Sommaire

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer

Avant l'article 1er

Article 1er

Après l'article 1er

Article 2

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

Après l'article 2

Article 3

Après l'article 3

Article 4

Après l'article 4

Article 5

Après l'article 5

Article 6

Communication relative à une commission mixte paritaire

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Organisation des travaux

Article 6 (suite)

Après l'article 6

Article 6 bis (nouveau)

Article 6 ter (nouveau)

Article 6 quater (nouveau)

Article 7

Après l'article 7

Article 8

Après l'article 8

Article 9

Après l'article 9

Article 10

Après l'article 10

Article 11

Après l'article 11

Article 12

Après l'article 12

Article 13

Après l'article 13

Article 14

Article 15

Après l'article 15

Article 16

Après l'article 16

Vote sur l'ensemble

Ordre du jour

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

 
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Avant l'article 1er

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (projet n° 870 [2024-2025], texte de la commission n° 64, rapport n° 63).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, de toute évidence, la vie chère dans les outre-mer n'est pas un phénomène conjoncturel. Elle ne doit pas non plus être regardée comme une donnée économique à laquelle il faudrait se résoudre et s'habituer.

La vie chère dans les outre-mer est bel et bien un fléau structurel, qui ronge injustement depuis des décennies le pouvoir d'achat de nos compatriotes ultramarins.

Le constat est unanimement partagé. Aucun territoire n'est épargné : l'écart de prix par rapport à l'Hexagone oscille généralement autour de 15 % et dépasse souvent 40 % en ce qui concerne les produits alimentaires.

Ces chiffres sont connus. Ils ne sont pas le résultat du hasard ni du seul éloignement géographique ; ils révèlent en revanche un déséquilibre économique durable, une fracture d'égalité entre les citoyens d'un même pays.

Voilà une fracture sociale dont on parle trop peu. Voilà une injustice à laquelle je ne m'habituerai pas. Voilà l'un des combats prioritaires que j'entends mener.

Si vous pouvez compter sur moi, vous pouvez aussi compter sur la détermination du Gouvernement tout entier. La vie chère est le premier sujet concernant les outre-mer qu'a évoqué le Premier ministre ici même lors de sa déclaration de politique générale.

La qualifiant d'« urgence des urgences », il m'a confié pour mission d'en faire ma priorité et d'être la ministre de la lutte contre les abus et contre les ententes qui pèsent sur le portefeuille de nos compatriotes ultramarins. C'est bien mon intention.

Dans les trois océans, nos compatriotes attendent une chose simple : que les prix baissent.

Ce projet de loi vise donc un objectif simple, mais essentiel : corriger une injustice et rendre davantage effective notre devise républicaine, en avançant sur le chemin de l'égalité.

En effet, la cherté de la vie n'est pas seulement une question économique : c'est aussi une question de cohésion nationale.

Quand les écarts de prix deviennent aussi massifs, ils se traduisent en écarts de destins. Quand une famille ultramarine dépense, pour un même panier de courses, presque 50 % de plus qu'une famille vivant dans l'Hexagone, alors elle vit une inégalité concrète et quotidienne qui nourrit un sentiment d'abandon. Or, quand la République ne répond pas à ce type d'inégalité, elle s'affaiblit.

Il y a, bien entendu, ce qui relève de facteurs économiques « naturels », contre lesquels nous ne pouvons lutter qu'indirectement : le coût de l'éloignement, évidemment, mais aussi la taille réduite des marchés, qui limite la concurrence.

Mais il y a aussi des causes qui relèvent d'avantages et d'habitudes hérités de l'histoire, et contre lesquels nous pouvons agir plus fortement et plus directement : des positions dominantes qui étouffent les nouveaux entrants et qui freinent la baisse des prix, ou encore une dépendance trop forte aux importations.

Avant d'en venir au contenu du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, je dirai un mot de la méthode qui a conduit à son élaboration et qui me guidera tout au long de nos débats.

Ce projet de loi n'est pas né dans un bureau ministériel, il n'est pas le produit d'une seule main, d'un seul groupe politique ou d'un seul camp. Il est le fruit d'une concertation approfondie avec les parlementaires ultramarins. De cette démarche est né un texte profondément transpartisan, qui rassemble bien au-delà des clivages politiques habituels.

Beaucoup d'articles sont inspirés de propositions de loi venues de bords différents, parfois même opposés. Je pense à celle de la députée Béatrice Bellay, à celle du sénateur Victorin Lurel, dont l'engagement constant en faveur de l'égalité réelle en outre-mer a marqué durablement de son empreinte le ministère dont j'ai la charge, ou encore à celle de la présidente de la délégation aux outre-mer, Micheline Jacques, dont le travail de terrain et l'esprit de rassemblement ont contribué à dépasser les appartenances partisanes.

Nous avons également puisé dans les conclusions de la mission d'information relative à la lutte contre la vie chère outre-mer de cette même délégation.

Je n'oublie pas le travail concerté et efficace qui a été mené avec la sénatrice Audrey Bélim, auteure d'une proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer, qui a conduit à la promulgation de la loi du 13 juin 2025. Cette loi permettra notamment l'utilisation de matériaux de construction locaux ou issus des régions voisines non européennes, ce qui entraînera de fait des baisses de coûts.

Une telle convergence des analyses et des propositions illustre ce qu'est, au fond, la bonne manière de légiférer dans le contexte politique que nous connaissons : un moment où la recherche du compromis est non pas une faiblesse, mais une exigence démocratique.

J'en viens maintenant aux dispositions du projet de loi proprement dit, que la commission des affaires économiques a d'ores et déjà commencé à enrichir, dans une démarche également transpartisane.

Ce texte se compose de quatre titres, dont chacun représente un axe d'action pour lutter contre le fléau de la vie chère en outre-mer.

Le titre Ier, « Agir pour le pouvoir d'achat et compenser les effets de l'éloignement », comprenait à l'origine cinq articles.

L'article 1er, qui permettait aux entreprises de commerce de détail d'exclure le prix du transport du seuil de revente à perte, a été supprimé par la commission.

Cet article aurait rendu possibles des baisses de prix importantes pour les consommateurs. Nombre d'entre vous ont toutefois souligné qu'il faisait courir le risque de renforcer les positions dominantes des gros distributeurs et de fragiliser le commerce de proximité.

Nous considérions pour notre part que ce risque était à relativiser. En effet, l'importance du prix du transport dans les prix de détail n'apparaît pas suffisante pour que les petits et moyens distributeurs disparaissent au profit des plus gros. En outre, le modèle économique des petits acteurs, davantage axé sur la proximité, diffère de celui des plus gros distributeurs.

Je respecte toutefois votre choix et ne vous proposerai pas d'amendement de rétablissement de cet article. Nous verrons, lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, si les députés souhaitent le réintroduire ou si nous proposerons nous-mêmes un dispositif plus robuste.

L'article 2 renforce le bouclier qualité prix (BQP), en lui fixant un objectif plus clair : réduire le différentiel de prix par rapport à l'Hexagone, en l'élargissant aux services. Les Ultramarins doivent en effet avoir accès à des prestations de téléphonie ou d'entretien automobile à des prix plus raisonnables.

Ses dispositions visent à s'assurer également de la qualité des produits qui seront pris en compte dans le BQP. Des mécanismes de responsabilité sont ainsi introduits : un name and shame pour les entreprises qui refuseraient de signer l'accord et des sanctions pour celles qui ne respecteraient pas leurs engagements.

En un mot, nous proposons non pas une simple modernisation du BQP, mais une véritable refondation de cet outil, qui a par ailleurs fait ses preuves.

La commission des affaires économiques a par ailleurs fait le choix de muscler, en l'élargissant aux présidents d'exécutifs, le pouvoir d'alerte et de demande d'analyse au préfet en cas de prix excessifs prévu à l'article 3. Nous soutenons cette évolution ambitieuse.

Elle a choisi également d'accompagner l'expérimentation, prévue à l'article 4 d'un service public de gestion logistique en Martinique, dit « e-hub » : ce dernier pourra être élargi plus facilement et plus rapidement à d'autres territoires. Son accès sera par ailleurs encadré afin de favoriser les petites entreprises locales, ainsi que celles qui respectent des critères sociaux et environnementaux. Le Gouvernement salue cette démarche.

Nous croyons en cette expérimentation qui permettra de réduire les coûts logistiques, facilitera l'accès au commerce en ligne pour les petites entreprises et les habitants et créera des emplois dans les métiers de la logistique et de la maintenance.

Enfin, l'article 5, supprimé par la commission au motif qu'il s'agissait d'une habilitation à légiférer par ordonnance, fait l'objet d'un amendement de rétablissement du Gouvernement visant à inscrire un dispositif « en dur » dans le texte.

L'objectif de cet article est de réduire les frais d'approche sur les produits de grande consommation importés outre-mer – ils représentent en moyenne près de 9 % du prix final d'un produit – en s'appuyant sur un système de péréquation entre les produits de grande consommation et les produits à plus forte valeur ajoutée.

Il s'agit d'un article déterminant pour achever la mise en œuvre du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé en Martinique en octobre 2024.

L'amendement de rétablissement que je présenterai tout à l'heure vise à instaurer un mécanisme de péréquation volontaire, qui pourra être mis en place par l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation des produits dans chaque territoire concerné.

Ce mécanisme, dont l'objectif est de faire baisser les prix de vente des produits de grande consommation, comprendra ainsi les entreprises du secteur du commerce de détail, leurs fournisseurs – producteurs, grossistes et importateurs – ainsi que les entreprises de fret maritime et les transitaires.

Il sera non pas limité à la Martinique, mais étendu à l'ensemble des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

Un organisme dédié sera créé par les acteurs de la chaîne de commercialisation des produits. Il aura la charge de percevoir directement leurs contributions et d'opérer les restitutions destinées à réduire les prix des produits de grande consommation concernés.

Comme le protocole le prévoyait à son point 12, ce mécanisme fera notamment appel à des contributions volontaires et privées, parmi lesquelles celles de la CMA CGM. Toutefois, cette entreprise ne pourra pas être la seule à y participer, sans quoi le dispositif ne saurait légitimement tenir.

Comme prévu au point 13, l'État accompagnera ce projet par l'expertise de ses services, mais les modalités juridiques retenues ne prévoient pas sa participation financière, ce qui serait tout simplement contraire à la réglementation de l'Union européenne sur les aides d'État. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

Je souhaite, comme vous, aboutir à un dispositif qui fonctionne. Je vous invite donc à voter cet amendement.

L'engagement et la responsabilité des acteurs sont le fondement même de la mise en œuvre du protocole d'objectifs et de moyens martiniquais, qui a d'ores et déjà permis, en moins d'un an, une baisse des prix de plus de 10 % en moyenne.

Suivant cette même logique de responsabilisation, le titre II, « Renforcer la transparence sur les avantages commerciaux consentis aux distributeurs et des sanctions », comprenait initialement quatre articles ; il en compte désormais sept dans le texte issu des travaux de la commission.

Le titre II a pour origine un constat simple : la transparence est la condition de la confiance. Sans données fiables et sans contrôle effectif, il n'y a pas de régulation possible et il y a légitimement méfiance.

C'est pourquoi ses articles renforcent les obligations des grandes enseignes sans fragiliser les petits commerces, puisqu'ils ne concernent que les entreprises exploitant des surfaces de plus de 400 mètres carrés.

Les dispositions proposées visent à lever l'opacité sur la formation des prix, à identifier les abus de position dominante et à restaurer la confiance du consommateur.

La commission des affaires économiques a choisi de les renforcer au travers de trois nouveaux articles que le Gouvernement soutient.

Je proposerai néanmoins une réécriture de l'article 6 quater, qui pose, dans sa rédaction actuelle, plusieurs difficultés juridiques, notamment au regard du secret des affaires et du secret fiscal.

Le titre III vise, quant à lui, à « renforcer la concurrence ». Il comprend notamment un article 10 relatif à l'Autorité de la concurrence. Il ajoute à son collège deux membres supplémentaires disposant d'une expertise spécifique sur les économies ultramarines, et crée un service d'instruction dédié pour mieux traiter les spécificités des dossiers qui concernent ces territoires.

Enfin, le titre IV, « Soutenir le tissu économique ultramarin », illustre le fait que notre ambition dépasse largement la seule régulation.

Notre objectif à moyen terme doit être une véritable transformation économique des territoires ultramarins. Il faut rompre avec la dépendance aux importations, favoriser la production locale et l'autonomie alimentaire, ou encore améliorer la compétitivité économique.

Pour ce faire, ce projet de loi comprend trois articles importants : l'article 13 protège les produits substituables aux importations pour éviter que les producteurs ultramarins soient évincés de leurs propres marchés, tandis que les articles 14 et 15 favorisent l'accès des petites et moyennes entreprises ultramarines à la commande publique.

Ce travail de renaissance économique dépasse largement ce projet de loi et il est d'ores et déjà engagé : une circulaire adressée aux préfets ultramarins le 10 juillet dernier leur a demandé de bâtir, à moyen terme, de véritables stratégies de transformation économique autour des filières locales que sont l'agriculture, la pêche, l'énergie ou le numérique.

Telle est la condition pour bâtir une économie de production tournée vers la diversification, mais aussi vers une meilleure intégration régionale.

Nous le savons, la lutte contre la vie chère passera aussi par une plus forte inscription des territoires ultramarins dans leur environnement régional, et donc par une meilleure adaptation des normes européennes à leurs réalités.

Tel est le sens de la décision prise dans le cadre du Comité interministériel des outre-mer du 10 juillet dernier visant à demander au secrétariat général des affaires européennes de préparer une proposition d'adaptation des textes européens aux réalités ultramarines, en vue de la soumettre à la Commission européenne.

Vous le voyez, nous agissons bien au-delà de ce projet de loi. Ce texte déjà ambitieux a été amélioré par le travail remarquable de la commission des affaires économiques. Il le sera encore davantage, j'en suis sûre, par nos travaux de cet après-midi. C'est en tout cas dans cet état d'esprit que je m'inscris.

Nous voulons envoyer un signal fort : celui d'un État qui agit pour lutter contre une injustice vécue quotidiennement et qui est, pour ainsi dire, intériorisée par nos compatriotes.

La vie chère aggrave les fractures, mais lorsqu'elle est combattue avec constance, elle devient une épreuve de vérité pour la République. Soyons donc à la hauteur ! (MM. François Patriat, Bernard Buis et Vincent Louault applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Frédéric Buval, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis à notre assemblée aujourd'hui, sur une thématique de la plus haute importance pour nos concitoyens ultramarins, est un rescapé de l'instabilité politique qui touche notre pays depuis plusieurs mois.

Cela peut sembler difficile à croire, dans la mesure où près de dix ministres ont occupé le portefeuille des outre-mer depuis 2017, rarement pour plus d'un an. Pour autant, la situation économique et sociale des outre-mer est telle que l'inaction n'était pas envisageable.

Je tiens à rappeler quelques faits en la matière et à dénoncer leurs conséquences sur le quotidien des Ultramarins.

Les crises sociales liées à la vie chère se succèdent et se ressemblent. Que l'on évoque 2009 en Guadeloupe et en Martinique, 2012 à La Réunion, 2017 en Guyane ou encore 2024 de nouveau en Martinique, les constats restent les mêmes.

À chaque fois, le Gouvernement a réagi par une loi : loi pour le développement économique des outre-mer en 2009, dite Lodéom, loi « Lurel » relative à la régulation économique outre-mer en 2012, loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer en 2017, dite loi Érom, et maintenant ce projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.

La situation a-t-elle connu une amélioration sensible grâce à cette agitation législative ? Les chiffres sont éloquents : les écarts de prix avec l'Hexagone mesurés par l'Insee ont légèrement progressé depuis 2010. Ils s'échelonnent de 9 % à La Réunion à 31 % en Polynésie française, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe affichant des écarts de prix proches de 15 %.

Surtout, ces écarts sont bien plus élevés si l'on considère les produits alimentaires : en 2022, ils atteignaient 36,7 % à La Réunion, jusqu'à 40,2 % en Martinique et 41,8 % en Guadeloupe.

Un panier de courses de 100 euros dans un supermarché hexagonal coûtera 140 euros à Fort-de-France ! C'est inacceptable, alors que le revenu moyen y est plus faible et que la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté y est plus élevée.

Les causes de ces écarts sont bien identifiées. Elles ont été analysées avec précision, encore récemment, par la délégation aux outre-mer.

La vie chère est un phénomène multifactoriel auquel la taille et l'isolement des territoires ultramarins contribuent fortement. L'étroitesse des marchés domestiques et la composition du tissu économique, constitué essentiellement de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), tirent les prix vers le haut et ne permettent pas les économies d'échelle.

L'éloignement par rapport à l'Hexagone, qui est la principale source des importations, implique par ailleurs des frais d'approche très élevés.

Plus encore, le faible nombre d'acteurs économiques dans le secteur de la distribution est la traduction d'un environnement peu concurrentiel, où quelques grands groupes bien connus exploitent les franchises locales d'entreprises hexagonales et bénéficient de situations oligopolistiques.

Plusieurs de ces grands groupes ont adopté une logique d'intégration verticale qui leur permet de contrôler toute la chaîne de valeur d'un produit, au détriment des acteurs indépendants. Les barrières à l'entrée sont donc nombreuses.

Dans le même temps, la dépendance aux importations provenant de l'Hexagone traduit une survivance d'un modèle économique obsolète et une intégration régionale insuffisante. Le tissu productif reste spécialisé dans un nombre limité de productions, notamment agricoles, destinées à l'exportation et non à satisfaire les besoins locaux.

La dernière crise de la vie chère dans mon territoire a été apaisée, à défaut d'être éteinte, par la signature d'un protocole visant à faire baisser les prix de 6 000 produits alimentaires.

Un an plus tard, la moitié du chemin seulement a été parcourue. Les engagements de la collectivité territoriale de Martinique et de l'État en matière fiscale – abaissement de l'octroi de mer et de la TVA sur ces produits – ont été tenus. En conséquence, la hausse des prix des produits alimentaires sur un an y est plus faible que dans l'Hexagone et plus faible encore que dans tous les autres territoires d'outre-mer.

Pour autant, ces progrès ne seront pas confirmés dans la durée si l'État revient aujourd'hui sur la parole donnée. Je pense en particulier aux engagements pris solennellement par le préfet lors de la signature du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, et repris par les ministres successifs, en ce qui concerne la compensation des frais d'approche.

L'exaspération, voire la colère, des populations ultramarines à ce sujet est forte : les braises de la contestation pourraient de nouveau aisément se rallumer. Restons donc attentifs aux attentes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme le rapporteur et M. Vincent Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux le dire en introduction de mon intervention : malgré son titre ambitieux, ce projet de loi ne nous paraît, malheureusement, en aucun cas de nature à changer fondamentalement la donne dans le domaine de la lutte contre la vie chère dans les outre-mer.

Depuis plusieurs mois, les gouvernements successifs présentent ce texte comme une initiative majeure, qui serait à même d'avoir un effet économique significatif pour le pouvoir d'achat de nos compatriotes ultramarins. Nous en espérions par conséquent beaucoup.

Or, après avoir travaillé ce texte en profondeur et écouté l'ensemble des parties prenantes, nous considérons pour notre part que les différentes mesures proposées, même cumulées, ne devraient avoir qu'un effet mineur sur la formation des prix en outre-mer, du moins à court terme.

Il importe donc, en tout premier lieu, de ne pas donner de faux espoirs qui engendreraient bientôt d'amères déceptions chez nos concitoyens ultramarins : en aucun cas ce projet de loi ne fera disparaître le phénomène de la vie chère en outre-mer. Tout au plus contribuera-t-il à améliorer modestement la situation, par un renforcement de la législation facilitant l'accès aux produits de première nécessité. Tout au plus aboutira-t-il à plus de transparence. C'est certes mieux que rien, mais c'est tellement insuffisant…

Pour illustrer ce constat, j'évoquerai brièvement quelques sujets essentiels que ce projet de loi ne traite pas, alors qu'ils pourraient pourtant permettre le développement de l'économie des territoires ultramarins.

La vie chère, ce sont des prix trop élevés par rapport à des revenus insuffisants. Si le projet de loi comprend des dispositions destinées à modérer voire à faire baisser les prix, il est totalement silencieux sur la question des revenus du travail et ne contient que peu de pistes pour soutenir le tissu économique ultramarin.

Or, nous le savons bien, au moins une partie de l'écart de prix entre l'Hexagone et les territoires ultramarins s'explique par des raisons structurelles. Aussi la hausse des revenus du travail, par l'activité économique, l'accroissement des richesses et la création d'emplois, doit-elle être un des axes essentiels de la lutte contre la vie chère.

Un autre dossier majeur n'est pas même abordé : celui de l'insertion des territoires ultramarins dans leur environnement régional. Bien sûr, cette question relève pour une bonne part du droit de l'Union européenne, mais ce n'est pas une raison suffisante à nos yeux pour faire l'impasse sur ce sujet.

Le fait que le commerce des territoires ultramarins se fasse très majoritairement avec l'Hexagone et, plus largement, avec les pays européens, constitue dans bien des cas une aberration économique et environnementale, source de surcoûts qui impactent directement les prix pour les consommateurs.

Que les crevettes de Madagascar doivent transiter par Rungis pour être vendues à Mayotte ou que les citrons du Brésil doivent passer par l'Hexagone pour être commercialisés en Guyane n'a aucun sens !

Mme Évelyne Perrot. Très juste !

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Le troisième exemple de sujet laissé en déshérence est celui de l'économie informelle, qui pèse pourtant sur la situation économique de bon nombre de nos compatriotes ultramarins.

Au total, vous l'aurez compris, nous avons été très déçus par ce projet de loi. Celui-ci nous apparaît avant tout comme un texte d'affichage, comme un outil de communication par lequel le Gouvernement souhaite montrer aux populations ultramarines qu'il agit en faveur de leur pouvoir d'achat, alors qu'il se contente de mesures mineures, dont certaines vont certes dans le bon sens, mais auront vraisemblablement un impact peu significatif.

La commission des affaires économiques a néanmoins adopté le projet de loi en y apportant plusieurs modifications au travers de vingt et un amendements.

Elle a souhaité notamment soutenir le tissu économique local en supprimant l'article 1er, qui aurait permis d'abaisser le seuil de revente à perte au profit de la grande distribution et au détriment des petits commerces, mais aussi en valorisant davantage les produits locaux dans le bouclier qualité prix, tout en étendant ce dernier aux services.

Elle a proposé en outre des garanties supplémentaires pour éviter que l'expérimentation du e-hub prévue à l'article 4 ne se fasse pas au détriment des entreprises martiniquaises.

La commission a par ailleurs supprimé l'article 5 qui habilitait le Gouvernement à mettre en place, par ordonnance, un mécanisme de péréquation visant à réduire les frais d'approche. Nous étudierons tout à l'heure le nouveau mécanisme fonctionnel proposé par le Gouvernement par voie d'amendement.

À cet égard, la commission a émis une réserve au sujet d'une modification qui était très attendue par notre collègue Frédéric Buval, compte tenu des accords signés en Martinique en octobre 2024.

Les autres modifications adoptées par la commission visent à renforcer la transparence sur les avantages commerciaux consentis aux distributeurs, les sanctions appliquées en cas de manquement aux engagements, ainsi que les pouvoirs des instances chargées de lutter contre la vie chère. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, que nous examinons cet après-midi, s'impose.

S'il vient compléter plusieurs propositions de loi déjà examinées et adoptées, il aurait pu, de l'avis de tous et comme l'ont souligné les rapporteurs, dont je salue au passage le travail, aller plus loin et comporter des mesures plus concrètes pour nos concitoyens ultramarins.

Ce texte est en effet très attendu. Lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Victorin Lurel en mars dernier, le Gouvernement avait renvoyé plusieurs mesures à ce projet de loi.

Ce dernier comporte néanmoins – cela a été dit – plusieurs insuffisances. Première insuffisance, des mesures relatives à l'octroi de mer auraient pu être avancées pour atteindre l'objectif affiché de lutte contre la vie chère.

En effet, l'incidence de l'octroi de mer n'est aujourd'hui qu'imparfaitement compensée par l'application d'une taxe sur la valeur ajoutée à taux zéro ou à un taux inférieur au taux métropolitain sur certains produits.

L'octroi de mer est une taxe essentielle à l'équilibre économique des départements et régions d'outre-mer (Drom), qui protège la production locale en rétablissant une compétitivité-prix raisonnable. Il garantit l'autonomie fiscale et budgétaire des collectivités ultramarines et permet de fournir les services publics dont la population a besoin. Nous serons donc attentifs aux amendements éventuels portant sur l'octroi de mer.

Il conviendra, à notre avis, de lancer une réflexion globale impliquant l'ensemble des collectivités locales pour évaluer cet impôt et proposer des pistes d'évolution.

La deuxième insuffisance que je souhaitais mentionner concerne les marchés concurrentiels et les centrales d'achat en territoire ultramarin.

Le sujet des centrales d'achat me tient à cœur et nous en avons beaucoup parlé dans le cadre des débats sur les lois Égalim. Les accords-cadres conclus au niveau national entre les fournisseurs et les centrales d'achat comportent des conditions générales de vente qui excluent quasi systématiquement les Drom et les collectivités d'outre-mer (COM) de leur circuit d'approvisionnement ou de leur circuit de promotion.

L'argument avancé lors de l'adoption de la première loi Égalim en 2018 était le fonctionnement bien spécifique du bouclier qualité prix, qui, on le voit, n'apporte toujours pas de véritable réponse au problème de la vie chère.

Cette exclusion se traduit par l'impossibilité d'approvisionner lesdits territoires dans le cadre des contrats négociés par les centrales d'achat des groupes, et donc à des prix plus intéressants.

Ainsi, les habitants des Drom-COM ne bénéficient pas des tarifs avantageux, des promotions marketing ou des opérations spécifiques qui sont proposés par les distributeurs en métropole.

En conséquence, les commerçants de ces territoires s'approvisionnent auprès des fournisseurs à des prix à l'exportation qui sont souvent beaucoup plus élevés et qui sont surtout assortis de marges.

L'autre solution pour ces commerçants est de solliciter l'importateur-grossiste local, qui est souvent l'agent de la marque sur le territoire. Ces importateurs-grossistes appartiennent fréquemment à des groupes qui assurent eux-mêmes, par ailleurs, la distribution. Cela revient donc pour le commerçant à s'approvisionner chez son propre concurrent.

Ces contraintes de marché sont lourdes de conséquences financières pour nos concitoyens. Elles ne permettent pas une libre concurrence loyale et vertueuse pour le consommateur et contribuent au prix élevé des produits de grande consommation dans les Drom-COM.

Dans son rapport d'avril dernier, la délégation aux outre-mer préconisait notamment d'interdire l'exclusion des outre-mer du champ d'application territorial des conditions générales de vente des contrats entre centrales d'achat, distributeurs et fournisseurs.

Cette mesure contribuerait à un meilleur accès des Ultramarins aux produits de grande consommation dans le cadre d'une concurrence qui doit être organisée. À mon sens, elle doit cependant être approfondie avec les industriels et les distributeurs pour bien en appréhender l'ensemble des modalités.

En métropole, nous savons combien les centrales d'achat peuvent présenter des avantages, mais aussi beaucoup d'inconvénients.

Bien que ce texte soit incomplet, le groupe Union Centriste le votera. Par solidarité avec nos concitoyens des territoires ultramarins, nous soutenons en effet toute mesure allant dans le sens d'une meilleure qualité de vie et de la lutte contre la vie chère. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Pierre-Jean Verzelen et Vincent Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour commencer, je commencerai mon propos en égrainant quelques chiffres illustrant les écarts de prix constatés sur les produits alimentaires entre l'Hexagone et les départements ultramarins : 37 % avec La Réunion ; 40 % avec la Martinique ; jusqu'à 42 % avec la Guadeloupe.

C'est considérable ! Ces écarts concernent non seulement des produits du quotidien, comme les yaourts, le riz ou les tomates, mais aussi les services, affectant d'autant plus le pouvoir d'achat. Vous devez également savoir que les habitants des Drom, soit 3 % de la population française, représentent 24 % des personnes en situation de grande pauvreté.

Il est bien évident que la situation d'insularité, et parfois de double insularité, de ces territoires, l'étroitesse des marchés, l'impossibilité de tout produire localement, les situations d'oligopole et l'éloignement géographique de l'Hexagone renforcent les écarts de prix. Pour autant, si l'on ne peut supprimer de tels écarts, il est possible de les réduire.

Le texte dont nous débattons aujourd'hui n'est pas le premier sur le sujet. Nous avons déjà voté, en 2009, la loi pour le développement économique des outre-mer, en 2012, la loi Lurel, ou encore, en 2017, la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. Ces lois ont mis en place différentes mesures visant à rendre plus accessibles les produits de première nécessité, à renforcer la concurrence dans ces territoires ou encore à dynamiser l'économie locale. Bien que certaines de ces mesures aient été efficaces, elles ont produit des résultats insuffisants, puisque les écarts de prix continuent de s'aggraver.

Ce problème des prix a toujours fait partie de nos travaux. Rien que cette année, nous avons voté une loi sur l'encadrement des loyers et avons été saisis d'une proposition de loi sur la vie chère en outre-mer. La délégation aux outre-mer du Sénat a produit, au printemps, un rapport très complet sur le sujet en abordant la question de la vie chère dans les outre-mer dans sa transversalité. Comme le souligne ce rapport, s'il n'existe aucune solution miracle, un « plan d'action global et structurel » est possible et nécessaire.

Le projet de loi qui nous est soumis cet après-midi n'est donc pas le premier – hélas, il ne sera pas le dernier – et nous regrettons qu'il ne soit pas plus ambitieux. Sur un sujet comme celui-ci, il nous semble que la question de la promotion et de l'intégration commerciale de ces territoires dans leur environnement régional aurait dû être abordée, alors que 60 % des biens de consommation proviennent encore de France hexagonale.

Nous sommes également convaincus que le projet de loi aurait gagné à traiter de l'octroi de mer, cette taxe incomprise et critiquée qui pourrait être un levier pour développer la production locale.

Enfin, comme nous avons souvent l'occasion de le dire, la mesure sociale la plus efficace, c'est le travail. Aussi, le thème de l'insertion professionnelle nous paraît central. Lutter contre le chômage systémique, c'est aussi lutter contre la vie chère. Nous regrettons que le texte ne prévoie rien à cet égard.

Ce texte contient néanmoins plusieurs mesures qui auront certainement, nous l'espérons, des effets bénéfiques. Par exemple, le bouclier qui permet de garantir un meilleur rapport qualité-prix sur une liste de produits de grande consommation sera étendu aux services. La possibilité pour les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) de saisir le préfet en cas de variation excessive, complétée en commission par la possibilité de saisir aussi la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), apparaît comme un pouvoir supplémentaire indispensable pour mener à bien ces missions.

Renforcer la transparence des prix dans le secteur de la grande distribution est essentiel, car il y a une vraie opacité sur les marges avant et arrière sur les produits – pas seulement dans les outre-mer ! Les entreprises devront désormais transmettre des informations sur ces marges.

Pour dynamiser la concurrence, le texte abaisse la proportion de parts de marché que peut détenir une entreprise sans entraîner de contrôle des commissions départementales d'aménagement commercial, les fameuses CDAC. Bien sûr, ce type de contrôle devra se faire avec bon sens. Dans certaines zones rurales, il est évident qu'une petite surface qui viendrait s'implanter là où il n'y a aucun commerce récupérerait immédiatement une part de marché importante.

La composition de l'Autorité de la concurrence sera élargie à deux membres experts sur les outre-mer. Si cela peut paraître anecdotique, c'est une mesure de bon sens qui pourrait produire ses effets.

Enfin, pour soutenir le tissu économique ultramarin, le texte prévoit de permettre aux acheteurs publics de réserver jusqu'à 20 % de leurs marchés à des microentreprises – PME, TPE ou artisans locaux.

Si ce projet de loi ne permet pas de régler tous les problèmes de la vie chère en outre-mer, les mesures qu'il contient représentent néanmoins des avancées que nous soutiendrons.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Viviane Malet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est peu dire que le projet de loi dont nous commençons la discussion aujourd'hui était attendu dans les outre-mer.

Depuis 2009, il y a eu pas moins de trois vagues de manifestations populaires contre la vie chère, aux Antilles comme à La Réunion.

Durant cette période, trois lois ont été adoptées afin de durcir un arsenal législatif déjà pourtant bien fourni au niveau national : la Lodéom en 2009, la loi de régulation économique en 2012 et la loi relative à l'égalité réelle en 2017. Ces lois n'ont, hélas ! pas suffi à changer fondamentalement la situation et le quotidien de plus en plus difficile des Ultramarins. Il est ainsi précisé dans l'exposé des motifs que « les écarts de prix vis-à-vis de l'Hexagone atteignent jusqu'à 16 % sur les prix à la consommation en général et parfois plus de 40 % sur les denrées alimentaires ».

Il est intéressant de constater que l'essentiel de l'explication de cet écart, selon les études, tiendrait non pas à la distance, mais aux pratiques commerciales.

Dans son avis du 4 juillet 2019, l'Autorité de la concurrence estime que « les coûts de transport maritime représentent une part limitée du coût d'achat des produits importés : moins de 5 % en moyenne ».

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui va dans le bon sens, mais il nécessite bien des mesures complémentaires.

Il est à déplorer qu'il n'y ait aucune disposition sur le développement économique, le coût du travail, le chômage, la charge que représente le coût de la construction. C'est pourtant grâce à cela que nos habitants percevront réellement un changement dans leur vie quotidienne.

Si les mesures favorisant la concurrence sont à saluer, il faudrait également améliorer le bouclier qualité prix. Créé en 2012, celui-ci a plutôt bien fonctionné, mais il doit désormais passer à un stade supérieur afin de mieux garantir aux habitants de nos territoires un approvisionnement à bon prix en biens de consommation et de première nécessité de toute nature, mais également en services correspondant aux habitudes modernes de consommation courante.

Il s'agirait non seulement d'ouvrir ce BQP à d'autres biens et services, mais aussi de l'imposer à une part minimale du chiffre d'affaires de la grande distribution en produits alimentaires.

Depuis quelques années, les gouvernements successifs ont engagé une réflexion sur la diversification du BQP, en y ajoutant, selon les territoires, quelques produits de téléphonie, de prestations automobiles ou d'outillage, mais ces avancées ne sont pas significatives, car elles concernent trop peu de produits.

Ouvrir le BQP n'est pas seulement une nécessité pour la baisse des prix. Inclure l'outillage et les matériaux de construction, d'étanchéité et d'électricité dans le panier inciterait nos habitants à mieux protéger leurs domiciles durant les périodes cycloniques et à gagner en résistance face à ces aléas climatiques.

Je proposerai dans un amendement, pour La Réunion et à titre expérimental, un échéancier d'intégration de divers produits qui doivent, à terme, faire partie de ce BQP moderne : équipements électroménagers et informatiques, offres d'abonnement multimédia, outillage et matériaux de construction, dont le ciment, vente de véhicules neufs ou d'occasion et, enfin, l'eau, l'énergie et les transports.

Par ailleurs, les produits du bouclier qualité prix ne doivent plus être les parents pauvres des linéaires de la grande distribution. Il faut notamment améliorer leur visibilité dans les magasins.

En 2019, l'Autorité de la concurrence notait que le pourcentage moyen du chiffre d'affaires des produits du BQP représentait, selon les années, une part comprise entre 3,5 % et 4,9 % dans l'activité totale des distributeurs et que cette part était en décroissance.

Je proposerai donc que la loi instaure à La Réunion, là aussi à titre expérimental, selon un échéancier, et pour la liste alimentaire uniquement, car ce sont les produits les plus touchés par le surcoût, un pourcentage minimal du BQP à l'intérieur du chiffre d'affaires des entreprises de distribution.

Enfin, la loi pourrait imposer une part minimale de produits alimentaires locaux. Faire baisser immédiatement les prix pour nos compatriotes ne passe pas que par le BQP. Cela peut passer aussi par la promotion des produits locaux alimentaires au sein des linéaires de la grande distribution, sachant que ces produits supportent peu de frais de transport.

En 2012 a été adoptée une disposition législative instaurant une part minimale de surface de vente de produits locaux dans la grande distribution. Cet article est resté depuis treize ans lettre morte, faute de décret d'application. Pourtant, cette mesure aurait des impacts énormes pour nos économies, que ce soit sur la baisse des prix ou l'encouragement à l'autonomie alimentaire. Elle permettrait aussi d'aider nos agriculteurs, eux qui ont été durement touchés ces derniers temps par les aléas climatiques.

En conclusion, madame la ministre, je vous demande d'œuvrer avec nous, parlementaires, pour que ce projet de loi puisse être compris par la population et qu'il n'apparaisse pas comme un catalogue de mesures, certes de bon sens, mais de nature administrative et sans effet immédiat.

Nous espérons une écoute attentive de la part du Gouvernement sur nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Stéphane Fouassin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite d'abord remercier nos collègues Micheline Jacques et Frédéric Buval, rapporteurs de ce projet de loi, pour leur investissement et la clarté de leur travail préparatoire. La vie chère n'est pas un sujet nouveau dans nos territoires ultramarins. Elle a un nom, un visage, une histoire. Depuis 2009, elle constitue une constante de toutes nos crispations.

C'était vrai hier en Guadeloupe, avec le mouvement du Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), ou collectif contre l'exploitation outrancière ; c'est encore vrai aujourd'hui dans l'ensemble des territoires d'outre-mer.

Ce mouvement de 2009 n'était pas une colère passagère : c'était la manifestation d'un épuisement collectif face à la « profitation », une mécanique économique qui transforme l'isolement insulaire en rente privée.

En réponse, le gouvernement de l'époque avait promis un changement structurel. Trois ans plus tard, la loi Lurel devait incarner cette promesse : réguler les prix, encadrer les marges, redonner du pouvoir aux observatoires et restaurer la confiance. Treize ans plus tard, le verdict est sans appel : la vie n'a jamais été aussi chère. Deux ans avant le texte de 2012, l'Insee notait un différentiel de 8,3 % en Guadeloupe. En 2022, il atteignait déjà 15,8 %.

Pour les produits de base, les écarts sont abyssaux : le lait coûte 0,76 centime le litre dans l'Hexagone ; il se vend aujourd'hui entre 1,25 et 1,50 euro en Guadeloupe. Le pot de 200 grammes de café soluble atteint 10,62 euros en Martinique contre 4,24 euros dans l'Hexagone.

Pour les produits alimentaires, les écarts avec l'Hexagone atteignent 42 % en Guadeloupe, 40 % en Martinique, 39 % en Guyane et 37 % à La Réunion. En dix ans, l'écart s'est creusé au lieu de se résorber. Le texte de 2012, aussi ambitieux fût-il, n'a pas corrigé les causes profondes de la vie chère en outre-mer : absence de concurrence réelle, dépendance logistique, captation des marges par quelques importateurs.

L'Autorité de la concurrence alertait déjà en 2009 : plus de 50 % des produits étaient vendus 55 % plus cher qu'en métropole. Seize ans après, rien n'a changé !

Aujourd'hui, ce nouveau projet de loi devait rompre avec cette impuissance, mais, à mon grand regret, il n'est qu'un cautère sur une jambe de bois.

Il n'enlève rien, mais il ne change rien. C'est un texte bavard de plus, quand nos territoires réclament du concret, et non pas des alinéas. L'État ne peut plus se contenter de réformer la forme quand c'est le fond économique qui pourrit. Ce que nos territoires attendent, c'est la vérité sur les marges, la transparence des circuits et la traçabilité des coûts.

Les Ultramarins n'ont pas besoin d'un diagnostic de plus : ils ont besoin d'un choc de vérité et de courage. Un choc de vérité pour savoir qui profite réellement de l'insularité. Un choc de courage pour dire que la vie chère est non pas un hasard géographique, mais une défaillance politique.

Combien de temps encore allons-nous accepter que certaines marques d'eau soient trois fois plus chères dans nos territoires ? Combien de temps encore allons-nous accepter que le paquet de 34 couches pour bébé à 9,23 euros dans l'Hexagone se retrouve à 22,39 euros dans nos territoires ?

C'est non pas une revendication, mais une exigence de justice économique, car derrière chaque étiquette, il y a une mère qui calcule, un jeune qui renonce, une famille qui s'endette. Bon sang ! Comment comprendre qu'en 2025 les salaires les plus bas coexistent encore avec les prix les plus élevés ? Comment accepter que le simple fait d'être Français d'outre-mer coûte plus cher que d'être Français de l'Hexagone ?

En Guyane, la viande de bœuf, qui est produite à quelques kilomètres, doit d'abord transiter par Rungis, comme d'ailleurs le citron, avant de revenir et d'être vendue sur place ?

Si cela ne choque personne, c'est que nous avons cessé de penser la République.

Il faut refonder la relation commerciale de la France avec ses propres territoires. Certains sont à moins de quatre heures du Brésil, et à moins cinq heures des États-Unis, mais nous restons économiquement isolés dans un système fermé, déconnecté de notre environnement régional.

Nous ne pouvons plus prôner la continuité territoriale sans pratiquer la continuité économique. Il nous faut entrer dans une logique de transformation et instaurer une véritable péréquation, car, dans une République une et indivisible, le prix du lait, du riz ou de l'eau ne peut varier du simple au triple selon la latitude. La péréquation, c'est la justice territoriale appliquée au porte-monnaie.

Et quand nous parlons d'évolution institutionnelle pour revisiter nos relations, redéfinir la fiscalité locale ou encourager le développement endogène, ce sont ceux-là mêmes qui se gavent qui s'y opposent, car ils y perdraient leurs privilèges.

Alors oui, il nous faut toucher le sol. Nous ne pouvons plus rester en apesanteur sur ces questions-là.

Les textes bavards ne changeront rien, car ce n'est pas la littérature qui nourrit les familles. Il faut des actes. Ne soyons pas dupes, ce problème de vie chère est avant tout financier, et l'obstacle de l'article 40 de la Constitution est terriblement handicapant pour les parlementaires dans ce type d'exercice : aucune amélioration réelle n'est possible sans action budgétaire.

Madame la ministre, je vous le dis, ce texte, en l'état, est un placebo. Il faut l'amender profondément !

J'espère que nombre de nos propositions seront acceptées. Le groupe RDPI se prononcera en fonction des votes sur nos amendements qui requalifient le sujet et méritent toute votre attention. Sinon, ce texte ne servira à rien. Le problème de la vie chère ne sera jamais traité et nous nous contenterons chaque année de littérature là où nous devrions faire de l'arithmétique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 37 %, c'est le surcoût des produits alimentaires à La Réunion par rapport à l'Hexagone ; 36 % des Réunionnaises et des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté, soit un taux deux fois plus élevé que dans l'Hexagone. Qui accepterait de payer des prix si élevés, ici, dans l'Hexagone ?

Les territoires ultramarins sont les territoires les plus pauvres de France, alors même que ce sont les territoires les plus chers de France.

Il aurait fallu évoquer la faiblesse des revenus dans nos territoires. J'ai défendu la loi relative à l'encadrement des loyers dans les outre-mer, car la hausse des loyers est devenue insupportable. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan, nous avait oubliés. De plus, l'adaptation des normes de construction dans les outre-mer permettra, à moyen terme, de réduire les coûts de construction, et donc les achats et les loyers. Reste à prendre les décrets d'application, madame la ministre, sur lesquels nous espérons avancer rapidement.

Est-ce nécessaire ? Oui, car le logement est le premier poste de dépense des familles.

Est-ce suffisant ? Bien sûr que non, vu l'ampleur du problème de la vie chère. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale en 2023 sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution l'a parfaitement illustré.

En début d'année, d'autres initiatives législatives, telles que le texte de la députée Béatrice Bellay, ou encore celui de mon collègue Victorin Lurel, ont aussi eu pour but de s'attaquer au fléau de la vie chère.

Malheureusement, à ce stade, ce projet de loi nous paraît insuffisant. Nous lui voyons deux limites majeures.

La première résulte du budget de la Nation, examiné en parallèle à l'Assemblée nationale, et qui ne laisse pas de nous inquiéter, notamment avec les 350 millions d'euros de coupes sur les exonérations de charges sociales spécifiques aux outre-mer instaurées par la Lodéom. Les signaux envoyés par Bercy sont en contradiction avec les objectifs affichés par ce projet de loi.

Seconde limite, la restriction des thématiques abordées dans le texte d'origine, qui limite profondément les leviers possibles d'amendement : rien sur le logement, rien sur le foncier, rien sur les revenus, rien sur l'agriculture et l'alimentation.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que vous étiez ouverte aux propositions des parlementaires pour enrichir le texte. Nous vous prenons au mot. J'ai déposé une trentaine d'amendements, des propositions concrètes pour nos concitoyens ultramarins, car ce qui est attendu, c'est l'impact du texte sur le ticket de caisse, et non pas seulement de grands principes.

Je défendrai notamment la lutte contre la concentration verticale, la fin du blocage géographique sur les sites et plateformes, l'interdiction de l'acquisition de licences ou de marques pour ne pas les déployer dans les outre-mer, la capacité de l'Insee à saisir la Deets (direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) ou encore la personnalité juridique pour les OPMR et, bien sûr, les quotas d'insertion dans la commande publique.

À nous, mes chers collègues, d'améliorer collectivement ce texte. Nous n'avons pas le droit à l'erreur. Nos 3 millions de concitoyens ultramarins nous regardent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Akli Mellouli et Robert Wienie Xowie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis des décennies, nous entendons les mêmes promesses, les mêmes beaux discours, et nous examinons les mêmes textes de loi qui ont vocation à s'attaquer à la vie chère en outre-mer.

Mais, in fine, qu'ont changé ces projets de loi successifs ? Peu de choses, puisque, partout, les constats restent les mêmes : des prix 30 % à 70 % plus élevés qu'en Hexagone, une concentration économique entre quelques grands groupes d'import-distribution et une dépendance logistique structurelle. Depuis 2010, les écarts de prix avec l'Hexagone ont même augmenté. Les crises sociales liées à la vie chère se succèdent et se ressemblent, tout comme les vaines réponses des pouvoirs publics.

Les uns continuent de se gaver pendant que les autres triment toujours plus.

Le texte que nous discutons aujourd'hui n'aborde même pas la question des revenus, ni la revalorisation des bas salaires, et encore moins la prime d'activité ultramarine. Alors que les revenus médians en outre-mer sont inférieurs de 40 % à ceux de l'Hexagone, comment dissocier la question de la vie chère de celle des revenus ? Faudra-t-il abandonner l'idée de vivre dignement de son travail ? Comment s'attaquer à la vie chère sans un mot pour le coût du logement, premier poste de dépense pour de nombreux Ultramarins ? Chaque mois, de plus en plus de familles doivent choisir entre se loger et se nourrir.

Alors que le développement de la production locale est un enjeu prioritaire, nous déplorons également le manque de mesures pour soutenir le tissu économique. Le taux de défaillance de nos TPE et PME atteint un record. Dans le même temps, les syndicats dénoncent une situation de monopole en matière d'emploi.

En réalité, les effets de ce texte sur la formation des prix en outre-mer seront limités et difficiles à mesurer. Si les intentions sont bonnes, si les constats sont justes, les réponses, elles, ne sont pas à la hauteur.

La crise du pouvoir d'achat en outre-mer est la crise de l'ensemble de notre modèle économique. Ce texte ne rompt avec aucune logique, aucun rapport de force. Il laisse intactes les causes structurelles qui écrasent les ménages et les petites entreprises.

N'oublions pas que, derrière les chiffres, il y a un système. Un système hérité d'un autre âge, où une poignée de familles, souvent les mêmes depuis plus de cinquante ans, contrôlent tout : l'importation, la logistique, la distribution, parfois même la production locale. Bref, une économie de comptoir, un héritage colonial.

En Martinique, le groupe Bernard Hayot (GBH), via Carrefour, Mr. Bricolage, Norauto, Yves Rocher, Nocibé, Decathlon, détient plus de 60 % du commerce alimentaire et non alimentaire.

À La Réunion, après le rachat de Vindemia, GBH et Leclerc contrôlent ensemble près de 70 % du marché de la grande distribution.

En Guadeloupe, trois entreprises se partagent 90 % des importations de produits de première nécessité.

Cette concentration économique, mes chers collègues, c'est le cœur du problème. Et tant qu'on ne touchera pas à cette rente de situation, on ne réglera rien.

Et que dire des centrales d'achat installées à l'étranger et utilisées par les distributeurs pour cacher leurs marges ? Ces pratiques, qui représentent 20 % à 30 % des surcoûts, ne sont même pas mentionnées dans ce texte.

Le Gouvernement, avec ce texte, veut renforcer la transparence, voire la régulation. Cet objectif est louable, mais les OPMR n'auront toujours ni budget, ni personnel, ni accès aux données comptables. Quant à la DGCCRF, elle ne compte parfois que deux agents pour contrôler tout un département.

De même, si l'on peut se réjouir d'un renforcement du bouclier qualité prix, on ne peut que déplorer que ce dispositif reste centré sur les produits, sans véritable stratégie de soutien à la production locale ni mécanisme d'évaluation.

Alors oui, il y a de belles intentions : renforcer la transparence, protéger les consommateurs. Cependant, le texte ne propose aucun outil, aucune contrainte et ne manifeste aucune volonté de bousculer les oligopoles.

En définitive, ce texte ne rompt avec rien. Il conforte un modèle d'économie de rente, d'économie sous perfusion, d'économie de comptoir. Il ne fait qu'entretenir l'illusion d'un changement. Or la vie chère, c'est non pas une abstraction, mais une réalité : c'est une mère seule qui doit acheter le lait et les yaourts deux fois plus cher à La Réunion qu'en Hexagone.

La justice économique, la transparence et la dignité ne se décrètent pas : elles se construisent. Mes chers collègues, nous pourrons vraiment agir contre la vie chère en outre-mer quand nous pourrons voter dans le projet de loi de finances pour 2026 les amendements qui sont déclarés irrecevables aujourd'hui.

Le groupe CRCE-K s'abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le cœur de mon propos, je veux d'abord avoir une pensée pour nos compatriotes ultramarins, en particulier de Guadeloupe, touchée ce week-end par un tremblement de terre. Je veux leur dire toute ma solidarité et celle, j'en suis sûr, de l'ensemble de notre assemblée.

Les outre-mer sont une part vivante de notre République. Ces territoires, par leur diversité et leur histoire, rappellent que la France n'est pas seulement hexagonale. Mais cette richesse est aujourd'hui fragilisée par une réalité insupportable : la vie chère, qui mine la cohésion sociale et ronge la promesse d'égalité républicaine.

Les écarts de prix entre l'Hexagone et les territoires ultramarins demeurent indécents. Selon l'Insee, ils atteignent encore jusqu'à 16 % sur les prix à la consommation, et plus de 40 % sur les denrées alimentaires. Ces chiffres, ce sont des repas sautés, des médicaments qu'on n'achète plus, des familles qui renoncent à l'essentiel.

Depuis des années, nos compatriotes ultramarins dénoncent cette injustice, parfois avec des mobilisations massives. Des Antilles à La Réunion, de la Guyane à Mayotte, le cri est le même : celui d'un peuple qui veut simplement vivre dignement.

Madame la ministre, vous présentez aujourd'hui un projet de loi contre la vie chère qui, pourtant, ne traite presque que d'un seul sujet : les pratiques du secteur de la distribution. C'est certes un enjeu majeur, mais ce texte passe à côté du problème.

Il n'y a rien, ou presque, sur les véritables déterminants de la vie chère : la politique économique inefficace et injuste centrée sur les exonérations de cotisations sociales ; la stagnation des revenus, salaires comme prestations sociales ; la crise du logement ; le coût de l'énergie ; les difficultés d'accès à la santé ; le poids des transports ; la faiblesse du soutien au développement des productions locales. Les aides à la production agricole, orientées vers l'exportation plutôt que vers les marchés intérieurs, accentuent encore cette dépendance. Et pendant que le Gouvernement promet de lutter contre la vie chère, le projet de loi de finances s'apprête à réduire d'un tiers les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer ». Il y a là une contradiction profonde.

Néanmoins, madame la ministre, ce texte ouvre des pistes pour répondre à ce défi majeur, notamment en matière de transparence, de régulation et de soutien à la concurrence.

D'abord, le bouclier qualité prix, renforcé par l'article 2, demeure un outil utile. Il permet de contenir certains prix de produits de grande consommation et favorise la négociation entre l'État, les distributeurs et les producteurs.

Cependant, soyons lucides : ce dispositif ne saurait être efficace que s'il valorise les produits locaux.

Aujourd'hui, la dépendance aux importations dans nos territoires ultramarins est telle qu'elle enferme leur économie dans un cercle vicieux : plus on importe, plus on paie cher ; et plus on paie cher, moins on produit. Derrière les rayons des grandes surfaces, il y a souvent les mêmes acteurs : de puissants groupes d'importation, parfois en situation de monopole, qui fixent leurs marges loin de tout contrôle réel.

Favoriser les produits locaux, c'est du bon sens économique, écologique et social. C'est aussi la clé pour retrouver une souveraineté alimentaire et réduire la dépendance logistique qui alimente la cherté.

Aussi le bouclier qualité prix doit-il cesser d'être un simple accord de modération sur les produits importés, pour devenir un levier de transformation structurelle des circuits d'approvisionnement. Cela suppose que, dans chaque territoire, une part significative du panier du BQP soit issue de la production locale.

La deuxième piste est la transparence des marges et des pratiques commerciales.

À cet égard, les articles 6 et 7 du projet de loi vont dans la bonne direction, en instaurant une obligation de transmission d'informations sur les prix, les marges et les ristournes perçues par les distributeurs. C'est indispensable, car, trop souvent, les marges dites « arrière » gonflent artificiellement les prix sans qu'aucune donnée publique ne permette de prouver leur légitimité.

Mais pour que cette transparence soit réelle, encore faut-il qu'elle puisse être contrôlée et sanctionnée. Or les observatoires des prix, des marges et des revenus, principal instrument de ce contrôle, sont aujourd'hui démunis. Leurs moyens humains et financiers sont dérisoires face à l'ampleur de leur mission. Comment espérer mesurer les marges, enquêter sur les filières, détecter les abus, si les OPMR ne disposent ni des effectifs, ni des outils, ni des données nécessaires ?

C'est pourquoi, je le dis clairement, il faut non pas augmenter symboliquement les moyens des OPMR, mais, au minimum, les quadrupler. Un observatoire sous-doté, c'est une République aveugle ; un observatoire renforcé, c'est une République qui regarde enfin la vérité des chiffres, donc la vérité des prix !

Le troisième enjeu est celui de la concurrence loyale.

Sur ce point, les articles 8 à 10 apportent des réponses en sanctionnant les discriminations commerciales injustifiées à l'encontre des territoires ultramarins. C'est une avancée, car nous savons que certains fournisseurs pratiquent encore des tarifs plus élevés pour les Drom-COM, et ce sans autre raison que leur éloignement.

Mais la loyauté de la concurrence ne saurait se limiter à une question de tarifs : il faut aussi garantir la diversité des acteurs économiques. Dans beaucoup d'îles, le commerce de détail est réparti entre quelques grandes enseignes. Cette concentration fragilise les producteurs locaux et étouffe les petites entreprises.

Le présent texte ouvre la possibilité d'un meilleur contrôle des concentrations commerciales ; c'est une bonne chose, à condition que l'Autorité de la concurrence dispose, elle aussi, de moyens spécifiques pour les outre-mer.

Enfin, je veux insister sur un point qui me semble fondamental, car la dignité économique est le socle de la dignité humaine. La cherté de la vie, mes chers collègues, n'est pas seulement un problème de pouvoir d'achat : c'est un problème de justice. Elle creuse les inégalités, nourrit les frustrations et affaiblit le lien qui unit chaque citoyen à la République.

La lutte contre la vie chère, c'est donc une politique de cohésion nationale. Ce n'est pas une faveur accordée aux outre-mer, ou un « supplément d'âme » ; c'est un devoir de la République envers elle-même !

Dans la lignée d'Aimé Césaire, je veux redire qu'il n'y a pas de dignité sans justice ni de liberté sans égalité. C'est à l'aune de cette exigence de dignité et d'égalité que notre République sera jugée. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que ce soit lors de la grève générale de 2009 en Guadeloupe et en Martinique, de la mobilisation de 2012 à La Réunion, de la crise de 2017 en Guyane ou, plus récemment, de l'explosion de colère populaire qu'a connue la Martinique à l'automne 2024, à chaque fois, le même constat est posé : les populations ultramarines paient plus cher pour le strict nécessaire, dans des territoires où la pauvreté demeure massivement plus présente que dans l'Hexagone.

Le quotidien de nos compatriotes ultramarins, le voici : un chariot de courses qui, en Martinique ou en Guadeloupe, coûte en moyenne près de 40 % plus cher qu'en France hexagonale ; un litre de lait ou un kilo de tomates qui affichent régulièrement un écart de 30 % à 50 % ; des produits alimentaires de base, comme le riz ou l'huile, parfois deux fois plus chers outre-mer que dans l'Hexagone.

Or, dans ces mêmes territoires, le taux de pauvreté est très élevé : il dépasse 30 % en Guadeloupe et à La Réunion, et atteint même plus de 50 % en Guyane et 77 % à Mayotte. C'est une double peine : aux prix exorbitants s'ajoutent des revenus faibles ou, plus exactement, des écarts de revenus considérables.

Face à ce constat, les précédentes lois Lodéom, Lurel et Érom ont visé à apporter des solutions, depuis le contrôle de la formation des prix jusqu'à la correction des imperfections du marché. Mais ces textes – je ne suis pas le premier à le constater avec lucidité – n'ont pas réussi à résorber la vie chère outre-mer.

Telle est l'ambition affichée du texte, qui retient comme outils principaux la transparence, le renforcement du bouclier qualité prix, de nouvelles obligations imposées aux grands distributeurs, notamment sur le contrôle des marges, ou encore la création expérimentale d'un hub logistique en Martinique.

Si ces outils sont utiles, leur impact sur le ticket de caisse risque néanmoins d'être bien minime. L'avis rendu sur ce texte par le Conseil d'État avant que ne s'engage notre travail législatif révélait déjà une série de mesures « paillettes », jugées peu prometteuses, voire, pour certaines d'entre elles, sources d'une complexité accrue, sur le plan du droit positif, pour les collectivités territoriales.

Par ailleurs, aucune baisse structurelle des prix n'est garantie, aucun levier majeur n'est actionné sur le niveau des revenus, il n'y a pas de soutien renforcé au tissu local et aucune réflexion ouverte n'a été engagée sur l'intégration économique régionale de ces territoires.

C'est pourtant précisément sur l'ensemble de ces points qu'il faudra réussir à franchir des étapes clés.

Pour ce qui concerne la question des revenus du travail, aucune lutte contre la vie chère ne réussira si l'on ne s'attaque pas à l'amplification des revenus disponibles dans les outre-mer, notamment pour l'emploi local, et à l'amélioration des minima sociaux.

Il faut aussi soutenir davantage la production locale et l'intégration régionale, alors que plus de 90 % de la consommation alimentaire de ces territoires reste importée.

Il serait également opportun de réfléchir à une réforme concertée de l'octroi de mer, qui trouve le juste équilibre entre exclusion des produits de première nécessité et maintien du financement des collectivités.

Enfin, la fluidité et la densité des liaisons maritimes entre métropole et outre-mer sont vitales. La récente décision de CMA CGM de supprimer l'escale de Montoir-de-Bretagne, dans le grand port maritime de Saint-Nazaire-Nantes, pour sa ligne Antilles, créée à la fin du XIXe siècle, suscite une très vive inquiétude. Elle met gravement en péril l'industrie portuaire de mon département et risque de fragiliser davantage encore la chaîne logistique ultramarine pour les produits à date limite de consommation. Délais et coûts vont être augmentés alors même que ces territoires ont besoin de proximité et de réactivité pour garantir leur approvisionnement et préserver les prix à la consommation.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, ce projet de loi n'est pas le Grand Soir pour les caddies de nos compatriotes d'outre-mer.

Un certain nombre d'amendements ont été déposés, dont l'adoption serait susceptible d'apporter un peu de chair à ce texte. Nous y serons attentifs, afin de ne pas faire mentir la devise de la République.

Les membres du groupe RDSE apprécieront à leur juste mesure les avancées proposées pour rendre ce texte moins homéopathique.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteur sur des questions relatives au bassin de l'océan Indien au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont je salue la présidente Micheline Jacques, je veux tout d'abord souligner la portée de l'important projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Je souhaite également associer à mes propos tous mes collègues de l'Union Centriste, dont je connais l'attachement aux territoires ultramarins.

Ce texte doit répondre à une urgence aussi ancienne que profonde : le coût de la vie, qui frappe de plein fouet nos outre-mer.

Est-il nécessaire de rappeler que, aujourd'hui encore, les écarts de prix entre l'Hexagone et les outre-mer peuvent atteindre 16 %, pour l'ensemble des produits de consommation, et parfois plus de 40 % pour certaines denrées alimentaires ?

Ces chiffres ne sont pas que des statistiques abstraites ; c'est une terrible réalité qui touche au quotidien les familles, les retraités, les jeunes et les travailleurs de ces territoires. Ceux qui m'ont précédé à cette tribune aujourd'hui, notamment Frédéric Buval et Dominique Théophile, l'ont évoquée avec autant de cœur que de talent.

L'éloignement, les coûts logistiques et la concurrence insuffisante sont des facteurs structurels de surcoût que ce texte vise à corriger.

Sur la modération des prix et la transparence de la grande distribution, le projet de loi renforce les accords de bouclier qualité prix, en y associant systématiquement les élus locaux et les associations de consommateurs. C'est particulièrement important dans ces territoires où le nombre d'enseignes comme la taille des magasins sont souvent très réduits.

Par ailleurs, le texte instaure des obligations renforcées de transmission d'informations de la part des grandes entreprises de distribution. Cette transparence indispensable est bien sûr un préalable indispensable à toute politique efficace de lutte contre la vie chère.

L'article 4 instaure un service public logistique en Martinique, idée qui pourrait naturellement intéresser également le bassin de l'océan Indien. Je salue le travail sur ce point de nos rapporteurs, qui ont souhaité permettre à toutes les collectivités qui le souhaitent de suivre cet exemple dès deux ans après la promulgation du texte.

Un meilleur maillage de la logistique et un soutien renforcé aux filières locales, ainsi qu'aux PME, sont autant de leviers pour réduire la dépendance aux importations et, par voie de conséquence, pour redonner de la résilience à nos économies ultramarines.

Vous comprendrez, mes chers collègues, que je souhaite insister sur la dimension spécifique du bassin de l'océan Indien. À La Réunion comme à Mayotte, la question du fret maritime demeure un facteur majeur de renchérissement des prix.

Le coût du transport, c'est trop souvent le prix de l'isolement, mais ce coût est aussi amplifié par le manque de concurrence et par des situations d'oligopole comme celles qui ont été évoquées tout à l'heure.

Nous devons incontestablement appeler à davantage de transparence tarifaire et à une concurrence que j'oserai qualifier de « loyale ».

On l'a compris, la politique de concurrence doit, au même titre que la maîtrise des coûts de transport, devenir un levier stratégique de lutte contre la vie chère.

C'est pourquoi le renforcement du rôle de l'Autorité de la concurrence accompli à l'article 10 est un signal fort pour restaurer la confiance des consommateurs, mais il faudra bien sûr veiller à ce que la mise en œuvre administrative de ces dispositions, notamment en matière de sanctions, soit pleinement effective.

Enfin, la mise en place de dispositifs de préférence locale dans les marchés publics est une réelle occasion de développement pour nos PME ultramarines. Il importe ici de garantir que les parts réservées aux filières locales ne demeurent pas des promesses vides ; il faudra y veiller scrupuleusement !

Selon le Picard Condorcet, ancien député, l'égalité ne consiste pas à rendre les choses semblables, mais à faire en sorte que chacun puisse vivre dignement là où il est.

Alors, même si ce texte n'est pas parfait, comme l'a pointé Micheline Jacques, même s'il souffre de plusieurs insuffisances, comme l'a relevé Anne-Catherine Loisier, il traduit néanmoins un vœu, une lutte, pour que la vie soit plus digne, pour que l'éloignement ne soit pas synonyme d'abandon et d'injustice.

Je salue donc les travaux de nos rapporteurs et du ministère des outre-mer, tout en vous invitant, mes chers collègues, à soutenir ce texte, à l'enrichir, bien sûr, et à faire ensemble de la lutte contre la vie chère un plan concret pour tous nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte qui touche directement à la vie quotidienne de nos concitoyens. Dans les outre-mer, Mme la ministre l'a rappelé, la cherté de la vie n'est pas un phénomène ponctuel : elle est structurelle.

La vie chère résulte de réalités physiques et géographiques : l'éloignement, la dépendance aux approvisionnements extérieurs, l'étroitesse des marchés et les coûts logistiques qui s'appliquent à chaque étape de la chaîne de consommation.

À Saint-Martin, ces réalités sont particulièrement visibles. La plupart des marchandises doivent transiter par la Guadeloupe avant d'arriver chez nous, ce qui crée des surcoûts constants. Le logement y est cher, et la concurrence immédiate avec la partie néerlandaise de l'île – Sint Maarten – influence les prix comme les comportements de consommation. Ces contraintes, nos familles et nos entreprises les subissent chaque jour.

Pour ce qui concerne ce texte, s'il ne contient pas de dispositions structurelles, certaines situations pourront néanmoins se trouver améliorées par des mesures sur les biens de première nécessité.

La commission des affaires économiques a fait le choix de supprimer l'article 1er, qui aurait pu, en abaissant le seuil de revente à perte, bénéficier d'abord aux grandes enseignes, au détriment du commerce de proximité et de la production locale. C'est un choix de responsabilité. Lutter contre la vie chère, oui ! mais sans fragiliser ceux qui vivent, travaillent et embauchent dans nos territoires.

Le bouclier qualité prix constitue un outil important. La commission a eu raison d'en renforcer la portée, notamment en valorisant davantage les produits locaux et en étendant son périmètre aux services. C'est une orientation qui répond directement aux réalités du quotidien et à la recherche de solutions durables.

La transparence sur les marges et la chaîne d'approvisionnement est également un point essentiel, car la confiance ne se décrète pas, mais se construit dans la clarté.

Le projet de loi que nous examinons comporte des orientations utiles, mais son effet restera limité si les déterminants logistiques et structurels de la vie chère ne sont pas davantage intégrés. La lutte contre la vie chère doit aussi s'intéresser à son cœur logistique, d'autant que les frais d'approche représentent une part significative du prix final des biens dans nos îles.

Ainsi, la quasi-totalité des biens importés transite par la Guadeloupe avant d'arriver à Saint-Martin : à chaque étape, un coût s'ajoute. Un produit a déjà augmenté plusieurs fois avant même de toucher une étagère.

La vie chère n'est pas une abstraction : elle se voit, se ressent, se vit. Elle se manifeste dans le caddie, dans le panier du marché, dans les dépenses du quotidien. Elle pèse sur les familles, les travailleurs, les retraités, les jeunes. Personne n'y échappe.

Le prix se fabrique non pas en caisse, mais bien avant, au cours de l'acheminement.

C'est bien ce qui a inspiré mon amendement n° 37 rectifié ter. Celui-ci ne vise à créer aucune structure nouvelle, ni même à changer aucune compétence. Simplement, je demande que l'OPMR analyse, chaque année, les coûts d'acheminement vers Saint-Martin et les possibilités de diversification des approvisionnements dans la Caraïbe.

On ne peut agir que sur ce que l'on mesure. Cet amendement tend donc à objectiver, enfin, ce qui fait le prix, de manière à pouvoir agir durablement.

Mon second amendement, n° 38 rectifié ter, porte sur le bouclier qualité prix.

Celui-ci a été mis en place ; il existe, il est utile. Mais, pour que les ménages en bénéficient réellement, il doit pouvoir être vu. Or, aujourd'hui, dans certains magasins, les produits concernés ne sont pas clairement identifiés ; ce sont les habitants eux-mêmes qui doivent deviner, comparer, vérifier. Un dispositif qui n'est pas visible n'est pas utilisable.

Cet amendement vise donc simplement à mettre en valeur le BQP en rayon, en lien avec la collectivité. Aucune contrainte nouvelle, aucune obligation de surface, aucune complexité supplémentaire : juste de la lisibilité, juste l'accès réel au bénéfice attendu.

Parallèlement, des initiatives de production locale émergent, qui doivent être soutenues. Une filière d'œufs est en structuration, des projets de maraîchage vivrier se développent, de l'élevage extensif se met en place. Ces volumes ne remplacent pas aujourd'hui les importations, mais ils construisent une résilience, une souveraineté alimentaire progressive et adaptée à nos territoires.

La lutte contre la vie chère est indissociable du soutien à l'emploi. À Saint-Martin, la plupart des entreprises sont de petite, voire de très petite taille. Elles subissent des surcoûts logistiques de 25 % à 30 %, une dépendance totale aux importations et la concurrence directe de Sint Maarten.

La Lodéom compense ces handicaps ; fragiliser ses dispositions reviendrait à fragiliser l'emploi local et la cohésion sociale. On ne peut pas agir pour le pouvoir d'achat si l'on affaiblit en même temps les outils qui permettent d'investir, de produire et d'employer. Ces politiques doivent avancer ensemble.

Le présent texte pourra produire des effets réels s'il est mis en œuvre avec attention, au plus près des réalités territoriales, en tenant compte de la structure économique de chaque île, des contraintes logistiques et des équilibres locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Antoine applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes collègues ultramarins et moi-même partageons des problèmes communs et, surtout, les injustices que subissent nos populations.

Le combat contre la vie chère fait partie des engagements qui alimentent notre solidarité et notre force dans ces territoires oubliés de la République.

Le projet de loi élaboré par l'ancien ministre d'État Manuel Valls pour lutter contre la vie chère en outre-mer représente une certaine reconnaissance de la légitimité de nos revendications.

Toutefois, nous ne pourrons mesurer son efficacité que sur le terrain, dans nos territoires, et non pas dans cet hémicycle.

Nouveau sénateur – cela fait deux ans seulement que je siège dans cette assemblée –, je suis très étonné de constater que, si nous passons beaucoup de temps à élaborer des textes, nous n'en allouons pas assez au contrôle de leur efficacité sur le terrain.

Depuis le cyclone Chido, trois lois ont été votées pour la reconstruction de Mayotte, et je serai intraitable sur leur application. Je mesure très concrètement les résistances, voire les blocages d'administrations qui rechignent à rendre des comptes sur l'application des textes votés par le Parlement. Comment voulez-vous que nos populations aient confiance en leurs élus, si les engagements contenus dans les lois restent lettre morte ?

Je serai, de la même manière, très vigilant quant à l'application de ce texte contre la vie chère dans mon territoire. Je m'inquiète déjà des moyens qui seront déployés sur le terrain par les administrations de l'État pour faire appliquer ces nouvelles dispositions. Je constate la faiblesse des moyens des administrations déconcentrées sur nos territoires et je suis très pessimiste pour la suite.

À Mayotte, le taux de pauvreté est le plus élevé de la République – 77 % selon l'Insee – et la question de la vie chère se pose de manière cruciale. Forcément, Chido n'a rien arrangé. Au contraire, les prix explosent dans certains secteurs : les matériaux de construction, mais aussi les produits de tous les jours… S'y ajoute le fait que notre agriculture a été ravagée par le cyclone, et que les fruits et légumes produits sur place vont manquer.

Pour compléter ce tableau, la crise de l'eau que nous subissons depuis des années maintenant oblige les ménages à acheter de l'eau en bouteille et à investir, dans leurs maisons, dans des dispositifs de récupération et de stockage de l'eau, devenue une denrée très précieuse. On peut donc comprendre l'étonnement de la population de mon archipel quand elle a appris dans la presse que les bouteilles d'eau stockées dans des conteneurs par la préfecture seraient vendues, alors qu'elles étaient destinées à être distribuées à la population.

Face à ces crises majeures qui s'accumulent sur nos territoires, les populations des outre-mer n'en peuvent plus.

La question de la vie chère prend donc une nouvelle dimension à Mayotte, mais elle demeure une priorité des habitants de tous nos outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Permettez-moi d'abord, madame la ministre, de vous souhaiter, en toute sororité, la bienvenue au ministère de la rue Oudinot.

Nous examinons aujourd'hui ce que j'ai appelé un projet de loi « extincteur ». En effet, souvenons-nous : au dernier trimestre de 2024, la Martinique se retrouvait à feu et à sang. Un ministre arrive ; très légitimement, et certainement en toute bonne foi, il dégaine une réponse, pensant ainsi calmer les feux, au propre comme au figuré. Mais, malheureusement, notre situation est telle que ce texte ne permettra pas de la changer.

J'aurai à cet instant, si vous me le permettez, une pensée toute particulière pour ces centaines d'entreprises qui se sont retrouvées pillées, incendiées, démolies, et pour les milliers de travailleurs qui ont, de ce fait, perdu leur emploi.

Ce texte a été conçu et élaboré à partir d'un mauvais diagnostic. Certes, quelques constats sont justes ; certains ont été rappelés aujourd'hui. Mais ce diagnostic est surtout fait d'a priori, d'idées préconçues qui, une fois de plus – pardonnez-moi de vous le dire ainsi, madame la ministre –, entretiennent le déni, un écran de fumée confortable qui, sur nos territoires, renvoie tous les acteurs dos à dos.

C'est un texte d'hypercoercition ! Voyez-vous, ce qu'il me rappelle, c'est la visite que j'ai faite, avec plusieurs collègues, aux îles du Salut – le bagne. C'est comme si l'on voulait enfermer sur ces îles les profiteurs et les soutireurs, tous ceux qui abusent du consommateur, mais seulement ceux de nos territoires. N'y en aurait-il pas en Île-de-France, n'y en aurait-il pas à Marseille ou dans les Ardennes ? Non, il n'y en a nulle part, faudrait-il croire, car ils sont tous concentrés chez nous !

Dix ministres se sont succédé, mais ce sont toujours les mêmes discours que j'entends, les mêmes mots, les mêmes intentions, les mêmes recettes homéopathiques, les mêmes écrans de fumée qui, je le redis, nous renvoient dos à dos. Dix ministres, mais toujours les mêmes expressions, et des intentions toujours aussi molles.

Ce texte accumule contrôle sur contrôle ; c'est une surenchère de contrôle, une surproduction de surcontrôle ! Mais avec quels moyens, quand on sait que tous les services de l'État ont été drastiquement rabotés ? Je constate, madame la ministre, une absence totale de mesures qui compenseraient les surcoûts objectifs d'éloignement. On est bien loin de la jurisprudence corse – permettez-moi à cet égard de vous conseiller la lecture de l'excellent rapport que Guillaume Chevrollier et moi-même avons rendu sur la continuité territoriale outre-mer, dont vous feriez bien de vous inspirer ! La Corse toute proche se voit octroyer 187 millions d'euros ; mais pour nous, pas un kopeck, alors que ces surcoûts sont objectifs !

Et quid, madame la ministre, de ces mesures sans ambition, voire inexistantes, pour la production locale ? J'ai à cet égard une pensée pour les petits planteurs de canne, pour les producteurs qui aujourd'hui n'ont pas un lieu pour écouler leurs marchandises de producteur à consommateur.

Vendredi, je rentrerai dans mon pays, tête et profil bas. Mais comme je suis une femme d'ouverture, madame la ministre, je me tiendrai à votre disposition pour qu'on puisse enfin se mettre autour de la table et faire ce qui aurait dû être fait depuis longtemps : mettre en œuvre de vraies dispositions pour les pays dits d'outre-mer et engager de la sorte, enfin, un vrai programme de développement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Beaucoup de choses ont été dites au cours de cette discussion générale ; un certain nombre de sujets seront de nouveau l'objet du débat au fil de l'examen des nombreux amendements déposés sur ce texte.

Je veux d'abord remercier ceux qui apportent leur soutien, fût-il timide, à ce projet de loi, mais aussi ceux qui tendent la main pour continuer à approfondir le travail. Oui, je ne m'en cache pas, le chantier est considérable.

Le présent projet de loi ne réglera pas tout, vous avez été plusieurs à le dire, et moi-même auparavant. Nous aurons l'occasion de nous retrouver autour de ces sujets. Mais ce projet de loi a au moins le mérite de s'attaquer aux problèmes du pouvoir d'achat et des prix.

Vous avez été plusieurs, Mme la rapporteure au premier chef, à aborder la question des revenus. Elle est certes cruciale, mais ce texte porte sur des matières économiques, relatives notamment à la concurrence ; il ne s'inscrit pas, et ce par choix, dans le champ social et budgétaire. Je le dis d'autant plus volontiers que je suis de ceux qui veulent se battre sur la question des revenus, j'ai toujours dit que des revenus trop bas nous coûtaient trop cher et je soutiendrai donc volontiers ce que le Gouvernement proposera en la matière, si le temps le permet.

Mais ce texte permet à tout le moins, dans l'immédiat, de discuter de la question des prix, avant que nous puissions, à plus long terme, nous attaquer aux problèmes des revenus et du développement économique dans les territoires d'outre-mer. Dans ce dernier domaine, d'ailleurs, le titre IV du projet de loi permet de faire un premier pas. En outre, vous n'ignorez pas qu'une circulaire a été envoyée aux préfets pour que les acteurs locaux puissent s'emparer de ce sujet. Il n'est pas question que, en cette matière comme en d'autres, l'État impose quoi que ce soit aux divers territoires ; vous me l'auriez reproché à juste titre.

L'intégration régionale, j'en conviens également, ne figure pas dans ce projet de loi. C'était impossible, car cette matière ne relève pas du domaine législatif ; ce travail s'effectue au niveau du secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui s'y consacre réellement. Un projet de règlement européen est à l'étude, qui nous permettra d'avancer sur ce sujet, mais aussi sur l'octroi de mer.

Cet autre sujet majeur revient souvent sur la table, mais il relève du projet de loi de finances ; je ne puis donc avancer dans ce domaine sans concertation préalable. Je ne suis à ce poste que depuis peu de temps, mais je compte bien me saisir du sujet. Là aussi, je vois dans cette situation une invitation à discuter des à-côtés dans le cadre des débats budgétaires qui s'amorceront bientôt dans cet hémicycle. Pour ma part, je continue de recevoir des parlementaires pour avancer sur ces sujets.

Je veux, avant l'examen des amendements, apporter quelques réponses rapides à plusieurs de vos interrogations. Monsieur le rapporteur Buval, concernant le protocole martiniquais, vous savez que l'État a tenu ses engagements, notamment pour ce qui est de la baisse de la TVA sur les familles de produits qui figuraient dans cet accord. Selon la DGCCRF, en juillet 2025, cette mesure et celle sur l'octroi de mer ont, combinées, abouti à une baisse d'un peu plus de 10 % du prix de ces 6 000 produits. Le mécanisme de péréquation que le Gouvernement propose à l'article 5 de ce texte prolonge ce dispositif et permettra d'avancer encore. Nous en reparlerons, mais vous pouvez constater que nous respectons les termes du protocole.

Madame Malet, vous avez évoqué le BQP. Celui-ci fonctionne très bien, nous sommes satisfaits de ce qu'il produit à La Réunion. Le BQP a l'avantage de la souplesse, qualité que nous voulons absolument préserver, car je crains qu'y introduire de la rigidité ne soit contre-productif.

Cependant, je suis d'accord avec vous : il est vrai que cet outil de lutte contre la vie chère doit aussi permettre d'encourager l'économie locale. Cet aspect n'a sans doute pas encore été assez développé. Il s'agit pourtant d'un enjeu économique tout autant que de souveraineté alimentaire. Il faut continuer à y travailler ensemble.

Madame Bélim, là encore, je le concède, faire baisser les coûts de la construction constitue l'un des leviers d'action majeurs. Je travaille d'ores et déjà à la rédaction du décret d'application de la loi dont vous avez été à l'initiative, notamment pour tout ce qui concerne les matériaux environnementaux, puisque c'est la question majeure, et les environnements régionaux. Je m'engage à faire en sorte qu'il soit publié avant la fin de l'année ; nous aurons donc l'occasion de discuter de ses premières moutures.

Voilà les quelques points sur lesquels je souhaitais revenir. Je m'en tiens là, monsieur le président, au risque d'aborder toutes les dispositions de ce texte.

Mon approche est bienveillante, car je sais aussi les écueils de ce projet de loi qui n'embrasse pas tous les sujets, certes, mais qu'il faut voir comme une base de travail intéressante.

L'examen des amendements nous donnera l'occasion d'enrichir ce texte. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère que vous le voterez in fine, parce que vous aurez adopté un certain nombre d'amendements issus de votre assemblée, mais aussi parce que ce texte reprend un certain nombre des travaux que vous avez conduits. Nous voyons bien qu'une coconstruction est tout à fait possible.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer

TITRE Ier

AGIR POUR LE POUVOIR D'ACHAT ET COMPENSER LES EFFETS DE L'ÉLOIGNEMENT

Chapitre Ier

Baisser les prix par un renforcement des dispositifs de lutte contre la vie chère

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Article 1er

Avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 119, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et M. Xowie, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 910-1-A du code de commerce, après les deux occurrences du mot : « revenus », sont insérés les mots : « et des loyers résidentiels et commerciaux ».

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce projet de loi appréhende les concitoyens ultramarins comme s'ils n'étaient que des consommateurs. Les Ultramarins se heurtent à la vie chère non seulement quand ils vont faire leurs courses, mais dans tous les moments de leur vie, en premier lieu lorsqu'ils doivent se loger.

La proportion de locataires est plus importante dans les outre-mer que dans l'Hexagone. Ainsi, on dénombre 40 % de locataires dans l'Hexagone, contre 54,7 % en Guadeloupe, 49,6 % en Guyane et 45,4 % à La Réunion, alors même que les prix des loyers sont plus élevés dans les outre-mer que dans l'Hexagone : +3 % en Martinique, +5 % en Guadeloupe et même +10 % en Guyane, selon l'Insee. Dans la mesure où les revenus y sont les plus faibles de France, le logement représente un poste de dépense bien plus important pour les ménages dans les outre-mer.

Pour de nombreuses familles, il est tout simplement impossible de payer son loyer à la fin du mois, comme le montre le chiffre record des impayés. En 2023, 7 800 impayés ont fait l'objet d'un signalement à la caisse d'allocations familiales de La Réunion. Il est donc urgent de mieux surveiller le coût des loyers.

C'est pourquoi cet amendement vise à étendre les compétences des observatoires des prix, des marges et des revenus, en y intégrant le niveau des loyers résidentiels et commerciaux, pour que ces organismes puissent fournir une information régulière sur leur évolution. C'est nécessaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à confier aux observatoires des prix, des marges et des revenus une nouvelle mission de suivi des loyers résidentiels et commerciaux.

S'il est vrai que la vie chère outre-mer n'épargne pas les loyers, il n'est pas pertinent de confier cette nouvelle mission aux OPMR, qui sont déjà chargés d'analyser le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et qui, de plus, sont sous-dotés, comme l'a souligné Akli Mellouli.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement qui paraît satisfait.

En effet, le suivi des loyers résidentiels et commerciaux fait déjà partie des compétences des OPMR et des questions dont ils peuvent se saisir, puisque cela concerne les prix payés par les consommateurs ou les marges des entreprises. Par ailleurs, concernant les loyers résidentiels eux-mêmes, il appartient aux observatoires locaux des loyers d'observer au mieux les marchés locatifs locaux et d'informer en toute transparence les citoyens.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Notre collègue a soulevé un point majeur.

La surveillance des loyers est particulièrement importante en outre-mer. Pour autant, confier cette nouvelle compétence à des organismes sous-dotés ne me semble pas la bonne solution. Madame la ministre, il faudrait créer de véritables observatoires de surveillance des loyers en outre-mer, surtout afin de vérifier l'encadrement des loyers.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mon intention, dans la discussion générale comme lors de la présentation de cet amendement, était de souligner que, quand on habite en outre-mer, on est confronté à la vie chère pas seulement quand on consomme de l'alimentaire ou que l'on doit payer son loyer : les familles doivent gérer des budgets de plus en plus restreints.

Le travail ne paie pas. Nous allons au-devant d'une année de gel budgétaire, il est donc important d'envisager le problème de la vie chère de façon globale. Il n'y a pas de contradiction à parler à la fois des loyers et des prix de l'alimentation.

Quant à savoir si les OPMR sont suffisamment dotés ou non, ce n'est pas l'objet de ce projet de loi !

Cet amendement vise à considérer à la fois la charge des loyers et la charge des produits alimentaires. En quoi est-ce une difficulté ? N'est-on touché par la vie chère que lorsque l'on consomme des produits alimentaires ? (Mme la ministre fait un signe de dénégation.)

Les mères et les pères de famille sont confrontés au problème de la vie chère et quand ils doivent s'acquitter de leur loyer et quand ils doivent nourrir leur famille. Cet amendement a pour objectif de lier les deux paramètres et d'éviter d'avoir plusieurs opérateurs qui dresseraient le même constat. Les coûts sont structurels. C'est tout un système qu'il faut déconstruire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 1er
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Après l'article 1er

Article 1er

(Supprimé)

Article 1er
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Article 2

Après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Blatrix Contat, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Conway-Mouret, Le Houerou et Matray, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le VII de l'article 1er de la loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation est abrogé.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Je commencerai par formuler quelques remarques sur la philosophie générale de ce texte.

Madame la ministre, même si elle a été présentée par Manuel Valls, cette loi portera votre nom. Elle a été vidée de son article 1er, des ordonnances habilitant le Gouvernement à légiférer, des dispositions relatives au e-hub : il n'y a plus rien.

Ce texte est structuré autour de trois principes – budget constant, financement par péréquation, financement par compensation –, qui en fait n'en forment qu'un. Pas un kopeck de l'État, pas de solidarité nationale. Et que dire du projet de loi de finances ? C'est un massacre !

Madame la ministre, vous avez une chance historique. Pour ma part, cela fait presque vingt-cinq ans que je cours après des petits pas – la piecemeal policy de Kissinger – : je prends et j'engrange les petits pas. Vous n'aboutirez à un grand texte que si, sur les quelque 130 amendements qui ont été déposés, vous ne refusez pas ceux qui visent à corriger les dysfonctionnements structurels, par exemple les distorsions de concurrence, et pas seulement les dysfonctionnements du marché, qui, eux, sont conjoncturels. Contrairement à ce qu'a indiqué Viviane Malet, ce n'est pas qu'une question d'éloignement géographique.

Certains croient à la liberté. Je suis de ceux-là. Reste que, si c'est la liberté du renard libre dans le poulailler libre, vous obtiendrez les résultats que nous avons depuis soixante ans.

Il faut faire preuve de bienveillance, avez-vous déclaré, madame la ministre. J'attends votre avis sur l'amendement n° 28 rectifié. Il faut accepter des mesures structurelles, par exemple sur les marges arrière, sur les résiliations abusives, sur l'intégration, sur le gel d'enseignes pour tenir le marché. Bref, il faut de l'audace. Je vous y exhorte. On vous accompagnera.

M. le président. Le sous-amendement n° 151, présenté par Mme Bélim, est ainsi libellé :

Amendement n° 28 rectifié, alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, excepté à La Réunion

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Ce sous-amendement, demandé par les filières, tend à conserver le calendrier actuel des négociations commerciales visées à La Réunion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. L'amendement n° 28 rectifié vise à avancer la date des négociations commerciales dans les outre-mer, exclus de l'avancement prévu par l'article 1er de la loi du 17 novembre 2023 portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation.

L'objectif de faire bénéficier les consommateurs au plus tôt des éventuelles baisses de prix – dès le mois de janvier au lieu du mois de mars – est louable, mais il convient de faire preuve de réalisme quant à la capacité des acteurs économiques à accélérer leurs négociations. Les arguments favorables et défavorables s'équilibrent. C'est pourquoi, sur cet amendement, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

En revanche, il paraît difficile d'abroger une disposition, à l'exception d'un territoire. Dans ces conditions, pourquoi ne pas maintenir le calendrier des négociations commerciales dans les autres collectivités ultramarines ? C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 151, qui vise à introduire une mesure dont il est difficile de mesurer l'impact.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. L'amendement n° 28 rectifié me pose difficulté. En effet, si le cycle de négociations a été avancé en 2024, dans un contexte d'inflation particulier, ce dispositif n'est plus en vigueur aujourd'hui et les dates de négociations à l'échelon national sont de nouveau fixées du 1er décembre au 1er mars. Par conséquent, cette disposition est inopérante.

Qui plus est, il y a un risque. Si les négociations à l'échelon national se révèlent plus favorables que celles qui auront été menées et achevées par anticipation outre-mer, les outre-mer ne pourront en bénéficier, car elles ne pourront y être intégrées.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable. Pour autant, ce n'est pas une porte fermée : j'ai bien entendu vos propos, monsieur le sénateur, et, sur d'autres amendements, j'aurai l'occasion d'avoir des positions bienveillantes.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Je remercie la commission, qui a compris pourquoi nous avions déposé des amendements de suppression de l'article 1er. Il était logique que cet article ne soit pas maintenu, quand bien même il faisait la démonstration que les frais de transport et les frais logistiques obéraient énormément le prix de revient, puisqu'il s'agissait de les exclure du calcul du seuil de revente à perte (SRP) de manière à faire diminuer les prix à la vente. On mesure combien les frais de transport incompressibles pèsent sur le prix de vente aux consommateurs.

L'article 1er n'avait rien à faire dans ce projet de loi. Il aurait plongé le petit commerce dans le désarroi, puisque les grandes surfaces auraient ainsi vendu leurs produits beaucoup moins cher que les commerces de proximité. Dans de petites économies comme celles-là, tout se tient !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Ma collègue Audrey Bélim a déposé le sous-amendement n° 151 pour conserver le calendrier de négociations actuel qui, je le rappelle, concerne exclusivement le bouclier qualité prix (BQP).

L'amendement n° 28 rectifié visait à avancer ce calendrier de deux mois afin que le préfet ait une date butoir pour conclure les négociations. Ce faisant, il s'agissait de s'aligner sur les dispositions de la loi Égalim sur la formation des prix et des marges, aux termes desquelles la date butoir était fixée au 15 janvier pour les très petites entreprises et au 31 janvier pour les industries, pour profiter de la dynamique nationale des négociations sur l'alimentaire et l'agroalimentaire. En effet, les arrêtés préfectoraux sur le BQP sont publiés entre les mois de juin et de juillet, soit six mois après.

Profitons de ce qui émane des négociations nationales pour que les industriels, les commerçants et les opérateurs le répercutent. Six mois après, tout le monde les a oubliées et l'on ne profite pas de cette dynamique.

Néanmoins, pour préserver la paix au sein du groupe SER, je retire l'amendement n° 28 rectifié. Je reviendrai à la charge lors de l'examen de l'amendement n° 74, qui vise à demander au préfet de fixer la date butoir de négociations pour le BQP au plus tard au 31 mars.

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 151 n'a plus d'objet.

Après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Après l'article 2

Article 2

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L'article L. 410-5 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, le représentant de l'État, assisté de l'observatoire des prix, des marges et des revenus territorialement compétent, réunit chaque année les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail à prédominance alimentaire, les principales entreprises de ce secteur et leurs principaux fournisseurs, qu'ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, ainsi que les entreprises de fret maritime et les transitaires, en vue de négocier un accord de modération du prix global d'une liste de produits de grande consommation établie en prenant en compte les impératifs de santé publique et de promotion des produits locaux. Les entreprises du secteur du commerce de détail à prédominance alimentaire et leurs fournisseurs qui en font la demande participent également à la négociation.

« Cet accord vise à réduire l'écart de prix entre les produits figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa et les produits équivalents commercialisés en France hexagonale. Il précise, le cas échéant, les engagements ou obligations des fournisseurs ou des entreprises de transport. Il peut prévoir une liste de produits et un prix global différents en fonction de la surface commerciale. Il peut également autoriser les magasins d'une surface commerciale inférieure à un seuil déterminé par la négociation à dépasser le prix global dans la limite de 5 %.

« Le président de la collectivité exerçant les compétences de la région ou, à Wallis-et-Futuna, le président de l'assemblée territoriale, est associé aux négociations.

« Le représentant de l'État peut inviter les associations de consommateurs mentionnées à l'article L. 621-1 du code de la consommation à assister à ces négociations.

« Le représentant de l'État négocie également chaque année, selon les mêmes modalités, avec les organisations professionnelles et les principales entreprises concernées, des accords de modération du prix global portant sur une liste de services.

« En cas de réussite des négociations, l'accord est signé par les parties et homologué par arrêté du représentant de l'État. Les entreprises n'ayant pas participé à la négociation ou n'ayant pas signé l'accord peuvent y adhérer après son homologation. » ;

b) Les III à V sont remplacés par des III à VII ainsi rédigés :

« III. – Un arrêté du représentant de l'État rend publique la liste des organisations professionnelles et des entreprises mentionnées au premier alinéa du I du présent article.

« Les organisations professionnelles et les entreprises n'ayant pas signé l'accord ou n'y ayant pas adhéré publient, chacune en ce qui la concerne, cette information selon des modalités précisées par décret.

« IV. – Le non-respect de l'accord prévu au I par une entreprise l'ayant signé ou y ayant adhéré est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Ces sanctions sont prononcées dans les conditions prévues à l'article L. 470-2. Le non-respect de l'arrêté mentionné au II du présent article par une entreprise appartenant au secteur d'activité dans lequel il s'applique est passible des mêmes sanctions.

« V. – Le prix global de la liste mentionnée au I, tel qu'il est pratiqué, est affiché dans les conditions prévues par un arrêté pris en application de l'article L. 112-1 du code de la consommation.

« VI. – Tout manquement au deuxième alinéa du III du présent article est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Ces sanctions sont prononcées dans les conditions prévues à l'article L. 470-2.

« VII. – Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. » ;

2° Au premier alinéa du I de l'article L. 470-1, les mots : « obligations prévues au titre IV » sont remplacés par les mots : « obligations mentionnées aux titres I et IV ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Blatrix Contat, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Conway-Mouret, Le Houerou et Matray, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

, assisté de

par le mot :

et

et le mot :

, réunit

par le mot :

réunissent

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s'agit de rendre impérative la présence de l'observatoire des prix, des marges et des revenus aux côtés du préfet.

M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Après le mot :

compétent

insérer les mots :

et de l'agence régionale de santé

II. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

peut inviter

par le mot :

invite

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. La vie chère a un impact sur notre santé.

Il s'agit donc de renforcer la qualité nutritionnelle des produits du bouclier qualité prix et, pour ce faire, de reprendre la préconisation du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui consiste à avoir un avis préalable de l'agence régionale de santé sur la liste des produits retenus pour la négociation annuelle du panier BQP.

En effet, la qualité nutritionnelle des produits alimentaires est un enjeu de santé publique. Il faut des fruits, des légumes frais, des produits diversifiés, équilibrés d'un point de vue nutritionnel, peu gras et peu sucrés. Une telle composition du panier BQP est nécessaire dans un contexte où les territoires ultramarins affichent des taux d'obésité et de diabète supérieurs à ceux de l'Hexagone. Dans les Drom, la prévalence du diabète est deux fois supérieure à celle qui est relevée dans l'Hexagone.

C'est là une préconisation de bon sens. C'est la raison pour laquelle j'attends que nous votions cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peut inviter

par le mot :

invite

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement est défendu, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements en discussion commune.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° 29 rectifié. J'y suis favorable, puisque la disposition qu'il tend à introduire va dans le sens d'une meilleure implication des OPMR, mais il y a un problème de rédaction.

Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 117 au profit de l'amendement n° 79, sur lequel il émet également un avis favorable. En effet, son adoption permettra que les associations de consommateurs soient systématiquement conviées. En revanche, il n'est pas nécessaire que les agences régionales de santé le soient, puisque les préfets pourront les saisir autant que de besoin.

M. le président. Madame Corbière Naminzo, l'amendement n° 117 est-il maintenu ?

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

L'agence régionale de santé n'est pas une association de consommateurs : elle doit émettre un avis sur l'ensemble des produits formant le BQP et pas seulement le faire ponctuellement, parce qu'elle aura été saisie par le préfet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

réunit

insérer les mots :

avant le 31 mars de

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. J'ai déjà exposé l'essentiel de l'économie du texte.

On n'a pas trouvé d'accord pour coller à la dynamique nationale des négociations entre l'industrie agroalimentaire et les fournisseurs. Pourtant, les négociations ne peuvent pas durer six mois et les arrêtés préfectoraux être publiés au mois de juillet, comme c'est le cas dans certains territoires.

L'adoption de cet amendement permettra de fixer une date butoir, à savoir le 31 mars. À l'instar de ce que peut faire le ministre dans l'Hexagone, après deux ou trois mois, le préfet arrête les négociations et publie les arrêtés de prix, lesquels deviennent exécutoires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'imposer aux préfets d'engager chaque année les négociations sur le BQP avant le 31 mars.

Une telle disposition pourrait rigidifier le processus de négociation, surtout si les éventuelles enquêtes de l'OPMR sur le BQP n'ont pas encore été rendues à cette date.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je n'étais pas favorable tout à l'heure à modifier le calendrier des négociations annuelles commerciales. En revanche, je suis favorable à fixer la date butoir qui est ici proposée pour le BQP. Cela permettra aux négociations de se dérouler rapidement, ce qui va dans le bon sens.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 75, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer (deux fois) les mots :

à prédominance alimentaire

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s'agit de ne pas restreindre le champ de la négociation au seul secteur du commerce de détail à prédominance alimentaire, mais au contraire de l'élargir.

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Première phrase :

Supprimer le mot :

principales

et le mot :

principaux

2° Seconde phrase :

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement est défendu, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le BQP est un dispositif visant à modérer le prix global d'une liste de produits de grande consommation. Le cœur de la problématique de la vie chère en outre-mer repose sur l'écart des prix alimentaires avec la France hexagonale : +40 % en Martinique ou en Guadeloupe.

C'est la raison pour laquelle il semble pertinent de conserver l'orientation de ce dispositif en direction du commerce à prédominance alimentaire et de ne pas l'étendre davantage, ce qui pourrait constituer une restriction trop importante à la liberté du commerce et de l'industrie.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n° 75.

L'amendement n° 76 vise à étendre à toutes les entreprises du commerce de détail à prédominance alimentaire et à tous leurs fournisseurs l'obligation de participer aux négociations du BQP.

C'est en réponse à une remarque du Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, que la négociation a été restreinte aux principales entreprises de ce secteur et à leurs principaux fournisseurs. Les arguments pratiques évoqués paraissent toujours valables, sachant que l'article 2 prévoit que toute entreprise en faisant la demande pourra participer à la négociation.

C'est pourquoi la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. La disposition que tend à introduire l'amendement n° 75 va dans le bon sens. Le Gouvernement soutient le BQP et a pour ambition d'étendre ce dispositif aux autres biens et services. Il émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 75.

En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 76. Son adoption reviendrait en effet à imposer aux préfets d'associer toutes les entreprises, ce qui risque de rigidifier la procédure, notamment de fragiliser le dispositif de sanctions.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Au regard des observations que vient de formuler Mme la ministre, je retire l'amendement n° 76. En revanche, je maintiens l'amendement n° 75, qui vise à étendre le périmètre et à ne pas cantonner le champ de la négociation au seul secteur du commerce de détail à prédominance alimentaire.

Je rappelle qu'il y aura deux négociations : une première négociation sur le BQP, qui concerne les produits de première nécessité ou de grande consommation et, si nous nous accordons sur l'amendement déposé par le groupe GEST, une seconde négociation sur les services, notamment les services culturels.

M. le président. L'amendement n° 76 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

grande consommation

insérer les mots :

comprenant des produits de première nécessité,

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il existe une définition juridique des produits de grande consommation. En revanche, il n'existe pas de définition juridique des produits de première nécessité. Normalement, les produits de grande consommation englobent dans un sous-ensemble les produits de première nécessité.

Pour éviter des problèmes et des effets de bord, nous proposons d'intégrer les produits de première nécessité dans le grand ensemble que sont les produits de grande consommation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Le BQP est conçu pour modérer les prix des produits de grande consommation, qui sont définis par le code de commerce comme des « produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation ».

Il n'existe pas de définition juridique des produits de première nécessité, mais on voit bien que les produits alimentaires ou d'hygiène constituent des produits de grande consommation et sont donc couverts par le BQP.

L'amendement semble donc satisfait. C'est la raison pour laquelle la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je comprends bien le sens de cet amendement. Pour autant, la notion de produit de première nécessité n'est pas circonscrite juridiquement. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle n'a pas été retenue dans le projet de loi : elle risquait de fragiliser tout le dispositif en question.

Néanmoins, au nom du Gouvernement, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée. Même imprécise, la rédaction de cet amendement a l'avantage de souligner l'objectif important du dispositif du BQP.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. En réponse à notre excellente et estimée rapporteure, je précise que la liste des produits de première nécessité est déjà fixée par décret.

En revanche, dans les codes, la différence entre produits de grande consommation et produits de première nécessité est floue. Or nous ne parlons pas ici d'ensembles flous, comme en mathématiques, ou d'éléments indéfinissables. C'est donc pour nous rassurer que nous demandons que les deux périmètres figurent dans le texte.

Pour cette raison, je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

1° Remplacer la dernière occurrence du mot :

et

par le signe :

,

2° Compléter cette phrase par les mots :

, de la qualité des produits, de leurs conditions de production et de commercialisation et leurs performances en matière de protection de l'environnement et de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Le texte de la commission prévoit que la liste des produits composant le BQP doit intégrer des produits locaux afin d'en faire la promotion et de favoriser leur meilleure éligibilité dans les circuits courts.

Je rappelle que nous avons modifié le code de la commande publique. J'ai pris ma part à ce travail. Sans parler de protectionnisme ou même de protection, on peut donner un léger avantage compétitif aux produits locaux lorsque leur production émet peu de gaz à effet de serre, à condition qu'il s'agisse bien de produits de proximité. Cette disposition a été acceptée. Au lieu de faire venir les produits par avion, on les fait livrer par voiture. On peut ainsi alimenter les hôpitaux, les Ehpad, les maisons de retraite, les cantines scolaires. Tout dépend du coefficient de pondération inscrit dans le cahier des charges.

Le présent amendement participe de la même philosophie : il vise à promouvoir les produits locaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer davantage les conditions d'élaboration de la liste des produits composant le BQP.

Même si nous comprenons mal le parallèle que font les auteurs de l'amendement avec l'attribution des marchés publics, nous partageons leur volonté d'offrir aux consommateurs ultramarins des produits de qualité dans le cadre du BQP. C'est pourquoi le texte de la commission prévoit que la liste est « établie en prenant en compte les impératifs de santé publique et de promotion des produits locaux » de chaque territoire.

Toutefois, il convient de ne pas ajouter de critères supplémentaires, qui pourraient avoir pour conséquence de renchérir les prix des produits. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement est intéressant, car son adoption permettra d'attirer l'attention des négociateurs sur les éléments à prendre en compte, tout en leur laissant la possibilité et la sagesse d'arbitrer entre des critères, lesquels ne sont d'ailleurs pas toujours convergents. Cela leur donnera donc une latitude objectivement intéressante.

De plus, nous conservons l'objectif de modération des prix, qui est l'objectif principal du BQP. Je suis donc favorable à l'évolution que vous proposez.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Il s'agit non pas d'introduire dans le texte les dispositions relatives aux marchés publics, mais de les prendre pour modèle.

Il est ici question d'éligibilité, laquelle s'inscrit dans un continuum politique et économique. Nous disons qu'il existe une façon de respecter la législation française et européenne, tout en favorisant les productions locales. Nous ne créons pas de la confusion pour faire adopter l'amendement…

Si vous ne voulez pas défendre la production locale, je le comprendrai, mais j'aurai du mal à l'approuver.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 120, présenté par MM. Salmon et Mellouli, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il intègre une part minimale de produits locaux définie en fonction des capacités de production du territoire.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Le texte issu de la commission prévoit que l'élaboration de la liste des produits qui composent le BQP doit prendre en compte, outre les impératifs de santé publique, celui de promotion des produits locaux.

Par cet amendement, nous souhaitons renforcer cette mesure. Il tend à prévoir que l'accord doit intégrer une part de produits locaux dans le bouclier qualité prix. Cette part est nécessairement variable en fonction des caractéristiques du marché local et du potentiel de production du territoire. Cette disposition est déjà en vigueur, en principe, depuis le décret du 29 juillet 2025.

Considérant l'importance que revêt le soutien à l'économie et à la production, en particulier alimentaire, dans les outre-mer, il serait bien utile de mieux prendre en compte cet enjeu et d'inscrire dans le code de commerce que le bouclier qualité prix doit comprendre des produits locaux.

Réserver une part d'approvisionnement local dans les produits vendus en supermarché constitue un levier pertinent pour soutenir la production alimentaire locale au bénéfice des consommateurs. En outre, une telle disposition donnerait plus de perspectives aux producteurs.

En augmentant le nombre de produits locaux commercialisés dont le prix n'est pas affecté par les surcoûts liés à l'importation, cette mesure doit soutenir l'économie locale et faire diminuer les prix de produits essentiels.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement nous semble satisfait par l'ajout en commission de l'impératif de promotion des produits locaux lors de l'élaboration de la liste des produits composant le BQP et par les dispositions du décret du 26 décembre 2012, qui a été complété en juillet dernier pour préciser que la négociation du BQP doit porter notamment sur la « part de produits issus de la production locale ».

Il s'agit bien d'un enjeu majeur pour les économies ultramarines. Le BQP peut être un levier de soutien décisif aux producteurs locaux. C'est pourquoi la commission a déjà agi sur le sujet. En conséquence, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. La présence de produits locaux dans le BQP peut favoriser au développement de leur production, comme cela a été observé à La Réunion. La production locale est un vecteur de développement des territoires. Elle peut donc accroître effectivement et directement le pouvoir d'achat des Ultramarins.

La part minimale de ces produits est fixée non pas arbitrairement, mais en fonction des capacités de production du territoire. Elle sera donc de fait soumise à l'appréciation du représentant de l'État, ainsi qu'à la négociation.

Cet amendement coche toutes les cases, monsieur le président, le Gouvernement y est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je vous remercie, madame la ministre, de votre soutien.

Les produits locaux, nous l'avons bien vu, sont bons pour l'économie des outre-mer et pour le pouvoir d'achat, car ce sont des produits bruts, donc moins chers. Ils sont également bons pour l'environnement, surtout quand ils sont cultivés en agriculture biologique. Enfin, nous le savons, le développement de ces produits est aussi une question de résilience pour ces territoires, mais également de fierté. Participer, au moins d'un point de vue alimentaire, à l'autonomie de ces territoires est un motif de fierté.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Attention à ce que ce ne soit pas là une fausse bonne idée !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Catherine Conconne. Je rappelle que produire localement coûte très cher et qu'il existe très peu – très peu ! – de mécanismes de compensation. Intégrer les produits locaux dans le BQP pourrait contraindre les producteurs à baisser leurs prix, c'est donc une fausse bonne idée. Ils seront obligés, comme c'est déjà souvent le cas, de vendre leurs produits à des prix inférieurs à leur coût de production.

N'oublions pas non plus que nous sommes en situation de sous-production globalisée et que les producteurs n'ont pas de pertes. Aujourd'hui, tout ce qui se produit se vend sans aucune difficulté. Notre production locale couvre à peine 20 % de notre consommation locale.

Il faut donc se méfier des idées qui peuvent paraître géniales vues de Paris, mais qui ne le sont pas du tout une fois que l'on atterrit dans des territoires éloignés, qui subissent déjà des surcoûts pour les intrants, pour la production et tout le reste. (Très bien ! au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Si nous partons du postulat qu'il ne faut rien faire, au motif, par exemple, que l'OPMR n'a pas de moyens, nous pouvons rentrer chez nous ! Idem, si nous partons du postulat que, en matière agricole, nous ne pouvons rien faire, nous pouvons rentrer chez nous !

Nous parlons ici de produits de substitution aux produits importés. Tel est le véritable enjeu. Si nous ne faisons rien, nous ne développerons rien. Il faut cesser de dire que nous proposons de fausses bonnes idées.

Nous n'avons pas parlé des prix, lesquels sont déterminés lors de négociations. La cherté des produits résulte du coût du transport.

Travailler sur la substitution des produits locaux agricoles est une bonne idée, pas une mauvaise. Nous ne sommes pas ici pour débattre des moyens, nous le ferons lors de l'examen du projet de loi de finances. Pour notre part, nous pensons qu'il faut accompagner les filières agricoles de nos territoires ultramarins.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer le mot :

principales

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, le Conseil d'État ayant indiqué que la suppression du mot « principales » contraindrait à négocier avec un trop grand nombre d'interlocuteurs et de partenaires, ce qui poserait des difficultés.

Pour ma part, j'ai participé aux négociations sur les accords de modération des prix, je n'ai jamais rencontré de difficultés. En revanche, le mot « principales » est fragile juridiquement.

Je suis d'accord pour laisser quelque liberté au préfet, mais je préfère une obligation à une faculté. Ainsi, à la formulation « le représentant de l'État peut inviter les associations de consommateurs », je préfère : « le représentant de l'État invite ».

Combien y a-t-il d'entreprises principales à dominante alimentaire ? Très peu, elles sont sept ou huit, une dizaine tout au plus, à dépasser une certaine taille ou le seuil de cinquante salariés. Il appartient au préfet d'apprécier celles qui peuvent participer aux négociations. À Mayotte, par exemple, il est assez rare qu'une entreprise dispose d'une surface supérieure à 350 mètres carrés. Le seuil fixé étant trop élevé, il est impossible de contrôler quoi que ce soit.

Le présent amendement de bon sens vise à laisser au préfet la possibilité d'inviter les acteurs qui peuvent peser dans une zone de chalandise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je tiens à rappeler que la commission a rendu obligatoire la négociation annuelle d'un BQP services, qui n'était que facultative dans le projet de loi initial.

Il nous semble qu'il ne faut pas ici mobiliser tous les acteurs économiques, sachant que toute entreprise n'ayant pas participé à la négociation du BQP peut y adhérer volontairement ensuite.

Plus il y aura de monde autour de la table de négociations, plus il sera difficile de parvenir à un consensus. Il faut faire attention aux éventuels effets de bord. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. La participation de l'ensemble des entreprises pourrait fragiliser le dispositif. Il ne me semble pas réaliste de l'envisager. Je préfère que nous laissions l'organisation de la négociation à la main du représentant de l'État. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

J'en profite, monsieur le président, pour dire un mot sur l'amendement précédent et ainsi répondre à Mme Conconne. Vous m'avez reproché, madame la sénatrice, de ne pas aller assez loin en matière de développement économique. Or cet amendement offrait aussi l'occasion de développer l'économie locale et les filières. Il aurait pu avoir un effet inflationniste à court terme, mais également accroître le pouvoir d'achat et favoriser l'emploi dans les territoires. Vous me le reprochez tout autant.

Mme Catherine Conconne. Vous prenez tout à l'envers !

M. Victorin Lurel. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 149, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

comprenant notamment les services de télécommunication et l'entretien automobile

La parole est à M. le rapporteur.

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser les services qui devront faire l'objet chaque année, dans les collectivités ultramarines, d'une négociation en vue de l'élaboration d'un bouclier qualité prix.

S'il est proposé de laisser aux préfets une grande marge d'appréciation pour déterminer les services qui répondent le plus aux besoins essentiels de la population, il apparaît nécessaire d'en faire figurer deux dans la loi, qui renvoient à des problématiques communes à l'ensemble des collectivités d'outre-mer.

Il s'agit, d'une part, de l'entretien automobile, alors que l'usage de la voiture est indispensable au quotidien dans ces collectivités et que ce secteur économique est dominé par un nombre réduit de grands acteurs, et, d'autre part, des télécommunications – la téléphonie mobile et internet –, qui n'ont pas connu ces deux dernières années la même baisse de prix que dans l'Hexagone.

M. le président. L'amendement n° 81, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette liste inclut notamment des offres d'équipement et d'abonnement téléphoniques et internet et des prestations de réparation ou de remplacement réalisées par des garages ou équipementiers automobiles.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Ayant été attentif aux amendements déposés par mes collègues écologistes sur les services culturels, je pense qu'il faudra élargir la liste des services inclus dans le BQP.

J'ai compris que la négociation du BQP porterait sur l'alimentaire, que l'on ne veut pas y intégrer la droguerie, la parapharmacie, les cosmétiques, l'hygiène et les soins.

Toutefois, le présent amendement vise à préciser que la liste des services inclus dans le BQP pourra comprendre des offres d'équipement et d'abonnement téléphoniques et à internet, ainsi que des prestations automobiles, comme les réparations chez les garagistes, qui coûtent affreusement cher.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 81 ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement de M. Lurel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion commune ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 149, conforme à l'intention initiale du Gouvernement. Il nous avait semblé au départ que ces précisions n'étaient pas du niveau de la loi, mais c'est un très bon amendement.

Le Gouvernement émet en revanche un avis défavorable sur l'amendement n° 81.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 81 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 121, présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots : 

ainsi que de produits et services culturels

La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. Je ne surprendrai personne en disant que les Ultramarins ont aussi une vie sociale et culturelle.

L'article 2 du projet de loi prévoit dans son huitième alinéa des négociations annuelles de modération des prix d'une liste de services dans le cadre du bouclier qualité prix. Le présent amendement vise à inclure dans cette liste les produits et services culturels.

Dans les outre-mer, la vie chère concerne également les produits et services culturels, notamment les livres. Ainsi, le prix unique du livre prévu dans la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre n'est pas appliqué aux livres non scolaires. L'arrêté du 10 mars 2018 prévoit en effet une majoration d'un coefficient de 1,15 du prix initial du livre en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, dans le département de Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette dérogation a pour conséquence une augmentation du prix de plusieurs euros, alors que les Ultramarins ont un pouvoir d'achat en moyenne plus faible et que 900 000 d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. À La Réunion, par exemple, le différentiel de prix avec l'Hexagone est de 4 euros.

Une telle différence renforce les inégalités dans l'accès à la culture entre nos concitoyens ultramarins et ceux qui résident dans l'Hexagone. Alors que ces territoires sont les plus touchés par l'illettrisme, étendre l'accès aux livres et aux autres produits et services culturels est un vecteur supplémentaire de réduction des inégalités et un pas de plus vers l'accès à l'éducation pour tous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le BQP services aux produits et services culturels. Ses auteurs regrettent que le prix unique du livre ne soit pas applicable dans les collectivités d'outre-mer. Cela se justifie par les caractéristiques de ces territoires et par leur éloignement par rapport à l'Hexagone : aucun prix de produit importé ne pourra être identique à celui qui est proposé dans un commerce hexagonal.

Le prix des livres reste toutefois encadré – le prix hexagonal est majoré de 15 % – et l'écart entre les prix de l'Hexagone et ceux des territoires ultramarins est plus faible que celui qui est constaté par l'Insee sur les produits alimentaires, proche de 40 %.

Il serait par ailleurs malaisé de déterminer une liste de livres ou de produits culturels dont les prix seraient encadrés.

Je tiens par ailleurs à rappeler que, sur l'initiative de notre collègue Catherine Conconne, une loi a été adoptée en 2023 visant à préserver l'équilibre économique des salles de cinéma outre-mer.

Il faut veiller à préserver un équilibre et à ne pas nuire, en voulant trop en faire, aux petits commerces de proximité, aux petits libraires. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. C'est vrai qu'il serait souhaitable de tout intégrer dans le BQP et que les prix soient minorés. Toutefois, il nous faut faire des propositions un tant soit peu réalistes.

Dans le territoire où je vis, une dizaine de librairies ont fermé. Une dizaine ! Aujourd'hui, seules deux librairies généralistes indépendantes survivent, en plus de librairies spécialisées dans la religion. Toutes les deux sont maintenues à flot aujourd'hui par un fil d'araignée, tant leurs résultats sont tendus.

Baisser le prix du livre, pourquoi pas ? Mais avons-nous prévu en face une mesure de compensation ? L'amendement en discussion ne tombe-t-il pas sous le coup de l'article 40 de la Constitution ? Qui va compenser ? L'État ? Je ne sais pas !

Faisons attention, car, aujourd'hui, certains de nos territoires, pour ne pas dire la plupart d'entre eux, se dépeuplent. Leurs marchés se réduisent de manière drastique. Je suis la première à souhaiter que tout soit moins cher, mais il faut préserver les équilibres sur des marchés qui rétrécissent aujourd'hui et qui font face à des coûts objectivement supérieurs, ne serait-ce qu'en matière de transport.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. Je soutiendrai ma collègue de la Martinique.

Tout le monde donne des leçons sur ce que voudraient les territoires ultramarins. Bien entendu que nous voudrions que les prix baissent ; bien entendu que nous voulons tous lutter contre la vie chère. Comme Catherine Conconne, j'ai simplement envie de vous dire que chez moi, il n'y a qu'une seule librairie, un seul endroit où l'on peut acheter des bouquins. Si on baisse le prix du livre, comment fait-elle ? C'est une question de compensation. Le problème est le même que pour l'amendement que nous avons adopté il y a quelques minutes.

La réalité des territoires ultramarins est diverse. La problématique en revanche est identique : le coût de la vie dans les territoires d'outre-mer est trop élevé. Les solutions, en revanche, ne sont jamais les mêmes en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, dans le Pacifique ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ici, nous prenons des décisions qui vont s'appliquer à tous les territoires et c'est extrêmement dangereux.

Dans mon territoire, j'estime que nous avons un problème de suradministration, ce qui n'est pas nécessairement le cas ailleurs. Avec toujours plus de contrôle, que va-t-on faire ? On ferme la seule grande surface ? On ferme la dernière librairie ?

Voilà, ce que je tenais à dire : le sujet est compliqué. La solution doit passer par la décentralisation, par la déconcentration, pour utiliser le bon terme. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Dans l'Hexagone aussi, et on le déplore, les librairies ferment.

Le problème ici, ce ne sont pas les librairies ou les compensations. Nous disons qu'il faut étendre dans ce projet de loi le périmètre des produits et services compris dans le BQP. C'est une question de philosophie politique. Nous n'examinons pas aujourd'hui le projet de budget. Le problème, c'est que l'on est en train de nous dire que puisque nous n'avons pas les moyens, l'inertie vaut mieux que le mouvement !

Mme Annick Girardin. Il faut une aide au transport !

M. Akli Mellouli. Pour ma part, je dis qu'il faut étendre la liste des produits compris dans le BQP et y inclure les produits et les services culturels. Les gens ont besoin d'accéder à ces produits, d'avoir des livres non scolaires. Les gens s'instruisent, ont besoin de nourriture spirituelle, de prendre de la hauteur. C'est leur droit.

Les modalités relèvent d'un autre débat. Soit on en reste au débat qui nous occupe aujourd'hui, soit on invoque l'article 40 de la Constitution et on met fin au débat.

Les produits culturels coûtent très cher dans les collectivités d'outre-mer.

M. Akli Mellouli. Puisque nous sommes là pour parler de la vie chère, incluons-les dans la liste des produits compris dans le BQP. Mais si on ne peut rien faire, dites-le-moi, je quitterai la séance. Il ne sert à rien de faire une loi si l'on ne peut rien y mettre, si l'on ne peut pas débattre du fond.

Je dis donc que notre intérêt est de ne pas voir dans les Ultramarins de simples consommateurs de produits alimentaires : ils sont aussi des citoyens à part entière, qui ont besoin de s'émanciper et de se construire un avenir.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. À contre-courant, je soutiendrai cet amendement visant à intégrer les produits et services culturels dans la liste des produits compris dans le BQP.

Cette liste contiendra des produits alimentaires, des produits transformés, un peu de tout. Il faudra donc peut-être prévoir plusieurs négociations sur des paniers différents.

Comme l'a dit notre collègue Mellouli, les services culturels ne se limitent pas au livre. Il a pris l'exemple du livre, au prix duquel un coefficient de 1,15 est appliqué, un prix unique étant appliqué aux livres scolaires, en vertu de la loi Lang. Je comprends l'argumentaire développé par ma collègue Conconne.

Mais d'autres services culturels sont très inaccessibles. Il me semble qu'il serait de bonne et sage politique de les intégrer à la liste, tout en laissant au préfet et au secteur le soin de négocier. Mais écarter ces services, par principe et par idéologie, est une chose que j'ai du mal à accepter au Sénat. Je soutiens donc cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Notre groupe soutiendra cet amendement, car il repose sur l'idée que le BQP n'est pas simplement destiné à permettre aux gens de survivre.

Nous ne sommes pas en train de débattre de la manière dont nous allons survivre ; nous parlons du problème très large de la vie chère. Nous avons rejeté tout à l'heure l'amendement qui visait à réduire les loyers, qui pèsent sur les ménages.

Nous parlons à présent de la culture, mais sachez, chers collègues, que les familles ultramarines sont également confrontées à la vie chère lorsqu'il leur faut acheter un livre, par exemple un Prépabac ou un Prépabrevet pour leurs gamins scolarisés. Trouvez-vous normal qu'elles ne soient pas soutenues pour effectuer cet achat ? Pensez-vous qu'il faille qu'elles renoncent à ce genre de produit ? Doivent-elles attendre du BQP qu'il leur permette uniquement de se nourrir ? Pour le reste, vont-elles devoir attendre que nous prenions de réelles mesures pour déconstruire ce système qui les met à genoux ?

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Ces débats me semblent surréalistes. Nos territoires, cela a été dit, ne sont pas tous les mêmes…

M. Saïd Omar Oili. À Mayotte, 78 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ailleurs, ce taux n'est peut-être que de 20 %. On ne peut donc pas tous être traités de la même manière. Les solutions ne peuvent pas être identiques partout. Ce n'est pas possible !

M. Saïd Omar Oili. Aujourd'hui, des enfants ont besoin de livres pour aller à l'école. Certains vont à l'école sans livres ni rien. Ils y vont les pieds nus, tant ils sont pauvres. Comment pouvez-vous nous traiter de la même manière ? Ce n'est pas possible. Il faut différencier. Si l'on fait une seule loi, identique pour tout le monde, elle ne fonctionnera pas. Nous ne nous retrouverons pas dans cette loi. (Mme Annick Girardin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Comme je l'ai dit dans la discussion générale, avec ce texte, on fait de la littérature ! Nous sommes en train de parler de chiffres et de prix. Dès lors, il me semble qu'il faut parler de marges, de résultats. Ne vous méprenez pas, nous sommes conscients que le transport et le stockage ont un coût, mais ce coût est différent selon que l'on achète à Paris, en Guadeloupe ou à Mamoudzou.

Si nous voulons changer la vie de nos concitoyens, il faut s'attaquer aux marges ; là se situe le problème. Quel est le taux de marge admis à l'échelon national ? Il faut comparer le taux de marge sur un même produit, avant de mettre en place une péréquation.

Il ne faut pas se leurrer : la péréquation, c'est à l'État de s'en occuper, parce que, que l'on vive en Guadeloupe ou à Paris, on vit dans la République. S'il faut compenser le coût du transport, c'est à l'État de le faire et de s'engager. On ne peut pas dissocier le présent projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer du projet de loi de finances.

On se demande combien d'entreprises participeront aux négociations sur les BQP, c'est de la littérature !

Puisque nous connaissons les chiffres, il apparaît que tel ou tel secteur d'activité réalise 10 % de marge, tandis que la marge nationale moyenne – qui n'est qu'une moyenne, car nous ne sommes pas dans une économie administrée – est différente. Cette moyenne, on peut la calculer. Et dès lors qu'un secteur se situe au-delà de cette moyenne, eh bien, nous devons regarder ce qui se passe.

Ainsi, pour compenser et retrouver la moyenne nationale, si l'on prend en compte le transport et les coûts d'approche, cela relève du principe de péréquation.

M. le président. Il faut conclure.

M. Dominique Théophile. Les territoires d'outre-mer représentent 80 % de notre espace maritime ; cela n'a pas de prix, on ne peut en chiffrer la valeur. Si nos territoires ultramarins sont des joyaux de la France, qu'est-ce que le coût de la péréquation ? Il faut choisir : nous avons autour de nous des pays capables de faire davantage. Alors, choisissez ! (Mme Catherine Conconne et M. Saïd Omar Oili applaudissent.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l'État négocie chaque année, selon les mêmes modalités, avec les organisations professionnelles et les entreprises concernées, des accords de modération du prix global portant sur une liste de pièces détachées automobiles ou petits équipements électroménagers

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. J'ai l'impression que nous sommes en train de reprocher au Gouvernement d'avoir déposé ce texte. Nous avons pourtant adopté ici la proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer, le 5 mars dernier. Le Gouvernement a mis en application un certain nombre de ses éléments, mais cela reste insuffisant. Votre prédécesseur, madame la ministre, avait exprimé la volonté de continuer en ce sens, tout comme vous l'avez fait. Pourtant, vous émettez systématiquement un avis défavorable sur les amendements que nous avons déposés, même s'il s'agit d'amendements de coordination, de précision ou, peut-être, d'appel.

Certains demandent davantage de décentralisation, d'autres plus d'autonomie ; je comprends ces positions. Même si c'est une politique des petits pas, nous engrangeons les dividendes.

Nous aborderons tout à l'heure des sujets plus complexes : les marges arrière, l'intégration, la résiliation, la transparence des marges. Là, nous verrons les véritables postures. Veut-on, oui ou non, changer structurellement les choses ? Contrairement à ce que certains pensent, les amendements présentés ne sont pas anecdotiques.

Le présent amendement tend à intégrer les pièces détachées automobiles et le petit électroménager dans les accords de modération du prix global. Allez-vous les inclure dans le BQP ou ces produits feront-ils l'objet d'une autre négociation ? La question se pose également pour les services culturels. Cela fait des années que nous en parlons.

Je terminerai en rappelant que M. Édouard Philippe, alors Premier ministre, avait déclaré, lors du dixième anniversaire de l'Autorité de la concurrence : « Nous allons revoir la propriété intellectuelle sur les pièces détachées automobiles. » La première monte – c'est-à-dire les pièces neuves que l'on achète avec le véhicule – ne pose pas de problème. Mais la seconde monte, celle des réparations, reste bloquée, car la France est le seul pays d'Europe à maintenir une protection de propriété intellectuelle de vingt-cinq ans, réduite récemment à dix ans.

Aujourd'hui, on est obligé de s'adresser à des opérateurs agréés. Ce que nous proposons n'a pas pour but d'étendre le champ de la bureaucratie, comme je l'entends parfois. Le système est déjà tellement encadré, au nom de la lutte contre la contrefaçon chinoise, que cela en devient absurde. L'Allemagne et la Grande-Bretagne ont su réformer pour protéger leur filière automobile. Nous demandons, nous aussi, pour une fois, un mouvement de libéralisation : permettre enfin aux consommateurs d'acheter leurs pièces détachées librement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à créer deux nouveaux BQP très spécialisés : l'un pour la réparation automobile, l'autre pour l'électroménager. C'est aller trop loin.

Le Conseil d'État a reconnu au BQP un objectif d'intérêt général, c'est-à-dire qu'il ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprise et à la liberté du commerce et de l'industrie, dans la seule mesure où il concerne des produits de grande consommation. Toute extension obligatoire, non laissée à l'appréciation des acteurs locaux, risque de fragiliser juridiquement le dispositif. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le BQP a déjà un champ très large, que nous avons encore ouvert en adoptant un amendement de la commission à cet article 2 pour y inclure les services d'entretien automobile. Il faut laisser au niveau local l'initiative d'avancer sur ces sujets ; d'ailleurs, le représentant de l'État a la possibilité de les inscrire à l'ordre du jour des discussions. Contraindre serait contre-productif.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émet un avis défavorable à son adoption.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Quelque chose m'échappe peut-être dans cette discussion, car le BQP repose, par principe, sur la négociation et non sur la contrainte. Dire que certains produits ne peuvent pas être inclus dans son périmètre reviendrait à signifier que, si les territoires souhaitent s'en saisir, ils en seraient empêchés.

Or il ne s'agit pas ici d'instaurer une contrainte, mais bien de définir un périmètre de négociations. C'est cela, l'esprit du BQP : déterminer ce qui peut être négocié. Ensuite, laissons à chaque territoire la liberté de décider s'il souhaite ou non inclure tel ou tel produit.

J'ai le sentiment que, lorsque l'on propose d'élargir le périmètre, on nous reproche d'imposer une contrainte. Ce n'est pas le cas : il s'agit simplement d'ouvrir la possibilité de négociation pour les territoires qui voudraient s'en saisir. De quel droit déciderions-nous à leur place ? De quel droit prétendrions-nous uniformiser tous les territoires ultramarins ?

Il existe une unité nationale, certes, mais il ne saurait y avoir uniformité. C'est précisément cette uniformité qui contraint et qui, paradoxalement, engendre des inégalités. Si nous voulons davantage d'égalité, il faut sortir de cette logique d'uniformité afin de permettre à chacun de se saisir des enjeux qui le concernent et qui engagent son avenir.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Avec cet avis défavorable de la commission et la demande de retrait exprimée par le Gouvernement, cet amendement ne sera pas adopté, et le BQP inclura l'alimentaire, l'agroalimentaire, les services, les pièces détachées automobiles, le petit électroménager. On me dit que, si l'on veut être sérieux, il ne faut pas tout inclure. Pourtant, le BQP couvrira un millier ou 500 produits, et il faudra plusieurs négociations.

Une négociation distincte devra être engagée avec la filière automobile, par exemple, pour lui demander une modération des prix sur une liste de pièces détachées déjà fixée. Cela correspond parfaitement à la philosophie du Gouvernement, y compris lorsque j'exerçais des responsabilités gouvernementales : celle de la modération et du volontariat. Nous ne mobilisons pas un kopeck, nous demandons des contributions volontaires. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé Akli Mellouli : nous demandons de la modération.

Or, lorsque les acteurs acceptent, les rayons ne sont pas toujours approvisionnés ; on ne trouve pas les produits. Ensuite, s'agissant de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, les gouvernements successifs n'ont pas pris les décrets d'application. Il existait pourtant un espace réservé, et je constate qu'on répète les mêmes erreurs. Ce qui manque aujourd'hui, c'est une véritable volonté gouvernementale.

Je ne comprends pas les positions que j'entends ici : c'est de la confusion. En refusant de distinguer, dans une seconde négociation, les autres services – les télécommunications, par exemple – et en maintenant tout dans le BQP, vous êtes en train de l'abîmer et, à terme, de le tuer. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Rien n'empêche l'OPMR de se saisir de tout sujet qu'il juge pertinent. En Martinique, j'assiste régulièrement aux séances de l'OPMR. C'est pourquoi, lorsque j'entends certains propos tenus ici, je suis quelque peu heurtée. Je me demande si c'est bien moi qui participe à ces réunions, tant les caricatures qui sont faites ne correspondent pas à la réalité.

Je vous annonce, par exemple, que l'OPMR de Martinique vient d'intégrer les prestations automobiles et le secteur du bricolage. Tous les OPMR sont fondés à examiner les sujets qu'ils souhaitent. Et vous voudriez ajouter des contraintes, des obligations, fragilisant ainsi plusieurs secteurs économiques ? J'avoue ne pas comprendre cette logique.

Je remercie Mme la présidente de la délégation d'avoir rappelé que, pour reprendre le débat de tout à l'heure concernant les biens culturels, une loi a été adoptée afin de modérer le prix du cinéma. Les réalisateurs américains souhaitaient en effet faire exploser le prix des billets, ce que nous ne pouvions accepter. Je rappelle également que les spectacles sont moins chers chez nous qu'ici. Il m'arrive d'assister à des représentations à Paris, et les tarifs y sont deux fois plus élevés que chez nous. Il faut donc cesser de dire que nous n'avons pas accès à la culture. Oui, nous nous cultivons, oui, nous allons au spectacle, et oui, le pass Culture, généralisé dans nos territoires, fonctionne très bien.

Enfin, vouloir encore abaisser ces coûts culturels reviendrait à fragiliser davantage un secteur déjà sensible, compte tenu de l'étroitesse du marché local. Cela poserait aussi la question de l'emploi des intermittents du spectacle et des artistes. Qui va payer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je me réfère au texte de l'amendement, monsieur Mellouli : « Le représentant de l'État négocie chaque année, selon les mêmes modalités, avec les organisations professionnelles et les entreprises concernées, des accords… »

Je vois là une obligation, une contrainte, et non de la souplesse. Il faut faire confiance aux préfets et aux organisations professionnelles, puisqu'il y a évidemment une discussion entre les parties. Les produits de bricolage ne sont pas dans la liste à La Réunion, par exemple, mais ils ont été intégrés au BQP : les discussions ont eu lieu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 83, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que leur participation ou leur absence de participation aux négociations auxquelles elles ont été conviées

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Tout ce que nous proposons dans le cadre du BQP, de la régulation et de la recherche d'une concurrence plus forte repose sur l'incitation. Ce sont, en quelque sorte, des lois à visée comportementale. Tout le monde adhère initialement au dispositif du BQP, puis, au fil du temps, certains acteurs cessent de siéger, ne remplissent plus le panier d'une centaine de produits, et lorsqu'on cherche ces produits, on ne les trouve plus. Or, lorsqu'ils ne respectent pas leurs engagements, aucune sanction n'est prévue. Mme la ministre, dans le texte qu'elle a présenté, commence à introduire de premières mesures de sanction pour garantir le respect du BQP.

Nous avons donc imaginé un dispositif qui relève du comportemental. Deux économistes ont d'ailleurs reçu le prix Nobel pour leurs travaux sur ce type d'approche, que certains ont même utilisée dans des campagnes électorales. C'est ce que l'on appelle le name and shame : si un acteur participe mais ne respecte pas ses engagements, on le publie ; s'il refuse de participer, on le publie également. L'objectif est d'inciter les acteurs, au-delà des sanctions financières ou pénales, à adopter un comportement vertueux, par la transparence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement tend à faire la transparence sur la participation des entreprises aux réunions de négociation du BQP. Je doute que des entreprises conviées à participer à la négociation du BQP ne s'y présentent pas, sauf en cas de désaccord profond avec le dispositif même. Il ne faut pas chercher à stigmatiser à outrance les acteurs économiques ultramarins. Sur cet amendement, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. Victorin Lurel. Quelle surprise !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je crains que cela ne crée de la confusion si, après avoir publié le fait qu'un acteur n'a pas participé à une réunion, celui-ci revient dans le processus et rejoint l'accord… J'avais l'intention d'émettre un avis défavorable, mais le rapporteur m'a convaincue et, sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement est adopté.)

(M. Pierre Ouzoulias remplace M. Alain Marc au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mme Malet, MM. Fouassin et Khalifé, Mme Aeschlimann, MM. H. Leroy, Sol et Panunzi, Mmes Petrus, Gosselin, Gruny et Berthet, MM. Rietmann, Burgoa, Brisson et Cambon et Mmes Imbert, Eustache-Brinio, Canayer, Bellurot, Lassarade et Dumont, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... – À titre expérimental, à La Réunion, et pour une durée de cinq ans, l'accord mentionné au I de l'article L. 410-5 du code de commerce prend le nom de « bouclier contre la vie chère ».

Outre les produits déjà inclus en 2025, il concerne obligatoirement :

- à partir du 1er janvier 2027, les équipements électroménagers ou informatiques et les offres d'abonnement multimédias ;

- à partir du 1er janvier 2028, l'outillage et les matériaux de construction, dont le ciment ;

- à partir du 1er janvier 2029, la vente de véhicules neufs ou d'occasion et les pièces détachées ;

- à partir du 1er janvier 2030, l'eau, l'énergie et les transports.

Au terme de l'expérimentation et, au plus tard, six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les effets du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.

La parole est à Mme Viviane Malet.

Mme Viviane Malet. Depuis quelques années, les gouvernements successifs ont engagé une réflexion sur la diversification du BQP, en y ajoutant, selon les territoires, quelques produits de téléphonie, des prestations automobiles ou d'outillage. Mais ces avancées sont trop peu significatives, car elles concernent très peu de produits. Le présent amendement vise donc à rationaliser expérimentalement cette diversification à La Réunion afin de suivre des modes de consommation modernes, en ne se contentant pas d'inclure quelques produits basiques.

Cette adaptation s'effectuerait en suivant un calendrier précis et raisonnable. L'amendement tend également à entériner ce nouveau rôle en transformant l'appellation du BQP en celle de « bouclier contre la vie chère ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent une transformation expérimentale et limitée à La Réunion du BQP et son extension progressive à des produits limitativement énumérés – l'électroménager, les matériaux de construction, les véhicules neufs – et même à des services énumérés de façon imprécise.

L'adoption d'une telle mesure aurait pour conséquence de transformer l'économie réunionnaise en économie presque entièrement réglementée, ce qui n'est pas la solution pour lutter contre la vie chère.

Le BQP doit rester concentré sur les produits de grande consommation, que la loi définit comme des « produits durables à forte fréquence et récurrence de consommation ». Tel n'est pas le cas des véhicules automobiles, des matériaux de construction ou des appareils informatiques.

La création par ce projet de loi d'un BQP services, que la commission des affaires économiques a rendu obligatoire, constitue une première réponse et pourrait permettre aux préfets, avec l'appui des OPMR, de se saisir de la problématique de l'entretien automobile ou encore des abonnements téléphoniques, comme Mme Conconne l'a bien montré à l'instant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement comporte une longue liste, madame Malet. Il ne nous paraît pas opportun que la loi contienne cette énumération de produits et services qui pourraient entrer dans le BQP.

Par ailleurs, on voit difficilement comment fonctionnerait un BQP concernant les prix de l'énergie et de l'eau, alors que ces prix relèvent de cas spécifiques déjà prévus par la loi. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.

Mme Viviane Malet. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié est retiré.

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Malet, MM. Fouassin et Khalifé, Mme Aeschlimann, MM. H. Leroy, Sol et Panunzi, Mmes Petrus, Gosselin, Gruny et Berthet, MM. Rietmann, Burgoa, Brisson et Cambon, Mme Imbert, M. Bruyen et Mmes Eustache-Brinio, Canayer, Bellurot, Lassarade et Dumont, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à La Réunion, la liste des produits mentionnée au I de l'article L. 410-5 du code de commerce comporte obligatoirement des produits alimentaires de fabrication locale. Le chiffre d'affaires généré par cette production locale doit atteindre un pourcentage minimal du chiffre d'affaires total annuel de la liste.

Ce pourcentage minimal, en valeur, est de :

- 55 % pour l'année 2026 ;

- 60 % pour l'année 2027 ;

- 65 % pour l'année 2028 ;

- 70 % pour l'année 2029 ;

- 75 % pour l'année 2030 et au-delà.

Au terme de l'expérimentation et, au plus tard, six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les effets du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.

La parole est à Mme Viviane Malet.

Mme Viviane Malet. Cet amendement vise à faire figurer dans la liste alimentaire de façon expérimentale à La Réunion un pourcentage minimal de produits locaux, et ce de manière progressive. Cela débuterait à 55 % de la valeur – et non du volume – pour atteindre 75 % après 2030. Actuellement, le panier pays représente 40 % des produits du BQP en volume et déjà 50 % en valeur. L'objectif de cette mesure est de favoriser encore davantage la consommation de produits locaux par la population réunionnaise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à porter jusqu'à 75 % dans les cinq ans la part de produits alimentaires locaux dans le BQP à La Réunion, dans le cadre d'une expérimentation. Nous avons pris en compte la promotion des productions locales en adoptant, en commission, un amendement qui dispose que cet impératif doit être pris en compte dans l'élaboration du BQP. C'est un objectif qu'on ne peut que partager.

Je comprends que La Réunion souhaite aller plus loin, et qu'elle pourrait être en mesure d'atteindre cet objectif ambitieux. C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je crains que les cadres prévus par ces amendements ne soient trop contraignants : 55 % de produits locaux dès l'année prochaine, 75 % en 2030. Il faut laisser la place à la souplesse et à l'adaptation… Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Malet, MM. Fouassin et Khalifé, Mme Aeschlimann, MM. H. Leroy, Sol et Panunzi, Mmes Petrus, Gosselin, Gruny et Berthet, MM. Rietmann, Burgoa, Brisson et Cambon, Mme Imbert, M. Bruyen et Mmes Eustache-Brinio, Canayer, Bellurot, Lassarade et Dumont, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à La Réunion, le chiffre d'affaires généré par la liste des produits visés par l'accord mentionné au I de l'article L. 410-5 du code de commerce doit atteindre un pourcentage minimal du chiffre d'affaires total annuel des groupes de distribution et des entreprises qu'ils contrôlent.

Ce pourcentage minimal est de :

- 6 % pour l'année 2026 ;

- 7 % pour l'année 2027 ;

- 8 % pour l'année 2028 ;

- 9 % pour l'année 2029 ;

- 10 % pour l'année 2030 et au-delà.

Au terme de l'expérimentation, et, au plus tard, six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les effets du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.

La parole est à Mme Viviane Malet.

Mme Viviane Malet. Les produits du BQP ne doivent plus être les parents pauvres des linéaires de la grande distribution, notamment en termes de visibilité.

En 2019, l'Autorité de la concurrence notait que le pourcentage moyen du chiffre d'affaires constitué par les produits du BQP représentait, selon les années, une part comprise entre 3,5 % et 4,9 % de l'activité totale des distributeurs, et que cette part était en décroissance.

Le présent amendement tend donc à instaurer expérimentalement à La Réunion un pourcentage minimal du BQP à l'intérieur du chiffre d'affaires des entreprises de distribution de 6 % en 2026, avant une montée progressive jusqu'à 10 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à faire progresser, dans le cadre d'une expérimentation à La Réunion, la part que représente le BQP dans le chiffre d'affaires de la grande distribution ultramarine. Il n'appartient pas au législateur de dicter quelle doit être la répartition du chiffre d'affaires des opérateurs économiques, même si on peut regretter que certains ne fassent pas assez d'efforts pour promouvoir les produits du BQP. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

Mme Viviane Malet. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 18 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3

Après l'article 2

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié est présenté par M. Fouassin et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 46 est présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 142 est présenté par Mme Malet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 541-10-17 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 541-10-17-... ainsi rédigé :

« Art. L. 541-10-17-.... – Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les accords de modération des prix prévus à l'article L. 410-5 du code de commerce peuvent inclure des produits distribués dans des emballages consignés ou réutilisables. »

La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié.

M. Stéphane Fouassin. Dans nos territoires ultramarins, la consigne n'est pas une idée nouvelle. Elle fait déjà partie de nos usages, comme à La Réunion, où certaines bouteilles de bière sont rapportées et réutilisées. Le présent amendement vise à reconnaître et à renforcer ces pratiques vertueuses en les intégrant dans les accords du BQP. Son objectif est double : réduire notre dépendance aux emballages importés et soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs, tout en diminuant les volumes de déchets à traiter. En encourageant la consigne et le réemploi, nous favorisons le développement de circuits courts adaptés à nos réalités insulaires et faisons un pas concret vers une véritable économie circulaire.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour présenter l'amendement n° 46.

Mme Audrey Bélim. Tout d'abord, je remercie le sénateur Fouassin d'avoir déposé cet amendement, identique à celui qui avait été présenté en commission. Je souhaite simplement compléter son propos en soulignant que la consigne constitue une solution concrète pour nos territoires : elle permet de réduire le volume de déchets à traiter, d'améliorer la circularité des emballages, mais aussi de développer des circuits courts de réutilisation, adaptés aux réalités insulaires.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l'amendement n° 142.

Mme Viviane Malet. Cet amendement s'inscrit pleinement dans les préconisations formulées par le rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer intitulé La gestion des déchets dans les outre-mer, qui recommande la mise en place d'un système de consigne pour le réemploi. À La Réunion, comme l'a rappelé le sénateur Fouassin, un dispositif de réemploi des bouteilles de bière d'une marque locale fonctionne avec succès depuis de nombreuses années. Ce système, par ailleurs, permet à certaines personnes de bénéficier d'un revenu complémentaire, tout en évitant que des tonnes de verre ne finissent dans les bacs ou en enfouissement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les BQP puissent comprendre des produits distribués dans des emballages consignés ou réutilisables. Une telle faculté n'a pas besoin d'être ouverte par la loi. Rien ne l'empêche en l'état actuel des choses et il appartient aux acteurs locaux de se saisir de cette question lors de la négociation des BQP dans chaque territoire. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Ces amendements favorisent l'économie circulaire, au travers du BQP. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié, 46 et 142.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 38 rectifié ter, présenté par Mmes Petrus et Malet, MM. Naturel et Khalifé, Mmes V. Boyer et Gosselin, MM. Burgoa et Bruyen, Mmes Bellurot, Eustache-Brinio, Lassarade et Dumont et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les établissements de commerce de détail de la collectivité de Saint-Martin, les produits entrant dans la composition du « Bouclier Qualité-Prix » font l'objet d'une mise en valeur visible pour le public, en lien avec la collectivité de Saint-Martin, dans le respect des compétences qui lui sont attribuées par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

La collectivité de Saint-Martin est informée des modalités de cette mise en valeur.

La parole est à Mme Annick Petrus.

Mme Annick Petrus. Le BQP est une mesure attendue et utile, mais il ne peut remplir son rôle que s'il est visible. À Saint-Martin, l'accord a été signé en 2024 ; les acteurs économiques ont joué le jeu, les services de l'État et la collectivité territoriale ont travaillé de concert. Pourtant, aujourd'hui encore, dans trop de commerces, les produits concernés ne sont pas clairement signalés.

Le résultat, c'est que les consommateurs doivent deviner, comparer, parfois même se tromper. Or, dans un territoire où le pouvoir d'achat est déjà mis à rude épreuve, cela revient à priver les ménages d'un droit.

Par cet amendement, je propose donc une mesure simple : assurer, en lien avec la collectivité territoriale, une mise en valeur claire, cohérente et visible des produits du BQP. Il ne comporte aucune contrainte nouvelle, aucune charge supplémentaire pour les enseignes, simplement une garantie d'accès réel à l'information.

La vie chère n'est pas une abstraction : c'est ce que ressent chaque famille lorsqu'elle passe à la caisse. Et si l'État met en place des outils de régulation, encore faut-il que ceux-ci soient lisibles, accessibles et concrets.

Avec cet amendement, je défends une idée simple : la transparence. Dans un territoire où tout coûte plus cher, ce n'est pas un luxe, c'est un droit. En rendant le BQP réellement visible, nous rendons la politique publique tangible pour les Saint-Martinois, et donc crédible. Sinon, nous nous contenterions de faire semblant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à mieux promouvoir les produits du BQP à Saint-Martin.

C'est une problématique commune à toutes les collectivités ultramarines : comment faire en sorte que les consommateurs se saisissent des produits du BQP ? C'est aussi une crainte répandue, à juste titre ou non : les distributeurs mettent-ils assez en avant les produits du BQP dans leurs rayons ?

La réponse à cette question ne peut toutefois pas faire l'objet d'une mesure visant uniquement un territoire. Plus généralement, il appartient aux acteurs économiques locaux de s'en saisir lors de la négociation du BQP. C'est enfin le rôle des agents de la DGCCRF, lors des contrôles qu'ils mènent, que de s'assurer que les distributeurs jouent bien le jeu du BQP. Ces derniers seront désormais passibles d'une amende s'ils ne le respectent pas.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émet un avis défavorable à son adoption.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je comprends l'objectif visé : le BQP n'a pas d'intérêt s'il reste confidentiel. Mais le décret du 29 juillet 2025 prévoit déjà des mesures qui favorisent la mise en valeur des produits du BQP, comme vous le savez. Cet amendement est donc satisfait et le Gouvernement en demande le retrait. À défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 2
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Après l'article 3

Article 3

L'article L. 410-4 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Les mots : « peut réglementer » sont remplacés par les mots : « peut, en cas de circonstances exceptionnelles ou de prix excessifs du fait de la situation économique locale, réglementer » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'ils constatent des variations excessives de prix sur leur territoire, les présidents des régions d'outre-mer, du département de Mayotte, de la collectivité de Saint-Barthélemy, de la collectivité de Saint-Martin, de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et les présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus peuvent saisir le représentant de l'État. Celui-ci fournit en réponse, dans des conditions précisées par décret, une analyse de la situation au regard des critères mentionnés au premier alinéa du présent article. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par M. Fouassin et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 64 est présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

1° Au début, insérer les mots :

Le mot : « Gouvernement » est remplacé par les mots : « représentant de l'État »,

2° Supprimer les mots :

de prix excessifs du fait de la situation économique locale, réglementer

3° Compléter cet alinéa par les mots :

et les mots : « , après avis public de l'Autorité de la concurrence et par décret en Conseil d'État, le prix de vente de produits ou de familles de produits de première nécessité » sont remplacés par les mots et deux phrases ainsi rédigées : « lorsque la situation économique locale se traduit par des prix excessifs, réglementer par arrêté le prix de vente de produits ou de familles de produits. Cette mesure doit être temporaire et notifiée sans délai au Gouvernement et à l'Autorité de la concurrence. Elle fait l'objet d'une publication motivée. »

La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié.

M. Stéphane Fouassin. Cet amendement vise à rendre réellement opérationnel le dispositif de régulation des prix dans nos territoires ultramarins. Aujourd'hui, la procédure est trop centralisée et trop lente. Lors du passage du cyclone Chido à Mayotte, il a fallu plusieurs jours pour que le décret encadrant les prix soit publié, dans un contexte d'urgence où chaque heure comptait. Nous proposons donc de déconcentrer cette compétence en permettant aux préfets de prendre eux-mêmes des mesures temporaires de fixation des prix. Cela leur donnerait un outil rapide, juridiquement sécurisé et adapté aux réalités locales. Ce transfert de pouvoir n'affaiblit pas le contrôle de l'État, il le renforce sur le terrain. Il s'agit simplement de donner aux représentants de la République les moyens d'agir vite et efficacement contre les dérives tarifaires injustifiées.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour présenter l'amendement n° 64.

Mme Audrey Bélim. Pour compléter les propos de mon collègue, j'indique que le Conseil d'État a rappelé, dans son avis du 30 juillet 2025, que la procédure de régulation des prix des produits de première nécessité par le Gouvernement lors de circonstances exceptionnelles – introduite par l'article 15 de la loi du 20 novembre 2012, dite loi Lurel – n'a jamais été mise en œuvre en raison de sa lourdeur excessive et de son inadéquation aux réalités locales.

Je conclurai par une citation : « L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique. » Pourquoi maintenir une telle procédure, si elle ne fonctionne pas ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ces amendements identiques, qui ont déjà été rejetés en commission, visent à déconcentrer la procédure de régulation des prix dans les outre-mer en confiant aux préfets la décision de prendre des mesures temporaires de fixation des prix.

Le dispositif étant confié, selon le droit en vigueur, au Gouvernement – celui-ci peut fixer par décret en Conseil d'État les prix de certains produits dans les outre-mer –, la rédaction que vous proposez n'est pas de nature à changer profondément la logique de déclenchement de la procédure, qui continuera de relever de l'État. Surtout, une telle déconcentration réduirait la sécurité juridique de la procédure.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. L'adoption de ces amendements identiques aurait pour conséquence de retirer au Gouvernement son pouvoir de régulation des prix pour le confier aux représentants de l'État. Surtout, il est proposé de supprimer l'exigence d'un décret en Conseil d'État et d'un avis préalable de l'Autorité de la concurrence. Or cette réglementation est une adaptation à la liberté des prix par le jeu de la concurrence. En ce sens, elle n'est pas contraire à la liberté d'entreprendre, qui est garantie par la Constitution, puisqu'elle prévoit des gages de sécurité juridique, notamment en imposant la publication d'avis préalables.

Cette procédure a été mise en œuvre rapidement à plusieurs reprises, notamment lors de la crise de l'eau ou du passage du cyclone Chido à Mayotte. À ces occasions, aucune défaillance n'a été relevée dans son application. Aussi n'apparaît-il pas souhaitable d'instaurer une procédure simplifiée.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l'avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Si je comprends la prudence de Mme la ministre, je m'étonne de celle de la commission.

En ce qui concerne les précautions juridiques, il s'agit de permettre une plus grande réactivité. L'on peut estimer qu'un délai de quatre jours est long ou bref, mais je peux vous dire qu'un décret pris en Conseil d'État après avis de l'Autorité de la concurrence, c'est long !

Nous n'avons jamais pu appliquer la procédure, parce qu'elle est trop lourde. Par un meilleur encadrement, nous pouvons permettre au préfet d'être plus réactif et de réagir plus vite dans une période donnée.

Je ne donnerai qu'un exemple. Chez moi, il y a parfois des coupures d'eau. L'initiative privée s'étant immiscée dans une faille concurrentielle, le mètre cube d'eau – c'est-à-dire 1 000 litres – est parfois vendu 10 ou 12 euros, à cause d'un manque de réactivité du préfet pour agir sur des prix excessifs.

En cas de catastrophe, il faut être particulièrement réactif ! Il me semble que nous pouvons améliorer le texte avant son adoption définitive. Pour cela, nous devons oser et être un peu audacieux !

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Je remercie mes deux collègues qui ont défendu ces amendements identiques, car, ayant personnellement vécu le passage du cyclone Chido, je sais ce que c'est…

Après le cyclone, les prix ont augmenté de plus de 50 %, car il n'y avait plus rien. Il a fallu quatre jours pour que le préfet puisse prendre les mesures nécessaires pour fixer des prix.

Nous demandons simplement davantage de réactivité. Nous habitons des territoires éloignés. À Mayotte, alors que plus rien ne fonctionnait, y compris le téléphone, il a fallu attendre quatre jours pour que le préfet reçoive des directives de Paris afin de prendre les mesures nécessaires.

La mesure que nous proposons est une mesure de sagesse et, surtout, de responsabilité. Ce serait bien que nous l'adoptions.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié et 64.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après la seconde occurrence du mot :

peut

insérer le mot :

notamment

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Le texte, tel qu'il nous est soumis, conditionne la compétence dont dispose le Gouvernement de réguler les prix : celui-ci ne peut l'exercer qu'en cas de circonstances exceptionnelles ou lorsque la situation économique locale se traduit par des prix excessifs.

Encore une condition ! Nous voulons que les autorités, en particulier étatiques, soient réactives, et non pas fermées, ou conditionnées… Nous souhaitons donc insérer le mot « notamment », pour qu'il soit possible de réguler les prix dans d'autres circonstances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. L'amendement n° 84 vise à rendre possible de réguler les prix en des circonstances autres qu'exceptionnelles ou en cas de prix excessifs.

Selon la commission, les conditions prévues sont suffisamment larges et le dispositif proposé n'est pas justifié.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. En introduisant l'adverbe « notamment », la formulation du dispositif deviendrait floue. Or le Conseil d'État a été clair : de telles imprécisions pourraient rendre celui-ci inopérant.

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

M. Victorin Lurel. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 84 est retiré.

L'amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Ramia, MM. Théophile, Buval et Fouassin, Mmes Nadille et Phinera-Horth, MM. Patient, Rohfritsch, Kulimoetoke et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque ces collectivités sont confrontées à une difficulté temporaire d'accès à la ressource en eau potable ou domestique, résultant de circonstances exceptionnelles et que les conditions de déclenchement du plan Orsec ne sont pas réunies, le représentant de l'État peut réglementer temporairement le prix de vente des eaux minérales naturelles, de source ou rendues potables par traitement, commercialisées en bouteilles ou en vrac, lorsque ces prix dépassent de façon manifestement excessive le niveau observé avant la survenue des circonstances exceptionnelles sur le territoire concerné. »

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à apporter une solution pour que le préfet puisse intervenir lorsque le plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) ne peut être déclenché.

Actuellement, Mayotte connaît une crise de l'eau sans précédent. Les coupures d'eau peuvent durer quatre jours. Dire aux Mahorais que cela ira mieux en 2027, à l'issue des travaux de l'usine de dessalement ou de la construction de la retenue collinaire, n'est pas une réponse acceptable.

Aussi, je propose d'instaurer un mécanisme simplifié permettant au préfet de réglementer temporairement et directement le prix de l'eau, sans attendre les instructions de Paris ou du Gouvernement, comme le prévoit le texte. Faisons le choix d'une intervention locale en temps réel pour plus d'efficacité !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement, qui a été rejeté en commission, vise à permettre aux préfets de réglementer le prix de l'eau en bouteille outre-mer.

Or le droit en vigueur n'empêche pas le Gouvernement de le faire. Il l'a déjà fait, et de manière rapide, notamment après les graves cyclones qui ont touché Mayotte. Une procédure simplifiée n'apparaît pas pertinente.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Madame la sénatrice Ramia, je suis embêtée : sur le principe, je suis favorable à votre amendement, mais en adoptant les amendements identiques nos 2 rectifié et 64, vous venez déjà d'élargir les compétences du représentant de l'État en la matière. S'il est adopté, il faudra donc harmoniser le texte au cours de la navette.

Je m'en remets à la sagesse du Sénat, avec un esprit favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« Pour l'application du présent article, constituent notamment des circonstances exceptionnelles les situations résultant :

« ...°De catastrophes naturelles telles que les cyclones, inondations, séismes ou éruptions volcaniques ;

« ...°D'épidémies ou crises sanitaires majeures ;

« ...°De perturbations graves et imprévisibles de l'acheminement des marchandises liées à l'insularité ou à la rupture de la continuité territoriale, qu'elles soient liées à des facteurs extérieurs ou intérieurs ;

« ...°De toute autre circonstance locale entraînant une hausse excessive ou abusive des prix mettant en péril l'accès de la population aux biens essentiels.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à préciser la notion de « circonstances exceptionnelles » introduite à l'article 3, afin de sécuriser juridiquement l'application du dispositif et de faciliter son déclenchement dans les outre-mer.

Il s'appuie sur des situations répétées et documentées : après le passage des cyclones Berguitta et Batsirai à La Réunion en 2018 et 2022, des biens de première nécessité tels que l'eau potable, les denrées alimentaires de base ou le gaz domestique avaient fait l'objet de hausses de prix abusives.

Lors de l'épidémie de chikungunya de 2005 et depuis celle de dengue qui a cours depuis 2018, les prix des produits de protection sanitaire tels que les répulsifs, les moustiquaires et les spirales ont connu une envolée. L'observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion l'a signalé dans plusieurs rapports annuels.

Par ailleurs, les perturbations maritimes ou aériennes dues à des grèves, à des mouvements sociaux ou à des blocages logistiques entraînent également des tensions inflationnistes structurantes. Le rapport d'activité 2019 de l'inspection générale des finances (IGF) et l'avis de l'Autorité de la concurrence sur la vie chère dans les outre-mer de 2022 l'ont bien montré.

Cet amendement vise donc à outiller juridiquement l'État pour qu'il régule rapidement les prix afin de protéger les populations ultramarines, qui sont plus exposées aux aléas climatiques, sanitaires et logistiques. Il tend également à sécuriser l'action des préfets en leur donnant des critères clairs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement, que nous avons rejeté en commission, vise à préciser les circonstances exceptionnelles permettant à l'État de réguler les prix dans les outre-mer en définissant une liste de quatre types d'événements.

Comme nous l'avons déjà dit en commission, nous ne sommes pas convaincus qu'une énumération non limitative des situations réelles rencontrées soit susceptible de faciliter la régulation des prix dans les outre-mer. En dépit de son caractère non limitatif, une telle liste pourrait avoir comme effet paradoxal de restreindre le déclenchement de la procédure aux seuls cas énumérés.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Madame la sénatrice Bélim, cette rédaction est un travail de dentelle. La présence du mot « notamment » évite que l'énumération que vous proposez ne rigidifie trop le dispositif.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

revenus

insérer les mots :

et les associations de consommateurs mentionnées à l'article L. 621-1 du code de la consommation

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Pardonnez-moi, mes chers collègues, je prends le temps de réfléchir pour être plus synthétique et faire gagner du temps. (Sourires.)

Nous proposons que les associations agréées de consommateurs soient en mesure de saisir le représentant de l'État. Initialement, il était seulement question des « associations de consommateurs ». Or je rappelle que ce texte est consacré aux outre-mer. Alors que les associations devaient attendre plusieurs années pour pouvoir ester en justice et engager des actions de groupe, elles peuvent désormais le faire après une année d'existence. Encore faut-il qu'elles soient agréées. C'est ce qui justifie notre proposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à élargir aux associations de défense des consommateurs le pouvoir de saisine des préfets, afin de réglementer les prix en cas de variations excessives de ceux-ci.

L'article 6 élargit déjà ce pouvoir aux présidents des OPMR, ce qui est suffisant pour rendre le Gouvernement plus réactif.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 86, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Celui-ci dispose d'un délai d'un mois pour délivrer son analyse et notifier une réponse motivée sur l'opportunité de mettre en œuvre la procédure prévue au premier alinéa du présent article, qu'il transmet également à l'Autorité de la concurrence dans un délai de quinze jours suivant cette notification.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Toujours dans l'optique d'une plus grande réactivité de l'État, nous proposons que le préfet donne sa réponse quant au déclenchement du dispositif dans un délai d'un mois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement tend à fixer un délai d'un mois aux préfets pour répondre à une saisine au titre de la variation excessive des prix. Il vise également à ce que les préfets, au lieu de rendre une analyse sur la situation, notifient une réponse motivée sur l'opportunité de mettre en œuvre la procédure de réglementation des prix. Cette réponse serait transmise à l'Autorité de la concurrence dans un délai de quinze jours après la notification.

Nous sommes convaincus qu'une telle mesure serait en réalité contraignante pour les préfets, sans qu'elle facilite pour autant le déclenchement du mécanisme de régulation des prix dans les outre-mer.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons.

Tout d'abord, le délai d'un mois est insuffisant dans la pratique.

Ensuite, une telle modification aurait pour conséquence de créer une interférence avec le pouvoir du Premier ministre, qui peut actuellement décider de mettre lui-même en œuvre la procédure par décret en Conseil d'État.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, l'argument que vous avancez sur le pouvoir du Premier ministre me paraît sérieux : je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 86 est retiré.

L'amendement n° 37 rectifié ter, présenté par Mmes Petrus et Malet, MM. Naturel et Khalifé, Mmes V. Boyer et Gosselin, MM. Burgoa et Bruyen, Mmes Eustache-Brinio, Bellurot, Lassarade et Dumont et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... – L'observatoire des prix, des marges et des revenus compétent pour la collectivité de Saint-Martin inclut, dans son rapport annuel, une analyse portant spécifiquement sur ce territoire relative :

...°Aux conditions d'acheminement des biens de consommation courante vers la collectivité et aux coûts d'approche qui en résultent ;

...°Aux possibilités de diversification des sources d'approvisionnement, notamment au sein du bassin caribéen, ainsi qu'aux leviers de réduction durable de ces coûts.

Ces travaux sont conduits en lien avec la collectivité de Saint-Martin, dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

La parole est à Mme Annick Petrus.

Mme Annick Petrus. À travers cet amendement, nous souhaitons non pas ajouter une ligne administrative de plus, mais répondre au besoin de vérité et de transparence d'un territoire.

Saint-Martin étant une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution, elle a des compétences économiques propres et un environnement logistique singulier. Pourtant, les outils nationaux d'observation des prix la traitent trop souvent comme un simple appendice qui se verrait appliquer les dispositifs ultramarins existants.

Or, comme chacun le sait dans cet hémicycle, les mécanismes de la vie chère ne sont pas les mêmes à La Réunion, en Guadeloupe ou à Saint-Martin. Le modèle d'approvisionnement, le lien avec les marchés caribéens et la structure de la distribution y sont spécifiques.

Cet amendement vise donc à ce que l'observatoire des prix, des marges et des revenus consacre chaque année dans son rapport une analyse propre à Saint-Martin, non pas pour refaire ce que d'autres font déjà, mais pour objectiver les coûts logistiques, les frais d'approche, les marges successives et, surtout, les pistes de diversification régionale.

Cela constituerait un outil d'aide à la décision pour l'État, pour la collectivité et pour les acteurs économiques. Ce serait aussi un signal de reconnaissance pour nos concitoyens. Lorsque l'on vit dans un territoire dans une situation de double insularité, où tout transite, tout coûte et tout dépend d'ailleurs, la première des justices est d'être mesuré, regardé, compris pour soi-même.

Voilà l'esprit de cet amendement : non pas créer une structure nouvelle, mais porter un regard lucide et adapté sur la réalité économique d'un territoire qui mérite d'être considéré à part entière dans la politique nationale de lutte contre la vie chère.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à ce que le rapport annuel de l'OPMR compétent pour la collectivité de Saint-Martin inclue une analyse portant spécifiquement sur ce territoire. Il est également prévu que ses travaux soient conduits en lien avec la collectivité.

Le fait de préciser par la loi le contenu du rapport de l'OPMR pour Saint-Martin n'apparaît pas justifié, surtout que les sujets analysés – coûts d'approche et diversification des sources d'approvisionnement – peuvent relever du champ des travaux de l'OPMR.

S'il s'agit d'un amendement d'appel, la question a été posée et elle sera suivie par l'administration et les OPMR.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Article 4

Après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce, après le mot : « approvisionnement », sont insérés les mots : « , soit de situations anormales du marché, soit, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, de marges commerciales excessives ».

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Sans nous décourager, nous tentons d'améliorer le texte sans pour autant l'alourdir.

En l'occurrence, il s'agit d'ajouter aux conditions de déclenchement du dispositif de réglementation des prix les « situations anormales de marché ».

Je rappelle que le texte antérieur, qui date de plusieurs années, mentionnait les « situations manifestement anormales ». Nous proposons que le caractère anormal soit laissé à l'appréciation des autorités pour qu'elles puissent agir plus rapidement.

Nous proposons également d'ajouter les « marges commerciales excessives ». Encore faut-il les connaître, mais nous verrons cela plus tard…

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à permettre la régulation des prix en cas de situations anormales du marché ou de marges commerciales excessives, en plus des motifs actuels, à savoir des circonstances exceptionnelles ou des prix excessifs.

Les conditions prévues par le droit existant sont suffisamment larges. Aussi le dispositif que vous proposez n'est-il pas justifié.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur Lurel, tout d'abord, sur la forme, l'alinéa 2 de l'article L. 410-2 du code de commerce, que votre amendement tend à modifier, est également applicable à l'Hexagone. Tel qu'il est rédigé, la portée de votre amendement ne se limite aux outre-mer que dans l'hypothèse de marges commerciales excessives.

Ainsi, ce que vous proposez reviendrait à étendre à l'Hexagone la possibilité de réglementer les prix en cas de situations anormales de marché. Le projet de loi que nous examinons n'étant applicable qu'aux outre-mer, il n'est pas possible d'adopter une telle mesure.

Ensuite, sur le fond, la notion de « marges commerciales excessives » est difficile à appréhender. En réalité, elle pourrait se recouper avec des notions qui existent déjà, notamment les « hausses ou baisses excessives de prix » définies à l'alinéa 3 de l'article L. 410-2 du code de commerce, ou les « dysfonctionnements des marchés de gros de biens et de services concernés », qui sont définis à l'article L. 410-3 de ce même code.

Le cadre juridique actuel permet donc d'ores et déjà d'avancer. Je propose de ne pas le fragiliser en laissant entendre que l'on pourrait demain réglementer au simple prétexte que certains acteurs réaliseraient des marges excessives.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose que l'Hexagone s'inspire un peu de ce qui se passe dans les outre-mer. (Sourires.) Toutefois, ceci n'étant pas l'objectif de cet amendement, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 87 est retiré.

L'amendement n° 48, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article ainsi rédigé :

L'article L. 910-1 A du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Chaque observatoire des prix, des marges et des revenus est doté de la personnalité morale. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à doter les observatoires des prix, des marges et des revenus de la personnalité morale. Il reprend une demande très largement partagée dans les territoires ultramarins, tant par de nombreux élus locaux que par les membres de ces observatoires.

Cette volonté d'évolution a d'ailleurs été adoptée à l'Assemblée nationale en février dernier à l'occasion de l'examen de la proposition de loi socialiste visant à prendre des mesures d'urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs. La rapporteure sur le texte, Béatrice Bellay, a souligné qu'en l'absence d'un tel statut, les limites des OPMR sont régulièrement déplorées dans le cadre des discussions relatives à la lutte contre la vie chère en outre-mer.

En outre, certains présidents d'observatoire considèrent que l'absence de ce statut constitue un frein à leur efficacité. Ceux-ci déplorent notamment l'incapacité pour les OPMR d'être ordonnateurs des dialogues de gestion ou d'y être associés.

L'absence de personnalité juridique s'ajoute à la sous-dotation des OPMR en moyens humains et budgétaires. Compte tenu de l'urgence que soulève la question de la lutte contre la vie chère, il importe d'inverser la tendance en dotant l'ensemble des OPMR de la personnalité juridique. Une telle évolution constituerait une première étape vers le renforcement de leur autorité et de leur efficacité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à doter les observatoires des prix, des marges et des revenus de la personnalité morale, sachant qu'une réflexion à ce sujet est en cours du côté du Gouvernement.

Il n'y a aucune urgence à doter les OPMR de la personnalité morale. Mieux vaudrait engager une réflexion sur l'articulation entre les missions et les moyens de ces structures.

J'en profite pour vous interroger, madame la ministre : pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement quant à la réflexion sur le rôle des OPMR ?

En ce qui concerne l'amendement, l'avis de la commission est, pour l'heure, défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement considère qu'il est légitime de vouloir renforcer l'action et les pouvoirs des OPMR. Des décrets ont d'ailleurs été pris en ce sens à la fin du mois de juillet. Le texte est également conforté par les ajouts auxquels a procédé la commission, notamment l'article 6 bis.

La difficulté est qu'il nous faut des éléments de fond. Un bilan est nécessaire pour que nous puissions définir un cadre dans lequel avancer. À cet égard, je serai favorable à l'un de vos amendements visant à demander un rapport pour étudier l'opportunité d'ouvrir la voie à la personnalité morale – et donc juridique – des OPMR, ce qui, vous le savez, emporte des conséquences en matière de responsabilité civile.

Je le répète, nous avons besoin de davantage d'éléments de fond pour avancer sur ces enjeux, qui ne sont pas négligeables.

Le Gouvernement n'est pas fermé sur le principe, mais l'évolution que vous proposez semble prématurée.

L'avis est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je dois dire que je suis un peu estomaqué. Hervé Mariton a créé les OPMR en 2007. Nous sommes en 2025, et ces OPMR sont toujours virtuels. Ils reposent sur un budget opérationnel de programme (BOP) géré par le préfet.

Lorsque l'on nomme un magistrat de la chambre régionale des comptes, c'est le secrétaire général aux affaires régionales qui vient présider. Il n'a aucun pouvoir ni aucun budget.

Lors de la création des OPMR, nous avions estimé qu'il fallait les doter, au minimum, de 70 000 euros – un peu plus à La Réunion et en Guyane, compte tenu de la vastitude de ces territoires. Aujourd'hui, j'entends que l'on peut rester dans cette situation : neuf OPMR sous-dotés, avec une hiérarchie lourde, sans moyens et sans pouvoir de saisine.

Nous avons même proposé à vos prédécesseurs, madame la ministre – vous n'étiez pas encore là, mais vous assumez la continuité de leur politique – de regrouper les OPMR par bassin océanique. Autrement dit, il pourrait n'y avoir qu'un OPMR doté de moyens pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe, qui tiendrait compte de la réalité de chaque territoire.

Aujourd'hui, vous refusez de transformer les OPMR et de les doter de la personnalité morale. Je sais bien que l'air du temps est plutôt de supprimer des autorités administratives indépendantes (AAI), que ce soit l'Agence de la transition écologique (Ademe) ou d'autres encore, mais il est temps de structurer ces observatoires et de leur donner les moyens !

Lorsque j'étais président de région, nous avions demandé que des attachés de l'Insee aident l'OPMR, mais cela n'a pas pu se faire, car ce n'était pas l'affaire du préfet… J'allais dire un mot vulgaire, mais je veux rester élégant. (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. Madame la ministre, ayant tous deux été ministres des outre-mer, Victorin Lurel et moi-même avons dû avoir entre les mains la même petite fiche que vous, et nous l'avons lue. (Mme la ministre fait la moue.)

Nous sommes obligés de nous poser des questions, car nous voyons bien que les OPMR ne fonctionnent pas. Le Président de la République a eu beau multiplier leurs moyens financiers par trois, ils restent insuffisants. Quant aux moyens humains, ils ont bien souvent été recrutés dans d'autres administrations pour soutenir les préfectures dans leurs travaux, mais nous sommes loin du compte.

Madame la ministre, bien sûr, je ne vous demande pas de décider aujourd'hui devant nous de doter les OPMR de la personnalité morale. Mais peut-être pouvez-vous vous engager à aller plus vite. Quels rendez-vous pouvons-nous nous donner ?

Pouvez-vous juste nous dire que vous y travaillez réellement ? Un rapport a été demandé à l'époque où Victorin Lurel était ministre, un autre a certainement été demandé avant que je le devienne, et d'autres l'ont été après. Quels rendez-vous précis pouvons-nous fixer tous ensemble pour avancer sur ce sujet, plutôt que de demander un rapport de plus ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je ne sais pas comment travaillaient mes prédécesseurs, mais, pour ma part, madame Girardin, je ne me contente pas de lire les fiches de banc. J'essaye d'aller un peu au-delà. Vous me l'accorderez.

Je le redis, sur le principe, je trouve l'idée intéressante. Nous avons besoin de davantage d'éléments de fond pour déterminer un cadre. La personnalité juridique, ce n'est pas rien ! Cela va de pair avec la responsabilité.

Monsieur Lurel, je m'inscris en effet dans la continuité de mes prédécesseurs, mais, au bout d'une dizaine de jours de travail, je dis : « Allons-y ! » J'émettrai d'ailleurs un avis favorable sur la demande de rapport de Mme Bélim, qui sera l'occasion de cranter le processus.

Mon cabinet est à votre disposition pour accélérer sur ce travail, qui nous permettra de revenir sur ce sujet dans un cadre structuré coconstruit par les parlementaires et le Gouvernement. Cela me semble être la meilleure méthode envisageable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 106, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant des propositions d'évolution pour conforter l'efficacité des observatoires des prix, des marges et des revenus et notamment permettre qu'ils soient dotés de la personnalité morale et renforcer leurs moyens humains et budgétaires.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Par cet amendement de repli, nous demandons que, dans les trois mois suivant la promulgation du présent texte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l'évolution des OPMR dans les différents territoires ultramarins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Les auteurs de cet amendement demandent la remise d'un rapport sur les OPMR, leurs moyens et sur leur possible personnalité morale.

Pour mener une réflexion relative à l'articulation entre les missions et les moyens de ces structures, un énième rapport du Gouvernement au Parlement ne paraît pas nécessaire. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Madame Girardin, sur la petite fiche que j'ai sous les yeux, il est indiqué « avis défavorable »… Mais, comme je l'ai indiqué précédemment, un tel rapport peut être tout à fait utile. L'avis est donc favorable.

M. Patrick Kanner. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim et Conconne, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 721-17 du code monétaire et financier, après la référence : « L. 312-1 » sont insérés les mots : « , notamment les frais de tenue de compte, les frais de fourniture de carte de débit et de cotisation à une offre d'assurance perte ou vol des moyens de paiement ».

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Nous suggérons à présent de compléter le dispositif relatif aux tarifs bancaires.

En 2012, la loi à laquelle j'ai eu l'honneur de donner mon nom a permis, sauf erreur, d'encadrer seize services bancaires ; pourtant, il reste encore à faire en la matière, ne serait-ce que parce qu'un certain nombre de tarifs augmentent faute de contrôles suffisants – je pense notamment aux frais de tenue de compte.

À cet égard, une exception mérite d'être citée : il s'agit de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce territoire est le seul à proposer gratuitement un abonnement de gestion complet par internet. Ailleurs, tous les tarifs sont en augmentation.

Le rapport que nous demandons nous semble nécessaire à une régulation, qui, bien sûr, resterait très modérée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement, déjà examiné en commission, tend à préciser que l'encadrement des tarifs bancaires outre-mer porte notamment sur certains frais. Or une telle mention n'aurait aucun effet en pratique. L'encadrement des tarifs bancaires existe déjà dans la loi : il est inutile de préciser les frais en question.

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur le sénateur, la problématique dont il s'agit n'est effectivement pas anodine.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Mes chers collègues, la commission d'enquête sur le coût de la vie outre-mer ne date que de 2023. On parlait alors des écarts de tarifs bancaires. On peut supposer que ce qui était vrai en 2023 l'est encore en 2025 ; et, si l'on ne fait rien, les problèmes perdureront jusqu'en 2026, 2027, 2028 ou 2030.

Cessons de prétendre que toute initiative est une contrainte ! Frais de découvert ou de gestion de comptes : les frais bancaires concernent tous les Ultramarins sans distinction. Quand on veut lutter contre la vie chère, il faut agir à tous les niveaux, y compris en matière de frais bancaires.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Pour ma part, je tiens à dissiper une confusion.

Notre excellent rapporteur, M. Frédéric Buval, estime qu'une telle disposition n'aurait pas d'effet. Mais l'Observatoire des tarifs bancaires relevait lui-même, en avril 2025, que dix-sept prestations bancaires étaient facturées au-delà de la moyenne pondérée. (Mme Audrey Bélim acquiesce.) En l'occurrence, on est donc face à une violation de la loi.

Si nous demandons ce travail de contrôle, ce n'est pas pour le plaisir de surcharger la loi ou de revendiquer la paternité de tel ou tel amendement. En contrecarrant certaines pratiques que les banques nous imposent, il s'agit tout simplement de lutter contre la vie chère.

À ma grande surprise, la commission des affaires économiques, que j'admire par ailleurs, semble s'être changée en comité de la hache… (Sourires sur les travées du groupe SER. – Mme Audrey Bélim rit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Le Houerou, G. Jourda, Conway-Mouret et Matray, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les conséquences pour le pouvoir d'achat des consommateurs d'une révision du décret n° 2013-1314 du 27 décembre 2013 réglementant les prix des produits pétroliers ainsi que le fonctionnement des marchés de gros pour la distribution de ces produits dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ainsi que des trois arrêtés du 5 février 2014 relatifs à la mise en œuvre dudit décret par une baisse des honoraires, des primes non cotées, des frais de trading et une suppression des indemnités de fin de contrat de location-gérance des stations-services.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai par la même occasion l'amendement n° 32 rectifié.

M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 32 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Omar Oili et Cozic, Mme G. Jourda, M. P. Joly, Mme Matray, M. M. Weber et Mmes Le Houerou et Conway-Mouret, et ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les conséquences pour le pouvoir d'achat des consommateurs d'une révision du décret n° 2013-1314 du 27 décembre 2013 réglementant les prix des produits pétroliers ainsi que le fonctionnement des marchés de gros pour la distribution de ces produits dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ainsi que des trois arrêtés du 5 février 2014 relatifs à la mise en œuvre dudit décret par une baisse des honoraires, des primes non cotées, des frais de trading et une suppression des indemnités de fin de contrat de location-gérance des stations-services.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Victorin Lurel. L'exécutif a déjà consacré moult rapports à la réglementation des produits pétroliers, le dernier en date ayant été rédigé par l'inspection générale des finances (IGF).

Lorsque j'étais au Gouvernement, nous avons, dans une démarche transpartisane, tenté d'assurer une telle réglementation par décret et par arrêté-cadre dans chacun des bassins océaniques, sachant que les prix du carburant sont, outre-mer, les seuls qui restent administrés.

Dans ce domaine, les collectivités territoriales, notamment les régions, ont développé une fiscalité relativement maîtrisée, grâce à laquelle l'écart en notre défaveur reste limité.

En revanche, un certain nombre de pratiques perdurent au mépris de la loi.

Je pense notamment – et je ne vais pas me faire que des amis – à l'indemnité de précarité des gérants : les locataires-gérants des stations-services reçoivent, à ce titre, 50 000 à 250 000 euros tous les ans ou tous les deux ans, aux dépens des consommateurs. À ce titre, nous sommes face à une concussion pure et simple : la création d'une « imposition de toute nature » est le monopole du Parlement.

Je pense aussi aux frais de trading – joli mot anglais qui ne fait que camoufler des frais de négociation. Lorsque j'étais au Gouvernement, nous les avons fait baisser de 5 euros à 3,67 euros par baril. Or aujourd'hui, sur chaque baril de 150 litres vendu, 4,57 dollars sont prélevés à ce titre. Nous demandons au Gouvernement de mettre fin à ces abus.

Je précise d'ores et déjà que nous réclamerons le même effort au sujet des professions réglementées.

J'ai le courage politique d'appeler l'attention sur ces sujets. Il y a des contrôles à mener, il y a des efforts à consentir. Or le Gouvernement se contente de procéder par compensation, par péréquation interne, sans mettre un kopeck supplémentaire, alors même que nous acceptons un quantum d'effort. Pourtant, notre demande est simple : contrôlez mieux !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ces deux amendements sont quasiment identiques. Le premier tend à solliciter un rapport dans un délai de trois mois ; le second tend à solliciter le même rapport, mais dans un délai de six mois.

Il s'agit là d'un vrai sujet, mais je ne suis pas persuadée que la réponse se trouve dans un rapport au Parlement. Je rappelle en outre que, de manière générale, le Sénat n'est guère friand de telles demandes de rapport. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Mme la rapporteure a raison : la réponse ne se trouvera pas dans un rapport ; elle relève de la responsabilité du Gouvernement.

Plusieurs groupes de travail ont été réunis à la suite du Ciom de 2023. Leurs membres réfléchissent précisément à des pistes de révision de la réglementation des carburants. Il faut continuer d'assurer l'approvisionnement des Drom en carburants répondant aux normes européennes tout en garantissant aux consommateurs ultramarins une véritable stabilité des prix – je rappelle que nous parlons de marchés étroits et éloignés de l'Union européenne.

Sur ce sujet, je reviendrai prochainement vers vous avec des propositions concrètes, inspirées de ces pistes de révision. À ce stade, j'émets donc à mon tour un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Conway-Mouret, G. Jourda, Le Houerou et Matray, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les conséquences pour le pouvoir d'achat des usagers d'une révision des majorations applicables aux tarifs réglementés des professions du droit prévues aux articles R. 444-58, R. 444-68, R. 444-7, R. 914-2-1, R. 924-3, R. 924-4, R. 954-2 et R. 954-3 du code de commerce et son impact financier sur les différents offices.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s'agit d'une nouvelle demande de rapport, portant sur un autre domaine très important,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Nous n'en doutons pas !

M. Victorin Lurel. … à savoir les professions du droit et de la santé.

Il y a quelques années, en défendant son projet de loi de libéralisation économique, M. Macron a tenté d'accroître la concurrence sur certaines professions réglementées, en particulier le notariat – en moyenne, les frais de notaire sont 25 % plus chers dans les outre-mer.

L'Autorité de la concurrence a également consacré un rapport aux huissiers de justice : les frais que prélèvent ces professionnels sont plus de 50 % plus élevés outre-mer. Dans le cas des infirmiers, l'écart est de 10 % : je l'entends. Quant aux livres, ils sont 15 % plus chers : je l'entends également. Je ne dis pas que ces différences sont nécessairement injustifiées, mais il faut à tout le moins se pencher sur certains points afin que le Parlement soit informé.

Dans le cas des pharmaciens, les majorations constatées sont en moyenne de 32 %. Je le répète, un tel écart n'est pas nécessairement indu : nombre de charges sont plus élevées dans nos territoires que dans l'Hexagone. Mais internet ne permet-il pas, tout de même, de réduire un certain nombre de frais ?

On me répondra que la culture du Sénat s'oppose aux demandes de rapport, mais l'Autorité de la concurrence n'en a pas moins réalisé un rapport sur ces questions, il y a déjà quelque temps. Pour faire baisser les prix, au bénéfice des usagers et des consommateurs, ne peut-on pas jeter sur ces questions un coup d'œil intelligent et raisonnable ?

Voilà ce que je demande : que le Gouvernement nous éclaire, afin que nous puissions décider en pleine connaissance de cause.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cette nouvelle demande de rapport vise les majorations applicables aux tarifs réglementés des professions du droit dans les outre-mer.

Il s'agit à l'évidence d'un amendement d'appel, la remise d'un tel rapport n'étant pas de nature à résoudre le problème énoncé. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous n'avons de tabou sur aucun sujet.

L'Autorité de la concurrence a effectivement émis un avis sur l'écart potentiel de rémunération des professions du droit entre les outre-mer et l'Hexagone. J'ajoute que ce travail date de 2019 : il est un peu trop ancien pour servir de base à une révision du taux de majoration appliqué par ces professions. Des données supplémentaires peuvent effectivement avoir leur intérêt pour expliquer les écarts que nous constatons.

J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic et P. Joly, Mme G. Jourda, M. M. Weber et Mmes Conway-Mouret, Matray et Le Houerou, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant d'objectiver les frais particuliers grevant le coût des médicaments distribués dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et justifiant les majorations des prix prévues par l'article L. 753-4 du code de la sécurité sociale. Ce rapport présente notamment les conséquences pour le pouvoir d'achat des consommateurs et pour l'activité des officines d'une révision de l'arrêté du 7 février 2008 fixant les coefficients de majorations applicables aux prix de vente des médicaments dans les départements d'outre-mer.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement a plus spécifiquement pour objet les professionnels de santé.

Dans le même esprit que précédemment, je demande, non pas la suppression des dispositifs considérés, mais leur évaluation et, le cas échéant, leur révision, pour tenir compte des réalités.

Les surcoûts dont il s'agit sont-ils réellement nécessaires ? À l'évidence, le différentiel de 15 % sur les livres se justifie, comme l'écart de 10 % constaté pour les infirmiers. Mais, pour d'autres professions, une évaluation s'impose.

On me dira une fois de plus que le Sénat, par tradition, s'oppose aux demandes de rapport. Mais, à tout le moins, je veux attirer l'attention du Gouvernement sur ces enjeux. D'ailleurs, je remercie Mme la ministre des avis favorables qu'elle a exprimés sur les amendements précédents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement, qui tend lui aussi à assurer la remise d'un rapport, cette fois sur le coût des médicaments outre-mer, reçoit également un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Les médicaments sont évidemment des produits essentiels. Nos concitoyens doivent pouvoir y accéder de manière équitable, où qu'ils se trouvent.

La majoration de prix de vente des médicaments par les officines ultramarines se justifie par le coût structurellement plus élevé d'approvisionnement en de tels produits, notamment dû à l'éloignement des territoires considérés – ce critère vaut dans de nombreux domaines.

Néanmoins, la remise d'un rapport paraît opportune pour objectiver ces coûts et justifier l'ordre de grandeur des majorations dont il s'agit, dans le contexte de cherté que connaissent ces territoires. On sait, en outre, que la question de la santé est capitale pour tous nos concitoyens.

En conséquence, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Mes chers collègues, attention à l'effet boomerang…

En ce moment, les pharmacies font l'objet de nombreux débats chez nous. Beaucoup d'entre elles risquent la liquidation judiciaire : la parapharmacie subit une concurrence féroce, réduisant dangereusement les marges, si bien que beaucoup de pharmacies sont menacées de fermeture.

Il y a quinze jours de cela, j'ai reçu les représentants d'un syndicat de pharmaciens, qui, pour certains, sont littéralement au bord de la faillite. Dans ces domaines, il faut faire très attention.

Je le dis depuis le début de cette discussion : je conçois que l'on veuille réduire les prix dans tel ou tel secteur, mais prenons garde de faire s'écrouler le système tout entier.

Il faut dépasser les a priori : un pharmacien n'est pas forcément riche. Figurez-vous que j'ai eu l'occasion de rencontrer des pharmaciens qui ne se versent pas de salaire tous les mois, alors même que, pour sauver leur activité, ils avaient accepté d'être au Smic.

Je le répète, attention ! Nous parlons d'un secteur qui emploie énormément de personnes, qui traite de très nombreuses questions de stockage et assume énormément de coûts à ce titre. Ne déshabillons pas saint Paul pour habiller saint Pierre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre II

Réduction des coûts d'acheminement et logistiques

Après l'article 3
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Après l'article 4

Article 4

I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat, il est institué sous forme de concession en Martinique un service public de gestion logistique.

bis (nouveau). – Le service public mentionné au I bénéficie en priorité aux entreprises établies en Martinique, tant pour leurs activités d'importation que d'exportation.

ter (nouveau). – Seules peuvent avoir recours au service public de gestion logistique mentionné au I les entreprises qui respectent les normes sociales et environnementales déterminées par décret.

II. – Au terme de l'expérimentation, et au plus tard six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les effets économiques, sociaux et environnementaux du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.

III (nouveau). – Deux ans après la promulgation de la présente loi, les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution à l'exception de la Martinique, les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna peuvent demander à l'État la mise en place d'un service public de gestion logistique à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat qui est sous forme de concession.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Conconne et MM. Lurel, Omar Oili et P. Joly, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Nous proposons simplement de supprimer cet article !

Je l'ai dit lors de la discussion générale, ce projet de loi a été rédigé de manière hâtive, sur la base d'arguments qui ne sont pas tous fondés. Or un tel travail exigeait du temps et de la concertation. En effet, certains systèmes et certains contextes devaient être appréhendés plus finement.

Mes chers collègues, je suis bien placée pour vous parler de ces problèmes : je vis là-bas ! Les personnes dont nous parlons, je les côtoie tout le temps, qu'il s'agisse des acteurs économiques, petits, moyens ou gros, ou des services de l'État, notamment les OPMR. À l'évidence, un certain nombre d'éléments font défaut et, sans eux, ce projet de loi ne peut pas viser juste.

C'est particulièrement vrai pour l'article 4, qui institue en Martinique « un service public de gestion logistique », « sous forme de concession ».

Des entreprises privées se sont déjà organisées pour exercer cette mission. Elles ont investi en conséquence. Que leur dira-t-on, demain, quand cette concession de l'État aura été créée ? On leur imposera de fermer, en licenciant tout leur personnel ?

D'ailleurs, si l'État veut créer une telle concession, il ne compte pas pour autant débourser un kopeck ! On nous laisse entendre que l'on va trouver du foncier… S'il y a du foncier de l'État disponible autour du port ou de l'aéroport de Fort-de-France, par exemple pour créer une zone franche ou déployer des moyens logistiques internes, nous sommes évidemment preneurs ; pour ma part, je ne vois pas où trouver de tels terrains dans nos territoires.

Une fois de plus, on invente un « truc » en faisant croire que l'État ne peut rien faire, qu'il ne peut rien mettre sur la table pour assurer la continuité territoriale. Voilà pourquoi je demande la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le développement du e-commerce est entravé en Martinique par des difficultés structurelles – marché local restreint, coûts logistiques élevés, contraintes douanières, et j'en passe – qui le rendent peu attractif pour les investisseurs, engendrant une forme de carence de l'initiative privée.

La création d'un e-hub doit permettre aux entreprises martiniquaises, en particulier les TPE et les PME, de commander ou d'expédier des volumes importants de produits pour lesquels aucune gestion logistique n'est jusqu'à présent disponible. Une telle formule permettrait de susciter de nouveaux flux commerciaux.

Afin de conforter cette orientation, la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les entreprises établies en Martinique bénéficient en priorité du e-hub pour leurs activités, tant à l'importation qu'à l'exportation.

Elle a également adopté un amendement tendant à ajouter que les entreprises utilisant le e-hub doivent respecter des critères de responsabilité sociale et environnementale définis par décret.

Assortie de tels garde-fous, cette expérimentation mérite d'être tentée pour améliorer la disponibilité et la rapidité de livraison des produits les plus demandés par les Martiniquais tout en renforçant la concurrence, afin de lutter contre les situations oligopolistiques.

Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Avant tout, je rappelle que l'article 4 ouvre la voie à une simple expérimentation, destinée à tester la faisabilité d'une logistique pensée comme étant mutualisée, dans un contexte marqué – on le sait – par une grave défaillance du marché.

Madame la sénatrice, vous pointez un certain nombre d'imprécisions, qu'il s'agisse de la procédure d'attribution de concession, des conditions d'accès ou de la tarification, imprécisions que vous détaillez dans l'objet de votre amendement. Mais, en réalité, tous ces éléments relèvent du cahier des charges à venir.

Les difficultés identifiées sont d'ores et déjà prises en compte : un encadrement précis sera assuré lors de la mise en œuvre du dispositif. Tous ces points sont évidemment suivis de près lors du déploiement opérationnel.

L'objectif n'est en aucun cas de venir concurrencer les opérateurs martiniquais actuels, mais bien de les associer pleinement pour réduire les coûts logistiques et favoriser le développement de l'offre en ligne locale. (Mme Catherine Conconne manifeste sa circonspection.) En réalité, ce dispositif a vocation à compléter les initiatives existantes, dans une logique de coopération économique et territoriale.

C'est exact, la dynamique actuelle du petit import constitue une véritable avancée. Elle permet aux consommateurs ultramarins, et notamment martiniquais, d'accéder à une offre élargie de produits en ligne : cette évolution traduit une demande légitime d'égalité d'accès au e-commerce par rapport à l'Hexagone. Vous savez comme moi que cette demande est très forte de la part de nos concitoyens ultramarins.

Le système actuel est souvent fondé sur des initiatives individuelles plus ou moins informelles, plus ou moins bien encadrées. Dans bien des cas, il repose sur l'envoi par des particuliers. De plus – je le rappelle –, il emprunte des circuits parallèles de réexpédition.

Ce système ne présente ni la pérennité…

Mme Naïma Moutchou, ministre. … ni la sécurité nécessaires à une structuration durable du commerce en ligne outre-mer. Non seulement il engendre une opacité tarifaire et des risques juridiques majeurs, mais encore il ne garantit ni la traçabilité ni la conformité des produits.

L'expérimentation du e-hub vise précisément à remédier à cette fragmentation, en proposant une solution logistique collective et suffisamment encadrée, donc solide juridiquement et transparente.

En procédant ainsi, l'on agira au bénéfice conjoint des acteurs économiques locaux, qui pourront trouver leur place dans la chaîne du e-commerce et développer leurs services, et des plateformes situées en Europe, notamment dans l'Hexagone.

Ces plateformes disposeront de conditions logistiques et douanières maîtrisées pour livrer les territoires ultramarins, au bénéfice, bien sûr, des consommateurs, lesquels pourront accéder à divers produits dans un cadre sécurisé. En somme, on aura la certitude qu'ils ne se feront pas avoir. Le cadre retenu sera conforme aux règles de la concurrence et de protection des droits des consommateurs.

Enfin, cette expérimentation ne trahit aucun des engagements de l'État. Au contraire, elle relève d'une approche pragmatique : nous cherchons à identifier des solutions opérationnelles avant un éventuel déploiement pérenne, y compris dans d'autres territoires ultramarins. Je le sais, certains de ces territoires y aspirent d'ores et déjà.

Cette initiative s'inscrit pleinement dans une logique d'intérêt général, orientée vers la cohésion économique et sociale des territoires.

C'est pourquoi je suis particulièrement défavorable à la suppression de l'article 4. À la fin de l'expérimentation, nous pourrons réexaminer les différents sujets abordés dans le cadre de ce débat ; et, s'il le faut, nous nous en tiendrons au statu quo.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, je suis tentée de vous dire que cette expérimentation est déjà lancée. (Mme la ministre proteste.) En effet, trois ou quatre plateformes ont été créées, et elles font ce que vous venez de décrire.

Dites-moi comment le coût des marchandises va baisser. Vous entendez faire supporter les coûts logistiques par ce concessionnaire : en quoi les droits de douane et les coûts de fret vont-ils diminuer ? Quelle est la valeur ajoutée d'un tel système, inventé par l'État ? Il n'y en a aucune !

Vous nous dites que les consommateurs ne se feront pas avoir : cette phrase est révélatrice de l'état d'esprit qui a présidé à l'élaboration du présent texte. « Se faire avoir »… Vous partez du principe qu'il y a des loups partout, des escrocs partout (Mme la ministre manifeste son désaccord.), que c'est précisément ce qui caractérise nos territoires. Et donc, il faut doubler le nombre des loups… pour éviter qu'ils ne mangent toute la bergerie !...

Madame la ministre, cette concession de l'État ne présente absolument aucun intérêt. Aujourd'hui, l'expérimentation que vous proposez est déjà à l'œuvre. Plusieurs plateformes existent. Elles assurent un véritable service de transport, et les gens ne se font pas avoir. Elles sont dirigées par des chefs d'entreprise sérieux, qui ont pignon sur rue, qui sont connus en Martinique. Ils ont commencé ce travail et tout se passe très bien. Je pense par exemple à Dom Export et à Shopîles, et je pourrais citer d'autres noms. Il existe des plateformes similaires à La Réunion.

Que leur apportez-vous ? Quand ces entrepreneurs vous demanderont de les aider à construire un bâtiment, vous leur répondrez non ; vous leur opposerez que l'État ne peut rien faire. L'État va donc créer une concession pour assurer un service qui existe déjà ? Il va mener ce travail sans aucune valeur ajoutée ? Mais on marche sur la tête, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Si l'article était supprimé, mon amendement deviendrait-il sans objet ? Dans l'affirmative, pourquoi n'est-il pas intégré à une discussion commune ?

M. le président. Les amendements de suppression sont toujours examinés en premier, mon cher collègue.

La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je n'ai pas la chance de vivre en Martinique, mais je n'en soutiens pas moins cet amendement, dont je comprends le sens.

Mes chers collègues, nous débattons de mesures destinées à lutter contre la vie chère outre-mer, dans le prolongement du bouclier qualité prix, dont on a pu constater les insuffisances. Or cet article crée un hub de e-commerce chargé d'acheminer je ne sais quels produits au détriment des commerçants locaux. Il s'agit bel et bien d'une concurrence déloyale.

S'il y a un hub à faire, c'est un hub inspiré du marché de Rungis et destiné aux produits régionaux. Ne perdons pas le sens des réalités et des priorités. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J'ai cosigné cet amendement, avec mes collègues Catherine Conconne, Saïd Omar Oili et Patrice Joly, car, à mon sens, l'article 4 pose bel et bien problème. J'approuve en particulier ce que Mme Conconne vient de dire de la philosophie générale de cet article.

Non seulement l'État ne met rien sur la table, mais encore il refuse purement et simplement de modifier l'encadrement juridique ou de renforcer le droit de la concurrence outre-mer. Dans le cas d'espèce, l'État est à la manœuvre : il sera autorité délégante et choisira souverainement les plateformes numériques bénéficiaires de la concession.

Le Gouvernement veut procéder, grosso modo, par privatisation. J'ai connu une situation comparable avec le câble « Guadeloupe numérique », traversant toute la Caraïbe : nous avons dû nous battre comme des fous pour faire baisser les tarifs de la bande passante et de la fibre noire.

En l'occurrence, nous devrons donc composer avec un acteur privé soucieux de rentabiliser son investissement. L'État n'aura pas barre sur lui.

Ensuite, l'État invoque une défaillance du secteur privé. Pourtant, et Catherine Conconne vient de le rappeler, des initiatives ont été prises dans les îles dans ce domaine. Je ne suis donc pas certain qu'une telle défaillance puisse être reconnue à l'avenir, par exemple à l'occasion d'un recours devant le Conseil constitutionnel, voire de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). C'est pourtant ce qu'affirme le rapport !

L'État se défausse et concentre les moyens sur la Martinique. Je n'y vois, au demeurant, pas de problème, mais pourquoi ne pas autoriser chacune des collectivités à agir dans le cadre de ses compétences ? Une loi n'est d'ailleurs pas nécessaire pour cela : je défendrai dans la suite de la discussion un amendement tendant à la remise par le Gouvernement d'un rapport portant sur les modalités de création de centrales d'approvisionnement et de stockage régionales. Je l'avais d'ailleurs fait moi-même, mais j'ai perdu l'élection suivante et mon successeur a enterré le dispositif.

L'État prend ici une initiative sans y consacrer un kopeck, sans un sou vaillant ; cela me gêne. Nous demandons plus de responsabilités et plus d'autonomie.

N'adoptez pas cette disposition ; pour ma part, je voterai pour la suppression de cet article et j'incite mes collègues, puisqu'ils sont libéraux, à faire de même. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je reprends la parole pour tenter de convaincre Mme la sénatrice Conconne du bien-fondé du dispositif ou, à tout le moins, d'introduire un peu de doute dans son esprit, en m'adressant à l'ensemble de l'hémicycle.

Êtes-vous satisfaits de la situation actuelle du commerce en ligne en Martinique ? Les Martiniquais, à l'évidence, ne le sont pas, la délégation sénatoriale aux outre-mer non plus, dont le rapport souligne un problème en la matière.

Mme Catherine Conconne. Prétendez-vous connaître les Martiniquais mieux que moi ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je ne parle pas en théorie, madame la sénatrice, nous échangeons simplement des points de vue et je verse au débat des éléments factuels, qui ne sont pas de simples vues de l'esprit. Si ces constats contredisaient ma position, je l'admettrais sans difficulté.

Les échanges menés par les équipes de la direction générale des entreprises (DGE) à Bercy avec les acteurs locaux aboutissent à un constat commun : le e-commerce est très peu développé dans les territoires ultramarins par rapport à l'Hexagone. Selon le Sénat, le commerce en ligne dans les outre-mer est de dix à cinquante fois plus faible que dans l'Hexagone. Les grandes enseignes, comme Amazon ou Cdiscount, ne livrent pas les DOM,…

Mme Naïma Moutchou, ministre.… ce qui contraint les consommateurs à recourir à des réexpéditeurs, comme ColisExpat, ou à des plateformes émergentes, comme Dommarket ou Isleden.

Ce contournement renforce les inégalités d'accès au numérique marchand et constitue, c'est évident, une rupture d'égalité devant l'accès aux biens de consommation. Parallèlement, on observe une explosion des flux en provenance d'Asie, ce qui atteste l'existence d'une demande.

Il en résulte des surcoûts considérables pour les consommateurs ultramarins : le seul fret peut représenter pour eux jusqu'à 50 % du prix d'un panier moyen, soit en moyenne 68 euros, ce qui est énorme.

Mme Catherine Conconne. C'est pourquoi il importe de garantir la continuité territoriale !

Mme Naïma Moutchou, ministre. S'agissant de la question foncière, vous avez évoqué des bâtiments construits, mais le projet porte sur une friche à réhabiliter et la DGE a déjà identifié plusieurs terrains. Un travail est donc engagé et des réponses seront apportées à cette situation, nous aurons l'occasion d'en parler à nouveau.

J'ai entendu parler de concurrence déloyale. Ce n'est pas exact : le projet vise à renforcer le tissu commercial ultramarin en offrant aux acteurs locaux un canal logistique commun et structuré.

L'e-hub offrira un soutien logistique essentiel aux commerçants physiques locaux, qui, contrairement aux grandes entreprises dominantes, ne disposent pas de leurs propres entrepôts. Il leur permettra de simplifier la gestion de leurs commandes et d'optimiser les opérations de stockage et de livraison.

Je forme le vœu que ces éléments factuels vous rassurent sur l'intérêt de cette expérimentation.

Mme Catherine Conconne. Non, tout cela est faux !

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur Lurel, on ne peut demander à la fois la suppression du dispositif et son extension à l'ensemble des collectivités. Il y a là un non-sens : s'il faut l'étendre, c'est donc qu'il y a un intérêt, à tout le moins, à l'expérimenter.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, on parle beaucoup de décentralisation en ce moment. Or je vous livre une information qui me paraît importante : l'assemblée de Martinique est opposée à la création de ce hub.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Mais non !

Mme Catherine Conconne. J'en suis membre !

M. Daniel Salmon. Peut-être pourrions-nous écouter les assemblées locales, qui ont une vision claire du sujet ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à ramener de cinq à trois ans la durée de l'expérimentation du service public de gestion logistique institué en Martinique.

Afin de mettre tout le monde d'accord, et à la suite du rejet de l'amendement précédent, nous proposons donc d'accorder au dispositif une période de trois ans, qui paraît suffisante pour évaluer son efficacité, comme son impact sur la réduction des coûts d'acheminement et sur la fluidité logistique des territoires concernés.

Cette durée plus courte permettra également de dresser un bilan plus rapidement, de généraliser possiblement la mesure à d'autres territoires demandeurs, comme Mayotte, ou de l'ajuster en fonction des résultats observés, tout en garantissant une utilisation efficiente des moyens publics.

Cet amendement me semble être de bon sens et il est susceptible, je le répète, de mettre tout le monde d'accord.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le recours à une expérimentation pour la mise en place de l'e-hub vise à ménager la possibilité de mettre fin à ce service public de gestion logistique si celui-ci n'atteignait pas les objectifs qui lui sont assignés ou rencontrait des difficultés financières compromettant sa viabilité.

En cas de succès, cette expérimentation pourrait, a contrario, être pérennisée, voire étendue à d'autres territoires ultramarins.

La durée de cinq ans se justifie par la nécessité d'amortir les investissements logistiques et le système d'information requis pour la mise en œuvre du dispositif ; elle apparaît également nécessaire pour en tirer des enseignements exploitables et permettre une évolution durable des comportements d'achat des entreprises et des consommateurs martiniquais.

Une durée de trois ans serait, en revanche, trop brève et rendrait vraisemblablement infructueuse la recherche de l'opérateur chargé d'assurer ce service public.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. J'aimerais, moi aussi, pouvoir accélérer le temps, mais la réduction de la durée d'expérimentation de cinq à trois ans poserait problème : nous disposons d'un calendrier opérationnel et réaliste, qui est le gage d'une évaluation finale fiable. Permettez-moi de vous en présenter le déroulement.

Les six à douze premiers mois sont nécessaires au montage du projet, à la passation du contrat, à la mise en conformité des infrastructures et des systèmes d'information, ainsi qu'aux recrutements. S'ensuit une phase de montée en charge, évaluée entre douze et dix-huit mois, pour atteindre la pleine exploitation.

Sur un horizon de trois ans seulement, il ne resterait donc que six à douze mois d'exploitation mature et solide, ce qui serait insuffisant pour tirer des conclusions suffisamment robustes.

Une durée de cinq ans, au contraire, permettra d'observer l'expérimentation sur une période de deux ans à deux ans et demi d'exploitation stabilisée. Une telle durée est nécessaire pour identifier la courbe d'apprentissage, constater les gains d'efficacité, amortir les investissements engagés et atténuer l'impact d'aléas saisonniers ou exceptionnels.

Je crains, en effet, qu'accélérer le calendrier ne nous permette pas de prendre le recul suffisant pour mesurer précisément les impacts de cette expérimentation et ainsi en tirer toutes les conséquences.

L'avis du Gouvernement est donc malheureusement défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Quel que soit le délai choisi, je m'élève contre ce dispositif, qui n'est pas souhaité par l'essentiel des Martiniquais et qui a provoqué une levée de boucliers parmi les opérateurs déjà à l'œuvre.

L'un d'entre eux a d'ailleurs été contacté par Amazon à la suite d'une audition au Sénat. Il est aujourd'hui le bras armé du géant du e-commerce sur le territoire : quand j'ai quitté la Martinique, on installait des panneaux publicitaires annonçant que les produits Amazon seraient livrés par cet acteur. Je ne comprends donc pas l'utilité de ce dispositif supplémentaire.

Qui va payer ? On aurait trouvé des friches disponibles… Très humblement, qu'il me soit permis de dire à certains orateurs que je connais mon pays un peu mieux que d'autres, et je puis donc vous assurer que ce dispositif ne verra pas le jour : je m'en occupe personnellement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.

Mme Salama Ramia. Je veux dire à notre collègue que tous les territoires ne sont pas identiques. Pour ce qui concerne Mayotte, le monde économique m'avait saisie précisément parce qu'il souhaitait bénéficier de cette expérimentation.

J'ai entendu évoquer les plateformes qui existent à La Réunion ou dans d'autres territoires, mais elles sont absentes à Mayotte. J'ai déposé un amendement en ce sens, qui a malheureusement été jugé irrecevable.

Cette expérimentation était pourtant demandée, en raison des difficultés foncières et des problèmes de logistique que connaît Mayotte, alors que la situation est devenue plus difficile encore depuis le cyclone. Dans le bassin de l'océan Indien, nous étions donc preneurs !

Mme Catherine Conconne. Eh bien, changeons d'océan !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Madame la ministre, je souhaite apporter une précision. Vous avez indiqué que la délégation sénatoriale aux outre-mer avait présenté ce dispositif.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Or ce n'est pas ce qui ressort de son rapport, lequel n'évoque nullement la mise en place d'une plateforme semi-publique. Dans le cadre de nos travaux sur la vie chère, nous avons auditionné plusieurs plateformes de e-commerce, comme toutes les personnes concernées, notamment des représentants de la collectivité territoriale de Martinique. Ceux-ci avaient laissé entendre qu'il s'agissait d'une demande soutenue par le territoire et que la collectivité mettrait même à la disposition de l'opérateur un hangar de 1 200 mètres carrés.

Je vous avoue que je suis très confuse, car j'ai pour habitude de ne pas prendre d'initiatives concernant des territoires qui ne sont pas le mien.

Je tenais donc à indiquer que cette démarche ne vise nullement à imposer quoi que ce soit et qu'elle a été menée en étroite collaboration avec notre collègue Frédéric Buval, qui représente également la Martinique.

Mme Catherine Conconne. J'ai la chance d'être élue à l'assemblée territoriale, et nous n'avons rien proposé de tel !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous avions également déposé un amendement visant à étendre ce service public de logistique maritime à d'autres territoires ultramarins, notamment à La Réunion, car, mes chers collègues de Mayotte, nous en avons également besoin. Cet amendement a toutefois été déclaré irrecevable.

Son objectif était de s'attaquer à la dépendance structurelle de nos territoires vis-à-vis des importations en provenance de la métropole.

La solution serait de mettre en place un programme de diversification des approvisionnements dans tous les océans qui permette l'importation de produits de consommation courante à partir de nos voisins géographiques des Caraïbes, d'Amérique latine, d'Afrique et de l'océan Indien. Le manque d'autonomie logistique régionale constitue un verrou, et nous déplorons que ce projet de loi ne renforce pas l'insertion de nos territoires ultramarins dans leur environnement régional.

Une étude de la Banque mondiale de 2023 montre que la diversification des approvisionnements pourrait réduire les coûts logistiques de 15 % à 25 %. Il s'agit là de chiffres concrets ! De plus, la réduction des trajets maritimes divise par deux l'empreinte carbone des importations, ce qui rejoint une directive européenne sur l'impact environnemental des importations massives vers nos territoires.

Enfin, les accords régionaux, par exemple dans les Caraïbes, sont sous-exploités. Ils permettraient pourtant de sécuriser les approvisionnements et de soutenir les économies locales, notamment face aux risques cycloniques, qui ont été évoqués.

Le récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la coopération et l'intégration régionales des outre-mer le confirme : « Il apparaît donc urgent d'engager les investissements nécessaires, sans lesquels il est inenvisageable de concevoir une stratégie économique crédible vis-à-vis des partenaires régionaux. »

Tout est dit. (M. Pascal Savoldelli applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, il n'y a aucune incohérence dans la position que j'ai défendue en demandant la suppression de cet article. Mes convictions m'inclinent à réclamer plus de responsabilités et plus d'autonomie pour les collectivités. La décentralisation est un fait : nos collectivités sont majeures et aptes à décider. Vous avez choisi de l'ignorer et d'imposer votre décision depuis le sommet. Soit.

Je m'interroge toutefois sur un point : aucune étude d'impact sur la production locale n'a été réalisée. Dont acte. Comment, dès lors, choisirez-vous le délégataire ? Ce service pourrait ainsi être confié à Amazon, à de très grands groupes ou à de grandes plateformes numériques.

Il vous faudra donc caviarder quelque peu le règlement de la consultation – permettez-moi d'être cash. Comment procéderez-vous ? Si vous réservez ce marché à des initiatives locales – plusieurs d'entre elles ont été citées –, il vous faudra justifier votre choix en toute transparence, objectivité et efficacité.

J'avais préparé quelques amendements de repli avec mon groupe, au cas où la proposition principale – le respect de la décentralisation et de l'autonomie des collectivités – ne serait pas adoptée, ce qui fut le cas. J'aimerais donc comprendre votre méthode. Pour le reste, ce projet est votre affaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

I bis. – Afin de préserver la finalité du service public de gestion logistique mentionné au I, le dispositif est prioritairement destiné aux entreprises qui ne relèvent pas de la catégorie des très grandes plateformes en ligne au sens de l'article 33 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. Les modalités de cette priorisation sont précisées par décret, et, le cas échéant, par voie contractuelle.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à garantir que l'e-hub ne soit pas un cheval de Troie qui ouvre le marché martiniquais à Shein, Temu ou Amazon, mais qu'il soit destiné en priorité aux entreprises martiniquaises.

Nous avons introduit une disposition en ce sens en commission, et nous avons travaillé pour aboutir à une rédaction plus satisfaisante et juridiquement plus sûre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement vise à réserver prioritairement le dispositif de gestion logistique aux entreprises qui ne relèvent pas de la catégorie des très grandes plateformes en ligne.

L'article 4, tel qu'il a été adopté par la commission des affaires économiques, prévoit que les entreprises établies en Martinique bénéficient en priorité de ce dispositif, pour leurs activités d'importation comme d'exportation.

Si l'objectif de le réserver aux entreprises martiniquaises est louable, il soulève une difficulté d'ordre juridique : une telle mention crée une distinction de traitement entre les opérateurs, ce qui ouvre la voie à des contestations pour rupture d'égalité entre les acteurs économiques et risque d'être incompatible avec le droit européen. (Mme Catherine Conconne ironise.)

Sur le plan opérationnel, le dispositif envisagé se veut ouvert à tous, mais il bénéficiera, dans les faits, avant tout aux acteurs locaux.

L'amendement que vous présentez retient une rédaction plus solide sur le plan juridique, puisqu'elle se fonde sur un critère objectif issu du droit de l'Union européenne, visant à exclure de fait les grandes entreprises du numérique.

L'avis est donc favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. J'épuiserai l'ensemble des voies et moyens, même si je connais la finalité de cet article !

Nous commençons à toucher aux limites du système. Si l'on écarte les grandes plateformes – Temu, Shein, Amazon et les autres –, qui inclura-t-on ? Quelle sera l'alternative ?

Je rappelle, pour ceux qui l'ignoreraient, que je suis également élue de la collectivité territoriale de Martinique. On m'accordera donc que je sais tant soit peu ce qui s'y passe ! La proposition de la collectivité était de s'appuyer sur des infrastructures existantes pour permettre des importations en zone franche, d'où la mise à disposition d'un hangar de 1 200 mètres carrés, qui n'a rien à voir avec le présent dispositif.

J'ai été reçue il y a trois semaines par le président du conseil exécutif, M. Serge Letchimy. Et que m'a-t-il dit ? « Vous, les parlementaires, vous voulez nous imposer un dispositif concédé par l'État qui ouvrirait la porte à tout ce qui se fait dans le monde ? Si cela ne tient qu'à moi, il n'en sera rien ! » Connaissant ma philosophie politique, il m'a indiqué qu'il comptait sur moi pour éviter cela.

Vous le voyez, le discours selon lequel nous serions demandeurs d'une telle mesure ne tient pas la route. Quand je m'exprime dans cet hémicycle, je sais de quoi je parle ; quand je ne le sais pas, je me tais. Si je me permets d'insister et d'apporter des précisions sur ce sujet, c'est que je l'ai exploré en profondeur.

Je termine en évoquant l'esprit qui a présidé au dernier congrès des élus de Martinique, le 8 octobre dernier. Comme le rappelle souvent ici Victorin Lurel, en off, nous souhaitons disposer d'un pouvoir normatif autonome qui nous permettrait de décider par nous-mêmes de ce genre de dispositifs.

Qu'apporte la concession de l'État ? Rien. Pas un kopeck ! On nous propose de chercher une friche… Mais quelle est la valeur ajoutée de l'État en la matière ?

Laissez-nous mener nos affaires ! (MM. Saïd Omar Oili et Philippe Grosvalet applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je n'avais pas connaissance de cet amendement déposé au nom de la commission des affaires économiques. Son exposé des motifs indique que l'objectif n'est pas d'exclure certaines entreprises, mais l'effet sera identique : des entreprises seront exclues.

J'avais évoqué le sujet, vous me répondez par un ou deux amendements, que je découvre, et qui s'appuient sur les règlements relatifs aux très grandes plateformes en ligne, les very large online platforms, ou VLOP. Vous vous heurterez là à un problème juridique.

Je ne m'oppose pas à la protection de notre économie, bien au contraire. J'ai moi-même évoqué les circuits que nous pourrions mettre en place. Pour autant, vous décidez de nous imposer d'en haut un dispositif. Vous serez contraints de caviarder le règlement et d'organiser une fausse mise en concurrence pour effectuer votre choix. Nous construisons là une véritable usine à gaz !

Ensuite, un point que l'on semble vouloir éviter : Mme la ministre a mentionné la possibilité d'exporter nos productions, mais en matière d'importation, de concurrence, de promotion de la compétitivité, l'État est défaillant. Il prend une initiative qu'il ne finance pas.

Dans ces conditions, je m'abstiendrai, car je souhaite être agréable à notre rapporteure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Article 5

Après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Conway-Mouret, G. Jourda, Le Houerou et Matray, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les modalités de mise en œuvre par l'État, les collectivités territoriales d'outre-mer, les chambres consulaires et les professionnels locaux de centrales d'approvisionnement et de stockage régionales en vue d'une mutualisation des moyens, d'une réduction des coûts et frais d'approvisionnement et d'une réduction des prix de consommation courante.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à obtenir un rapport du Gouvernement afin d'inciter à la création de centrales régionales d'approvisionnement. Madame la ministre, vos prédécesseurs, MM. Carenco et Valls, étaient d'accord pour s'engager dans une telle démarche.

Je reconnais que les centrales d'achat existantes avaient fort mal accueilli cette perspective ; elles acceptaient toutefois, sportivement, l'émulation et la compétition.

Cet amendement d'appel vise donc à inviter le Gouvernement à réfléchir à l'intensification du paysage concurrentiel en outre-mer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Outre le fait que le Sénat est traditionnellement opposé aux demandes de rapport au Gouvernement, les centrales régionales d'approvisionnement et de stockage évoquées par les auteurs de cet amendement verraient leur mission recouper largement celle des e-hubs tels que celui que l'article 4 prévoit d'expérimenter en Martinique.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim et Conconne, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, lorsque les pouvoirs publics décident d'une baisse de la fiscalité pesant sur les opérateurs économiques aux fins de lutter contre la hausse ou le niveau des prix de détail, les opérateurs bénéficiant directement ou indirectement de cette baisse sont tenus d'apporter aux administrations concernées tout élément utile permettant d'établir la répercussion effective de cette baisse sur les prix. Le bilan de contrôle de cette répercussion est adressé aux présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus territorialement compétents.

Un décret précise les modalités d'application du présent article.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s'agit de contrôler l'effectivité de la répercussion des baisses de la fiscalité sur le niveau des prix de détail afin d'éviter toute captation de marge, telle celle que l'on observe peut-être déjà en Martinique, à l'occasion de la baisse de la TVA ou de celle de l'octroi de mer.

Comment, dès lors, contrôler l'effectivité d'une telle répercussion sur les prix ? Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à contrôler la répercussion des baisses de fiscalité sur le niveau des prix de détail.

Son adoption imposerait à chaque opérateur économique bénéficiant, directement ou indirectement, de ces baisses de fournir aux administrations concernées des bilans relatifs à leurs conséquences sur les prix au détail.

Ce dispositif apparaît lourd et contraignant, alors que la relation entre la fiscalité et la baisse des prix au détail n'obéit à aucune mécanique directe.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 4
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Après l'article 5

Article 5

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements et de deux sous-amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, il est institué un organisme de péréquation des frais d'approche, par l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation des produits, comprenant les entreprises du secteur du commerce de détail, leurs fournisseurs, qu'ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, ainsi que les entreprises de fret maritime et les transitaires, afin de réduire ces frais sur des produits de grande consommation vendus dans ces collectivités.

II. – L'organisme est chargé de collecter les contributions volontaires versées par les entreprises mentionnées au I, dont la charge est affectée aux autres produits de ces entreprises que ceux identifiés comme étant des produits de grande consommation et dont la liste est fixée par arrêté du représentant de l'État. Les contributions versées sont exclusivement destinées à réduire les frais d'approche desdits produits de grande consommation.

III. – L'organisme est géré par un comité de gestion composé de représentants des entreprises mentionnées au I qui fixe les modalités de son fonctionnement et les modalités de financement des mesures visant à réduire les frais d'approche des produits de grande consommation mentionnés au II, dans des conditions objectives, transparentes, efficaces et non discriminatoires.

IV. – Pour l'application du I, les frais d'approche s'entendent de l'ensemble des frais de logistique et d'acheminement facturés aux importateurs, grossistes ou distributeurs établis dans les collectivités concernées.

V. – Les modalités d'application des I à IV sont précisées par décret en Conseil d'État.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. L'article 5 du texte initial était important : il habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d'un an, toute mesure législative visant à réduire les frais d'approche sur les produits de première nécessité importés en outre-mer.

Ce dispositif reposait sur un système de péréquation entre les frais d'approche des produits de première nécessité et ceux des produits à plus forte valeur ajoutée.

Vous connaissez les chiffres, mais je souhaite en rappeler deux, issus de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Martinique : les frais d'approche représentent à eux seuls 12 % du prix de vente au consommateur et 67 % du différentiel de prix avec l'Hexagone.

Cette mesure est issue des réflexions qui ont suivi le protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé en Martinique le 16 octobre 2024 par l'État, la collectivité territoriale de Martinique et les principaux acteurs économiques de l'île, dans le contexte d'un important mouvement de contestation des prix pratiqués sur l'île.

La commission des affaires économiques a supprimé cet article d'habilitation, préférant que ces dispositions soient directement inscrites dans la loi.

La régularité des scénarios étudiés avec les acteurs martiniquais devait être consolidée au regard du droit européen, notamment dans la perspective d'établir un mécanisme pérenne et élargi aux autres territoires ultramarins, avant d'inscrire précisément la mesure dans le projet de loi. C'est la raison pour laquelle l'article prévoyait initialement une habilitation à légiférer par voie d'ordonnance.

Depuis lors, nous avons poursuivi ce travail afin de vous présenter une disposition législative qui puisse être directement inscrite en dur dans la loi. Tel est l'objet de l'amendement que je vous soumets.

Celui-ci vise à instaurer un mécanisme de péréquation des frais d'approche que mettront en place l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation dans chacun des territoires concernés – entreprises du secteur du commerce de détail, fournisseurs, qu'ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, entreprises de fret maritime et transitaires –, afin de faire baisser les prix de vente des produits de grande consommation.

La liste des produits concernés sera fixée par arrêté du représentant de l'État, afin de tenir compte, comme il se doit, des spécificités et des habitudes de consommation de chaque territoire ultramarin concerné.

Ce mécanisme sera non pas limité à la Martinique, mais étendu à l'ensemble des collectivités qui relèvent de l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

Un organisme dédié sera créé par les acteurs de la chaîne de commercialisation, qui aura la charge de percevoir leurs contributions, puis d'opérer les restitutions aux distributeurs, grossistes et importateurs, destinées à réduire le prix des produits de grande consommation concernés, selon des modalités qui seront, in fine, fixées par décret en Conseil d'État.

Comme le protocole le prévoyait en son point 12, ce mécanisme fera donc appel à des contributions volontaires et privées, notamment, comme je l'ai précédemment indiqué, de CMA CGM, laquelle ne pourra toutefois pas être la seule à participer, faute de quoi le dispositif ne pourra pas légitimement tenir.

Comme prévu au point 13, l'État accompagne ce projet par l'expertise de ses services, mais les « modalités juridiques retenues » ne prévoient pas sa participation financière, car celle-ci serait contraire au droit de l'Union européenne concernant les aides d'État.

Telle est la raison pour laquelle je serai défavorable aux sous-amendements et à l'amendement visant à introduire une participation de l'État, laquelle non seulement n'était pas prévue, mais encore mettrait en danger tout le dispositif sur le plan juridique.

Comme vous, je veux un dispositif qui fonctionne, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous invite donc à voter cet amendement. L'engagement et la responsabilité des acteurs sont au fondement même de la mise en œuvre du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère, qui, en moins d'un an – je le rappelai précédemment –, a d'ores et déjà permis une baisse des prix de 10 % en moyenne en Martinique.

M. le président. Le sous-amendement n° 146, présenté par MM. Salmon et Mellouli, est ainsi libellé :

Amendement n° 140, alinéas 2, 3 (deux fois) et 4

Remplacer les mots :

grande consommation

par les mots :

première nécessité

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Le présent sous-amendement vise à recentrer le mécanisme de péréquation des frais d'approche proposé par le Gouvernement sur les produits de première nécessité.

Le périmètre de l'amendement n° 140, qui englobe tous les produits de grande consommation, est en effet très large, si bien qu'il inclut des produits non indispensables, tels que les aliments ou boissons trop sucrés, alors que nous savons combien les problématiques liées à l'obésité sont prégnantes dans les outre-mer, mes chers collègues.

Par ce sous-amendement, il est donc proposé de cibler les produits essentiels du quotidien – autrement dit, ceux de première nécessité, pour reprendre les mots que vous avez utilisés tout à l'heure et qui me paraissent, en effet, plus appropriés, madame la ministre – : les aliments de base, les fruits et légumes, la viande et les produits laitiers, les boissons non transformées, les produits d'hygiène et d'entretien. Le dispositif profitera ainsi à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Il s'agit là d'un impératif de lutte contre la vie chère autant que de santé publique.

M. le président. Le sous-amendement n° 147, présenté par MM. Salmon et Mellouli, est ainsi libellé :

Amendement n° 140, alinéa 4

Après les mots :

au I

insérer les mots :

, de représentants des collectivités territoriales, d'associations de consommateurs et de personnalités qualifiées en matière de consommation et de protection des consommateurs,

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Le présent sous-amendement vise, lui, à préciser la composition du comité de gestion chargé de fixer les modalités de fonctionnement du mécanisme de péréquation des frais d'approche, lesquelles ne sont pas assez précisément définies dans la rédaction proposée par le Gouvernement.

Pour que ce mécanisme de péréquation des frais d'approche soit un véritable outil au service du pouvoir de vivre des citoyens ultramarins, son fonctionnement doit être transparent et associer des acteurs garants de l'intérêt général.

Dans la rédaction proposée par l'amendement n° 140, seules les entreprises concernées sont gestionnaires du dispositif, ce qui ne suffit pas à garantir que le mécanisme sera au service du pouvoir d'achat non pas des distributeurs, mais bien des citoyens.

Cet amendement vise donc à intégrer des représentants des collectivités territoriales et des acteurs locaux reconnus pour leur expertise dans les domaines de la consommation et de la protection des consommateurs, de sorte que le mécanisme ne soit pas détourné au profit exclusif des entreprises.

M. le président. L'amendement n° 138, présenté par MM. Patriat, Buval, Théophile, Rohfritsch et Fouassin, Mmes Ramia, Nadille et Phinera-Horth, MM. Patient, Kulimoetoke et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, il peut être institué un organisme de péréquation des frais d'approche, par l'ensemble des acteurs publics ou privés intervenant dans la chaîne d'approvisionnement et de commercialisation d'une liste de produits de grande consommation dits de première nécessité vendus dans les collectivités concernées, basé sur le volontariat et pouvant le cas échéant passer par l'institution d'un prélèvement spécifique, destiné à réduire les frais d'approche sur des produits dits de première nécessité vendus dans les collectivités concernées.

Les frais d'approche concernés par ce mécanisme s'entendent de l'ensemble des frais de logistique et d'acheminement facturés aux importateurs, grossistes ou distributeurs établis dans les collectivités concernées.

II. – Les modalités d'application du I sont précisées par décret en Conseil d'État.

III. – Au terme de l'expérimentation, et au plus tard six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les effets économiques, sociaux et environnementaux du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Nous avons un véritable désaccord, madame la ministre.

Le protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère conclu le 16 octobre 2024 en Martinique entre l'État et les acteurs locaux prévoit que l'État prenne sa part au mécanisme de péréquation et précise les conditions de sa participation « selon les modalités juridiques retenues ».

Le mécanisme de compensation dont nous débattons est la traduction concrète de ces engagements : il s'agit d'un levier conçu pour réduire les frais d'approche, et, partant, le coût des produits de première nécessité en Martinique comme dans d'autres territoires ultramarins, qui sont tous confrontés à la même difficulté.

Ces frais d'approche, qui incluent le transport maritime, la logistique et le stockage, constituent une part majeure – nos compatriotes et nos collègues ultramarins ne le savent que trop bien – du surcoût de la vie dans les territoires d'outre-mer.

Les accords de Martinique ont eu le mérite de poser un cadre et de fixer une méthode, en tentant d'inclure l'ensemble des parties prenantes. Or la rédaction proposée par le Gouvernement ne traduit qu'imparfaitement cet engagement : elle affirme une intention, mais omet d'inscrire le rôle de l'État dans le mécanisme.

Sans remettre en cause votre volonté d'avancer, madame la ministre, nous demandons que la parole donnée soit respectée.

M. François Patriat. Si le Gouvernement ne rectifie pas son amendement pour y faire mention de sa participation, il nous faudra donc adopter la rédaction que nous proposons, laquelle est conforme au protocole qui a permis l'arrêt des émeutes et le retour au calme en Martinique, mes chers collègues.

L'État doit en effet apporter son aide en contribuant, au même titre que les collectivités locales et les acteurs privés, au financement de ce mécanisme. C'est à ce prix que la péréquation des frais d'approche pourra réellement contribuer à la baisse des prix à la consommation et à la lutte contre la vie chère.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce débat dépasse la technique : il touche à la confiance entre l'État et les territoires ultramarins. Les engagements doivent être honorés tant dans leurs intentions que dans leur mise en œuvre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. L'amendement n° 140 vise à inscrire dans la loi le mécanisme de péréquation des frais d'approche prévu par le protocole d'accord conclu en Martinique en octobre 2024. Je rappelle que ces frais expliquent à eux seuls jusqu'à deux tiers de l'écart de prix constaté entre les outre-mer et l'Hexagone pour les produits de grande consommation.

S'il peut paraître complexe, le mécanisme de péréquation des frais d'approche au profit desdits produits qu'il est proposé d'instituer est le seul qui soit conforme au droit européen.

Ce mécanisme doit toutefois être conforme aux engagements pris par l'État dans le cadre du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé le 16 octobre 2024 en Martinique.

Celui-ci stipule bien, en son paragraphe 13, que l'État « accompagnera ce projet par l'expertise de ses services », et, surtout, qu'il devra préciser « les conditions de sa participation financière ».

La commission a donc demandé au Gouvernement de rectifier son amendement afin de renvoyer à un décret les modalités de participation financière de l'État au dispositif. Cette demande étant restée lettre morte, l'avis est défavorable.

En ce qui concerne le sous-amendement n° 146, qui n'a pu être examiné par la commission en raison de son dépôt tardif, il me paraît préférable de conserver le périmètre qui est déjà celui du bouclier qualité prix, qui inclut les produits de grande consommation. L'avis est donc défavorable.

Sur le sous-amendement n° 147, qui a lui aussi été déposé tardivement et n'a donc pas pu être examiné par la commission, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

Si, en l'absence de précision sur la participation de l'État à la péréquation des frais d'approche, l'amendement du Gouvernement ne peut être adopté, la solution proposée par l'amendement de repli n° 138, qui tend à associer les acteurs publics à cette péréquation dans un cadre expérimental, me paraît constituer un compromis acceptable. Sur cet amendement, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je souhaite pour ma part que nous nous en tenions à la rédaction proposée par le Gouvernement. Je suis donc défavorable aux sous-amendements nos 146 et 147, ainsi qu'à l'amendement n° 138.

Vous évoquez avec raison l'importance de la parole donnée, monsieur Patriat. Ce n'est pas moi, qui porte la parole du Gouvernement, qui vous contredirai.

En réponse aux questions soulevées par plusieurs orateurs sur la participation financière de l'État, permettez-moi donc de citer le protocole, qui précise en son point 12 que celui-ci « contribuera à la mise en place d'un mécanisme de compensation », en faisant appel « à des contributions volontaires et privées », puis, en son point 13, qu'il « accompagnera ce projet par l'expertise de ses services et précisera, selon les modalités juridiques retenues, les conditions de sa participation financière ».

Cette dernière expression ne constitue pas un engagement ferme de l'État à participer financièrement au mécanisme visé. Tel n'est pas le sens de ce qui est écrit noir sur blanc.

Si, parce que vous tenez à la participation financière de l'État, vous n'adoptez pas le dispositif que je vous propose d'instaurer, il n'y aura aucun mécanisme de péréquation, et le protocole ne sera pas mis en œuvre.

Le dispositif proposé est le seul qui soit conforme au droit européen. J'aurais pu vous proposer un mécanisme plus lisse, mais celui-ci aurait été retoqué au niveau européen, ce qui aurait été un échec pour nous tous.

À l'issue d'un travail qui nous a conduits à étudier absolument tous les scénarios, je puis vous affirmer que ce dispositif est le plus solide sur le plan juridique et le seul qui nous permette d'avancer.

Après la suppression de l'article 1er par votre commission, suppression sur laquelle je n'ai pas souhaité revenir, si l'amendement n° 140 n'est pas adopté et que l'article 5 demeure supprimé, le présent projet de loi sera pour ainsi dire vidé de sa substance.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Voilà une parfaite illustration de la méthode du Gouvernement, madame la ministre : pas de financement, budget constant, compensation, péréquation. Vous avez eu le courage de nous donner lecture du protocole, dont vous faites une interprétation quelque peu jésuitique. (Sourires.)

Quelles que soient les circonvolutions auxquelles vous vous prêtez pour nous convaincre que vous respectez le protocole, il reste que votre proposition est une trahison de la signature de celui-ci. (Mme Catherine Conconne applaudit.) Je suis sans doute excessif dans mon expression, mais ce que je dis est vrai. D'autres solutions existent.

En outre-mer, notre expérience des structures interprofessionnelles telles que l'Association réunionnaise interprofessionnelle du bétail, de la viande et du lait (Aribev) à La Réunion, ou l'Association martiniquaise interprofessionnelle de la viande et du bétail (Amiv) à la Martinique, montre qu'un mécanisme fondé sur des contributions volontaires fonctionne petitement, car beaucoup d'entreprises ne contribuent pas. De fait, ce sont bien souvent les grands groupes qui financent les mécanismes de péréquation.

Comment un État régalien tel que la France, cinquième puissance mondiale, peut-il se satisfaire que, dans les outre-mer, la solidarité nationale ne s'applique pas ? Je rappelle du reste que le financement de la continuité territoriale ne pose aucune difficulté en Corse, madame la ministre, non plus que dans les outre-mer, pour un budget – qu'il faudrait certes renforcer – de 46 millions d'euros, au bénéfice des personnes, mais aussi des biens, en particulier agricoles, via le régime spécifique d'approvisionnement (RSA) et les mesures en faveur des productions agricoles (MFPA).

Depuis la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite loi Lodéom, ces dispositifs sont financés par l'Europe et par votre ministère, madame la ministre, qui dispose d'une ligne budgétaire visant spécifiquement à soutenir le fret – vous disposez même d'une ligne budgétaire dédiée à financer l'infléchissement à la baisse des taux d'intérêt bancaires.

Puisque vous avez donc la possibilité de contribuer financièrement, je vous demande de respecter le protocole signé en Martinique et de tenir les engagements pris. Mon excellent collègue François Patriat lui-même, président du groupe RDPI et soutien du Gouvernement, expliquait à l'instant en présentant son amendement que la parole donnée n'est pas respectée.

Au regard de nos présents échanges, vous comprendrez qu'en dépit de mon souhait de vous accompagner, je demeure sceptique, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Pour plagier feu un homme politique français, je dirai que ce que j'entends est un scandale ! Je dis bien : un scandale ! Cela vous parle sans doute, monsieur le président… (Sourires.)

Puisque cela s'est passé dans le pays dont je suis élue, la Martinique, permettez-moi de rappeler le contexte dans lequel ce protocole a été signé. Ne disposant d'aucune marge financière, le préfet de l'époque, qui a signé ce protocole au nom de l'État, a pris soin de le rédiger de telle sorte que l'accord de financement et de compensation des coûts d'éloignement soit renvoyé au projet de loi de finances. En aucun cas les protagonistes n'ont demandé que les coûts soient portés par des contributions volontaires des entreprises.

Vous évoquez des écueils juridiques, madame la ministre, mais depuis 1975 – cela fait donc cinquante ans –, le transport des passagers et des marchandises vers l'île de Beauté fait l'objet d'un dispositif de continuité territoriale, alors même que la Corse ne se trouve qu'à quelques kilomètres du continent ! Or cela ne pose aucun problème juridique, y compris au regard du droit européen. Le dispositif est renouvelé chaque année, et, sous la houlette de Mme Vautrin, il a même été abondé l'année dernière à hauteur de 30 millions d'euros pour compenser les surcoûts liés à l'évolution du prix du carburant.

Pour les éloignés de la République que sont les Ultramarins, en revanche, il y a une difficulté au regard du droit européen. Je le répète, madame la ministre : ce que vous proposez par votre amendement est un scandale !

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. J'ajouterai qu'il n'existe pas, à ce stade, de simulation chiffrée publique permettant d'évaluer précisément la perte de parts de marché qui résulterait, pour la production locale, d'une péréquation qui ferait baisser le prix de l'intégralité des produits importés.

A-t-on par ailleurs identifié les difficultés pratiques et juridiques que la mise en œuvre d'un tel dispositif occasionnera nécessairement ?

Au-delà des intentions, trop de flou demeure quant à la mise en œuvre opérationnelle de ce dispositif, qui emporte une intervention sur le marché et un empiétement sur la gestion privée dont la portée est peut-être excessive.

Pour toutes ces raisons, j'estime qu'il serait préférable d'entendre les arguments de nos collègues qui étaient en première ligne lors de l'élaboration du protocole en Martinique.

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Il est exact que je m'oppose rarement au Gouvernement, mon cher collègue Lurel. Certains me le reprochent, d'autres m'en félicitent. Il reste que mon présent désaccord de fond est réel.

Nos amis ultramarins ont compris que le protocole signé en Martinique engageait l'État à une participation, dont le montant n'était d'ailleurs pas précisé. Ils ont le sentiment que l'État a donné sa parole. Sans critiquer l'interprétation juridique que Mme la ministre fait de ce protocole, je constate que ce qu'elle propose ne correspond pas à ce que nos amis ultramarins, notamment de Martinique, s'estiment en droit d'attendre.

Si votre amendement n'est pas adopté, madame la ministre, l'article ne demeurera toutefois supprimé que si celui que j'ai proposé au nom de mon groupe n'est pas voté. Si l'amendement n° 138 est adopté, il y aura bien un article 5 dans la rédaction que je propose, et celui-ci pourra être débattu par l'Assemblée nationale.

Laissons-nous donc le temps de la négociation, en adoptant, pour l'heure, cette rédaction qui donne satisfaction à nos collègues d'outre-mer, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. Vous avez indiqué à juste titre que si le présent article demeure supprimé, il ne restera pas grand-chose de ce projet de loi, madame la ministre. Pour autant, on ne peut pas trahir ceux qui ont participé aux négociations – je sais combien mes collègues parlementaires, notamment de la Martinique, se sont mobilisés.

Il convient donc de sortir de cet entre-deux, car nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réponse sur la péréquation. Cela suppose à mon sens de nous donner du temps et de continuer à débattre, mes chers collègues, pour trouver une solution pour l'ensemble des Drom, ou du moins des régions ultrapériphériques (RUP), puisque la difficulté n'est pas la même pour les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). Ces derniers n'étant pas soumis aux mêmes contraintes au regard du droit européen, nous pourrions y expérimenter le dispositif, mais ce serait injuste, car même si l'ensemble des territoires d'outre-mer sont affectés par la cherté de la vie, ce sont d'abord les Antilles, notamment la Martinique et la Guadeloupe, mais aussi la Guyane qui attendent des résultats.

S'il est compréhensible que nos débats se soient enflammés, j'estime donc qu'il nous faut trouver une voie d'apaisement et d'entente, en particulier pour la Martinique, qui est au centre de nos échanges puisque c'est dans cette collectivité qu'un préfet s'est engagé, ce qu'il n'a pas pu faire sans avoir obtenu au préalable quelques garanties.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Il me paraît très dommageable que ni les collectivités locales, ni des experts, ni des représentants des associations de consommateurs ne siègent au sein du comité de gestion de l'organisme de péréquation des frais d'approche.

Si tel devait être le cas, le fonctionnement de cette instance ne saurait être optimal. J'estime donc fondamental d'adopter le sous-amendement n° 147, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. La continuité territoriale avec la Corse est assurée au travers d'une délégation de service public (DSP), dont le modèle est du reste fragile, au regard notamment du droit européen. Or je ne sache pas qu'il y ait de candidats à la DSP en outre-mer. En particulier, CMA CGM ne me paraît pas se positionner de la sorte, et, de fait, la situation corse n'a rien d'enviable.

J'estime par ailleurs ne me livrer ni à une interprétation, ni à une extrapolation, ni à une herméneutique des termes du protocole, dont je vous ai donné lecture ; je m'en tiens, de manière objective, à son texte, lequel stipule que la participation financière doit être précisée « selon les modalités juridiques retenues ». En l'occurrence, aucune modalité juridique n'a été retenue.

Chacun conviendra qu'un dispositif permettant de réduire les frais d'approche est très attendu dans les territoires visés. Plus encore qu'au principe, madame Girardin, je suis donc particulièrement attachée au message que nous enverrons aux outre-mer en adoptant l'amendement n° 140.

Je sollicite donc une suspension de séance de quelques minutes, afin de m'entretenir avec les rapporteurs et les différents orateurs qui sont intervenus, monsieur le président.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, à l'issue de cette courte suspension de séance, il ressort de nos échanges que l'ensemble des groupes politiques n'est pas favorable à l'amendement présenté par le Gouvernement, au regard de la présentation que vous en avez faite.

Dans la mesure où le dispositif prévu à l'amendement de M. Patriat ne semble pas sécurisé, comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous proposons d'en rester au texte de la commission, qui a décidé de supprimer l'article 5.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 146.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 147.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 demeure supprimé.

Article 5
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Article 6 (début)

Après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mmes Bélim et Conconne, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 294 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« 4. Les colis postaux contenant des marchandises destinées à la consommation personnelle, échangés entre particuliers à destination ou au départ des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ainsi que des collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre du dédouanement ou du transit postal, lorsque la marchandise a déjà été soumise à la TVA au moment de son acquisition initiale.

« Cette dérogation s'applique lorsque :

« 1° Le colis est adressé par un particulier à un autre particulier, sans caractère commercial ;

« 2° La marchandise contenue dans le colis a déjà supporté la TVA, soit au moment de son achat auprès d'un prestataire assujetti à la TVA, soit au moment de son importation initiale dans le territoire fiscal français ;

« 3° La marchandise n'est pas soumise à des droits d'accise ou à des restrictions particulières en raison de sa nature.

« Les modalités d'application du présent paragraphe, notamment les seuils de valeur, les documents à produire pour justifier du paiement antérieur de la TVA, et les procédures de contrôle, sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après consultation de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale des finances publiques.

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des finances précise les modalités de suivi et d'évaluation des pertes de recettes fiscales résultant de l'application du présent paragraphe. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à supprimer le mécanisme de double taxation à la TVA applicable aux colis postaux échangés entre particuliers, à destination et au départ des outre-mer, ce qui constitue une discrimination fiscale injustifiée entre les territoires, frappant ainsi de manière disproportionnée les populations ultramarines.

Je rappelle, en effet, qu'une première TVA intervient au moment de l'achat initial, puis qu'une seconde TVA intervient sur le même bien lors du dédouanement du colis postal en outre-mer.

De fait, sur le plan douanier, les outre-mer font partie du territoire européen pour l'application de l'article 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Mais, sur le plan fiscal, ils restent malheureusement exclus du territoire de l'Union européenne et sont considérés comme des pays tiers non membres, d'où l'application de la TVA aux importations. C'est incohérent !

La délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, dans le cadre d'une mission flash sur l'augmentation des prix des colis postaux, en juin 2025, a identifié et documenté le mécanisme fiscal problématique que constitue la double taxation à la TVA, qui n'existe pas pour les colis échangés dans l'Hexagone.

Cet amendement est cohérent avec l'article 73 de la Constitution, qui permet l'adaptation des mesures législatives aux caractéristiques des outre-mer. Son adoption corrigerait cette anomalie fiscale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. S'ils font partie du territoire douanier européen, les départements et régions d'outre-mer ne font en revanche pas partie du territoire fiscal de l'Union européenne. Ils sont ainsi assimilés, sur le plan fiscal, à des États non membres de l'Union, y compris dans leurs relations avec l'Hexagone.

Les colis postaux envoyés depuis ou vers les outre-mer sont donc considérés comme des importations ou des exportations et sont soumis à taxation au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'octroi de mer. Dès lors que ces colis contiennent autre chose que des documents, il est obligatoire d'y joindre une déclaration en douane, y compris s'ils sont envoyés entre particuliers et à titre gratuit.

Afin de ne pas renchérir excessivement le coût de ces échanges lorsqu'ils se font entre particuliers – par opposition à une transaction commerciale –, des franchises existent néanmoins, en deçà desquelles les taxes ne sont pas dues. De l'Hexagone vers les Drom, les ventes commerciales sont exonérées jusqu'à 22 euros inclus ; des Drom vers l'Hexagone, et en cas d'absence de transaction commerciale, cette franchise s'applique jusqu'à 45 euros inclus. Enfin, quand il s'agit d'un envoi non commercial de l'Hexagone vers les Drom, cette franchise s'élève à 400 euros.

Les flux des Drom vers l'Hexagone font effectivement l'objet d'une franchise très basse. Néanmoins, ils ne peuvent pas, en l'état, faire l'objet d'un rehaussement similaire de la franchise prévue pour les envois de l'Hexagone vers les Drom, désormais fixée, je le rappelle, à 400 euros. En effet, les envois considérés comme des importations dans l'Union européenne depuis des pays tiers relèvent de la compétence du législateur européen en matière de TVA. Celui-ci détermine une franchise uniforme pour l'ensemble des États, sans exception pour les outre-mer.

Pour avancer sur ce dossier, il est donc nécessaire d'inviter le Gouvernement à soutenir auprès des instances de l'Union européenne une initiative ayant pour objet de rehausser la franchise de TVA applicable aux envois sans caractère commercial depuis les outre-mer.

En l'état, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. En réalité, et pour le résumer ainsi, nos outre-mer sont considérés comme des territoires d'exportation. Du point de vue fiscal – Mme la rapporteure a eu raison de faire un rappel –, les achats effectués dans l'Hexagone échappaient à la TVA, un taux de 8,5 % leur étant appliqués à leur entrée en outre-mer contre 20 % en métropole.

Cela était vrai, il y a quelques longues années : lorsqu'un particulier allait acheter un costume dans les grands magasins d'une ville de France hexagonale et qu'il disait venir des outre-mer, on ne lui faisait pas payer la TVA. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas et il devra payer deux fois la TVA. Les commerçants considèrent que nous sommes français et ne veulent rien savoir de nos histoires de territorialité fiscale ni de la sixième directive TVA par laquelle l'Union européenne nous a exclus.

Il ne faut pas croire qu'il s'agissait là d'une discrimination ; c'était au contraire une faveur. Mais cela ne fonctionne plus et nous nous retrouvons à payer deux fois la TVA.

Ensuite, il y a la question des colis. Sur l'initiative de notre collègue Théophile, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, nous avions adopté un amendement visant à ce que les colis postaux dont la valeur ne dépasse pas 400 euros ne soient pas taxés à l'octroi de mer. Je crois que cela fonctionne. Mais la double taxation à la TVA s'applique, à laquelle viennent s'ajouter les frais que demande La Poste.

Je terminerai par une anecdote. Il y a environ quinze jours, au Moule, en Guadeloupe, quelqu'un a reçu un colis par le biais d'un service de type Chronopost. Or les frais demandés étaient plus importants que la valeur du colis. Cela a fini en bagarre : l'histoire était rapportée dans la rubrique « faits divers » du journal local. Les gens ne comprennent pas.

Madame la ministre, je vous invite à réfléchir à cette double tarification. Ericka Bareigts, alors secrétaire d'État, avait soulevé cette question, en 2016, alors que nous présentions le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Elle avait alors parlé de « continuité postale ». Ce principe existe dans une certaine mesure pour la Polynésie française – de sorte qu'il faudrait éviter de légiférer à la place de la Polynésie –, mais il n'existe pas pour nous.

Il faut une grande loi, plus globale, voire polysémique, pour répondre aux attentes des outre-mer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 8 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 134
Contre 207

Le Sénat n'a pas adopté.

TITRE II

RENFORCER LA TRANSPARENCE SUR LES AVANTAGES COMMERCIAUX CONSENTIS AUX DISTRIBUTEURS ET DES SANCTIONS

Après l'article 5
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Article 6 (interruption de la discussion)

Article 6

L'article L. 410-6 du code de commerce est ainsi rédigé :

« Art. L. 410-6. – Les personnes exploitant, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, un ou plusieurs établissements de commerce de détail à prédominance alimentaire d'une surface supérieure à 400 m², transmettent, à la demande de l'autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État, les informations nécessaires à la mise en œuvre des dispositions des articles L. 410-2 à L. 410-5 relatives aux prix et aux quantités des produits de grande consommation mentionnés au I de l'article L. 441-4 vendus par ces établissements. Ces informations incluent notamment les taux de marge en valeur pratiqués sur les produits commercialisés, les taux de marge pratiqués tout au long de la chaîne d'approvisionnement, de livraison et de commercialisation des produits, les prix d'achat et de vente des produits alimentaires et non alimentaires et, le cas échéant, pour les filiales des entreprises détenues à plus de 25 % par leur société mère, les prix de cession interne.

« Les manquements au présent article sont passibles d'une amende administrative, prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 470-2, dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.

« Les manquements constatés et les amendes prononcées en application du deuxième alinéa du présent article font l'objet d'une mesure de publicité. La publicité est effectuée aux frais du professionnel destinataire de l'amende. »

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, sur l'article.

Mme Annick Girardin. J'interviendrai assez rapidement, car j'ai déjà pris la parole plusieurs fois.

Le texte que nous examinons a pour objet de répondre aux enjeux spécifiques des collectivités d'outre-mer, en particulier celles des Antilles. Le problème est qu'il a été érigé non seulement comme une urgence, mais aussi comme une priorité par le Gouvernement, et que certains y voient l'alpha et l'oméga de la lutte contre la vie chère dans les territoires ultramarins. Or nous mesurons depuis le début du débat combien nous devrons être prudents dans les commentaires que nous ferons à l'issue de son examen. En effet, les dispositions que nous voterons ce soir laisseront obligatoirement, dans nos territoires ultramarins et pour ceux qui y vivent, un sentiment de frustration, puisqu'elles ne pourront être à la hauteur des difficultés. Il faudra donc que nous fassions comprendre à nos concitoyens que nous avons souhaité améliorer l'ensemble des dispositifs que nous avons examinés ou sur lesquels nous avions travaillé, mais que ce texte ne peut en aucun cas être considéré comme une solution à tous les problèmes.

Concernant l'article 6, évitons de soumettre certains territoires, notamment Saint-Pierre-et-Miquelon, à un surcroît de contrôle et de rigidité, car ces contraintes risquent de rendre leur situation plus complexe. Encore une fois, les grandes surfaces à Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est une seule structure. Par conséquent, à chaque fois que l'on ajoute des contraintes dans ce territoire suradministré, on entretient ce qui est vécu comme une pression permanente.

Veillons donc, dans le cadre de nos amendements, à différencier la manière dont nous traitons la situation selon les territoires. Si la problématique est globale, les solutions doivent être imaginées territoire par territoire, et donc par les préfets.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l'article.

M. Fabien Gay. La vie chère – nous le disons depuis le début – est un sujet qui agrège de nombreuses questions : celle des salaires, celle de l'accès au logement et de son coût, celle des accords bilatéraux et bien d'autres encore.

Toutefois, la question de la vie chère est intimement liée à celle de la transparence des coûts des grands groupes. Elle l'est d'abord parce que nous avons un système qui est issu de la colonisation, ou de la « profitation » : ainsi, quelques grandes familles détiennent près de 80 % des marchés, de la supérette à la location de voitures, jusqu'à l'hôtellerie. Or ces grands groupes, notamment le groupe Bernard Hayot, dit GBH, ne publient pas leurs comptes. Il a d'ailleurs fallu que quatre lanceurs d'alerte conduisent ledit groupe devant le tribunal pour qu'il publie enfin ses comptes, après des dizaines d'années de combat.

La vie chère, ce sont des prix de 4 % à 19 % plus élevés, notamment sur les produits de première nécessité ; aux Antilles et en Guyane, c'est plus de 40 %. Le problème fondamental reste que nous ne pourrons pas attaquer le sujet si nous ne connaissons pas la réalité des marges arrière de ces grands groupes. Bien sûr, il y a l'éloignement, bien sûr, il y a l'octroi de mer, mais quelle sont les marges arrière de ces groupes ? Il faut gagner en transparence, et cela ne concerne pas seulement les grandes surfaces. En effet, je le redis, ces groupes détiennent à peu près tous les commerces et quatre familles se partagent le gâteau.

Il faut donc travailler absolument sur la question de la transparence. Quand nous aurons gagné en transparence, alors nous pourrons définir ce qu'il faut faire : faut-il bloquer les prix, réduire la TVA, etc. ?

Tel est le véritable enjeu du débat. Je vous le dis, madame la ministre, ne le bloquez pas, car cela devient une absolue nécessité pour l'ensemble des populations d'outre-mer.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l'article.

Mme Catherine Conconne. Premièrement, il faut être transparent sur la transparence et donner des éléments qui soient tangibles. La demande que mon collègue vient de faire est satisfaite. Je m'en remets à l'OPMR : aujourd'hui, et plus encore depuis les événements de l'année dernière, tout est transmis à la DGCCRF. Absolument tout ! Trois personnes sont affectées à ces contrôles et les effectuent en prenant en compte les éléments de caisse, les factures d'achat et tous les documents nécessaires. (M. Victorin Lurel manifeste son scepticisme.) Les comptes des distributeurs sont épluchés régulièrement.

Deuxièmement, certains parlent de la concentration des acteurs, mais je rappelle – ce sont des faits, c'est vérifiable, ce n'est pas une estimation au doigt mouillé ni une impression – qu'il y a sept groupes de distribution à la Martinique – je prends le cas de la Martinique, puisque tout est parti de là –, le même nombre qu'en France, alors que l'on compte 68 millions d'habitants d'un côté et 350 000 de l'autre.

Par conséquent, tous ceux qui ont voulu s'implanter en Martinique ont fait machine arrière, car le marché est devenu tellement étroit qu'il a perdu toute attractivité : on se marche sur les pieds. Il faut donc bien connaître la situation et bien s'en imprégner.

Encore une fois, soyons transparents avec la transparence.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l'article.

M. Victorin Lurel. Je répète, sans vouloir m'opposer à tel ou tel, qu'il y a des monopoles et des oligopoles en outre-mer. Cinq à sept acteurs, c'est déjà un oligopole, et c'est même une cartellisation dans certains cas.

Le pire, toutefois, ce ne sont pas les monopoles, les duopoles ou les monopsones ; le pire, c'est l'intégration verticale impliquant les maillons d'une chaîne qui n'est pas transparente, mais parfaitement opaque, avec des prix d'intermédiation et des prix de cession interne, ainsi que des remontées de dividendes dans des sociétés, dans des holdings, etc. C'est cela qui gangrène le paysage concurrentiel. (M. Fabien Gay acquiesce.)

J'ai bien voulu accepter – je suis un homme de gauche – le dogme de la concurrence, selon lequel le marché règle tout et qu'il faut tout laisser faire : le renard libre dans le poulailler libre ! Nous avons donc accepté cela et, depuis l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, dite ordonnance Balladur, nous avons décidé que c'était le marché libre et que nous n'encadrions plus les prix. Nous nous sommes donc engagés dans la régulation. Cette régulation est toutefois tellement modérée, pour respecter ce dogme, que nous ne réglons rien depuis cinquante ans dans nos territoires.

Nous interpellons le Gouvernement et la ministre qui est au banc – certes, elle vient d'être nommée et elle découvre certains sujets –, mais la consigne qui est donnée est la suivante : nous ne finançons rien. Quels que soient les dysfonctionnements et les distorsions, ce n'est pas notre affaire, on s'en bat l'œil ! Voilà ce que signifie en réalité la « régulation modérée ».

Ce que vient de dire Fabien Gay est juste. Il existe une béance statistique qui fait que nous ne pouvons même pas avoir accès aux informations. Or, devant la cour d'appel, seule compétente pour le droit de la concurrence, il faut pouvoir présenter une chronique d'informations concernant les prix ou les marges sur cinq ans pour ne pas être débouté, car les lobbies ont recours à de grands avocats. C'est le rôle du Gouvernement de nous transmettre ces informations, qu'elles relèvent de la microéconomie, de la mésoéconomie ou de la macroéconomie. Mais pour l'instant, la DGCCRF garde tous ces documents secrets, par-devers elle, de sorte qu'ils ne sont pas exposés. Même cela, vous nous le refusez : c'est désespérant.

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

à prédominance alimentaire

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Mon amendement vise à supprimer la référence à la « prédominance alimentaire ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent d'inclure dans le champ de l'obligation de transmission des données économiques les commerces de distributeurs qui ne sont pas à prédominance alimentaire.

Selon la rédaction actuelle de l'article 6, l'obligation ne concernerait en effet que certaines entreprises de la distribution. Pour mémoire, il s'agit des acteurs de la grande distribution présents sur les territoires ultramarins, avec des magasins à prédominance alimentaire de plus de 400 mètres carrés.

Si l'idée peut sembler séduisante, il convient de circonscrire les nouvelles obligations à la grande distribution dans le secteur alimentaire. L'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je voudrais dire à Mme la sénatrice Conconne qu'elle a raison, puisqu'il est vrai que, en Martinique, un mécanisme de transparence temporaire a été mis en place, même s'il n'y a pas de cadre juridique. Et l'on constate que cela fonctionne.

L'article vise toutefois à prévoir un cadre légal. Rien n'empêche d'étendre le champ de cette obligation de transparence. Je souscris à la proposition de M. Lurel de ne pas le limiter aux commerces à prédominance alimentaire. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le nombre :

400

par le nombre :

350

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. La surface minimale à partir de laquelle un contrôle est effectué serait abaissée de 400 mètres carrés à 350 mètres carrés. Évidemment, cela mériterait peut-être d'être territorialisé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Par cet amendement, M. Lurel propose d'aligner la surface des établissements soumis à l'obligation de transmission des données à celle qui est inscrite dans le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, à savoir 350 mètres carrés.

Ces seuils de surface semblent assez pertinents, mais cela nécessite l'expertise du Gouvernement. Par conséquent, nous sollicitons l'avis de ce dernier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. L'avis du Gouvernement est défavorable. En effet, le seuil habituel est de 400 mètres carrés, sauf – vous l'avez indiqué, madame la rapporteure – en Nouvelle-Calédonie, mais uniquement dans ce territoire. L'abaisser aurait pour conséquence de créer une charge supplémentaire pour les entreprises qui exploitent des surfaces comprises entre ces deux seuils. Or cela ne nous paraît pas justifié.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Nous suivons l'avis défavorable du Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Ce qui est habituel, madame la ministre, ce n'est pas le seuil de 400 mètres carrés – que l'on retrouve peu dans le code de commerce –, qui est au contraire tout à fait novateur. La norme est en effet de 300 ou de 350 mètres carrés, la Nouvelle-Calédonie ayant accepté d'appliquer ce dernier seuil. D'où notre proposition.

En l'occurrence, notre collègue de Mayotte, Saïd Omar Oili, nous a dit que dans son territoire, il ne pourrait pas construire des établissements d'une surface de 400 mètres carrés, ni même de 300 mètres carrés. (M. Saïd Omar Oili le confirme.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous voterons en faveur de cet amendement, convaincus par les arguments que notre collègue Lurel vient d'exposer.

Depuis le début des débats, personne n'a rappelé – et peut-être faut-il le faire – que les territoires dont nous parlons sont insulaires pour la plupart, et donc assez contraints – exception faite de la Guyane. À aucun moment nous n'avons évoqué la pression foncière, qui génère de la spéculation foncière et qui a une incidence sur les loyers. Ce sont là des éléments dont il faut réellement tenir compte.

En abaissant ce seuil, nous favoriserions un meilleur ajustement à la réalité de nos territoires. J'invite donc le Sénat à voter cet amendement de bon sens. Nos territoires ne sont pas extensibles et nous sommes à des milliers de kilomètres de l'Hexagone. Chez nous, quand il n'y a plus de solution foncière, on ne peut pas déborder sur la mer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

, à la demande de

par le mot :

à

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. C'est un avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6 (début)
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Discussion générale

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures,

est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Article 6 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Article 6 (suite)

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. Nous reprenons l'examen du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.

Organisation des travaux

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, après en avoir discuté avec Mme la ministre et plusieurs d'entre vous avant la suspension, je crois savoir que nous sommes nombreux à vouloir terminer l'examen de ce texte dès ce soir.

C'est la raison pour laquelle, sans pour autant contraindre qui que ce soit, je vous remercie par avance de faire preuve de discipline et d'être concis dans vos interventions. Ce serait, me semble-t-il, dans l'intérêt de tous. Victorin Lurel a lui-même dit tout à l'heure qu'il souhaitait que l'on finisse dans la soirée (M. Victorin Lurel le confirme.) En nous y attelant rapidement, il est envisageable d'achever l'examen des soixante-dix amendements restant en discussion dans les heures qui viennent. Je compte sur chacune et chacun d'entre vous.

M. le président. Madame la présidente, sachez bien que c'est mon rôle de président de séance de faire en sorte que nous puissions, dans le strict respect de notre règlement, aller au terme de nos travaux ce soir, et ce dans un délai raisonnable.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du titre II, l'examen de l'article 6.

Discussion générale
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Après l'article 6

Article 6 (suite)

M. le président. Nous en sommes parvenus, au sein de l'article 6, à trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 70, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En l'absence de transmission des informations mentionnées au premier alinéa du présent article, le représentant de l'État dans le territoire saisit le juge des référés afin que ce dernier adresse à l'entreprise une injonction de transmettre lesdits données et documents sous trois semaines et sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut être inférieur à 2 % du chiffre d'affaires journalier moyen hors taxes réalisé par l'entreprise en France lors du dernier exercice clos, par jour de retard à compter de la date fixée par l'injonction.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, je vais faire pour le mieux : il me semble que je présente d'ores et déjà mes amendements de manière synthétique, même s'il est vrai que j'en ai déposé beaucoup et que j'interviens, de ce fait, assez souvent…

Le présent amendement vise à donner au représentant de l'État les moyens d'appliquer les nouvelles obligations prévues à l'article 6. Certes, des dispositions en ce sens existent déjà dans le code de commerce, mais je propose ici de fixer le montant de l'amende à 2 % du chiffre d'affaires journalier moyen de l'entreprise concernée. Je sais que mon amendement vous fera plaisir, mes chers collègues qui siégez de ce côté de l'hémicycle… (L'orateur désigne la droite de l'hémicycle.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la première occurrence du mot :

pour

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur ou égal à 10 millions d'euros, et ne peut excéder 1 million d'euros pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 10 millions d'euros.

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Cet amendement tend à adapter les sanctions à la capacité économique réelle des entreprises plutôt qu'à leur statut juridique.

En effet, lorsqu'il est question de faire payer des pénalités de ce genre et de taxer les entreprises, ce n'est pas le statut juridique qui doit être le critère déterminant. Il est préférable selon moi de tenir compte du chiffre d'affaires : l'amende ne pourrait ainsi excéder 75 000 euros pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur ou égal à 10 millions d'euros, mais pourrait aller jusqu'à 1 million d'euros pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse ce seuil.

M. le président. L'amendement n° 122, présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le montant :

375 000 €

par les mots :

1 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos 

La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. Cet amendement va dans le même sens que les précédents, mais notre ambition est un peu plus humble, puisque nous proposons de fixer le montant de l'amende à 1 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes de l'entreprise. Nous estimons en effet que le dispositif, tel qu'il est prévu, défavorise les plus petits. À l'inverse, une amende de 375 000 euros ne représente que 0,007 % du chiffre d'affaires annuel du groupe Hayot…

Comme je suis convaincu que les personnes physiques et morales concernées par ces nouvelles obligations entendent respecter les règles de transparence que nous réclamons tous, elles devraient aussi respecter la loi. Et, par conséquent, la mesure que nous proposons ne s'appliquera pas. Cela étant, nous défendons tout de même cet amendement, car nous pensons qu'il est utile d'agir de manière préventive et, donc, d'encourager chacun au respect du droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur de la commission des affaires économiques. Avis défavorable sur ces amendements nos 70, 25 et 122.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 70, qui, s'il était adopté, alourdirait le dispositif, ainsi que la charge de travail des juges des référés, ce qui n'est jamais anodin. Nous sommes également défavorables aux amendements nos 25 et 122, car ils contreviennent au principe de proportionnalité. Je préférerais que l'on s'en tienne aux pratiques habituelles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 (suite)
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Article 6 bis (nouveau)

Après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 420-4 du code de commerce est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... – Pour les accords ou pratiques concertées en cours, lorsqu'une infraction à l'article L. 420-2-1 est constatée, les entreprises concernées peuvent bénéficier d'une indemnisation du préjudice causé par les entreprises auteures, même partiellement, de la rupture de la relation commerciale en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.

« En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

« L'indemnisation prévue au premier alinéa du présent paragraphe prend en compte notamment les charges salariales afférentes, les atteintes à la valeur du fonds de commerce, les frais d'établissement et l'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter de la conclusion du contrat commercial. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Un amendement analogue à celui-ci a été voté par le Sénat le 5 mars dernier. Or ce dispositif n'a hélas ! pas été conservé dans le texte du Gouvernement qui est soumis à notre examen ce soir. Il s'agit d'un dévoiement – disons-le ainsi – de la loi de 2012, qui prévoyait d'interdire les pratiques consistant à accorder des droits exclusifs de distribution, sauf lorsque de tels accords sont favorables aux consommateurs, ce qui peut bel et bien être le cas, puisqu'il existe encore aujourd'hui des exclusivités – et je ne parle pas là des entreprises intégrées. Cela signifie que la loi ne visait pas une suppression pure et simple de telles pratiques.

Le problème, c'est que, de ce fait, certaines entreprises distributrices sont parfois victimes de ruptures abusives de leurs relations commerciales. J'ai en tête des exemples très concrets de sociétés – je ne citerai pas leur nom – ayant décidé, sans aucun préavis ni indemnisation, et sans tenir compte non plus des salariés qui restent en plan, des amortissements ou des frais d'établissement de leurs partenaires, de mettre fin brutalement à ces relations commerciales. De tels comportements contribuent à abîmer les fonds de commerce des distributeurs ou de celles et ceux qui prennent la responsabilité de faire la promotion d'un produit. Il convient naturellement de réparer cet état de fait et de faire le nécessaire pour que les textes soient appliqués.

J'ai cru comprendre, dans le cadre de nos discussions préalables à la séance publique, que mon amendement était satisfait. On m'a même dit que la jurisprudence prévoyait déjà des critères d'indemnisation. Or, si la jurisprudence – que j'ai consultée – porte bien sur les fonds de commerce, elle ne traite ni des salariés, ni de l'amortissement, ni des frais d'établissement.

Mes chers collègues, il importe de faire respecter les textes. Certes, on pourrait inviter les entreprises distributrices lésées, celles qui estiment être victimes d'une rupture abusive, sans indemnisation des préjudices causés, à saisir le tribunal. Mais ce serait méconnaître la réalité ! Parce que lorsqu'une entreprise s'est vu confier plusieurs lignes de produits et qu'elle proteste auprès de la société importatrice au sujet d'un produit parmi d'autres, dans les faits, elle perd tout… Dans ces situations, les chefs d'entreprise concernés sont tétanisés et ne peuvent que subir le préjudice.

C'est pourquoi il me semble essentiel de faire un rappel aux bonnes pratiques, si j'ose dire, et la promotion d'une concurrence, certes trop libre, mais du moins loyale : il faut faire appliquer les dispositions prévues à l'article L. 420-2-1 du code de commerce.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à protéger les entreprises qui subissent une rupture brutale de relations commerciales établies. Or le II de l'article L. 442-1 du code de commerce engage déjà la responsabilité des personnes fautives et les obligent à réparer le préjudice causé, en cas de non-respect d'un préavis de dix-huit mois.

L'amendement de notre collègue Victorin Lurel tend à préciser des critères d'indemnisation qu'il est superflu d'inscrire dans la loi, dès lors que ceux-ci ressortissent déjà de la jurisprudence. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Si je comprends bien, le dispositif proposé, s'il était adopté, reviendrait à dédommager l'entreprise ayant bénéficié d'une exclusivité ; par conséquent serait indemnisé un comportement qui est par nature infractionnel, un comportement qui a profité à l'entreprise présentée comme victime, mais ayant bénéficié d'un avantage concurrentiel illégal.

Cet amendement a pour objet d'introduire une responsabilité civile, qui irait à l'inverse de ce que l'on souhaite, c'est-à-dire le respect de la loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 6
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Article 6 ter (nouveau)

Article 6 bis (nouveau)

L'article L. 910-1 H du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les observatoires peuvent saisir les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes aux fins de vérification des informations qui leur sont transmises. Ces agents peuvent faire usage dans ce cadre des pouvoirs mentionnés au titre V du livre IV du présent code.  – (Adopté.)

Article 6 bis (nouveau)
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Article 6 quater (nouveau)

Article 6 ter (nouveau)

Au IV de l'article L. 462-5 du code de commerce, après la première occurrence du mot : « les », sont insérés les mots : « départements et les » – (Adopté.)

Article 6 ter (nouveau)
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Article 7 (début)

Article 6 quater (nouveau)

Après l'article 59 duodecies du code des douanes, il est inséré un article 59 terdecies A ainsi rédigé :

« Art. 59 terdecies A. I. – Les agents de la direction générale des douanes et droits indirects, les agents de la direction générale des finances publiques et les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent communiquer, sur leur demande, aux présidents des régions d'outre-mer, du Département de Mayotte, de la collectivité de Saint-Martin et au président de l'observatoire des prix, des marges et des revenus territorialement compétent tous documents et renseignements de nature fiscale détenus ou recueillis dans le cadre de l'ensemble de leurs missions respectives relatives aux importations de produits sur leur territoire.

« II. – Les informations transmises en application du I ne sont pas diffusées ni rendues publiques.

« III. – Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »

M. le président. L'amendement n° 141, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 59 unvicies du code des douanes, il est créé un article 59... ainsi rédigé :

« Art. 59.... – Sur demande des conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, des collectivités territoriales de Martinique et de Guyane, du conseil départemental de Mayotte ainsi que des présidents de l'observatoire des prix, des marges et des revenus territorialement compétents, l'administration des douanes et droits indirects transmet :

« 1° Les informations nécessaires à l'établissement des exonérations d'octroi de mer et des listes de biens pouvant faire l'objet de taux différenciés, selon l'annexe 1 de la décision du Conseil n° 2021/991 du 7 juin 2021 relative au régime de l'octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises et modifiant la décision n° 940/2014/UE ;

« 2° Par redevable assujetti, le montant de l'octroi de mer exonéré à l'importation ;

« 3° Par assujetti, le montant de l'octroi de mer dû au titre des livraisons de biens produits localement.

« La nature, l'utilisation et la publication de ces données, dans le respect des obligations de discrétion et du secret professionnel, sont précisées par décret. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. À travers cet amendement, le Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'article 6 quater pour clarifier et sécuriser la transmission des données fiscales aux conseils régionaux de la Guadeloupe et de La Réunion, aux collectivités territoriales de Martinique et de Guyane, au conseil départemental de Mayotte, ainsi qu'aux présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) territorialement compétents.

Le dispositif prévoit une dérogation qui est strictement encadrée par le secret professionnel. Il autorise l'administration des douanes à communiquer des données utiles aux collectivités et aux présidents des OPMR, notamment les informations nécessaires à l'établissement des exonérations d'octroi de mer et des listes de biens pouvant faire l'objet de taux différenciés ou d'exonérations.

Cette disposition, qui fait référence à une décision du Conseil de l'Union européenne, serait introduite dans le code des douanes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. À titre personnel, je suis favorable à ce que l'on conserve l'article dans sa version actuelle, c'est-à-dire tel que nous l'avons inséré dans le texte de la commission. L'amendement du Gouvernement vise effectivement à réduire la transmission des informations couvertes par le secret fiscal et le secret des affaires aux seules données relatives à l'octroi de mer. Est-ce bien cela, madame la ministre ? (Mme la ministre acquiesce.)

Or je rappelle que, dans de telles circonstances, la loi de 1951 sur le secret statistique – même si la direction régionale des finances publiques (DRFIP) peut être informée, mais alors l'information reste au sein des services de l'État – prévoit l'engagement de la responsabilité pénale des exécutifs régionaux. Lorsque, par exemple, on accorde plus de 500 000 euros d'exonérations à une entreprise au cours de l'année – ce qui arrive fréquemment dans nos territoires –, il s'agit d'une aide d'État qui est interdite. Et si le président de l'exécutif local n'a pas fait le nécessaire, quand bien même il n'en aurait pas conscience, parce qu'il n'en serait pas informé par les douanes, sa responsabilité est bel et bien engagée.

Avec l'article 6 quater, nous proposons simplement le partage d'informations couvertes par le secret fiscal et le secret des affaires. Nous ne le demandons pas pour nous, puisque ces données ne sont pas publiées, mais pour la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), laquelle va accumuler ces données en vue de produire des études, ce qui permettra de mieux éclairer les décisions du Gouvernement et, je l'espère, des collectivités territoriales.

À titre personnel, je ne peux pas voter un amendement, qui a pour objet de restreindre le périmètre d'une disposition déjà votée par le Sénat il y a quelques mois dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère. Chacun est libre de se déjuger, mais tel ne sera pas mon cas…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 6 quater est ainsi rédigé.

Article 6 quater (nouveau)
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Article 7 (fin)

Article 7

I. – Après l'article L. 441-4 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-4-1. – Les personnes exploitant, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, un ou plusieurs établissements de commerce de détail à prédominance alimentaire d'une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés transmettent, chaque année, à l'autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État, les montants correspondant aux remises, rabais, ristournes ou rémunérations de services liés à la revente des produits ou ayant un objet distinct qu'elles ont obtenus auprès de leurs fournisseurs en application des 1° à 3° du III de l'article L. 441-3 dans le cadre de l'exécution des conventions mentionnées au I de l'article L. 441-4 et, le cas échéant, au I de l'article L. 443-8.

« Les manquements au présent article sont passibles d'une amende administrative, prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 470-2, dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Le montant maximum de l'amende encourue est porté à 150 000 € pour une personne physique et à 750 000 € pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »

II. – Le I est applicable aux remises, rabais, ristournes et rémunérations obtenus dans le cadre des conventions en cours d'exécution à la date de son entrée en vigueur.

M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

à prédominance alimentaire

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le nombre :

400

par le nombre :

350

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. La commission s'en demande l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Pour les mêmes raisons que celles que j'ai invoquées au sujet de l'amendement n° 90, je suis défavorable à cet amendement. La surface de 400 mètres carrés correspond au seuil retenu habituellement.

M. Frédéric Buval, rapporteur. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

transmettent,

insérer les mots :

au plus tard le 30 juin de

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. La commission demande l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. Frédéric Buval. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces données sont exprimées en valeur absolue et en pourcentage du tarif ayant constitué le socle de la négociation commerciale, au sens de l'article L. 441-1 du même code, et ventilées par fournisseur et par ligne de produits, selon les catégories mentionnées aux 1° à 3° du III de l'article L. 441-3.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s'agit d'un amendement important, mes chers collègues, puisqu'il vise à ce que l'on exprime en valeur absolue et en pourcentage du tarif ayant constitué le socle de la négociation commerciale les données sur les marges arrière et autres avantages obtenus que les distributeurs doivent transmettre. Le dispositif prévoit par ailleurs une ventilation desdites données par fournisseur et par ligne de produits.

Nous demandons davantage de transparence, car, aujourd'hui, tout est opaque. Je sais que ce degré de détail – « par ligne de produits » – risque de poser problème, notamment dans la suite des débats, mais c'est selon moi le meilleur indicateur pour savoir ce qui se passe réellement dans les rayons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. La commission est a priori favorable à l'amendement de Victorin Lurel. Néanmoins, nous demandons l'avis du Gouvernement, afin que celui-ci clarifie ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 95, parce qu'il nous semble qu'un tel dispositif relève davantage du pouvoir réglementaire que de la loi et que ces précisions devraient plutôt figurer dans le décret, mentionné à cet article, qui sera pris en Conseil d'État. Le Gouvernement sera bien entendu attentif à ce que le degré de détail que vous réclamez, monsieur Lurel, soit respecté.

M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Nous abordons ici la question des changements structurels qui seraient nécessaires pour que le dispositif de transmission des informations soit plus clair, plus transparent et, je l'espère, plus efficace. Il est question ici des indicateurs, des informations relatives aux marges arrière, un sujet que nous traiterons plus en profondeur dans quelques instants. Il s'agit de mettre fin à l'opacité qui préside au système actuel.

Voter contre le présent amendement et contre ceux que je défendrai ultérieurement sur les marges arrière aura pour conséquence que le droit de la concurrence dans les outre-mer restera inchangé. Aussi, mes chers collègues, je vous invite fortement à voter mon amendement, d'autant plus que les informations dont il est question resteront secrètes et que leur transmission donnera simplement à l'État davantage de moyens de prendre les bonnes décisions.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mes chers collègues, je vous invite également à voter cet amendement. Le chapitre dont nous discutons a trait à la transparence et à la vie chère : si nous voulons savoir précisément comment agir et être réellement efficaces, il va falloir faire du cas par cas, car on voit bien que chaque territoire est différent. Pour avancer rapidement sur ce sujet, il faut savoir où se font les marges arrière, qui, nous le savons, sont très élevées. Nous avons besoin de visibilité sur ces données.

Au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer, la question des marges arrière a été souvent abordée. Pour agir véritablement et ne plus naviguer dans le brouillard, il faudra nécessairement faire la lumière sur ce dossier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les fournisseurs également implantés dans les collectivités mentionnées au premier alinéa, les informations transmises permettent de distinguer, pour chacun d'eux, les avantages commerciaux consentis aux distributeurs de ces collectivités, de ceux consentis hors de ces territoires.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s'agit là encore de mettre en place un indicateur, mais cette fois-ci pour faire ce que l'on appelle, en anglais, du benchmarking, et, plus précisément, des comparaisons par territoire et non pas seulement, comme certains le veulent, entre les commerces de détail à prédominance alimentaire – on n'en tirerait rien !

Que se passe-t-il en matière de marges arrière en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et ailleurs ? Il faut pouvoir comparer les données en outre-mer avec celles de l'Hexagone. Ainsi, on sera mieux informé, et on pourra donc mieux décider.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je crois comprendre l'objectif que vous visez, monsieur Lurel : au fond, vous voulez savoir s'il y a, oui ou non, une discrimination au niveau des marges arrière de la part des fournisseurs entre territoires d'outre-mer et Hexagone.

Mais le dispositif, tel que vous le proposez, n'est pas cohérent avec l'économie générale de l'article 7 : l'extension du périmètre de la mesure va créer une obligation impossible à respecter pour certains distributeurs et pourrait décourager des sociétés implantées dans l'Hexagone de continuer à exercer elles-mêmes une activité de distribution en outre-mer. Une telle mesure serait donc contre-productive.

En outre, le but que vous cherchez à atteindre me semble correspondre à celui que s'est fixé le Gouvernement à l'article 8.

Je suis par conséquent défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 110, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elles doivent en outre déclarer l'identité et le siège social des centrales d'achat ou des sociétés importatrices avec lesquelles elles sont liées, directement ou indirectement, ainsi que les conditions d'achat et de vente intragroupe. Ces informations sont transmises à l'Autorité de la concurrence.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement a pour objet d'introduire une exigence simple, mais essentielle : la transparence sur les liens entre les distributeurs et leurs centrales d'achat ou sociétés importatrices. Il tend à combler un angle mort que nous connaissons bien, celui des marges cachées dans les groupes intégrés.

Les lois Égalim l'ont illustré : on a imposé la transparence entre producteurs et distributeurs et encadré les négociations commerciales, mais les grands groupes ont trouvé la parade. Ils ont simplement déplacé la marge en la réalisant en amont, dans les centrales d'achat ou des filiales d'importation, souvent situées hors du territoire, parfois même à l'étranger. Résultat : les prix en rayon continuent d'augmenter, tandis que les profits se font ailleurs, à l'abri du contrôle public.

Dans les outre-mer, une grande partie des marges sont réalisées en amont de la chaîne dans les transactions intragroupe. Ce que nous proposons avec cet amendement, c'est de mettre un terme à cette opacité organisée, en obligeant les enseignes à déclarer l'identité et le siège social de leurs centrales d'achat, et à détailler les conditions d'achat et de vente intragroupe. Cette simple exigence permettra à la DGCCRF et à l'Autorité de la concurrence de reconstituer toute la chaîne de valeur, depuis l'importation jusqu'aux rayons. Car, tant qu'on ignore où la marge est captée, on ne combat pas la vie chère ; au contraire, on la subventionne !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la transmission à la DGCCRF et à l'Autorité de la concurrence d'informations sur les conditions d'achat et de vente intragroupe, de manière à limiter les pratiques de transfert de bénéfices via des filiales importatrices.

Ce dispositif radical, qui garantit davantage de transparence, peut sembler séduisant, mais il va sans doute trop loin et pourrait se heurter au secret des affaires. C'est pourquoi nous y sommes défavorables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. À y regarder de plus près, cet amendement est satisfait. Il me semble même que le dispositif proposé est moins-disant que celui de l'article 7.

Les auteurs de l'amendement laissent entendre que les mesures à prendre pourraient se limiter aux seuls échanges entre les sociétés du groupe de distribution, alors que l'article 7 vise justement à cibler les échanges avec les vrais fournisseurs, y compris en cas de recours à une centrale d'achat.

Aussi, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer le montant :

375 000 €

par les mots :

1 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos

2° Dernière phrase

Remplacer le montant :

750 000 €

par les mots :

4 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos

La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. En complément de mon amendement n° 122, qui a été adopté tout à l'heure, le présent amendement tend à fixer à 1 % du chiffre d'affaires annuel le montant de la sanction encourue par les distributeurs qui refusent de transmettre à la DGCCRF les données relatives à leurs marges arrière, et à 4 % du chiffre d'affaires annuel le montant de la sanction encourue en cas de réitération du manquement. Comme mes collègues l'ont souligné, de telles sanctions visent à décourager ceux qui voudraient frauder sur les marges arrière.

En votant l'amendement n° 122 – ce dont je vous remercie et vous félicite –, mes chers collègues, vous avez montré que la République était ferme avec tout le monde, du moins avec tous ceux qui tentent de frauder et qui ne respectent pas les règles du jeu et les lois ; vous avez montré que la République n'était en tout cas pas faible avec les forts. Je vous invite à le prouver de nouveau en votant le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement, qui est similaire à un amendement déjà rejeté en commission, a pour objet de porter à 1 % ou à 4 % du chiffre d'affaires, selon les cas, la sanction en cas de non-transmission par les distributeurs des informations sur les marges arrière prévue à l'article 7 du présent projet de loi.

En vue de garantir l'effectivité du dispositif et de faire en sorte que les grandes enseignes de la distribution transmettent bien les données attendues, l'article 7 prévoit actuellement des amendes de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, ces montants étant multipliés par deux en cas de récidive.

Il nous semble qu'il convient d'en rester à un niveau de sanction proportionné à la faute commise. Autant le non-dépôt des comptes, obligation résultant du droit national et du droit de l'Union européenne, doit pouvoir faire l'objet de sanctions en pourcentage du chiffre d'affaires, autant la sanction en cas de non-transmission d'informations sur les marges arrière doit rester mesurée.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il faut être ferme avec tout le monde, mais il faut aussi être juste avec chacun. Le montant de l'amende que vous proposez est très élevé, à tel point que le dispositif contrevient à un certain nombre de principes juridiques, dont le principe constitutionnel de proportionnalité.

L'amende de 375 000 euros prévue à l'article 7 correspond à ce qui se pratique actuellement ; son montant est cohérent avec les dispositions figurant dans le code de commerce, d'autant que l'on parle ici d'obligations déclaratives…

J'ajoute qu'en doublant le montant de l'amende en cas de réitération, vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère, si je puis me permettre : d'une certaine manière, vous quadruplez la sanction… Avec une telle mesure, on est loin de respecter la règle de proportionnalité en vigueur et l'échelle des peines, sans compter les conséquences qu'une telle sanction pourrait avoir pour la viabilité d'une entreprise.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais je crois qu'il y a une petite confusion. Si j'ai évoqué le montant de 375 000 euros, c'est parce qu'il figure à l'article 6, article modifié à la suite de l'adoption de mon amendement n° 122… Avec l'amendement n° 123, je propose cette fois-ci de modifier l'article 7, qui prévoit une amende maximale de 750 000 euros : il n'est donc pas question de quadrupler la sanction, puisque notre ambition est de remplacer les montants en euros par des pourcentages…

J'ajoute, pardonnez-moi de vous le dire ainsi, qu'en termes d'équité il est préférable de fixer des sanctions en pourcentage de chiffre d'affaires plutôt qu'en montants bruts. Par exemple, la somme de 375 000 euros ne représente que 0,007 % du chiffre d'affaires de certains grands groupes, mais 20 % de celui de petites entreprises : il y a là une inégalité profonde.

J'évoquais donc un autre dispositif que celui de l'article 7, madame la ministre. Vous pouvez tout à fait contester l'argumentaire que j'ai développé à l'article 6 – c'est votre droit –, mais ce dernier a déjà été voté par le Sénat. Il semblerait que vous ne sachiez pas de quoi vous parlez, ce qui risque d'être problématique pour la suite de nos débats… (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas bien ce que nous sommes en train de faire : d'un côté, on se refuse à lever le secret des affaires, sujet tabou, auquel il ne faudrait pas toucher, au motif que l'on ne veut pas savoir à quel point certaines entreprises s'en mettent plein les poches ; et, de l'autre, on pinaille au sujet de ce qui pourrait leur faire du mal. Mes chers collègues, on ne le saura jamais si l'on ne fait pas la vérité complète sur le secret des affaires.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Mme la ministre conteste le niveau de la sanction, alors même qu'il s'agit de l'amende prévue en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. Il est donc question ici d'une amende infligée à des récidivistes, qui n'auront pas été dissuadés malgré une première amende d'un montant de 750 000 euros.

Que faire quand on a affaire à des endurcis ? Que faire face à des personnes qui résistent et ne respectent pas la loi ? Il faut que celle-ci sévisse ! Nous avons voté l'amendement n° 122 : il ne serait pas incohérent de voter celui-ci. Mais, une fois de plus, notre appel à davantage de transparence semble représenter une charge insupportable pour certains.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase

Après le montant :

150 000 €

insérer les mots :

, assorti d'une peine complémentaire d'interdiction de gérer un commerce pendant un an,

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. À l'image des communes qui préfèrent, nous le savons, s'acquitter d'amendes plutôt que de respecter la loi SRU, certains groupes ou filiales préféreront ne pas respecter leurs obligations.

Pourtant, la transparence, une revendication récurrente, est un enjeu à la fois d'ordre public et sociétal.

Pour y répondre efficacement, la sanction en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive doit être dissuasive. Nous proposons donc de l'assortir d'une peine complémentaire d'interdiction de gérer un commerce pendant un an.

Cet amendement vise ainsi à adapter les sanctions au principe de réalité, notamment à la structuration de secteurs économiques à caractère monopolistique ou oligopolistique, au sein desquels le comportement prédateur de certaines entreprises nuit à l'intérêt général.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement déjà rejeté en commission vise à prévoir une peine complémentaire d'interdiction de gérer un commerce pendant cinq ans en cas de non-transmission par les distributeurs des informations sur les marges arrière prévues à l'article 7 du projet de loi.

Afin de garantir l'effectivité du dispositif et de s'assurer que les grandes enseignes de la distribution transmettent bien les données attendues, une amende de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale est prévue, ces montants étant doublés en cas de récidive.

La commission estime qu'il convient de rester à un niveau de sanction proportionné à la faute commise. Autant le non-dépôt des comptes – obligation résultant du droit national et du droit de l'Union européenne – doit pouvoir faire l'objet de sanctions en pourcentage du chiffre d'affaires, autant la sanction en cas de non-transmission des informations sur les marges arrière prévues à l'article 7 doit rester mesurée.

Enfin, interdire de gérer un commerce pendant cinq ans irait à l'encontre de l'objectif de lutter contre les monopoles.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Dans ce type d'exercice, nous sommes contraints de tenir compte de l'existant, de comparer les mesures proposées avec ce qui se pratique et de respecter l'échelle des sanctions. En effet, une sanction excessive pourrait faire l'objet, demain, d'une question prioritaire de constitutionnalité qui ferait tomber le dispositif.

Je rappelle que l'interdiction de gérer un commerce est une sanction très lourde dans la hiérarchie des sanctions, puisqu'elle porte atteinte à une liberté constitutionnelle. La lier à une obligation déclarative me paraît donc disproportionné sur le plan juridique.

En outre, une telle interdiction ne peut pas être, vous le savez, une simple mesure administrative : elle nécessite l'intervention d'un tribunal, ce qui n'est pas prévu dans l'amendement.

Pour toutes ces raisons, j'y suis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 112 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, lorsque trois entreprises ou moins détiennent plus de 70 % de parts de marché dans la distribution de produits de première nécessité, le préfet peut fixer, par arrêté, un taux maximal de marge brute applicable à ces produits pour une durée de douze mois renouvelable.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à doter l'État d'un pouvoir d'encadrement temporaire des marges dans les secteurs où la concurrence n'existe tout simplement plus.

Il s'agit de répondre à un constat simple, mais alarmant : dans certaines collectivités d'outre-mer, trois entreprises, voire moins, contrôlent plus de 70 % de la distribution de produits essentiels.

Cette situation d'oligopole, combinée à l'éloignement géographique et aux coûts logistiques, crée un terreau fertile pour des marges abusives. À titre d'exemple, les prix du riz, des pâtes ou des couches pour bébés sont parfois de 30 % à 50 % plus élevés en outre-mer qu'en métropole, sans justification économique autre que l'absence de concurrence.

Face à cette situation, l'État a le devoir d'intervenir. Nous proposons donc comme solution un mécanisme ciblé, proportionné et temporaire permettant aux préfets, après analyse, de fixer un taux maximal de marge brute pour ces produits.

Inspiré des dispositifs existants pour les carburants dans les départements d'outre-mer, cet outil a fait ses preuves. Il s'agit non pas de contrôler les prix, mais de réguler les excès là où le marché échoue. Voilà non pas une atteinte à la liberté économique, mais une correction nécessaire pour rétablir l'équité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux préfets d'encadrer les taux de marge en outre-mer dès lors que trois entreprises ou moins détiennent plus de 70 % de parts de marché. Ses auteurs évoquent des marges pouvant atteindre 35 % sur certains produits laitiers.

La question des abus de certaines entreprises en situation de monopole ou d'oligopole mérite d'être posée. Cependant, la mesure envisagée paraît trop contraignante dans une économie reposant sur la liberté du commerce.

Les rapporteurs s'opposent donc à un tel plafonnement. Ils proposeront en revanche de sous-amender l'amendement n° 66 rectifié de M. Lurel visant à plafonner les marges arrière.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 112 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je comprends l'objectif des auteurs de l'amendement, mais la rédaction proposée me paraît dangereuse à double titre.

Premièrement, elle porte atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle. Vous risquez en fait de dissuader les opérateurs économiques de s'installer et de se développer sur ces territoires, ce qui n'est évidemment pas l'objectif.

Deuxièmement, il faut veiller aux efforts de bord que cette mesure pourrait avoir sur les « petits ». En fonction de l'organisation qui sera retenue pour l'approvisionnement, la société en charge de la distribution aura des activités plus ou moins étendues.

Supposons qu'un plafonnement commun de la marge brute soit fixé à un niveau exigeant : vous favoriserez les grands acteurs, qui pourront procéder à des péréquations sur certains produits ; a contrario, vous pénaliserez les petits, qui préféreront d'ailleurs probablement renoncer à la distribution de ces produits. Cela contrevient donc à l'objectif de départ.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, je n'ai pas très bien compris comment l'instauration d'un taux maximal de marge peut nuire à l'installation d'entreprises. Nous parlons ici d'un taux maximal fixé par un préfet.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Michelle Gréaume a rappelé qu'un tel dispositif existait déjà à La Réunion pour les carburants. Or ce territoire ne souffre d'aucune pénurie : on y trouve des distributeurs et des stations-service, l'économie fonctionne et les voitures roulent.

Il est tout à fait possible de réguler les marges. Je ne vois pas pourquoi nous nous empêchons d'agir sur les produits de consommation courante, qui sont indispensables à de nombreuses familles.

Je rappelle que, à Mayotte, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. À la Réunion, ce taux est de 36 %, contre 8 % dans l'Hexagone.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les marges brutes pratiquées par les entreprises de distribution sur les produits de première nécessité ne peuvent excéder 15 % du prix de vente au public. Le non-respect de cette disposition est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 10 % du chiffre d'affaires annuel réalisé dans le territoire concerné.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Ainsi que l'ont souligné plusieurs d'entre nous, les habitants des outre-mer subissent une injustice économique persistante. Les prix des biens essentiels – alimentation, hygiène, énergie – y sont de 30 % à 40 % plus élevés qu'en métropole, alors que les revenus, comme chacun le sait, y sont plus faibles.

Cette situation ne s'explique pas seulement par les coûts de transport ou d'approvisionnement ; elle tient aussi aux marges excessives captées dans des chaînes de distribution trop concentrées.

Dans son avis Mieux connecter les outre-mer publié en octobre 2024, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) indique que l'Autorité de la concurrence s'est livrée à l'analyse des taux de marge des distributeurs, compagnies maritimes, ports, manutentionnaires, transitaires et grossistes. Elle a constaté que les taux de marge réalisés par certains acteurs sont plus importants que ceux réalisés dans l'Hexagone. Ces écarts ne s'expliquent pas par des coûts logistiques ; ils sont le résultat de marges excessives.

Au travers de cet amendement, nous souhaitons franchir une étape supplémentaire en fixant une règle claire, lisible et applicable qui protège le consommateur : le plafonnement des marges brutes à 15 % sur des produits essentiels tels que le riz, le lait, les pâtes ou les huiles. Les manquements seraient sanctionnés par une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d'affaires annuel réalisé dans le territoire concerné.

À la différence des grands groupes, les PME locales et les petits commerces ne sont pas concernés par ce plafond, puisque leurs marges sont inférieures à 15 %.

Cette mesure devrait permettre de réduire les prix payés par les ménages de 20 % à 30 %. Elle contribuera aussi à briser le pouvoir des oligopoles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à plafonner à 15 % du prix de vente les taux de marge des distributeurs pour les produits de première nécessité.

Les rapporteurs sont défavorables à un tel plafonnement, qu'ils estiment contraire au principe de liberté du commerce. Ils proposeront en revanche, je l'ai dit, de sous-amender l'amendement n° 66 rectifié de M. Victorin Lurel, afin de plafonner les marges arrière à 12 %.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 111.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. On peut débattre sur le niveau du taux de plafonnement : 12 %, 15 %, etc. Personnellement, je ne connais pas un agriculteur, pas un paysan qui fasse des marges de 15 %. Et lorsque je pose la question à mes collègues qui connaissent mieux que moi la ruralité, ce que l'on y produit et ce que l'on y vend, ils me le confirment.

Je le répète, le plafond que nous proposons ne concerne ni les PME ni les petits commerçants, mais vise uniquement la grande distribution, dont les marges atteignent 30 % à 40 %.

Cette situation ne profite nullement à ceux qui produisent réellement les richesses. Je veux parler des producteurs, de ceux qui font en sorte qu'il y ait du riz ou du lait.

Par conséquent, peut-être pourrions-nous évoluer sur les votes bloqués auxquels nous assistons depuis tout à l'heure. Laissons un espace de justice sociale aux populations d'outre-mer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement et de deux sous-amendements.

L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 410-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 410-... ainsi rédigé :

« Art. L. 410 –...– I. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans et six mois après la promulgation de la loi n°    du de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les services de coopération commerciale propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur qui ne font pas l'objet de contreparties commerciales ou financières à l'égard du distributeur ainsi que les avantages de toute nature autres que les remises, bonifications, ristournes consentis par tout fournisseur aux distributeurs ne peuvent excéder par année civile un pourcentage du chiffre d'affaires hors taxes de ces produits déterminé par décret conjoint pris par les ministres en charge de la consommation et des outre-mer qui ne peut excéder 10 % du chiffre d'affaires hors taxes par ligne de produits.

« II. – Les remises, bonifications, ristournes et avantages publicitaires, commerciaux et financiers assimilés de toute nature obtenus au titre des marges arrière par un distributeur auprès du fournisseur et faisant l'objet de la convention écrite définie à l'article L. 441-3 du présent code doivent être mentionnés sur les factures d'achat, dès lors qu'ils sont de principe acquis et de montants chiffrables, même si leur versement est différé.

« III – Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Ces infractions sont constatées et poursuivies dans les conditions prévues au titre V du livre IV du code de commerce.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement, que j'ose qualifier de très important, vise à reprendre une disposition absente de ce texte, mais adoptée en mars dernier par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer. À l'époque, la rapporteure et le Gouvernement avaient émis un avis favorable sur cette proposition.

Je propose d'instaurer un plafonnement des marges arrière à 10 % du chiffre d'affaires. Le sous-amendement n° 150 de la commission tend à relever ce taux à 12 % et j'y suis favorable.

Il s'agit non pas d'interdire les marges arrière, mais simplement de les encadrer. Nous avons déposé d'autres amendements qui visent à préciser les modalités de cet encadrement.

Dans sa rédaction actuelle, mon amendement tend à prévoir une application du plafond par ligne de produits. Sur ce point également, je suis ouvert au compromis. Si cela devait permettre de préserver davantage le secret des affaires, nous pourrions raisonner par fournisseur. Ainsi, il sera toujours possible de procéder à une péréquation interne. Même par interpolation linéaire, on ne pourra pas connaître avec précision le montant des marges arrière.

Enfin, je suis favorable au sous-amendement n° 145, qui vise à exclure Saint-Barthélemy du dispositif.

Vous le voyez, nous prenons toutes les précautions pour que le Gouvernement soit favorable à cet amendement et que le Sénat l'adopte.

M. le président. Le sous-amendement n° 145, présenté par Mme Jacques, est ainsi libellé :

Amendement n° 66, alinéa 4

Supprimer les mots :

de Saint-Barthélemy,

La parole est à Mme Micheline Jacques.

Mme Micheline Jacques. Ce sous-amendement vise à exclure Saint-Barthélemy des territoires dans lesquels le plafonnement des services de coopération commerciale est prévu.

Compte tenu de son statut de collectivité d'outre-mer, Saint-Barthélemy applique une fiscalité qui permet de neutraliser une très large part du coût du transport. Il en résulte des prix relativement moins élevés que dans les territoires voisins.

L'exiguïté du territoire, d'une superficie de 21 kilomètres carrés, et les prix vertigineux du foncier qui en découlent s'ajoutent par ailleurs aux surcoûts du fait du surstockage et des charges de personnel. La tension sur le marché du logement oblige les employeurs à loger leurs employés, faisant passer les charges de personnel à 20 % du chiffre d'affaires, contre 10 % pour un supermarché de l'Hexagone.

Les prix étant comparables à ceux de la petite couronne parisienne, le plafonnement des services de coopération commerciale n'est pas pertinent pour Saint-Barthélemy.

M. le président. Le sous-amendement n° 150, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 66, alinéa 4

Remplacer les mots :

10 % du chiffre d'affaires hors taxes par ligne de produits

par les mots :

12 % du chiffre d'affaires hors taxes de chaque groupe du secteur de la distribution

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ce sous-amendement vise à préciser que le plafonnement expérimental des marges arrière en outre-mer pour une durée de cinq ans doit être entendu au niveau de chaque groupe du secteur de la distribution.

Ces marges ne pourraient ainsi excéder 12 % du chiffre d'affaires hors taxes de chaque groupe au lieu de 10 % du chiffre d'affaires hors taxes par ligne de produits.

Les taux excessifs de marges arrière peuvent en effet contribuer à des distorsions dans la formation des prix et donc au renchérissement du coût de la vie en outre-mer.

Je crois, monsieur le président, que M. Lurel souhaiterait que nous rectifiions ce sous-amendement. Peut-être est-il possible de lui donner la parole pour qu'il nous expose ses demandes avant de demander l'avis du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Comme je l'ai dit à l'instant, nous sommes d'accord avec l'exclusion de Saint-Barthélemy.

Nous sommes également d'accord pour préciser que le calcul du plafond s'effectue « en moyenne » du chiffre d'affaires.

Cependant, comme l'expression « chaque groupe du secteur de la distribution » ne veut rien dire, nous souhaiterions que le sous-amendement n° 150 soit rectifié pour parler à la place de « fournisseur ».

Sous réserve de ces modifications, je serai donc favorable à un sous-amendement n° 150 rectifié qui tendrait à rehausser le plafond de 10 % à 12 % en moyenne du chiffre d'affaires par fournisseur.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Nous rectifions le sous-amendement n° 150 dans le sens indiqué par M. Lurel.

Si ce sous-amendement était adopté, l'avis de la commission sur l'amendement n° 66 rectifié serait favorable.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 150 rectifié, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Amendement n° 66, alinéa 4

Remplacer les mots :

10 % du chiffre d'affaires hors taxes par ligne de produits

par les mots :

12 % du chiffre d'affaires hors taxes en moyenne par fournisseur

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Une fois n'est pas coutume, je suis bien embêtée, car j'étais initialement défavorable à l'amendement n° 66 rectifié.

Je m'interroge sur la faisabilité de la mesure proposée, que ce soit sur l'affichage des factures, le niveau de chiffre d'affaires ou encore les services. Il faudra probablement réécrire cette disposition.

Je constate néanmoins qu'un consensus transpartisan se dessine et je souhaite que nous avancions sur la question des marges arrière en outre-mer. C'est un sujet majeur. Nous devons mieux protéger les fournisseurs et garantir la transparence des prix.

Pour toutes ces raisons, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement et sur les deux sous-amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 145 ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Ce sous-amendement vise à exclure Saint-Barthélemy des territoires dans lesquels le plafonnement des marges arrière est prévu. Les prix dans cette collectivité étant comparables à ceux de la petite couronne parisienne, le plafonnement des services de coopération commerciale n'y est pas pertinent.

L'avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 145.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 150 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.

Article 8

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le II de l'article L. 441-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, les conditions générales de vente sur le fondement desquelles sont négociées les conventions mentionnées aux articles L. 441-3-1, L. 441-4 et, le cas échéant, L. 443-8, ne peuvent être différenciées au seul motif que les produits sont destinés à être commercialisés dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna. » ;

2° Le III de l'article L. 441-1-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, les conditions générales de vente sur le fondement desquelles sont négociées les conventions mentionnées à l'article L. 441-3-1 ne peuvent être différenciées au seul motif que les produits sont destinés à être commercialisés dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna. » ;

3° Après l'article L. 441-4, il est inséré un article L. 441-4-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-4-2. – Tout fournisseur ou grossiste communique, à sa demande, à l'autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les conditions générales de vente relevant du dernier alinéa du II de l'article L. 441-1 ou du dernier alinéa du III de l'article L. 441-1-2 qu'il a établies, les conventions relevant du 4° bis du I de l'article L. 442-1 auxquelles il est partie, ainsi que, le cas échéant, les motifs des différenciations que ces conditions générales et conventions comportent pour les produits destinés à être commercialisés dans les collectivités mentionnées par ces dispositions.

« Les manquements au présent article sont passibles d'une amende administrative, prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 470-2, dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. » ;

4° Après le 4° du I de l'article L. 442-1, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis De pratiquer, à l'égard de l'autre partie, ou d'obtenir d'elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par les conventions mentionnées aux articles L. 441-3-1, L. 441-4 et, le cas échéant, L. 443-8, au seul motif que les produits sont destinés à être commercialisés dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna ; »

II. – Le I est applicable aux conditions générales de vente soumises par les fournisseurs à la négociation avec les acheteurs et aux conventions qu'ils ont conclues avec eux postérieurement à son entrée en vigueur.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 73, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Toutefois, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les conditions générales de vente établies au niveau national entre un fournisseur, un distributeur ou un prestataire de services et définies dans la présente section s'appliquent de plein droit, de façon transparente et non discriminatoire. » ;

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à ce que les conditions générales de vente, mais aussi toutes leurs déclinaisons – contrats uniques, contrats d'application, accords-cadres sur le moyen et le long terme – s'appliquent de manière non pas nécessairement uniforme, mais égale entre le niveau national et les outre-mer.

Sans doute convient-il de réviser outre-mer la formulation et le contenu des conditions générales de vente et de les appliquer avec quelque différenciation.

Je reviendrai plus en détail, à l'occasion de la présentation d'autres amendements, sur l'esprit de cette proposition.

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 3, 5 et 10

Remplacer les mots :

de l'article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna

par les mots :

des articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à intégrer la Nouvelle-Calédonie aux dispositions prévues à l'article 8.

Bien que la Nouvelle-Calédonie soit autonome et gère ses propres affaires, une certaine cohérence sur l'ensemble du territoire national est souhaitable, ainsi que le suggère le Conseil d'État dans son avis.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 98, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

à sa demande

par les mots :

au plus tard le 30 avril de chaque année

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il est défendu !

M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

Conseil d'État

insérer les mots :

, dans un délai fixé par cette dernière et qui ne saurait être supérieur à un mois

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il est défendu également !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il paraît préférable de maintenir la transmission des informations sur les conditions générales de vente « à la demande » de la DGCCRF. Il faut veiller, en effet, à ne pas trop alourdir la charge administrative des entreprises. Par ailleurs, un trop-plein d'informations rendrait le travail des services de l'État plus difficile.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 98.

En revanche, bien qu'il soit un peu court, le délai d'un mois proposé dans l'amendement n° 99 rectifié pour la transmission par les entreprises des informations demandées par la DGCCRF, notamment leurs conditions générales de vente, paraît acceptable.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 99 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 98.

En revanche, nous sommes favorables à l'amendement n° 99 rectifié. Cette disposition figurait dans l'avant-projet de loi. Le Conseil d'État a souhaité l'écarter pour la renvoyer au domaine réglementaire. Pour ma part, je suis favorable à ce qu'elle soit rétablie.

M. Victorin Lurel. Je retire l'amendement n° 98 !

M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après le mot :

différenciations

insérer les mots :

, notamment celles portant sur les barèmes des prix unitaires et réductions de prix proposés aux acheteurs,

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La précision que cet amendement tend à apporter est satisfaite : l'article 8 prévoit déjà que les entreprises devront transmettre à la DGCCRF, à sa demande, des éléments explicitant les conditions générales de vente différenciées prévues le cas échéant entre l'Hexagone et les territoires ultramarins.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le montant :

375 000 €

par les mots :

1 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos

La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. Tout le monde appelle à plus de transparence, mais les sanctions en cas de manquement doivent être dissuasives.

L'amendement n° 123, qui portait sur la transmission des montants correspondant aux marges arrière, a été rejeté.

À l'instar de l'amendement n° 122, le présent amendement porte sur les sanctions encourues en cas de non-transmission des documents, mais il vise spécifiquement, par cohérence, les fournisseurs et les grossistes.

En effet, il faut prévoir des sanctions dissuasives sur l'ensemble de la chaîne, si nous voulons éviter que certains se livrent à des jeux subtils qui pourraient nous empêcher d'atteindre la transparence escomptée.

Plutôt qu'une amende de 375 000 euros, je propose donc une sanction égale à 1 % du chiffre d'affaires.

Nul n'étant censé frauder, cette disposition n'est pas contraignante : il s'agit simplement d'une garantie pour rendre la transparence effective.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. La sanction prévue à l'encontre des fournisseurs et grossistes qui refusent de transmettre les informations demandées par la DGCCRF sur leurs conditions générales de vente apparaît déjà suffisamment dissuasive. Il n'est pas nécessaire de la rehausser davantage.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. Akli Mellouli. Mais c'est 0,007 % du chiffre d'affaires de Hayot !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Des sanctions existent bien aujourd'hui, monsieur Mellouli ; nous ne créons rien. Le problème réside plutôt dans la force de ces sanctions, plus ou moins dissuasives, même si la contrainte est là une fois que c'est inscrit dans la loi. Il ne s'agit pas seulement de faire peur : vous devez passer à la caisse si vous enfreignez la règle.

Cela étant posé, je trouve que ce que vous proposez dans cet amendement est disproportionné. Aussi, je préfère en rester à ce qui est prévu, à savoir 75 000 euros pour une personne physique et 350 000 euros pour une personne morale. J'y insiste, le dispositif est solide sur le plan juridique, y compris en cas de contestation.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. On nous explique depuis tout à l'heure qu'il faut de la transparence. Nous avons d'ailleurs voté un certain nombre d'amendements à cet effet, mais vous refusez d'aggraver les sanctions, estimant qu'une amende de 375 000 euros est suffisante.

Mais pour qui est-ce suffisant ? Pour les petites et moyennes entreprises, pour ceux qui ont des revenus modestes, tandis que pour un groupe comme le groupe Hayot, cela représente 0,007 % du chiffre d'affaires !

Qui veut-on protéger, en fait ? Le consommateur et le pouvoir d'achat des Ultramarins ou bien ceux qui s'enrichissent sur leur dos ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Pour un groupe qui réalise 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et plus de 200 millions d'euros de bénéfices, une sanction de 375 000 euros n'est pas du tout à la hauteur.

Assez souvent, sur les bancs de la droite, il est question de peines dissuasives, de peines à la hauteur, voire de peines planchers. Il est assez surprenant que, pour certains petits délinquants, il faille être très dissuasif et que, lorsqu'il s'agit de délinquants commerciaux, il y ait tout à coup un changement de bord. C'est un peu une surprise pour moi… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Le problème n'est pas l'absence de sanctions – selon le Conseil d'État, il en existe cinq ou six –, mais leur caractère dissuasif. Honnêtement, depuis de longues années qu'il existe, le dispositif n'a pas démontré son efficacité, si bien que la loi n'est guère respectée. Or nous devons toutes et tous être égaux devant la loi.

Manifestement, c'est vrai, cela pénalisera davantage les petites entreprises. Nous avons voté il y a un moment l'amendement fixant une sanction à 1 % du chiffre d'affaires. Un tel mécanisme existe dans d'autres textes. Nous n'avons donc rien inventé. Nous proposons d'adapter la mesure pour qu'elle soit dissuasive.

Je ne vous cacherai pas que, d'ici quelques instants, je vous présenterai un amendement sur les commissaires aux comptes qui coûte zéro euro et qui permettra de faire respecter la loi sans poser de problèmes. Nous verrons bien ce qu'en dit la commission des affaires économiques.

Pour autant, en l'occurrence, il me paraît de bon sens qu'au moins les récidivistes soient effectivement pénalisés. N'en faisons pas toute une affaire, mais, de fait, le dispositif actuel ne marche pas.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je sens beaucoup de prudence et de bienveillance à l'égard des oligopoles en outre-mer. Je regrette de ne pas ressentir beaucoup d'envie, dans cet hémicycle, notamment sur sa droite, de venir en aide à une population qui souffre, qui a du mal à se nourrir, à se loger, à élever ses enfants, et pour qui la confiance dans l'avenir s'amenuise.

Pour nous, la réalité du quotidien, c'est l'injustice sociale, l'inégalité des chances et le sacrifice de tous les jours. Je ne comprends pas pourquoi l'on cherche toujours à épargner les mêmes. Ce texte s'intitule « Lutte contre la vie chère dans les outre-mer ». Or ceux que vous cherchez à protéger ne subissent pas la vie chère. Eux, ils en profitent et ils se gavent. Ce titre n'est donc peut-être pas le plus adapté.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Ce qui se dit ici est le fruit de beaucoup de travail, d'auditions, de rapports, et d'une grande assiduité aux réunions des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Et je ne vous parle pas des heures d'échanges, lorsque des émeutes ont eu lieu en Martinique. Ce qui se dit ici vient d'un examen minutieux des dossiers, des rapports, des analyses.

Lorsque je ne prends pas position sur un sujet, c'est en conscience.

Il est vrai que je ne partage pas le même positionnement politique que certains, que je peux comprendre par ailleurs. Nous sommes dans une économie libérale où les prix sont libres. Nous devons trouver le meilleur compromis, sans pour autant basculer dans une économie administrée. Il y a beaucoup d'explications à donner pour amener les gens, petit à petit, à accepter ce compromis.

Je suis désolée, même si nous vivons dans le même arc caribéen, nous ne pouvons pas passer du régime économique de la Martinique à celui de Cuba.

Je le répète, ce que nous sommes en train de faire représente énormément de travail. Je vous passe les nuits blanches, les auditions et toutes les analyses que nous avons dû mener pour parvenir à nos positionnements. Il ne faut pas nous prendre pour des enfants qui ne savent pas ce qu'ils font. Ici, j'agis toujours en conscience, ou alors je me tais. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je précise que je suis là non pas pour protéger telle ou telle entreprise, mais pour protéger le pouvoir d'achat de nos concitoyens et pour agir sur les prix, le tout dans un système équilibré qui soit viable. Le but n'est pas de faire tomber les acteurs économiques.

Vous avez confondu deux choses, monsieur le sénateur.

Il y a, d'une part, la nouvelle infraction de pratique anticoncurrentielle basée sur la discrimination prévue à l'article 8. Comme elle est nouvelle, on ne peut pas déjà dire que l'amende – une amende administrative, je le précise – n'est pas dissuasive.

D'autre part, il y a l'article 9, qui résulte du constat que nous n'allons pas assez loin aujourd'hui. En l'occurrence, nous n'avons pas la main qui tremble, puisque nous prévoyons une astreinte qui peut aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires. Il n'y a donc pas de crainte de notre côté.

Nous sommes simplement obligés de bien distinguer les choses pour que les dispositifs soient adaptés et fonctionnent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet amendement, si je le lis bien, vise à rendre dissuasives les sanctions encourues par les fournisseurs et les grossistes qui refusent de transmettre les informations demandées par la DGCCRF sur leurs conditions générales de vente.

Finalement, c'est une sorte d'arme qui a vocation à ne pas être utilisée. C'est un peu la dissuasion nucléaire. (M. Victorin Lurel marque son approbation.) Il s'agit de faire en sorte que la sanction soit suffisamment forte pour que le prix de la non-communication des éléments soit plus élevé que ce que l'entreprise peut considérer pouvoir gagner.

À ce stade de la discussion et de la navette parlementaire, notre assemblée peut donc tout à fait adopter cet amendement. Les choses pourront encore évoluer dans le cadre des discussions avec l'Assemblée nationale ; toutefois, je ne le trouve pas choquant dès lors que cette disposition vient sanctionner le non-respect d'une disposition légale. C'est la raison pour laquelle je le voterai.

M. Victorin Lurel. Très bien !

M. Akli Mellouli. Respecter la loi est quand même un minimum !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer les mots :

postérieurement à son entrée en vigueur

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Dans la mesure où l'article 8 crée une nouvelle pratique restrictive de concurrence, qui plus est assortie de sanctions, prévoir que cette disposition est rétroactive viendrait enfreindre le principe général de notre droit, prévu à l'article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ».

Ce principe général de non-rétroactivité constitue un corollaire du concept de sécurité juridique. Il est essentiel pour assurer la confiance nécessaire au bon fonctionnement de notre économie et, en l'occurrence, celle de nos territoires ultramarins.

L'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J'ai bien entendu les explications de Mme le rapporteur. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 101 est retiré.

Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Après l'article 8

M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim et G. Jourda et MM. P. Joly, M. Weber et Cozic, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 330-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 330-... ainsi rédigé :

« Art. L. 330-.... – Est prohibée, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, toute clause d'exclusivité, contractuelle ou non, restreignant la liberté des fournisseurs de commercialiser leurs produits auprès d'autres intermédiaires actifs sur les marchés de l'approvisionnement et de la vente en gros auprès des distributeurs, ou bien auprès de distributeurs concurrents.

« Un décret précise les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Je me suis inspiré des positions de l'Autorité de la concurrence (ADLC) pour cet amendement qui vise à interdire toute clause d'exclusivité, contractuelle ou non, restreignant la liberté des fournisseurs de commercialiser leurs produits auprès d'autres intermédiaires actifs sur les marchés de l'approvisionnement, de la vente en gros auprès des grandes surfaces ou bien auprès des distributeurs concurrents.

Quel est le problème dans les outre-mer que personne n'évoque, si ce n'est l'ADLC ? C'est l'absence de concurrence intramarques, que ce soit pour les marques nationales ou les marques de distributeurs, les MDD. Cela concerne notamment les produits de grande consommation et de première nécessité.

Quand le marché est captif et l'entreprise intégrée, certes elle commerce avec des plateformes, mais elle est à la fois l'importateur et le distributeur, via ses grandes surfaces. Tout cela repose sur l'intégration et la confiance des grandes marques, et interdit toute concurrence, ce que l'ADLC dénonce depuis longtemps. Cet amendement, fruit de l'expérience, est une réponse à cette situation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le présent amendement vise à interdire toute clause d'exclusivité restreignant la liberté de fournisseurs de commercialiser leurs produits auprès de distributeurs.

Or l'article L. 420-1 du code de commerce prévoit déjà que sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique.

La pratique restrictive de concurrence visée par les auteurs du présent amendement est donc déjà sanctionnée par le droit existant. L'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur le sénateur, cette proposition est en fait moins-disante que l'article L. 420-1 du code de commerce qui, non seulement prohibe les clauses d'exclusivité, mais s'attaque de manière générale aux accords ou aux pratiques ayant pour objet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises. Le champ est donc plus large.

Voilà pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement, faute de quoi l'avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, je ne suis pas convaincu par votre argumentaire. J'ai été, avec beaucoup d'autres, à l'origine de ce texte visant à interdire les exclusivités de distribution, mais les choses se passent en amont.

Lorsqu'un grand groupe distribue Nestlé, Procter & Gamble, Pepsi, etc., il ne le fait que dans ses propres magasins et pas dans ceux des concurrents. L'ADLC, dans un avis de 2011, répété en 2019, souligne que le corpus législatif est insuffisant contre cette pratique.

Ce que vous évoquez, madame la ministre, se situe en aval, lorsque le produit est déjà importé. Les grossistes, eux, fournissent aux distributeurs, principalement à leur réseau de détaillants. C'est en amont qu'il faut agir, et l'ADLC nous demande la possibilité de le faire. C'est du bon sens. Je n'ai rien inventé.

Si nous voulons transformer le paysage concurrentiel, il faut changer l'encadrement normatif. Aujourd'hui, je le répète, je propose un dispositif qui ne coûte pas un kopeck à l'État. Il faut donner des moyens juridiques aux tribunaux, aux acteurs locaux, aux lanceurs d'alerte... Je ne cherche pas à soviétiser notre économie et à créer un Gosplan. Je veux l'équité entre partenaires pour créer les conditions d'une saine compétition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 420-2-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 420-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 420-2-.... – I. – Constitue une pratique restrictive de concurrence le fait, pour une entreprise exerçant une activité intégrée de grossiste-importateur et de distributeur au détail, ou disposant d'une exclusivité de fait en tant que fournisseur de ses propres enseignes de distribution, de traiter de manière discriminatoire ses clients tiers par rapport à ses ventes intra-groupe, notamment en matière :

« 1° D'allocation des budgets de coopération commerciale ;

« 2° De conditions de prix, délais de paiement ou modalités de livraison ;

« 3° D'accès aux services logistiques, commerciaux ou informatiques ;

« 4° De respect des délais de réapprovisionnement ou de traitement des commandes ;

« 5° De communication commerciale et de visibilité de produits.

« II. – Cette pratique s'apprécie notamment au regard de :

« 1° L'existence d'une position dominante ou d'une exclusivité de fait du fournisseur intégré ;

« 2° L'écart de traitement entre clients tiers et ventes intra-groupe pour des prestations ou produits comparables ;

« 3° L'absence de justification objective et proportionnée pour cet écart de traitement ;

« 4° L'impact potentiel de cette discrimination sur la concurrence intra et inter-marque.

« III. – Le présent article s'applique aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ainsi qu'aux collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, où l'intégration verticale des acteurs de la distribution et de l'importation soulève des risques spécifiques de restriction concurrentielle.

« IV. – L'Autorité de la concurrence est chargée de veiller au respect du présent article et peut prononcer des sanctions administratives conformément aux dispositions de l'article L. 462-1. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Le présent amendement vise à renforcer la protection de la concurrence en outre-mer, en sanctionnant la discrimination commerciale que les acteurs intégrés verticalement, c'est-à-dire des grossistes-importateurs disposant de leur propre réseau de distribution au détail, sont susceptibles d'exercer envers leurs clients concurrents. Il s'agit d'une recommandation de l'Autorité de la concurrence, dans son avis du 4 juillet 2019, ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

En effet, lorsqu'une entreprise exerce à la fois l'activité de grossiste-importateur et celle de distributeur au détail, elle crée une situation de conflit d'intérêts majeur. Elle peut favoriser ses propres enseignes de distribution, et ce au détriment de ses clients concurrents. Cette discrimination peut revêtir plusieurs formes : discrimination en matière de budget de coopération commerciale, discrimination logistique, discrimination informationnelle ou encore discrimination tarifaire.

Cet amendement n'a pas vocation à interdire l'intégration verticale en tant que telle. Il vise seulement la discrimination qu'elle peut entraîner.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Nous sommes bien conscients de la situation.

Toutefois, il ne nous apparaît pas nécessaire d'introduire une disposition législative pour lutter contre ce phénomène, qui peut en effet s'assimiler à un abus de position dominante, pratique restrictive de concurrence déjà visée par l'article L. 420-2 du code de commerce. Pour mémoire, celui-ci dispose qu'« est prohibée […] l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ».

L'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je me bats depuis le début de nos débats pour faire comprendre qu'il n'y a presque aucune décision judiciaire sur ces sujets.

L'ADLC a prononcé quelques amendes à partir de 2013, après le vote de la loi de 2012, pour sanctionner des exclusivités de distribution, même si la pratique est autorisée lorsqu'elle se fait en faveur des consommateurs.

En l'occurrence, il s'agit de la concurrence intramarques et du traitement infligé aux tiers concurrents. Or cela n'a jamais été sanctionné. C'est pourtant bien cela qui constitue le paysage commercial outre-mer. C'est non pas le monopole, le duopole ou l'oligopole qui pose problème, mais l'intégration, la non-transparence, les prix de cession internes, le bénéfice tiré de la coopération commerciale, de la publicité, y compris sur le lieu de vente (PLV), des boosters, etc.

Tout cela échappe à notre sagacité. L'ADLC ne dispose pas de moyens suffisants pour bien contrôler cela. Le constat d'échec est patent depuis toutes ces années.

Vous continuez pourtant à croire que l'action des tribunaux est suffisante, que toute plainte entraîne une sanction et la privation de l'approvisionnement. Cet amendement relève simplement du bon sens !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim et G. Jourda et MM. P. Joly, Cozic et M. Weber, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 441-3-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-3-... ainsi rédigé :

« Art. L. 441-3-.... – Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les budgets de coopération commerciale reçus par les filiales de la part de leurs fournisseurs sont alloués entre les magasins détenus par un groupe et ceux de ses concurrents sans discrimination et sur la base de critères commerciaux transparents, objectifs et vérifiables.

« Un décret précise les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. P. Joly, Mme G. Jourda et MM. M. Weber et Cozic, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 441-3-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-3-... ainsi rédigé :

« Art. L. 441-3-.... – I. – Les conditions générales de vente, les contrats uniques, les accords-cadres et les contrats d'application applicables aux produits ou services dans l'industrie et le commerce de détail destinés aux départements et régions d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna ne peuvent inclure les coûts, directs ou indirects, supportés par le fournisseur au titre d'opérations de commercialisation menées sur le territoire de la France métropolitaine et dont le distributeur ultramarin ne bénéficie pas directement. Ces coûts incluent notamment les frais liés à la publicité nationale, au sponsoring, aux actions de la force de vente et aux opérations de marketing territorialisées.

« II. – Le I s'applique y compris lorsque la vente est conclue avec un acheteur, notamment une centrale d'achat ou de référencement, situé en France métropolitaine, dès lors que le fournisseur a connaissance, au moment de la formation du contrat, qu'un volume significatif des produits ou services sont destinés à être distribués dans un des territoires mentionnés au même I. Cette connaissance est présumée lorsque l'acheteur a pour objet social l'approvisionnement de distributeurs situés exclusivement dans ces territoires et y réalisent un volume d'affaires significatif, ou lorsque l'existence d'un courant d'affaires régulier significatif vers ces territoires est établie.

« III. – En cas de litige, lorsque le prix facturé à un distributeur desservant l'un des territoires mentionnés au I est identique ou supérieur au prix de base facturé à un distributeur en France métropolitaine pour des produits ou services équivalents, les coûts mentionnés au même I sont présumés être inclus dans les conditions générales de vente, les contrats uniques, les accords-cadres et les contrats d'application. Il appartient alors au fournisseur de rapporter la preuve contraire, en démontrant par tout moyen qu'il a procédé à une défalcation de ces coûts ou que l'absence d'écart de prix est justifiée par des contreparties spécifiques ou des facteurs objectifs propres à la desserte de ces territoires.

« IV. – À la demande du distributeur ou de l'autorité administrative compétente, le fournisseur communique, dans un délai de deux mois, les éléments objectifs permettant d'attester de la conformité de ses conditions générales de vente aux dispositions du I. Le manquement à cette obligation de communication ainsi que la transmission d'informations sciemment inexactes engagent la responsabilité de leur auteur et sont passibles des sanctions prévues à l'article L. 442-1 du présent code.

« V. – Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, les opérateurs peuvent bénéficier de la clause du client le plus favorisé.

« VI. – Les conditions et modalités d'application de cet article sont précisées par décret.

« VII. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er juin 2026. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement est lourd, mais nécessaire. Pourquoi ? J'ai soulevé, avec beaucoup d'autres ici, le problème des conditions générales de vente (CGV) en outre-mer. Toutes les entreprises vendant au grand public ont des CGV, grâce auxquelles il est possible d'introduire des biais, des distorsions.

Il y a ensuite la déclinaison des CGV : les contrats uniques, les contrats d'application et les accords-cadres. Il s'agit par exemple de la facturation ou de la convention commerciale. Ce sont des documents importants et la DGCCRF devrait pouvoir y avoir accès.

J'aborde aussi un problème plus prégnant : la publicité nationale. Quand vous allez en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion, vous voyez des publicités qui intéressent plutôt l'Hexagone. Elles ne bénéficient ni aux distributeurs ni même aux grossistes.

Pourtant, on leur fait payer une coopération commerciale, qui est en fait de la publicité : elle devrait être défalquée des surcoûts. Un vendeur ne peut pas imposer à un acheteur domicilié en outre-mer de payer quelque chose sur ces pratiques, sauf à ce qu'un volume significatif du produit soit vendu outre-mer.

N'oublions pas qu'il faut aussi payer le transport terrestre dans l'Hexagone, l'assurance fret, le coût du dépotage, le placement dans les gondoles, etc.

Bref, on vous fait payer indûment un avantage, ce qui s'apparente à une discrimination sanctionnée par la loi. Mais cette discrimination n'est jamais reconnue.

L'honnêteté m'oblige à dire que cette proposition est inspirée par les distributeurs eux-mêmes. Nous avons repris et remanié cette idée pour corriger cette inégalité de traitement infligée aux acheteurs ultramarins.

Je rappelle, et je termine sur ce point, que cela s'appelait auparavant les « tarifs export ». Nous souhaitons faire en sorte que les distributeurs ne paient que ce qui est effectif. Or la publicité, les boosters, les PLV, par exemple, ne sont pas effectivement mis en œuvre dans les outre-mer. Voilà ce que nous demandons de corriger. Je n'irai pas plus loin et je laisse les paragraphes III et IV à votre sagacité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes Jacques, Eustache-Brinio et Malet, M. Naturel, Mme Renaud-Garabedian et MM. Pointereau, Cambon, H. Leroy, Séné, Khalifé et Panunzi, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le III de l'article L. 441-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Pour les produits et services destinés aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ou aux collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon ou Wallis-et-Futuna, les modalités de prise en compte par le fournisseur des surcoûts liés aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités, notamment les frais de transport, d'exploitation, de logistique et fiscaux supportés par le distributeur, et l'objectif de réduction de l'écart des prix entre l'Hexagone et ces territoires. »

2° Le III de l'article L. 441-3-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Pour les produits et services destinés aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ou aux collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon ou Wallis-et-Futuna, les modalités de prise en compte par le fournisseur des surcoûts liés aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités, notamment les frais de transport, d'exploitation, de logistique et fiscaux supportés par le grossiste et l'objectif de réduction de l'écart des prix entre l'Hexagone et ces territoires. »

La parole est à Mme Viviane Malet.

Mme Viviane Malet. Cet amendement vise à faire prendre en compte les caractéristiques et contraintes des marchés ultramarins dans les relations entre distributeurs et grossistes, d'une part, et fournisseurs, d'autre part.

En effet, les grossistes-importateurs et distributeurs des départements et régions d'outre-mer (Drom) supportent des surcoûts spécifiques liés à l'éloignement et à l'insularité.

Il s'agit en particulier des surcoûts de transport entre l'Hexagone et le Drom destinataire, des surcoûts d'exploitation liés à la nécessité de surstocker par rapport à l'Hexagone, des coûts liés à la gestion plus complexe des invendus, des frais marketing et commerciaux supplémentaires pour adapter l'offre commerciale aux consommateurs des Drom, etc.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Sagesse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

L'amendement n° 114, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et M. Xowie, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les conventions commerciales conclues entre fournisseurs et distributeurs pour les fournitures destinées aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna ne peuvent contenir de clause ou condition tarifaire discriminatoire, directement ou indirectement, par rapport à l'Hexagone, sans justification objective liée aux coûts de transport, logistique ou adaptation réglementaire.

II. – Constituent des justifications objectives au sens du présent article :

1° Les coûts de transport maritime ou aérien, attestés par des factures ou contrats de fret ;

2° Les frais de manutention portuaire ou douanière, justifiés par des reçus ou déclarations en douane ;

3° Les adaptations réglementaires spécifiques aux collectivités ultramarines, documentées par les autorités compétentes ;

4° Les surcoûts liés à l'éloignement géographique, évalués par un observatoire indépendant.

En l'absence de justification recevable dans un délai de trente jours à compter de la demande de l'autorité administrative, ces clauses sont présumées abusives au sens de l'article L. 442-1 du code de commerce.

III. – Les distributeurs et fournisseurs doivent transmettre annuellement à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et aux observatoires des prix, des marges et des revenus territorialement compétents un rapport standardisé sur les conditions générales de vente appliquées aux collectivités ultramarines, incluant :

1° La liste exhaustive des produits concernés, avec leurs prix d'achat et de vente ;

2° Le détail des remises, ristournes et avantages en nature, y compris ceux accordés par des entités tierces ;

3° Les justifications des écarts de prix par rapport à la métropole, avec pièces justificatives ;

4° Les noms et sièges sociaux de toutes les entités – filiales, sous-traitants, prestataires logistiques – intervenant dans la chaîne d'approvisionnement des collectivités ultramarines y compris celles établies hors de France.

Ce rapport est publié sur le site internet de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et transmis aux observatoires des prix, des marges et des revenus.

IV. – Le refus de communiquer les informations demandées dans un délai de trente jours constitue une présomption de discrimination tarifaire abusive, passible des sanctions prévues à l'article L. 442-1 du code de commerce.

V. – En cas de manquement aux obligations du présent article, les sanctions suivantes s'appliquent :

1° Premier manquement : amende administrative de 0,5 % du chiffre d'affaires annuel réalisé dans les collectivités ultramarines ;

2° Récidive dans les deux ans : amende portée à 1 % du chiffre d'affaires annuel, avec publication de la décision ;

3° Manquement répété ou refus de coopérer : amende de 2 % du chiffre d'affaires mondial, avec exclusion temporaire des marchés publics.

VI. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment le format du rapport standardisé et les procédures de contrôle.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. L'article 8 du projet de loi interdit, à juste titre, les discriminations tarifaires entre l'Hexagone et les outre-mer. C'est une avancée.

Toutefois, cet article doit être complété afin d'encadrer précisément les justifications légitimes d'un écart de prix – transport, fret, manutention, adaptation réglementaire, etc. –, mais aussi afin d'imposer aux distributeurs et aux fournisseurs de prouver, documents à l'appui, la justification des écarts, sous peine de sanction.

Nous cherchons, par notre amendement, à établir une grille de justifications objectives d'un écart de prix entre la Métropole et les outre-mer. Cet amendement vise à créer une obligation de transparence proactive afin que les distributeurs ne puissent invoquer des surcoûts logistiques sans les documenter. Pour que la règle ait un effet réel, des sanctions graduées sont prévues en cas de refus ou de manquement.

En somme, cet amendement n'a pas pour objet de modifier l'esprit du texte : il le rend simplement applicable et vérifiable en le transformant en un outil plus concret de régulation. C'est une mesure de transparence réelle qui permettrait enfin à la DGCCRF et aux OPMR de reconstituer la chaîne de valeur et de débusquer les abus. Tel est bien l'objet de ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions de l'article 8, qui prohibe les clauses générales de vente (CGV) discriminatoires au seul motif que des produits sont destinés à être vendus outre-mer.

Lorsque les CGV des produits à destination de ces territoires sont différenciées, ces différences devront être dûment justifiées auprès de la DGCCRF lorsque celle-ci en fera la demande.

L'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Effectivement, cet amendement est satisfait par l'article 8, qui interdit déjà les clauses et conditions tarifaires discriminatoires.

L'apport de cet amendement réside dans la liste, laquelle risque de s'avérer très vite incomplète. Il se pourrait même, d'ailleurs, que l'on en vienne à interdire des différenciations qui, in fine, pourraient être utiles pour les outre-mer.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les conventions commerciales conclues entre fournisseurs et distributeurs pour la fourniture de biens destinés à la vente dans les collectivités mentionnées à l'article 2 de la présente loi ne peuvent comporter de clauses ou de dispositifs, directs ou indirects, ayant pour objet ou pour effet de :

1° Dissimuler tout ou partie des coûts réels d'achat, de transport ou de marge, notamment par le recours à des entités tierces établies hors desdites collectivités ;

2° Fractionner artificiellement les flux d'approvisionnement ou les facturations pour échapper aux obligations de déclaration prévues par les articles 6 et 7 de la présente loi ;

3° Facturer des services fictifs ou surévalués, y compris sous forme de commissions, ristournes conditionnelles ou avantages en nature non justifiés par une contrepartie réelle ;

4° Externaliser la détermination des prix ou des marges vers des sociétés ou filiales dont l'activité principale n'est pas liée à la distribution ou à la logistique dans les collectivités concernées.

II. – Constituent notamment des dispositifs interdits au sens du I :

La facturation de prestations logistiques ou commerciales par des entités établies hors des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, lorsque ces prestations ne correspondent pas à des services effectivement rendus ou sont surévaluées de plus de 20 % par rapport aux coûts moyens du marché ;

Le recours à des contrats conclus avec des sociétés dont le siège social est situé dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts, lorsque ces contrats ont pour effet de réduire artificiellement les coûts déclarés ou les marges communiquées aux autorités compétentes ;

Toute pratique visant à modifier rétroactivement les conditions commerciales après leur communication à l'autorité administrative, afin de dissimuler des écarts de prix ou de marges.

III. – Tout manquement aux dispositions du présent article est constitutif d'une pratique restrictive de concurrence au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce et est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial hors taxes de l'entreprise concernée.

IV. – Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à :

1° Demander la communication de l'intégralité des contrats et conventions liés à l'approvisionnement des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, y compris ceux conclus avec des entités établies hors de ces collectivités ;

2° Effectuer des contrôles inopinés dans les locaux des entreprises concernées, avec le concours des douanes locales, et à saisir les observatoires des prix, des marges et des revenus pour expertise complémentaire.

V. – Le refus de communiquer les informations demandées dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande constitue une présomption de manquement aux obligations de transparence, passible des sanctions prévues au III.

VI. – Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment la liste indicative des clauses ou dispositifs présumés frauduleux, les méthodes de calcul des surévaluations de services facturés.

La parole est à M. Alexandre Basquin.

M. Alexandre Basquin. La vie chère dans les territoires d'outre-mer ne résulte pas seulement d'un écart de prix. Elle naît aussi de mécanismes propres utilisés par certains grands groupes pour gonfler artificiellement leurs coûts. Ces pratiques rendent impossible tout contrôle efficace de la formation des prix dans les outre-mer.

L'objectif de cet amendement est simple : rétablir la transparence. Nous souhaitons ainsi interdire les clauses et dispositifs qui dissimulent les coûts réels, habiliter la DGCCRF à accéder aux contrats d'approvisionnement et introduire une présomption de manquement en cas de refus de communication.

En d'autres termes, nous entendons donner à l'administration les moyens de contrôler les prix appliqués.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à traquer les services fictifs, les fractionnements artificiels des flux d'approvisionnement, etc. Il s'agit de combattre toutes ces pratiques malhonnêtes qui portent atteinte au pouvoir d'achat des plus précaires de la République, c'est-à-dire les habitants des outre-mer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 9

Après l'article L. 123-5-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 123-5-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-5-1-1. – Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, à la demande des associations de consommateurs mentionnées à l'article L. 621-1 du code de la consommation qui justifient d'une atteinte directe ou indirecte à l'intérêt collectif des consommateurs ou du représentant de l'État, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte toute personne morale ou le dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires.

« Le montant de cette astreinte ne peut excéder 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen hors taxes de la personne morale réalisé au cours du dernier exercice par jour de retard à compter de la date fixée par l'injonction.

« En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, l'astreinte est liquidée selon les modalités fixées par décret en Conseil d'État.

« Le président du tribunal peut, à la demande d'une partie, ordonner la publication de la décision sur un support et pour une durée qu'il détermine aux frais de la personne objet de l'injonction.  – (Adopté.)

Après l'article 9

M. le président. L'amendement n° 67 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 232-23 du code de commerce, il est inséré un article L. 232-23-... ainsi rédigé :

« Art. L. 232-23-.... – Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, les commissaires aux comptes sont tenus de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l'approbation des comptes annuels par l'assemblée ordinaire des associés ou par l'associé unique ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique, les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, les rapports sur les comptes annuels et les comptes consolidés, éventuellement complétés de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée qui leur ont été soumises ainsi que le rapport de certification des informations en matière de durabilité. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Nous avons évoqué des sanctions qui seraient en elles-mêmes dissuasives et qui n'auraient pas vocation à être utilisées, sauf en cas de réitération et de refus de respecter la loi.

Avec cet amendement, je l'avoue, je reprends une suggestion du Mouvement des entreprises de France (Medef) : un prestataire indépendant assermenté, à savoir le commissaire aux comptes, qui vérifie si la comptabilité est faite selon les règles de l'art, si j'ose dire, endosserait la responsabilité de transmettre au greffe du tribunal la certification des comptes, ainsi que les documents annexes.

Ainsi, ces informations pourront être transmises au greffe sans que cela coûte un sou vaillant !

Selon la commission, cette disposition pénalisera les petites et moyennes entreprises. Mais je rappelle que l'obligation d'avoir recours à un commissaire aux comptes ne pèse que sur les entreprises dont le total de bilan dépasse 5 millions d'euros et le chiffre d'affaires, 10 millions d'euros ; il faut en outre que l'effectif salarié soit d'au moins 50 personnes. De fait, cela signifie que seules les grosses entreprises sont assujetties à cette obligation. Sans oublier que notre proposition ne leur coûtera rien !

J'ai l'impression que, une nouvelle fois, certains ici ont des réticences à imposer une prestation supplémentaire, si j'ose dire, aux commissaires aux comptes, à savoir le dépôt direct au greffe des comptes de l'entreprise. Il s'agit pourtant d'un amendement de bon sens !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent que l'obligation de dépôt des comptes des entreprises soit opposable aux commissaires aux comptes. On ferait ainsi peser cette obligation sur les commissaires aux comptes plutôt que sur les sociétés fautives, ce qui n'est pas pertinent.

En outre, les commissaires aux comptes risquent d'être débordés : si les TPE et les PME n'ont pas d'obligation formelle de dépôt de leurs comptes, pour autant, les commissaires risquent, faute de temps, de se trouver en défaut pour déposer tous les comptes, tandis que les plus grosses entreprises disposent de leurs propres commissaires et que leur personnel est en mesure d'accomplir ce travail.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Vous me voyez sourire : je parlais de réticences, mais il s'agit plutôt d'une réelle résistance ! Il ne s'agit nullement de rendre cette obligation opposable aux commissaires aux comptes ; simplement, on leur confie une mission supplémentaire.

Je rappelle que le commissaire aux comptes est indépendant et qu'il doit attester que la comptabilité est sincère. Sa responsabilité est déjà engagée s'il ne respecte pas les prescriptions de la loi.

Il leur suffira de transmettre les comptes certifiés au greffe du tribunal de commerce en même temps qu'à l'entreprise. Je ne vois pas en quoi cela pose problème.

En seraient-ils débordés ? Mon Dieu, non : c'est un dépôt dématérialisé, qui s'effectue par un simple clic. Les commissaires vérifient déjà nécessairement les comptes, leur devoir est de délivrer une certification de sincérité. La mission supplémentaire que nous leur demandons d'assumer ne les surchargera pas, c'est un simple test de bonne volonté. Cela ne coûtera rien à personne, mais, à vous croire, ce serait Cuba !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 22 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Les mots : « ou qui » sont remplacés par les mots : « ,  qui » ;

c) Après les mots : « activité économique », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « ou dont le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé dans le territoire concerné est supérieur à un million d'euros transmettent, le 30 juin de chaque année, au représentant de l'État dans le territoire et à l'observatoire des prix, des marges et des revenus compétent les comptes sociaux et la comptabilité analytique de leur dernier exercice clos. » ;

2° Le second alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« II. – Chaque trimestre, les entreprises mentionnées au I, les commerçants détaillants dont la surface de vente est supérieure ou égale à 300 mètres carrés ainsi que les commerçants en gros transmettent au représentant de l'État dans le territoire, au service statistique public et à l'observatoire des prix, des marges et des revenus compétent :

« 1° Les taux de marge en valeur pratiquée sur les produits commercialisés et leurs évolutions ;

« 2° Le cas échéant, les taux de marge pratiqués tout au long de la chaîne d'approvisionnement, de livraison et de commercialisation des produits et leurs évolutions ;

« 3° Les prix d'achat et de vente des produits alimentaires et non alimentaires et leurs évolutions ;

« 4° Le cas échéant, pour les filiales des entreprises détenues à plus de 25 % par leur société mère, les prix de cession interne et leurs évolutions.

« III. – En l'absence de transmission des données et documents mentionnés aux I et II, le représentant de l'État dans le territoire saisit le juge des référés afin que ce dernier adresse à l'entreprise une injonction de transmettre lesdits données et documents sous trois semaines et sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut être inférieur à 2 % du chiffre d'affaires journalier moyen hors taxes réalisé par l'entreprise en France lors du dernier exercice clos, par jour de retard à compter de la date fixée par l'injonction.

« L'injonction fait l'objet d'une mesure de publicité. L'entreprise est informée, lors de la procédure contradictoire préalable au prononcé de l'injonction, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. La publicité est effectuée aux frais du professionnel destinataire de l'injonction.

« IV. – Les informations transmises en application du présent article ne sont pas diffusées auprès des consommateurs ni rendues publiques.

« V. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2027. Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Le dispositif de cet amendement reprend celui de l'article 1er de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer, telle que je l'avais déposée, dont l'objet est de rendre plus prescriptif l'article 22 de la loi du 20 novembre 2012 afin, là aussi, de renforcer la transparence des activités économiques.

Sans rentrer dans le détail de notre proposition, je dirai simplement que nous demandons l'instauration d'obligations de transparence spécifiques pour les entreprises dont plus de 25 % du capital est détenu par une société-mère.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Il est défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Ce dispositif ferait doublon avec celui que vous avez adopté à l'article 9, aux termes duquel le représentant de l'État peut saisir le président du tribunal de commerce territorialement compétent pour enjoindre à une personne morale de déposer ses comptes.

En outre, une obligation de transmission des informations sur les prix et les quantités des produits de grande consommation est également instaurée à l'article 6, que votre assemblée a renforcé.

Cet amendement me semblant donc satisfait, j'en demande le retrait ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. Monsieur Lurel, l'amendement n° 71 est-il maintenu ?

M. Victorin Lurel. Mme la ministre affirme que l'amendement est satisfait, mais je n'en suis pas convaincu ; je maintiens donc l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 56, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 22 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Sont ajoutés dix alinéas ainsi rédigés :

« Le bénéfice des aides économiques accordées par l'État ou les collectivités territoriales dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, qu'elles revêtent la forme de crédits d'impôt, de défiscalisation, de réductions de cotisations sociales, de subventions directes ou d'avantages fiscaux de quelque nature que ce soit, est subordonné au respect de l'obligation de publication des comptes sociaux conformément au droit qui s'applique à l'entreprise bénéficiaire.

« Sont notamment visés par cette disposition :

« 1° Les dispositifs de défiscalisation applicables aux investissements productifs en outre-mer ;

« 2° Les aides aux entreprises relevant de la loi de finances relative à l'économie des outre-mer ;

« 3° Les exonérations de cotisations patronales ou de charges sociales ;

« 4° Les subventions d'investissement ou de fonctionnement ;

« 5° Toute autre aide financière publique, directe ou indirecte.

« L'entreprise bénéficiaire doit justifier, au moment de la demande et chaque année du versement de l'aide, qu'elle s'acquitte de l'obligation de publication de ses comptes. Cette justification doit être apportée auprès de l'autorité publique qui octroie l'aide.

« Le non-respect de cette obligation de publication ou la falsification des comptes produits est constitutif d'une violation des conditions d'octroi de l'aide et justifie le remboursement total ou partiel des aides versées, sans préjudice des sanctions prévues par le droit pénal.

« …. – Un arrêté du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des finances précise les modalités d'application du présent article, notamment les délais de production des justificatifs et les seuils de chiffre d'affaires au-dessus desquels l'obligation de publication s'impose. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Je le retire au profit de l'amendement n° 55 rectifié qui suit, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.

L'amendement n° 55 rectifié, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 22 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice des aides économiques accordées par l'État ou les collectivités territoriales est subordonné au respect de l'obligation de publication des comptes sociaux conformément au droit qui s'applique à l'entreprise bénéficiaire. Les modalités d'application du présent alinéa sont définies par décret. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à renforcer la transparence financière et la responsabilité des entreprises bénéficiant d'aides publiques dans les territoires d'outre-mer, en subordonnant l'accès à ces aides au respect de l'obligation de publication des comptes sociaux.

Les aides économiques accordées aux entreprises par l'État et les collectivités représentent des ressources publiques substantielles, prélevées sur les finances publiques ultramarines ou nationales. Il est légitime que la collectivité exige en contrepartie une transparence financière minimale de la part de leurs bénéficiaires.

À La Réunion comme dans d'autres territoires ultramarins, certaines entreprises bénéficiaires d'aides économiques refusent de se soumettre à l'obligation de publication de leurs comptes sociaux, ou la contournent, ce qui empêche l'évaluation du besoin qu'elles ont de ces aides. Sans comptes certifiés, il est impossible de vérifier que l'entreprise justifie réellement de la nécessité d'une aide.

Cela favorise l'opacité et les abus. La non-publication permet de cacher les bénéfices réels, les structures de groupe, les flux financiers vers des tiers ou encore les rémunérations excessives de dirigeants.

Cela crée une iniquité, car les TPE-PME, respectueuses de leurs obligations comptables, voient leurs concurrents bénéficier d'avantages publics tout en échappant aux contrôles.

Enfin, cela fragilise les finances publiques, car l'État aide des entreprises sans pouvoir vérifier si l'aide était justifiée ou si elle a atteint son objectif.

Notre proposition s'inscrit ainsi dans la continuité de la loi de modernisation de l'économie de 2008 et de la loi Lurel de 2012 ; elle constitue aussi un prolongement des directives comptables européennes imposant la publication des comptes pour les entreprises dépassant certains seuils.

Nous n'entendons pas, par cet amendement, remettre en cause les aides justifiées : toute entreprise respectant ses obligations légales de publication pourra continuer à en bénéficier. Seules les entreprises refusant une transparence élémentaire en seront exclues.

M. Victorin Lurel. Un bon amendement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteure. Les sanctions proposées sont disproportionnées, d'autant que l'article 9 instaure déjà un nouveau régime de sanctions en cas de non-dépôt des comptes, régime qui a de surcroît été renforcé en commission par un amendement des rapporteurs.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Il est proposé dans cet amendement, me semble-t-il, non pas d'instaurer une sanction, mais de poser une condition à l'octroi d'aides.

Cet objectif me semble louable, tant l'absence de publication des comptes sociaux peut traduire un manque de transparence quant au besoin effectif d'aides, notamment pour ce qui est du bénéfice de l'entreprise.

Les règles européennes relatives aux aides d'État ne font pas de la publication des comptes sociaux une condition de l'octroi de telles aides, mais n'empêchent pas pour autant les États membres de soumettre à cette obligation les entreprises bénéficiaires de telles aides. Notons d'ailleurs que les aides fiscales à l'investissement outre-mer sont d'ores et déjà conditionnées au dépôt des comptes.

J'approuve donc l'objet de cet amendement, dont la rédaction est en outre meilleure que celle de l'amendement retiré à son profit par Mme Bélim ; par conséquent, l'avis du Gouvernement est favorable.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Voter cet amendement ne mange pas de pain, mes chers collègues ! Il est tout de même question des dotations destinées aux territoires ultramarins, dotations qui sont reversées à ces entreprises sous forme d'aides. Il est normal que ces aides fassent à un moment donné l'objet d'un certain contrôle et que des sanctions soient prononcées si la nécessité de ces aides ne peut être vérifiée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.

TITRE III

RENFORCER LA CONCURRENCE

Article 10

I. – L'article L. 461-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « dix-sept » est remplacés par le mot : « dix-neuf » ;

b) Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Deux personnalités choisies en raison de leur expertise en matière économique ou en matière de concurrence dans les outre-mer. » ;

c) Au septième alinéa, les références : « 2° et 3° » sont remplacés par les références : « 2°, 3° et 4° » ;

2° Au III, les mots : « , sous réserve du septième alinéa du II, » sont supprimés.

II. – Le mandat des membres nommés pour la première fois en application du 4° du II de l'article L. 461-1 du code de commerce prend effet à compter du 18 septembre 2026. Le mandat du membre nommé en second prend fin le 17 mars 2029 et peut être renouvelé pour une durée de cinq ans.

III. – Le premier alinéa de l'article L. 461-4 du code de commerce est ainsi rédigé :

« L'Autorité de la concurrence dispose de services d'instruction, dont l'un traite les sujets concernant les collectivités de l'article 73 de la Constitution, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna. Ils sont dirigés par un rapporteur général nommé par arrêté du ministre chargé de l'économie après avis du collège. »

IV. – Après l'article 6 de l'ordonnance n° 2014-471 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l'État en matière de pouvoirs d'enquête, de voies de recours, de sanctions et d'infractions, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

« Art. 6-1. – Les décisions par lesquelles le rapporteur général de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, en application de l'article Lp. 463-4 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, refuse la protection du secret des affaires ou lève la protection accordée peuvent faire l'objet d'un recours en réformation ou en annulation devant le premier président de la cour d'appel de Paris ou son délégué.

« L'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris statuant sur ce recours peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

« Ce recours et ce pourvoi sont instruits et jugés en chambre du conseil.

« Un décret en Conseil d'État détermine les délais de recours et de pourvoi et fixe la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, au plus tard le 1er janvier 2026. »

V. – Après l'article L. 462-9-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 462-9-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 462-9-1-1. – L'Autorité de la concurrence peut, sans que puisse y faire obstacle l'obligation de secret professionnel, communiquer à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, de sa propre initiative ou sur demande de cette dernière, toute information ou document qu'elle détient ou qu'elle recueille, dans l'exercice de ses propres missions ou de celles exercées pour le compte de cette autorité. »

VI. – Le III de l'article L. 430-2 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « un ou plusieurs départements d'outre-mer, dans le Département de Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna ou dans » sont remplacés par les mots : « les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et » ;

2° Au troisième alinéa, le nombre : « 5 » est remplacé par le nombre : « 3 ».

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.

M. Marc Laménie. L'article 10 vise à augmenter les moyens de l'Autorité de la concurrence (ADLC).

Je veux avant tout souligner la qualité du travail de la commission des affaires économiques sur ce texte ; en témoigne l'ampleur de son rapport, de plus de 130 pages. Ce travail est aussi une marque de solidarité entre ceux qui, parmi nous, représentent des territoires de métropole et ceux qui représentent nos outre-mer ; cette solidarité aussi mérite d'être relevée.

L'ADLC, autorité administrative indépendante instituée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, est composée d'un collège de dix-sept membres nommés pour cinq ans. Ses services d'instruction emploient 123 équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Elle mène une action importante dans les outre-mer : depuis 2008, elle a rendu 46 décisions les concernant, pour un total de 232 millions d'euros d'amendes, dont 177 millions d'euros prononcés à l'encontre d'auteurs de pratiques anticoncurrentielles. Elle a également publié plusieurs avis relatifs à l'outre-mer, qui témoignent, eux aussi, de l'importance de cette autorité.

Aux termes de cet article, le nombre de membres du collège de l'ADLC passerait à dix-neuf : on adjoindrait aux membres existants deux « personnalités choisies en raison de leur expertise en matière économique ou en matière de concurrence dans les outre-mer ».

L'article prévoit aussi la formation au sein de l'Autorité d'un service d'instruction spécifique pour l'outre-mer.

L'article procède également à une augmentation des moyens de la DGCCRF en outre-mer.

Enfin, il abaisse outre-mer, de 5 millions à 3 millions d'euros, le seuil de notification en matière de concentration dans le commerce de détail, secteur très sensible dans les territoires ultramarins au vu du contexte de crise de la vie chère. On reprend ainsi l'une des mesures de la proposition de loi de notre collègue Victorin Lurel adoptée par notre assemblée le 5 mars 2025.

Au vu de ces éléments, les membres du groupe Les Indépendants voteront évidemment cet article.

M. le président. L'amendement n° 136 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

personnalités

insérer les mots :

, issues de deux bassins géographiques différents,

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Le présent article prévoit l'ouverture du collège de l'Autorité de la concurrence à des personnalités ayant une « expertise en matière économique ou en matière de concurrence dans les outre-mer ».

Nous proposons que ces représentants ultramarins soient issus de deux bassins géographiques différents, afin de renforcer la prise en compte de la diversité de nos territoires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Imposer que les deux membres du collège de l'Autorité de la concurrence nommés en tant qu'experts des questions ultramarines soient issus de deux bassins géographiques différents paraît trop restrictif et exclut la possibilité que ces personnalités soient issues de l'Hexagone.

Il importe avant tout de nommer les personnalités les plus qualifiées possible en matière de concurrence outre-mer et de connaissance des économies ultramarines, quand bien même elles devraient provenir d'un même bassin géographique ultramarin ou de l'Hexagone.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. À en croire notre rapporteur, la précision que nous demandons reviendrait à imposer une sorte de décision ethnique, voire chromatique… Il faudrait que l'on soit originaire des outre-mer ; mais ce n'est en aucune manière ni la lettre ni l'esprit de notre amendement !

Si vous êtes expert de tel ou tel territoire ultramarin, du Pacifique ou de l'océan Indien, de l'Atlantique ou des Caraïbes, ce ne sont évidemment pas vos origines qui seront appréciées, mais votre expertise et vos qualifications. Tel est le sens de notre amendement, et non pas le communautarisme échevelé que vous voulez y voir ! Il importe de ne pas le dévoyer, mais de bien en comprendre le sens.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Nous voici devant un cas où la notion d'« ultramarin », contre laquelle je me bats régulièrement, trouve toutes ses limites. Qu'est-ce donc qu'une personnalité ultramarine experte ? J'avoue que cela me pose problème. Ce doit être une espèce d'homme-orchestre, qui connaîtrait sur le bout des doigts tout ce qui se passe à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Guadeloupe… Il faut arrêter !

Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, je n'ai cessé d'entendre dire qu'il faut absolument différencier les territoires, qu'aucun d'entre eux ne ressemble à un autre. Or on persiste à nous soumettre des dispositions qui vont dans le sens contraire.

Qu'on me donne donc l'ADN d'un expert ultramarin ! J'avoue peiner à qualifier cet homme ou cette femme-orchestre, qui saurait tout sur l'économie, la concurrence, les forces en présence, etc., d'une bonne dizaine de pays. Certains disent que ces personnalités existent ; pour ma part, je demande à voir.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Si vous me permettez d'insister, mes chers collègues, je tiens à rappeler les termes sur lesquels porte notre amendement : « deux personnalités choisies en raison de leur expertise en matière économique ou en matière de concurrence dans les outre-mer ». Ce n'est pas le physique qui est visé, mais bien la compétence, la connaissance, l'appétence pour cette matière et la capacité à la défendre demain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 133 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 18 à 20

Remplacer ces alinéas par un paragraphe ainsi rédigé :

VI. – Le III de l'article L. 430-2 du code de commerce est ainsi rédigé :

« III. – Lorsque au moins une des parties à la concentration exerce tout ou partie de son activité dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et les collectivités d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin ou de Saint-Barthélemy, est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du présent titre toute opération de concentration, au sens de l'article L. 430-1, lorsque sont réunies les deux conditions suivantes :

« 1° Le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d'euros, ou à 3 millions d'euros dans le secteur du commerce de détail sans qu'il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l'ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale ;

« 2° L'opération n'entre pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, précité.

« Les modalités d'application du présent III sont précisées par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à adapter, dans les départements et collectivités d'outre-mer, la procédure de déclenchement du contrôle des concentrations économiques, afin de mieux tenir compte de la structure économique locale et de la taille réelle des entreprises opérant sur ces marchés.

Rappelons que le dispositif en vigueur fixe trois conditions pour le déclenchement de ce contrôle ; en particulier, le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration doit être supérieur à 75 millions d'euros.

Or ce seuil est extrêmement élevé quand il s'agit de tissus économiques insulaires ou enclavés, peu insérés dans le commerce mondial, comme le sont ceux de nos territoires, dominés par les petites et moyennes entreprises et les filiales de groupes régionaux.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 103 est présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 125 est présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au deuxième alinéa, le nombre : « 75 » est remplacé par le nombre : « 50 » ;

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l'amendement n° 103.

M. Victorin Lurel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour présenter l'amendement n° 125.

M. Akli Mellouli. Cet amendement vise à baisser, de 75 millions à 50 millions d'euros de chiffre d'affaires total mondial cumulé, le seuil à partir duquel une opération de concentration commerciale intervenant dans une collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution doit être notifiée à l'Autorité de la concurrence et soumise à son accord.

Il nous paraît important d'abaisser ce seuil, au vu de la superficie des territoires concernés, pour un meilleur contrôle et une meilleure transparence.

M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Au troisième alinéa, les mots : « 15 millions d'euros, ou à 5 millions d'euros dans le secteur du commerce de détail » sont remplacés par le montant : « 3 millions d'euros ».

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Défendu !

M. le président. L'amendement n° 134 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Deux ou plusieurs opérations intervenues au cours d'une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont considérées comme une seule concentration, réputée intervenir à la date de la dernière opération. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à transposer dans le code de commerce une disposition spécifique à la Nouvelle-Calédonie qui nous semble utile et pragmatique. Ainsi, on pourra prévenir d'éventuelles manœuvres de contournement de la loi par certains acteurs économiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteure. L'amendement n° 133 rectifié tend à supprimer, pour le déclenchement d'un contrôle par l'Autorité de la concurrence, tout seuil de chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à une opération de concentration concernant un territoire ultramarin.

Lors de l'audition de ses représentants, l'Autorité de la concurrence nous a fait valoir que la suppression de ce seuil, outre qu'elle ne s'appuie sur aucune étude d'impact, risquerait d'augmenter de manière très sensible le nombre d'opérations soumises à obligation de notification, ce qui ferait peser une charge supplémentaire sur ces entreprises, mais susciterait aussi une surcharge administrative importante pour les services de l'Autorité, sans que cette évolution la conduise nécessairement à examiner des opérations problématiques en matière de concurrence.

L'avis est donc défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les autres amendements faisant l'objet de la discussion commune.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui visent à abaisser les seuils de déclenchement des contrôles auxquels peuvent être soumises les opérations de concentration. Le texte procède déjà à un renforcement de ces contrôles pour le commerce de détail ; c'est ce qui compte pour atteindre l'objectif assigné à ce projet de loi. Il n'y a pas, selon nous, matière à aller plus loin.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mon explication de vote porte sur l'amendement n° 134 rectifié.

Il s'agit d'un amendement de bon sens, qui a dû être inspiré à notre collègue Audrey Bélim par des faits qui se sont déroulés à La Réunion. L'Autorité de la concurrence, il y a quelques années, avait pointé les risques importants que faisait peser une opération pour laquelle le groupe Bernard Hayot (GBH) s'était engagé à rétrocéder quatre hypermarchés sur notre territoire. Cette opération avait été validée par le Conseil d'État, mais le nouvel acteur qui avait repris ces magasins avait très vite frôlé la faillite ; ses créances ont alors été apurées par les pouvoirs publics, ce qui a permis son rachat par un groupe mauricien. Ce fiasco a coûté à l'État la bagatelle de 35 millions d'euros, alors même que GBH est plus prospère que jamais à La Réunion !

Cet amendement est donc justifié par des faits bien réels ; l'adopter nous éviterait simplement de reproduire les erreurs du passé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 125.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Bélim et Conconne, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l'article L. 141-1 du code de la consommation, il est inséré un article L. 141-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 141-1-…. – Dans le cadre des enquêtes statistiques publiques relatives à la formation des prix, aux coûts logistiques et aux marges de commercialisation dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, l'Institut national de la statistique et des études économiques peut, lorsqu'il se voit opposer le secret des affaires, saisir la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités territorialement compétente.

« La direction mentionnée au premier alinéa peut exiger, par décision motivée, la communication des informations et documents nécessaires auprès des personnes physiques ou morales qui participent à la chaîne de formation des prix. Cette communication intervient sous couvert du secret statistique et dans des conditions garantissant la préservation des intérêts économiques légitimes des entreprises concernées.

« En cas de refus de communication ou de communication incomplète, la direction peut prononcer une sanction administrative, dont le montant ne peut excéder 1 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, sans préjudice de poursuites pénales éventuelles.

« Le recouvrement et le contentieux de ces sanctions sont opérés comme en matière de créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine. »

II. – Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à renforcer la transparence économique dans les territoires ultramarins, où les mécanismes de formation des prix demeurent insuffisamment connus en raison d'un accès limité aux données économiques.

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese), dans son avis n° 2023-23 du 11 octobre 2023 sur le pouvoir d'achat en outre-mer, relève que « l'Insee se heurte régulièrement au secret des affaires (…) lorsqu'il demande des informations. Pour le Cese, cette situation n'est pas admissible. »

En permettant à l'Insee de saisir la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Deets) compétente lorsqu'il se voit opposer le secret des affaires, cet amendement tend à renforcer la production de données publiques objectives sur les marges, les intermédiaires logistiques et les pratiques tarifaires, tout en sécurisant juridiquement la levée – elle est encadrée – du secret des affaires, à des fins exclusivement statistiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent de permettre à l'Insee de saisir les services du ministère de l'économie dans les outre-mer – en l'espèce la Deets territorialement compétente – dans les cas où une entreprise lui oppose le secret des affaires.

L'amendement tend aussi à instaurer un régime de sanctions à cette fin, de sorte que l'entreprise refusant de communiquer ces données ou les transmettant de manière incomplète pourrait se voir infliger une sanction administrative, dont le montant irait jusqu'à 1 % de son chiffre d'affaires.

S'il peut arriver que l'Insee se voit opposer le secret des affaires, permettre la saisie des services du ministère de l'économie dans les outre-mer, en faisant peser sur les entreprises la menace d'une amende aussi élevée, paraît disproportionné.

Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 52, mais nous souhaiterions que le Gouvernement nous précise les solutions qu'il entend mettre en œuvre dans ces cas où le secret des affaires est invoqué pour refuser une demande de l'Insee.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Je voudrais compléter mon argumentaire en faveur de cet amendement, en précisant que nous entendons ainsi répondre à une demande d'intérêt général, adaptée aux spécificités économiques et structurelles de nos territoires, qui sont marqués par une forte concentration des acteurs et une faible transparence sur les marges. C'est l'objet même de ce projet de loi, mes chers collègues !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 144 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 420-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est également prohibé, dans chacune des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, le fait, pour un groupe de distribution, de détenir une part de marché supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'État au regard des caractéristiques du secteur économique, du groupe et de la position dominante d'un ou de plusieurs acteurs sur le marché concerné. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Nous reprenons, avec cet amendement, une disposition adoptée par l'Assemblée nationale lorsqu'elle a examiné la proposition de loi visant à prendre des mesures d'urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

On constate l'existence sur de nombreux territoires ultramarins de certaines pratiques anticoncurrentielles. Par exemple, certains groupes acquièrent non seulement la licence d'exploitation d'une enseigne spécialisée sur le territoire, mais également celle de sa principale concurrente, empêchant ainsi tout développement de concurrence sur ce marché.

C'est pourquoi nous proposons de réguler à nouveau ce secteur afin de lutter contre la concentration, tant horizontale que verticale, et ce au bénéfice du pouvoir d'achat des Françaises et des Français des départements ultramarins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteure. Cet amendement est satisfait par d'autres dispositions du droit de la concurrence, figurant à l'article L. 420-2 du code de commerce, qui interdit les abus de position dominante, mais aussi par l'article 12 du présent projet de loi, qui donne aux commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) la possibilité de saisir l'Autorité de la concurrence lorsqu'une opération de création ou d'extension de magasins conduirait une entreprise de distribution à disposer d'une part de marché d'au moins 25 % d'une zone de chalandise donnée.

J'attire aussi votre attention sur le fait que, lors de nos auditions, nous avons découvert qu'il n'existait qu'une seule saisine de CDAC en douze ou treize ans d'existence…

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par MM. Théophile, Buval, Kulimoetoke et Fouassin, Mmes Ramia, Nadille et Phinera-Horth, MM. Patient, Rohfritsch et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 420-2-1 du code du commerce, il est inséré un article L. 420-2-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 420-2-1-…. – Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, il est interdit à tout acteur économique, à tout groupement d'entreprises ou consortium d'entreprises de se trouver en situation de position dominante sur un marché déterminé, lorsque cette situation constitue un abus de position dominante ou est de nature à restreindre, fausser ou empêcher le jeu de la concurrence sur ce marché. »

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Cet amendement va un peu plus loin que les précédents, car il vise à introduire dans le code de commerce un nouvel article applicable spécifiquement aux territoires d'outre-mer.

Y serait précisé qu'il est « interdit à tout acteur économique, à tout groupement d'entreprises ou consortium d'entreprises de se trouver en situation de position dominante sur un marché déterminé, lorsque cette situation constitue un abus de position dominante ou est de nature à restreindre, fausser ou empêcher le jeu de la concurrence sur ce marché ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. L'article L. 420-2 du code de commerce prohibe déjà l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Cela inclut bien sûr les territoires ultramarins.

Les abus de position dominante peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires, ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

Au titre de sa compétence répressive, l'Autorité de la concurrence a ainsi adopté, depuis sa création en 2008, 46 décisions relatives aux outre-mer, pour un total de 232 millions d'euros d'amendes, dont 177 millions d'euros prononcés à l'encontre d'auteurs de pratiques anticoncurrentielles – ententes et abus de position dominante.

Le présent amendement est donc pleinement satisfait ; l'avis de la commission est par conséquent défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le problème, c'est qu'on ne peut pas sanctionner la position dominante en soi. Elle n'entraîne pas automatiquement, par essence, un abus, comme le présuppose cet amendement, pas plus qu'elle porte atteinte au bon fonctionnement de la concurrence.

En pratique, une entreprise peut acquérir une position dominante sur un marché concurrentiel par ses mérites propres ou se trouver de fait dans une telle position, par exemple en raison de l'étroitesse du marché, sans pour autant ni abuser de sa position ni empêcher le jeu concurrentiel.

Le code de commerce permet déjà d'interdire à une entreprise d'abuser de sa position dominante sur un marché donné, par exemple en cas d'imposition de conditions commerciales injustifiées ou discriminatoires. Le droit en vigueur prohibe également l'exploitation abusive de la dépendance économique d'un partenaire commercial quand cela nuit au bon fonctionnement de la concurrence.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 115, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et M. Xowie, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Toute entreprise exerçant simultanément des activités d'importation, de distribution et de logistique dans une même collectivité mentionnée à l'article 2 de la présente loi, est soumise à un contrôle spécifique de l'Autorité de la concurrence, afin de prévenir les risques de pratiques restrictives de concurrence, notamment :

1° Les abus de position dominante résultant de l'intégration verticale ;

2° Les ententes illicites entre filiales ou entités liées ;

3° Les subventions croisées ou surfacturations internes entre activités.

II. – Les entreprises mentionnées au I doivent transmettre annuellement à l'Autorité de la concurrence un rapport détaillé incluant :

1° Les coûts de transfert entre filiales (importation, logistique, distribution) ;

2° Les marges pratiquées à chaque étape de la chaîne d'approvisionnement ;

3° Les justifications de tout écart supérieur à 10 % par rapport aux coûts moyens du marché.

III. – En cas de manquement aux obligations du présent article, l'Autorité de la concurrence peut :

1° Imposer une amende administrative pouvant atteindre 5 % du chiffre d'affaires annuel réalisé dans la collectivité concernée ;

2° Ordonner des mesures correctives, y compris la séparation des activités si les pratiques anticoncurrentielles sont avérées ;

3° Publier une décision de non-conformité, interdisant à l'entreprise concernée de bénéficier de subventions publiques pendant trois ans.

IV. – Le contrôle spécifique prévu au I s'étend aux sous-traitants et prestataires avec lesquels l'entreprise intégrée entretient des liens capitalistiques ou contractuels durables, dès lors que ces liens sont susceptibles d'affecter la concurrence.

V. – Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment les critères de définition des liens durables et les procédures de contrôle.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nous devons lutter contre la concentration économique et la domination de quelques acteurs historiques qui, il est vrai, bénéficient d'une véritable rente de situation.

Nous nous sommes appuyés, pour rédiger cet amendement, sur l'avis de l'observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion : « La régulation spécifique doit impérativement être renforcée et porter sur la transparence des marchés et surtout sur la structuration des marchés pour écarter les risques d'abus de position dominante – limitation de la taille de surface de vente, interdiction des concentrations verticales et démantèlement dès lors qu'elles sont existantes. »

En d'autres termes, sans intervention forte du législateur pour rompre avec l'opacité et les rentes, rien ne permettra de lutter efficacement contre la vie chère, sujet qui nous occupe aujourd'hui, et une inflation structurelle.

Le mécanisme est le suivant : les marges s'empilent entre les filiales d'un même groupe sans qu'il soit possible d'en mesurer le niveau réel. C'est précisément dans ces circuits internes que se joue une grande partie de la vie chère. Je précise d'ailleurs que cela existe dans d'autres secteurs stratégiques : l'énergie, les banques, les assurances…

C'est pourquoi nous proposons un contrôle spécifique de ces entreprises intégrées par l'Autorité de la concurrence. Ce faisant, il s'agit de passer d'une approche réactive à un contrôle préventif et régulier. Cela donnera enfin à l'Autorité de la concurrence les moyens de comprendre comment se forment les prix et de prévenir les abus avant qu'ils ne pèsent sur les consommateurs. C'est vérifiable et factuel.

Madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, trois acteurs concentrent 70 % de certains marchés. Par conséquent, adopter cet amendement répond à une nécessité à la fois économique et démocratique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Il n'est pas nécessaire de créer un contrôle spécifique pour lutter contre ce phénomène, dès lors que l'article L. 420-2 du code de commerce tient compte de ces pratiques abusives.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous verrons bien quelle sera l'issue de ce vote.

Pour autant, voter contre cet amendement reviendrait à s'exonérer totalement de l'avis de l'observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion, dont je rappelle qu'il est un organisme indépendant, et à envoyer ce message : le législateur laisse faire ! Il n'y aura alors ni régulation des marchés ni contrôle de leur structuration.

Chacun prendra ses responsabilités.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 116, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Toute entreprise exerçant simultanément des activités d'importation, de distribution et de logistique dans une même collectivité ultramarine doit, dans un délai de deux ans, séparer juridiquement et comptablement ces activités en créant des filiales distinctes, avec :

1° Des comptes sociaux séparés ;

2° Une interdiction des subventions croisées ;

3° Une déclaration annuelle des flux financiers à l'Autorité de la concurrence.

II. – En cas de manquement, l'Autorité de la concurrence peut :

1° Ordonner la séparation immédiate des activités ;

2° Imposer une amende pouvant atteindre 5 % du chiffre d'affaires mondial ;

3° Exclure l'entreprise des marchés publics pour trois ans.

III. – Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application, notamment les critères de séparation comptable et les procédures de contrôle.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Cet amendement a un objet distinct du précédent même s'il se fixe le même objectif. Il va plus loin.

Dans un délai de deux ans, les entreprises exerçant simultanément des activités d'importation, de distribution et de logistique dans une même collectivité ultramarine devront séparer juridiquement et comptablement leurs activités. Cela implique des comptes distincts, l'interdiction des subventions croisées et une déclaration annuelle à l'Autorité de la concurrence.

En effet, ces groupes importent d'une main, vendent de l'autre et, entre les deux, gonflent leurs marges dans des filiales qu'aucun service public ne peut vraiment contrôler.

En ce sens, nous traduisons concrètement ce que les rapports de l'Autorité de la concurrence, du Cese et des OPMR pointent depuis des années : une structure de marché défaillante. Dès lors, il faut remettre en cause cette structure de marché et pas seulement en corriger les effets.

M. le président. L'amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Cozic et M. Weber, Mme G. Jourda et M. P. Joly, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, tout groupe de société intégré s'assure d'une exploitation autonome de ses activités de grossiste-importateur, qui soit distincte de celles de distribution au détail.

Un décret précise les modalités d'application du présent article.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement s'inscrit dans le même esprit. Il ne me paraît pas incongru de demander la séparation des activités d'importateurs-grossistes de celles de détaillants. Cela éviterait les conflits d'intérêts.

Je tiens à faire remarquer que, à l'issue de l'examen de ce texte, nous aurons refusé volontairement de nous attaquer à la structuration conglomérale des marchés dans les outre-mer.

Nous aurons refusé de reconnaître que la verticalisation, l'intégration, la concentration impliquaient nécessairement manque de transparence, abus de position dominante et excès.

Nous aurons refusé de reconnaître que cette situation est due non pas aux handicaps géographiques, que sont la distance ou l'éloignement, mais à la concentration, à l'intégration et à l'action de quelques groupes. Je rappelle que, en 2016-2017, en Martinique, 70 entreprises possédaient plus de 50 % des marchés et réalisaient 18 millions d'euros de chiffres d'affaires. Cette étude n'a pas été réactualisée.

C'est pourquoi je demande a minima la séparation de ces deux segments d'activités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

La séparation juridique et comptable des activités d'importation, de distribution et de logistique par la création de filiales spécifiques constitue une ingérence excessive dans la vie des entreprises sur le fondement d'une suspicion généralisée d'abus de position dominante, dès lors qu'une entreprise dispose de plusieurs activités dans une chaîne de valeur.

Les entreprises doivent pouvoir s'organiser librement, tout en veillant à ne pas avoir recours à des pratiques restrictives de concurrence, sous peine de sanctions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis, monsieur le président.

L'adoption de ces amendements porterait une atteinte manifeste à la liberté d'entreprendre, en bridant la libre organisation de l'activité des entreprises. Les entreprises peuvent vouloir s'organiser d'une certaine façon et regrouper des activités pour des raisons tout à fait légitimes, a fortiori légales : réaliser des économies, appliquer une politique salariale uniforme…

Ce texte prévoit d'autres avancées en matière de transparence. Je vous propose de nous y cantonner.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J'avoue très sincèrement que j'entends l'argument. Je serais même prêt à le retenir, si la chaîne d'approvisionnement n'était pas constituée de maillons intermédiaires et que l'on n'ignorait pas les prix de cession internes, c'est-à-dire les marges intermédiaires. Sur ces sujets, il n'existe pas de transparence.

Il est vrai que l'objet de cet amendement donne l'impression d'une sorte d'immixtion dans l'organisation interne des entreprises. Certaines d'entre elles n'hésitent pas à créer facialement des filiales, voire des holdings, ce qui leur permet même de ne pas payer certains impôts et de se payer en dividendes ou en intérêts.

La situation n'est pas seulement conjoncturelle ; or vous refusez de vous attaquer aux causes structurelles, en arguant qu'il faut laisser le marché faire librement.

Je maintiens l'amendement n° 44 rectifié bis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 135 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, sauf dérogation motivée de la commission départementale d'aménagement commercial, l'autorisation demandée ne peut être accordée lorsqu'il apparaît qu'elle aurait pour conséquence de porter au-delà d'un seuil de 25 % sur l'ensemble du département, ou d'augmenter, si elle est supérieure à ce seuil, la part de surface de vente destinée à l'alimentation, que celle-ci concerne l'ensemble du projet ou une partie seulement, et appartenant :

1° Soit à une même enseigne ;

2° Soit à une même société, ou une de ses filiales, ou une société dans laquelle cette société possède une fraction du capital comprise entre 10 % et 50 %, ou une société contrôlée par cette même société ;

3° Soit contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé exerçant sur elle une influence ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à rétablir dans les départements ultramarins la disposition introduite en 1993 dans la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, dite Royer, sur l'initiative du député André Tien Ah Koon.

Depuis l'abrogation de la loi Royer, l'équilibre du secteur de la grande distribution alimentaire s'est fortement dégradé sur la plupart de ces territoires, comme l'a rappelé Evelyne Corbière Naminzo.

Il s'agit donc de réguler de nouveau ce secteur, ce qui permettra de lutter contre la concentration du marché, et ce au bénéfice du pouvoir d'achat des Français des départements ultramarins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. L'article 12 du projet de loi a exactement le même objectif. Une fois ce texte entré en vigueur, la position de l'Autorité de la concurrence portera sur la puissance économique de l'enseigne, qui sera également prise en compte par la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC). Ce dispositif reste toutefois suffisamment souple pour être conforme aux principes constitutionnels, notamment à la liberté de commerce et d'industrie, ce qui n'est pas le cas de cet amendement.

C'est pourquoi le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 53, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 420-2-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 420-2-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 420-2-1-.... – Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, constitue une pratique restrictive de concurrence le fait, pour toute personne physique ou morale, d'acquérir ou de détenir les droits d'exploitation d'une marque, d'une enseigne ou d'une licence de franchise sans procéder à son déploiement effectif sur le territoire concerné dans un délai de deux ans à compter de l'acquisition de ces droits.

« L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer une amende administrative dont le montant ne peut excéder 375 000 euros pour une personne physique et 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos pour une personne morale.

« Les droits d'exploitation non déployés dans le délai prévu au premier alinéa peuvent faire l'objet d'une procédure de libération par l'autorité administrative, après mise en demeure restée infructueuse pendant six mois.

« Les modalités d'application du présent article, notamment la définition du déploiement effectif, sont définies par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à lutter contre une pratique anticoncurrentielle préjudiciable au développement économique des territoires ultramarins et au pouvoir d'achat des consommateurs : l'acquisition de licences de franchises ou d'enseignes nationales ou internationales dans le seul but d'empêcher leur déploiement local et la concurrence avec des commerces existants.

Cette stratégie, mise en œuvre par certains opérateurs économiques déjà implantés, consiste à acquérir les droits exclusifs d'exploitation de marques attractives afin de préserver leur position dominante et d'éviter l'arrivée de nouveaux concurrents susceptibles de faire baisser les prix.

La mesure que nous proposons respecte le principe de liberté du commerce et de l'industrie en n'interdisant pas l'acquisition de licences, mais en sanctionnant uniquement leur non-exploitation, pratique constitutive d'un abus de droit de la part des agents économiques y recourant.

M. le président. L'amendement n° 127 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 420-2-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 420-2-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 420-2-1-.... - Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, constitue une pratique restrictive de concurrence le fait, pour toute personne physique ou morale, d'acquérir ou de détenir les droits d'exploitation d'une marque, d'une enseigne ou d'une licence de franchise sans procéder à son déploiement effectif sur le territoire concerné dans un délai de trois ans à compter de l'acquisition de ces droits.

« L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer une amende administrative dont le montant ne peut excéder 375 000 euros pour une personne physique et 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos pour une personne morale.

« Les droits d'exploitation non déployés dans le délai prévu au premier alinéa peuvent faire l'objet d'une procédure de libération par l'autorité administrative, après mise en demeure restée infructueuse pendant six mois. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à porter le délai pour déployer les droits acquis à trois ans, au lieu de deux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Prouver que l'acquisition de licences de franchises ou d'enseignes nationales ou internationales par une entreprise dans le seul but d'en empêcher le déploiement local se révélera particulièrement difficile.

En outre, essayer de détecter une telle pratique reviendrait à s'immiscer dans la gestion interne d'une entreprise, au risque de mettre en cause la liberté du commerce et de l'industrie.

En tout état de cause, si une telle pratique provoquait un problème concurrentiel sur un marché donné, il serait possible de mettre en cause l'entreprise qui en serait responsable pour abus de position dominante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Sur le principe, je n'ai pas d'objection, mais le dispositif est trop large pour que son application soit efficace.

Peut-être parviendrez-vous à pointer des pratiques anticoncurrentielles, mais, comme il n'y a pas que cela, cela posera des difficultés.

Il en est de même pour le délai, qui, même porté à trois ans, semble insuffisant.

Toujours est-il que nous pourrions continuer à travailler sur ces points.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Je retire les deux amendements, monsieur le président !

M. le président. Les amendements nos 53 et 127 rectifié sont retirés.

Article 11

En vue d'améliorer l'accessibilité du droit, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de dix-huit mois suivant la publication de la présente loi, à prendre par ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi pour modifier et compléter le livre IX du code de commerce afin de codifier, à droit constant, les dispositions relatives à l'exercice par l'État des compétences qui lui demeurent dévolues en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française en application des lois organiques n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Un projet de loi de ratification de l'ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois suivant celui de sa publication – (Adopté.)

Après l'article 11

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Rohfritsch et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi n'est pas applicable en Polynésie française.

Elle ne saurait être étendue à ce territoire par voie d'ordonnance ou d'adaptation sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, dès lors que les matières qu'elle régit relèvent de la compétence de la Polynésie française.

La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Cet amendement vise à exclure l'application du texte à la Polynésie française, en vertu du principe de spécialité législative.

En effet, la Polynésie française est régie par l'article 74 de la Constitution, qui lui confère le statut de collectivité d'outre-mer dotée d'une large autonomie. C'est à ce titre que j'interviens. En ces temps agités, nous sommes particulièrement vigilants sur l'éventuel recours aux ordonnances.

En outre, depuis une dizaine d'années, la Polynésie française s'est dotée d'un arsenal juridique en matière de régulation économique et de concurrence, saluée par l'Autorité de la concurrence et de nombreux experts lors d'un colloque qui s'est tenu cette année à l'assemblée de Polynésie française. Elle dispose d'une autorité de concurrence locale pleinement opérationnelle et d'instruments adaptés aux réalités de notre territoire. Certes, des perspectives d'amélioration de ces outils existent, mais elles doivent rester à l'appréciation des autorités du territoire.

Madame la ministre, j'aimerais avoir des précisions sur la nature de l'ordonnance évoquée à l'article 11 du projet de loi au titre de « l'accessibilité du droit ». Nous souhaitons une utilisation parcimonieuse, si je peux utiliser cette expression, du recours à l'ordonnance et nous avons besoin d'en connaître le cadre.

À défaut d'explications satisfaisantes, je demanderai à mes collègues de voter cet amendement pour retirer la Polynésie française de cette perspective. J'associe bien entendu à cette demande ma collègue Lana Tetuanui, qui partage cet objectif. (Mme Lana Tetuanui acquiesce.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement, qui vise à exclure la Polynésie française de l'application de ce projet de loi, est satisfait. En effet, la Polynésie française est régie par le principe de spécialité législative, selon lequel une loi n'y est applicable que si elle le mentionne explicitement.

Aucune disposition du texte n'est étendue à la Polynésie française. Son champ d'application est, pour la grande majorité de ses dispositions, circonscrit aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution – La Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte –, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

Seuls l'article 11, qui est relatif à la codification à droit constant de dispositions relatives aux compétences de l'État en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, et les articles 14 et 15, qui sont relatifs à l'expérimentation d'un Small Business Act ultramarin – seuls les marchés publics de l'État sont à ce titre concernés pour la Polynésie française –, mentionnent la Polynésie française.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je tiens à rassurer M. le sénateur Rohfritsch, ainsi que Mme la sénatrice Tetuanui.

Ce texte ne remet pas en cause la répartition des compétences entre l'État et le pays. Les dispositions qui seront adoptées n'auront vocation à s'appliquer qu'en ce qui concerne les compétences de l'État. En réalité, l'article 11 opère une codification à droit constant.

Je confirme donc que l'ordonnance n'interviendra pas sur les compétences du pays. Elle le fera uniquement sur les compétences résiduelles de l'État.

Mme Naïma Moutchou, ministre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. Teva Rohfritsch. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 27 est retiré.

Article 12

Le premier alinéa de l'article L. 752-6-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon » sont remplacés par les mots : « et de Saint-Martin » ;

2° À la seconde phrase, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme Phinera-Horth, MM. Patient, Théophile, Buval, Fouassin et Kulimoetoke, Mmes Nadille et Ramia, M. Rohfritsch et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « En Guyane, ce seuil de part de marché est de 50 %. »

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Je présente cet amendement, qui est soutenu par l'ensemble des élus guyanais, au nom des sénateurs de la Guyane.

Il s'agit d'introduire une dérogation spécifique pour la Guyane en fixant le seuil de part de marché à 50 % au lieu de 25 %, comme c'est le cas dans les autres collectivités ultramarines. Cette adaptation tient compte de la densité commerciale plus faible et des particularités économiques du territoire afin de maintenir un équilibre entre régulation de la concurrence, incitation à l'investissement et diversité de l'offre commerciale, tout en évitant les effets défavorables sur l'emploi et l'activité locale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Lors du travail en commission, j'ai été très attentive à la problématique soulevée par Georges Patient et Marie-Laure Phinera-Horth.

Cependant, l'élargissement des possibilités de saisine, par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), de l'Autorité de la concurrence au sujet d'entreprises sollicitant une autorisation d'exploitation commerciale et susceptibles de détenir une part de marché de 25 % d'une zone de chalandise au terme de l'opération, au lieu de 50 % aujourd'hui, permet de prendre en compte la réalité des territoires.

Il s'agit en tout état de cause d'une simple faculté de saisine pour les CDAC, nullement d'une obligation. Il conviendra de s'adapter à la spécificité de chaque territoire ultramarin, notamment sa taille.

Il importe de ne pas prévoir un cadre trop rigide, mais au contraire de garantir une certaine souplesse.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. J'ai étudié cette question de près et je crois qu'il n'y a pas lieu d'ajouter cette précision et ce cas particulier.

En effet, l'article 12 donne la possibilité aux CDAC de saisir l'Autorité de la concurrence pour des projets qui conduiraient une entreprise à disposer de plus de 25 % de part de marché, contre 50 %, et ce pour tenir compte de la situation locale. La CDAC de Guyane peut donc très bien décider de ne pas invoquer la disposition prévue à cet article et de conserver le seuil actuel de 50 %.

Il n'y a donc aucune contradiction et la situation de la Guyane ne me semble pas poser de problème particulier du fait de ce nouveau seuil.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet amendement est donc satisfait !

Mme Naïma Moutchou, ministre. Il est en effet satisfait. C'est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J'entends les arguments, je les comprends, mais je ne suis pas convaincu pour autant.

Imaginez l'arrière-pays guyanais, véritable désert commercial. Le problème soulevé par Georges Patient se posera dans l'île de Cayenne, à Maripasoula, dans les grandes communes où il n'y a presque rien. Si une seule entreprise s'y installe, elle détiendra 100 % de la zone de chalandise. Comment la CDAC pourra-t-elle s'opposer à un seuil de part de marché supérieur à 25 % ?

J'ai moi-même défendu et fait voter une telle disposition il y a longtemps, mais il existe une spécificité guyanaise dont il faut tenir compte. Peut-être faut-il donner plus de liberté à la CDAC, qui n'a comme seul pouvoir que de saisir l'Autorité de la concurrence lorsque les seuils autorisés sont dépassés.

Nous constatons une nouvelle fois une absence d'autonomie ou de décentralisation. Nos collègues ont bien fait de poser le problème, il faut trouver une réponse équilibrée et apporter des corrections dans le cadre de la navette parlementaire.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. On est vraiment dans l'aléatoire : la CDAC « peut » saisir l'Autorité de la concurrence, dont la réponse peut elle-même aller dans un sens ou dans un autre…

Là encore, vous comprendrez pourquoi nos territoires ont soif d'autonomie. Voilà le genre de décisions que nous pourrions prendre par nous-mêmes, sans que nous soient imposées des règles qui viennent de trop loin.

Vive le pouvoir normatif autonome !

Mme Lana Tetuanui. Venez en Polynésie française !

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Cet amendement vous paraît satisfait, madame la ministre, mais vous estimez aussi que la question mérite d'être posée.

Puisque l'explication reste floue, gravons cette disposition dans le marbre et laissons la navette parlementaire suivre son cours. Nous verrons bien.

Mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement : il n'en sera que plus satisfait.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Dans le droit actuel, la CDAC peut saisir l'Autorité de la concurrence si le seuil de part de marché dépasse 50 %. Demain, elle le pourra dès que ce seuil atteindra 25 %, si elle le décide. C'est une faculté qui lui est accordée.

Si je ne me trompe pas, en Guyane, cela ne s'est produit qu'une fois en dix ans.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Après l'article 12

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 54, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 121-11 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-11-... ainsi rédigé :

« Art. L. 121-11-.... – Est interdite toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l'accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d'accès, au seul motif que le consommateur ou l'utilisateur réside dans une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution.

« Ces dispositions s'appliquent notamment :

« 1° Aux ventes de biens ou services dématérialisés ;

« 2° À l'accès aux plateformes numériques, applications, logiciels, œuvres culturelles, contenus audiovisuels, services sportifs et services en ligne payants ou gratuits ;

« 3° Aux refus d'accès aux boutiques applicatives ("app stores") ou aux versions ultramarines distinctes restreignant le catalogue disponible.

« Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire excipant de raisons géographiques alors même que l'offre est disponible dans une autre partie du territoire de la République ou de l'Union européenne.

« Un décret en Conseil d'État précise les exceptions strictement nécessaires pour des raisons :

« 1° De sécurité nationale ou de cybersécurité ;

« 2° D'ordre public.

« Toute clause contractuelle visant à contourner les présentes dispositions est réputée non écrite.

« La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est chargée de constater et sanctionner ces pratiques. Elle peut enjoindre au professionnel de se mettre en conformité sous astreinte et prononcer une amende administrative pouvant atteindre 2 % du chiffre d'affaires. »

L'amendement n° 132 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 121-11 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-11-... ainsi rédigé :

« Art. L. 121-11-.... – Est interdite toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l'accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d'accès, au seul motif que le consommateur ou l'utilisateur réside dans une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution.

« Ces dispositions s'appliquent notamment :

« 1° Aux ventes de biens ou services dématérialisés ;

« 2° À l'accès aux plateformes numériques, applications, logiciels, œuvres culturelles, contenus audiovisuels, services sportifs et services en ligne payants ou gratuits ;

« 3° Aux refus d'accès aux boutiques applicatives ou aux versions ultramarines distinctes restreignant le catalogue disponible.

« Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire excipant de raisons géographiques alors même que l'offre est disponible dans une autre partie du territoire de la République ou de l'Union européenne.

« Un décret en Conseil d'État précise les exceptions. »

L'amendement n° 128 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 121-11 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-11-... ainsi rédigé :

« Art. L. 121-11-.... – Est interdite toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l'accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d'accès, au seul motif que le consommateur ou l'utilisateur réside dans une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution.

« Ces dispositions s'appliquent aux refus d'accès aux boutiques applicatives ou aux versions ultramarines distinctes restreignant le catalogue disponible.

« Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire excipant de raisons géographiques alors même que l'offre est disponible dans une autre partie du territoire de la République ou de l'Union européenne.

« Un décret en Conseil d'État précise les exceptions strictement nécessaires pour des raisons :

« 1° De sécurité nationale ou de cybersécurité ;

« 2° D'ordre public.

« Toute clause contractuelle visant à contourner les présentes dispositions est réputée non écrite.

« La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est chargée de constater et sanctionner ces pratiques. Elle peut enjoindre au professionnel de se mettre en conformité sous astreinte et prononcer une amende administrative pouvant atteindre 2 % du chiffre d'affaires. »

L'amendement n° 129 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 121-11 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-11-... ainsi rédigé :

« Art. L. 121-11-.... – I. – Est interdite toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l'accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d'accès, au seul motif que le consommateur ou l'utilisateur réside dans une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution.

« Ces dispositions s'appliquent notamment aux ventes de biens ou services dématérialisés.

« Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire excipant de raisons géographiques alors même que l'offre est disponible dans une autre partie du territoire de la République ou de l'Union européenne.

« Un décret en Conseil d'État précise les exceptions strictement nécessaires pour des raisons :

« 1° De sécurité nationale ou de cybersécurité ;

« 2° D'ordre public.

« Toute clause contractuelle visant à contourner les présentes dispositions est réputée non écrite.

« La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est chargée de constater et sanctionner ces pratiques. Elle peut enjoindre au professionnel de se mettre en conformité sous astreinte et prononcer une amende administrative pouvant atteindre 2 % du chiffre d'affaires. »

L'amendement n° 131 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 121-11 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-11-... ainsi rédigé :

« Art. L. 121-11-.... – Est interdite toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l'accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d'accès, au seul motif que le consommateur ou l'utilisateur réside dans une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution.

« Ces dispositions s'appliquent à l'accès aux plateformes numériques, applications, logiciels, œuvres culturelles, contenus audiovisuels, services sportifs et services en ligne payants ou gratuits.

« Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire excipant de raisons géographiques alors même que l'offre est disponible dans une autre partie du territoire de la République ou de l'Union européenne.

« Un décret en Conseil d'État précise les exceptions strictement nécessaires pour des raisons :

« 1° De sécurité nationale ou de cybersécurité ;

« 2° D'ordre public ;

« Toute clause contractuelle visant à contourner les présentes dispositions est réputée non écrite.

« La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est chargée de constater et sanctionner ces pratiques. Elle peut enjoindre au professionnel de se mettre en conformité sous astreinte et prononcer une amende administrative pouvant atteindre 2 % du chiffre d'affaires. »

La parole est à Mme Audrey Bélim, pour les présenter.

Mme Audrey Bélim. L'amendement n° 54 vise à mettre fin aux pratiques persistantes de blocage géographique injustifié, dit géoblocage, subies par les consommateurs ultramarins en violation du principe d'égalité d'accès aux biens et services au sein du territoire de la République.

Malgré l'entrée en vigueur du règlement européen du 28 février 2018, qui interdit le géoblocage injustifié dans le marché intérieur, de nombreux sites ou plateformes numériques continuent à exclure ou à limiter leurs offres dans les outre-mer, notamment à La Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et à Mayotte.

Le dispositif proposé vise à garantir l'égalité républicaine dans l'accès aux biens et services numériques, à lutter contre les discriminations fondées sur le lieu de résidence et à renforcer l'effectivité du droit européen dans les régions ultrapériphériques (RUP). Il protège les consommateurs tout en prévoyant un encadrement juridique sécurisé et accorde à la DGCCRF des possibilités de sanction.

Il applique par ailleurs la recommandation de l'Autorité de la concurrence du 4 juillet 2019 : « Compte tenu de l'incertitude quant à l'applicabilité du règlement européen [...] aux situations impliquant un consommateur des Drom et un site basé en métropole, [il conviendrait de s'interroger sur l'opportunité] d'adopter une réglementation nationale reprenant les interdictions du règlement européen. Cela permettrait d'assurer une protection aux internautes ultramarins contre les mesures de blocage géographique et les discriminations susceptibles d'être mises en œuvre par les enseignes de commerce en ligne. »

En cas d'adoption de cet amendement, les amendements nos 132 rectifié, 128 rectifié, 129 rectifié et 131 rectifié n'auront plus d'objet et je retirerai l'amendement n° 130 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. L'amendement n° 54 et les amendements de repli visent à lutter contre les pratiques de certains opérateurs économiques qui bloqueraient l'accès à leurs services électroniques aux consommateurs ultramarins.

Ces comportements dits de blocage géographique injustifié sont déjà interdits par les articles L. 121-23 et L. 132-24-2 du code de la consommation et punis d'une amende de 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. Cette disposition est donc satisfaite depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2020.

Contrairement à ce qu'indique l'objet de cet amendement, l'interdiction en vigueur est applicable au sein du territoire national et ne se limite pas aux seules infractions transfrontalières dans le marché intérieur européen.

Pour toutes ces raisons, la commission sollicite l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. J'insiste à mon tour : des mesures contre le géoblocage ont été mises en place, et ce encore récemment.

Il est vrai que certains utilisateurs se sont plaints de dysfonctionnements : absence d'accès à l'ensemble des services numériques ou à des contenus de plateformes auxquelles ils ont souscrit moyennant paiement. Au-delà du préjudice de ne pas disposer d'un service pour lequel on a payé, cela crée une inégalité d'accès injustifiée.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 54 et un avis défavorable sur les amendements de repli. Néanmoins, si cette disposition est adoptée, il faudra notifier cette évolution à la Commission européenne pour s'assurer de sa bonne articulation avec le cadre en vigueur.

Parallèlement, je vous informe que les services de la DGCCRF lanceront prochainement une enquête sur le sujet, à partir des signalements recueillis.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Avis favorable sur l'amendement n° 54.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12, et les amendements nos 132 rectifié, 128 rectifié, 129 rectifié et 131 rectifié n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 130 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 331-18 du code de la propriété intellectuelle est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« .... – Dans le cadre de ses missions, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille également au respect du principe d'égalité d'accès des utilisateurs aux contenus, œuvres, biens et services numériques, quelle que soit leur localisation sur le territoire de la République.

« À ce titre, elle peut être saisie de toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l'accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d'accès, au seul motif que l'utilisateur réside dans une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution.

« Sont notamment visés les services de médias audiovisuels à la demande, les plateformes de partage de vidéos, les services de diffusion ou de distribution d'œuvres culturelles, musicales ou sportives, ainsi que les boutiques applicatives et services en ligne proposant des versions ultramarines distinctes restreignant le catalogue ou les fonctionnalités disponibles.

« Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire fondé sur la localisation géographique de l'utilisateur lorsque l'offre est disponible dans une autre partie du territoire national ou du marché intérieur de l'Union européenne.

« L'Autorité peut, après mise en demeure restée sans effet, enjoindre au professionnel concerné de se conformer à ses obligations. En cas de manquement grave ou répété, elle peut prononcer les sanctions prévues à l'article L. 331-25.

« Toute clause contractuelle visant à contourner ces dispositions est réputée non écrite.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent paragraphe, notamment les motifs légitimes de restriction liés à la sécurité nationale, à la cybersécurité ou à la protection de l'ordre public. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 130 rectifié est retiré.

TITRE IV

SOUTENIR LE TISSU ÉCONOMIQUE ULTRAMARIN

Article 13

À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 420-5 du code de commerce, les mots : « ou similaires » sont remplacés par les mots : « , similaires ou substituables ».

M. le président. L'amendement n° 139, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l'article L. 420-5 du code de commerce est ainsi rédigé :

« En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et dans le Département de Mayotte, lorsque des produits alimentaires substituables à ceux qui sont produits et commercialisés localement sont proposés aux consommateurs à des prix manifestement inférieurs aux coûts moyens de production sur ces territoires, les acteurs de l'importation et de la distribution, d'une part, et ceux de la production et de la transformation locales, d'autre part, négocient, sous l'égide du représentant de l'État et des collectivités compétentes en matière de développement économique, un accord visant à augmenter et valoriser la production locale dans les commerces de détail à dominante alimentaire. Celui-ci prend en compte les volumes de produits concernés, la situation économique des producteurs locaux et l'intérêt des consommateurs à très faibles revenus. L'accord est rendu public par arrêté préfectoral. En cas d'échec des négociations dans le délai d'un mois à compter de leur ouverture, le représentant de l'État dans le territoire prend par arrêté toute mesure relevant de sa compétence et permettant de répondre aux objectifs précités. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement vise à donner un effet utile aux dispositions de l'article L. 420-5 du code de commerce en levant les incompatibilités et les incertitudes juridiques qui empêchent leur application. L'objectif est de renforcer la protection de la production locale face à certaines pratiques commerciales déloyales.

Il tend à étendre le dispositif existant, qui est limité aux produits identiques ou similaires importés et vendus en outre-mer à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans l'Hexagone, aux produits substituables.

Cette extension permettra de mieux protéger les filières locales quand elles sont confrontées à la concurrence exercée de produits importés qui, bien qu'ils présentent des caractéristiques différentes, répondent aux mêmes besoins de consommation et sont proposés à des tarifs nettement plus bas.

Cet amendement tend également à conférer au préfet la faculté de rendre obligatoire la conclusion d'un accord entre importateurs, distributeurs et producteurs locaux, et ainsi à renforcer l'effectivité du dispositif et la capacité d'intervention de l'État pour garantir des conditions de concurrence équitables.

Il vise enfin à préciser les objectifs de cet accord, ainsi que les conséquences d'une absence d'accord, c'est-à-dire la possibilité pour le représentant de l'État d'agir. Ce dernier pourra ainsi aller jusqu'à fixer lui-même les prix, ce qui devrait naturellement inciter tous les acteurs à entrer dans une dynamique de négociation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Nous soutiendrons cet amendement, qui vise à protéger, sans bloquer, ou plutôt sans « vitrifier » l'économie...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé et les amendements nos 72 et 58 n'ont plus d'objet.

Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit, je vous propose de prolonger notre séance afin d'achever l'examen de ce texte.

Il n'y a pas d'observation ?...

Il en est ainsi décidé. Je vous invite cependant à faire preuve de concision afin que nous terminions à une heure raisonnable.

Après l'article 13

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Malet, MM. Fouassin et Khalifé, Mme Aeschlimann, MM. H. Leroy, Sol et Panunzi, Mmes Petrus, Gosselin, Gruny et Berthet, MM. Rietmann, Burgoa, Brisson et Cambon et Mmes Imbert, Eustache-Brinio, Canayer, Bellurot et Lassarade, est ainsi libellé :

Après l'article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 4 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret fixe les modalités de mise en œuvre de cette obligation, et notamment celle de la négociation entre l'État et les acteurs du secteur. Sont prises en compte, en tant que de besoin et pour chaque collectivité, les capacités de production locales. »

La parole est à Mme Viviane Malet.

Mme Viviane Malet. En 2012, la loi relative à la régulation économique outre-mer (Réom) obligeait les distributeurs à réserver une part de leur surface de vente aux productions régionales. Faute de décret, cette disposition est restée lettre morte.

Cette mesure est pourtant d'une importance capitale pour les collectivités, car elle est susceptible à la fois de faire baisser le coût de la vie, de favoriser la souveraineté alimentaire et d'aider nos agriculteurs durement touchés par les récents aléas climatiques.

Cependant, la publication d'un décret imposant des modalités non prévues par la loi pourrait fragiliser juridiquement le texte. Or la loi n'en prévoit aujourd'hui aucune. Le présent amendement vise donc à acter les contours du décret prévu dans la loi de 2012.

M. le président. L'amendement n° 126, présenté par MM. Salmon et Mellouli, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 4 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret, pris après consultation des collectivités concernées, détermine les conditions d'application du présent article pour chaque collectivité, en particulier la surface de vente minimale, qui ne peut excéder 400 m², à partir de laquelle les entreprises de distribution sont soumises à l'obligation mentionnée au premier alinéa, les catégories de produits concernés, la part de surface de vente dédiée à l'approvisionnement régional en fonction des caractéristiques et du potentiel de production du marché local et les sanctions applicables en cas de manquement. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, je souhaite rendre cet amendement identique à celui que notre collègue vient de défendre, car il en est très proche.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 126 rectifié, dont le libellé est désormais identique à celui de l'amendement n° 19 rectifié.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à rendre effective l'obligation pour les distributeurs de réserver une part de leur surface de vente aux productions locales.

Créée par la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, cette obligation n'a jamais été appliquée, comme vient de le rappeler notre collègue.

On ne peut pas se satisfaire de ce statu quo, alors que le taux de dépendance des territoires d'outre-mer aux importations oscille entre 75 % et 80 % et qu'il atteint même 98 % à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il faut absolument valoriser les productions locales. Nous savons que, dans certains territoires d'outre-mer, d'importantes productions sont réservées à l'exportation. Nous pensons que certaines surfaces agricoles pourraient être réservées à des cultures vivrières.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission s'en remettra à la sagesse de notre assemblée sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, tout en précisant que le décret est en cours d'écriture. Des questions de conformité au droit européen se posant, il faudra saisir la Commission européenne, mais le Gouvernement est à la tâche.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je rappelle simplement que cela fait treize ans que nous attendons ce décret !

Nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. En Martinique, la production locale est très bien représentée dans la grande distribution. En effet, 70 % de la production de certaines filières est écoulée en grande distribution.

Certains propos tenus ici sont peut-être valables dans d'autres pays, mais en Martinique, il y a très longtemps que ces deux entités, la grande distribution et les producteurs locaux, ont fini par s'entendre, même si cela a été très difficile au début.

Lorsque j'étais chargée des filières – je connais un peu le sujet –, j'ai fait face à des gens qui ne se parlaient pas, voire qui se combattaient. Aujourd'hui, un grand pas a été fait et l'essentiel de la production locale est écoulé en grande distribution, à des tarifs corrects, avec des délais de paiement raisonnables. On ne peut que s'en réjouir, même si on peut toujours faire mieux.

Pour conclure, la plupart des distributeurs m'ont dit que s'il était possible d'acheter plus de produits locaux, ils le feraient. Or il manque des produits. Si nous produisions trois fois plus, disent-ils, ils achèteraient ces volumes supplémentaires.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Il est vrai que nos territoires sont différents et que nos économies le sont également. Pour ma part, je vous parlerai uniquement de La Réunion.

Pour trouver des produits locaux en vente dans une enseigne du groupe GBH – pour ne pas le citer –, il faut se bagarrer et se faire entendre.

La Réunion étant une île, elle est bordée par la mer : on y produit donc du sel. Pourtant, on trouve chez GBH du sel en provenance de partout dans le monde, sauf de La Réunion. Il faut que cela cesse ! Nous sommes capables de produire du sel d'exception, du sel de chez nous, ayant des saveurs différentes.

Je vous parle du sel, mais il en va de même pour beaucoup d'autres denrées, par exemple les confitures et toutes sortes de produits d'exception qui sont primés au Salon de l'agriculture, mais qu'on ne trouve pas chez GBH. Je conteste cela.

Il faut réserver des parts de rayonnage à nos produits locaux. C'est une mesure de bon sens ; c'est ainsi que nous parviendrons à l'autonomie alimentaire.

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. J'abonderai dans le sens de mes collègues.

En Polynésie française, le gouvernement local consacre depuis la nuit des temps d'importants moyens à la promotion des produits locaux sur l'ensemble du territoire. J'ai d'ailleurs une pensée, à cet instant, pour tous nos élus locaux, pour les maires, qui font la promotion de nos produits dans les cantines scolaires de toute la Polynésie française. Nous pouvons mieux faire, oui, je le dis, et je vous prends au mot, madame la ministre.

Il y a tout de même quelque chose qui m'offusque, en tant que sénatrice de Polynésie : ce sont les normes européennes. Je m'explique : la meilleure viande que nous puissions fournir à nos cantines scolaires ou à la population est la viande locale, puisqu'il y a du bétail en Polynésie française. Or les maires ne peuvent pas acheter cette viande locale à cause des normes européennes. C'est ridicule ! Ces normes tuent l'initiative.

Je vous écoute depuis tout à l'heure, madame la ministre : vous renvoyez constamment à la législation européenne. Heureusement que la Polynésie est dotée d'une autonomie et que nous décidons pour nous, là-bas, à 20 000 kilomètres d'ici !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié et 126 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13.

Article 14

À titre expérimental et pour favoriser à moyen terme l'émergence de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d'exercer pleinement leur libre accès à la commande publique, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, pour une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les acheteurs publics peuvent réserver jusqu'à 20 % de leurs marchés dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens applicables aux marchés publics, mentionnés dans l'avis annexé au code de la commande publique, aux microentreprises et aux petites et moyennes entreprises, au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, ainsi qu'aux artisans répondant aux critères prévus aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l'artisanat, dont le siège social est établi dans les territoires mentionnés au présent article durant l'expérimentation. Cette expérimentation peut être conduite dans les mêmes conditions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna pour ce qui concerne les marchés passés par les services et les établissements publics de l'État.

Au plus tard trois mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation afin de déterminer l'opportunité de ses éventuelles pérennisation et extension.

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Bélim et Conconne, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer le pourcentage :

20 %

par les mots :

un tiers

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Le présent amendement vise à porter à 33 % la part maximale de marchés publics pouvant être réservée aux TPE-PME et aux artisans locaux dans les territoires ultramarins, conformément au dispositif initialement prévu par la Érom.

L'article 73 de cette loi avait instauré, à titre expérimental pour cinq ans, la possibilité de réserver jusqu'à un tiers des marchés publics aux petites et moyennes entreprises locales. Cette expérimentation s'est achevée en 2022.

L'article 14 du présent projet de loi reprend ce dispositif de réservation, mais en limitant le plafond à 20 %, soit une réduction significative par rapport au dispositif antérieur.

Le retour au seuil de 33 % permettra de renforcer le tissu économique local. Les TPE-PME et les artisans ultramarins restent structurellement fragiles et sous-capitalisés. Un seuil de 33 % leur offre de meilleures perspectives de développement et de consolidation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à relever de 20 % à 33 % la part des marchés publics que les acheteurs ultramarins pourront réserver aux TPE, aux PME et aux artisans à titre expérimental pour cinq ans.

Dans la mesure où il s'agit d'une expérimentation dans un cadre juridique dérogatoire au droit commun, il ne semble pas pertinent de rehausser ce seuil, qui plus est après l'échec de la précédente expérimentation issue de la loi Érom de 2017 qui était similaire à celle-ci. Il faut avant tout que les acheteurs publics s'approprient cette expérimentation et la mettent en œuvre.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Vous me désespérez vraiment…

Le dispositif avait été adopté, il fonctionnait assez bien au départ à La Réunion. Dans un rapport sur sa mise en œuvre, il a été dit – c'était surréaliste ! – que l'expérimentation était un échec, car seuls 8 % ou 10 % de cette part étaient utilisés. Or il s'agit d'un plafond.

À l'époque, nous avions introduit dans la loi un Small Business Act et lancé une expérimentation à partir de l'expérience réunionnaise appelée stratégie du bon achat – je veux rendre ici hommage à Ericka Bareigts. Nous avions pour cela, premièrement, modifié le code de la commande publique afin de donner la priorité aux marchandises de proximité ; deuxièmement, réservé une part des marchés publics aux PME et aux TPE.

Après cinq ans d'expérimentation, le plafond de 33 % n'a pas été atteint, c'est vrai, mais pourquoi le réduire à 20 % ? Il n'a été fait qu'une évaluation sommaire de ce dispositif, que l'on n'a du reste jamais vue. Il a simplement été décidé unilatéralement qu'il ne marchait pas ! Or il vise à soutenir la production locale.

Un deuxième volet avait été voté, dans ce même texte, sur la sous-traitance. On demandait aux grosses entreprises passant des marchés publics ultramarins de plus de 500 000 euros de faire une place aux artisans locaux et aux petites entreprises. Nous avions voté cette disposition.

Tout cela forme un tout cohérent : ce n'est pas du protectionnisme, comme si nous voulions que nos sociétés vivent en autarcie.

Nous continuons de défendre ces mesures.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. J'invite ceux qui affirment que l'on ne sait pas si cette expérimentation fonctionne à se rendre à La Réunion.

La Réunion et certaines de ses entreprises ont reçu le label French Tech pour un super projet, appelé le Kub. Il s'agit d'un outil protéiforme entièrement conçu grâce à la stratégie du bon achat. De nombreux autres chantiers à La Réunion ont été menés à bien grâce à ce dispositif.

Je rappelle que, sur nos territoires, plus de 95 % de nos entreprises sont de très petites entreprises, comptant moins de onze salariés. Plus le plafond que nous fixerons sera élevé, plus nous aurons les moyens de les renforcer.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. Nous avons là l'exemple même d'objectifs atteints quelque part – La Réunion dans ce cas –, mais pas obligatoirement ailleurs. Les chiffres que j'ai vus sont globalisés pour l'ensemble de l'outre-mer. À La Réunion, ce dispositif fonctionne, le territoire veut atteindre le plafond de 33 %. Pourquoi lui dire qu'il n'est pas possible d'aller jusque-là ? C'est bien dommage !

Dans les autres territoires d'outre-mer, il ne faut pas nécessairement aller si loin, car les acteurs ne sont pas toujours là. C'est le cas dans le mien.

Aujourd'hui, fixons un plafond plus élevé, il n'imposera aucune obligation à quiconque. Ce serait un peu dommage de ne pas le faire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Une part minimale du marché peut être réservée à des biens issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées sur le territoire du département, région ou collectivité d'outre-mer concerné.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Le présent amendement vise à compléter le dispositif expérimental prévu à l'article 14, en y intégrant une dimension d'économie circulaire adaptée aux spécificités ultramarines.

Il tend à autoriser la réservation d'une part minimale du marché à des biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées produites localement. L'emploi du verbe « peuvent » permet de laisser une marge d'appréciation aux soumissionnaires, en fonction des différents marchés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité de réserver une part des marchés faisant l'objet de cette expérimentation à des biens issus du réemploi ou du recyclage à l'échelle locale.

Les acheteurs publics sont déjà soumis à des obligations d'acquisition de biens issus du réemploi, conformément à l'article 58 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec), et peuvent, en utilisant des critères environnementaux, aider au développement de filières locales. L'amendement est donc satisfait.

Il appartient aux acteurs économiques et administratifs locaux de se mobiliser pour développer l'économie circulaire en outre-mer dans un cadre plus pérenne que cette expérimentation.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15

À titre expérimental et pour favoriser à moyen terme l'émergence de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d'exercer pleinement leur libre accès à la commande publique, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, pour une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les soumissionnaires qui ne possèdent pas la qualité de microentreprise ou de petite ou moyenne entreprise au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ou d'artisan répondant aux critères prévus aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l'artisanat doivent présenter un plan de sous-traitance prévoyant le montant et les modalités de participation d'entreprises possédant cette qualité et dont le siège social est établi dans les territoires mentionnés au présent article à l'exécution du marché auquel ils postulent, pour les marchés dont le montant estimé est supérieur à 500 000 euros hors taxes. Cette expérimentation peut être conduite dans les mêmes conditions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna pour ce qui concerne les marchés passés par les services et les établissements publics de l'État.

Au plus tard trois mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation afin de déterminer l'opportunité de ses éventuelles pérennisation et extension. Le plan de sous-traitance comporte, pour chacune des entreprises concernées, les informations figurant dans la déclaration de sous-traitance. Lorsque les soumissionnaires ne prévoient pas de sous-traiter à des microentreprises, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans établis dans les territoires mentionnés au présent article, le plan de sous-traitance en justifie les motifs. Ces motifs peuvent tenir notamment à l'absence de microentreprises, de petites et moyennes entreprises ou d'artisans en activité dans le secteur concerné par les prestations du marché public ou en mesure de répondre aux exigences de ce dernier.

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Pour les marchés de travaux relatifs à la construction, à la réhabilitation, ou à la déconstruction de bâtiments d'une valeur supérieure à 500 000 euros hors taxes, le plan de sous-traitance peut prévoir qu'une part minimale du contrat concerne des biens, matériaux et produits issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées, valorisés sur le territoire du département, région ou collectivité d'outre-mer concerné.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Le présent amendement vise à compléter le plan de sous-traitance prévu à l'article 15 en autorisant explicitement les soumissionnaires, dans les marchés de construction ou de travaux publics, à définir une part du marché réservée à des biens issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées produites sur le territoire concerné.

Encore une fois, l'emploi du verbe « peuvent » permet de laisser une marge d'appréciation aux soumissionnaires en fonction des différents marchés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car il est satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Après l'article 15

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le cadre des expérimentations prévues aux articles 14 et 15 de la présente loi, pour les marchés publics de travaux et services relatifs à la construction, à la réhabilitation, à la déconstruction et à l'aménagement dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices peuvent intégrer des clauses relatives à l'utilisation, la valorisation et l'incorporation de biens, matériaux et produits issus du réemploi, de la réutilisation ou de l'économie circulaire, notamment :

1° L'utilisation de matériaux de réemploi ;

2° La récupération et la valorisation sélective lors de démolitions ;

3° L'incorporation de matériaux recyclés ;

4° L'intégration d'exigences en matière d'économie circulaire dans les cahiers des charges.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à autoriser l'intégration de clauses circulaires dans les marchés de construction et de travaux publics afin de stimuler des filières locales de réemploi, de réutilisation et de matériaux recyclés.

Cette orientation permettrait de réduire les importations coûteuses, de créer des emplois locaux non délocalisables et de diminuer la facture publique à moyen terme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à ouvrir la possibilité d'intégrer des clauses liées à l'économie circulaire dans le cadre des marchés publics relevant des expérimentations des articles 14 et 15.

Il est satisfait, car chaque acheteur public est libre, dans son cahier des charges, de définir des clauses environnementales, liées notamment au réemploi, pour l'exécution du marché public.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2113-15 du code de la commande publique est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les acheteurs peuvent, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, réserver des marchés ou des lots aux entreprises de l'économie sociale et solidaire définies à l'article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, lorsque ces marchés ou lots portent sur :

« 1° Des prestations concourant directement à la préservation de l'environnement ;

« 2° Des prestations visant l'amélioration des conditions de vie des populations ;

« 3° Des prestations portant sur le réemploi de produits ou matériaux.

« Un décret définit les modalités d'application du présent article et les critères permettant de caractériser les prestations mentionnées aux 1° à 3° du présent article. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à soutenir le tissu économique local, conformément à l'intitulé du titre IV, plus particulièrement ici les structures de l'économie sociale et solidaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. En l'état actuel du droit, seuls peuvent être réservés aux entreprises de l'économie sociale et solidaire des marchés portant sur des services sociaux et autres services spécifiques, cette formule du droit de la commande publique désignant des prestations essentiellement sanitaires, sociales et administratives.

Il n'est pas possible d'étendre ce mécanisme à d'autres secteurs, même à titre expérimental, car cette disposition, qui déroge au principe de non-discrimination, découle directement de l'article 77 de la directive sur les marchés publics de 2014 dont le champ est strictement limité.

Réserver aux entreprises de l'économie sociale et solidaire d'autres marchés serait donc contraire au droit européen.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis, monsieur le président. Étendre la dérogation présente un risque contentieux élevé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 16

Le tableau du second alinéa du 4° du I de l'article L. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° La cinquième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

Article L. 410-3

la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012

Article L. 410-4

la loi n° … du …

» ;

 

2° La sixième ligne est ainsi rédigée :

 

«

Article L. 410-5

la loi n° … du …

» ;

 

3° Après la même sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

Article L. 410-6

la loi n° … du …

» ;

 

4° La vingt-troisième ligne est remplacée par quatre lignes ainsi rédigées :

 

«

Article L. 441-1

la loi n° … du …

Article L. 441-1-1

la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023

Article L. 441-1-2

la loi n° … du …

Article L. 441-2-1

l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

» ;

 

5° Les vingt-quatrième et vingt-cinquième lignes sont remplacées par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

Article L. 441-3

la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020

Article L. 441-3-1

la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023

Article L. 441-4

l'ordonnance n° 2021-859 du 30 juin 2021

» ;

 

6° La trente et unième ligne est ainsi rédigée :

 

«

Article L. 442-1

la loi n° … du …

» ;

 

7° La trente-cinquième ligne est ainsi rédigée :

 

«

Article L. 442-5

la loi n° … du …

» ;

 

8° Après la quarantième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

Article L. 443-8

la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023

» ;

 

9° La soixante-troisième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 461-1

la loi n° … du …

L. 461-2

la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017

» ;

 

10° La quatre-vingt-douzième ligne est ainsi rédigée :

 

«

Article L. 470-1

la loi n° … du …

» ;

 

11° Après la même quatre-vingt-douzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

Article L. 470-2

l'ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019

»

 – (Adopté.)

Après l'article 16

M. le président. L'amendement n° 108, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'une évaluation des effets économiques et sociaux des mesures prévues par la présente loi.

Cette évaluation porte notamment sur :

1° L'évolution des prix à la consommation des produits de première nécessité ;

2° La part des marges des distributeurs et importateurs ;

3° Les effets sur la rémunération des producteurs et le niveau d'activité des entreprises locales ;

4° Les conséquences administratives et financières pour les opérateurs économiques et les services de l'État.

Un premier rapport d'étape est transmis au Parlement dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la présente loi, puis un rapport final dans un délai de vingt-quatre mois.

La parole est à M. Alexandre Basquin.

M. Alexandre Basquin. Par cet amendement, nous demandons que soit précisé le contenu du rapport d'évaluation qui devra être réalisé à la suite de la promulgation de ce texte.

Il est nécessaire d'évaluer les effets économiques et sociaux du texte, en particulier, sur l'évolution des prix des produits de première nécessité, sur la part des marges des distributeurs et des importateurs, sur la rémunération des producteurs et le niveau d'activité des entreprises locales, ainsi que les conséquences administratives et financières pour les opérateurs économiques et les services de l'État.

Cette proposition est d'ailleurs une recommandation du Conseil d'État, qui relève que les effets de certaines mesures n'ont fait l'objet que d'une évaluation sommaire.

Cette loi serait inutile si nous n'avions aucune visibilité sur ses effets et donc sur la manière de l'ajuster. Nous proposons par conséquent qu'un rapport d'étape soit transmis au Parlement dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la loi, puis un rapport final dans un délai de vingt-quatre mois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à imposer la réalisation d'une évaluation des effets économiques et sociaux de la loi dans un délai de douze mois, puis de vingt-quatre mois.

Il sera sans doute très difficile d'isoler les effets spécifiques de l'une ou l'autre des mesures contenues dans le projet de loi. Mme la ministre pourrait nous préciser ses intentions, plutôt que de renvoyer à un décret en Conseil d'État sur ce sujet.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. La proposition qui nous est faite ici correspond effectivement à une recommandation du Conseil d'État. Cela va dans le bon sens, celui de l'efficacité.

Je suis toutefois réservée sur la nécessité de prévoir, à ce stade, les éléments devant figurer dans l'évaluation. Plusieurs mesures ne produiront pas nécessairement d'effets immédiats. Une évaluation requiert du temps et les délais envisagés ne me semblent pas suffisants.

J'ajoute que le rôle du Parlement est aussi de procéder, le moment venu, à l'évaluation de l'application de la loi.

Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je souhaite revenir sur les débats que nous avons eus. Si ce texte nous donne l'illusion d'agir contre la vie chère, il ne prévoit rien pour véritablement contrôler, rien pour vraiment réguler, rien pour réellement sanctionner. Il traduit au contraire le souci de préserver la liberté d'entreprendre. In fine, le texte favorise le développement des oligopoles.

En matière de contrôle, rien n'est prévu pour renforcer les moyens existants. Les sanctions prévues sont peu convaincantes, chers collègues. Nos frères et sœurs en outre-mer ne verront pas leur pouvoir d'achat s'améliorer après le vote de ce texte. L'avenir pour ceux qui souffrent est toujours aussi sombre. Ce projet de loi n'est pas source d'espoir et nous avons vu ce que le manque d'espoir peut produire dans nos territoires.

Nous voulons croire que la vie chère n'est pas une fatalité économique. C'est pour cela que nous débattons ici ce soir. La vie chère n'est pas non plus une fatalité sociale. Nous ne nous résignons pas, mais nous savons, et nous persistons à vous le dire, que ce système est injuste. Les solutions sont à construire autour d'un contrôle renforcé, d'une concurrence plus juste qui permette à nos TPE et à nos PME d'exister et de se développer, et d'une meilleure intégration de nos territoires dans leur environnement régional.

Je regrette tout particulièrement que notre amendement portant sur la TVA du bouclier qualité-prix ait été déclaré irrecevable. Sachez, madame la ministre, que La Réunion, où les élus sont sensibles à la détresse des Réunionnaises et des Réunionnais, a réduit à 0 % le taux de l'octroi de mer sur les produits de première nécessité. Nous attendions que le Gouvernement fasse de même, mais il refuse d'écouter et d'accorder la même faveur, c'est-à-dire de réduire le taux de la TVA à 0 % sur ces mêmes produits ciblés.

Pour lutter contre la vie chère, il eût fallu commencer par s'approcher davantage de la réalité des Françaises et des Français des outre-mer. Nous ne l'avons pas fait ce soir. Ici, on a tendance à s'identifier davantage à ceux qui sont à la tête de ces entreprises qui absorbent chaque année plus de parts de marché. Avec ce projet de loi, on ne se préoccupe pas des Ultramarins qui survivent en dessous du seuil de pauvreté. Il aurait fallu croiser leurs regards et écouter leurs difficultés pour joindre les deux bouts.

Nous aurons très vite l'occasion de faire mieux, en votant des mesures plus concrètes dans le projet de loi de finances pour 2026.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Je vais m'abstenir sur ce texte, comme je l'avais déjà annoncé. Je ne pourrais pas rentrer vendredi, croiser mes compatriotes et leur dire que je viens de voter quelque chose qui va changer le cours de leur vie en modifiant les prix au panier. Ce n'est pas possible.

Comme je le dis depuis un an, la question de la vie chère est extrêmement complexe. Il est trop facile de penser qu'une loi, à elle seule, pourra régler ce problème. Désolée, mais cette loi extincteur, comme je l'ai qualifiée, ne va pas éteindre le feu de la vie chère sous nos yeux.

Cette loi extincteur n'a pas pris en compte le problème des revenus. Nous avons des revenus extrêmement bas ; les pensions de retraite sont plus faibles que dans l'Hexagone. Mme la Première ministre Élisabeth Borne et l'ancien ministre du travail m'avaient promis, la main sur le cœur, que le Conseil d'orientation des retraites (COR) lancerait une mission sur le sujet. Trois ans après, ce travail n'a toujours pas été fait. La question des revenus doit être prise en compte.

Ce projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer est peut-être un début de travail, peut-être l'amorce d'une prise de conscience, mais on ne pourra pas dire, si nous l'adoptons ce soir, qu'il aura réglé un quelconque problème, ni que, dès son adoption par l'Assemblée nationale, nos compatriotes verront les prix de leur panier de courses baisser.

Je m'abstiendrai donc et, comme je l'ai dit lors de la discussion générale, je tends la main à la ministre pour que nous puissions mettre en place un véritable travail de fond, qui ne se limite pas à tout ce que j'ai pu entendre aujourd'hui comme lieux communs, comme a priori ou comme considérations erronées.

Il nous faut un travail approfondi, qui s'appuie sur des études sérieuses, pour compléter comme il se doit la réflexion sur la question de la vie chère dans ladite outre-mer. C'est une nécessité, une obligation, c'est le rôle légitime de l'État.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je partage certains des propos tenus par mes deux collègues. Nous avions déjà dit lors de la discussion générale que les éléments essentiels n'étaient pas tous pris en compte dans ce texte. Mais nous avons eu un débat passionné et j'espère n'avoir froissé personne. Ce débat est à la hauteur de ce que nous voulons pour les Ultramarins. Je pense que ce qui est bon pour nous est bon pour eux. Il faut que nous ayons à cœur la continuité territoriale et l'égalité réelle, y compris pour nos outre-mer.

Ce débat a permis, je crois, d'avancer. L'ancien ministre Victorin Lurel n'est peut-être pas parfait, mais il a eu raison de souligner que nous avançons par petits pas. Oui, nous avons fait des petits pas, notamment sur les produits locaux, mais aussi sur les sanctions. C'est une première d'aller aussi loin sur ce dernier point, mais c'est simplement répondre à une attente forte de nos concitoyens.

Bien sûr, nous ne réglerons pas tout ce soir. Ce projet de loi n'a pas vocation à tout résoudre ; il se concentre, comme cela a été rappelé, sur les distributeurs et les fournisseurs, et non sur la question du pouvoir d'achat réel, c'est-à-dire celle des salaires. Or, avec moins de 2 000 euros par mois, il est évidemment difficile de vivre dans les outre-mer.

J'ai toutefois un regret majeur : celui de n'avoir pas pu élargir le bouclier qualité-prix. Nous dénonçons tous l'uniformité que l'on voudrait imposer aux outre-mer, mais en refusant cet élargissement, on empêche les collectivités territoriales et les acteurs locaux de se saisir des sujets qu'ils souhaitent porter dans la négociation. C'est une entrave au bon fonctionnement de nos territoires.

Lorsque nous avons voulu ouvrir la discussion à des personnes qualifiées, cela a également été bloqué, alors même que nous avons besoin de toutes les intelligences : plus elles sont nombreuses, mieux nous construisons.

Malgré ces limites, les petits pas accomplis montrent qu'une dynamique est enclenchée. Au départ, nous envisagions de nous abstenir, mais ces avancées nous encouragent à poursuivre. Bien sûr, il faudra aller plus loin. D'ailleurs, les membres de la délégation aux outre-mer ont déposé ensemble une proposition de loi ; nous continuerons donc, je l'espère, de progresser.

Je souhaite remercier les rapporteurs et la présidente de la commission pour le travail accompli. Ce n'est pas simple d'être rapporteur, surtout lorsqu'il faut arbitrer certains points et donner un avis défavorable. La commission joue son rôle, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. Le Gouvernement, pour sa part, a fait preuve d'une certaine ouverture et ce débat a permis d'éclaircir bien des positions.

En tout cas, nous savons désormais ce qu'il manque, et nous continuerons à nous battre pour apporter les compléments nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Quelques mots avant que Viviane Artigalas ne s'exprime au nom de mon groupe. Je serai bref. J'ai été élu pour légiférer, pour décider et pour tenter d'avancer. Comme dit le poète, un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas !

C'est vrai que nous ne sommes pas tout à fait satisfaits. C'est vrai que le Gouvernement n'a pas mis un centime. Nous savons qu'il faut changer l'environnement économique, le corpus juridique. Mais nous ne sommes pas allés jusqu'au bout. Il est vrai, madame la ministre, que vous avez émis un avis favorable sur beaucoup d'amendements. La commission a fait son travail. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais je salue ces évolutions.

Viviane Artigalas expliquera notre position, mais nous voterons ce texte et nous continuerons le travail avec les députés. Bien sûr, des initiatives locales devront être prises par nous-mêmes et nous demanderons un accompagnement de l'État, qui n'est pas toujours au rendez-vous, pour le moment.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Je vais compléter ce qu'a dit mon collègue Victorin Lurel. Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la question de la continuité territoriale n'a pas été suffisamment prise en compte, tout comme celle des revenus. Il y a là un véritable travail à mener pour garantir une justice réelle et une égalité effective. Nous en sommes encore loin, je le crains.

Ce projet de loi est imparfait, il n'est pas à la hauteur de toutes les attentes. Toutefois, il contient une grande partie des articles que nous avions votés lors de l'examen, dans le cadre de notre niche parlementaire, de la proposition de loi de Victorin Lurel. À l'époque, nous avions dû nous limiter, car la durée de ces niches est très courte. Nous espérions donc que le texte du Gouvernement irait plus loin, qu'il renforcerait les mesures et les approfondirait. Cela n'a pas été le cas.

Cependant, il faut reconnaître les avancées obtenues, d'abord en commission, avec la suppression de certains irritants – je pense notamment à l'article 1er – et l'adoption de plusieurs de nos amendements. Je salue aussi le travail de concertation mené entre la commission, le Gouvernement et les différents groupes parlementaires.

Ainsi, très majoritairement, notre groupe votera ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Quand je lis l'intitulé de ce projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, je me dis qu'on aurait pu ajouter les mots suivants : à l'exception de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie… Cela fait dix heures que nous débattons de tout, mais il aurait suffi d'ajouter cela pour être exact.

À cette heure-ci, j'ai le sentiment qu'on nous a servi un plat sans saveur. Je le dis et j'assume mes propos.

Parler de la vie chère dans les outre-mer suppose de rappeler que cette problématique s'est considérablement aggravée après la crise de la covid. Nous sommes tous montés au créneau. Je ne parle pas ici des difficultés conjoncturelles propres aux départements d'outre-mer. Je salue d'ailleurs l'engagement et la détermination de l'ancien ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, dont la conviction et la constance méritent d'être soulignées, même si, à certains moments, je me suis interrogée sur ce qui avait été accompli durant son passage au ministère… (Sourires.) Quoi qu'il en soit, comme on dit, il n'est jamais trop tard pour bien faire, n'est-ce pas, monsieur le ministre ? Des ministres des outre-mer, j'en ai vu défiler…

Les faits sont là : après la pandémie, les prix ont explosé dans l'ensemble de nos territoires ultramarins, aggravant encore les choses. Chacun, ici, est venu défendre la situation de son territoire, et je rappelle qu'en date du 26 juin dernier, l'Assemblée de la Polynésie française avait émis un avis très défavorable sur ce projet de loi. C'est dans ce contexte que je parle de ce texte comme d'un plat sans aucune saveur.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Lana Tetuanui. Enfin, je m'interroge : ce projet de loi a-t-il une réelle chance de prospérer après son passage au Sénat, compte tenu du contexte politique actuel ? J'en doute.

Pour ma part, je m'abstiendrai.

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Je l'ai dit lors de la discussion générale : ce texte n'enlève rien, mais il ne change rien. Il ne retire rien à la loi de 2012, surtout, et ne modifie rien de fondamental. On y retrouve certains éléments recyclés du texte de 2012, qui n'avaient pas pu être adoptés à l'époque et qui le sont aujourd'hui.

Ce qui nous intéresse, madame la ministre, je le dis depuis 2009, c'est la lutte contre la « profitation ». Or celle-ci n'a jamais été aussi forte dans nos territoires. Après la Guadeloupe, c'est la Martinique qui est touchée.

Nos compatriotes n'attendent pas de littérature sur la manière de sanctionner telle ou telle entreprise. Ils attendent tout simplement que les prix soient justes, c'est-à-dire comparables à ceux pratiqués en métropole. Les salaires sont plus faibles, tandis que les prix restent plus élevés. Comment résister à cela dans nos territoires ? Certes, ceux-ci diffèrent les uns des autres, mais, partout, la question de la vie chère est une réalité quotidienne.

M. le président Patriat, à l'article 5, vous a tendu la perche pour que des avancées concrètes puissent émerger, et pourtant, après une interruption de séance, tout a été renvoyé aux calendes grecques. Or vous savez très bien que nous ne pourrons pas changer la donne sans parler chiffres, sans parler budget. À un moment donné, l'État devra nécessairement prendre sa part. Sans cet engagement financier, les petits pas dont on parle ne mèneront nulle part ; si nous progressons à ce rythme, les générations passeront sans que nous ayons réglé la question et je peux vous assurer qu'il y aura un bouleversement.

Ce texte, tel qu'il est, n'apporte rien pour résoudre le problème de la vie chère. Il ne change rien pour le peuple guadeloupéen, martiniquais ou guyanais. Nous devrons donc remettre le couvert. Il appartient maintenant à l'Assemblée nationale de remanier profondément ce texte pour qu'il soit à la hauteur des attentes de nos compatriotes.

En l'état, nous ne le voterons pas ; nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Frédéric Buval, rapporteur. À la suite des nombreuses crises, notamment celle qui a secoué la Martinique l'année dernière, ce projet de loi était très attendu, tant par la population que par les acteurs économiques. Cependant, comme je le craignais, ce texte, désormais amendé et privé de ses articles 1er et 5, risque de décevoir nombre de nos concitoyens. Certes, certaines avancées sont actées, mais permettront-elles de faire baisser rapidement et durablement les prix dans nos territoires ultramarins ? J'en doute.

Par ailleurs, en ma qualité de co-signataire du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère de Martinique, je me dois d'exprimer ma profonde déception face au fait que le Gouvernement puisse revenir sur la parole donnée par l'État. Il s'agit là d'un élément essentiel du contrat social, je le dis avec gravité, par devoir envers les Martiniquais qui m'ont mandaté pour défendre leurs intérêts.

En conscience et en responsabilité, mes chers collègues, j'ai décidé de m'abstenir. (Mme Frédérique Puissat marque son agacement.)

Mais je souhaite également exprimer ma sincère gratitude à Mme la présidente Estrosi Sassone, qui nous a apporté un soutien constant et déterminé. Les membres de la commission des affaires économiques nous ont accompagnés, aussi, pour faire passer ce texte. Tous les élus qui ont voté les amendements proposés par la commission nous ont soutenus également. Mais je ne peux pas voter ce texte, en état actuel des choses, face au mur devant lequel nous place le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. Ce qui est clair, c'est que nous ne sommes pas à la hauteur des espoirs que ce projet de loi a suscités. Nous ne sommes pas à la hauteur de ce qu'attendent les Martiniquais, notamment, après la crise qu'ils ont traversée.

Les frustrations, de ce fait, ne font que s'amplifier. Cependant, il faut reconnaître que nous avons progressé sur un certain nombre de dispositifs. Certaines propositions ont été acceptées, tant par le Gouvernement que par la commission, et quelques avancées ont pu être obtenues.

Le groupe du RDSE votera ce projet de loi, dans sa quasi-totalité. Pour ma part, je m'abstiendrai, tout simplement parce que je souhaite donner un espoir à ce texte. J'ai la conviction, madame la ministre, que vous partagez cette même volonté : celle de voir ce projet se nourrir et s'enrichir lors de son examen à l'Assemblée nationale. Après son adoption par le Sénat, beaucoup de travail reste encore à accomplir.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. J'associe à mes propos mon collègue Pierre-Jean Verzelen, qui est intervenu lors de la discussion générale.

Je souhaite rendre hommage à celles et ceux qui ont accompli un véritable travail de fond : les rapporteurs, la présidente de la commission des affaires économiques, les collègues membres de cette commission, ainsi que ceux de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Ce sont des sujets que vous vivez, que vous connaissez mieux que nous qui vivons en métropole.

Je crois qu'il s'agit là d'une action de solidarité importante, car au-delà de l'éloignement géographique, de la distance, des kilomètres, il y a des problématiques spécifiques qui ont été soulevées et de nombreux amendements ont été examinés.

Je me souviens des travaux menés par la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, dont le président était Olivier Rietmann et le rapporteur, Fabien Gay. Un travail de fond considérable avait été accompli, avec notamment l'audition de grands chefs d'entreprise intervenant dans la distribution, y compris outre-mer. Ces auditions avaient permis de mettre en lumière des sujets sensibles. Je me permets d'y faire référence, car, personnellement, je ne connaissais pas bien ces thématiques avant ces travaux, qui nous ont véritablement éclairés. Un travail important a été mené, comme nombre de collègues représentant les outre-mer l'ont souligné avec justesse.

La tâche reste immense. D'autres textes financiers viendront prochainement, qu'il s'agisse du budget de la sécurité sociale ou de celui de l'État, au sein duquel nous aurons notamment à examiner les crédits de la mission « Outre-mer ».

Globalement, ce projet de loi constitue une avancée importante. C'est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires le votera.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Il est un peu tard, et nos esprits commencent à s'embrouiller à force d'entendre tout ce qui se dit dans cet hémicycle. Je voudrais simplement en revenir à une forme de bon sens.

Je rappelle que des amendements ont été déposés, travaillés et adoptés. Tous les articles du texte de la commission ont été votés. Je suis désolée, mais quand certains disent qu'ils vont s'abstenir ou qu'ils ne voteront pas ce texte, cela manque de cohérence. (M. Teva Rohfritsch s'exclame.) Nous avons voté les articles de ce texte de loi, il est donc logique que nous votions le texte dans son ensemble.

Ainsi, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi.

M. Dominique Théophile. Chacun fait ce qu'il veut !

Mme Catherine Conconne. Je n'ai pas voté tous les articles. Respectons la démocratie et la liberté de vote de chacun !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, modifié, de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.

(Le projet de loi est adopté.)

4

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 29 octobre 2025 :

À quinze heures :

Questions d'actualité au Gouvernement.

À seize heures et le soir :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (texte de la commission n° 46, 2025-2026) ;

Deux conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'échange de permis de conduire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 62, 2025-2026) ;

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord (texte de la commission n° 60, 2025-2026) ;

Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (procédure accélérée ; texte de la commission, n° 52, 2025-2026) ;

Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire (texte de la commission n° 55, 2025-2026) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en œuvre (texte de la commission n° 80, 2025-2026).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 29 octobre 2025, à zéro heure cinquante.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

JEAN-CYRIL MASSERON