jour entier de placement lorsque l’arrivée de l’étranger survient tardivement dans la journée.

Enfin, afin d’assurer le respect du principe de la dignité de la personne humaine, et conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, l’article 5 permet de rétablir et de compléter les mentions devant figurer au procès-verbal de fin de retenue pour vérification du droit au séjour.

En définitive, cette proposition de loi, nous le savons, est nécessaire pour renforcer la protection de nos concitoyens. Aujourd’hui, en l’état actuel de la procédure, son entrée en vigueur dépend d’une adoption conforme par le Sénat.

C’est pourquoi, en responsabilité, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront cette adoption conforme. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture garde la marque de l’excellent Olivier Marleix, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, qui nous a quittés brutalement lundi après une carrière politique empreinte de discrétion, d’engagement et de loyauté. J’ai évidemment une pensée toute particulière pour lui, sa famille et ses proches, et je tiens à lui rendre hommage aujourd’hui.

Vous le savez, la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, que nous examinons en deuxième lecture, est née d’un drame qui a ému la France entière : la mort de la jeune Philippine, tuée par un étranger dangereux, en situation irrégulière, libéré de centre de rétention quelques jours avant, quelques jours trop tôt.

Rappelons que, sous le coup d’une OQTF, celui-ci se voyait délivrer son laissez-passer consulaire par son pays d’origine peu de temps après sa libération.

Je le rappelle, cette proposition de loi réaliste, cosignée par 105 sénateurs du groupe Les Républicains, a pour objet de mieux protéger nos concitoyens et de mettre en œuvre les critères juridiques permettant aux juges de prolonger la rétention administrative. Elle doit donc permettre d’allonger à 210 jours la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière les plus dangereux, soit 120 jours de plus que le dispositif actuel.

Ce texte répond à une forte attente des Français qui, d’après un sondage de l’institut CSA du mois d’octobre 2024, sont favorables à 84 % à l’emprisonnement systématique des étrangers sous le coup d’une OQTF, auteurs de crimes et de délits, avant leur expulsion.

Comme l’a souligné notre ministre de l’intérieur à l’Assemblée nationale et ici encore aujourd’hui, lorsque la règle ne protège plus, il faut la changer. La règle actuelle a permis la libération du bourreau de Philippine. Alors, changeons-la !

Cette extension à 210 jours est tout à fait raisonnable et bien en deçà des possibilités offertes – cela a été rappelé – par le droit européen, qui permet une durée de rétention pouvant atteindre dix-huit mois.

Bien entendu, ce texte ne remet nullement en cause les droits des étrangers venus en France légalement et respectant les règles de notre société. Il n’a aucun caractère xénophobe et raciste, contrairement à ce que certains cherchent à faire croire.

Les députés, tout en gardant l’esprit du texte, y ont apporté quelques modifications. Ils ont ainsi précisé et amélioré la version sénatoriale. À cet égard, je tiens à saluer de nouveau ici le travail du rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Marleix.

La possibilité de photographier et de relever les empreintes digitales des personnes placées en rétention sans leur consentement nous semble en particulier justifiée et sécurisante, tout comme la permission de placer en rétention administrative des demandeurs d’asile.

En commission des lois, nous avons suivi la position de notre rapporteure, Lauriane Josende, que je remercie. Par souci d’efficacité, elle a proposé d’adopter la proposition de loi sans modification en vue de son adoption conforme par le Sénat, ce qui permettra son application rapide.

Il me semble que ce texte, ici, à la Haute Assemblée, pourrait être adopté par une grande majorité de sénateurs, au-delà des clivages politiques, car il n’a qu’un seul objectif : protéger nos concitoyens du danger que présentent un certain nombre d’étrangers en situation irrégulière sur notre sol.

Un vote conforme aujourd’hui serait le résultat d’un travail constructif de nos deux chambres, symbole d’unité de notre République face à une réalité que personne ne peut contester.

Il faudra bien entendu augmenter le nombre de places dans les centres de rétention administrative et atteindre à l’horizon 2027 l’objectif de 3 000 places fixé dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, mais également libérer des places en parvenant à augmenter significativement les retours des étrangers sous OQTF dans leur pays d’origine.

M. Guy Benarroche. C’est irréaliste !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Le ministère de l’intérieur y travaille, et nous saluons ses progrès et ses ambitions dans ce domaine. La création prochaine de nouveaux CRA à Dunkerque, à Bordeaux et à Dijon va donc dans le bon sens.

Les membres du groupe Les Républicains voteront bien sûr cette proposition de loi lors de cette deuxième lecture, en pensant à Philippine et à ses parents.

M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, au nom du groupe du RDPI, j’aurai aussi, bien entendu, une pensée respectueuse pour le député Olivier Marleix.

Il y a des textes que l’on souhaiterait ne jamais avoir à examiner, des textes dont les dispositions portent le poids de drames humains. Certaines situations nous appellent à prendre nos responsabilités et à répondre aux inquiétudes des Français dans les délais les plus courts. Il est de ces moments, aussi, qui exigent de notre engagement parlementaire la plus grande sagesse et toute la rigueur nécessaire.

Cette proposition de loi est née d’une faille, d’un dysfonctionnement administratif, juridique, humain, et d’un nom, celui de Philippine, tragiquement inscrit dans nos mémoires. Nous ne devons pas oublier ce drame, et nous sommes tenus d’agir, de réagir, d’investir tous nos efforts pour qu’aucune autre Philippine n’ait à pâtir des lacunes de notre législation.

Notre responsabilité collective est aujourd’hui profondément engagée. À cet égard, je salue l’initiative de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio et des membres du groupe Les Républicains.

Cette proposition de loi vise à répondre de manière ciblée aux menaces que représentent certains profils à la dangerosité avérée. Elle n’est pas une remise en cause de l’État de droit ; elle vient le préciser. Elle vise à prévenir, anticiper, devancer, car nous n’aurons plus le droit d’être surpris.

Pour cette deuxième lecture, nos deux chambres s’accordent à placer la sécurité des Français au cœur de nos priorités. Il est de notre devoir de rassurer nos concitoyens, de leur permettre d’exercer pleinement leur liberté, tout en leur garantissant un cadre sécuritaire adapté. Les mesures proposées ont été et devraient continuer d’être examinées avec pragmatisme, proportionnalité, mais aussi humanisme.

Permettez-moi d’adresser en ce sens mes pensées et ma reconnaissance à ces femmes et ces hommes de terrain – policiers, gendarmes, magistrats, préfets –, qui s’engagent chaque jour pour notre sécurité. Tous œuvrent sans relâche à la protection de nos concitoyens. Ils attendent de nous un cadre juridique leur permettant d’accomplir pleinement leur mission.

Le groupe RDPI reste constant dans sa ligne. Nous soutenons toute avancée législative qui vise à renforcer l’efficacité des décisions judiciaires et administratives, tout en respectant les principes fondamentaux de notre droit. Dès lors, trois mesures principales de ce texte méritent ici d’être rappelées.

L’article 1er, désormais mieux encadré, étend le régime de rétention renforcé jusqu’à 180, voire 210 jours. Cette mesure vise non seulement les étrangers condamnés pour des infractions particulièrement graves, comme le viol, le meurtre, la traite d’êtres humains, mais aussi ceux dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public.

Ce texte s’inscrit dans une continuité logique. Il aligne le traitement de ces profils sur celui qui est déjà applicable en matière de terrorisme. L’harmonisation proposée renforce ainsi notre arsenal sécuritaire au nom de la prévention et en fonction du niveau de menace identifié.

L’article 2 prévoit l’élargissement du caractère suspensif du recours contre une décision mettant fin à la rétention pour les profils les plus dangereux. Ce verrou juridique évitera des libérations précipitées en cas d’appel, contraires à l’esprit de précaution qui doit nous animer.

L’article 3, bien que relevant du droit commun, corrige une faille technique qui a permis dans l’affaire Philippine une libération anticipée au soixante-quinzième jour, faute d’un séquençage suffisamment clair. Ce réajustement est symbolique. Il montre que nous avons tiré les leçons d’un échec collectif.

Chers collègues, comme cela a été rappelé, ce texte s’inscrit pleinement dans le cadre du droit européen, qui autorise une rétention pouvant aller jusqu’à dix-huit mois. Ces dispositions restent strictement encadrées par le contrôle du juge judiciaire et soumises aux garanties fondamentales de notre État de droit.

Nous n’opposons pas fermeté et humanisme. Nous les conjuguons, car il n’y a pas de liberté sans sécurité ni de sécurité sans respect du droit.

Contrairement aux critiques qui ont pu être formulées, nous ne prévoyons pas d’enfermement arbitraire ; nous offrons aux autorités compétentes les outils nécessaires pour assurer l’effectivité des décisions d’éloignement lorsque la dangerosité des personnes concernées l’exige.

Cette proposition de loi vise à garantir l’effectivité de nos décisions de justice. Le maintien en rétention administrative, dans des cas strictement définis, constitue un maillon essentiel de cette chaîne d’effectivité.

Nous avons aujourd’hui l’occasion de nous doter d’un outil réfléchi, débattu et mesuré.

La France est une terre d’accueil, une Nation régie par des droits, des règles et des devoirs, un État de droit et de libertés garantissant la sécurité pour tous ses ressortissants, pour ses visiteurs comme pour ceux qui sollicitent son hospitalité.

C’est pourquoi le groupe RDPI votera une nouvelle fois cette proposition de loi, dans l’esprit de responsabilité, de cohérence et d’efficacité qui guide son engagement parlementaire. Nous appelons donc à notre tour à l’adoption conforme de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout rendre hommage au député Olivier Marleix, qui fut le rapporteur de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale. Tous ceux qui l’ont côtoyé s’accordent à dépeindre un homme de conviction. Mes pensées vont à ses proches, à ses collègues et à sa famille.

Permettez-moi ensuite une remarque liminaire sur la temporalité de nos travaux. Le groupe du RDSE ne se satisfait pas de débattre en séance d’une proposition de loi adoptée la veille à l’Assemblée nationale. Nous nous réunirons dans quelques minutes, à l’issue de la discussion générale, pour examiner les amendements de séance, quelques heures seulement après l’adoption du texte en commission. Nous estimons qu’il ne s’agit pas de conditions de travail parlementaire sereines, alors que le texte que nous examinons emporte de graves conséquences humaines.

Sur le fond, cette proposition de loi suscite des interrogations. Une confusion est-elle faite entre la détention et la rétention ? Ce texte prévoit en effet de porter de 90 jours à 210 jours la durée maximale de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière ayant été condamnés définitivement pour certaines infractions. Il étend ainsi le régime d’exception prévu pour les auteurs d’infractions à caractère terroriste.

Cette mesure vise à éloigner de la société des personnes jugées dangereuses. C’est indéniablement un impératif de sécurité, et je redis mon attachement à outiller convenablement notre République pour écarter de nos rues les individus qui représentent un danger pour autrui.

Toutefois, c’est bien le droit pénal, assorti de garanties juridiques, qui doit être l’outil pour assurer la sécurité des personnes. Si un individu représente un danger pour la société après avoir commis un crime ou un délit, il appartient aux juridictions pénales de prononcer une peine permettant de l’écarter.

Il nous est néanmoins défendu, à l’issue de la peine, de condamner de nouveau cette personne pour un même fait. Au contraire, la rétention administrative a pour unique objet d’éloigner l’intéressé. C’est sur ce point que porte notre interrogation. La proposition de loi traite de front deux sujets : l’enjeu sécuritaire et l’enjeu migratoire.

Le législateur a encadré la prolongation de la durée de la rétention en prévoyant des garanties particulières, comme la délivrance d’un laissez-passer consulaire à brève échéance ou la disponibilité de moyens de transport pour mettre en œuvre l’expulsion.

Il faut rappeler que la plupart des expulsions ont lieu dans les premiers jours de rétention. Prolonger la rétention au-delà de cette période n’a qu’un très faible effet sur le nombre d’expulsions.

En somme, la proposition de loi aborde partiellement seulement la problématique de la sécurité. Elle ne permet pas de répondre à l’enjeu diplomatique des migrations. C’est pourquoi les votes des membres du groupe du RDSE seront partagés.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Marc Laménie et Khalifé Khalifé applaudissent également.)

Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive nous revient en deuxième lecture.

Sur l’initiative bienvenue de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, ce texte vise à renforcer la sécurité de tous et à assurer la protection de notre société contre les individus les plus dangereux.

La récidive mine la confiance de nos concitoyens dans notre système judiciaire. Alors que la liste des faits divers semble s’allonger dans une actualité parfois très lourde, nos concitoyens attendent, voire exigent des réponses fermes et efficaces de notre part. Cette proposition de loi est une étape et répond en partie à leurs attentes. Elle prévoit l’allongement de la durée de rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité à 180 jours, voire à 210 jours.

Actuellement, la rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé un étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de son expulsion. La durée de cette rétention est toutefois limitée à 90 jours, sauf dans les cas liés spécifiquement au terrorisme.

Il est donc proposé d’étendre ce cadre aux personnes condamnées pour des infractions sexuelles, violentes ou en lien avec le crime organisé, afin de s’assurer que les individus concernés ne soient pas relâchés prématurément au mépris de la sécurité publique.

En première lecture, le Sénat a apporté plusieurs modifications substantielles au texte initial. La commission des lois et sa rapporteure Lauriane Josende, dont je salue le travail, ont décidé de substituer à la liste des infractions des critères non cumulatifs pour l’application de la rétention prolongée.

Ces critères sont les suivants : l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire français ; il fait l’objet d’une décision d’éloignement édictée au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement ; son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.

Une fois ce texte adopté par notre chambre, l’Assemblée nationale y a apporté sa pierre. À cet égard, permettez-moi ici de rendre hommage à son rapporteur, Olivier Marleix, disparu lundi dernier. Le groupe Union Centriste s’associe à la peine de sa famille et de nos collègues Les Républicains qui l’ont bien connu. Son travail sérieux et toujours accompli marquera encore ce texte.

La commission des lois a maintenu deux des trois critères précités, excluant les infractions terroristes, déjà couvertes par le critère de la menace à l’ordre public.

Les députés ont en outre intégré les menaces et violences envers les élus, agents publics, forces de l’ordre, magistrats, auxiliaires de justice et autres autorités de la République parmi les infractions justifiant le maintien en rétention administrative.

Par ailleurs, le texte étend les circonstances dans lesquelles l’appel du préfet contre la décision du juge des libertés et de la détention libérant une personne retenue possède un caractère suspensif. Cette mesure vise à maintenir en rétention les individus représentant une menace grave pour l’ordre public pendant la durée de la procédure d’appel.

Dans sa philosophie générale, cette proposition de loi répond en partie de manière concrète et nécessaire aux attentes de notre population en matière de sécurité. Elle concilie l’indispensable protection de la société et le respect des droits fondamentaux des individus. En ciblant spécifiquement les personnes présentant un danger avéré, ce texte atteint un équilibre juste et mesuré.

Les événements récents ont montré les limites de notre système actuel. « Comment ne pas penser au meurtre de Philippine ? » s’interrogeait notre collègue Dominique Vérien en première lecture. Cette jeune femme de 19 ans avait été violée et assassinée par un homme récidiviste, libéré d’un CRA quelques jours plus tôt alors qu’il faisait l’objet d’une OQTF non exécutée.

Des erreurs dans l’interprétation des conditions de prolongation de la rétention ont conduit à la libération anticipée de personnes dangereuses. Cette proposition de loi vise donc à corriger ces failles et à renforcer les outils à la disposition de nos juges et de nos tribunaux afin de leur permettre de prendre des décisions éclairées et protectrices.

En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte. Je vous invite à en faire de même, chers collègues, pour un cadre juridique solide et efficace. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau confrontés, pour la dernière fois, je l’espère, à un texte réactionnaire, démagogique et dangereux.

Ce texte est réactionnaire tout d’abord, car il s’inscrit dans la longue liste des textes examinés au Sénat depuis quelques mois ayant pour seul objectif d’attenter à notre État de droit pour nourrir les idées d’extrême droite. Et pourtant, plus la droite extrême se rapproche de l’extrême droite, plus elle s’enfonce dans le puits sans fond de son idéologie nauséabonde. Pour notre part, nous ne cesserons jamais de choisir l’humanité et c’est bien pour cela que nous lutterons contre de telles dérives, comme nous l’avons toujours fait.

Ce texte est démagogique, ensuite. Vous souhaitez porter à 210 jours la durée de la rétention administrative pour les individus condamnés définitivement pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement ou dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.

Soyons sérieux, il s’agit ici de la sécurité des habitants de ce pays. Or nous parlons ici d’individus ayant purgé leur peine. Si l’irrégularité de leur séjour nous pousse à les reconduire dans leur pays d’origine, cela n’est possible que par le biais des laissez-passer consulaires et donc par la voie diplomatique. Or on ne peut pas attaquer frontalement des pays à qui nous demandons par la suite de coopérer pour obtenir de tels laissez-passer. Il faut être cohérent !

De plus, l’allongement de la durée de rétention à 210 jours n’augmente évidemment nullement la probabilité de retour dans leur pays d’origine des personnes retenues. En l’absence de laissez-passer, allonger la durée de rétention ne changera rien. Telle est la réalité, mes chers collègues.

Enfin, ce texte est dangereux. Alors que nous pourrions parler de travail et de salaires dignes, alors que nous pourrions mieux protéger les habitants de ce pays en renforçant nos services publics nationaux et locaux, alors que nous pourrions investir dans une véritable politique d’intégration indispensable à notre pays, ce gouvernement, avec la complicité de la majorité sénatoriale, préfère détourner l’attention pour conserver les privilèges de quelques-uns au détriment de l’intérêt général.

Nous ne sommes pas dupes : vous ne faites ici qu’organiser l’inefficacité de notre État au préjudice des libertés fondamentales.

La France est de très loin le pays européen qui délivre le plus grand nombre d’OQTF. À l’inverse de ce qui se pratique chez nos voisins, ces obligations de quitter le territoire y sont automatiquement délivrées. Par cette politique du chiffre, on organise notre propre inefficacité. Au lieu de mieux appréhender les individus dangereux de manière ciblée et efficace, on préfère stigmatiser tous les étrangers.

Quelle est donc la limite à l’inflation de la durée maximale de rétention ? Alors qu’elle était de 7 jours en 1981, nous nous apprêtons à la porter à 210 jours !

Cessons d’adopter des lois d’affichage ; elles sont inefficaces. Œuvrons de manière ciblée et cohérente ! Parce que ce texte est à l’opposé de cette approche raisonnée et raisonnable, nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des moments où, dans l’histoire de la République, on ne peut plus tergiverser. Il est des moments où le devoir de l’État est non plus de discuter, mais d’agir. Ce moment est venu.

Combien de nos concitoyens ont été agressés, blessés, violés, assassinés parce que des individus, déjà condamnés pour crime, déjà frappés d’une obligation de quitter le territoire français, avaient été libérés ?

Quelles que soient les raisons pour lesquelles ces individus ont été libérés – des délais trop courts, faute de texte ou de courage –, les crimes qu’ils ont commis sont des échecs de l’État. Chacun d’entre eux est un échec de la loi, de la volonté, de la République.

Alors oui, nous soutenons cette proposition de loi, parce qu’elle corrige une faille béante de notre système, parce que, au travers d’elle, nous réaffirmons que le droit est fait pour protéger non pas les délinquants et les criminels, mais les honnêtes gens. Les Français méritent la sécurité ! Nous la leur devons.

Qui visons-nous ici ? Des étrangers condamnés pour des crimes d’une particulière gravité. Nous parlons non pas de quidams, mais de criminels dangereux pour la société.

Il est devenu inacceptable qu’un étranger reconnu coupable de tels actes, promis à l’éloignement, puisse être relâché. C’est insupportable pour des millions de Français !

La loi actuelle est trop timorée, trop lente, trop faible. La rétention maximale de 90 jours ne suffit pas dans les cas les plus sensibles. L’obtention des laissez-passer consulaires prend du temps. Les échanges avec les pays tiers sont complexes. Et pendant ce temps, des bombes humaines peuvent être libres.

Nous le disons calmement, mais fermement : quand un individu a violé, quand un individu a tué, quand un individu a trahi l’hospitalité de la France, alors il ne doit pas marcher librement dans nos rues. Il doit être éloigné. Et s’il ne peut pas l’être immédiatement, alors il doit rester sous contrôle. À défaut de l’avion, il faut imposer la rétention !

Ce texte ne témoigne pas d’une dérive sécuritaire, il est un acte de bon sens. Il est non pas une offense à l’État de droit, mais un bouclier pour les Français. Il ne remet pas en cause nos principes, il leur donne de la force. Il respecte le juge, la Constitution et le droit européen. Il garantit surtout la sécurité des Français.

J’entends déjà les critiques. On parle d’atteinte aux libertés. Mais quelle liberté ont les victimes quand la République se montre faible avec leurs bourreaux ? De quelle liberté disposent nos concitoyens si la République n’est plus capable d’éloigner ceux qu’elle a condamnés ? La première des libertés, c’est de vivre en sécurité. C’est cela la justice ; c’est cela l’ordre républicain.

Le texte que nous examinons aujourd’hui répond à une exigence : protéger les Français avec lucidité, avec détermination et sans naïveté. Il prolonge un régime déjà existant pour les terroristes. Il l’étend à d’autres profils tout aussi dangereux. Il facilite l’action des services de l’État. Il met fin à des absurdités administratives. Il redonne à la puissance publique les moyens d’agir.

Mes chers collègues, l’autorité n’est pas un gros mot. L’ordre n’est pas une nostalgie. La fermeté, ce n’est pas l’inverse de la République. Au contraire, c’est la protection de la liberté, c’est la justice sociale, c’est la République debout. La fermeté, c’est la République vivante qui tient parole ; c’est la République qui protège ; c’est la République qui décide.