Mme Cathy Apourceau-Poly. « Je suis capitaine, capitaine d’un navire »… (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « informé de la voie d’eau qui s’élargit sans cesse, du flot qui envahit nos cales, je dis que notre devoir est d’abord, et tout de suite, de l’étancher. Nous devons nous y mettre tous.
« On me dit : “Ce n’est pas urgent. Cela peut attendre. Vous êtes trop impatient. Vous voulez aller trop vite : le bateau flotte encore, il ne faut pas troubler les passagers et l’équipage.” Là est la confrontation des points de vue, là est la prise de responsabilité de chacun.
« Je dis au contraire que si nous voulons la sauvegarde du navire sur lequel nous sommes, sur lequel sont nos enfants, il faut agir sans retard.
« J’ajoute que le but n’est pas hors d’atteinte. Il suppose seulement la mobilisation de tous et un effort modéré de chacun si l’on s’y prend à temps. Mais il convient, même brièvement, d’élargir l’analyse, de dépasser les conséquences sur la vie des Français et d’envisager – je veux le faire devant vous – ce que seraient les conséquences sur le destin de la France.
« Nous tous, d’où que nous venions, nous sommes les héritiers de la France. C’est ce destin, unique entre les peuples, d’une puissance moyenne par le nombre de ses habitants, mais à vocation universelle, qui fait de nous ce que nous sommes.
« Aujourd’hui, le destin de la France, notre mère patrie, cette nation inscrite dans l’histoire, se trouve menacé par nos quotidiennes impérities.
« Pour une nation, la question de l’influence est vitale. Il s’agit, plus précisément, de la capacité à faire rayonner des valeurs.
« Nos valeurs, françaises et universelles, sont partout menacées. Les droits de l’homme et d’abord les droits des femmes, le droit au respect et à la liberté des femmes, le droit des enfants, le droit à la liberté et au respect de la vie privée, le droit à la libre opinion, à la libre conviction, le droit à la libre religion, à la libre philosophie, le droit de se former, cet ensemble de droits comme il n’y en eut jamais, dans aucune société, depuis que le monde est monde, tout cela, qui le défend, sinon la France ?
« Et comment la France peut-elle défendre cet ensemble de valeurs, lui donner sens avec et par l’Union européenne, si elle se révèle faible, si elle a perdu la crédibilité de sa souveraineté ?
« Nous ne sommes pas, à cet instant, les défenseurs de nos seuls intérêts, de notre santé ou de notre prospérité. Nous sommes les défenseurs menacés d’un bloc de valeurs lui aussi menacé.
« De notre indépendance et de notre souveraineté dépend notre capacité d’influence.
« Du respect que la France impose aux autres dépend le respect que l’on portera à ses valeurs.
« La soumission à la dette est comme la soumission par la force militaire. Que nous soyons dominés par les armes ou par nos créanciers du fait d’une dette qui nous submerge, nous perdons notre liberté ; et, dans les deux cas, il ne tient qu’à nous de nous émanciper pour retrouver le chemin de la liberté. Cela ne demande qu’un effort sur nous-mêmes !
« C’est pourquoi la France, sous l’autorité du Président de la République et par le vote de ses parlementaires, a choisi un plan d’équipement de ses armées impliquant le renforcement de ses hommes et de ses matériels : la loi de programmation militaire (LPM).
« Cette loi – vous le savez –, il est nécessaire non seulement de la respecter, mais aussi de l’abonder par des investissements complémentaires décidés en raison des dangers de toute nature auxquels notre pays et notre continent sont exposés. C’est précisément pourquoi 3 milliards d’euros supplémentaires sont inscrits dès cette année dans le plan présenté aux Français au mois de juillet dernier.
« De la même manière, le Gouvernement propose au pays un plan pour aller vers le désendettement ; pour que la France échappe en peu d’années à l’inexorable marée de dettes qui la submerge.
« En quatre ans – c’est un délai raisonnable dans la vie d’un pays et de ses habitants –, il s’agit non pas de mettre fin à la dette, mais de faire en sorte que celle-ci cesse d’augmenter.
« Voilà le plan : atteindre en 2029 le seuil de 3 % de déficit public annuel à partir duquel la dette n’augmente plus. Et si la dette n’augmente plus, le travail des Français, leur inventivité, leur créativité et leur confiance retrouvée remettront le pays à flot, et cela plus vite qu’on ne le croit.
« Tout nous y invite : les technologies d’un monde qui va de révolution en révolution, l’intelligence artificielle, notre créativité intellectuelle, culturelle, artistique et notre recherche.
« Si nous nous libérons de ces chaînes qui nous entravent, alors tous les épanouissements seront ouverts aux Français d’aujourd’hui et aux générations qui viennent. Tout est prêt, tout est en germe : il ne manque que la détermination nécessaire pour sortir de la situation actuelle.
« Cela implique des efforts, mais des efforts modérés, des efforts qu’un pays doit considérer comme supportables. Il s’agit de dépenser un peu moins que ce qui était attendu ou programmé ; de freiner les dépenses et de les étaler dans le temps.
« Il faut l’affirmer devant nos concitoyens et à la face du monde : personne ne sera abandonné. En outre, c’est d’abord et avant tout des jeunes que nous devons nous occuper.
« J’ai été frappé des messages que j’ai reçus pour avoir évoqué les plus jeunes et le poids qui pèse sur leur génération. Ces derniers portent et vont porter, pendant vingt ou trente ans, voire davantage encore, le poids des milliers de milliards d’euros des dettes que leurs aînés ont contractées »…
Mme Silvana Silvani. C’est n’importe quoi…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « et qu’ils devront, eux, endosser.
« Les dettes dont il s’agit n’ont pas été contractées afin d’équiper le pays pour ces jeunes. Elles n’ont pas été décidées pour leur avenir.
« Ces milliers de milliards d’euros de dettes ont été consacrés à éponger les dépenses courantes, celles de la vie de tous les jours, que, dans un pays normal, chaque génération devrait assumer pour son compte. Depuis des décennies, sur ce point, nous avons rompu le contrat de confiance entre générations qui est à la base du contrat social.
« J’ai été frappé de vérifier combien les plus jeunes se perçoivent comme une génération sacrifiée. Ils disent : “Nous n’aurons pas de retraite. La retraite, ce ne sera jamais pour nous.”
« Ils sont confrontés à un double enjeu et, souvent, à un double échec, dans la recherche de travail et dans la recherche de logement, notamment étudiant – en tout cas, dans certaines villes et certaines régions.
« Il s’agit, de plus, d’une génération qui ne se voit pas d’avenir commun. Cette situation est insupportable du point de vue démocratique ; insupportable du point de vue civique autant que du point de vue moral.
« La prise de conscience, c’est aussi celle-là : que les plus avancés en âge unissent leurs efforts pour alléger la dette que les plus jeunes devront acquitter. Ne leur dites pas que vous les aimez, que vous veillez sur eux, si vous faites semblant d’ignorer la charge écrasante accumulée sur leurs épaules.
« J’ai parlé de prise de conscience. Ayant mené ces derniers mois un exercice selon moi sans précédent de transparence à l’égard de nos concitoyens, j’ai vu la puissance des forces qui veulent que l’on continue à fermer les yeux. Certes, il y a un fait nouveau : depuis quelques semaines, leur première phrase est devenue : “Nous ne nions pas la situation !” Mais ils ajoutent aussitôt : “Nous sommes en désaccord avec la méthode, avec les décisions prises, avec le rythme du désendettement, avec l’identification des causes, et nous combattrons tout cela de toutes nos forces. C’est pourquoi nous voulons faire tomber ce gouvernement qui nous invite à l’effort.” »
M. Rachid Temal. Quelle démagogie !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Les uns disent – et ne croyez pas que j’ignore l’efficacité d’un tel discours : “Ce sont les immigrés qu’il faut mettre à contribution. Ce sont les étrangers qui sont la cause de tous les problèmes. C’est auprès de ceux-là que nous gaspillons notre argent : ce sont eux qu’il faut taper au porte-monnaie.”
« On entend aussi, de la part des mêmes : “C’est l’Europe : nous nous ruinons à respecter nos engagements ! En prenant 20 milliards d’euros par-ci, 10 milliards d’euros par-là, vous voyez que c’est facile. »
Mme Cécile Cukierman. C’est vraiment le café du commerce !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Je suis d’accord – je l’ai dit – pour que l’on vérifie, mesure par mesure, s’il existe des anomalies ou des injustices lésant nos compatriotes. Ainsi, j’ai pris la décision d’intervenir au sujet de l’aide médicale de l’État (AME), pour faire entrer dans la norme les conclusions du rapport présenté par Claude Évin et Patrick Stefanini. »
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Tous deux ont rappelé, et je leur en suis reconnaissant, que ce gouvernement est le premier à prendre en compte leur rapport, remis il y a deux ans déjà. »
M. Hussein Bourgi. C’est poussif !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « J’ai aussi entendu des voix qui disaient : “Ça me soulève le cœur !” Mais, en tout état de cause, l’addition des économies est très loin de représenter un ordre de grandeur qui soit à la dimension du problème.
« Selon un autre discours, ce sont les riches qu’il faut faire payer. » (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Laurence Rossignol. Oh non pas ça, ayez pitié ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Là encore, je ne sous-estime pas l’efficacité de ce discours.
« Bernard Arnault et ses semblables sont devenus les cibles emblématiques d’une pensée magique. » (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Jomier. Cessez de sourire !
M. Hussein Bourgi. Ce n’est pas au niveau !
M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !
M. Hussein Bourgi. C’est vraiment le chant du cygne !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « dans lesquelles on plante des aiguilles pour faire mal à ceux qu’elles représentent et les atteindre, j’imagine, au portefeuille. »
M. Yannick Jadot. Au sac Vuitton ? (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « On me l’accordera, je ne suis pas le défenseur attitré ou stipendié de ces réussites. Mais je n’oublie pas ce qu’elles font tous les jours pour le pays. Je n’oublie ni les 40 milliards d’euros d’excédent du commerce extérieur dégagés par le secteur du luxe ni la valorisation de l’image de la France, »…
Mme Émilienne Poumirol. C’est pour cela qu’il ne faut pas les mettre à contribution ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « qui contribue à l’industrie comme au tourisme ni les dizaines de milliers d’emplois que ce secteur représente. (Murmures sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
« On nous dit : “Il suffit de leur prendre ce qu’ils ont, ou une large part de ce qu’ils ont, ou chaque année 2 % de ce qu’ils ont, et les problèmes de la France seront réglés.” En raisonnant ainsi, on oublie deux choses essentielles.
« Premièrement, un pays comme le nôtre a besoin d’investisseurs. Or les 1 % des plus hauts contribuables assument une large part de l’investissement privé dans l’appareil productif en France. »
M. Fabien Gay. Ça, c’est faux !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Deuxièmement, dans le monde où nous vivons, et où les frontières sont ouvertes, ceux que l’on cible disposent d’une réplique très simple et immédiate : ils déménagent. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Ils ont pléthore de pays où trouver un refuge fiscal, parmi lesquels le Luxembourg, la Belgique, la Suisse et, pour les entreprises, les Pays-Bas.
« Demandez à nos voisins britanniques. Ils ont décidé de taxer les étrangers qui étaient depuis des années exonérés de fiscalité. Nombre d’entre eux ont déménagé et, en conséquence, le prix de l’immobilier a explosé à Milan. » (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Rachid Temal. Et alors ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Mentionnons, au passage, que ce type de fiscalité est interdit par le Conseil constitutionnel : ce dernier l’a depuis longtemps déclaré confiscatoire, donc inconstitutionnel.
« Cela étant, je le réaffirme, il conviendra de trouver un type de contribution grâce auquel les très hauts revenus et les très hauts patrimoines seront appelés à participer spécifiquement à l’effort national. »
M. Mickaël Vallet. À condition d’être patriotes…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « En parallèle, un travail doit être mené en profondeur pour éviter que l’on ne mette en place ou que l’on ne perpétue des stratégies d’optimisation fiscale manifestement anti-égalitaires et, bien qu’elles soient juridiquement correctes, moralement discutables.
« Les solutions de facilité, celles que l’on vend aux Français à longueur de discours, ne suffiront jamais.
« Entre ceux qui affirment : “Nous allons instituer 20 ou 30 milliards d’euros d’impôts nouveaux” et ceux qui proclament : “Pas 1 euro d’impôt supplémentaire” ; entre ceux qui disent : “Nous allons prendre les ressources dépensées pour les étrangers” et ceux qui déclarent qu’ils s’y opposeront “jour et nuit et jusqu’au bout” – telles sont en effet les forces qui annoncent leur intention d’additionner leurs voix pour faire tomber le gouvernement –, c’est un tohu-bohu qui se prépare pour la France. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est scandaleux !
Mme Cécile Cukierman. Nous n’avons rien demandé ! C’est le Premier ministre qui a sollicité ce vote !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Et, pardonnez-moi de le rappeler à ce moment, le problème, la menace, le risque pour la France demeurera entier, parce que les députés ont le pouvoir de renverser le Gouvernement, mais pas celui d’effacer le réel. (M. Rachid Temal s’exclame.)
« Le réel demeurera inexorable, les dépenses continueront d’augmenter, le poids de la dette, déjà insupportable, sera de plus en plus lourd et son service de plus en plus coûteux !
« Il n’y a donc qu’un chemin pour que notre pays s’en sorte, aujourd’hui comme dans les années 1950, quand le général de Gaulle et, un peu plus tôt, Pierre Mendès France affirmaient, l’un : “Un pays qui n’est pas capable d’équilibrer ses finances publiques est un pays qui s’abandonne”, et l’autre : “Je refuse que l’équilibre des finances publiques se fasse par l’accroissement chronique de la dette !” C’est précisément la question qui est posée aujourd’hui.
« Mesdames, messieurs les parlementaires, dans cette démarche inédite, qui vise à mettre face à leur responsabilité propre, personnelle, humaine, tous les parlementaires, tous ceux qui voient bien que quelque chose ne va pas, même s’il est plus commode d’ignorer cette évidence, dans cette démarche, disais-je, il y a une certaine idée de la démocratie et du gouvernement d’un peuple.
« J’ai choisi de m’adresser à vous comme si le destin n’était pas écrit, comme si la réponse de l’Assemblée nationale à l’engagement de la responsabilité du Gouvernement n’avait pas été annoncée à cor et à cri, sur tous les tons et toutes les antennes, de la part du plus grand nombre des groupes de l’Assemblée nationale.
« Je m’adresse à vous en prenant au pied de la lettre nos principes, ceux qui sont énoncés à l’article 27 de la Constitution : “Le droit de vote des membres du Parlement est personnel.” Cela veut dire que, en principe, les mots d’ordre n’ont pas leur place ici. Ce qui a sa place ici, c’est la conscience personnelle de chacun des parlementaires de la Nation.
« Tous les partis politiques qui ne participent pas au Gouvernement ont annoncé leur décision de le renverser, un exploit tout relatif puisque ce gouvernement est sans majorité – ni majorité absolue ni majorité relative – et que sa chute irrévocable était annoncée depuis la première minute de son existence.
« Ici, je veux apporter une précision. J’ai une haute idée des mouvements politiques. Je me suis engagé, quand j’avais à peine plus de vingt ans, dans celui auquel j’adhère encore aujourd’hui. Je ne l’ai jamais quitté. Je l’ai défendu quand nous n’étions qu’une poignée à y croire encore.
« Je l’ai porté envers et contre tous, et je suis fier de la génération de responsables qui m’entourent aujourd’hui. Et je suis certain que, sur beaucoup de ces bancs, le même sentiment d’intime fidélité et de fierté avec le parti auquel on adhère est partagé. Mais les partis politiques ont aussi un défaut fondamental, celui qu’a si précisément vu, y compris à son détriment, le général de Gaulle, »…
M. Jean-François Husson. Décidément !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « c’est que leur logique toujours les conduit à la division.
« C’est une malédiction que nous vérifions à cet instant. Notre pays a le plus urgent besoin de lucidité, il a le plus urgent besoin d’unité. Or c’est la division qui menace de l’emporter, qui menace son image et sa réputation.
« Les forces politiques qui annoncent qu’elles vont faire tomber le Gouvernement, ce sont les forces politiques les plus opposées entre elles, celles qui se désignent comme ennemies, celles qui sont incompatibles par les idées autant que par les arrière-pensées !
« Ce qu’elles préparent, si leur logique de division l’emporte, je l’ai déjà dit : c’est le tohu-bohu, le désordre où chacun hurle dans son coin et dont rien de bon ne peut sortir.
« Le Gouvernement, par ma voix, engage devant vous sa responsabilité. Cela signifie que, par ma voix, à la tribune, il dit : “Mesdames, messieurs les parlementaires, le problème dont nous vous saisissons, comme représentants de la nation, nous paraît si grave, il implique si profondément chacun de nos concitoyens, qu’il requiert votre soutien”.
« Sans un soutien minimal de la part des Français, représentés ici par leurs parlementaires, l’action exigeante et courageuse que ce problème implique n’a aucune chance de pouvoir s’imposer. Et s’il n’y a pas ce soutien minimal, cette entente minimale entre les grandes sensibilités du pays, sur le constat et sur l’impérieuse trajectoire de redressement, alors l’action du Gouvernement serait vouée à l’échec et, pire encore, elle n’aurait pas de sens.
« S’il s’agit de faire semblant, de ménager la chèvre pour obtenir le chou, de se rendre aux logiques de marchandages et de divisions, de dissimuler l’essentiel pour communiquer sur le secondaire, en sachant que l’on continue la marche vers l’accident, je ne serai pas l’homme d’une telle politique.
« Je crois aux compromis, mais aux compromis qui respectent l’essentiel : la vérité des hommes et des choses, la hiérarchie des ordres et des urgences. Je crois aux compromis qui ne se construisent pas sur l’ambiguïté.
« Requérir le soutien du pays pour agir, c’est pour moi l’article premier du contrat démocratique. Dans des domaines aussi sensibles, je n’ai jamais cru à l’épreuve de force. Je crois à la conviction partagée. Et je crois qu’il convient de vérifier cet accord de fond auprès des Français ou de leurs représentants chaque fois que nécessaire.
« Ma conviction, c’est que, au fond, au point où nous en sommes arrivés, il ne reste plus que deux chemins.
« Le chemin vers lequel, sur toute la planète, le monde bascule, c’est celui qui considère que la destinée des peuples est d’obéir et que, pour que s’instaure cette logique autoritaire, contre le droit des peuples et les droits de l’homme et du citoyen, tous les coups sont permis et la fin justifie les moyens, notamment l’utilisation de tous les conflits, de toutes les mésententes, de toutes les calomnies, qu’il convient de faire flamber.
« Et vous voyez sans peine, de l’Est lointain à l’Ouest qu’on croyait proche, combien cette conception de bulldozer – la loi du plus fort, le rapport de force brutal – paraît s’imposer, sous les applaudissements des uns et dans le découragement des autres.
« Mais nous, nous sommes là pour faire prévaloir l’autre chemin : ranimer le projet même de la démocratie, celui qui considère plus juste, plus intéressant et plus fructueux de respecter le citoyen, même minoritaire, et de le considérer comme un partenaire, coresponsable de son propre destin.
« Cette démarche, cette méthode, fait de la vérité partagée avec les Français son arme suprême.
« Cette démarche, cette méthode, conduit à l’unité du pays et écarte la malédiction de la division perpétuelle.
« Le philosophe et militant Marc Sangnier, qui siégea par deux fois au Palais-Bourbon, après la Première Guerre mondiale, puis après la Seconde, a défini ce projet de démocratie : “La démocratie est l’organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen.” »
M. Loïc Hervé. C’est bien vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « La conscience, c’est-à-dire la plus juste, la plus lucide compréhension des choses et des événements. Et la responsabilité, c’est-à-dire l’engagement.
« Nous, citoyens, ne sommes pas là pour être condamnés soit à obéir, soit à la révolte. Nous sommes là pour prendre notre part du destin, les yeux ouverts et avec la vérité comme boussole.
« Nous sommes un peuple qui s’interroge, non pas seulement sur son avenir, sur l’avenir du monde et de la planète, mais sur le chemin que l’on peut emprunter pour construire cet avenir.
« Ce que dit le moment que nous vivons, c’est qu’il y a un chemin et un seul pour la France : celui de la vérité partagée et du courage. » (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être donné lecture au Sénat.
Le texte de cette déclaration sera publié.