Mme Sylvie Robert. Les autres sociétés aussi !

M. Roger Karoutchi. … parce que la relation avec France Télévisions est inégale. L’enjeu ne réside pas dans les liens avec les autres radios et télévisions de la holding ; il s’agit de se mettre dans la tête que l’audiovisuel public extérieur devrait relever d’une structure totalement différente.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le rapporteur, le nom de la radio qui vous échappait est Monte Carlo Doualiya. Cette antenne émet uniquement en arabe et elle est diffusée par satellite.

M. Cédric Vial, rapporteur. Y compris en France.

M. Pierre Ouzoulias. En effet.

Sur son site internet, en français et en arabe, cette radio se décrit comme « laïque, moderne, porteuse des valeurs de liberté, d’égalité et de respect des droits humains ». Pour moi, voilà la voix de la France et son message universel !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Permettez-moi d’exprimer mon incompréhension, mes chers collègues.

On a rejeté précédemment l’exclusion de France Télévisions du champ de la holding, que je défendais au regard de l’action de cette société dans les outre-mer, et maintenant cet argument à du poids pour France Médias Monde ! Je ne comprends pas, il y a deux poids, deux mesures…

Les outre-mer sont-ils, oui ou non, source de rayonnement à l’international ? Oui ! La France est-elle présente sur tous les océans du monde grâce à ces territoires ? Oui ! Alors, pourquoi intégrer France Télévisions et le réseau Outre-mer La Première dans cette holding, si cette dernière n’est pas jugée bénéfique pour France Médias Monde ?

Je regrette, madame la ministre, de ne pas vous avoir entendue sur le sujet de l’audiovisuel public en outre-mer. C’est vraiment dommage. À croire que la culture est réservée à Paris !

M. Pierre Ouzoulias. Au VIIe arrondissement !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Vous êtes la ministre de la culture de toute la France, y compris des outre-mer. Aussi, quand vous réformez l’audiovisuel public en outre-mer, ayez au moins quelques mots pour nous expliquer le bien-fondé de votre démarche !

Vous n’avez pas daigné vous exprimer, pourtant, je ne vois dans cette réforme rien de rassurant en matière de sauvegarde de la liberté de l’information chez nous. Vous avez parlé des classes populaires, madame la ministre, mais vous n’avez rien dit sur les plus vulnérables dans les outre-mer, rien sur les 36 % d’habitants de La Réunion ou sur les 77 % d’habitants de Mayotte qui vivent sous le seuil de pauvreté ! Que déclarez-vous à ces classes populaires des outre-mer ? Que nous apportera cette holding, à nous qui sommes si loin de vous et à qui vous ne daignez même pas parler ce soir ?

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.

Mme Karine Daniel. Je tiens à souligner la richesse de ce débat autour de France Médias Monde et à exprimer ma surprise face à une volonté pour une fois partagée de sortir – c’est un progrès – une entité de la holding. Mais pourquoi le fait de garantir la diversité de l’information et de s’assurer que la France parle à tout le monde serait-il un enjeu à l’échelle internationale et européenne, et non à l’échelle des territoires ?

Dans la lignée de ce qui vient d’être signalé, à juste titre, au sujet des outre-mer, j’appelle votre attention sur un fait : fusionner des entités qui ont une dimension régionale et leur imposer des contraintes nouvelles les met en difficulté. Or la holding renforcerait ces difficultés. ICI Loire Océan n’est pas la même chose qu’ICI Breizh Izel !

On a demandé à ces radios de faire de la télévision. Vous avez précédemment cité France Info, madame la ministre. La radio France Info marche très bien, mais France Info TV ne marche pas, parce que l’on a rapproché les deux pour faire de la fausse télé à partir d’une vraie radio. Puis on affirme que France Info ne fonctionne pas !

Au travers de ces tentatives de rapprochement entre des médias différents et qui fonctionnent bien, si bien qu’on leur impose des contraintes supplémentaires – « Vous avez tant de succès que vous allez faire un autre métier » –, on plombe le système, ce qui permet ensuite de dire qu’il ne fonctionne pas…

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, prenez le temps de l’évaluation ; évaluons les résultats de ce que l’on a demandé à ICI – passer de la radio à un média filmé – et à France Info : passer de la radio à la télé.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. J’ai été frappé par le fait que notre collègue de La Réunion a, dans son argumentaire, mis sur le même plan l’outre-mer et l’étranger. Les Ultramarins apprécieront. Pour moi, ce n’est pas la même chose…

M. Olivier Cadic. Je présente par avance mes excuses à M. le président de la commission et à M. le rapporteur : je ne suivrai pas leur avis en ce qui concerne ces amendements identiques, je voterai les amendements du Gouvernement et de M. Karoutchi.

M. Christian Redon-Sarrazy. Il s’en excuse !

M. Olivier Cadic. En premier lieu, M. Karoutchi a raison : il y a besoin de temps, les Français de l’étranger sont un public spécifique, et intégrer France Médias Monde à la nouvelle organisation exigera plus de temps, pour procéder à des ajustements. Il est impossible de revoir tout ce système d’un coup !

En second lieu, comme le dit Mme la ministre, il faut éviter de prendre le risque que le groupe France Médias Monde soit perçu à l’étranger, de manière brute, comme la voix du Gouvernement. Vous le savez, le combat à mener est celui de la perception : à l’étranger, la question des faits n’est pas vue de la même façon que dans notre pays. Ainsi, le Gouvernement lui-même nous invite à réfléchir et à prendre notre temps.

C’est une question de pur pragmatisme, contrairement aux objections dogmatiques que l’on entend, et mon vote sur ces amendements ne m’empêche pas de soutenir le texte.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les raisons pour lesquelles France Médias Monde ne doit pas être concernée par la réforme ont été longuement développées.

Je tiens pour ma part à inverser le raisonnement en expliquant, à partir de l’exemple de ce groupe, pourquoi les autres entités du service public de l’audiovisuel ne doivent pas intégrer la holding non plus. France Médias Monde démontre qu’une holding n’est pas nécessaire pour entretenir des coopérations au sein de l’audiovisuel public français.

D’abord, cette société contribue déjà activement aux offres communes numériques, avec Lumni, France Information, Culture Prime, etc. Sur cette dernière plateforme, les contenus produits par RFI et France 24 rencontrent d’ailleurs un succès notable : plus de 15 millions de vues sur Facebook et près de 4,5 millions sur TikTok. Et, sur YouTube, les cinq shorts les plus visionnés sont des contenus produits par France Médias Monde.

Ensuite, ce groupe contribue à l’application de Radio France, via des podcasts de RFI et, depuis novembre 2024, de France 24. En outre, RFI met à disposition de TV5 Monde ses podcasts natifs.

Enfin, en 2025, le direct et certaines vidéos à la demande de France 24 ont été intégrés à la plateforme France TV. À l’inverse, 90 % des programmes sur la France diffusés par France 24 sont issus de France Télévisions.

Cette démonstration s’ajoute à tous les arguments que vous avez vous-mêmes exposés contre l’intégration de France Médias Monde à la holding. Ainsi, la raison principale que vous invoquez à l’appui de la fusion des autres sociétés audiovisuelles au sein d’un même groupe – la volonté de favoriser les coopérations entre médias de l’audiovisuel public – n’est pas pertinente, ces coopérations existent déjà.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Ce que nous voulons démontrer, c’est le risque de faire passer l’international et le plurilinguisme au second plan ; dans une structure dominée par les médias nationaux, la branche internationale serait délaissée.

Pourquoi ? En raison du déséquilibre budgétaire entre entreprises – France Médias Monde ne représente que 7 % du budget total de l’audiovisuel public –, mais aussi de la « loi du mort-kilomètre », qui fait nécessairement pencher les arbitrages en matière d’information en faveur du national, plus important aux yeux des auditeurs et des spectateurs.

Prenons un exemple. La fusion des deux chaînes d’information en continu de la BBC, BBC News et BBC Word Service, s’est traduite par une couverture de l’actualité nettement plus axée sur les informations britanniques, en déphasage total avec les attentes des téléspectateurs des autres continents. S’en est suivie une baisse d’audience de 10 % pour la chaîne internationale.

À l’opposé de l’exemple britannique, l’Allemagne a fait le choix de conserver une structure juridique autonome, distincte de l’audiovisuel public national. Faire de même dans notre pays n’empêcherait aucunement France Médias Monde de poursuivre les nombreuses synergies déjà existantes et qui ont vocation à se poursuivre, comme prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 du groupe.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ne pas intégrer France Télévisions ou Radio France dans la holding reviendrait à faire une croix sur celle-ci ; en revanche, ne pas y intégrer France Médias Monde ne la pénaliserait pas.

Toutefois, selon nous – par « nous », j’entends la commission, le rapporteur et moi-même –, l’intégration de France Médias Monde dans le groupe présente un intérêt moins pour la holding que pour France Médias Monde.

Prenons un exemple tout simple, tiré du partenariat de distribution, annoncé la semaine dernière, entre France Télévisions et Amazon : le groupe audiovisuel français sera distribué sur la plateforme d’Amazon. Quand Delphine Ernotte a négocié ce partenariat, elle l’a fait pour tout son groupe, c’est-à-dire pour France 2, France 3 et peut-être d’autres chaînes. Avec un groupe intégré, le président de la holding aurait peut-être pu intégrer des émissions de France 24 dans ce partenariat.

Je ne doute pas des grandes qualités de la présidente de France Médias Monde, mais quelque chose me dit qu’elle ne parviendra pas à frapper à la porte du président d’Amazon pour obtenir de figurer sur la plateforme de cette entreprise. Voilà un exemple concret des synergies que pourrait engendrer la holding.

Par ailleurs, il est toujours difficile de parler de l’audiovisuel extérieur. Même le président Sarkozy, malgré ses tentatives, n’est pas complètement parvenu à y mettre un peu d’ordre. Il faudra un jour s’interroger : pourquoi réorganiser ce secteur est-il impossible ? Il est tout de même assez paradoxal qu’une puissance mondiale comme la France se paie le luxe de compter non pas une, mais deux chaînes de télévision internationale : France 24 et TV5 Monde. Notre pays paie pour les deux, même si le financement de TV5 Monde n’est pas entièrement public. Quel est le sens de cette organisation ? Je pense franchement que l’on gagnerait en efficacité en nous contentant d’une seule chaîne.

Enfin, pourquoi ne serait-il pas gênant de ne pas intégrer France Médias Monde à la holding ? Parce qu’il y a déjà des équipes internationales au sein de Radio France et de France Télévisions. Radio France compte à elle seule plus d’une centaine de journalistes internationaux, vingt-deux grands reporters internationaux et une dizaine d’antennes à l’étranger employant des permanents. Ce personnel continuera à travailler et la holding aura un secteur international, en faisant travailler ensemble les équipes de Radio France et de France Télévisions.

Néanmoins, le paysage demeurera éclaté, avec France 24, RFI et TV5 Monde d’un côté, et la holding, qui développera son activité internationale, de l’autre. Il faudra bien finir par mettre de l’ordre dans l’organisation de notre audiovisuel extérieur. Sans doute, l’intégration n’est pas essentielle pour la holding à ce jour, mais je suis sûr qu’elle le deviendra pour France Médias Monde très rapidement. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le groupe RDPI votera en faveur de ces amendements identiques. Notre orateur au cours de la discussion générale, Mikaele Kulimoetoke, a exprimé, au nom de notre groupe, le souhait de les voir adoptés. Notre collègue Samantha Cazebonne y est également attachée.

Toutefois, je suis sensible aux propos du président de la commission de la culture. La holding aura nécessairement une stratégie internationale. Il faudra donc veiller à ce que cette dernière coexiste harmonieusement avec l’action de France Médias Monde. Nous comptons sur le bon sens des acteurs pour travailler en ce sens. Suivons le sujet de près.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié, 20, 69, 210 rectifié bis, 212 et 255.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Union Centriste et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 360 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 266
Contre 69

Le Sénat a adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 23 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 70 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 223 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

et Institut national de l’audiovisuel

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 23.

M. Pierre Ouzoulias. C’est de l’INA que nous allons parler à présent.

L’INA est vraiment un modèle de réussite, une institution qui a réussi à se rénover totalement et qui, aujourd’hui, offre des services tout à fait exceptionnels. Je me suis permis, en discussion générale, de citer une allocution donnée par le Premier ministre Jacques Chirac sur l’ORTF en 1974 : c’est sur le site de l’INA que j’ai trouvé cet entretien. Je vous conseille de le regarder, mes chers collègues : il est vraiment très intéressant.

L’INA est aussi une grande réussite commerciale. En 2021, il a augmenté son chiffre d’affaires de 20 % et, en 2022, de 5 %. Ma crainte est que cette institution serve de « vache à lait » à la future holding et que les bénéfices dégagés par l’INA, qui sont aujourd’hui réinvestis dans la numérisation des fonds, tâche absolument essentielle, partent combler des déficits ailleurs.

Par ailleurs, l’INA a aujourd’hui un statut particulier : c’est un Épic, un établissement public industriel et commercial. Or, avec cette réforme, il va perdre son statut pour devenir une société privée. Or l’INA gère le dépôt légal : il y a là une difficulté. J’ai du mal à imaginer comment une société privée pourrait gérer un dépôt légal… Le dépôt légal est une mission fondamentale, qui remonte à François Ier, comme vous le savez, et qui exige d’être tenue fermement par l’État, parce qu’il s’agit d’une mission régalienne. J’y insiste : j’ai du mal à imaginer – mais je pèche sans doute par archaïsme – que l’on puisse confier le dépôt légal à une société privée.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 70.

Mme Sylvie Robert. J’irai dans le sens des propos de mon collègue en disant à mon tour combien l’INA est une maison absolument exceptionnelle.

Je vous livre quelques chiffres, madame la ministre, mes chers collègues, révélateurs de la valeur du travail de l’INA : cet institut conserve l’un des plus grands fonds audiovisuels au monde, avec plus de 22 millions d’heures de programmes audiovisuels – radio, télévision, web –, plus de 7 millions de documents numérisés. Son patrimoine comprend notamment des fonds précieux comme ceux de l’ORTF – nous en parlions tout à l’heure – et des chaînes de l’audiovisuel public, et des images et des sons de toutes natures : discours politiques, publicités, journaux télévisés.

Il remplit également une mission tout à fait particulière : comme l’a dit notre collègue Pierre Ouzoulias, il assure le dépôt légal du web média. Chaque jour, il archive des contenus audiovisuels diffusés en ligne sur les sites des médias, sur les réseaux sociaux ou encore sur des podcasts, ce qui représente plus de 4 000 heures de contenu par jour.

On propose de changer son statut. L’INA va devenir, s’il entre dans la holding, une société anonyme. Cette évolution suscite plusieurs inquiétudes au sein de l’Institut. La première de ces inquiétudes a trait, bien sûr, au rythme de numérisation des archives, car, dans un groupe, on a forcément moins de liberté : il va falloir aussi répondre aux demandes du président-directeur général. La poursuite ou non de la gratuité de l’accès à certains contenus sera également un véritable enjeu.

Surtout, et je conclurai sur ce point, se pose, au-delà du statut, la question du positionnement futur de l’INA au sein du groupe : en la matière, il reste des précisions à apporter. J’attends du rapporteur et de la ministre qu’ils nous disent en quoi le travail d’archivage de l’INA sera une valeur ajoutée pour cette holding.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 223.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose lui aussi d’exclure l’INA de la holding France Médias.

L’INA n’a pas besoin d’être fondue dans une superstructure centralisée pour remplir ses missions. Cela a été dit, l’INA fonctionne, l’INA innove, l’INA rayonne. Il le fait avec des moyens limités, mais avec une efficacité et une efficience remarquables. Surtout, il le fait en restant fidèle à sa mission de service public.

Au cours des dernières années, l’INA a opéré une transformation importante : plus de 1,7 milliard de vidéos de ses archives ont été vues sur les réseaux sociaux. Il a su sortir d’un rôle uniquement patrimonial pour devenir un acteur culturel de premier plan dans l’univers numérique. L’INA ne se contente pas d’archiver : il réinvente les usages culturels et médiatiques autour de la mémoire collective, en s’adaptant aux nouveaux outils, comme avec la plateforme de streaming Ina madelen, ou en collaborant avec des acteurs culturels et éducatifs.

Autrement dit, toutes les évolutions que vous évoquez pour motiver et faire passer votre réforme, l’INA les met déjà en œuvre.

L’INA n’a donc pas besoin d’un rapprochement avec France Télévisions ou avec Radio France pour s’adapter : il a besoin d’un renforcement budgétaire. Aujourd’hui, il reste le parent pauvre de l’audiovisuel public en matière de dotation en capital de l’État. Ce manque de moyens le contraint à abandonner ou à réduire plusieurs projets majeurs, des projets pourtant essentiels du point de vue, justement, de l’adaptation, notamment autour de l’intelligence artificielle, des projets essentiels pour permettre aux citoyens d’accéder facilement à cette mémoire audiovisuelle.

Intégrer l’INA dans une holding au nom d’une rationalisation administrative n’apporterait aucune réponse aux besoins dont je viens de parler. Pis, cela affaiblirait son autonomie éditoriale et son identité, qui font aujourd’hui sa richesse. (Mme Monique de Marco applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 226, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

audiovisuel

insérer les mots :

en étroite coopération avec ces dernières

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Cet amendement de repli vise à rééquilibrer les pouvoirs au sein de la future holding pour éviter que France Médias n’exerce une domination excessive sur ses filiales. En confiant à France Médias la responsabilité de définir les orientations stratégiques de ses filiales, cette proposition de loi instaure une logique de tutelle qui affaiblit en profondeur l’autonomie des sociétés de l’audiovisuel public. Elle nie leur capacité à penser et à piloter leurs missions ; en un mot, elle nie leur avenir.

Cette recentralisation n’est pas neutre : elle marque une rupture dans le fonctionnement du service public en le rapprochant d’un système vertical, dans lequel les décisions se prennent loin des rédactions, loin des antennes, loin des réalités de terrain. Ce modèle est en totale contradiction avec la nature même de l’audiovisuel public, qui repose sur la diversité des formats, la pluralité des expressions et l’indépendance des rédactions.

Chaque société de l’audiovisuel public a construit au fil du temps une expertise, une sensibilité, une stratégie éditoriale. Ces différences ne sont pas des faiblesses, ce sont des forces qu’il faut préserver. Imposer à ces sociétés une ligne stratégique unique, décidée par une holding centralisée, reviendrait à standardiser l’audiovisuel public.

Dans un contexte où les menaces sur le pluralisme de l’information sont nombreuses, qu’elles soient économiques, politiques ou technologiques, il est plus que jamais essentiel de garantir à chaque entité publique la capacité de se gouverner, de s’exprimer et d’agir librement dans le respect de ses spécificités.

C’est pourquoi notre groupe propose, par cet amendement constructif, de rééquilibrer le dispositif en prévoyant que les orientations stratégiques de France Médias Monde soient définies en étroite collaboration avec les sociétés concernées, dans un esprit de dialogue, de coresponsabilité et de respect mutuel. Ce n’est pas simplement une question de gouvernance : c’est une exigence démocratique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cédric Vial, rapporteur. Je remercie tous ceux qui ont parlé de l’INA en des termes élogieux ; je partage ces éloges. L’INA, cela a été dit, est un fleuron de l’audiovisuel public. Non seulement l’Institut a compris l’intérêt pour lui de faire partie de la holding – d’ailleurs, son président ne s’y trompe pas, qui souhaite en faire partie –, mais c’est également dans l’intérêt de la holding, car l’INA peut se targuer d’une expertise spécifique, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il dispose d’une capacité et de compétences en la matière qui méritent d’être partagées avec l’ensemble des autres sociétés de l’audiovisuel public.

L’INA assure évidemment le dépôt légal. Le changement de statut n’y changera rien : il continuera d’exercer cette mission, qu’il y ait ou non une holding, que l’Institut devienne ou non une société anonyme. Vous le savez, trois structures se partagent la gestion du dépôt légal de l’audiovisuel : le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé du cinéma, la Bibliothèque nationale de France et l’INA. La réforme n’y changera rien et ne ralentira pas le rythme auquel cette tâche est effectuée. Ces structures captent tous les flux diffusés sur les sites internet, à la télé, etc. Tout cela fonctionne très bien.

La plus-value de l’INA, notamment due à son expertise en matière d’intelligence artificielle, est qu’il parvient à exploiter ses archives, à les éditorialiser en fonction de l’actualité et à les vendre. Il dispose ainsi de ressources propres grâce à ce qu’il accomplit en plus de ses missions de service public. Les équipes de l’INA font à cet égard, depuis quelques années, un travail vraiment remarquable, que nous devons saluer, sous la houlette de leur président.

L’INA a une autre mission parfois oubliée : une mission de formation. L’Institut a été créé pour cela, pour former notamment à tous les métiers techniques du secteur de l’audiovisuel, régie, son, etc. Or on s’aperçoit que les autres sociétés audiovisuelles, France Télévisions et Radio France, font assez peu – en tout cas insuffisamment – appel à l’INA pour dispenser ces formations, là où ce rôle lui incombe normalement.

L’intégration dans la holding, demain, changera les choses en faisant évoluer les procédures d’appels d’offres ou la formation interne à ces métiers. Ce changement sera une vraie plus-value pour l’INA et pour l’ensemble de l’audiovisuel public, car la compétence de l’Institut profitera à tout le monde.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Au fur et à mesure de la discussion, les choses deviennent plus claires. La cible de cette réforme, de cette holding, c’est la diversité et la pluralité de l’information, et c’est particulièrement France Inter – nous aurons l’occasion d’y revenir – et un certain nombre d’émissions, notamment d’investigation, qui sont l’apanage des journalistes.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est cela qui, pour vous, doit changer, en s’alignant sur le fonctionnement des télés privées, ces chaînes d’opinion où l’on trouve peu de journalistes, où officient presque exclusivement des commentateurs et des éditorialistes.

Cette offensive que vous menez fait des dégâts collatéraux : il y a des balles perdues. L’INA est le dommage collatéral de votre réforme. Or, à l’heure où nous nous inquiétons tous fréquemment de la transmission et du rapport des jeunes générations à l’histoire, il faut rappeler que l’INA, précisément, c’est la transmission.

Je l’ai dit tout à l’heure, je suis une consommatrice de plateformes. Vous savez tous comment s’appelle la plateforme de l’INA, j’imagine ?