Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous des personnes confrontées à ce scénario bien connu : un appel, un courriel ou un message alarmant ; un artisan pressé d'obtenir un virement, ou un conseiller bancaire trop insistant. Parfois, un instant d'inattention suffit, la confiance vacille, et hop ! le compte s'envole.

La fraude aux moyens de paiement n'est pas un accident du système financier : elle en est le produit. À chaque transformation de la monnaie, elle prend la forme de son époque.

D'abord matérielle, quand la valeur avait corps : on frappait de fausses pièces, on imprimait de faux billets. Puis formelle, quand la monnaie devint écriture : on falsifiait la preuve, la signature, le mandat.

Avec la dématérialisation, elle devint technique : piratage, duplication, intrusion dans les flux. Et aujourd'hui, dans l'économie numérique, la fraude est devenue relationnelle : elle vise non plus la monnaie, mais la confiance elle-même.

Chaque progrès dans la sécurité engendre sa propre vulnérabilité, comme si, à mesure que la technique protégeait la valeur, elle fragilisait la relation. Les chiffres sont clairs : 1,2 milliard d'euros de fraude au premier semestre 2024, dont un tiers sont des manipulations du payeur, autrement dit des opérations que la victime effectue elle-même sous influence psychologique.

Cette évolution, nous le croyons, nourrit un phénomène de défiduciarisation : autrement dit, une perte de confiance dans les échanges eux-mêmes et dans ceux qui en sont les garants.

Parfois, c'est l'institution qu'on ne croit plus capable d'assurer la sécurité ; parfois, c'est un proche victime que l'on juge imprudent au point de lui retirer la gestion de son compte.

La fraude pose alors une question fondamentale : qui produit la confiance ?

Selon notre groupe, ce pouvoir s'est déplacé : de la collectivité vers les opérateurs privés, et, au bout de la chaîne, vers l'usager lui-même. Dans ce mouvement, les établissements de crédit et les prestataires de services de paiement ont trouvé, comme toujours, de nouveaux segments de rentabilité : assurances antifraude, services premium, outils de vigilance payants.

Dès lors, le marché a intérêt non pas à éliminer la fraude, mais à la maintenir dans des proportions gérables : juste assez pour qu'elle suscite la peur, et donc la demande de sécurité.

La conséquence est claire : il ne peut exister de coopération aboutie entre acteurs privés en matière de fraude. C'est cette faille que vient partiellement combler la proposition de loi.

L'article 1er crée un fichier national des comptes de paiement et de dépôt frauduleux, géré par la Banque de France, afin de centraliser les signalements émis par les prestataires de services de paiement. Autrement dit, ce fichier ouvre une coordination publique dans un espace de concurrence privée ou, pour le dire plus simplement, l'État fait son travail quand le marché ne fait pas le sien.

Ce texte ne saurait masquer une réalité plus large : la fraude n'est pas seulement le fait des escrocs ; elle est aussi celle du système bancaire lui-même. Si la fraude aux paiements ruine des particuliers, la fraude aux non-paiements, et je pense au scandale des CumCum et CumEx, ruine les États.

Ces opérations, qui privent le Trésor public de l'impôt sur les dividendes, ont coûté en vingt-cinq ans à l'Europe 140 milliards d'euros, dont 33 milliards à la France.

Nous y voyons la même logique à l'œuvre : celle d'un capital qui contourne la confiance quand elle rapporte, et la socialise quand elle lui coûte.

C'est pourquoi nous resterons attentifs à deux points : que le coût du dispositif ne soit pas reporté sur les clients et que la Cnil conserve toute sa compétence pour garantir la protection et la transparence du fichier.

Puisqu'il faut une maxime pour conclure, rappelons celle, éprouvée, qui résume notre position : la confiance n'exclut pas le contrôle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Grégory Blanc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la fraude aux moyens de paiement représente aujourd'hui un préjudice de plus d'un milliard d'euros. Elle concerne autant les particuliers que les professionnels. Si certaines formes de fraude, notamment sur les cartes bancaires, ont reculé, celles qui touchent les virements ou les chèques continuent d'évoluer et d'inquiéter.

Nous sommes donc favorables à ce texte utile et attendu par les milieux bancaires et les particuliers. Il apportera des améliorations concrètes à l'arsenal dont notre pays doit se doter pour lutter contre tous les types de fraudes.

Comme la rapporteure avant moi, je regrette une forme de « saucissonnage » – le terme est certainement le plus approprié et pourrait faire florès tant le problème est récurrent. Nous discutons aujourd'hui de ce texte, nous en examinerons un autre la semaine prochaine, puis viendra le grand projet de loi porté par le Gouvernement, sur lequel je reviendrai en conclusion : voilà l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire pour produire un travail de qualité.

Il faut évidemment que nous soyons capables de mener sur le sujet des fraudes sociales et fiscales un travail complet, solide et étayé, à la lumière de ce que nous avons su produire collectivement dans le cadre de la commission d'enquête sur la délinquance financière.

Un travail de mise en cohérence doit donc être réalisé : si l'on veut lutter contre la fraude, il nous faut à l'évidence réfléchir aux moyens que nous lui consacrons – moyens financiers et juridiques, mais aussi effectifs de police – et surtout rénover notre infrastructure judiciaire, ce qui requiert un texte gouvernemental complet et solide. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas ; nous chercherons donc à l'améliorer, lors de son examen dans quelques semaines.

En attendant, il nous revient ce soir de nous prononcer sur un texte de cinq articles, qui aménagent plusieurs dispositions de manière à régler quelques difficultés pratiques rencontrées par les banques et leurs clients.

Ainsi, la création d'un fichier national des comptes signalés pour risque de fraude, qui sera géré par la Banque de France, constitue une avancée importante. Ce fichier permettra d'identifier plus rapidement les Iban douteux et de bloquer les opérations suspectes avant qu'elles ne causent des dommages.

De même, la systématisation du signalement des chèques falsifiés ou contrefaits, ainsi que l'ouverture aux établissements bancaires du fichier national des chèques irréguliers renforceront la sécurité de ces moyens de paiement encore très utilisés.

Je veux saluer le travail sérieux mené par la commission des finances et sa rapporteure, Nathalie Goulet, qui a su préserver l'équilibre du texte tout en veillant à sa cohérence avec le cadre européen.

Pour autant, cette proposition de loi ne répond pas à toutes nos questions.

Ainsi, nous restons préoccupés par la situation des consommateurs victimes d'arnaques par contrainte ou tromperie, qui sont souvent laissés dans une impasse juridique.

Il faudra également veiller, madame la ministre, à bien profiler le futur fichier national des comptes signalés, qui doit être interopérable avec les dispositifs européens de lutte contre la fraude ; il importe que seules les informations strictement nécessaires soient collectées.

Je conclurai en soulignant que cette proposition de loi est nécessaire, simple et pragmatique. Elle s'inscrit dans un mouvement européen de sécurisation des paiements à des fins de lutte contre la fraude et le blanchiment. Elle renforce la protection des usagers, tout en modernisant les outils des établissements bancaires.

C'est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Christian Bilhac et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Olivier Bitz et Marc Laménie applaudissent également.)

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parmi toutes les formes de fraude, la fraude bancaire est sans doute celle qui inquiète le plus nos concitoyens. Qui parmi nous n'a pas un proche, un voisin ou un parent qui s'est un jour fait piéger par un faux message de sa banque ?

Hier encore, je recevais un SMS m'informant d'un paiement de 650,99 euros sur ma carte Visa de la Banque postale. Or je n'ai pas de carte Visa à la Banque postale…

Ces fraudeurs savent se rendre crédibles et parviennent ainsi à soutirer des sommes considérables – parfois plusieurs milliers d'euros – à des clients souvent désemparés.

Personne n'est à l'abri : ni les personnes âgées, ni les jeunes actifs, ni même les entrepreneurs, car les méthodes évoluent à grande vitesse. Les fraudeurs utilisent des mises en scène de plus en plus réalistes, profitant de la masse considérable de données personnelles qu'ils récupèrent, souvent sans que nous en ayons conscience.

Fraude à la carte, fraude au virement, fraude au chèque : toutes les failles sont exploitées, laissant derrière elles des victimes parfois ruinées, souvent en colère, et toujours dans l'attente d'une réponse efficace.

Certes, la régulation européenne s'est renforcée. Mais, malgré ces efforts, les chiffres continuent d'augmenter : en 2024, le nombre d'opérations frauduleuses a grimpé de 9,3 % ; 7,8 millions de transactions sont concernées.

C'est la preuve qu'il reste des trous dans la raquette et que notre droit doit évoluer, notamment pour une détection plus précoce des tentatives de fraude.

L'échange de données entre établissements de paiement, qu'il s'agisse des banques traditionnelles, des néo-banques ou des plateformes de cryptomonnaies, et autorités de contrôle est donc un levier essentiel.

À ce titre, le groupe du RDSE soutient les principales avancées de ce texte : la création, à l'article 1er, d'un fichier des Iban frauduleux, géré par la Banque de France, et le renforcement du fichier national des chèques irréguliers, prévu à l'article 2.

Cependant, je me permettrai deux remarques.

Premièrement, alors que notre époque veut que nous répondions dans la minute à un SMS et en deux heures à un mail, pourquoi faudrait-il attendre six mois pour que ces mesures entrent en vigueur ? Ne pourrait-on pas un peu accélérer la rédaction des textes réglementaires nécessaires, pour mettre en œuvre plus tôt ces mesures que les Françaises et les Français attendent ?

Deuxièmement, permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que lorsque j'ai lu que la Banque de France devrait être avisée d'une fraude au chèque « dans les meilleurs délais », je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la fameuse formule du regretté Fernand Raynaud : « Combien de temps le fût du canon met-il pour refroidir ? – Un certain temps ! » (Sourires.)

Nonobstant ces deux petites remarques, le groupe du RDSE votera à l'unanimité en faveur de ce texte, dans l'intérêt des Français et de la sécurité de leur argent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Olivier Bitz, Marc Laménie et Grégory Blanc applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la fraude bancaire est aujourd'hui une préoccupation majeure des Français. Selon un baromètre Harris Interactive de 2025, 85 % de nos concitoyens craignent un piratage de leurs données bancaires.

Ce chiffre parle de lui-même : il exprime l'angoisse ressentie face à des pratiques qui touchent directement leur vie quotidienne et leur pouvoir d'achat.

Cette proposition de loi apporte trois avancées concrètes : la création d'un fichier national des Iban frauduleux, centralisé à la Banque de France ; un partage d'informations, structuré via ce fichier, par les prestataires de services de paiement ; enfin, un renforcement de la lutte contre les fraudes aux chèques.

Les fraudes liées aux virements et aux prélèvements Sepa représentaient environ 224 millions d'euros en 2023, sur un total de 1,2 milliard d'euros de fraudes aux moyens de paiement. Les mesures proposées dans ce texte vont donc dans le bon sens, de même que l'action du Gouvernement, laquelle apparaît néanmoins fragmentée.

Il faut le reconnaître : les différents Premiers ministres qui se sont succédé ces derniers mois et ces dernières années ont tous affiché une volonté commune d'agir contre la fraude. Mais l'ampleur du phénomène prouve que les résultats restent insuffisants.

Nous sommes engagés dans une guerre de mouvement, où les fraudeurs innovent sans cesse et utilisent des procédés toujours plus sophistiqués, une guerre où, demain, l'intelligence artificielle ne fera qu'accroître la rapidité et l'efficacité de leurs attaques. Si nous ne faisons pas preuve d'anticipation, nous serons condamnés à subir.

Or la multiplication des textes sur le sujet multidimensionnel de la fraude fragilise notre action. Nous avons débattu en avril dernier d'un texte relatif à la fraude aux aides publiques ; le texte d'aujourd'hui porte sur la fraude bancaire ; enfin, nous aurons très bientôt à débattre d'un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Chacun de ces textes répond à une préoccupation réelle, mais, pris isolément, ils donnent le sentiment d'une action éclatée, alors que la fraude, elle, ne connaît pas de frontières.

Qu'elle soit fiscale, sociale ou bancaire, elle appelle une stratégie cohérente et globale, et non un empilement de dispositifs sans véritable coordination.

Enfin, rappelons-le, la lutte contre la fraude est avant tout une question de justice : justice fiscale, pour que chacun contribue équitablement ; justice sociale, pour protéger les plus vulnérables.

Notre responsabilité de parlementaires est de garantir l'égalité entre citoyens, de préserver la confiance dans nos institutions économiques et de protéger nos concitoyens face à des pratiques qui minent le lien social.

Le Gouvernement doit nous soumettre un système capable de sanctionner la fraude, mais il doit aussi être en mesure d'anticiper celle-ci, en y consacrant des moyens humains, techniques et budgétaires à la hauteur de l'enjeu. Il est d'ailleurs regrettable, selon mon excellent collègue Michel Canévet, que les sociétés de financement ne soient pas intégrées au dispositif proposé. Pourquoi, madame la ministre, ne pas autoriser les sociétés mères bancaires à transmettre à leurs sociétés filiales de financement les informations pertinentes en matière d'Iban frauduleux ?

Le groupe Union Centriste regrette donc que l'action publique reste trop fragmentée et manque de vision d'ensemble. Néanmoins, il soutient pleinement cette proposition de loi, qui constitue une étape nécessaire, ainsi que l'a rappelé la rapporteure, notre chère collègue Nathalie Goulet, qui se montre, depuis des années, admirable de pugnacité sur tous les sujets liés à la fraude.

Nous voterons évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Olivier Bitz applaudit également.)

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d'abord saluer le travail mené avec engagement et passion par notre rapporteure, Nathalie Goulet. Il est bon que chacun de nous soit passionné par les sujets qui nous animent ; tout le travail engagé au sein de la commission des finances doit pouvoir aboutir.

Nous examinons ce soir la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire ; ce sujet, malheureusement d'actualité, recouvre autant la question des faux chèques que celle des comptes bancaires frauduleux qui servent aux escroqueries.

Ce texte a été adopté à l'unanimité le 31 mars dernier par l'Assemblée nationale.

Je dois dire, en introduction de cette explication de vote, que je me réjouis que nous ayons eu recours, sur cette proposition de loi, à la procédure de législation en commission. Son examen en commission des finances a eu lieu le 22 octobre dernier, en présence de Mme la ministre. Il me semble que nous devrions nous saisir plus souvent de cet outil procédural, qui nous permet de gagner un temps précieux tout en examinant les textes avec sérieux.

La fraude bancaire est un sujet sur lequel il était devenu nécessaire de légiférer. Certes, la lutte contre les fraudes aux cartes bancaires et aux paiements en ligne est un succès. Nous devons notamment ces réussites à l'évolution des cryptages. En revanche, les arnaques liées aux faux Iban et la fraude sur les chèques sont en forte croissance.

Cette proposition de loi me semble aller dans le bon sens, en prévoyant notamment la création d'un fichier national des Iban douteux, qui sera géré par la Banque de France, en association avec un nombre important de partenaires. L'ensemble des prestataires de service de paiement y auront accès et pourront l'abonder, de même que les Urssaf. Ce partage d'informations utiles permettra d'identifier plus rapidement les comptes de paiement utilisés à des fins frauduleuses.

Dans le même esprit, cette proposition de loi renforce la surveillance du fichier national des chèques irréguliers, ce qui nous permettra de mieux lutter contre ce que nous appelons usuellement les faux chèques ou les chèques en bois. Nous le savons tous, de nombreux commerçants signalent désormais à leur clientèle qu'ils n'acceptent plus les chèques.

Mes chers collègues, voilà les deux principales avancées que permettra cette proposition de loi. C'est un texte qui est utile – nous ne le nions pas –, mais qui peut apparaître insuffisant.

Je dois vous dire mon regret, qui est partagé avec Mme la rapporteure, de constater qu'on entend lutter contre la fraude par une succession de textes qui s'additionnent sans lien entre eux.

Nous pouvons certes continuer à légiférer de la sorte, en morcelant les enjeux entre divers projets et propositions de loi. Pour la seule année 2025, nous aurons examiné, en avril dernier, la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, ce jour la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire et, le mois prochain, le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, sujet lui aussi d'importance. Cette méthode ne semble toutefois pas idéale.

En effet, les fraudes, qu'elles affectent les particuliers ou la puissance publique, ne peuvent exister que parce que nous avons des faiblesses dans notre droit, parce que nos systèmes de détection ne sont pas à jour, ou parce que nous ne communiquons pas toujours bien sur le sujet.

J'espère donc que l'examen prochain du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales nous permettra d'avoir des débats plus complets sur le sujet. Il y va de la confiance que nos concitoyens ont dans nos institutions et du consentement même à l'impôt.

Mes chers collègues, les sénateurs du groupe Les Indépendants voteront unanimement pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Séné, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Séné. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que j'entame ma première intervention à cette tribune, je souhaiterais avant tout avoir une pensée amicale pour mon prédécesseur, le sénateur André Reichardt, qui a fait montre dans cet hémicycle, quinze ans durant, d'un engagement sans faille au service de la France et de l'Alsace. (Applaudissements.)

Avec la modernisation des moyens de paiement, la fraude bancaire est devenue l'un des défis de notre temps. En 2025, elle n'est plus l'apanage d'individus isolés : c'est désormais un phénomène organisé et sophistiqué.

Cette lame de fond n'est pas sans conséquence : en 2023 le préjudice global qu'elle a engendré s'élève à plus d'un milliard d'euros, et elle affecte aussi bien des particuliers que des entreprises.

Cette réalité, j'en ai malheureusement appréhendé les déclinaisons à la tête de mon agence bancaire : des trésoreries fragilisées, des activités menacées, des familles et des commerçants démunis.

Pour autant, il ne faut pas noircir le tableau, car la modernisation des dispositifs de sécurité et la vigilance des acteurs du secteur produisent des effets tangibles.

Pour ne citer qu'un exemple, la double authentification a largement contribué à faire baisser l'ampleur de la fraude aux paiements en ligne, et le taux de fraude aux cartes bancaires est historiquement bas.

Mais la fraude évolue constamment et, tandis que certains instruments deviennent plus sûrs, d'autres demeurent vulnérables.

Le texte que nous examinons aujourd'hui vise principalement à renforcer la sécurité de deux moyens de paiement.

D'une part, il s'intéresse aux virements bancaires, qui restent sous la menace des faux et des détournements. Un RIB modifié frauduleusement ou un faux mandat de prélèvement Sepa peuvent avoir des conséquences dévastatrices, en permettant aux fraudeurs de détourner des sommes importantes avant que le titulaire du compte ciblé ou sa banque ne s'en aperçoive.

Pour répondre à cette vulnérabilité, le texte crée un fichier national des Iban frauduleux, où seront centralisées les informations sur les comptes à surveiller, ce qui offrira aux établissements la capacité de détecter immédiatement les opérations à risque et de bloquer préventivement les transactions suspectes.

D'autre part, il procède à une modernisation, indispensable, du cadre juridique applicable aux paiements par chèque.

S'il est de moins en moins utilisé, le chèque représente pourtant encore 30 % en valeur des fraudes au paiement.

En renforçant le signalement des incidents et en facilitant l'accès au fichier national des chèques irréguliers, nous permettrons aux établissements financiers de bloquer rapidement un chèque suspect, d'alerter le bénéficiaire et de prévenir la propagation des fraudes.

Outre qu'il permet ainsi de transformer des failles considérables en dispositifs de prévention efficaces, ce texte présente également une vertu appréciable : celle du sérieux budgétaire.

À un moment où la dépense publique n'est plus contenue, la lutte contre la fraude bancaire n'entraînera aucune dépense supplémentaire. Les mesures seront intégralement financées par les établissements bancaires, sous la supervision de la Banque de France.

Cela étant, on pourrait déplorer un certain manque d'ambition, un texte lacunaire, à l'objet et à la portée limités.

Je pense particulièrement à la protection des données personnelles, qui est au cœur de la sécurité financière. Les fuites massives d'identifiants alimentent en cascade la fraude bancaire, en fournissant directement aux délinquants les éléments nécessaires à l'usurpation d'identité, à l'ouverture de comptes, ou au détournement de virements. Nous devrons, nécessairement et rapidement, développer nos réflexions sur cette question, sous peine de connaître une nouvelle recrudescence d'actes frauduleux.

Mes chers collègues, la fraude, qu'elle soit bancaire, sociale ou fiscale, emporte les mêmes conséquences. Qu'il s'agisse d'usurpation d'identité, de détournement de prestations ou d'évasion fiscale, ces actes délictuels et criminels ont un impact direct sur la confiance de nos concitoyens dans nos institutions, l'équilibre de nos finances publiques et la résilience de notre économie.

Fidèle à ses convictions et dans l'intérêt des Français, le groupe Les Républicains se prononcera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Henri Cabanel, Jacques Fernique et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt et une.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire