COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin,

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2024-2025

M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 27 août 2025 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.

Acte est donné de cette communication.

Ce décret, qui vous a été adressé, a été publié sur le site internet du Sénat.

En conséquence, la seconde session extraordinaire est ouverte.

2

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie le 3 septembre 2025, sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observation, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025

Lundi 8 septembre 2025

À 15 heures

- Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2024-2025

- Lecture d’une déclaration de politique générale

Mardi 9 septembre 2025

À 15 heures

- Déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 49, quatrième alinéa, de la Constitution

• Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non inscrits

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 8 septembre à 15 heures

• En application de l’article 60 bis, alinéa 3, du Règlement, le Sénat statuera, par un scrutin public à la tribune, sur la déclaration de politique générale du Gouvernement

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 9 septembre à 13 heures

TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025

ORDRE DU JOUR CONDITIONNEL ET PRÉVISIONNEL

(sous réserve de la publication du décret du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire)

Lundi 22 septembre 2025

À 16 heures et, éventuellement, le soir

- Ouverture de la troisième session extraordinaire de 2024-2025

- Proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en œuvre de l’accord du 12 juillet 2025 (procédure accélérée ; texte n° 876, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 22 septembre à l’issue de la discussion générale

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 19 septembre à 15 heures

Mardi 23 septembre 2025

À 14 h 30 et le soir

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local (texte n° 854, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 23 septembre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 septembre à 15 heures

Mercredi 24 septembre 2025

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 24 septembre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire (texte n° 496, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre à 8 h 30

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1er, du Règlement : lundi 22 septembre à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 19 septembre à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 5 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 4 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 23 septembre à 15 heures

- Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local (texte n° 854, 2024-2025)

- Projet de loi relatif à la restitution de biens culturels provenant d’États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés (procédure accélérée ; texte n° 871, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 septembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 19 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 septembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 23 septembre à 15 heures

Jeudi 25 septembre 2025

À 10 h 30 et 14 h 30

- Éventuellement, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local (texte n° 854, 2024-2025)

- Éventuellement, suite du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels provenant d’États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés (procédure accélérée ; texte n° 871, 2024-2025)

Lundi 29 septembre 2025

À 16 heures

- Projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (procédure accélérée ; texte n° 870, 2024-2025) : discussion générale

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 septembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 septembre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 26 septembre à 15 heures

Mardi 30 septembre 2025

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (procédure accélérée ; texte n° 870, 2024-2025) : discussion des articles

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mercredi 1er octobre 2025

À 15 heures

- Ouverture de la session ordinaire de 2025-2026

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 1er octobre à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)

Cet ordre du jour sera fixé ultérieurement

Le soir

- Débat sur le thème : « Quelle réponse apporter à la crise du logement ? » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 30 septembre à 15 heures

Jeudi 2 octobre 2025

À 10 h 30

- Questions orales

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 7 octobre 2025

À 14 h 30 et le soir

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

Ces textes ont été envoyés à la commission des affaires sociales, avec une saisine pour avis de la commission des lois sur la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.

Ces textes feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 septembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 septembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 2 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 octobre en début d’après-midi et à la suspension du soir et mercredi 8 octobre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 octobre à 15 heures

Mercredi 8 octobre 2025

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 8 octobre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

Jeudi 9 octobre 2025

À 10 h 30, 14 h 30 et le soir

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

Éventuellement, vendredi 10 octobre 2025

À 9 h 30 et 14 h 30

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 14 octobre 2025

À 14 h 30 et le soir

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

Mercredi 15 octobre 2025

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 15 octobre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l’échange de permis de conduire (procédure accélérée ; texte n° 764, 2024-2025)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord (texte n° 788, 2024-2025)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 13 octobre à 15 heures

- Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (procédure accélérée ; texte n° 855, 2024-2025)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 octobre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 octobre à 15 heures

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

Jeudi 16 octobre 2025

À 10 h 30, 14 h 30 et le soir

- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 21 octobre 2025

À 14 h 30

- Explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)

Ces textes feront l’objet d’explications de vote communes.

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 octobre à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 21 octobre à 12 h 30

3

Décès d’anciens sénateurs

M. le président. J’ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Jacky Le Menn, qui fut sénateur d’Ille-et-Vilaine de 2008 à 2014 ; Alain Anziani, qui fut questeur et sénateur de la Gironde de 2008 à 2017 ; Jean Boyer, qui fut sénateur de la Haute-Loire de 2001 à 2014 ; Roland Courteau, qui fut sénateur de l’Aude de 1980 à 2020 ; et Gérard Fayolle, qui fut sénateur de la Dordogne en 1997 et 1998.

4

Démission d’un sénateur

M. le président. M. Jean-Marc Ruel m’a fait connaître qu’il démissionnait de son mandat de sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon à compter du 11 juillet 2025 à zéro heure.

Son siège est devenu vacant et sera pourvu, selon les termes de l’article L.O. 322 du code électoral, par une élection partielle qui aura lieu le 14 septembre 2025.

5

Démission et remplacement d’un sénateur

M. le président. Par lettre en date du 25 juillet 2025, le ministère de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, notre collègue et doyen, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, démissionnaire de son mandat, avait été remplacé par Mme Brigitte Bourguignon, dont le mandat a commencé le 1er septembre 2025 à zéro heure.

En votre nom à tous, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue dans notre assemblée. (Applaudissements.)

6

Politique générale

Lecture d’une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.

Cette déclaration de politique générale est prononcée en ce moment même à la tribune de l’Assemblée nationale par M. François Bayrou, Premier ministre.

Le Gouvernement ayant engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution, cette déclaration, qui va être lue par Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ne peut faire l’objet ni d’un débat ni d’un droit de réponse, conformément à l’article 39, alinéa 1er, de notre règlement.

Je donne la parole à Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui va lire cette déclaration devant le Sénat.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de prononcer devant vous le texte de la déclaration du Premier ministre, qui s’exprime en ce moment même devant l’Assemblée nationale.

« Cette épreuve de vérité, comme chef du Gouvernement, avec l’assentiment du Président de la République, je l’ai voulue. J’ai voulu ce rendez-vous.

« Certains d’entre vous, les plus nombreux, les plus sensés sans doute, »…

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. … « ont pensé que c’était déraisonnable, que c’était un trop grand risque. Or je crois exactement le contraire.

« Le plus grand risque était de ne pas en prendre, de laisser se continuer les choses sans rien changer, de faire de la politique comme d’habitude, de faire durer sans prendre les décisions courageuses qui s’imposent, jusqu’au moment où l’irréparable est commis, où l’on arrive au bord de la falaise.

« Ce dont nous traitons aujourd’hui, ce n’est pas d’une question politique, c’est d’une question historique.

« Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les partis, le pouvoir, les gouvernants, les rivalités des uns avec les autres. Les questions historiques, ce sont celles qui concernent les peuples et les nations.

« Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les adultes qui se disputent. Les questions historiques, ce sont celles qui concernent les enfants et le monde que nous leur construisons.

« Les questions politiques, ce sont des questions pour la prochaine élection. Mais les questions historiques, ce sont des questions pour la prochaine génération ; des questions pour demain, qui se jouent aujourd’hui. »

M. Yannick Jadot. Et les réponses ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. « Tous, nous savons que notre pays, au-delà de l’orientation décisive qui doit se trancher aujourd’hui, se trouve devant un immense champ de questions qui vont appeler, dans les années qui viennent, des changements profonds. En cinq minutes, je tiens à citer les plus graves.

« Nous sommes devenus, depuis l’an 2000, un pays qui produit moins que les autres. Notre retard de production face à nos voisins les plus proches, notamment allemands et belges, mesuré par le chiffre du PIB par habitant, est de 15 %. Par rapport à nos voisins néerlandais, il dépasse même les 30 %, et ce malgré les efforts accomplis ces dernières années, qu’il s’agisse de la création d’entreprises, de l’emploi ou de l’investissement, avec France 2030.

« Imaginez ce que seraient nos revenus familiaux et les ressources de l’État si nous avions 15 % ou 30 % de plus à partager, si nos salaires étaient de 15 % ou 30 % plus élevés, si les ressources de l’État étaient de 15 % à 30 % plus abondantes. Si elle avait la production de ses voisins, la France n’aurait aucun problème de déficit. Elle n’aurait pas de problème de dette. »

Mme Cathy Apourceau-Poly. À qui la faute ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. « La production, c’est donc notre urgence nationale.

« Parallèlement – cette question n’est pas sans lien avec la précédente –, nous sommes devant un immense problème d’éducation nationale.

« Notre école, notre collège, notre lycée, nos universités, qui étaient jadis autant d’exemples pour la planète entière, sont aujourd’hui déclassés. »

Mme Marie-Pierre Monier. Ça, c’est certain !

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. « Cette chute affecte la maîtrise des fondamentaux – l’écrit, la lecture, la langue dans son ensemble ou encore l’arithmétique élémentaire. Les difficultés s’observent aussi en matière d’orientation. Trop précoce, trop angoissante et trop mécanique, cette dernière ne traduit pas la promesse républicaine : l’égalité des chances, d’où que l’on vienne, laquelle implique, s’il le faut, une deuxième, voire une troisième chance.

« Nous sommes devant une immense question de modèle social. Inventé il y a quatre-vingts ans, sous l’inspiration du Conseil national de la Résistance (CNR), notre modèle social est aujourd’hui déficitaire, déstabilisé par la démographie, notamment par le vieillissement des Français et le déséquilibre du système de retraite.

« Nous sommes devant une immense question de logement – logement des familles, parcours de la location à la propriété pour ceux qui le souhaitent, logement des jeunes, en particulier des étudiants, ou encore logement d’urgence. Notre modèle est à réinventer.

« Nous sommes le pays du monde qui a le mieux identifié l’enjeu écologique, lequel passe par le développement durable et la production décarbonée. C’est une fierté. Mais, en un temps où cet enjeu est battu en brèche un peu partout sur la planète, c’est un défi de mobilisation générale.

« Nous sommes devant une immense exigence et une inquiétude liées à la sécurité ; à la sécurité de tous les jours, au respect de l’intégrité des biens et des personnes. Et, nous le savons, cette inquiétude, c’est d’abord celle des plus fragiles. Sécurité et justice sont les pendants de notre premier devoir d’État.

« Nous sommes devant la question que les migrations posent à nos pays et à nos sociétés, migrations liées aux différences de développement. La misère sévit chez les uns, allant de pair avec une démographie expansive, tandis que l’abondance semble régner chez les autres, dans des pays dont la population est déclinante ; et je ne parle pas du facteur aggravant que constitue la déstabilisation climatique.

« À cet égard, nous avons deux obligations : d’une part, contrôler et maîtriser les arrivées ; de l’autre – j’en ai la conviction –, intégrer ceux qui sont et seront là par le travail, par la langue, par l’engagement à respecter nos principes de vie.

« J’ajoute à ces enjeux l’aménagement du territoire dans l’Hexagone, marqué par les déséquilibres entre les métropoles et par les “déserts français”. Transports, équipements, centres de décision : les territoires sont en demande et ont souvent l’impression que nul ne les entend.

« Nos outre-mer font face à leurs propres enjeux de vie quotidienne et de destin. Nous savons qu’ils doivent être totalement réinventés ; d’ailleurs, le Gouvernement s’est saisi de ces questions dès son installation.

« Tous ces chantiers sont immenses et urgents. Nous sommes face à une magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite, un peuple doté de capacités à nulles autres pareilles.

« Nous sommes au premier rang dans le monde pour les sciences fondamentales, en mathématiques, en physique, en chimie, en génétique et en pharmacie, pour les technologies, pour le quantique, pour l’algorithmique et pour la robotique.

« Nous sommes au premier rang dans le monde, à l’égal des empires, pour le spatial, pour l’aviation, pour les hélicoptères, pour la construction navale, pour les sous-marins comme pour les centrales nucléaires. Mais, ayant conquis les sommets, notre économie doit aujourd’hui reconstruire ses camps de base et rééquilibrer son commerce extérieur, de l’agriculture, l’industrie et l’automobile, où nous avons des atouts, jusqu’à l’équipement de la maison, domaine dont nous sommes presque absents.

« Or ces enjeux sont aujourd’hui soumis à la question dont tout dépend, à cette question d’urgence vitale, au sens où notre pronostic vital est engagé.

« De cette question dépendent notre État, notre indépendance, nos services publics, notre modèle social. C’est celle de la maîtrise de nos dépenses ; c’est la question du surendettement.

« Votre soutien, l’accord minimal sans lequel je ne pourrai poursuivre ma mission, je le demande à l’Assemblée nationale sur un seul point, mais décisif : le constat de la situation du pays.

« La France n’a pas connu de budget en équilibre depuis cinquante et un ans. Depuis cinquante et un ans, chaque année, les dépenses s’accroissent, les déficits se répètent et les dettes s’accumulent. Tous les ans, nous dépensons plus que nos ressources de l’année, et souvent beaucoup plus.

« Cela se justifie bien sûr dans certaines circonstances. Je pense non seulement à la crise des subprimes, crise financière mondiale survenue sous Nicolas Sarkozy, mais aussi à l’incroyable succession de coups du sort survenus depuis 2020 – covid, guerre en Ukraine, crise énergétique, inflation et menaces en tout genre. Mais nous ne revenons jamais en arrière. L’endettement est devenu un réflexe ; pis encore, une addiction.

« Les dépenses ordinaires du pays, celles de notre vie de tous les jours, destinées à faire fonctionner les services publics, à verser les retraites, à rembourser nos feuilles de sécurité sociale, nous avons pris l’habitude de les financer à crédit. Il en résulte un dépassement systématique de dépenses.

« Chaque année, pour acquitter chaque euro de dépassement de dépenses, il faut emprunter, comme un ménage ou une entreprise emprunte à la banque quand il accuse un déficit. Or un euro de déficit, c’est un euro de dette supplémentaire. L’addition des déficits, gonflant de milliards d’euros tous les ans, nous a conduits à une écrasante accumulation, qui atteint 3 415 milliards d’euros de dettes à l’heure précise où nous parlons.

« Cette accumulation a un prix : c’est la ponction que le service de la dette représente tous les ans, c’est-à-dire ce qu’il faut payer aux créanciers pour les intérêts et la part de capital que l’on doit rembourser. Cela, on est obligé de l’acquitter, sinon, c’est la banqueroute. Si l’on ne le faisait pas, on ne trouverait plus à emprunter un centime. Or nous ne pouvons pas vivre sans emprunter, qu’il s’agisse de payer les fonctionnaires, de verser les retraites, de faire fonctionner la sécurité sociale ou de remplir nos obligations d’emprunteur.

« D’ores et déjà, nos obligations de remboursement annuel, intérêts et part du capital à rembourser cumulés, dépassent, et de loin, ce que notre pays produit en plus chaque année par sa croissance, par les progrès accomplis par rapport l’année précédente.

« Il faut avoir les chiffres précis en tête. Ces derniers ne sont nullement abstraits. Ils disent une chose évidente et que nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer.

« Au rythme actuel de croissance et d’inflation, chaque année, la France produit un peu plus que l’année précédente, pour un montant de 50 milliards d’euros environ.

« Face à ces 50 milliards d’euros de richesses produites en moyenne, en 2020, il nous a fallu verser environ 30 milliards d’euros. En 2024, c’était 60 milliards d’euros. Cette année, c’est 67 milliards d’euros. En 2026, ce sera 75 milliards d’euros. L’année suivante, ce sera 85 milliards d’euros. À la fin de la décennie, nous assure la Cour des comptes, ce sera 107 milliards d’euros. Face aux 50 milliards d’euros créés par le travail, plus de 100 milliards d’euros seront alors transférés à nos créanciers, soit plus du double !

« Autrement dit, tout le travail, toute l’inventivité du pays pour progresser, pendant une année, les fruits de ce progrès que nous voulons pour les nôtres, en particulier pour nos enfants, sont dès à présent entièrement reversés à nos créanciers. Et la majorité de ces derniers sont étrangers.

« Il s’agit là de dépenses obligatoires et totalement improductives. Pas un emploi de plus, pas un service amélioré, pas un équipement mis en place : notre pays travaille, il croit s’enrichir, mais tous les ans il s’appauvrit un peu plus. Il subit une silencieuse, souterraine, invisible et insupportable hémorragie.

« Si c’est insupportable, on ne doit pas le supporter. C’est le sens de cette déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale.

« Comme capitaine du navire, »…