Présidence de M. Gérard Larcher
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Grâce de Boualem Sansal
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, quiconque passait place du Panthéon depuis le 9 octobre pouvait contempler le face à face silencieux, mais ô combien riche de sens, de Robert Badinter, dont l'effigie est au fronton du Panthéon, et de Boualem Sansal, dont le visage figure sur la façade de la mairie du Ve arrondissement. L'homme épris de justice regardait l'homme de lettres privé de liberté.
Il y a à peine une heure, nous avons appris que Boualem Sansal était libre, qu'une injustice était réparée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
Notre soulagement et notre joie sont grands.
La liberté porte en ce jour le nom de Boualem Sansal. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres applaudissent de nouveau.)
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
ratification de l'accord avec le mercosur
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Franck Menonville. Au nom du groupe Union Centriste, je tiens tout d'abord à saluer la future libération de Boualem Sansal.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'Europe.
Inexorablement, et en dépit de nombreuses oppositions, l'accord avec le Mercosur avance. À la fin de l'année 2024, l'Union européenne et le Mercosur ont signé un accord de coopération après vingt-cinq ans de négociations. Cet accord a été validé le 3 septembre dernier par la Commission européenne. Pour entrer en vigueur, il doit encore être ratifié par le Conseil et le Parlement européens. Nous condamnons ce passage en force. Cet accord menace plus que jamais les filières agricoles françaises et européennes.
Le Président de la République a déclaré jeudi dernier être « plutôt positif » sur l'accord. Pourtant, lors du salon de l'agriculture, il avait annoncé qu'il le considérait comme mauvais. Heureusement, la ministre de l'agriculture a largement tempéré cet élan d'optimisme ce week-end en refusant tout accord qui condamnerait nos agriculteurs. Elle a posé trois conditions : l'instauration d'un dispositif de sauvegarde agricole spécifique, de clauses miroirs empêchant l'importation en Europe de produits qui ne respecteraient pas les normes sanitaires et environnementales imposées aux producteurs européens et, enfin, un renforcement drastique des contrôles sanitaires.
Les agriculteurs, comme nous d'ailleurs, ont besoin d'être rassurés. Nous avons surtout besoin, à cet instant, de clarté.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler en quoi les garanties actuellement prévues dans l'accord seraient insatisfaisantes, comme l'a dit Mme la ministre ? Comment comptez-vous rendre effectives les garanties supplémentaires que vous réclamez ? Si ces garanties sont insuffisantes, la France entend-elle réunir une minorité de blocage ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Menonville, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de ma collègue Annie Genevard, qui rencontre les représentants des syndicats agricoles à Toulouse.
Sur l'accord avec le Mercosur, la position de la France, du Président de la République et du Gouvernement a toujours été extrêmement claire. Notre seule boussole est la défense de nos intérêts agricoles. L'accord, tel qu'il a été négocié par la Commission européenne, n'est pas acceptable pour la France. Le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler au commissaire à l'agriculture et à l'alimentation la semaine dernière.
Nous avons soumis, comme vous l'avez dit, trois exigences à la Commission européenne, mais le compte n'y est pas aujourd'hui.
Premièrement, nous exigeons une clause de sauvegarde robuste, effective et activable pour protéger nos marchés agricoles contre les déstabilisations. Cela signifie l'instauration d'un mécanisme de surveillance pour observer les importations et d'un mécanisme de réaction rapide pour bloquer ces dernières si nous constations que nos filières étaient déstabilisées. La Commission européenne nous a entendus et a fait une proposition en ce sens – elle ne figurait pas dans l'accord initial –, qu'il nous convient à présent d'examiner.
Deuxièmement, nous voulons des mesures miroirs ambitieuses sur les pesticides et l'alimentation animale. Il s'agit là d'une mesure de bon sens. Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs de respecter des normes et des standards en matière de production, puis importer des produits qui ne respectent pas ces mêmes normes et standards. Nous voulons une concurrence loyale et équitable.
Troisièmement, nous demandons des contrôles effectifs sur les plans sanitaire et phytosanitaire, à la fois sur les produits importés, mais aussi dans les pays exportateurs, pour s'assurer du respect effectif de nos normes européennes.
C'est à l'aune de ces trois exigences, de ces trois demandes, que la France se déterminera sur la question du Mercosur. Je vous le répète : qu'il s'agisse du Mercosur ou de la politique agricole commune, nous ferons preuve d'une fermeté absolue pour défendre les intérêts de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation au soudan
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Akli Mellouli. Tout d'abord, permettez-moi de saluer, au nom de mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la libération de Boualem Sansal.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, je salue la position claire et constante de la France face à la tragédie soudanaise. Le 4 novembre dernier, notre diplomatie a dénoncé les atrocités à caractère ethnique commises à El-Facher par les Forces de soutien rapide (FSR), tout en appelant les belligérants à un cessez-le-feu immédiat et les acteurs étrangers à mettre fin à tout soutien militaire. Le Quai d'Orsay a également rappelé que la France poursuit ses efforts diplomatiques en vue de trouver une issue politique à ce conflit, qui a déjà fait plus de 13 millions de déplacés et plongé les deux tiers du pays dans l'insécurité alimentaire.
Toutefois, cette guerre n'est plus seulement civile : elle est devenue une guerre par procuration, une guerre de proxy, comme l'ont souligné plusieurs observateurs internationaux. La semaine dernière, le journal Le Monde accusait dans un article les Émirats arabes unis d'alimenter les Forces de soutien rapide en armes et en fonds, tandis que l'or soudanais, exploité illégalement, sert à financer la poursuite des combats. Cette implication d'acteurs extérieurs transforme le Soudan en champ de confrontation régionale et menace toute stabilité dans la Corne de l'Afrique.
Aussi, monsieur le ministre, j'ai deux questions à vous poser. Quelles mesures concrètes supplémentaires la France compte-t-elle proposer aux échelons européen et onusien pour assurer le respect de l'embargo sur les armes, assécher les circuits de financement illégaux et sanctionner les acteurs étrangers qui prolongent cette guerre ? Au-delà de l'urgence humanitaire, comment la France entend-elle soutenir une médiation politique indépendante, libérée des influences extérieures, pour restaurer la souveraineté et l'unité du Soudan ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Merci, monsieur le sénateur Mellouli, d'évoquer la crise au Soudan, qui ne doit pas être oubliée. Je tiens ici à vous assurer de l'engagement de la France auprès de la population civile, à laquelle nous apportons notre soutien.
Si nos intérêts de sécurité sont en jeu dans ce pays riverain de la mer Rouge, notre responsabilité est également engagée en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Notre pays doit en outre rester fidèle à l'engagement qu'il a pris en faveur de la transition démocratique du Soudan après la révolution de décembre 2018.
Ce conflit ne doit pas être une crise oubliée.
La France se mobilise pour l'aide humanitaire, comme nous l'avons vu lors des conférences de Paris, de Londres et de la conférence qui s'est tenue en marge de l'Assemblée générale des Nations unies en septembre. Au total, ce sont 200 millions d'euros qui ont été donnés par notre pays, dont 41 millions d'euros cette année.
La France se mobilise également sur le plan diplomatique. Nous l'avons dit, nous condamnons avec la plus grande fermeté les atrocités qui ont été commises par les Forces de soutien rapide à El-Facher. Nous nous mobilisons pour que les armes se taisent, que les ingérences des puissances extérieures cessent et que la trêve humanitaire demandée par les pays du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad)soit respectée.
Notre mobilisation prendra aussi la forme d'un soutien aux sanctions renforcées de l'Union européenne contre tous les responsables des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Nous poursuivrons notre engagement diplomatique.
Par ailleurs, la France, je tiens à le dire, respecte scrupuleusement l'embargo sur les armes à destination du Soudan, à la fois sur les ventes directes et sur les licences d'exportation. Il est extrêmement important que tous les pays respectent cet embargo.
Je le répète, monsieur le sénateur, les armes doivent se taire ; l'aide humanitaire doit pouvoir entrer au Soudan ; la paix doit y revenir. La France n'oubliera pas cette crise, non plus que la population civile du Soudan. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour la réplique.
M. Akli Mellouli. Il est temps, en effet, que la France retrouve sa voix singulière. Notre pays, comme vous le dites, a su faire entendre sa voix. Il doit désormais agir avec la cohérence et la détermination que cette tragédie exige. Nous ne devons pas oublier le Soudan ; nous devons au contraire continuer à nous mobiliser pour lui.
Le temps de l'action est venu afin de retrouver de la stabilité partout en Afrique. Il s'agit là d'un enjeu mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
politique de maintien de l'ordre public
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, je tiens évidemment, au nom de Mathieu Darnaud et de l'ensemble des membres du groupe Les Républicains, à m'associer à l'émotion que suscite la libération de Boualem Sansal.
Monsieur le ministre, une seule question : quelle est votre conception de l'ordre public républicain ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous avez deux minutes ! (Sourires.)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Je ne vous ferai pas un cours de droit sur l'ordre public républicain, comme vous l'appelez, qui comprend à la fois le maintien de l'ordre et la lutte contre la délinquance.
Pour moi, l'ordre public, c'est l'autorité, la fermeté, qualités dont je ferai preuve en tant que ministre de l'intérieur. J'ai la faiblesse de penser que mes prédécesseurs ont fait preuve de la même autorité, de la même fermeté. Je serai à mon tour au rendez-vous. C'est l'histoire de ma vie, c'est l'histoire de ma carrière en tant que haut fonctionnaire, ce sera mon histoire en tant que ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Très bien...
Monsieur le ministre, l'ordre public républicain est le garant de l'unité nationale, du respect de la République et de l'autorité de l'État. Pour nous, l'ordre public républicain existera quand les antisémites et les antisionistes seront plus inquiets en France que les Français de confession juive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il existera quand l'on pourra se rendre à la Philarmonie de Paris sans risquer d'être agressé ; ...
M. Roger Karoutchi. ... quand on n'entendra plus crier « mort aux flics » dans les rues de Paris, de Nantes ou d'ailleurs ; quand ceux qui soutiennent de tels agissements et propos seront plus souvent devant les tribunaux que sur les plateaux de télévision.
M. Roger Karoutchi. Pour nous, l'ordre public républicain existera lorsque l'on pourra se rendre à la synagogue, à la mosquée, à l'église, au temple – ou nulle part ! –, sans être inquiet. (Mme Sophie Primas et M. Rémy Pointereau applaudissent.)
L'ordre public républicain existera quand, dans toute la Nation, on se dira que tout le monde est égal, que personne n'a à craindre quoi que ce soit en raison de ce qu'il est – non pas en raison de ce qu'il fait, mais bien de ce qu'il est. Or, aujourd'hui – nous en sommes tous conscients –, une partie de la population française n'a pas un sentiment d'égalité.
Vous avez à cet égard une véritable mission, monsieur le ministre, qui incombe également au garde des sceaux – il le sait –, au Premier ministre et à l'ensemble du Gouvernement. Si l'on veut assurer l'unité de la Nation et la continuité de la République, de toute la République et rien que de la République, il faut, comme vous le dites, agir avec fermeté non seulement contre la délinquance du quotidien, mais aussi pour faire respecter les grands principes qui font que cette Nation fait république. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Mickaël Vallet s'exclame.)
lutte contre les réseaux islamistes
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Notre groupe se réjouit évidemment de la grâce qui vient d'être accordée à Boualem Sansal et s'associe à vos propos, monsieur le président.
Monsieur le ministre de l'intérieur, alors que le thème des retraites domine le débat et pourrait être le sujet phare de la prochaine présidentielle, c'est la jeunesse, dont une fraction ne va pas bien, qui devrait plutôt catalyser notre réflexion.
Un nombre croissant de jeunes s'enferment dans une radicalité mortifère. En effet, 70 % des interpellations pour terrorisme concernent désormais des jeunes âgés de moins de 21 ans. Deux tiers des auteurs d'attentats depuis 2020 n'étaient pas fichés. L'arrestation récente de trois jeunes femmes candidates au djihad et la remise de clés SB à Salah Abdeslam par son ex-compagne en témoignent : parmi les six personnes impliquées dans ces affaires, cinq avaient moins de 21 ans.
Gilles Kepel estime que la menace est à la fois endogène à l'Hexagone, rajeunie et nourrie d'un mixte de fréquentations affinitaires et de réseaux sociaux. Les donneurs d'ordre, auxquels répondaient autrefois des exécutants, ont quasiment disparu.
Les auteurs et journalistes Nora Bussigny et Omar Youssef Souleimane ont détaillé lors de leur audition à l'Assemblée nationale la manière dont certains collectifs islamistes cherchent à séduire la génération Z et les primo-votants en faisant de la cause palestinienne un levier d'influence à l'approche des élections municipales. Ils ont également indiqué que des élus de La France insoumise sont ciblés comme relais de ces stratégies et souligné la complaisance de responsables politiques à l'égard de réseaux issus des Frères musulmans ou d'associations dissoutes pour apologie du terrorisme, ainsi que la proximité qu'ils ont avec eux.
À la veille des commémorations des tragiques attentats du 13 novembre 2015 et dans ce contexte mêlant fragilité de la jeunesse, radicalisation médiatique et ambiguïté politique, quelles actions prévoyez-vous pour protéger les jeunes et éviter que la République ne soit fragilisée par des alliances ponctuelles entre partis, collectifs et réseaux islamistes à l'approche d'une échéance électorale majeure ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que la menace terroriste est de plus en plus endogène. Elle frappe et concerne des personnes de plus en plus jeunes, comme l'a démontré le dernier attentat qui a été déjoué. Nous luttons contre cette radicalisation violente et contre le terrorisme depuis 2015, puis 2017, dans le cadre du maintien de l'ordre républicain.
Nous avons par ailleurs traité la question du séparatisme en 2019. Pour qu'il soit possible de vivre côte à côte dans la République, nous avons imposé des règles relatives à la neutralité religieuse dans les services publics et mis en place des dispositifs de lutte contre le séparatisme dans la loi de 2021 confortant le respect des principes de la République.
Vous avez soulevé à l'instant la question de l'entrisme, monsieur le sénateur, c'est-à-dire d'une forme de séparatisme qui ne dit pas son nom, qui endosse les habits de la République, mais essaie de manière diffuse d'imposer une loi religieuse qui, finalement, s'imposera à tous. Le Gouvernement ne peut que vous rejoindre sur cette thématique. À cet égard, vous avez raison de citer les Frères musulmans, dont il est question dans le dernier rapport du ministère de l'intérieur réalisé à la demande de Gérald Darmanin.
Le Premier ministre vient de rappeler à l'Assemblée nationale que nous travaillons à la phase trois de la lutte contre l'islam politique – on distingue le bloc « radicalisation violente », le bloc « séparatisme » et le bloc « entrisme ». Nous étudions la question de savoir si notre dispositif juridique suffit ou non. Faut-il une nouvelle disposition législative ? Faut-il donner une nouvelle impulsion à la lutte contre l'islam politique ?
En attendant, tous les jours sur le territoire de la République, des préfets prennent leurs responsabilités et, en application de la loi confortant le respect des principes de la République, procèdent à des dissolutions et à des fermetures de structures. De même, nous procédons évidemment à des expulsions, à des reconduites d'étrangers en situation irrégulière adeptes de cette théologie nauséabonde pour l'avenir de la République.
Ce faisant, monsieur le sénateur Karoutchi, nous défendons l'ordre public républicain ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Dominique Vérien et M. Ahmed Laouedj applaudissent également.)
qualification juridique des actes de sabotage sur le réseau ferré
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires et leur président Claude Malhuret s'associent naturellement à vos propos et à votre joie à la suite de la grâce accordée à Boualem Sansal.
Monsieur le Premier ministre, les actes de sabotage sur notre réseau ferré se multiplient : vols de câbles, infrastructures vandalisées et systèmes de circulation des trains incendiés. Ces actes causent à la SNCF des dommages considérables, dont le coût financier est très élevé.
La paralysie du trafic engendre des préjudices importants pour l'usager et le trafic de fret. L'étendue du réseau ferré français représente un défi en matière de surveillance. Aussi la SNCF déploie-t-elle des mesures de protection reposant sur des technologies avancées. Près de 100 millions d'euros ont été affectés à la protection du réseau en 2024. Les vols sur le réseau représentent un préjudice de 20 millions d'euros, deux fois supérieur à celui de 2023.
Au-delà de ces conséquences, je rappelle que nos infrastructures ferroviaires sont également utilisées par la défense nationale pour le transport de nos forces armées, comme l'a récemment évoqué le chef d'état-major des armées devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
La mobilité militaire consiste à déplacer avec réactivité de grandes quantités de troupes, de matériel et de ressources logistiques. Il s'agit donc d'une composante majeure de la crédibilité de nos forces.
Le retour de la conflictualité en Europe change aujourd'hui les conditions d'exercice de la mobilité militaire. Les opérations extérieures dépendaient jusque-là essentiellement des voies maritimes et aériennes en raison de l'éloignement des théâtres d'opérations. Aujourd'hui, le recours au transport de surface, en particulier le rail, devient incontournable et conditionne notre capacité à organiser notre défense sur le sol européen.
Dans ce contexte, nous devons être conscients que tout sabotage de nos voies ferrées est une atteinte à nos capacités militaires. Pour cette raison, il est urgent d'étudier la requalification pénale des actes de sabotage de nos infrastructures ferroviaires, lesquels portent atteinte à la sécurité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Je répondrai en quelques mots à votre question très précise, monsieur le sénateur.
Je vous indique tout d'abord que Philippe Tabarot et moi-même travaillons évidemment main dans la main pour protéger nos réseaux ferrés.
Il existe deux types de dégradations : les dégradations crapuleuses et les dégradations à caractère politique. Les dernières dégradations, notamment dans la Drôme, ont été clairement revendiquées sur un site de la mouvance anarcho-autonome, ce qui nous a évidemment conduits à mobiliser les services de gendarmerie pour des investigations judiciaires, mais aussi la sous-direction antiterroriste (SDAT). Nous sommes toujours très attentifs à ces sujets.
Nous sommes entrés dans une époque où la mouvance d'ultragauche et celle de l'écologie radicale sont passées de la désobéissance civile et de la manifestation à des actions plus violentes de sabotage. Évidemment, nous les dénonçons et nous menons des investigations sur ces agissements.
Je comprends parfaitement votre question : à quel moment bascule-t-on dans une action qui pourrait être qualifiée de terroriste ? Ces sabotages visent-ils à porter atteinte à l'intégrité physique, à créer un trouble à l'ordre public pour intimider ou terroriser ? Il me semble que nous n'en sommes pas là. C'est d'ailleurs pour cette raison que le parquet national antiterroriste (Pnat) ne s'est pas réellement saisi de ces sujets.
Néanmoins, ayez bien en tête, monsieur le sénateur, qu'à droit constant, les services de renseignement peuvent travailler sur ces mouvances. Il est possible, en cas de subversion violente ou d'action collective violente, de mettre en place des techniques de renseignement et de poursuivre leurs auteurs. C'est ce que nous faisons.
Soyez rassuré, les services de renseignement français suivent ces mouvances, celles qui sabotent et qui détruisent nos infrastructures. Nous entravons un certain nombre de leurs actions et nous allons évidemment poursuivre ces efforts. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
lutte contre les nouvelles formes de guerre
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, le groupe du RDSE salue à son tour la grâce de Boualem Sansal.
Hier encore, nous avons célébré l'armistice qui a mis fin à la guerre de 1914-1918, celle qui devait être la « der des ders ». Demain, nous commémorerons les attentats terroristes du 13 novembre 2015. Aujourd'hui, une guerre informationnelle et technologique, sur les réseaux sociaux et au moyen de l'intelligence artificielle, s'ajoute aux précédentes. Elle déstabilise notre démocratie et ébranle les fondements de notre République.
La Russie poursuit une guerre en Ukraine et franchit les frontières non seulement par des drones, mais aussi en menant une guerre d'ingérence et de propagande qui se prolonge jusqu'à nous.
Au Mali, d'où nous avons été chassés, les groupes terroristes islamistes prospèrent, instrumentalisés par des puissances étrangères. En France, une tentative d'attentat par l'ex-compagne de Salah Abdeslam a été déjouée.
Dans le même temps, des slogans ouvertement antisémites sont proférés lors d'un concert à la Philharmonie de Paris, comme dans certaines universités, avec la complicité coupable de certains dirigeants politiques inconséquents.
Le groupe du RDSE a toujours défendu une ligne claire : la liberté n'exclut jamais la fermeté républicaine. Nous étions ensemble hier, monsieur le Premier ministre, aux côtés de M. le président du Sénat et de Mme la ministre des armées et des anciens combattants, pour le rappeler et honorer la mémoire de Clemenceau, au pied de sa statue. « Pas de paix sans gardien ni liberté sans soldat », vient d'écrire Jean-Jacques Goldman.
Monsieur le ministre, quelles mesures sont prises pour éviter tout passage à l'acte terroriste de personnes identifiées comme radicalisées ? Quelles actions sont mises en place pour contrer les ingérences étrangères et la manipulation de masse par l'intelligence artificielle et les réseaux sociaux, qui sont aujourd'hui les nouvelles armes contre les valeurs de notre République ?
La France a vaincu lors de la guerre des tranchées, résisté au terrorisme ; elle doit désormais lutter contre cette nouvelle guerre d'information et d'influence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, votre question comporte deux parties.
Nous avons déjà longuement parlé du terrorisme. Depuis 2015, sous la présidence de François Hollande, sous l'autorité de mes deux prédécesseurs, MM. Valls et Cazeneuve, puis, à partir de 2017, sous celle du président de la République, Emmanuel Macron, de l'ensemble des ministres de l'intérieur, nous avons significativement renforcé les moyens de la lutte antiterroriste.
Les services de renseignement disposent désormais de moyens juridiques et budgétaires accrus. Leurs budgets ont parfois été doublés, leurs effectifs ont été augmentés de 30 % ou de 40 %. Un dispositif juridique nous permet d'assurer une surveillance des plus étroites des individus radicalisés. Cela nous a permis de déjouer de nombreux attentats.
Je tiens d'ailleurs à saluer l'engagement des forces de sécurité intérieure dans la lutte contre le terrorisme. Je salue également celui du Président de la République depuis 2017 pour faire entrer les dispositifs de lutte contre le terrorisme dans le droit commun, ce qui – je le dis accessoirement et au passage – n'avait jamais été fait auparavant. Des mesures fortes avaient certes été engagées par le président Hollande en 2015, mais le niveau actuel n'avait jamais été atteint, alors que l'on observait pourtant des phénomènes de radicalisation.
J'en viens à la seconde partie de votre question, monsieur le sénateur, sur les ingérences étrangères, cette espèce de guerre hybride que nous livrent un certain nombre de grandes puissances et qui prend la forme d'actions visant à nous déstabiliser.
Ces actions vont des tags odieux apposés dans les rues de Paris, dont les auteurs ont été identifiés et interpellés – je tiens à souligner notre réactivité face à ce type d'action – à l'ingérence informationnelle, celle qui vise à diffuser des fake news, des fausses informations, tout ce qui vise à nous diviser. Pour lutter contre ces ingérences numériques qui se multiplient – vous avez raison de le souligner –, nous avons renforcé notre appareil de détection et d'entrave. Il s'agit d'une nouvelle forme de guerre. Pour y mettre un terme, nous avons adapté notre appareil répressif.
Voilà ce que je pouvais vous dire, monsieur le sénateur. Soyez rassuré, notre action est complète. Notre panel d'actions est large et à la hauteur de la menace qui pèse sur nous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
commémorations des attentats du 13 novembre