Sommaire
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
Garantir la qualité des services de gestion des déchets
Rejet d'une proposition de loi
proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets
(À suivre)
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
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Garantir la qualité des services de gestion des déchets
Rejet d'une proposition de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, la discussion de la proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 221, résultat de travaux n° 50, rapport n° 49).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi.
Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un Français produit en moyenne huit fois son poids en déchets ménagers chaque année, ce qui représente 615 kilogrammes par habitant, un chiffre en hausse de plus de 4 % en dix ans. Près de la moitié sont des ordures ménagères résiduelles non triées et non revalorisées.
En quarante ans, la quantité de déchets produits par les ménages a doublé, entraînant une hausse continue des coûts liés à la collecte et au traitement. Entre 2000 et 2022, ces dépenses sont ainsi passées de 9,4 milliards d'euros à 21,6 milliards d'euros.
La collecte et le traitement des ordures ménagères sont un service public indispensable et particulièrement visible lorsqu'il n'est pas assuré. En effet, les grèves des éboueurs nous rappellent à quel point sont essentiels ces femmes et ces hommes « que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », disait le Président de la République en 2020.
Il serait évidemment tout à fait souhaitable de réduire la production des déchets à la source en luttant contre le suremballage, contre le gaspillage et contre les incitations publicitaires à acheter des produits qui sont finalement jetés sans avoir été consommés ou utilisés. Les gouvernements successifs ayant été assez timides sur la question, malgré quelques avancées récentes sur la fast fashion, les collectivités sont confrontées à cette question cruciale de la collecte et du traitement des déchets et doivent chercher elles-mêmes la bonne formule pour en réduire la production.
La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement et la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dites lois Grenelle, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) ont fixé des objectifs, dont celui, prioritaire, de la réduction de la production de déchets.
À cette fin, la tarification incitative devait concerner 15 millions d'habitants en 2020 et 25 millions d'habitants en 2025. Ce système, qui lie la tarification au volume de production de déchets, a vocation à encourager les usagers à modifier leurs comportements : diminuer leur production de déchet, trier davantage et adopter un mode de consommation plus responsable.
Selon la Cour des comptes, en 2022, quelque 6 millions de Françaises et de Français étaient concernés par la tarification incitative, et 200 collectivités l'avaient mise en place selon le principe du pollueur-payeur.
Cette incitation peut prendre la forme d'une taxe ou d'une redevance.
La taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (Teomi) est toujours déterminée en fonction de la valeur locative du logement, mais on lui assortit une part variable liée au volume de déchets produits.
La redevance d'enlèvement des ordures ménagères incitative (Reomi) est directement liée au service rendu. Elle comporte une part variable et une part calculée en fonction du volume des déchets produits et de la composition des foyers. Elle peut inclure un nombre de levées annuel. Auquel cas, le service est facturé directement par la collectivité gestionnaire.
La majorité des collectivités ayant instauré une tarification incitative ont choisi la redevance, qui, à en croire le rapport du commissariat général au développement durable, donne de meilleurs résultats. En effet, alors que la production de déchets est réduite à 234 kilogrammes par habitant dans les collectivités appliquant la taxe incitative, ce chiffre diminue à 134 kilogrammes dans les collectivités ayant opté pour la redevance incitative.
À Besançon, par exemple, la redevance incitative, couplée à d'autres dispositifs de sensibilisation, a permis de réduire de moitié la production de déchets depuis 2008.
Les méthodes de calcul de ces deux types de taxation sont différentes, mais aucune n'est liée au niveau de revenu du foyer. Cela pose des problèmes de justice sociale qui n'étaient pas forcément visibles lorsque le coût d'enlèvement des ordures ménagères ne représentait qu'une part marginale du budget des familles.
Or, comme je l'ai évoqué en commission, un rapport du Sénat de 2014 a révélé que la contribution des usagers avait déjà quadruplé entre 1990 et 2010. L'État étant en pleine recherche de nouvelles recettes, il ne cesse d'augmenter la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Au bout de la chaîne, les conséquences pour le contribuable sont lourdes.
Au 1er janvier 2025, la TGAP s'élevait à 65 euros la tonne pour les déchets enfouis et à 41 euros la tonne pour les déchets incinérés. Pour ce qui concerne les déchets enfouis, elle pourrait passer de 65 euros à 105 euros la tonne en 2030.
Le montant perçu par l'État au titre de cette taxe dépasse actuellement 1,3 milliard d'euros. Mais, il faut le dire, ces recettes ne sont malheureusement pas utilisées pour aider les collectivités à assurer leurs dépenses d'investissement destinées, notamment, à améliorer le tri.
Le surcoût de gestion de ce service pour les collectivités est estimé entre 240 millions et 450 millions d'euros d'ici à 2030, selon qu'elles parviendront ou non à enfouir moins de déchets et à réaliser les investissements nécessaires.
Le projet de loi de finances (PLF) 2026 n'est pas de nature à nous rassurer. Il prévoit une nouvelle baisse du fonds vert, dont l'un des objets est de financer les actions contribuant à réduire la production d'ordures ménagères résiduelles, notamment la généralisation du tri à la source et la valorisation des biodéchets.
Alors que les crédits du fond vert ont été divisés par deux entre 2024 et 2025, passant de 2,5 milliards d'euros à 1,15 milliard d'euros, ils devraient de nouveau être divisés par deux ou presque en 2026. Ce désengagement de l'État pèse sur la fiscalité locale et, bien entendu, ce sont les contribuables qui paient la facture.
Dans le même temps, il faut savoir que la France, en raison de la non-atteinte de ses objectifs de recyclage, a dû régler en 2023 une amende de 1,5 milliard d'euros à l'Union européenne au titre de la contribution plastique.
Si le passage à la tarification incitative repose sur un principe d'égalité devant les charges, il a des répercussions sur certains usagers. Je pense en particulier aux familles nombreuses, qui produisent inévitablement plus de déchets, mais aussi, par exemple, aux personnes vivant seules dans une grande maison et assujetties à une taxe foncière élevée.
Aussi, face à ces situations, il nous paraît opportun de permettre aux collectivités gestionnaires d'inclure des critères sociaux dans l'élaboration de leurs grilles tarifaires. Selon une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), près de la moitié des collectivités qui sont passées en tarification incitative ont réduit la production d'ordures ménagères résiduelles de 30 % à 50 %.
Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) a publié en 2024 un rapport intitulé Faire de la transition écologique un levier de l'inclusion sociale, réalisé en partenariat avec l'Agence de l'environnement, de l'Ademe et le soutien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ce document souligne que la transition écologique est porteuse de risques sociaux pour les plus modestes, qu'il convient d'anticiper et de prévenir.
Nous ne pouvons fermer les yeux sur le coût de ce service, qui est supporté par les collectivités et se répercute sur les usagers. Cette réalité, je la vis dans mon département, la Dordogne, où des associations d'usagers se sont créées pour réclamer davantage de justice et d'équité à la suite de la mise en place de la redevance incitative, qui a conduit à supprimer le porte-à-porte et à installer des points d'apport volontaire (PAV).
Cette contestation étant légitime, elle essaimera certainement ailleurs – nous en entendons d'ailleurs déjà parler –, d'autant plus que le coût de la vie devient de plus en plus élevé et que les salaires, évidemment, ne suivent pas.
La proposition de loi que je vous propose résulte d'une expérience, d'un vécu, d'observations de terrains. Elle a pour but essentiel de permettre aux collectivités qui le souhaitent d'instaurer une tarification sociale. Actuellement, la réglementation ne les autorise pas à le faire pour les déchets, alors qu'elle le permet pour les services de l'eau, de la petite enfance, ou encore des transports.
Or les familles nombreuses et modestes ne sont pas les seules à être touchées ; les ménages avec enfants en bas âge, les personnes incontinentes et/ou âgées le sont aussi. Il en va de même pour les associations caritatives comme les Restos du Cœur, qui doivent, après tri, prendre en charge financièrement les rebuts des dons alimentaires des grandes surfaces.
La guerre des poubelles aura-t-elle lieu ? Je le crois si nous continuons à ignorer la colère de nos concitoyens, qui constatent que plus ils trient, plus ils paient. Si ces derniers sont convaincus de la nécessité de réduire leurs déchets, ils vivent d'autant plus mal le coût de la collecte qu'il devient insupportable pour certaines familles.
Nous devons faire de la transition écologique un levier de solidarité, plutôt qu'un facteur d'inégalités.
À l'article 1er, nous matérialisons le principe d'égalité en créant une tarification sociale tenant compte des revenus et de la composition des ménages. Et non, monsieur le rapporteur, je ne crois pas que cette tarification sociale puisse être comprise comme un droit à produire davantage de déchets. Au contraire, cette mesure de justice sociale est l'une des voies menant à l'apaisement, en ce qu'elle évitera des incivilités et des dépôts sauvages.
Quant à devoir fournir des données telles que sa situation fiscale ou médicale pour profiter de la mesure, nous savons que la collectivité gestionnaire est tenue par le droit au respect de la confidentialité.
L'article 2, qui impose un point d'apport volontaire pour 200 habitants pour un meilleur maillage, j'affirme qu'il est conforme à l'avis du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 6 décembre 2023.
À mes nombreux collègues qui cherchent actuellement à réaliser des économies budgétaires, je tiens à dire que cette proposition de loi n'est pas de nature à leur compliquer la tâche. Elle a pour seul objectif de permettre aux élus qui le souhaitent d'instaurer, par délibération, une tarification incitative sociale adaptée à leur territoire.
À l'aune de la promesse d'une nouvelle étape de décentralisation, il s'agit simplement de faire confiance aux élus locaux en respectant le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
Mme Marie-Claude Varaillas. Mes chers collègues, je serai attentive à l'ensemble de nos échanges et me tiendrai disponible tout au long du débat pour vous convaincre de la pertinence de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Paccaud, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat pour votre baptême dans cet hémicycle !
Madame la présidente, mes chers collègues, la collecte, le transport et le traitement des déchets constituent un défi logistique, écologique et surtout budgétaire pour nos territoires.
Chaque année, ce sont environ 559 kilogrammes de déchets ménagers par personne qui sont collectés. Ces seize dernières années, nous avons réduit notre production de déchets de seulement 5 %. Pour le dire très explicitement, nous ne parvenons plus à réduire significativement les quantités de déchets que nous produisons en France.
Face à de tels enjeux, le législateur a intelligemment choisi de faire confiance à nos collectivités, qui sont les plus à même de déterminer l'organisation et le mode de financement les plus appropriés au service public de gestion des déchets. En effet, nous avons qu'il existe un lien direct entre la quantité de déchets et le financement de leur collecte.
Les communes peuvent décider d'assumer l'intégralité de la compétence, mais c'est devenu très rare : ce n'est plus le cas que de six communes en France, majoritairement insulaires. Le choix le plus courant est de transmettre à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un syndicat mixte soit l'ensemble de la compétence, soit la seule partie transport et traitement.
Depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), la compétence collecte et traitement des déchets ménagers est une obligation pour les EPCI, qui peuvent aussi faire le choix – ils le font de plus en plus souvent – de se regrouper au sein d'un syndicat mixte.
Pour résumer, en France, 1 169 structures, qui peuvent être des communes, des EPCI ou des syndicats mixtes, sont chargées d'assurer la collecte, le transport ou le traitement des déchets.
Afin de financer l'exercice de leur compétence, ces structures disposent d'une relative latitude.
Elles peuvent choisir de faire reposer le financement sur les contribuables par le biais de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Celle-ci n'est pas calculée sur le volume de déchets générés par chaque foyer, mais résulte de l'application d'un taux, librement fixé par la collectivité et corrélé à la valeur locative du bien qui sert de base à la taxe foncière. Ce choix a été fait par 63 % des 1 169 collectivités ou groupements compétents.
Ce mode de financement présente l'avantage de favoriser une relative – j'insiste sur ce mot – équité sociale : plus la valeur locative du bien est élevée, plus le coût du service l'est aussi. En revanche, il décorrèle le montant payé du service, et donc de la quantité de déchets produits, ce qui n'incite pas les usagers à limiter leur production de déchets.
Les collectivités peuvent également décider d'instaurer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom), proportionnelle au service rendu, donc à la quantité de déchets émise par le foyer. Ce mécanisme présente l'inconvénient de ne pas du tout tenir compte de la valeur du bien immobilier – donc, indirectement, les moyens dont dispose le foyer – pour déterminer le montant à régler, mais il pousse à réduire la production de déchets.
La volonté du législateur de réduire la quantité de déchets ménagers produits l'a conduit à prévoir, pour chacune de ces deux modalités de financement, une part incitative. L'idée est de faire payer une part fixe aux ménages, forfaitaire, et une part variable, ce qui les incite à réduire la quantité de déchets ultimes et à mieux trier les déchets valorisables comme les emballages et les biodéchets.
Dans les faits, même si la Teomi et la Reomi, c'est-à-dire la Teom et la Reomi incitatives, connaissent une certaine progression, elles restent globalement peu fréquentes : dans la pratique 72 % des Français sont assujettis à la Teom classique, c'est-à-dire sans part incitative.
Tout comme elles sont relativement libres d'organiser et de financer cette compétence comme elles l'entendent, les collectivités jouissent d'une certaine marge de manœuvre concernant les modalités de collecte.
Même si des contraintes existent selon la densité de population, les collectivités ont globalement le choix entre différentes formes de collecte. La collecte en porte-à-porte est bien sûr la plus répandue, mais nos territoires se sont adaptés en créant d'autres modes de collecte.
Je ne vais pas toutes les citer, mais vous connaissez par exemple la collecte souterraine pneumatique, la collecte par voie fluviale, la collecte multiflux, la collecte de biodéchets, la collecte des encombrants, la collecte des déchets d'équipements électriques et électroniques, la reprise des déchets par le distributeur, ou encore les fameux points d'apport volontaire (PAV), que cette proposition de loi cherche à généraliser massivement.
Face à cette très grande variété des situations, qui reflète la diversité de nos territoires et de nos usages, nos collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ont déposé une proposition de loi dont je tiens à dire qu'elle a le mérite de soulever des enjeux extrêmement importants, même si, dans sa grande majorité, la commission des finances ne partage pas les solutions qu'elle préconise.
Que cherchent à faire les auteurs de cette proposition de loi et pourquoi ne nous semble-t-il pas opportun de l'adopter, en tout cas en l'état ?
Cette proposition de loi est censée donner aux collectivités la faculté de moduler le montant de la Reom ou de la part incitative de la Teom en fonction de certains critères sanitaires ou sociaux : les revenus du foyer, le nombre de personnes qui y vivent ou la présence d'une personne qui « connaît des problèmes de santé entraînant une production élevée de déchets ».
Je reconnais le caractère séduisant de cette démarche. Après tout, il ne s'agit que d'ouvrir une faculté et, de prime abord, les critères évoqués semblent légitimes. Mais après avoir creusé la question, je suis convaincu que cette disposition serait la source de très nombreuses difficultés pratiques. Les auditions que j'ai conduites m'ont conforté dans ce point de vue.
Tout d'abord, l'instauration d'une tarification incitative sur critères sociaux, si elle se traduit par un droit renforcé à produire davantage de déchets lorsque l'on a moins de moyens, risque paradoxalement de favoriser une hausse de la production de déchets. (Mme Marie-Claude Varaillas et M. Alexandre Basquin protestent.) Elle pourrait donc, je le dis comme je le pense, avoir un effet contre-productif sur l'environnement.
Ce n'est pas parce que l'on a moins de revenus que l'on ne peut pas diminuer sa production de déchets. Nous devons tous, quels que soient nos revenus, chercher à réduire la quantité de déchets que nous produisons.
Néanmoins, ce n'est pas le seul problème que pose le texte : permettre aux collectivités de tenir compte des revenus pour déterminer le montant de la Reom ou de la Teom supposerait une clarification des organismes ayant accès à des informations aussi confidentielles que la situation fiscale des foyers concernés. Nous voyons bien les questions de confidentialité en cascade que poserait un tel mécanisme.
C'est d'autant plus gênant que la rédaction proposée ne signifie absolument pas que le montant de la Reom ou de la Teom va diminuer pour les personnes aux revenus modestes. Ce n'est pas précisé.
Mme Cécile Cukierman. Il fallait déposer un amendement !
M. Olivier Paccaud, rapporteur. J'ai lu et relu l'article 1er, et sa rédaction peut simplement signifier que le montant de la Reom ou de la Teom acquittée par les classes moyennes ou les plus aisés pourra augmenter, ce qui ne répondra pas à l'objectif de réduire le nombre d'impayés.
En ce qui concerne les problèmes de santé entraînant une production élevée de déchets, il semblerait que la proposition de loi vise principalement les personnes incontinentes, auxquelles vous avez fait référence. Or la rédaction proposée couvre des situations beaucoup plus nombreuses, qui nous laissent imaginer toutes les difficultés de tarification que cela créerait.
Comment mesurerait-on la part des déchets liés à l'incontinence ? Comment garantirions-nous le respect du secret médical, à moins de solliciter un certificat médical, que les personnes concernées seront peut-être réticentes à fournir ?
Au bout du compte, ne risquons-nous pas de complexifier la situation et de compliquer la tâche de nos collectivités, qui n'ont vraiment pas besoin de nouvelles normes – sur ce point, elles sont malheureusement bien dotées ! Le mot « hypercomplexification » a d'ailleurs été prononcé à de très nombreuses reprises lors des auditions que nous avons menées.
J'ai la même lecture des autres dispositions de la proposition de loi. Le texte vise à rendre obligatoire, lorsque la collecte s'appuie sur des points d'apport volontaire, la mise à disposition par les collectivités d'au moins un PAV pour 200 habitants.
Un tel maillage minimal serait extrêmement contraignant pour les collectivités, alors même que, dans la majorité des cas, la collecte des déchets, en particulier celle des ordures ménagères résiduelles, repose surtout sur des modalités mixtes alliant apport volontaire et collecte en porte-à-porte.
Par ailleurs, est-il adéquat de retenir la même densité pour tout le territoire national ? Reconnaissez que 200 habitants en zone urbaine, ce n'est pas pareil que 200 habitants en zone rurale… M. Fournier le sait très bien, et je ne parle même pas de la montagne ! (Sourires.) Vous imaginez le nombre de bacs de collecte qu'il faudrait dans les grandes villes pour respecter ce critère ? Rue de Vaugirard, il en faudrait un tous les cinquante mètres ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)
Même si je partage une partie du diagnostic, je reste sceptique sur le dispositif. Ne contraignons pas davantage les décideurs locaux dans leurs choix de gestion par des politiques coûteuses pour les collectivités ! Le droit actuel est de nature à répondre à la variété des situations, même si cela suppose un dialogue permanent, et je ne sous-estime pas les difficultés qui peuvent naître ici ou là.
Enfin, l'instauration d'un comité des usagers prévue à l'article 3 est a priori satisfaite par le droit existant. Il n'est donc pas nécessaire de légiférer sur ce point.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je reconnais à cette proposition de loi le mérite de lancer le débat, mais la commission des finances vous propose de rejeter chacun de ses articles, ainsi que les deux amendements – une fois, bien sûr, que le débat aura eu lieu ! (MM. Stéphane Le Rudulier et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Michel Fournier, ministre délégué auprès de la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est en effet la première fois que j'ai l'honneur de m'exprimer devant votre assemblée, et je suis heureux que ce soit sur un sujet aussi concret et essentiel pour nos territoires que celui de la gestion de nos déchets.
La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui ouvre un débat important, celui de la qualité du service rendu à nos concitoyens et des conditions dans lesquelles nos collectivités peuvent l'assurer durablement. Le Gouvernement en partage bien sûr pleinement l'objectif, même s'il diverge sur les moyens proposés, à commencer par l'instauration, à l'article 1er, d'une tarification sociale du service public de gestion des déchets.
Cette proposition part d'une volonté que nous partageons toutes et tous : celle d'une plus grande équité pour les ménages les plus modestes. Mais, comme l'a justement rappelé M. le rapporteur, il nous semble qu'elle ne constitue pas la réponse la plus adaptée à cet objectif.
En effet, la tarification incitative vise à responsabiliser les usagers, en faisant varier leur contribution selon la quantité de déchets produits. Son objectif est donc non pas de moduler la charge fiscale, mais d'encourager la réduction à la source. Y introduire des critères sociaux reviendrait à détourner le dispositif de sa vocation première et, surtout, à brouiller le signal adressé aux citoyens, à savoir que moins l'on produit, moins l'on paie.
Cette proposition pourrait aussi créer une rupture d'égalité devant la charge publique, en introduisant une différence de traitement sans lien direct avec la finalité environnementale du dispositif. Elle instaurerait également un traitement différencié entre les territoires, puisque chaque collectivité pourrait déterminer les critères socio-économiques qu'elle considère justifiés.
Mme Cécile Cukierman. Cela s'appelle la différenciation !
M. Michel Fournier, ministre délégué. Les obstacles techniques et juridiques sont également majeurs. Comment identifier précisément les foyers éligibles à un tarif social ? Comment articuler ce mécanisme avec les modalités actuelles de calcul de la Teom ou de la Reom, établies par les services fiscaux sur la base de la taxe foncière ? Comment traiter les situations particulières liées à des problèmes de santé générant une production accrue de déchets spécifiques ?
Ces difficultés, qui ont été largement soulignées lors des auditions menées par le rapporteur, nourrissent la crainte légitime d'une complexification pour les collectivités locales.
En définitive, cette réforme serait difficile à appliquer, peu lisible pour les usagers et fragile sur le plan juridique. Néanmoins, il est possible de répondre au souci de solidarité qui l'inspire en actionnant d'autres leviers, plus efficaces et déjà opérationnels.
Je pense notamment aux aides sociales locales des centres communaux d'action sociale (CCAS) ou des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) pour les foyers les plus modestes, ou encore au fonds de solidarité logement, qui a vocation à aider les ménages en difficulté à payer, par exemple, la Teom ou la Reom. (Marques d'agacement sur les travées du groupe CRCE-K.)
Ainsi, tout en saluant l'intention de justice sociale qui sous-tend cette proposition, le Gouvernement sera défavorable à l'article 1er, par cohérence avec l'objectif environnemental et la clarté d'action qui doivent guider la politique publique des déchets.
En ce qui concerne l'article 2, qui prévoit d'imposer un maillage obligatoire des points d'apport volontaire, le Gouvernement partage également le constat du rapporteur : appliquer une règle uniforme à toutes les situations ne semble pas satisfaisant.
Le cadre juridique actuel est clair. L'article R. 2224-26 du code général des collectivités territoriales confie au maire ou, plus souvent, au président du groupement compétent, la responsabilité d'établir, par arrêté, les modalités de collecte des déchets. Il appartient donc aux communes ou, plus fréquemment, à leurs groupements d'adapter aux besoins du territoire le nombre et la taille des points d'apport volontaire qu'ils implantent.
Il serait pour le moins délicat d'imposer un ratio national, en l'occurrence un point d'apport pour 200 habitants, dans une commune comme la mienne, où l'habitat est dispersé. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Cela reviendrait à nier la diversité des situations locales et à limiter la marge d'appréciation des élus locaux, qui savent mieux que nous, à Paris, quel maillage est le plus pertinent pour leur territoire.
C'est d'autant plus vrai que les collectivités disposent souvent de modes de collecte complémentaires : lorsqu'une collecte en porte-à-porte est assurée, le besoin de points d'apport volontaire s'en trouve naturellement réduit.
En réalité, et je vous le dis en tant qu'élu local, mesdames, messieurs les sénateurs, une telle disposition introduirait une contrainte supplémentaire, à rebours de la demande constante des élus locaux d'une plus grande souplesse dans la fixation des règles de collecte.
Mme Marie-Claude Varaillas. C'est bien le sujet !
M. Michel Fournier, ministre délégué. Plutôt que d'imposer un seuil rigide, le Gouvernement estime préférable de renforcer l'accompagnement technique des collectivités, avec l'appui des agences et des services de l'État dans les territoires, en développant des outils méthodologiques d'aide à la décision, ainsi que, le cas échéant, un accompagnement sur site.
Cette approche pragmatique permettrait, je le crois très profondément, d'adapter le maillage aux réalités de tous les territoires, auxquels il faut faire confiance – je sais que c'est un principe important au sein de votre assemblée –, sans alourdir inutilement le cadre législatif. C'est pourquoi nous sommes également défavorables à cette mesure.
Mme Marie-Claude Varaillas. Bien sûr…
M. Michel Fournier, ministre délégué. Enfin, l'article 3 de cette proposition de loi crée un comité des usagers du service public des déchets. Là encore, l'intention est louable : associer davantage les citoyens à la définition et à l'évaluation du service public local.
C'est vrai, une telle démarche répond à une aspiration forte de nos concitoyens – être mieux informés et davantage impliqués dans la gestion des politiques publiques qui les concernent directement. Mais le droit en vigueur permet déjà une telle association.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Eh oui !
M. Michel Fournier, ministre délégué. Dans les communes et les intercommunalités les plus importantes, l'article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) impose la création d'une commission consultative des services publics locaux.
Cette instance associe les citoyens à la gestion de l'ensemble des services publics, dont celui de la collecte et du traitement des déchets. J'ajoute qu'elle dispose de larges prérogatives : la majorité de ses membres peut, par exemple, demander l'inscription à l'ordre du jour de toute proposition visant à améliorer le service de gestion des déchets.
Dans les communes plus petites, une telle commission n'est pas obligatoire.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En effet !
M. Michel Fournier, ministre délégué. Toutefois – j'en sais quelque chose –, le lien entre le maire et les habitants y est plus direct. Le dialogue entre le premier et les seconds est plus souple,…
Mme Cécile Cukierman. Plus violent aussi…
M. Michel Fournier, ministre délégué. … parfois plus informel, dans une logique de proximité, mais tout aussi efficace.
La proximité reste, dans ces territoires, le meilleur garant de la participation citoyenne. (Mme Marie-Claude Varaillas manifeste son désaccord.)
En outre, un autre article du même code permet à tout conseil municipal de créer un comité consultatif afin d'examiner un problème d'intérêt communal, quel qu'il soit. Ces comités, auxquels peuvent être associés des représentants d'associations ou des habitants, peuvent être consultés sur les services publics ou les équipements de proximité.
Autrement dit, l'outil juridique existe déjà : il appartient aux collectivités territoriales de s'en saisir si elles le souhaitent.
Dans ce contexte, un comité supplémentaire ne renforcerait pas nécessairement la participation citoyenne. En créant une telle instance, on risquerait surtout de superposer une nouvelle fois des dispositifs, au détriment de la clarté et de l'efficacité de la concertation locale. Gardons à l'esprit que nos concitoyens ne comprennent pas toujours le fonctionnement de nos collectivités territoriales.
C'est pourquoi le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'article 3,…
Mme Cécile Cukierman. La démocratie n'est donc pas le maître mot du Gouvernement ?
M. Michel Fournier, ministre délégué. … tout en reconnaissant l'importance d'une gouvernance ouverte et d'un dialogue constant avec les usagers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les discussions suscitées par ce texte montrent que, en la matière, nous visons tous le même objectif : inciter à la diminution de la production de déchets.
Si ce service ne répond pas encore pleinement aux ambitions de réduction et de valorisation, le progrès ne passe pas nécessairement par de nouvelles obligations législatives. (M. le rapporteur acquiesce.)
La solution réside avant tout dans l'adaptation locale des outils existants, la prise en compte des réalités du terrain et la mise en œuvre de politiques pragmatiques…
Mme Cécile Cukierman. Parlons-en du pragmatisme !
M. Michel Fournier, ministre délégué. … et de pédagogies adaptées. Elle repose aussi sur le partage des bonnes pratiques, la coopération entre collectivités territoriales et la valorisation des initiatives qui réussissent.
C'est dans cet esprit d'efficacité, de confiance et de responsabilité partagée que le Gouvernement souhaite poursuivre le dialogue avec les collectivités territoriales, et bien entendu avec vous, parlementaires,…
M. Michel Fournier, ministre délégué. … pour faire du service public des déchets un levier durable de la transition écologique et de la cohésion territoriale. Vous pouvez donc compter sur notre pleine mobilisation.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. Les représentants du « socle commun » pourraient applaudir… (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Basquin.
M. Alexandre Basquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est important que nous puissions débattre aujourd'hui de cette proposition de loi, qui, selon moi, relève du bon sens.
Il est vrai que la gestion des déchets est parfois particulièrement nébuleuse. En la matière, il y a pour ainsi dire autant de façons de faire que de territoires, qu'il s'agisse du traitement des déchets, de leur valorisation, des mesures incitatives ou des formes d'imposition.
S'y ajoute un grand paradoxe, qui, lui, se vérifie partout : plus on trie, plus on paie. Il en résulte beaucoup de frustration chez bon nombre d'usagers, qui, alors même qu'ils multiplient les efforts, voient augmenter leur taxe ou leur redevance. Quant aux collectivités territoriales gestionnaires, elles voient constamment augmenter le montant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
Or, pour d'autres, le marché des déchets est une aubaine. Il se révèle ainsi particulièrement lucratif pour de grands acteurs privés comme Veolia et Suez (Mme Marianne Margaté approuve.), dont les activités respectives pèsent, en France, 3 et 2,5 milliards d'euros par an. Il me semble important de le rappeler.
En déposant cette proposition de loi, nous avons répondu à une demande exprimée par de nombreuses collectivités territoriales. En outre, nous avons tâché de répondre à des considérations à la fois environnementales et sociales.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales assoient la gestion des déchets sur la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, parfois en fixant une part incitative.
Bien sûr, l'incitation est louable, l'objectif restant de diminuer la production de déchets en responsabilisant les particuliers. Mais la tarification incitative n'en présente pas moins deux angles morts.
Premièrement, ce choix frappe durement les familles comptant des enfants en bas âge, les familles nombreuses, les personnes âgées, les personnes incontinentes, les personnes en situation de handicap – bref, les personnes les plus fragilisées, qui produisent des déchets du fait, non pas de leur consommation, mais de leur condition.
Deuxièmement, un certain nombre de personnes, qui peinent à se déplacer ou ne peuvent tout simplement pas le faire, n'ont par définition pas accès aux points d'apport volontaire. C'est précisément pourquoi l'on assiste à la recrudescence des dépôts sauvages comme du brûlage, bien que ces pratiques soient interdites. Monsieur le ministre, étant issu de la ruralité, vous connaissez bien ces problèmes.
Il convient donc de trouver de nouvelles solutions pour éviter ces écueils : c'est tout le sens de cette proposition de loi.
Nous entendons soutenir à la fois nos concitoyens et les collectivités territoriales en assurant la massification des points d'apport. De plus, les collectivités territoriales qui le souhaitent doivent pouvoir mettre en œuvre une tarification sociale, pour plus de justice. Elles disposent d'ailleurs déjà de cette faculté pour financer les secteurs publics de l'eau et des transports.
Mes chers collègues, beaucoup d'entre nous ont été maires avant d'être élus sénateurs : nous le savons bien, de nombreuses communes optent, de même, pour des tarifications différenciées, qu'il s'agisse des crèches, des centres de loisirs, des cantines scolaires ou des voyages des aînés.
De tels choix ne pèsent pas sur l'organisation pratique ou juridique des services. Ils ne créent pas de complexification administrative. En revanche, ils évitent que les politiques municipales ne deviennent excluantes. C'est tout le sens de cette proposition de loi, en faveur de laquelle il me semble possible de trouver une voie de consensus.
Monsieur le ministre, tout d'abord, ces dispositions ne coûteront pas un kopeck à l'État. Elles ne coûteront absolument rien !
Ensuite, le présent texte se fonde sur le principe de libre administration des collectivités territoriales : charge à ces dernières de mettre en œuvre ou non la tarification sociale dont il s'agit.
Je sais que vous êtes un ardent défenseur de la libre administration des collectivités territoriales et de la confiance envers les élus locaux. Je suis donc assez surpris de la position que vous venez d'exprimer – comme quoi, parfois, le pouvoir change les hommes…
Enfin, cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans le nouvel acte de décentralisation récemment annoncé par M. le Premier ministre et défendu par l'Association des maires ruraux de France (AMRF).
Avec ce texte, nous voulons donner de nouveaux leviers à nos collectivités territoriales. Ces dernières doivent être en phase avec les aspirations de leurs habitants, avec leurs réalités géographiques et avec leurs différentes problématiques.
Mes chers collègues, on ne peut pas toujours parler sans jamais agir in fine : c'est également le sens de notre texte. Or, des discours aux actes, il n'y a qu'un pas. Personnellement, je ne vois pas ce que l'on peut nous objecter pour rejeter cette proposition de loi, à moins que l'on ne s'en tienne à de simples postures... (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les déchets produits par l'homme ont évidemment changé de nature au fil du temps, au gré de l'évolution de nos sociétés et de nos modes de vie. Aujourd'hui, ils sont l'une des traces matérielles de notre entrée dans l'anthropocène, ère marquée par l'avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre.
Le déchet est partout. La production annuelle de déchets solides a dépassé 2 milliards de tonnes dans le monde et devrait atteindre 3,4 milliards de tonnes en 2050.
Preuve ultime de cette surproduction, des traces de microplastiques se retrouvent à plus de 2 000 mètres sous le niveau de la mer comme dans les régions reculées de l'Arctique, dans la fosse des Mariannes ou encore au sommet du mont Everest.
Face à de tels constats, nous devons avant tout nous interroger sur la production de cette masse de déchets, conséquence du suremballage, de la surconsommation et de l'avènement du tout-plastique, ainsi que du tout-jetable.
Toutefois, cette proposition de loi de Marie-Claude Varaillas et de ses collègues du groupe communiste ne porte pas sur l'amont, mais sur l'aval. Elle vise en effet à garantir la qualité des services de gestion des déchets.
Commençons par saluer le dépôt du présent texte, qui introduit un critère de justice sociale dans la tarification incitative du traitement des déchets.
Dans un contexte d'augmentation des coûts, il est impératif d'éviter que ces hausses ne pèsent lourdement sur les ménages les plus modestes ou vulnérables. Une telle démarche, même incitative, n'a pas à alourdir les dépenses contraintes de ces foyers.
Aussi, cette proposition de loi ouvre la voie à une modulation sociale du tarif de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ou de la part incitative de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Le calcul retenu tiendrait compte des revenus, de la composition du foyer et des éventuels problèmes de santé de ses membres, s'ils entraînent une forte production de déchets.
Les auteurs du présent texte entendent, entre autres, répondre à la situation inquiétante et largement documentée de la gestion des déchets en Dordogne. Dans ce département, dont Mme Varaillas est élue, la qualité de service se dégrade ; dans le même temps, les coûts ont explosé pour les usagers, notamment du fait du recours à la Reom.
Nous saluons la philosophie et les objectifs de ce texte, mais nous aurions aimé approfondir le travail engagé. Notre collègue député Sébastien Peytavie, lui aussi élu de la Dordogne, a justement déposé une proposition de loi sur ce même sujet. Le projet de loi de finances (PLF) nous donnera aussi l'occasion de revenir sur ces questions, lors de l'examen des amendements.
Au sujet du mode de collecte, nous pourrions saluer l'article 2, qui fixe pour objectif minimal un point d'apport volontaire pour 200 habitants. Cela étant, nous estimons que le choix de ce maillage relève de la libre administration des collectivités territoriales.
Les auteurs du présent texte ont le mérite de pointer les impasses de certains modes de collecte et de leurs tarifs. Mais, si nous voulons réellement réduire la production de déchets, il est impératif de faire contribuer davantage les premiers producteurs, à savoir les industriels.
Nous devons appliquer pleinement le principe du pollueur-payeur. À cette fin, il existe une solution dont nous, écologistes, sommes les inlassables partisans : la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dite amont, applicable aux produits manufacturés qui ne bénéficient d'aucune filière de récupération. Il s'agit là d'une taxe affectée aux collectivités territoriales pour soutenir la revalorisation locale.
En parallèle, il est crucial de mieux encadrer l'activité des éco-organismes, tout en les fiscalisant en cas de non-atteinte de leurs objectifs de gestion des déchets et de prévention. Il n'est pas juste que les collectivités territoriales et, in fine, les usagers supportent les coûts liés aux défaillances du système de responsabilité élargie des producteurs (REP).
En résumé, cette proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons. Mais nous appelons maintenant à changer de braquet, pour concilier les impératifs de réduction des déchets et de justice sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de loi entendent moduler le calcul de la redevance spéciale pour financer le service public d'enlèvement des déchets suivant des critères sociaux de revenus, de composition du ménage ou encore d'état de santé des membres du foyer.
Ils redoutent que l'alourdissement de la fiscalité locale liée aux déchets ne provoque une nouvelle vague de protestation. Dans cette logique, la tarification incitative serait un levier pour contenir l'explosion sociale.
L'article 1er introduit donc une « tarification sociale » de la redevance sur les déchets, l'exemple le plus souvent cité étant celui des couches, qu'il s'agisse des personnes incontinentes, notamment du quatrième âge, ou des plus jeunes enfants.
Pour les familles, ce poste de dépenses fait désormais l'objet d'une double peine. Non seulement ces produits d'hygiène de première nécessité sont devenus très onéreux à l'achat, mais ils alourdissent, à la charge des usagers, la fiscalité sur le coût de la gestion des déchets auxquels ils donnent lieu. Or les intéressés ne peuvent se passer de ces produits du quotidien.
M. le rapporteur l'a rappelé, la commission des finances a rejeté ce texte, préférant un adossement de la redevance à l'évolution des valeurs locatives cadastrales. Elle a refusé toute modulation sociale et s'est opposée à l'obligation, pour les collectivités territoriales, d'installer de nouveaux points d'apport volontaire par tranche de 200 habitants.
Pour ma part, je relève une contradiction. Nous voulons favoriser les politiques publiques pour accroître la natalité et maintenir nos aïeux à domicile ; or, en pratique, nous multiplions des taxes plutôt que de recourir à l'impôt local, dont nous avons supprimé une part importante en mettant fin à la taxe d'habitation.
Depuis lors, les impôts locaux ont certes baissé, mais on a multiplié et augmenté les taxes dans tous les domaines.
Mme Cécile Cukierman. Exactement ! Trop de taxes et pas assez d'impôts !
M. Christian Bilhac. On n'augmente pas les impôts, mais on augmente les taxes… Le contribuable peine à voir la différence, je puis vous l'assurer ! (Sourires.)
Si la redevance proposée via ce texte est incitative, elle reste peu équitable, malgré l'introduction de critères sociaux. Le principe du pollueur-payeur trouve ici sa limite : celle de l'acceptabilité sociale.
La gestion des déchets doit entrer dans une logique de politique publique collective, grâce à la mise en œuvre d'une TGAP amont. Ce ne sont pas les consommateurs qui produisent les déchets, ce sont les industriels. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme Marie-Claude Varaillas. Parfait !
M. Christian Bilhac. Plus largement, je m'interroge sur le modèle économique de la filière des déchets. À la fin, en effet, c'est toujours le consommateur qui paie. S'il achète un appareil électroménager ou je ne sais quel équipement électrique, c'est le consommateur qui paie. De même, s'il fait des travaux dans sa salle de bains, ce n'est pas la filière qui paie, c'est lui, alors même qu'il acquitte la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Ce secteur de l'économie circulaire représente 2,3 milliards d'euros de contributions. Mais il faut y ajouter près de 470 millions d'euros au titre du fonds vert, du fonds économie circulaire et du programme d'investissements d'avenir (PIA) ; je n'oublie pas non plus les coûts de fonctionnement les différents organiques de contrôle – l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale de la prévention des risques (DGPR), le contrôle général économique et financier (CGefi), ainsi que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
En résumé, tout le monde fait tout, mais personne n'est responsable. Plus personne n'y comprend rien et l'on ne sait pas si les objectifs sont atteints !
Bref, je suis personnellement favorable au lancement d'une réflexion, en vue de financer les services publics locaux par une taxe de résidence – avec un tel intitulé, on évitera de froisser ceux qui ont soutenu la suppression de la taxe d'habitation…
Il est grand temps de clarifier l'action publique dans ce domaine. Les taxes que l'on multiplie depuis quelque temps sont forcément inéquitables, car elles imposent à tout le monde de payer le même montant, quel que soit le revenu.
Certes, ce texte n'est pas parfait, mais il mérite d'être voté, car il permettra d'atténuer un tant soit peu, pour les familles, le coût du traitement des ordures ménagères. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et CRCE-K. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi part d'une bonne intention. En effet, dans ce domaine, nous visons tous les mêmes objectifs : moins de déchets, plus de tri, un service public lisible et équitable.
À ce titre, l'intention que traduit ce texte – introduire davantage de justice sociale – mérite d'être saluée. Nous sommes tous conscients que la quantité de déchets ménagers et assimilés produits par habitant est en constante progression et que ces volumes historiques pèsent lourdement sur nos finances locales.
Toutefois, une bonne intention ne suffit pas toujours pour élaborer un excellent dispositif. La commission des finances l'a rappelé, ce texte présente un certain nombre de fragilités. À cet égard, les membres du groupe Union Centriste s'associent aux alertes émises par notre rapporteur, Olivier Paccaud, que je salue.
Bien sûr, nous ne rejetons ni l'objectif social ni l'exigence de qualité du service. En revanche, les moyens que proposent les auteurs de ce texte nous laissent sceptiques. Ils ne nous paraissent pas les bons, puisqu'ils risquent d'affaiblir les dispositifs existants plus qu'ils ne pourraient les renforcer.
La tarification incitative repose sur un principe vertueux, rappelé par M. le rapporteur : celui du pollueur-payeur.
Le présent texte part d'un constat juste : ce système peut avoir des effets inéquitables, notamment pour les familles nombreuses ou pour les personnes présentant des besoins spécifiques, par exemple médicaux. Mais, si l'on tente de traiter ces situations en modulant la redevance selon les revenus, la composition du foyer ou l'état de santé, l'on risque fort de soulever de sérieux problèmes pratiques et juridiques. On se heurtera, en particulier, à trois réalités.
Premièrement, en transformant la tarification incitative en tarification « socialement compensée », l'on risque d'affaiblir l'incitation. La tarification incitative repose sur une logique simple : moins je jette, moins je paie. À force d'exceptions, on finit par réduire l'incitation, donc par augmenter les tonnages. La question de l'efficacité environnementale de la mesure se pose alors : ne risque-t-on pas d'obtenir l'effet inverse ?
Deuxièmement, en autorisant l'accès à certaines informations fiscales et médicales, l'on ouvrirait en quelque sorte une boîte de Pandore. Qui sera chargé d'assurer la collecte, ainsi que le contrôle, et sous quelles garanties de confidentialité ? Selon nous, les réponses dont nous disposons aujourd'hui ne sont pas suffisamment robustes.
Troisièmement, et enfin, nos collectivités territoriales sont déjà confrontées à beaucoup d'obligations. Ajouter un tel barème social reviendrait à alourdir les procédures et, peut-être, à multiplier les contentieux, en tout cas à réduire la lisibilité du dispositif pour l'usager. Dès lors, on risquerait d'accroître encore le millefeuille administratif, que nous dénonçons tous. On irait ainsi à rebours de l'objectif de simplification de l'action publique.
Nous sommes favorables à la logique de solidarité. Mais les actions mises en œuvre à ce titre doivent être lisibles et bien ciblées. Aussi, ce texte ne nous semble pas offrir la meilleure réponse.
Il en est de même du maillage national des points d'apport. Fixer le ratio uniforme d'un point d'apport volontaire pour 200 habitants, c'est, nous semble-t-il, sous-estimer la diversité de nos territoires.
Chacun doit en avoir conscience : selon que l'on se trouve dans un hypercentre urbain, dans un territoire rural à habitat dispersé ou encore dans une zone de montagne, pour ne citer que ces espaces, les contraintes de foncier, de voirie, de sécurité et de coûts ne sont pas les mêmes.
Au total, 58 % de la population relèvent déjà de systèmes mixtes, mêlant apport volontaire et porte-à-porte. En outre, 20 % de nos concitoyens vivent dans des territoires où la collecte des déchets est intégralement assurée via le porte-à-porte. Une norme unique serait coûteuse et sans doute contre-productive.
Pour notre part, nous faisons confiance aux élus locaux pour adapter au mieux l'offre de gestion des déchets sur la base des contraintes qui leur sont propres.
Je le répète, appliquer une norme uniforme dans ce domaine, c'est courir le risque d'une inefficacité d'ensemble. Ne vaudrait-il pas mieux expérimenter avant d'imposer ? Ne pourrait-on pas lancer un appel à projets dans des territoires volontaires, pour tester des filets sociaux hors facture et des standards de maillage de points d'apport volontaire adaptés ? Ce pourrait être une première étape.
La gestion des déchets constitue l'un des grands défis, non seulement de la transition écologique, bien sûr, mais aussi de la cohésion territoriale. Je le rappelle à mon tour, chaque Français produit en moyenne près de 580 kilogrammes de déchets ménagers par an. Ce chiffre, qui a doublé depuis les années 1960, illustre à quel point nos modes de vie ont évolué. À l'évidence, les déchets sont devenus une question de société.
Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir un débat utile : celui de la justice sociale dans la gestion des déchets. Mais elle crée trop d'incertitudes et de contraintes pour être adoptée en l'état.
Nous devons soutenir nos collectivités territoriales, non leur imposer des règles si difficiles à appliquer. Si nous voulons réduire la production de déchets tout en améliorant la gestion de ces derniers, nous devons opter pour une politique lisible, condition sine qua non d'une action efficace. Une telle politique se résume en quatre verbes : sensibiliser, réduire, trier et accompagner. Tel est le cap que nous voulons défendre.
Les élus du groupe Union Centriste voteront contre cette proposition de loi, conformément aux observations formulées par M. le rapporteur de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les précédents orateurs l'ont rappelé, la gestion des déchets représente un coût considérable pour nos collectivités territoriales.
L'efficacité des éco-organismes reste à démontrer : nous ne parvenons pas à réduire davantage la quantité de déchets produits et les dépôts sauvages se multiplient. Bref, ce vaste sujet mériterait d'être repensé selon une logique systémique.
Les auteurs de cette proposition de loi entendent réformer le financement et l'organisation des services publics locaux de gestion des déchets.
Outre la question de la faisabilité même des mesures proposées, qu'il s'agisse de la transmission de données médicales personnelles ou de l'installation d'un point d'apport volontaire pour 200 habitants, ce texte pose pour nous, membres du groupe Les Indépendants, un problème d'efficacité écologique.
L'OCDE est formelle : l'instrument le plus efficace pour réduire les déchets ménagers, c'est la tarification incitative.
Depuis 2006, puis avec les lois Grenelle 1 et 2, le législateur a introduit une part incitative permettant de moduler le montant de la Teom et de la Reom en fonction de la quantité ou de la nature des déchets produits, ainsi que du nombre d'enlèvements.
Cette logique est compréhensible par tous. Elle découle du principe du pollueur-payeur, qui encourage à adopter un comportement plus vertueux, plus éco-responsable, et elle se révèle efficace. Selon l'Ademe, les collectivités territoriales ayant mis en place la tarification incitative constatent en moyenne une baisse de 30 % du volume des ordures résiduelles.
Dans ces conditions, pourquoi instaurer une modulation en fonction des revenus ? On invoque la justice sociale, mais il ne revient pas aux politiques environnementales de traiter des inégalités sociales. Non seulement les revenus n'ont aucun rapport avec la gestion des déchets, mais cette mesure constitue une véritable injustice sociale.
Mes chers collègues, vous dites que nous devons « payer collectivement la facture », mais c'est inexact. En réalité, que faites-vous ? Vous divisez la société en catégories…
Mme Cécile Cukierman. Eh oui, il y a des pauvres et des riches en France ! Je n'y suis pour rien !
Mme Vanina Paoli-Gagin. … et vous demandez à certaines d'entre elles de payer davantage, indépendamment du service rendu ou du comportement individuel.
Pour ma part, je m'interroge. Si le communautarisme vient s'immiscer jusque dans les poubelles des Français, où va-t-on ? (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Marie-Claude Varaillas. Oh là là…
Mme Cécile Cukierman. Mais quelle mauvaise foi !
Mme Vanina Paoli-Gagin. On peine à trouver la cohérence d'ensemble de vos propositions.
Mme Catherine Belrhiti. Eh oui !
Mme Vanina Paoli-Gagin. Vous appelez à taxer les super-riches tout en faisant les poches des classes moyennes. Mais même si vous parvenez à les faire payer davantage, votre action sera sans incidence sur la quantité totale d'ordures ménagères produites. Avec cette proposition de loi, vous souhaitez contribuer à « conduire une transition écologique ». Or on ne peut pas mieux renoncer aux objectifs environnementaux.
La fiscalité environnementale agit comme un rappel permanent de notre responsabilité individuelle. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Elle est efficace si elle est directement liée à la pollution ou à la quantité de déchets. Si nous sortons de cette logique en instaurant des objectifs redistributifs, l'effet incitatif s'estompera mécaniquement. L'objectif de réduction des déchets deviendra secondaire, si tant est qu'il survive.
J'y insiste, l'amélioration de notre gestion des déchets appelle une approche globale et même systémique.
Nous devons appliquer une taxation incitative, sans dépasser un seuil acceptable, afin d'éviter les contournements et les dépôts sauvages.
Nous devons, de surcroît, déployer d'autres solutions, à condition qu'elles soient réellement accessibles, comme la multiplication des points d'apport, le tri, le compostage, la valorisation, notamment énergétique, et la réduction des emballages. Surtout, nous devons faire œuvre de pédagogie.
Dans ce cadre, on peut bel et bien réfléchir à une prise en compte de la composition du foyer ou des besoins particuliers de ses membres dans leur évolution temporelle, via des aides ou des compensations. Toutefois, ces critères ne peuvent être appliqués a priori. Ils ne sauraient donc entrer dans le calcul de la taxe ou de la redevance pour enlèvement des ordures ménagères.
Mes chers collègues, en mélangeant justice sociale et écologie, l'on ne peut que perdre sur les deux tableaux. Ne compromettons pas nos objectifs environnementaux au nom d'une posture purement idéologique.
Mme Cécile Cukierman. Vous n'avez pas de leçon à donner en la matière !
Mme Vanina Paoli-Gagin. Les élus du groupe Les Indépendants ne pourront donc pas soutenir ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de loi prônent la modulation du montant de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ou de la part incitative de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Cette modulation dépendrait de critères sanitaires et sociaux, comme la composition du foyer, les revenus de ce dernier ou encore la présence d'une personne ayant des problèmes de santé entraînant une production plus élevée de déchets.
Ces critères peuvent donner l'impression d'un traitement plus équitable. Mais a-t-on songé à la complexité de leur application et à leur caractère intrusif, qu'il s'agisse des données fiscales ou des informations médicales ?
Comment le respect des secrets médical et fiscal serait-il assuré ? Qui serait chargé de collecter ces données ? À ce titre, le présent texte n'apporte aucune précision.
J'ajoute que cette tarification sociale pourrait présenter un effet paradoxal, en accordant un droit à produire davantage de déchets.
Mme Marie-Claude Varaillas. Mais bien sûr…
Mme Catherine Belrhiti. Dès lors, elle risquerait de favoriser l'augmentation globale de leur volume, à rebours des objectifs de sobriété et de limitation de production de déchets.
De plus, une modulation ne signifierait pas nécessairement une baisse du montant de la redevance ou de la taxe pour les ménages modestes. Mme Paoli-Gagin le relevait à l'instant, elle pourrait même conduire à une augmentation pour les classes moyennes ou les foyers les plus aisés. Ces perspectives ne peuvent qu'être source de tensions et d'incompréhensions.
En parallèle, les auteurs du présent texte veulent imposer l'installation d'un point d'apport volontaire pour 200 habitants. Cette intention peut sembler louable, mais elle méconnaît les différentes formes de dépôt des déchets. Surtout, un tel système serait inapplicable.
Ainsi, selon l'Ademe, 3 % de la population seulement vit dans un territoire où les ordures ménagères résiduelles sont collectées exclusivement par apport volontaire.
Plus de la moitié de la collecte des déchets en France repose sur des systèmes mixtes, qui combinent collecte en porte-à-porte et points d'apport volontaire. Il est donc nécessaire de faire du sur-mesure et de ne pas imposer de contraintes inutiles à certains territoires, notamment les zones rurales ou de montagne, qui se verraient confrontés à des coûts d'investissement élevés.
Les élus locaux sont les mieux à même d'adapter les dispositifs aux contraintes géographiques et aux usages de leurs concitoyens.
Très présente aux côtés des élus, défendant le pragmatisme et l'intelligence du terrain, je souhaite vous présenter l'exemple du tri et de la collecte des déchets dans mon territoire, le pays de Sarrebourg, qui sont organisés par la communauté de communes.
Une concertation entre le pôle des déchets du pays de Sarrebourg, les élus et les habitants a permis la mise en place d'une gestion harmonieuse. Les habitants disposent de bacs pucés et sont soumis à une redevance incitative qui encourage la réduction des ordures à la source. Le dispositif s'appuie également sur un maillage de points d'apport volontaire, qui a été décidé non par obligation, mais par rationalité. Il s'agit là d'un exemple concret de gestion locale responsable et solidaire, au service de la transition écologique.
La concertation avec les habitants est régulière et ne repose pas sur un comité des usagers du service public de gestion des déchets, que la présente proposition de loi vise à instituer. Du reste, les commissions consultatives des services publics locaux ou encore les comités consultatifs municipaux prévus par le code général des collectivités territoriales existent déjà.
Alors que nous cherchons à rationaliser le paysage des instances locales, pourquoi créer une structure supplémentaire ? Loin de renforcer la participation citoyenne, une telle mesure viendrait alourdir encore les procédures pour des collectivités déjà soumises à de multiples obligations de concertation.
Mes chers collègues, ce texte ne répond ni à l'enjeu de simplification ni à celui de l'efficacité. Il multiplie les dispositifs inapplicables et crée la confusion dans le financement du service public. Nous lui préférons une approche fondée plutôt sur la confiance, la souplesse et la responsabilité que sur les contraintes et la complexité.
C'est pourquoi, tout en saluant la qualité du débat, le groupe Les Républicains ne votera pas en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui procède d'une intention que nous pouvons tous partager : améliorer la qualité du service public de gestion des déchets et rendre son financement plus juste.
Personne dans cet hémicycle ne conteste l'importance de la réduction des déchets ni la nécessité d'instaurer un système plus équitable pour les usagers. Cependant, ainsi que cela arrive parfois, un fossé sépare la bonne intention du bon instrument législatif, et, malheureusement, cette proposition de loi tombe dedans.
Le texte nous propose une modulation sociale de la taxe et de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Teom et Reom), en fonction du revenu, de la composition du foyer ou encore de l'état de santé de ses occupants, avec pour objectif affiché de corriger les injustices qui touchent les familles nombreuses, les foyers modestes ou les personnes malades.
L'intention est louable, mais le dispositif, à bien des égards, est mal conçu et juridiquement risqué.
Tout d'abord, la Teom et la Reom ont un objet strictement technique : elles financent un service public, celui de la collecte et du traitement des déchets ; elles n'ont pas vocation à devenir des outils de redistribution sociale.
En liant leur montant aux revenus des ménages, on rompt le lien direct entre le coût du service rendu et la contribution demandée. Les précédents sont clairs : un impôt technique ne peut se transformer en outil social sans trahir son objet. En somme, il emporterait un effet potentiellement contre-productif, car des revenus moindres ne signifient pas une moindre production de déchets.
Ensuite, la proposition est financièrement imprudente. Le service public de gestion des déchets représente plus de 13 milliards d'euros par an et pèse lourdement sur les budgets communaux et intercommunaux.
Or cette réforme serait engagée sans la moindre étude d'impact, sans chiffrage, sans évaluation de son coût, ni pour les collectivités ni pour l'État, qui devrait compenser les éventuelles pertes de recettes. En d'autres termes, il nous est demandé de voter un texte fiscal sans en connaître le coût. S'agissant d'un sujet aussi sensible, le procédé paraît pour le moins léger.
Si cette réflexion devait véritablement être ouverte, le vecteur approprié serait un projet de loi gouvernemental étayé par une étude d'impact complète, non une proposition de loi de niche.
Enfin, le texte prévoit d'autres mesures accessoires : un nombre plancher de points d'apport volontaire et la création d'un comité des usagers dont la composition serait fixée par décret. Nous sommes là aussi face à des dispositions non évaluées et mal calibrées.
Mes chers collègues, nous partageons l'ambition d'une gestion plus sobre, plus efficace et plus équitable de nos déchets. Pour autant, ce texte ne répond pas à ces objectifs : il ne corrige pas les injustices, il en crée de nouvelles ; il ne simplifie pas, il hypercomplexifie ; il ne sécurise pas, il fragilise.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) estime que la justice sociale ne saurait s'inviter par effraction au sein des taxes techniques. Si l'on souhaite renforcer la solidarité, il faut le faire au moyen des bons outils : la fiscalité générale, l'aide ciblée, l'accompagnement social. Ne déréglons pas un système déjà fragile et coûteux pour nos collectivités.
C'est pourquoi, tout en saluant l'intention qui anime ses auteurs, le groupe RDPI votera contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi de notre collègue Marie-Claude Varaillas et du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
D'aucuns pourraient considérer qu'il s'agit d'un sujet purement technique, presque banal. En réalité, le texte que nous examinons est profondément politique, car il touche à trois questions essentielles : l'écologie, la justice sociale et le service public.
La politique des déchets est devenue inéquitable. Depuis des années, la France produit toujours plus de déchets : 343 millions de tonnes en 2022, dont 11 % sont issus des ménages. Cela représente pour chacun d'entre nous près d'une tonne par an.
Pour y faire face, l'État et les collectivités ont mis en place une tarification incitative, fondée sur le principe du pollueur-payeur. L'idée est juste ; elle vise à encourager chacun à produire moins et à trier mieux. Sur le plan écologique, le dispositif fonctionne : là où il est appliqué, la production d'ordures ménagères baisse de 31 % en moyenne.
Sur le plan social, toutefois, la réalité est plus dure. Ce dispositif pénalise ceux qui ont moins : les familles nombreuses, les personnes âgées, les foyers modestes ; ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter en vrac ni de réduire davantage leurs déchets ; en somme, ceux pour qui la sobriété est non pas un choix, mais une contrainte du quotidien.
Nous aspirons à une écologie juste, mais pas punitive. C'est cette injustice que le texte de notre collègue vise à corriger. Je tiens, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à saluer son initiative.
L'article 1er ouvre la possibilité d'une modulation sociale de la taxe ou de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, instaurant ainsi une tarification sociale des déchets, sur le modèle de celle qui existe déjà, rappelons-le, pour l'eau. Autrement dit, chacun paiera en fonction de ses moyens, et pas uniquement en fonction de son bac. Il s'agit d'une idée de bon sens, profondément républicaine, car la transition écologique ne saurait donner lieu à une nouvelle forme d'injustice.
Contrairement à ce que l'on entend parfois, ce texte ne crée pas d'obligation nouvelle : il donne simplement la liberté aux collectivités qui le souhaitent d'introduire cette modulation. Il offre donc une option sociale et locale, mais n'impose aucune contrainte.
Mme Marie-Claude Varaillas. Exactement !
Mme Frédérique Espagnac. Il nous faut adapter la politique des déchets au territoire. L'article 2 traite des points d'apport volontaire. Là encore, l'intention est bonne : rendre le tri plus simple et plus accessible. Attention, toutefois, à ne pas appliquer la même règle partout.
Mme Marie-Claude Varaillas. Absolument !
Mme Frédérique Espagnac. Un point d'apport pour 200 habitants est une cible sans doute atteignable dans les métropoles, mais pas dans nos campagnes, nous le savons bien, et évidemment pas dans les communes de montagne. Nous serons attentifs à ce que ce texte tienne compte de cette diversité territoriale.
L'égalité républicaine, ce n'est pas la même norme pour tous ; c'est la garantie que chacun, où qu'il vive, puisse accéder au même service.
Il importe à ce titre de donner une voix aux citoyens, et l'article 3 crée un comité des usagers du service public des déchets.
Certains affirmeront qu'il s'agit encore d'une commission de plus, ou que celle-ci existe déjà. En réalité, il y a là une belle idée démocratique : donner la parole à ceux qui utilisent le service, qui subissent parfois ses manques et qui, souvent, en savent plus que nous sur la réalité du terrain me paraît important. Ce comité, s'il est bien conçu, pourra devenir un vrai lieu de dialogue entre les élus, les techniciens et les citoyens. Mes chers collègues, cela offre une richesse démocratique que nous aurions tort de négliger.
Le texte qui nous est soumis est donc utile, juste et cohérent. Il ne bouleverse pas la loi, il ne renverse pas la table, mais il envoie un message fort : on peut faire de l'écologie sans oublier la justice sociale. Il rappelle que les politiques environnementales ne réussiront que si elles sont acceptées et partagées.
Soyons lucides : si la transition écologique se traduit par plus d'inégalités, elle échouera. Elle suscitera le rejet, la colère, la méfiance, et nous perdrons le sens même du mot « écologie », qui devrait rimer avec « solidarité ». Le service public doit être notre boussole.
Un mot sur la philosophie d'ensemble de ce texte. Cette proposition relève d'une idée que nous partageons profondément : la foi dans un service public fort, accessible à tous, qui protège les plus faibles et accompagne les transitions.
La gestion des déchets est un service du quotidien, qui dit beaucoup de la qualité de notre République dans la vie concrète des gens. Quand ce service fonctionne bien, il renforce la confiance ; quand il devient injuste, il alimente le sentiment d'abandon sur nos territoires. Oui, il faut une politique des déchets efficace, mais celle-ci doit être humaine, équitable et territorialisée. Ce texte y contribue.
Le message de cette proposition est simple : la transition écologique n'a de sens que si elle est socialement juste ; elle n'a d'avenir que si elle est territorialement équitable ; elle ne sera durable que si elle est démocratiquement partagée.
C'est pourquoi, fidèle à ses valeurs, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte, qui incarne une écologie de responsabilité, une écologie de solidarité et une écologie qui ne punit pas, mais qui protège. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets
Article 1er
I. – L'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le tarif de la redevance peut être modulé en fonction du niveau du revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au sein de leur foyer ou si une personne vivant au sein du foyer connaît des problèmes de santé entraînant une production élevée de déchets. »
II. – Après la deuxième phrase du troisième alinéa du A du I de l'article L. 1522 bis du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Ils peuvent être modulés en fonction des revenus du contribuable et de la composition de son foyer ou si une personne vivant au sein du foyer connaît des problèmes de santé entraînant une production élevée de déchets. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Je vous remercie, mes chers collègues, car après quatorze ans de mandat, j'avais parfois le sentiment d'une certaine banalité au Sénat.
Ainsi, je considérais par défaut que la libre administration des collectivités territoriales était un point acquis ou qu'une disposition autorisant ceux qui le souhaitent à agir répondait à l'objectif de différenciation, si souvent évoqué ici. Mais voilà : à la fin d'une discussion générale comme celle-ci, je me rends compte que tel n'est pas le cas !
Nous recevons des leçons selon lesquelles nous nous complairions dans une posture, mais je prie ceux qui les délivrent de me pardonner : eux-mêmes se sont drapés dans leurs propres postures, à commencer par vous, monsieur le rapporteur !
Ains, dès le départ, vous avez rejeté ce texte, alors même que la coutume sénatoriale privilégie, pour ce type de propositions de loi, l'échange et l'examen des amendements susceptibles d'être déposés pour traiter les quelques irritants que le texte pourrait recéler.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Dès lors, il aurait fallu déposer lesdits amendements !
Mme Cécile Cukierman. Ensuite, j'ai entendu dire qu'une taxe était technique. Je tiens à rassurer ceux qui pourraient nous écouter : les taxes, comme les impôts, sont le fruit de décisions politiques, elles ne sont en rien techniques. Nous pouvons donc, si nous le souhaitons, les colorer de justice sociale.
Encore faut-il reconnaître que, dans notre pays, il y a des pauvres et des riches et que la différence est essentielle en la matière : les pauvres ne choisissent pas leurs déchets de la même manière que les plus riches, et l'impact de ce poste sur le budget du ménage n'a pas la même incidence dans les deux situations.
J'ai finalement entendu exprimer le besoin d'une écologie véritablement punitive, de la part même de ceux qui n'ont eu de cesse, pendant six ans, d'attaquer les maires écologistes en les accusant eux-mêmes de pratiquer l'écologie punitive !
Vous le voyez, mes chers collègues, nous en apprenons beaucoup à travers cette proposition de loi : la droite sénatoriale ne veut rien changer et renonce à offrir la liberté aux communes qui le souhaitent. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, sur l'article.
Mme Marianne Margaté. Le thème de la justice fiscale est au cœur du débat, au moment où nos collègues de l'Assemblée nationale discutent du budget de l'État.
Dans ce budget, d'ailleurs, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) augmente encore et pourrait atteindre 105 euros la tonne en 2030, contre 65 euros aujourd'hui. Elle pèse sur les collectivités et, par conséquent, sur les usagers du service de collecte et de traitement des déchets.
L'article 1er aborde le problème de la répartition des coûts. Qui paie ? La taxe est acquittée en fonction de la valeur locative d'un logement ; la redevance, en fonction de la composition du ménage et de l'utilisation du service. Dans les deux cas, la solution est imparfaite, parce qu'elle est injuste.
Une question de justice fiscale se pose dans le pays, car une grande majorité de Français a le sentiment de payer pour les autres. Lorsque l'on cotise ou que l'on paie l'impôt, cela finance, en effet, des services dont on ne bénéficie pas forcément soi-même, mais qui répondent à un besoin d'intérêt général.
Ces contributions doivent toutefois également être calculées en fonction des moyens de chacun. Or tel n'est pas le cas de la redevance dont nous débattons, qui ne s'appuie sur aucun critère de ressources. La taxe, quant à elle, s'appuie sur la valeur patrimoniale du logement. Ce n'est guère plus juste, mais cela constitue tout de même un indice de valeur, quand la redevance, en ne prenant en compte ni le revenu ni le patrimoine, fait payer tout le monde de la même façon.
Cette égalité stricte est bien loin de l'équité, laquelle doit rester le fondement et le ciment de notre société, si nous souhaitons que celle-ci soit véritablement solidaire. Ce défaut de solidarité érode la cohésion sociale dans le pays et crée un sentiment d'injustice. Il nous faut défendre davantage de justice fiscale.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument !
Mme Marianne Margaté. Ce principe vaut également pour les déchets.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons évidemment cet article 1er.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, sur l'article.
M. Gérard Lahellec. Cet article constitue évidemment le cœur de la proposition de loi, qui intègre la possibilité de moduler la tarification de la redevance, afin de la rendre plus juste. Celle-ci dépendra toujours de l'usage qui sera fait du service, puisque tel est son principe, mais elle tiendra compte également des ressources des usagers.
C'est aussi une façon de faire fonctionner l'incitation, aussi bien pour les plus pauvres que pour les plus riches. En effet, un tarif de 5 euros pour le dépôt d'un sac supplémentaire ne représente pas la même charge pour une famille qui vit avec un Smic que pour un couple sans enfant disposant de deux salaires de 5 000 euros mensuels chacun. Je prends volontairement pour exemple ces deux situations très opposées, mais non moins réalistes, qui illustrent bien l'intention de cette proposition de loi et de son article 1er.
En apportant davantage de justice fiscale à nos ambitions écologiques, nous rendons la transition écologique acceptable. L'article 1er répond donc à cette problématique, et ce, de manière satisfaisante, puisqu'il laisse aux collectivités la possibilité de moduler la tarification en fonction de critères et d'objectifs de leur choix.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Basquin, sur l'article.
M. Alexandre Basquin. Cet article constitue le point nodal de la philosophie de notre proposition de loi.
Tout d'abord, j'y insiste, sa mise en œuvre est laissée à la libre appréciation des collectivités locales. Pour ma part, je me refuse à danser au bal des faux-culs ! (Exclamations.) On ne saurait parler constamment de libre administration et d'actes de décentralisation et, dans le même temps, fermer la porte à la première proposition de loi qui va dans ce sens !
Je vous le dis, mes chers collègues, le dispositif prévu dans ce texte relève de la volonté des collectivités, alors qu'il nous faut créer les conditions pour que celles-ci exercent pleinement leur administration.
D'ailleurs, monsieur le ministre, cette proposition est largement soutenue par les maires ruraux de Dordogne. Je tenais à vous le signaler, car nous devons nous garder de tenir un double discours.
Enfin, et surtout, s'agissant de la question des déchets, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut en produire et en jeter moins. C'est là une évidence. Pour autant, des conditions, notamment sanitaires et sociales, empêchent parfois d'aller dans ce sens. Gardons à l'esprit que les personnes malades ou en difficulté se voient imposer une double peine en étant surtaxées précisément parce qu'elles consomment des produits qui ne sont malheureusement pas recyclables.
Cette proposition vise ainsi à lutter contre une injustice de fait et une injustice de condition.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Je ne m'étendrai pas plus avant, car il me semble que la discussion générale a été de qualité et que la plupart des arguments ont été présentés par les partisans comme par les opposants de ce texte.
Néanmoins, certaines expressions entendues dans les récentes prises de parole me paraissent peu dignes du Sénat : jeune homme, vous évoquez « le bal des faux-culs » ? De tels propos de tribune sont méprisants et ont, à mon sens, dépassé votre pensée. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Alexandre Basquin. Il s'agissait de prendre position contre le déterminisme social !
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Mon cher collègue, je ne vous ai pas interrompu, et je vous rappelle que nous accueillons un public !
M. Laurent Burgoa. Cela n'est pas digne du Sénat, nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale !
M. Olivier Paccaud, rapporteur. L'expression « bal des faux-culs » m'est restée en travers de la gorge, car ni le ministre ni aucun de nos collègues ici présents ne sont des faux-culs !
J'ai auditionné une dizaine de structures. Contrairement à ce qui a été affirmé, je ne me suis jamais drapé dans une posture.
Si j'ai émis un avis défavorable, partagé par la quasi-unanimité de la commission des finances, c'est parce que les trois arguments types qui ont été développés par le ministre, par M. Vincent Capo-Canellas ou par Mme Vanina Paoli-Gagin revenaient comme une ritournelle chez toutes les personnes auditionnées : l'hypercomplexification du système, alors que nos intercommunalités souffrent malheureusement de cette surabondance de normes ; la déresponsabilisation de ceux qui pourraient bénéficier d'un tel dispositif ; enfin, la confidentialité des données d'ordre fiscal ou médical.
Il me semble, dès lors, que nous avons là l'exemple type de la fausse bonne idée. Oui, le texte partait d'une bonne intention, et il aurait été perfectible. Mais encore fallait-il déposer des amendements en ce sens, jeunes gens ! Nous les attendons toujours. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est la meilleure, celle-là !
Mme Cécile Cukierman. C'est lunaire ! Depuis quand le rapporteur lui-même ne dépose-t-il aucun amendement ? Je n'ai jamais vu cela !
Mme la présidente. Mes chers collègues, ces écarts de langage ne correspondent pas au ton du Sénat. Je vous invite donc à rester corrects dans votre expression. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Belrhiti. Je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l'article 33. Je ne suis pas ici pour me faire insulter. Les propos de notre collègue ne sont pas acceptables !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Arrêtez donc un peu, c'est une expression, vous le savez bien !
Mme Catherine Belrhiti. Non, ce n'est pas une expression !
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. Je tiens à souligner l'intérêt de cette proposition de loi, laquelle repose sur une idée tout à fait louable et qui revêt une grande signification sociétale, car ce sujet est important et mérite respect et reconnaissance.
Le rapporteur, ainsi que nous l'avons constaté en commission des finances, a accompli un travail considérable. Cela suscite des réactions, mais nous sommes en démocratie, et la Haute Assemblée respecte la démocratie sous toutes ses formes.
Concernant la redevance en cause, il n'existe aucun système idéal, nous le savons bien, nous qui sommes tous, par ailleurs, des élus locaux. La redevance peut être bonne ou mauvaise ; la taxe, c'est encore autre chose. Entrent en compte des sentiments d'injustice et des questions d'équité. Nous y prêtons attention, et, pour ma part, je partage et respecte les points de vue exprimés à ce sujet.
Il convient aussi de sensibiliser nos concitoyens. Car, si nous prônons le tri sélectif et l'écologie – je partage tout à fait ce point de vue –, malheureusement, tout le monde ne le pratique pas encore, et il reste beaucoup à faire en la matière. Je songe aux dépôts sauvages, mais aussi aux maires qui sont en difficulté face aux incivilités et à tout ce qui en découle. IL s'agit d'un travail de fond.
D'un autre côté, sur le plan financier, les impayés constituent également un problème pour la perception.
Pour rester cohérent avec le respect que j'ai pour le groupe auteur de ce texte, je m'abstiendrai sur l'article 1er, ainsi que sur l'ensemble du texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, sur l'article.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le rapporteur, je souhaite apporter une précision, avec tout le respect qui vous est dû.
Vous avez souhaité m'entendre en commission des finances et, lors de mon audition, vous m'avez distribué L'Essentiel avant même que nous n'entamions la réunion d'examen de votre rapport.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Non !
Mme Marie-Claude Varaillas. J'ai tout de suite ouvert la dernière page et j'ai compris : la décision avait déjà été prise. Je me suis sentie rajeunir : j'ai eu le sentiment d'être une élève qui passait le baccalauréat, mais qui n'obtenait qu'un zéro pointé. J'ai trouvé tout de même cette manière quelque peu cavalière.
Quant à la complexification, nous y sommes confrontés tous les jours. J'étais présidente en charge de l'habitat dans mon département. Avez-vous déjà essayé de remplir un dossier MaPrimeRénov' en ligne ?
Serait-il si complexe pour nos collectivités, qui ont l'habitude de gérer ce type de service, de simplement tenir compte du revenu fiscal de référence ? Ou de demander un certificat médical, par exemple pour les personnes incontinentes qui auraient besoin de tarifs allégés ? Dans notre vie de tous les jours, nous sommes confrontés à ce type de démarche administrative. Je ne vois donc pas où vous voyez de la complexification.
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour un rappel au règlement.
M. Laurent Burgoa. Je souhaite faire un rappel au règlement au titre de l'article 33.
Mes chers collègues, nous avons le droit de diverger, nous avons le droit de débattre. Certains mots ne peuvent cependant être prononcés dans cette enceinte si l'on ne veut pas ressembler à cette autre assemblée qui, depuis quelque temps, renvoie une image tout à fait détestable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Catherine Belrhiti. Changez d'hémicycle !
M. Laurent Burgoa. Nous avons des différences, cela s'appelle la démocratie. Mais lorsque l'on affirme que certains d'entre nous, dans cet hémicycle, seraient des faux-culs… (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. Nous n'avons pas dit cela !
M. Alexandre Basquin. C'est une expression !
M. Laurent Burgoa. … il ne faut pas s'étonner ensuite que certains de nos concitoyens en viennent à la violence à l'égard des élus municipaux.
Mes chers collègues, nos débats sont retransmis à la télévision depuis cet hémicycle, et nous nous devons de renvoyer l'image d'élus responsables. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer vos propos.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Ian Brossat, pour un rappel au règlement.
M. Ian Brossat. Je souhaite revenir sur les leçons de maintien qui nous sont dispensées depuis quelques minutes, à la suite de l'expression utilisée par mon collègue et camarade Alexandre Basquin.
Je veux bien que nous nous livrions, de part et d'autre de cet hémicycle, à des leçons de politesse. Si vous souhaitez jouer à ce jeu, allons jusqu'au bout.
Vous disiez, par exemple, qu'il y a des mots que l'on n'a pas le droit d'employer. J'ai, quant à moi, encore en travers de la gorge la séance de questions d'actualité au Gouvernement d'hier, au cours de laquelle l'une de vos collègues du groupe Les Républicains s'est permis de citer Maurice Barrès, auteur notoirement antisémite, comme une référence.
J'ai également à l'esprit une question posée, toujours lors de cette séance, par l'un de nos collègues socialistes au sujet de Zyed et Bouna, morts à 15 et 17 ans, coupables de rien. Il a suffi de prononcer leurs prénoms pour que s'élèvent des murmures de protestation sur vos bancs.
Mme Catherine Belrhiti. Nous n'insultons personne en murmurant !
M. Ian Brossat. Lisez donc le compte rendu de la séance d'hier !
Mme Catherine Belrhiti. C'était hier, nous sommes aujourd'hui !
M. Ian Brossat. Livrons-nous donc à des leçons de maintien. Mais votre attitude d'hier, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement et vos références idéologiques me choquent bien plus que l'expression populaire utilisée tout à l'heure par Alexandre Basquin. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l'article.
M. Pascal Savoldelli. Je veux bien qu'une expression suscite une vive émotion, mais est-il nécessaire d'en rajouter ? Il faut affronter la question telle qu'elle se pose. Nul n'a, dans cet hémicycle, le monopole du sujet des ordures ménagères. Chacun sait ici que la taxation et la redevance divisent nos concitoyens.
Je ne comprends pas que l'on ne cherche pas à résoudre le problème, car le sentiment d'hypocrisie que nous exprimons porte sur une seule question : la libre administration des collectivités territoriales. Il faut l'assumer, c'est cela, le débat politique !
Favorise-t-on, par un tel dispositif, la libre administration des collectivités ? En effet, si la taxation et la redevance divisent, le rôle d'un ministre, d'un gouvernement, et celui des sénateurs, c'est de trouver l'harmonie entre une réponse universelle, républicaine, et la singularité de l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales. C'est cela que prônent par ce texte notre groupe et Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Voilà !
Mme Catherine Belrhiti. Mais enfin, où va-t-on ?
M. Pascal Savoldelli. Je suis quant à moi très étonné, monsieur le ministre, que ni vous-même ni le rapporteur n'ayez considéré cette proposition comme un texte d'appel. Nous avions pourtant aujourd'hui l'occasion d'ouvrir le débat.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
M. Pascal Savoldelli. Or l'attitude et les arguments que j'ai entendus n'élèvent pas le rôle du Parlement. Il ne s'agit pas de lancer une polémique : c'est de la politique. Le Parlement doit être capable de se saisir d'un projet d'appel et, en dépit des réserves exprimées par les uns ou les autres, d'encourager la démarche qui a présidé à sa présentation.
Nous avons l'occasion de renforcer l'autorité des collectivités territoriales sur un sujet qui divise nos concitoyens. Au-delà des mots employés par les uns ou les autres, j'estime donc qu'il convient de ne pas dévoyer la nature de ce texte.
(À suivre)
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            

