Mme Marie-Claude Varaillas. Bien sûr…
M. Michel Fournier, ministre délégué. Enfin, l'article 3 de cette proposition de loi crée un comité des usagers du service public des déchets. Là encore, l'intention est louable : associer davantage les citoyens à la définition et à l'évaluation du service public local.
C'est vrai, une telle démarche répond à une aspiration forte de nos concitoyens – être mieux informés et davantage impliqués dans la gestion des politiques publiques qui les concernent directement. Mais le droit en vigueur permet déjà une telle association.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Eh oui !
M. Michel Fournier, ministre délégué. Dans les communes et les intercommunalités les plus importantes, l'article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) impose la création d'une commission consultative des services publics locaux.
Cette instance associe les citoyens à la gestion de l'ensemble des services publics, dont celui de la collecte et du traitement des déchets. J'ajoute qu'elle dispose de larges prérogatives : la majorité de ses membres peut, par exemple, demander l'inscription à l'ordre du jour de toute proposition visant à améliorer le service de gestion des déchets.
Dans les communes plus petites, une telle commission n'est pas obligatoire.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En effet !
M. Michel Fournier, ministre délégué. Toutefois – j'en sais quelque chose –, le lien entre le maire et les habitants y est plus direct. Le dialogue entre le premier et les seconds est plus souple,…
Mme Cécile Cukierman. Plus violent aussi…
M. Michel Fournier, ministre délégué. … parfois plus informel, dans une logique de proximité, mais tout aussi efficace.
La proximité reste, dans ces territoires, le meilleur garant de la participation citoyenne. (Mme Marie-Claude Varaillas manifeste son désaccord.)
En outre, un autre article du même code permet à tout conseil municipal de créer un comité consultatif afin d'examiner un problème d'intérêt communal, quel qu'il soit. Ces comités, auxquels peuvent être associés des représentants d'associations ou des habitants, peuvent être consultés sur les services publics ou les équipements de proximité.
Autrement dit, l'outil juridique existe déjà : il appartient aux collectivités territoriales de s'en saisir si elles le souhaitent.
Dans ce contexte, un comité supplémentaire ne renforcerait pas nécessairement la participation citoyenne. En créant une telle instance, on risquerait surtout de superposer une nouvelle fois des dispositifs, au détriment de la clarté et de l'efficacité de la concertation locale. Gardons à l'esprit que nos concitoyens ne comprennent pas toujours le fonctionnement de nos collectivités territoriales.
C'est pourquoi le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'article 3,…
Mme Cécile Cukierman. La démocratie n'est donc pas le maître mot du Gouvernement ?
M. Michel Fournier, ministre délégué. … tout en reconnaissant l'importance d'une gouvernance ouverte et d'un dialogue constant avec les usagers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les discussions suscitées par ce texte montrent que, en la matière, nous visons tous le même objectif : inciter à la diminution de la production de déchets.
Si ce service ne répond pas encore pleinement aux ambitions de réduction et de valorisation, le progrès ne passe pas nécessairement par de nouvelles obligations législatives. (M. le rapporteur acquiesce.)
La solution réside avant tout dans l'adaptation locale des outils existants, la prise en compte des réalités du terrain et la mise en œuvre de politiques pragmatiques…
Mme Cécile Cukierman. Parlons-en du pragmatisme !
M. Michel Fournier, ministre délégué. … et de pédagogies adaptées. Elle repose aussi sur le partage des bonnes pratiques, la coopération entre collectivités territoriales et la valorisation des initiatives qui réussissent.
C'est dans cet esprit d'efficacité, de confiance et de responsabilité partagée que le Gouvernement souhaite poursuivre le dialogue avec les collectivités territoriales, et bien entendu avec vous, parlementaires,…
M. Pierre Barros. C'est bien parti !
M. Michel Fournier, ministre délégué. … pour faire du service public des déchets un levier durable de la transition écologique et de la cohésion territoriale. Vous pouvez donc compter sur notre pleine mobilisation.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. Les représentants du « socle commun » pourraient applaudir… (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Basquin.
M. Alexandre Basquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est important que nous puissions débattre aujourd'hui de cette proposition de loi, qui, selon moi, relève du bon sens.
Il est vrai que la gestion des déchets est parfois particulièrement nébuleuse. En la matière, il y a pour ainsi dire autant de façons de faire que de territoires, qu'il s'agisse du traitement des déchets, de leur valorisation, des mesures incitatives ou des formes d'imposition.
S'y ajoute un grand paradoxe, qui, lui, se vérifie partout : plus on trie, plus on paie. Il en résulte beaucoup de frustration chez bon nombre d'usagers, qui, alors même qu'ils multiplient les efforts, voient augmenter leur taxe ou leur redevance. Quant aux collectivités territoriales gestionnaires, elles voient constamment augmenter le montant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
Or, pour d'autres, le marché des déchets est une aubaine. Il se révèle ainsi particulièrement lucratif pour de grands acteurs privés comme Veolia et Suez (Mme Marianne Margaté approuve.), dont les activités respectives pèsent, en France, 3 et 2,5 milliards d'euros par an. Il me semble important de le rappeler.
En déposant cette proposition de loi, nous avons répondu à une demande exprimée par de nombreuses collectivités territoriales. En outre, nous avons tâché de répondre à des considérations à la fois environnementales et sociales.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales assoient la gestion des déchets sur la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, parfois en fixant une part incitative.
Bien sûr, l'incitation est louable, l'objectif restant de diminuer la production de déchets en responsabilisant les particuliers. Mais la tarification incitative n'en présente pas moins deux angles morts.
Premièrement, ce choix frappe durement les familles comptant des enfants en bas âge, les familles nombreuses, les personnes âgées, les personnes incontinentes, les personnes en situation de handicap – bref, les personnes les plus fragilisées, qui produisent des déchets du fait, non pas de leur consommation, mais de leur condition.
Deuxièmement, un certain nombre de personnes, qui peinent à se déplacer ou ne peuvent tout simplement pas le faire, n'ont par définition pas accès aux points d'apport volontaire. C'est précisément pourquoi l'on assiste à la recrudescence des dépôts sauvages comme du brûlage, bien que ces pratiques soient interdites. Monsieur le ministre, étant issu de la ruralité, vous connaissez bien ces problèmes.
Il convient donc de trouver de nouvelles solutions pour éviter ces écueils : c'est tout le sens de cette proposition de loi.
Nous entendons soutenir à la fois nos concitoyens et les collectivités territoriales en assurant la massification des points d'apport. De plus, les collectivités territoriales qui le souhaitent doivent pouvoir mettre en œuvre une tarification sociale, pour plus de justice. Elles disposent d'ailleurs déjà de cette faculté pour financer les secteurs publics de l'eau et des transports.
Mes chers collègues, beaucoup d'entre nous ont été maires avant d'être élus sénateurs : nous le savons bien, de nombreuses communes optent, de même, pour des tarifications différenciées, qu'il s'agisse des crèches, des centres de loisirs, des cantines scolaires ou des voyages des aînés.
De tels choix ne pèsent pas sur l'organisation pratique ou juridique des services. Ils ne créent pas de complexification administrative. En revanche, ils évitent que les politiques municipales ne deviennent excluantes. C'est tout le sens de cette proposition de loi, en faveur de laquelle il me semble possible de trouver une voie de consensus.
Monsieur le ministre, tout d'abord, ces dispositions ne coûteront pas un kopeck à l'État. Elles ne coûteront absolument rien !
Ensuite, le présent texte se fonde sur le principe de libre administration des collectivités territoriales : charge à ces dernières de mettre en œuvre ou non la tarification sociale dont il s'agit.
Je sais que vous êtes un ardent défenseur de la libre administration des collectivités territoriales et de la confiance envers les élus locaux. Je suis donc assez surpris de la position que vous venez d'exprimer – comme quoi, parfois, le pouvoir change les hommes…
Enfin, cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans le nouvel acte de décentralisation récemment annoncé par M. le Premier ministre et défendu par l'Association des maires ruraux de France (AMRF).
Avec ce texte, nous voulons donner de nouveaux leviers à nos collectivités territoriales. Ces dernières doivent être en phase avec les aspirations de leurs habitants, avec leurs réalités géographiques et avec leurs différentes problématiques.
Mes chers collègues, on ne peut pas toujours parler sans jamais agir in fine : c'est également le sens de notre texte. Or, des discours aux actes, il n'y a qu'un pas. Personnellement, je ne vois pas ce que l'on peut nous objecter pour rejeter cette proposition de loi, à moins que l'on ne s'en tienne à de simples postures... (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les déchets produits par l'homme ont évidemment changé de nature au fil du temps, au gré de l'évolution de nos sociétés et de nos modes de vie. Aujourd'hui, ils sont l'une des traces matérielles de notre entrée dans l'anthropocène, ère marquée par l'avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre.
Le déchet est partout. La production annuelle de déchets solides a dépassé 2 milliards de tonnes dans le monde et devrait atteindre 3,4 milliards de tonnes en 2050.
Preuve ultime de cette surproduction, des traces de microplastiques se retrouvent à plus de 2 000 mètres sous le niveau de la mer comme dans les régions reculées de l'Arctique, dans la fosse des Mariannes ou encore au sommet du mont Everest.
Face à de tels constats, nous devons avant tout nous interroger sur la production de cette masse de déchets, conséquence du suremballage, de la surconsommation et de l'avènement du tout-plastique, ainsi que du tout-jetable.
Toutefois, cette proposition de loi de Marie-Claude Varaillas et de ses collègues du groupe communiste ne porte pas sur l'amont, mais sur l'aval. Elle vise en effet à garantir la qualité des services de gestion des déchets.
Commençons par saluer le dépôt du présent texte, qui introduit un critère de justice sociale dans la tarification incitative du traitement des déchets.
Dans un contexte d'augmentation des coûts, il est impératif d'éviter que ces hausses ne pèsent lourdement sur les ménages les plus modestes ou vulnérables. Une telle démarche, même incitative, n'a pas à alourdir les dépenses contraintes de ces foyers.
Aussi, cette proposition de loi ouvre la voie à une modulation sociale du tarif de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ou de la part incitative de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Le calcul retenu tiendrait compte des revenus, de la composition du foyer et des éventuels problèmes de santé de ses membres, s'ils entraînent une forte production de déchets.
Les auteurs du présent texte entendent, entre autres, répondre à la situation inquiétante et largement documentée de la gestion des déchets en Dordogne. Dans ce département, dont Mme Varaillas est élue, la qualité de service se dégrade ; dans le même temps, les coûts ont explosé pour les usagers, notamment du fait du recours à la Reom.
Nous saluons la philosophie et les objectifs de ce texte, mais nous aurions aimé approfondir le travail engagé. Notre collègue député Sébastien Peytavie, lui aussi élu de la Dordogne, a justement déposé une proposition de loi sur ce même sujet. Le projet de loi de finances (PLF) nous donnera aussi l'occasion de revenir sur ces questions, lors de l'examen des amendements.
Au sujet du mode de collecte, nous pourrions saluer l'article 2, qui fixe pour objectif minimal un point d'apport volontaire pour 200 habitants. Cela étant, nous estimons que le choix de ce maillage relève de la libre administration des collectivités territoriales.
Les auteurs du présent texte ont le mérite de pointer les impasses de certains modes de collecte et de leurs tarifs. Mais, si nous voulons réellement réduire la production de déchets, il est impératif de faire contribuer davantage les premiers producteurs, à savoir les industriels.
Nous devons appliquer pleinement le principe du pollueur-payeur. À cette fin, il existe une solution dont nous, écologistes, sommes les inlassables partisans : la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dite amont, applicable aux produits manufacturés qui ne bénéficient d'aucune filière de récupération. Il s'agit là d'une taxe affectée aux collectivités territoriales pour soutenir la revalorisation locale.
En parallèle, il est crucial de mieux encadrer l'activité des éco-organismes, tout en les fiscalisant en cas de non-atteinte de leurs objectifs de gestion des déchets et de prévention. Il n'est pas juste que les collectivités territoriales et, in fine, les usagers supportent les coûts liés aux défaillances du système de responsabilité élargie des producteurs (REP).
En résumé, cette proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons. Mais nous appelons maintenant à changer de braquet, pour concilier les impératifs de réduction des déchets et de justice sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de loi entendent moduler le calcul de la redevance spéciale pour financer le service public d'enlèvement des déchets suivant des critères sociaux de revenus, de composition du ménage ou encore d'état de santé des membres du foyer.
Ils redoutent que l'alourdissement de la fiscalité locale liée aux déchets ne provoque une nouvelle vague de protestation. Dans cette logique, la tarification incitative serait un levier pour contenir l'explosion sociale.
L'article 1er introduit donc une « tarification sociale » de la redevance sur les déchets, l'exemple le plus souvent cité étant celui des couches, qu'il s'agisse des personnes incontinentes, notamment du quatrième âge, ou des plus jeunes enfants.
Pour les familles, ce poste de dépenses fait désormais l'objet d'une double peine. Non seulement ces produits d'hygiène de première nécessité sont devenus très onéreux à l'achat, mais ils alourdissent, à la charge des usagers, la fiscalité sur le coût de la gestion des déchets auxquels ils donnent lieu. Or les intéressés ne peuvent se passer de ces produits du quotidien.
M. le rapporteur l'a rappelé, la commission des finances a rejeté ce texte, préférant un adossement de la redevance à l'évolution des valeurs locatives cadastrales. Elle a refusé toute modulation sociale et s'est opposée à l'obligation, pour les collectivités territoriales, d'installer de nouveaux points d'apport volontaire par tranche de 200 habitants.
Pour ma part, je relève une contradiction. Nous voulons favoriser les politiques publiques pour accroître la natalité et maintenir nos aïeux à domicile ; or, en pratique, nous multiplions des taxes plutôt que de recourir à l'impôt local, dont nous avons supprimé une part importante en mettant fin à la taxe d'habitation.
Depuis lors, les impôts locaux ont certes baissé, mais on a multiplié et augmenté les taxes dans tous les domaines.
Mme Cécile Cukierman. Exactement ! Trop de taxes et pas assez d'impôts !
M. Christian Bilhac. On n'augmente pas les impôts, mais on augmente les taxes… Le contribuable peine à voir la différence, je puis vous l'assurer ! (Sourires.)
Si la redevance proposée via ce texte est incitative, elle reste peu équitable, malgré l'introduction de critères sociaux. Le principe du pollueur-payeur trouve ici sa limite : celle de l'acceptabilité sociale.
La gestion des déchets doit entrer dans une logique de politique publique collective, grâce à la mise en œuvre d'une TGAP amont. Ce ne sont pas les consommateurs qui produisent les déchets, ce sont les industriels. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme Marie-Claude Varaillas. Parfait !
M. Christian Bilhac. Plus largement, je m'interroge sur le modèle économique de la filière des déchets. À la fin, en effet, c'est toujours le consommateur qui paie. S'il achète un appareil électroménager ou je ne sais quel équipement électrique, c'est le consommateur qui paie. De même, s'il fait des travaux dans sa salle de bains, ce n'est pas la filière qui paie, c'est lui, alors même qu'il acquitte la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Ce secteur de l'économie circulaire représente 2,3 milliards d'euros de contributions. Mais il faut y ajouter près de 470 millions d'euros au titre du fonds vert, du fonds économie circulaire et du programme d'investissements d'avenir (PIA) ; je n'oublie pas non plus les coûts de fonctionnement les différents organiques de contrôle – l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale de la prévention des risques (DGPR), le contrôle général économique et financier (CGefi), ainsi que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
En résumé, tout le monde fait tout, mais personne n'est responsable. Plus personne n'y comprend rien et l'on ne sait pas si les objectifs sont atteints !
Bref, je suis personnellement favorable au lancement d'une réflexion, en vue de financer les services publics locaux par une taxe de résidence – avec un tel intitulé, on évitera de froisser ceux qui ont soutenu la suppression de la taxe d'habitation…
Il est grand temps de clarifier l'action publique dans ce domaine. Les taxes que l'on multiplie depuis quelque temps sont forcément inéquitables, car elles imposent à tout le monde de payer le même montant, quel que soit le revenu.
Certes, ce texte n'est pas parfait, mais il mérite d'être voté, car il permettra d'atténuer un tant soit peu, pour les familles, le coût du traitement des ordures ménagères. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et CRCE-K. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi part d'une bonne intention. En effet, dans ce domaine, nous visons tous les mêmes objectifs : moins de déchets, plus de tri, un service public lisible et équitable.
À ce titre, l'intention que traduit ce texte – introduire davantage de justice sociale – mérite d'être saluée. Nous sommes tous conscients que la quantité de déchets ménagers et assimilés produits par habitant est en constante progression et que ces volumes historiques pèsent lourdement sur nos finances locales.
Toutefois, une bonne intention ne suffit pas toujours pour élaborer un excellent dispositif. La commission des finances l'a rappelé, ce texte présente un certain nombre de fragilités. À cet égard, les membres du groupe Union Centriste s'associent aux alertes émises par notre rapporteur, Olivier Paccaud, que je salue.
Bien sûr, nous ne rejetons ni l'objectif social ni l'exigence de qualité du service. En revanche, les moyens que proposent les auteurs de ce texte nous laissent sceptiques. Ils ne nous paraissent pas les bons, puisqu'ils risquent d'affaiblir les dispositifs existants plus qu'ils ne pourraient les renforcer.
La tarification incitative repose sur un principe vertueux, rappelé par M. le rapporteur : celui du pollueur-payeur.
Le présent texte part d'un constat juste : ce système peut avoir des effets inéquitables, notamment pour les familles nombreuses ou pour les personnes présentant des besoins spécifiques, par exemple médicaux. Mais, si l'on tente de traiter ces situations en modulant la redevance selon les revenus, la composition du foyer ou l'état de santé, l'on risque fort de soulever de sérieux problèmes pratiques et juridiques. On se heurtera, en particulier, à trois réalités.
Premièrement, en transformant la tarification incitative en tarification « socialement compensée », l'on risque d'affaiblir l'incitation. La tarification incitative repose sur une logique simple : moins je jette, moins je paie. À force d'exceptions, on finit par réduire l'incitation, donc par augmenter les tonnages. La question de l'efficacité environnementale de la mesure se pose alors : ne risque-t-on pas d'obtenir l'effet inverse ?
Deuxièmement, en autorisant l'accès à certaines informations fiscales et médicales, l'on ouvrirait en quelque sorte une boîte de Pandore. Qui sera chargé d'assurer la collecte, ainsi que le contrôle, et sous quelles garanties de confidentialité ? Selon nous, les réponses dont nous disposons aujourd'hui ne sont pas suffisamment robustes.
Troisièmement, et enfin, nos collectivités territoriales sont déjà confrontées à beaucoup d'obligations. Ajouter un tel barème social reviendrait à alourdir les procédures et, peut-être, à multiplier les contentieux, en tout cas à réduire la lisibilité du dispositif pour l'usager. Dès lors, on risquerait d'accroître encore le millefeuille administratif, que nous dénonçons tous. On irait ainsi à rebours de l'objectif de simplification de l'action publique.
Nous sommes favorables à la logique de solidarité. Mais les actions mises en œuvre à ce titre doivent être lisibles et bien ciblées. Aussi, ce texte ne nous semble pas offrir la meilleure réponse.
Il en est de même du maillage national des points d'apport. Fixer le ratio uniforme d'un point d'apport volontaire pour 200 habitants, c'est, nous semble-t-il, sous-estimer la diversité de nos territoires.
Chacun doit en avoir conscience : selon que l'on se trouve dans un hypercentre urbain, dans un territoire rural à habitat dispersé ou encore dans une zone de montagne, pour ne citer que ces espaces, les contraintes de foncier, de voirie, de sécurité et de coûts ne sont pas les mêmes.
Au total, 58 % de la population relèvent déjà de systèmes mixtes, mêlant apport volontaire et porte-à-porte. En outre, 20 % de nos concitoyens vivent dans des territoires où la collecte des déchets est intégralement assurée via le porte-à-porte. Une norme unique serait coûteuse et sans doute contre-productive.
Pour notre part, nous faisons confiance aux élus locaux pour adapter au mieux l'offre de gestion des déchets sur la base des contraintes qui leur sont propres.
Je le répète, appliquer une norme uniforme dans ce domaine, c'est courir le risque d'une inefficacité d'ensemble. Ne vaudrait-il pas mieux expérimenter avant d'imposer ? Ne pourrait-on pas lancer un appel à projets dans des territoires volontaires, pour tester des filets sociaux hors facture et des standards de maillage de points d'apport volontaire adaptés ? Ce pourrait être une première étape.
La gestion des déchets constitue l'un des grands défis, non seulement de la transition écologique, bien sûr, mais aussi de la cohésion territoriale. Je le rappelle à mon tour, chaque Français produit en moyenne près de 580 kilogrammes de déchets ménagers par an. Ce chiffre, qui a doublé depuis les années 1960, illustre à quel point nos modes de vie ont évolué. À l'évidence, les déchets sont devenus une question de société.
Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir un débat utile : celui de la justice sociale dans la gestion des déchets. Mais elle crée trop d'incertitudes et de contraintes pour être adoptée en l'état.
Nous devons soutenir nos collectivités territoriales, non leur imposer des règles si difficiles à appliquer. Si nous voulons réduire la production de déchets tout en améliorant la gestion de ces derniers, nous devons opter pour une politique lisible, condition sine qua non d'une action efficace. Une telle politique se résume en quatre verbes : sensibiliser, réduire, trier et accompagner. Tel est le cap que nous voulons défendre.
Les élus du groupe Union Centriste voteront contre cette proposition de loi, conformément aux observations formulées par M. le rapporteur de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les précédents orateurs l'ont rappelé, la gestion des déchets représente un coût considérable pour nos collectivités territoriales.
L'efficacité des éco-organismes reste à démontrer : nous ne parvenons pas à réduire davantage la quantité de déchets produits et les dépôts sauvages se multiplient. Bref, ce vaste sujet mériterait d'être repensé selon une logique systémique.
Les auteurs de cette proposition de loi entendent réformer le financement et l'organisation des services publics locaux de gestion des déchets.
Outre la question de la faisabilité même des mesures proposées, qu'il s'agisse de la transmission de données médicales personnelles ou de l'installation d'un point d'apport volontaire pour 200 habitants, ce texte pose pour nous, membres du groupe Les Indépendants, un problème d'efficacité écologique.
L'OCDE est formelle : l'instrument le plus efficace pour réduire les déchets ménagers, c'est la tarification incitative.
Depuis 2006, puis avec les lois Grenelle 1 et 2, le législateur a introduit une part incitative permettant de moduler le montant de la Teom et de la Reom en fonction de la quantité ou de la nature des déchets produits, ainsi que du nombre d'enlèvements.
Cette logique est compréhensible par tous. Elle découle du principe du pollueur-payeur, qui encourage à adopter un comportement plus vertueux, plus éco-responsable, et elle se révèle efficace. Selon l'Ademe, les collectivités territoriales ayant mis en place la tarification incitative constatent en moyenne une baisse de 30 % du volume des ordures résiduelles.
Dans ces conditions, pourquoi instaurer une modulation en fonction des revenus ? On invoque la justice sociale, mais il ne revient pas aux politiques environnementales de traiter des inégalités sociales. Non seulement les revenus n'ont aucun rapport avec la gestion des déchets, mais cette mesure constitue une véritable injustice sociale.
Mes chers collègues, vous dites que nous devons « payer collectivement la facture », mais c'est inexact. En réalité, que faites-vous ? Vous divisez la société en catégories…
Mme Cécile Cukierman. Eh oui, il y a des pauvres et des riches en France ! Je n'y suis pour rien !
Mme Vanina Paoli-Gagin. … et vous demandez à certaines d'entre elles de payer davantage, indépendamment du service rendu ou du comportement individuel.
Pour ma part, je m'interroge. Si le communautarisme vient s'immiscer jusque dans les poubelles des Français, où va-t-on ? (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Marie-Claude Varaillas. Oh là là…
Mme Cécile Cukierman. Mais quelle mauvaise foi !
Mme Vanina Paoli-Gagin. On peine à trouver la cohérence d'ensemble de vos propositions.
Mme Catherine Belrhiti. Eh oui !
Mme Vanina Paoli-Gagin. Vous appelez à taxer les super-riches tout en faisant les poches des classes moyennes. Mais même si vous parvenez à les faire payer davantage, votre action sera sans incidence sur la quantité totale d'ordures ménagères produites. Avec cette proposition de loi, vous souhaitez contribuer à « conduire une transition écologique ». Or on ne peut pas mieux renoncer aux objectifs environnementaux.
La fiscalité environnementale agit comme un rappel permanent de notre responsabilité individuelle. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Elle est efficace si elle est directement liée à la pollution ou à la quantité de déchets. Si nous sortons de cette logique en instaurant des objectifs redistributifs, l'effet incitatif s'estompera mécaniquement. L'objectif de réduction des déchets deviendra secondaire, si tant est qu'il survive.
J'y insiste, l'amélioration de notre gestion des déchets appelle une approche globale et même systémique.
Nous devons appliquer une taxation incitative, sans dépasser un seuil acceptable, afin d'éviter les contournements et les dépôts sauvages.
Nous devons, de surcroît, déployer d'autres solutions, à condition qu'elles soient réellement accessibles, comme la multiplication des points d'apport, le tri, le compostage, la valorisation, notamment énergétique, et la réduction des emballages. Surtout, nous devons faire œuvre de pédagogie.
Dans ce cadre, on peut bel et bien réfléchir à une prise en compte de la composition du foyer ou des besoins particuliers de ses membres dans leur évolution temporelle, via des aides ou des compensations. Toutefois, ces critères ne peuvent être appliqués a priori. Ils ne sauraient donc entrer dans le calcul de la taxe ou de la redevance pour enlèvement des ordures ménagères.
Mes chers collègues, en mélangeant justice sociale et écologie, l'on ne peut que perdre sur les deux tableaux. Ne compromettons pas nos objectifs environnementaux au nom d'une posture purement idéologique.
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            