M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a instauré le principe du partage d'informations entre les financeurs de la formation professionnelle, principe qui vise à améliorer la connaissance des parcours des bénéficiaires, les compétences acquises, et à mieux adapter les formations à leurs besoins.

La plateforme Agora, qui recense les formations du compte personnel de formation (CPF), est l'outil central de ce partage d'informations. Ce dispositif permet de centraliser les données relatives aux parcours de formation et de faciliter leur exploitation par les différents acteurs de la formation professionnelle.

L'amendement tend à ajouter une finalité supplémentaire à Agora, conformément à une recommandation d'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2023 relatif à la qualité de la formation. Il s'agirait d'intégrer un mécanisme de partage d'alertes entre autorités de contrôle, qui permettrait de signaler des fraudes détectées lors des contrôles ou par récurrence des signalements. Ce dispositif renforcerait la coordination entre les acteurs et la lutte contre les fraudes.

Le partage d'informations ne se limite pas aux formations financées par le CPF : elle s'étend à toutes celles qui sont financées par des fonds publics. Il permettrait d'identifier plus efficacement les organismes frauduleux, qui agiraient au détriment de financeurs tels que les collectivités territoriales, France Travail ou la Caisse des dépôts et consignations.

L'objectif est de sécuriser les financements publics et de renforcer la transparence du système.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il nous semble intéressant que la plateforme Agora puisse aussi être dévolue à la lutte contre la fraude. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.

L'amendement n° 108, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les procédures déclaratives des accidents du travail et maladies professionnelles définis au Livre IV du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous soutenons la mesure prévue à l'alinéa 14 de l'article 12, qui dispose qu'est pénalisée « toute manœuvre ayant pour objet ou pour effet de priver les victimes ou leurs ayants droit de leurs droits au titre du livre IV » du code de la sécurité sociale relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Pour nous assurer que les victimes et leurs ayants droit ne soient pas privés de leurs droits et lutter contre la sous-déclaration des AT-MP – ce qui s'apparente, selon nous, à une forme de fraude –, il convient de suivre les recommandations de la commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, laquelle produit tous les trois ans environ un rapport intitulé Estimation du coût réel, pour la branche maladie, de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Cet amendement d'appel – puisqu'il s'agit d'une demande de rapport – vise à transposer l'une des dix recommandations figurant dans le dernier rapport de cette commission, à savoir le lancement de travaux sur les procédures déclaratives des accidents du travail et maladies professionnelles, en facilitant notamment la rédaction des certificats médicaux, et ce afin de réduire le nombre de dossiers incomplets.

La commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale se réunit tous les trois ans. Nous souhaiterions, conformément à une autre de ses recommandations, qu'elle se réunisse plutôt chaque année, ce qui permettrait de mieux faire respecter des préconisations qui sont rarement suivies d'effets… Nous constatons effectivement, en matière de lutte contre la sous-déclaration des AT-MP, un manque de volonté manifeste.

Si nous voulons vraiment lutter contre cette forme de fraude, il importe, je le redis, de suivre les recommandations de cette commission.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s'agit d'une demande de rapport sur l'évaluation des procédures déclaratives des AT-MP.

J'ai bien en tête les discussions que nous avons eues hier sur les demandes de rapports, mais je m'en tiendrai cet après-midi à la position constante du Sénat en la matière : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, nous partageons bien sûr votre préoccupation en ce qui concerne les déclarations des AT-MP. Notre avons la ferme volonté de faire avancer les choses.

Plusieurs dispositifs visent d'ores et déjà cet objectif, et des travaux sont engagés afin de simplifier les démarches. L'article 12 du présent projet de loi comporte des dispositions qui illustrent concrètement cette volonté du Gouvernement de lutter de manière déterminée contre le phénomène de sous-déclaration.

La branche AT-MP s'est par ailleurs engagée, dans la convention d'objectifs et de gestion 2023-2028, à simplifier les processus déclaratifs et à développer des actions d'accompagnement des assurés, en particulier les plus fragiles. Les services de l'assurance maladie effectuent ainsi un suivi régulier des procédures déclaratives présentées à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Enfin, comme vous l'avez souligné à juste titre, la commission chargée de l'évaluation de la sous-déclaration des AT-MP a recommandé de lancer des travaux sur les procédures déclaratives, en lien avec la rédaction des certificats médicaux, afin de réduire le nombre de dossiers manquants. Lesdits travaux sont bien en cours.

Pour toutes ces raisons, la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement ne me paraît pas justifiée : avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE II

ADAPTER LES LEVIERS DE LUTTE AUX NOUVELLES FORMES DE FRAUDES ET RENFORCER LES SANCTIONS

Chapitre Ier

Tarir les sources de revenus occultes ou illicites et mieux sanctionner leurs bénéficiaires

Après l'article 12
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Article 13 (interruption de la discussion)

Article 13

Le code du travail est ainsi modifié :

1°Après l'article L. 5421-4, il est inséré un article L. 5421-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 5421-5. – Lorsqu'elles sont soumises à une condition de résidence en France, les allocations mentionnées à l'article L. 5421-2 sont exclusivement versées sur des comptes domiciliés en France ou dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne et identifiés par un numéro national ou international de compte bancaire. » ;

2° L'article L. 6113-8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 6113-8. – Les ministères et organismes certificateurs communiquent au système d'information du compte personnel de formation mentionné au II de l'article L. 6323-8 les informations, dont le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, relatives :

« 1° Aux personnes inscrites à une session d'examen en vue de l'obtention d'une certification professionnelle enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l'article L. 6113-5, d'une attestation de validation d'un ou de plusieurs blocs de compétences constitutifs d'une certification professionnelle ou d'un certificat de spécialisation d'une certification professionnelle ;

« 2° Aux personnes inscrites à une session d'examen en vue de l'obtention d'une certification ou d'une habilitation enregistrée dans le répertoire spécifique mentionné à l'article L. 6113-6 ;

« 3° Aux personnes présentes aux sessions d'examen mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;

« 4° (nouveau) Aux personnes titulaires des certifications, des attestations et des habilitations mentionnées aux mêmes 1° et 2°.

« Un décret en Conseil d'État définit les modalités de mise en œuvre du présent article, ainsi que les conditions dans lesquelles France compétences vérifie les conditions d'honorabilité professionnelle des organismes certificateurs et s'assure qu'ils ne poursuivent pas d'autres buts que ceux liés à la certification professionnelle. » ;

3° Le I de l'article L. 6323-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque, sans motif légitime apprécié selon des modalités déterminées par décret, le titulaire du compte personnel de formation ne se présente pas aux évaluations et épreuves d'examen prévues par le ministère ou l'organisme certificateur, le titulaire ne peut mobiliser les droits inscrits sur son compte pour s'acquitter du règlement de l'organisme de formation. La Caisse des dépôts et consignations demande au titulaire le remboursement des sommes déjà mobilisées, le cas échéant selon les modalités prévues aux articles L. 6323-45 et L. 6323-45-1. »

Mme la présidente. L'amendement n° 121, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L'article 13 rend obligatoire le versement des indemnités des travailleurs privés d'emploi sur des comptes bancaires domiciliés en France ou dans l'espace unique de paiement en euros (Sepa) de l'Union européenne et identifiés par un numéro national ou international de compte bancaire.

Selon la Défenseure des droits, cette disposition « constitue une dérogation au principe de prohibition des discriminations sur le fondement de la domiciliation bancaire en matière de protection sociale, de santé et d'avantages sociaux ».

Si la lutte contre la fraude sociale constitue un objectif plus que légitime, le refus de versement d'une prestation sociale sur un compte bancaire, en raison de sa domiciliation hors zone Sepa, n'apparaît ni nécessaire ni approprié pour atteindre cet objectif.

D'une part, en admettant, comme le suggère l'étude d'impact, que la domiciliation bancaire à l'étranger puisse être regardée comme l'indice d'une résidence hors de France, l'organisme servant la prestation a toujours la possibilité de contrôler le respect de la condition de résidence en France par d'autres moyens.

D'autre part, l'idée d'un risque accru de fraude, qui est, là encore, suggérée, en cas de versement des prestations sur un compte bancaire étranger ne paraît pas justifiée. Les garanties de sécurité dont est assorti le numéro Iban (International Bank Account Number) affecté à chaque compte en banque, et qui est requis pour effectuer un paiement transfrontalier, sont identiques, que la banque soit domiciliée en dehors ou dans la zone Sepa.

Afin d'éviter que le projet de loi ne constitue, je le redis, « une dérogation au principe de prohibition des discriminations sur le fondement de la domiciliation bancaire en matière de protection sociale, de santé et d'avantages sociaux », la Défenseure des droits recommande de supprimer cette disposition. Tel est l'objet du présent amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous sommes favorables à l'article 13, dont le dispositif vient d'être brièvement rappelé par notre collègue, et qui, je le rappelle, vise deux objectifs : d'une part, prévoir le versement des allocations chômage sur des comptes domiciliés en France ou dans l'Union européenne – nous répondons là à une demande de France Travail – ; d'autre part, responsabiliser davantage les titulaires de CPF.

Aussi, nous sommes défavorables à cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Selon le Gouvernement, l'obligation, introduite à l'article 13, d'avoir un compte bancaire domicilié en France ou dans l'espace unique de l'Union européenne ne présente pas de caractère discriminatoire.

En effet, la mesure repose bien sur une différence objective de situation en lien avec l'objet du texte, qui est la lutte contre la fraude. La possession d'un compte bancaire domicilié à l'étranger constitue un indice de résidence ou d'exercice d'activités à l'étranger potentiellement non déclarées à France Travail. Cette situation peut aussi compromettre la capacité de l'opérateur à recouvrer, le cas échéant, des indus.

En tout état de cause, cette différence de traitement n'apparaît pas disproportionnée. Avec cette disposition, nous nous bornons à imposer aux intéressés l'ouverture d'un compte domicilié au sein de l'espace unique de paiement en euros pour le seul versement de l'allocation ; elle ne leur interdit en rien de détenir un second compte bancaire domicilié en dehors de cet espace.

Je rappelle que cette mesure ne fait que transposer aux allocations versées par France Travail des dispositions déjà en vigueur dans le champ de la sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 241 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. L'article 13 est une véritable mesure de stigmatisation. Sous couvert de lutte contre la fraude, il conditionne le versement de l'indemnité chômage à la domiciliation du compte bancaire en France ou dans l'espace européen. En apparence technique, cette disposition est en réalité profondément discriminatoire et, surtout, inutile.

Inutile, car aucune étude ne démontre que la domiciliation bancaire hors de France est un vecteur significatif de fraude. Ainsi, nous aurions, d'un côté, une forme d'assignation à résidence pour les chômeurs et, de l'autre, une liberté de délocalisation du patrimoine et des actifs pour les plus riches. (Mme Pascale Gruny proteste.)

La Cour des comptes n'en fait même pas mention parmi les mécanismes de fraude sociale. Mais il est vrai qu'ici même, hier soir, certains ont réussi à trouver des fraudes qui n'existaient pas… Selon l'Unédic, plus de 99,7 % des allocataires perçoivent déjà leurs indemnités sur un compte en France ou dans l'Union européenne. On crée donc un dispositif pour régler un problème qui n'existe pas !

Discriminatoire, ensuite, car cette mesure pénalise d'abord les travailleurs transfrontaliers, les saisonniers, les intérimaires et les précaires installés dans les zones frontalières. Ce sont des situations que nous connaissons bien en Meurthe-et-Moselle.

Enfin, cette mesure crée une charge administrative inutile pour France Travail et les banques, qui devront vérifier les domiciliations bancaires sans effet tangible sur la fraude.

En vérité, cet article ne vise pas la justice : il se veut un symbole, au détriment des droits. Il transforme la lutte contre la fraude en un outil de suspicion à l'égard des chômeurs, comme si le chômage était un délit et non une épreuve sociale. Le bénéfice de l'assurance chômage est un droit, et non une faveur conditionnée à la géolocalisation bancaire.

C'est pourquoi nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3 de l'article.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement constitue, en quelque sorte, un amendement de repli par rapport au précédent, même si ces deux amendements n'ont pas les mêmes auteurs.

Permettez-moi de revenir un instant sur ce que vous évoquez, ma chère collègue : il ne faut pas oublier que, à l'heure actuelle, tous les demandeurs d'emploi qui perçoivent une allocation chômage, que ce soit l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou l'allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), doivent être domiciliés en France.

Mme Silvana Silvani. Ce n'est pas la même chose !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cette mesure a été mise en place non pas par le Gouvernement ou le Parlement, via une loi ou un amendement, mais par les partenaires sociaux, par l'Unédic.

Mme Silvana Silvani. C'est un abus de langage !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le dispositif que vous contestez aujourd'hui est l'un de ceux qui permettront de vérifier si les demandeurs d'emploi résident ou non en France. Il y en a d'autres : je pense notamment à la disposition que nous avons introduite à l'article 28.

La commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Bien sûr qu'il faut être domicilié en France, mais ce n'est pas le sujet !

Monsieur le ministre, vous dites que posséder un tel compte serait un indice de fraude. Sur quelles études, sur quels constats vous appuyez-vous ? De quelles évaluations dispose-t-on ? Je l'ai dit, France Travail peut, par d'autres moyens, vérifier la domiciliation bancaire. Être domicilié en France est une réalité physique ; avoir un compte bancaire à l'étranger en est une autre.

Vous dites qu'il s'agit d'un indice, mais, pour être probant, celui-ci doit être fondé sur des travaux. France Travail pourrait vous avoir indiqué par exemple que 90 % des contrôles effectués – lesquels, j'y insiste, peuvent être menés par d'autres moyens que celui que vous proposez – démontrent un lien entre domiciliation à l'étranger et fraude. Dans ce cas, on pourrait parler d'indice probant, fondé de façon pragmatique sur des faits réels.

Nous ne mettons pas en cause le fait que le versement de ces prestations doit reposer sur une domiciliation. En revanche, parler d'indice relève du pur fantasme. Un compte à l'étranger constitue, en quelque sorte, un signal qui sert à alimenter votre discours sur la fraude sociale.

Savez-vous que la fraude à France Travail représente 0,101 milliard d'euros ? C'est peanuts, cela ne représente pratiquement rien en matière de fraude sociale ! Et on dit que cette fraude serait majoritairement le fait de personnes qui ne sont pas domiciliées en France. On se moque du monde, c'est plus qu'epsilon, c'est epsilon d'epsilon !

Vous voulez envoyer un message, un signal idéologique. Faites-le, mais ne dites pas que cette mesure participe à la lutte contre la fraude, ou alors donnez-nous les chiffres résultant des évaluations qui auraient été réalisées !

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Mon intervention ira dans le même sens que celle de ma collègue.

Je voudrais corriger un abus de langage, madame la rapporteure. Nous parlions non pas de la domiciliation, mais du compte bancaire : ce sont deux choses différentes. On peut avoir un compte bancaire ailleurs que là où l'on est domicilié ; il y a beaucoup d'exemples de tels cas de figure. Il ne s'agit pas de mettre en doute le fait que les allocataires doivent être domiciliés en France.

Par ailleurs, vous évoquez des preuves, des faits avérés. Or, dès l'entame de nos travaux, hier, tout le monde a convenu que nous disposions de très peu de données tangibles en matière d'évaluation des fraudes – d'ailleurs, je note que tous les amendements visant à demander des rapports pour obtenir ces informations ont été rejetés. Nous débattions alors de la question des fraudes fiscales, mais il en va de même en matière de fraude sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je partage l'analyse de mes deux collègues. Il peut arriver que l'on se prenne les pieds dans le tapis, mais il ne faut pas confondre domiciliation bancaire et domiciliation résidentielle.

Mme Silvana Silvani. Tout à fait !

M. Pascal Savoldelli. En matière de blanchiment, Nathalie Goulet ne me démentira pas : vous pouvez avoir un compte domicilié en France dans une banque qui a 143 filiales à l'étranger, y compris dans des paradis fiscaux – l'argent est mobile, il n'a pas de frontières !

Monsieur le ministre, vous considérez la domiciliation bancaire comme un élément de suspicion, et ce sans étude d'impact. Je vous le dis, cela ne résoudra pas le problème, parce qu'il n'y en a pas !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, je vais tenter de ramener les choses à leur juste proportion.

J'ai rédigé avec Carole Grandjean, à l'époque députée, un rapport sur la fraude aux prestations sociales et sur le non-recours aux droits – deux sujets liés – pour Édouard Philippe.

À l'issue de nos travaux, et à la demande d'un certain nombre d'organismes que nous avions entendus, nous avons estimé souhaitable que l'ensemble des prestations sociales soient versées sur des comptes en France ou dans l'espace européen. En effet, dans le cadre de ce travail confié par le Premier ministre de l'époque, nous avions constaté énormément de flux financiers vers des pays qui n'étaient pas le lieu de résidence des chômeurs, des malades ou des allocataires.

Comme la condition de résidence, ainsi que j'ai essayé de vous l'exposer lors de la discussion générale, n'est pas toujours bien contrôlée, les services nous ont demandé de bien vouloir faire voter ce dispositif, qui fut finalement adopté après plusieurs années – environ cinq ans –, sur la demande de Gabriel Attal.

Il se trouve que les allocations chômage ont simplement été oubliées dans le dispositif en question. Le présent projet de loi vise donc à rattraper cet oubli de sorte que l'ensemble des prestations soient soumises aux mêmes critères de contrôle. Il s'agit non pas d'une mesure complémentaire, mais d'une mesure qui aurait dû être prise au moment où nous avons décidé de vérifier la domiciliation des comptes bancaires des bénéficiaires de l'ensemble des prestations liées à la résidence en France.

Il n'y a donc pas de stigmatisation ; il s'agit d'un rattrapage, d'un rééquilibrage, pour que l'ensemble de ces prestations relèvent d'un même dispositif.

Je vous rappelle qu'à l'époque des attentats – dont c'est d'ailleurs aujourd'hui le triste dixième anniversaire –, lorsque certains djihadistes partaient en Syrie et en Irak, François Rebsamen avait dû mettre le holà au versement de prestations vers des pays bien plus lointains.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Notre collègue Nathalie Goulet a raison : nous complétons un dispositif qui existe déjà.

Par ailleurs, nous savons qu'il est techniquement bien plus simple de procéder à un recouvrement forcé auprès d'un organisme bancaire domicilié en France qu'auprès d'une banque à l'étranger.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyons clairs : il n'y a là aucune discrimination. Nous sommes tous des républicains. Au ministère du travail, notre seul objectif est d'encourager les Françaises et les Français à retrouver du travail en France, au service des entreprises françaises. Voilà ce qui est au fondement de notre action.

Il n'est donc pas anormal de réfléchir au meilleur moyen de mettre un terme aux fraudes potentielles. Il faut appeler un chat un chat, et ce d'autant que ces fraudes sont quantifiées – je ne connais pas le détail des sommes en jeu, mais nous pourrons vous le fournir. France Travail, qui est un praticien en la matière, évalue ces fraudes à 56 millions d'euros. Peut-on se désintéresser d'un tel montant ? Non ! Nous devons être attentifs dès le premier euro. Les petits ruisseaux font les grandes rivières : cela vaut la peine que nous nous intéressions à ces 56 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice Goulet, j'ai écouté avec intérêt votre intervention, car vous avez beaucoup travaillé sur ces sujets. Sachez que je suis prêt à étudier avec vous, ainsi qu'avec tous les sénateurs et sénatrices qui voudraient nous accompagner dans cette démarche, l'ensemble des moyens de renforcer nos organisations et nos processus, pour être plus efficaces dans la lutte contre la fraude.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 241 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 311, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après la référence :

L. 63233-8

insérer les mots :

les informations relatives aux titulaires du passeport de prévention mentionné à l'article L. 4141-5 ainsi que

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 247 rectifié, lequel a été adopté à l'article 16 du présent projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 311.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 76 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Cambier et Grand, Mme Muller-Bronn, M. J.B. Blanc, Mme Billon, MM. Mizzon, Lévrier, Menonville, Khalifé, Folliot, Kern et Pillefer, Mme Antoine, M. Fargeot, Mmes Perrot et Aeschlimann, M. Levi, Mmes Saint-Pé et Demas, MM. Chatillon et Houpert, Mmes Patru, P. Martin, Gacquerre et Jacquemet, M. Canévet, Mme Josende, M. Hingray, Mme Devésa et MM. Courtial, Parigi, Chasseing et Meignen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les informations mentionnées aux 1° à 4° du présent article sont mises à disposition, par la Caisse des dépôts et consignations, des organismes de formation ayant conclu un contrat d'action de formation avec le stagiaire concerné, aux seules fins de prévention et de détection des fraudes aux inscriptions et à la présentation aux épreuves de certification.

« Cette mise à disposition s'effectue dans le respect du principe de minimisation des données et des garanties de sécurité prévues par décret en Conseil d'État.

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à renforcer la prévention et la détection des fraudes liées aux certifications financées par le CPF.

Actuellement, les organismes de formation ne reçoivent pas certaines informations essentielles sur les inscriptions et les certifications. Avec cet amendement, nous prévoyons donc que la Caisse des dépôts et consignations puisse leur transmettre ces données uniquement à des fins de contrôle et de lutte contre la fraude.

Je précise que le dispositif que nous proposons tend non pas à créer un nouvel usage des données, mais à améliorer la traçabilité et la sécurisation du CPF.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Dans sa version actuelle, le projet de loi prévoit que les informations relatives à l'inscription, à la présence et à l'obtention des certificats sont transmises par les certificateurs au système d'information du CPF sans que les organismes de formation en soient informés.

Cet amendement vise à corriger cette situation de fait : avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je comprends l'intention des auteurs de l'amendement.

Pour l'heure, seule la Caisse des dépôts et consignations est en mesure de contrôler et de sanctionner l'obligation de présentation à l'examen introduite par l'article 13 du projet de loi. Je rappelle que les organismes de formation peuvent par ailleurs collecter directement cette information auprès de leurs stagiaires ou de leurs anciens stagiaires.

Cela étant, compte tenu de la position de la commission, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.