Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous en reparlerons !

Mme Stéphanie Rist, ministre. À cet égard, les financements prévus comprennent 65 millions d'euros pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie. Par ailleurs, 100 millions d'euros sont destinés au renforcement de l'attractivité des établissements de santé auprès des étudiants. Cela aussi, j'espère, nous aurons l'occasion d'en reparler.

Ces dépenses s'accompagneront d'une efficience accrue de nos établissements de santé, un autre travail qui s'impose. Ainsi, plusieurs mesures inscrites dans ce PLFSS visent à augmenter cette efficience, mais aussi à mieux partager les économies permises, en particulier, par une approche plus pertinente, si je puis dire, des prescriptions par les établissements.

En somme, si l'Ondam est serré et difficile, il n'est pas pour autant déconnecté des réalités ; cette amélioration de l'efficience en particulier permettra de conserver la trajectoire dont notre sécurité sociale a besoin.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je souhaite à la fois aborder quelques points précis et ouvrir un débat plus général, qui demandera à être poursuivi.

Si nous sommes favorables au débat, donc défavorables à toutes les motions tendant à l'interrompre, c'est bien parce que ce n'est pas en quelques minutes que l'on peut aller au bout de toutes les questions suscitées par votre intervention, madame la sénatrice.

Tout d'abord, le choix de l'adjectif « austéritaire » pour qualifier un budget en déficit de 17,5 milliards d'euros est discutable. Il s'agit d'argent qui sera dépensé et qu'il faut trouver ailleurs. Dans la dette et dans la taxation, proposent certains. Pour notre part, nous ne nous inscrivons pas dans cette logique : nous voulons maîtriser la dette et les taxes. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

L'argent qui va là, il ne va pas ailleurs ; il faut tout de même affronter ces chiffres. Dès lors, puisque nous parlons d'ouvrir le débat, l'on peut débattre du terme « austéritaire ».

Ensuite, vous avez rappelé l'avertissement lancé par Georges Pompidou en 1967. Oui, madame la sénatrice, on aurait alors dû l'écouter ! Il enjoignait de s'occuper de la sécurité sociale ; l'a-t-on suffisamment fait ? N'y a-t-il pas eu, au fil des années, une lente dérive en la matière ?

Les dérives, c'est bien connu, au début, on ne s'en aperçoit pas ; ce n'est que lorsqu'elles se font lourdes et graves qu'on les voit, quand on les a laissées s'installer, au moment où il est devenu très difficile de les contenir. Votre remarque était donc intéressante : oui, nous avons subi une telle dérive, et peut-être aurions-nous pu faire davantage attention à un phénomène proprement structurel – je relève que cet adjectif-ci a été assez peu prononcé.

La sécurité nationale est née, dans l'immédiat après-guerre, du programme du Conseil national de la Résistance. Nous convenons tous de son importance, nous y reconnaissons tous un bien commun des Français. Personne ici ne songe à porter une atteinte fondamentale à ce système de protection assez unique, dont nous pouvons tous être fiers.

Mais que se passe-t-il ? Quelques éléments de fond posent problème, au premier rang desquels on trouve la démographie. Celle-ci, à l'évidence, fait subir aux caisses de retraite un déséquilibre croissant.

La redoutable disproportion entre les actifs et les retraités va toujours plus s'aggraver. La démographie est une science terrible : on ne peut pas la balayer ; ce qu'annoncent les démographes aujourd'hui se produira à coup sûr. Même si nous prenons dès à présent des décisions fortes, il faut des décennies pour corriger les effets de la démographie.

La perspective qui s'ouvre est donc quasiment certaine en termes de connaissance scientifique : le déséquilibre fondamental entre actifs et retraités auquel nous faisons déjà face va encore s'aggraver ; tout le monde peut reconnaître que cela pose problème pour un système par répartition.

En outre, depuis l'après-guerre, l'économie a considérablement changé. Nous sommes, en 2025, dans un monde beaucoup plus ouvert, largement numérisé, un monde de concurrence entre pays et en leur sein. On connaît les enjeux géopolitiques actuels ; on sait ce qui se passe aux États-Unis, en Chine et en Europe. La France d'aujourd'hui n'est plus celle de l'après-guerre, qui était un peu plus fermée sur elle-même. Nous connaissons une situation très ouverte, et nous devons nous y adapter. (Mme Raymonde Poncet Monge manifeste son exaspération.)

Vous avez également souhaité ouvrir le débat sur la solidarité. Oui, celle-ci est nécessaire, et elle doit être appréhendée globalement.

Ainsi de la solidarité entre actifs et retraités : il faut prendre garde à ce que les actifs, en particulier les jeunes actifs, n'aient pas l'impression de faire tous les efforts au bénéfice des retraités. Le débat sur le niveau de l'effort et sur sa répartition entre tous est pertinent ; nous pouvons l'avoir ensemble.

Le débat pourrait aussi porter sur la répartition de l'effort entre salariés et l'entreprise. Avant mes fonctions actuelles, je dirigeais une entreprise – une entreprise publique, certes, mais ce n'en était pas moins une entreprise.

Je n'ignore donc pas qu'il faut faire attention à nos entreprises, mais je n'en reste pas moins persuadé que tout vient du travail. Je suis vraiment un militant du travail – cela tombe bien, quand on est ministre du travail ! (Sourires.) Je veux que les gens travaillent, je tiens à la dignité du travail, au lien social qu'il permet. Or, nous le savons bien, les jeunes travaillent un peu trop tard et les seniors, pas assez. (M. Akli Mellouli s'exclame.)

Le travail est fondamental, mais il ne se décrète pas, car il est lié à l'emploi. Pour qu'il y ait du travail, il faut que des entreprises proposent des emplois et, pour qu'elles en aient les moyens, il faut qu'elles puissent se développer.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Voilà pourquoi il faut aussi faire attention aux entreprises – tout est question d'équilibre. Quoi qu'il en soit, ayons ce débat fondamental, que je vous remercie d'avoir lancé.

Sur l'ensemble de ces sujets, je suis évidemment favorable à tout ce qui permet le débat, comme nous l'avons déjà précisé en réponse aux deux motions précédentes.

Le Gouvernement est prêt à entendre des arguments contradictoires ; c'est tout l'objet du débat parlementaire. Je le redis : à la fin des fins, ce n'est pas le Gouvernement qui vote. Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, le Parlement s'exprime : c'est vous, parlementaires, qui ferez les budgets, et non le Gouvernement. Celui-ci fait des propositions, il participe au débat, mais à la fin, c'est vous qui décidez !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 744, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 83
Contre 243

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Chasseing. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la sécurité sociale est la colonne vertébrale de la République. Que nous soyons pauvres ou riches, nous sommes soignés de la même façon. Les parlementaires doivent s'unir pour sauver les acquis sociaux mis en place par le Conseil national de la Résistance.

Malheureusement, la situation n'évolue pas dans le bon sens. La sécurité sociale sera cette année en déficit de 23 milliards d'euros. Pour 2026, le Gouvernement a proposé un effort proportionné pour ramener ce déficit à 17 milliards d'euros.

Toutefois, à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale, le déficit qui résulterait de ce PLFSS serait plutôt de 23 milliards d'euros de nouveau, voire de 24 milliards d'euros, donc bien loin des objectifs initiaux.

Cela s'explique d'abord par la suppression de plusieurs dispositions : la contribution portant sur les mutuelles, la taxation des tickets-restaurant, l'extension des franchises, ou encore l'année blanche pour l'évolution des prestations. Certes, l'Assemblée nationale a voté en faveur d'une hausse des recettes, via des prélèvements accrus sur les revenus du patrimoine financier et du capital, mais cela ne compense pas les suppressions citées. Enfin, le gel à 62 ans et 9 mois de l'âge légal de départ à la retraite entraînera une aggravation du déficit de 1,4 milliard d'euros.

Concernant les retraites, nous proposons plutôt de revenir à la réforme de 2023, que le Sénat proposait déjà les quatre années précédentes ; ainsi, nous contribuerons à équilibrer le régime de retraite.

Rappelons que le volume de travail en France est bien inférieur à celui de nos voisins : 660 heures par an en moyenne, contre 730 en Allemagne et 770 pour l'Union européenne entière. Le taux d'emploi des jeunes est de 40 % chez nous, contre 60 % en Allemagne ; celui des seniors est de 45 % chez nous, contre 65 % en Allemagne. Une augmentation du volume de travail par habitant est indispensable. Elle permettra de dégager plus de recettes et de renforcer notre compétitivité.

Il faudrait aussi débattre de l'opportunité d'un système par capitalisation pour une part de nos pensions de retraite.

Il conviendrait également de réfléchir à la nécessité, pour l'assurance maladie, de recettes supplémentaires comme une TVA sociale ou une extension de la CSG. Cela servirait à financer l'accroissement prévisible des dépenses de santé. Certes, nous devons essayer de maîtriser les dépenses de l'assurance maladie, mais celles-ci sont, pour les trois quarts, liées aux affections de longue durée (ALD) ; or, si nous comptions en 2012 quelque 9 millions de malades en ALD, ils sont 14 millions cette année et devraient être 18 millions en 2035.

En outre, les patients souffrant d'ALD non exonérantes – pour 32 % d'entre eux, des troubles musculo-squelettiques (TMS), pour 33 %, des dépressions légères – peuvent bénéficier à ce titre de 1 095 jours d'arrêt de travail sur trois ans, contre seulement 350 jours dans le régime de droit commun. Or le volume de ces arrêts de travail augmente de 6,4 % par an, pour un coût de 3,4 milliards d'euros.

J'ai déposé un amendement d'appel afin d'évoquer plus en détail ce problème dans le débat. Il me semblerait préférable que ces patients bénéficient d'un travail de prévention et d'un aménagement de leur poste de travail.

Un arrêt de plus de 1 000 jours sur trois ans risque en revanche d'avoir pour effet une complète désinsertion professionnelle. Des mesures d'accompagnement doivent être privilégiées, comme celles qui ont été prévues à l'article 19 pour les ALD de premier niveau. Le problème est en revanche tout autre pour les ALD qui sont des maladies graves, menaçant la vie du patient.

Plus largement, il est indispensable de mieux encadrer les arrêts maladie, notamment quand ils sont délivrés en téléconsultation.

L'évolution des dépenses d'indemnités journalières est hors de contrôle : leur coût a augmenté de 28 % en quatre ans, soit 6,4 % par an. Le Gouvernement proposait dans le texte initial de limiter à quinze jours le premier arrêt de travail prescrit ; j'ai déposé un amendement visant à rétablir cette disposition.

Nous comptions 4 millions de retraités en 1980 ; il y en a 18 millions actuellement, ils seront peut-être 25 millions en 2040. Les pensions de retraite représentent 14 % du PIB et 24 % des dépenses publiques ; elles sont en déficit de 6 milliards d'euros en 2025. Entre 2020 et 2025, les retraites n'ont cessé d'être revalorisées, préservant totalement le pouvoir d'achat des retraités.

Aujourd'hui, pour tendre vers l'équilibre du régime, il est demandé aux retraités de participer à cet effort pour 2026 en acceptant un gel de leur pension, étant entendu que les prestations des retraites minimales et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) resteraient indexées sur l'inflation, dont les rapporteurs ont bien rappelé qu'elle n'était que de 1 % cette année.

Je veux signaler quelques améliorations permises par ce projet de loi.

Son article 40 étend le bénéfice du capital décès aux ayants droit des non-salariés agricoles. L'article 41 améliore le dispositif de recouvrement des pensions alimentaires, en permettant le recouvrement des impayés dans un délai de cinq ans au lieu de deux. L'article 42 instaure un congé supplémentaire de naissance pouvant aller jusqu'à deux mois, financé pour les deux parents. L'article 45 contribuera à réduire l'inégalité entre les femmes et les hommes à la retraite, par une meilleure valorisation de la maternité dans l'ouverture des droits à la retraite anticipée pour carrière longue. Enfin, l'article 43 simplifie et rationalise le cumul emploi-retraite ; il ouvre également droit à une deuxième pension après 67 ans.

Je relève aussi l'augmentation de 1 milliard d'euros de la dotation des hôpitaux.

Je formule à cette occasion le vœu qu'une organisation soit mise en place pour les soins non programmés dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en lien avec l'agence régionale de santé (ARS).

Mes chers collègues, après l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, le déficit prévu de la sécurité sociale en 2026 a encore été aggravé de 8 milliards d'euros, passant de 17 milliards d'euros dans la version initiale à 24 milliards, voire à 25 milliards. La Cour des comptes a bien pointé que ce déficit était hors de contrôle ; nous ne pouvons pas laisser un tel legs à nos enfants, d'autant qu'ils auront à affronter l'explosion de la dépendance.

En effet, le nombre des personnes âgées de 85 ans et plus doublera entre 2020 et 2040, ce qui nécessitera plus d'emplois d'aide-soignantes et d'infirmières pour prendre en charge décemment nos aînés en Ehpad et à domicile, donc une augmentation du budget de l'autonomie.

De plus, la santé mentale se dégrade. Comme l'a montré notre rapport d'information sur ce sujet, il faudra, là aussi, plus de crédits, notamment pour renforcer les centres médico-psychologiques (CMP). J'ai déposé un amendement en ce sens.

Nous faisons aussi face à une chute de la natalité. Je regrette que mes amendements visant à la combattre n'aient pas été retenus.

Enfin, pour maintenir nos acquis sociaux, nous devons avoir plus de cotisants et plus d'emplois, ce qui requiert des entreprises compétitives. Notre groupe souhaite redonner au travail sa place de valeur socle et propose une sécurisation juste de la sécurité sociale, afin de ne pas laisser une dette insurmontable à nos enfants.

Espérons que le travail du Sénat permettra d'aller dans le sens d'un rééquilibrage responsable, pour sauver la sécurité sociale, préserver notre modèle social et assurer l'avenir de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean Sol. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, cette année, la sécurité sociale fête ses 80 ans, un anniversaire symbolique pour une institution qui demeure au cœur de notre modèle social. Créée en 1945 dans un contexte de reconstruction, elle incarne encore aujourd'hui l'idéal de solidarité nationale : garantir à chacun l'accès aux soins, à la retraite et à la protection contre les aléas de la vie.

Pourtant, cet anniversaire s'accompagne d'une réalité bien plus préoccupante : les comptes de l'assurance maladie et de la branche vieillesse affichent un déséquilibre financier fort et durable. Le vieillissement de la population, la hausse des dépenses de santé et la baisse de la natalité fragilisent un système conçu pour une autre époque.

Les 80 ans de la sécurité sociale offrent l'occasion à la fois de célébrer une conquête sociale majeure et de s'interroger sur sa pérennité et sur les réformes nécessaires pour préserver, dans un contexte économique et politique tendu, l'esprit de solidarité qui en fut la raison d'être.

Nous entamons aujourd'hui l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2026. En cet instant, je tiens à saluer le travail remarquable de la rapporteure générale et de l'ensemble des rapporteurs de branche, qui ont dû étudier ce texte dans des délais très contraints. La complexité des comptes de la sécurité sociale est telle que l'on ne devrait pas les examiner à marche forcée.

La France vit aujourd'hui sous le poids écrasant de sa dette publique : un peu plus de 3 400 milliards d'euros. Ce montant vertigineux fait souvent oublier la dette sociale. Celle-ci paraît secondaire, mais c'est une erreur, car elle touche au cœur même de notre pacte républicain.

Autrement dit, nous faisons peser sur nos enfants le coût de nos propres factures. Est-ce cela, la solidarité intergénérationnelle ? Nous ne le pensons pas.

C'est pour éviter cette dérive qu'a été créée la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), financée en partie par des impôts affectés, la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) et la CSG, impôts dont la plus grande part est acquittée par les salariés et les retraités.

Ainsi, 266 milliards d'euros de dette sociale ont déjà été amortis depuis 1996. Cela représente un effort collectif considérable, mais, aujourd'hui, le système n'en est pas moins à bout de souffle. Plus aucun transfert de dette n'est possible, sauf à prolonger indéfiniment la Cades, ce qui ne ferait que gagner un peu de temps sans pour autant arrêter les déficits, ou à augmenter les impôts.

La sécurité sociale en est réduite à ce qu'elle ne devrait jamais faire : s'endetter sur les marchés pour boucler ses fins de mois. En 2026, le plafond d'emprunt de l'Acoss serait relevé à 83 milliards d'euros ; pour l'année 2025, il était de 65 milliards d'euros. La Cour des comptes a pointé les difficultés que pourrait rencontrer cette caisse pour se refinancer sur les marchés des capitaux à court terme.

Une telle situation n'est pas une fatalité : c'est le résultat d'un manque de réformes structurelles.

Voilà le contexte dans lequel nous abordons l'examen du PLFSS. Nous le faisons avec gravité et inquiétude, d'autant que les signaux d'alerte se multiplient.

Notre inquiétude porte essentiellement sur deux sujets.

Le premier est le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Nous estimons que l'évolution prévue de l'Ondam, même rectifié à +2 %, au lieu de +1,6 %, n'est pas tenable ; à notre sens, elle est même en inadéquation avec les besoins, et ce pour trois raisons.

Tout d'abord, nous nous interrogeons fortement sur la réalité des 7,1 milliards d'euros d'économies présentées par le Gouvernement : leur faisabilité nous paraît plus qu'incertaine. La Cour des comptes a d'ailleurs jugé qu'elles étaient insuffisamment documentées.

Ensuite, une hausse de 2 % seulement des dépenses représenterait un net resserrement par rapport à la hausse moyenne annuelle de 4,8 % constatée entre 2019 et 2025. Comme l'a justement souligné tout à l'heure notre collègue Corinne Imbert, rapporteur de la branche maladie, nous assisterons, en 2026, comme à l'habitude ces dernières années, à des mesures de régulation prises unilatéralement par le Gouvernement.

Enfin, cette sous-évaluation des dépenses de santé ignore des décisions gouvernementales antérieures, notamment le Ségur de la santé, dont les mesures, au coût global de 13 milliards d'euros, n'ont jamais été financées.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons l'amendement de suppression de l'article 49 proposé par la commission.

Notre second sujet d'inquiétude est le recul du Gouvernement concernant la mise en œuvre de la réforme des retraites de 2023.

Nous estimons que cet abandon est une faute. Non seulement il fragilise nos comptes sociaux, mais il envoie un message désastreux : celui que la France recule quand elle devrait avancer.

M. Jean Sol. En effet, nous le savons tous, repousser l'âge de départ est difficile. C'est certes impopulaire, mais c'est nécessaire pour préserver notre modèle social, pour garantir les retraites de demain et, surtout, pour que le travail garde sa valeur.

En laissant partir plus tôt à la retraite des générations entières de seniors, nous nous privons d'une richesse humaine et économique. C'est à rebours de tout ce dont notre pays a besoin : plus de travail, plus d'activité et plus de responsabilité !

Est-il responsable de suspendre une telle réforme sans envisager d'autres moyens de financement crédibles ? Nous ne le pensons pas. Nous avons donc fait le choix d'adopter une position claire sur ce point.

Plus généralement, nous défendons la maîtrise des dépenses plutôt que l'augmentation des recettes. Aussi, nous soutiendrons la suppression de l'article 6 bis, qui revient à prélever 2,8 milliards d'euros sur l'épargne des Français.

Nous soutiendrons la limitation des niches sociales, mais en veillant à ne pas fragiliser certains territoires – je pense notamment aux exonérations issues de la loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009.

En responsabilité, nous proposerons de geler les prestations sociales et les pensions de retraite, mais en excluant de ce gel l'allocation pour adultes handicapés et les pensions de retraite inférieures à 1 400 euros, afin de préserver nos concitoyens les plus fragiles.

Le volet de ce PLFSS consacré à la santé se limite à une série de mesures ponctuelles, souvent contraignantes et dépourvues de vision d'ensemble. Il met à mal la relation avec les professionnels de santé, sans proposer aucune orientation solide pour l'avenir de notre système de santé.

Mesdames, monsieur les ministres, des mesures d'économie sont réalisables.

Pourquoi donc ne pas accélérer, par exemple, le déploiement des prestations d'hébergement temporaire non médicalisé ? Celles-ci, annoncées dans le Ségur de la santé et mises en œuvre dès le PLFSS 2021, permettraient d'importantes économies de dépenses d'assurance maladie. Ce dispositif, qui offre aux établissements de santé des gains d'efficience majeurs, est encore trop méconnu du grand public et des équipes médicales.

Enfin, selon notamment un ancien directeur de la sécurité sociale, un plan pluriannuel exigeant et une règle d'or interdisant les déficits pourraient sauver notre modèle bien plus que des taxes médiatiques sur les plus riches.

Pour conclure, nous considérons que toute loi de financement de la sécurité sociale s'impose comme un texte clé, non seulement pour l'année à venir, mais pour la santé financière à long terme de notre protection sociale. Il s'agit de redresser des équilibres affaiblis : celui de l'assurance maladie comme celui des retraites.

Le défi est immense, mais il peut être relevé, à condition de choisir la lucidité plutôt que l'illusion, la responsabilité plutôt que l'indifférence et la facilité. Tel est le cap que nous proposons de tenir.

C'est pourquoi nous soutiendrons les amendements déposés par nos rapporteurs, afin de rendre ce texte un peu plus cohérent et, si possible, utile. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, les 4 et 19 octobre dernier, nous avons célébré les 80 ans des ordonnances fondatrices de la sécurité sociale.

Ces ordonnances ont traduit un souffle, une promesse, un serment républicain nés des ruines d'un pays meurtri. Elles ont donné à chacun un droit nouveau et révolutionnaire, celui d'être protégé non parce que l'on en a les moyens, mais parce que l'on est citoyen.

Finalement, la création de ce modèle social est le fruit d'une intuition simple : que la dignité n'est pas un luxe, que la santé n'est pas un privilège et que la solidarité est non pas une faveur, mais bien une dette que la Nation contracte envers chacun de ses enfants.

Seulement, notre modèle fondé sur des principes datant de 1945 ne répond plus vraiment à ceux de 2025. Notre pays n'est plus jeune – il vieillit. Notre natalité s'effrite. Nos maladies ne sont plus celles d'hier, et les pathologies chroniques montent comme une marée lente et inexorable.

C'est ainsi que notre sécurité sociale, ce totem républicain, se retrouve fragilisée, non parce qu'elle serait dépassée dans son esprit, mais parce que le monde autour d'elle a changé plus vite qu'elle.

Pourtant, dans le tumulte des débats politiques, on demande à la sécurité sociale d'être tout à la fois généreuse, rapide, performante et économe. On lui demande surtout de ne jamais coûter plus cher, tout en prenant toujours plus en charge. Bref, on lui demande l'impossible.

Nous ne pouvons pas continuer à dire tout et son contraire. Nous ne pouvons plus dénoncer les déficits de la sécurité sociale tout en supprimant la possibilité de nouvelles recettes. Nous ne pouvons plus appeler à sauver l'hôpital tout en réduisant ses moyens. Nous ne pouvons plus célébrer la solidarité tout en refusant d'en assumer le prix.

La sécurité sociale représente aujourd'hui plus d'un euro sur deux de la dépense publique. Les retraites, à elles seules, mobilisent 407 milliards d'euros, soit 14 points de PIB.

La vérité politique, en dehors de toutes les postures, c'est que notre modèle social est un géant fatigué. Il est certes encore majestueux et toujours puissant, mais il s'est fragilisé dans ses fondations mêmes.

Aussi, mes chers collègues, qu'allons-nous faire du texte qui nous arrive tout droit de la chambre basse ? Notre sécurité sociale a besoin que nous cessions d'en faire un champ de bataille politique ; elle doit redevenir le champ de notre responsabilité collective.

Le texte initial n'était pas parfait, le Premier ministre Lecornu l'avait annoncé lui-même. Mais le texte que nous examinons aujourd'hui l'est encore moins.

La succession des réformes des retraites, depuis plus de trente ans, n'est rien d'autre qu'un signal d'alarme sur notre vision à long terme de nos politiques publiques. C'est le signal que notre modèle, pensé en 1945, est devenu obsolète dans ses mécanismes. À l'écouter, on comprend qu'ajuster uniquement l'âge de départ à la retraite est un point de crispation, parfois de chaos, mais surtout un aveu : nous refusons de repenser la structure profonde du système de protection sociale.

À l'Assemblée nationale, certains députés ont dénoncé un texte « insuffisant », « injuste » et qui « taxe toujours les mêmes ». Entre les incohérences et les postures, un tourbillon de contradictions a donné naissance à des votes incompréhensibles.

Ainsi de la suppression de l'article 7, qui soumettait les complémentaires santé à une contribution exceptionnelle : 1 milliard d'euros de recettes en moins, alors même qu'en 2025 ces mêmes complémentaires avaient augmenté leurs cotisations en spéculant sur une prise en charge du ticket modérateur qui n'est jamais arrivée.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas continuer à dire tout et son contraire, à promettre sans financer, à dépenser sans compter, à préférer les postures aux responsabilités.

Ce débat n'est pas technique : il est historique. J'espère que, cette année encore, nous montrerons que le Sénat est à la hauteur des enjeux du pays, sans que les egos mal placés de ceux qui se sentent faussement délaissés et de ceux qui ne jouent que le coup d'après nous fassent trébucher.

Tous ceux qui, dans cet hémicycle, sont attachés à notre modèle social, ne sauraient se contenter du statu quo ou du conservatisme : ils doivent faire évoluer notre système social, à commencer par le système de retraite. Il faut le réformer, si l'on ne veut pas le voir disparaître. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)