Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume de suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
Article 1er
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales (ensemble un protocole), signée à Helsinki le 4 avril 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi – (Adopté.)
Article 2
Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à Stockholm le 22 mai 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
Renforcer la lutte contre la fraude bancaire
Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire (proposition n° 496 [2024-2025], texte de la commission n° 55, rapport n° 54).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement salue la qualité de vos travaux et l'esprit de responsabilité qui a animé vos échanges.
Par un vote à l'unanimité intervenu mercredi 22 octobre dernier en commission des finances, le Sénat a su démontrer qu'il était possible, sur un sujet aussi essentiel que la lutte contre la fraude bancaire, de conjuguer exigence, cohérence et unité.
Ce texte, déposé par le député Daniel Labaronne et enrichi ici, au Sénat, par la rapporteure Nathalie Goulet, trouve un juste équilibre entre efficacité opérationnelle et protection des droits des usagers. Il dote nos établissements bancaires et nos autorités de nouveaux leviers d'action, sans jamais compromettre la confiance, cette confiance qui demeure, dans le monde des transactions financières, la première des sécurités.
La fraude progresse à l'ère du numérique : ses auteurs se professionnalisent et les modes opératoires se diversifient. Mais le numérique est aussi un atout : il nous offre les moyens d'être plus rapides, plus coordonnés, plus efficaces. C'est tout l'intérêt du fichier national des comptes signalés pour risque de fraude, qui permettra de bloquer plus vite les virements suspects et de renforcer la coopération entre acteurs publics et privés, sous le contrôle rigoureux de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et de la Banque de France.
Au niveau européen, la France s'engagera pleinement dans la mise en œuvre de la directive du 31 mai 2024, qui prévoit, d'ici à 2029, un système d'interconnexion des registres bancaires nationaux. Ce dispositif favorisera l'échange d'informations tout en garantissant la protection des données et la souveraineté des États membres.
Le texte qui nous réunit aujourd'hui s'inscrit dans une politique globale de lutte contre la fraude : la loi Cazenave du 30 juin 2025 renforce les outils de lutte contre la fraude aux aides publiques ; le projet de loi relatif à la lutte les fraudes sociales et fiscales, examiné à partir du 12 novembre prochain ici même, viendra muscler encore les capacités d'enquête et de sanction ; enfin, la proposition de loi de la sénatrice Nathalie Goulet sur la délinquance financière prolongera cette dynamique.
J'ajoute que la révision en cours de la directive européenne sur les services de paiement aboutira également à accroître significativement les outils de lutte contre la fraude aux paiements qui sont à disposition des banques. La France en a fait sa priorité dans le cadre de ces négociations.
Mais la prévention passe aussi par la pédagogie. Le Gouvernement soutient les campagnes de sensibilisation menées par la Banque de France, l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement et la profession bancaire pour rappeler les bons réflexes : ne jamais divulguer ses codes, vérifier l'authenticité des messages, signaler toute opération suspecte.
Le Gouvernement appelle donc à un vote conforme afin de permettre une mise en œuvre rapide de ces dispositifs attendus par les Français.
Nous partageons la même exigence : protéger nos concitoyens, sécuriser leurs paiements et renforcer la confiance dans notre système bancaire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Bitz, et Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est dommage que nous ne soyons pas plus nombreux en séance aujourd'hui car le sujet est très important. En effet, la question qui se pose aujourd'hui est non pas de savoir si nos comptes seront piratés, mais quand ils le seront. Je vous encourage donc à vous pencher avec intérêt sur ce texte, qui apporte des solutions.
Cette proposition de loi que nous nous apprêtons à voter, a été examinée suivant la procédure de législature en commission (LEC). Elle vise à lutter contre la fraude aux moyens de paiement. Celle-ci a représenté 1,2 milliard d'euros en 2023. Dans cette masse, la fraude aux paiements Sepa et la fraude aux chèques représentent un montant annuel estimé à 698 millions d'euros.
Le texte couvre par conséquent 58 % des montants annuels de fraude. Nous pouvons espérer que son adoption donnera aux prestataires de services de paiement des armes efficaces pour endiguer ce phénomène.
Sur le plan technologique, les schémas de fraude sont en constante évolution. Il y a fort à craindre que le perfectionnement de l'intelligence artificielle générative, en particulier les technologies d'imitation de la voix, mais aussi de manipulation de l'image, n'entraîne d'autres types de fraudes.
La mesure principale prévue par la proposition de loi est la création d'un fichier national des comptes signalés pour risque de fraude, qui permettra de fluidifier les échanges d'informations entre les prestataires de services de paiement, de manière à identifier le plus vite possible les comptes suspects et à procéder à leur fermeture.
Madame la ministre, dans l'hypothèse où l'on souhaiterait prolonger les mesures adoptées dans ce texte, il faudrait sérieusement envisager, comme nous l'avons dit en commission, des mesures pour prévenir les usurpations d'identité, ainsi que pour améliorer la gestion du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), notamment en ce qui concerne les procédures d'ouverture de compte.
Nous avions évoqué un système de push qui permettrait de prévenir lorsqu'un compte est ouvert à notre nom, comme cela existe pour les cartes bancaires, lorsque l'on reçoit un texto indiquant qu'un paiement mérite notre attention. Il s'agit d'éviter les usurpations d'identité qui servent à ouvrir des comptes au nom d'une autre personne, qui n'en est évidemment pas informée ; au moment où elle l'est, il est beaucoup trop tard.
Ce texte, qui couvre l'ensemble du champ de la fraude aux prélèvements et de la fraude aux virements, ne pose donc pas de difficultés.
Madame la ministre, il me reste un peu de temps pour vous dire, comme l'a fait le rapporteur général lors de l'examen de la proposition de loi par la commission des finances, que ce « saucissonnage » des textes crée beaucoup de confusion et rend les choses illisibles. Les espaces de discussion parlementaire consacrés à la lutte contre la fraude sont extrêmement restreints, alors qu'il s'agit d'un sujet absolument essentiel.
J'espère que nous pourrons amender, si l'article 45 du règlement du Sénat est interprété de façon suffisamment large, le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, lequel sera examiné au Sénat le 12 novembre prochain. La modeste proposition de loi, déposée sur mon initiative et celle de Raphaël Daubet, qui doit être discutée ici le 5 novembre, pourrait d'ailleurs utilement servir d'amendement au texte du Gouvernement.
Je le dis franchement, nous souhaiterions disposer, après le budget, d'un temps suffisamment long pour discuter d'un texte ambitieux sur la lutte contre la fraude fiscale. Je l'ai dit tout à l'heure lors des questions d'actualité au Gouvernement : taxer les entreprises, surtaxer les personnes physiques et ne pas lutter contre la fraude constitue, à mon sens, une incohérence à laquelle il va falloir remédier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire
Article 1er
(Conforme)
I. – Après l'article L. 521-6 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 521-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 521-6-1. – I. – Afin d'améliorer la prévention, la recherche et la détection de la fraude en matière de paiements, un fichier national recense les informations permettant d'identifier les comptes de paiement et les comptes de dépôt que les prestataires de services de paiement définis à l'article L. 521-1 établis ou exerçant en France, à l'exception des prestataires de services d'information sur les comptes et des établissements de paiement fournissant exclusivement un service d'initiation de paiement, estiment susceptibles d'être frauduleux en se fondant notamment sur les analyses réalisées dans le cadre de leurs dispositifs internes de lutte contre la fraude.
« Ce fichier comprend en outre les éléments caractérisant la fraude ou la suspicion de fraude.
« Il est géré par la Banque de France.
« II. – Les prestataires de services de paiement sont responsables de la fourniture des données prévues au I du présent article. Ils les déclarent sous leur seule responsabilité et procèdent sans délai aux déclarations correctives lorsque les raisons de soupçonner la fraude disparaissent. Les frais afférents à ces déclarations ne peuvent être directement ou indirectement facturés aux clients concernés.
« Les instances locales du fichier utilisées, le cas échéant, par les prestataires de services de paiement pour récupérer les informations contenues dans le fichier géré par la Banque de France sont de la responsabilité pleine et entière de ces établissements.
« Lorsqu'ils disposent d'un faisceau d'indices suggérant qu'un compte ayant fait l'objet d'une déclaration a été ouvert dans les conditions mentionnées à l'article 226-4-1 du code pénal, les prestataires de services de paiement actualisent immédiatement le fichier.
« II bis A. – Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales peuvent signaler au gestionnaire du fichier les comptes qu'elles estiment susceptibles d'être frauduleux.
« Sous réserve de ses propres contrôles, le gestionnaire du fichier procède à l'inscription de ces comptes dans le fichier.
« II bis. – L'inscription des informations relatives à un compte dans le fichier n'emporte pas d'interdiction de réaliser des opérations de paiement impliquant ce compte. Elle ne peut justifier à elle seule la résiliation du contrat-cadre de services de paiement ou de la convention de compte de dépôt par le prestataire de services de paiement teneur du compte déclaré.
« Lorsqu'un compte figure dans le fichier, le prestataire de services de paiement chargé de la tenue de ce compte effectue sans délai l'ensemble des diligences visant à évaluer son caractère frauduleux.
« III. – Il est interdit à la Banque de France et aux prestataires de services de paiement de remettre à quiconque copie des informations contenues dans le fichier.
« La Banque de France est déliée du secret professionnel pour la divulgation des informations contenues dans le fichier dans les cas prévus au présent article.
« IV. – Un arrêté du ministre chargé de l'économie, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit les modalités de collecte, d'enregistrement, de conservation et de consultation des données ainsi que la liste des informations mentionnées au présent article.
« V. – Les tarifs liés à la mise en place et au fonctionnement du dispositif sont fixés par un arrêté du ministre chargé de l'économie pris après avis de la Banque de France. Ces tarifs, acquittés par les prestataires de services de paiement, sont fixés de manière à couvrir l'intégralité des coûts du dispositif. »
II. – À la première phrase de l'article L. 521-7 du code monétaire et financier, les mots : « et L. 521-6 » sont remplacés par les mots : « à L. 521-6-1 ».
III. – Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
Article 1er bis
(Conforme)
L'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 141-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport présente notamment des indicateurs permettant d'apprécier la performance du fichier national défini à l'article L. 521-6-1. »
Article 2
(Conforme)
L'article L. 131-84 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Les deux premières occurrences du mot : « ou » sont remplacées par le signe : « , » ;
2° Après la dernière occurrence du mot : « chèque », sont insérés les mots : « , qui a rejeté un chèque pour falsification ou contrefaçon ou qui a pris connaissance de la falsification ou de la contrefaçon de chèques ou de formules de chèque » ;
3° Après le mot : « avise », sont insérés les mots : « , dans les meilleurs délais, » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret précise les modalités, les conditions et les délais dans lesquels le tiré avise la Banque de France. »
Article 3
(Conforme)
L'article L. 131-86 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° La seconde phrase est supprimée ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Elle assure également l'information du banquier qui, lors de la présentation du chèque au paiement, souhaite vérifier la régularité, au regard du présent chapitre, de l'émission de ce chèque.
« L'origine de ces demandes d'information donne lieu à enregistrement. »
Article 4
(Conforme)
Le livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 732-2, L. 733-2 et L. 734-2 est ainsi modifié :
a) La dix-huitième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 131-80 à L. 131-83 |
la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 |
|
L. 131-84 |
la loi n° … du … |
» ; |
b) La vingtième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 131-86 |
la loi n° … du … |
» ; |
2° La neuvième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 773-21, L. 774-21 et L. 775-15 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 521-6 |
l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 |
|
L. 521-6-1 et L. 521-7 |
la loi n° … du … |
» ; |
3° Après le 3° du II des articles L. 773-21 et L. 774-21, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis L'article L. 521-6-1 est ainsi modifié :
« a) Le dernier alinéa du I est complété par les mots : “pour le compte de l'Institut d'émission d'outre-mer” ;
« b) Au deuxième alinéa du II, après le mot : “France”, sont insérés les mots : “pour le compte de l'Institut d'émission d'outre-mer” ;
« c) Le III est ainsi modifié :
« – au premier alinéa, après le mot : “France”, sont insérés les mots : “à l'Institut d'émission d'outre-mer” ;
« – au second alinéa, les mots : “est déliée” sont remplacés par les mots : “et l'Institut d'émission d'outre-mer sont déliés” ;
« d) La première phrase du V est complétée par les mots : “et de l'Institut d'émission d'outre-mer” ; »
4° Le 3° de l'article L. 775-15 est ainsi rétabli :
« 3° L'article L. 521-6-1 est ainsi modifié :
« a) Le dernier alinéa du I est complété par les mots : “pour le compte de l'Institut d'émission d'outre-mer” ;
« b) Au deuxième alinéa du II, après le mot : “France”, sont insérés les mots : “pour le compte de l'Institut d'émission d'outre-mer” ;
« c) Le III est ainsi modifié :
« – au premier alinéa, après le mot : “France”, sont insérés les mots : “, à l'Institut d'émission d'outre-mer” ;
« – au second alinéa, les mots : “est déliée” sont remplacés par les mots : “et l'Institut d'émission d'outre-mer sont déliés” ;
« d) La première phrase du V est complétée par les mots : “et de l'Institut d'émission d'outre-mer” ; ».
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi s'attaque à un fléau moderne : la fraude aux paiements électroniques, qui touche chaque année des centaines de milliers de nos concitoyens et fragilise la confiance dans nos institutions financières.
Derrière ce sujet, il y a un enjeu colossal : près de 600 millions d'euros de fraudes recensés en 2024, dont la quasi-totalité sur les paiements par carte. Dans un monde où la monnaie circule à la vitesse d'un clic, la fraude, elle, n'a visiblement pas besoin de visa.
Les chiffres sont parlants : les transactions scripturales représentent plus de 17 000 milliards d'euros sur un semestre, avec une explosion des virements instantanés et des paiements sans contact. Ces innovations, qui simplifient la vie des consommateurs, sont aussi devenues un terrain de jeu pour les fraudeurs, qui rivalisent d'ingéniosité pour contourner les dispositifs de sécurité.
C'est dans ce contexte que s'inscrit cette proposition de loi, déposée par notre collègue Daniel Labaronne, et adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Elle prolonge le travail engagé dans le cadre du plan de lutte contre la fraude sociale, fiscale et douanière, lancé par Gabriel Attal et consolidé par Thomas Cazenave.
L'objectif est clair : renforcer notre arsenal de détection et de prévention, sans alourdir les démarches pour les citoyens ou les acteurs économiques.
Première avancée : la création d'un fichier national de partage des Iban douteux, géré par la Banque de France. Ce dispositif permettra aux établissements bancaires, à la Caisse des dépôts et consignations, au Trésor public et même aux Urssaf de croiser les informations et d'identifier plus rapidement les comptes frauduleux. Il permettra de bloquer les transactions suspectes avant qu'elles ne se traduisent par des pertes.
On dit souvent que l'argent n'a pas d'odeur : désormais, il aura au moins une empreinte Iban.
Deuxièmement, le texte renforce la lutte contre la falsification et la contrefaçon de chèques. C'est un sujet que certains pensaient derrière nous, mais qui, malheureusement, continue de coûter cher. En donnant enfin un fondement législatif au fichier national des chèques irréguliers (FNCI), nous comblons une lacune qui datait de 1992.
Troisièmement, le texte modernise la consultation du FNCI et l'étend à l'ensemble des établissements bancaires, tout en garantissant la protection des données personnelles – un équilibre que notre groupe juge essentiel.
Mes chers collègues, au-delà de ces mesures, cette proposition de loi illustre parfaitement l'esprit du plan antifraude lancé par le Gouvernement : agir partout, sans excès, mais sans faiblesse, et adapter nos outils à l'économie numérique.
C'est un texte de prévention et de confiance, plus que de sanction. En sécurisant les paiements, il protège nos concitoyens. En modernisant nos outils, il protège nos institutions. En favorisant la coopération entre acteurs publics et privés, il protège l'argent public, celui de tous les Français.
C'est pourquoi le groupe RDPI, tout en saluant la qualité du travail mené par Mme la rapporteure et l'esprit de consensus qui a prévalu en commission, votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Olivier Bitz et Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Florence Blatrix Contat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est des sujets qui dépassent nos clivages politiques : la lutte contre la fraude bancaire en fait partie. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée par le député Daniel Labaronne, s'inscrit dans la continuité des textes récents sur ce sujet. Elle vise à renforcer la protection des usagers et la sécurité de nos transactions.
En 2023, le montant total des fraudes s'est élevé à 1,2 milliard d'euros, dont près de 334 millions liés à la fraude aux prélèvements Sepa et 364 millions liés à la fraude aux chèques, soit les deux formes de fraude que l'auteur de cette proposition de loi entend endiguer.
Le virement, qui représente aujourd'hui près de 90 % des transactions en valeur dans notre pays, devient un terrain privilégié pour les escrocs. En moyenne, chaque virement frauduleux représente plus de 3 000 euros de préjudice.
Derrière ces chiffres, il y a des milliers de victimes, souvent démunies face à des escroqueries toujours plus sophistiquées. Les fraudes minent la confiance dans les moyens de paiement et fragilisent le lien entre les citoyens et leur banque.
Nous partageons donc l'objectif de cette proposition de loi : renforcer la prévention, la détection et la réaction face à la fraude pour mieux protéger les particuliers comme les finances publiques.
Ce texte, très opérationnel, comporte quatre articles.
L'article 1er crée un fichier national des Iban douteux, géré par la Banque de France. Celui-ci recensera les comptes que les établissements de paiement estiment susceptibles d'être utilisés à des fins frauduleuses.
En dépit d'une obligation d'authentification forte, les fraudes aux virements et aux prélèvements demeurent massives et variées. L'objectif est de mieux repérer les circuits et d'empêcher les virements vers des comptes déjà identifiés comme problématiques. Ce dispositif, qui a fait l'objet d'une expérimentation préalable, devrait contribuer à une réduction significative des fraudes.
Le groupe socialiste approuve cette approche, mais souligne l'importance de prévoir des garanties pour les usagers, afin qu'il n'y ait pas de répercussions négatives pour le détenteur d'un compte suspecté à tort d'être frauduleux.
Les articles 2 et 3 étendent le champ du FNCI pour y inclure explicitement les chèques falsifiés ou contrefaits et ouvrent la possibilité pour les banques de le consulter dès la remise d'un chèque.
Enfin, l'article 4 assure la coordination outre-mer, en intégrant l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) au dispositif.
Comme l'a souligné la rapporteure Nathalie Goulet, ces mesures, si elles sont bienvenues, demeurent insuffisantes.
Elles devront être complétées par d'autres initiatives, compte tenu de la nécessité de renforcer la lutte contre la fraude aux moyens de paiement, et notamment la fraude liée au piratage des données personnelles.
Les techniques se perfectionnent, les schémas se renouvellent, les données circulent à grande vitesse. Face à cette évolution constante, il nous faut une vision d'ensemble, une réponse systémique qui dépasse les seules adaptations techniques.
En conclusion, cette proposition de loi, technique mais utile, ne révolutionne pas le droit, mais elle renforce la protection des consommateurs et la traçabilité des paiements, sans alourdir les charges publiques.
Elle traduit aussi une conception de la justice économique : sécuriser les moyens de paiement, c'est protéger les citoyens ordinaires face aux escroqueries, mais aussi préserver les ressources publiques, trop souvent détournées par des moyens frauduleux.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Mikaele Kulimoetoke, Marc Laménie et Christian Bilhac applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous des personnes confrontées à ce scénario bien connu : un appel, un courriel ou un message alarmant ; un artisan pressé d'obtenir un virement, ou un conseiller bancaire trop insistant. Parfois, un instant d'inattention suffit, la confiance vacille, et hop ! le compte s'envole.
La fraude aux moyens de paiement n'est pas un accident du système financier : elle en est le produit. À chaque transformation de la monnaie, elle prend la forme de son époque.
D'abord matérielle, quand la valeur avait corps : on frappait de fausses pièces, on imprimait de faux billets. Puis formelle, quand la monnaie devint écriture : on falsifiait la preuve, la signature, le mandat.
Avec la dématérialisation, elle devint technique : piratage, duplication, intrusion dans les flux. Et aujourd'hui, dans l'économie numérique, la fraude est devenue relationnelle : elle vise non plus la monnaie, mais la confiance elle-même.
Chaque progrès dans la sécurité engendre sa propre vulnérabilité, comme si, à mesure que la technique protégeait la valeur, elle fragilisait la relation. Les chiffres sont clairs : 1,2 milliard d'euros de fraude au premier semestre 2024, dont un tiers sont des manipulations du payeur, autrement dit des opérations que la victime effectue elle-même sous influence psychologique.
Cette évolution, nous le croyons, nourrit un phénomène de défiduciarisation : autrement dit, une perte de confiance dans les échanges eux-mêmes et dans ceux qui en sont les garants.
Parfois, c'est l'institution qu'on ne croit plus capable d'assurer la sécurité ; parfois, c'est un proche victime que l'on juge imprudent au point de lui retirer la gestion de son compte.
La fraude pose alors une question fondamentale : qui produit la confiance ?
Selon notre groupe, ce pouvoir s'est déplacé : de la collectivité vers les opérateurs privés, et, au bout de la chaîne, vers l'usager lui-même. Dans ce mouvement, les établissements de crédit et les prestataires de services de paiement ont trouvé, comme toujours, de nouveaux segments de rentabilité : assurances antifraude, services premium, outils de vigilance payants.
Dès lors, le marché a intérêt non pas à éliminer la fraude, mais à la maintenir dans des proportions gérables : juste assez pour qu'elle suscite la peur, et donc la demande de sécurité.
La conséquence est claire : il ne peut exister de coopération aboutie entre acteurs privés en matière de fraude. C'est cette faille que vient partiellement combler la proposition de loi.
L'article 1er crée un fichier national des comptes de paiement et de dépôt frauduleux, géré par la Banque de France, afin de centraliser les signalements émis par les prestataires de services de paiement. Autrement dit, ce fichier ouvre une coordination publique dans un espace de concurrence privée ou, pour le dire plus simplement, l'État fait son travail quand le marché ne fait pas le sien.
Ce texte ne saurait masquer une réalité plus large : la fraude n'est pas seulement le fait des escrocs ; elle est aussi celle du système bancaire lui-même. Si la fraude aux paiements ruine des particuliers, la fraude aux non-paiements, et je pense au scandale des CumCum et CumEx, ruine les États.


