M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. En ce début de discussion, il me semble nécessaire de poursuivre nos échanges quant au cadre général dans lequel s'inscriront tous nos débats à venir.
Madame la ministre, à vous entendre, la dépense ne peut pas progresser, comme l'année dernière, de 3,4 %, quand la richesse du pays augmente de 1,7 %.
Il y a un décalage : cela n'a échappé à personne. Mais la progression de notre dépense de santé tient principalement à notre démographie – notre population prend de l'âge, ce qui signifie davantage de maladies chroniques – et au coût des innovations. Quoi que vous fassiez, elle sera supérieure à 1,7 %.
Quelles mesures proposez-vous pour la maîtriser ? Depuis huit ans que vous gouvernez, a-t-on pris le virage de la prévention ? Quel est le ministère qui s'oppose chaque année à une mise à contribution des secteurs de l'alcool, du tabac et de l'industrie agroalimentaire ?
Cette année encore, le PLFSS reste muet sur ces questions. On refuse une nouvelle fois de prendre le virage de la prévention, grâce auquel les coûts se réduiraient pourtant en l'espace de quelques années.
Vous ne menez pas les réformes structurelles qui nous permettraient de mieux maîtriser la dépense ; et que dire des charges que je qualifierai d'inutiles, notamment celles qui résultent de l'irruption d'acteurs financiers, lesquesl détournent une part des sommes que paient les Français pour financer le système de sécurité sociale ? En la matière, votre ministère n'a rien fait non plus. Il bloque même les rares initiatives qui émergent.
Si vous ne mettez pas de solution sur la table pour réduire la dépense de santé, il faut bien prévoir des recettes en conséquence ; sinon, l'on ne fera que perpétuer le déséquilibre et, en l'occurrence, je vous rejoins pour dire que ce n'est pas souhaitable. Il faut que l'assurance maladie revienne à l'équilibre.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J'approuve bien sûr les observations formulées par M. Jomier.
Madame la ministre, je tiens à vous faire remarquer que dans beaucoup de pays d'Europe, confrontés au vieillissement et à la dégradation des mêmes déterminants de santé, la part des dépenses de santé dans le PIB tend également à augmenter. À ce titre, c'est à tort que l'on parle d'effet de richesse : pour notre part, nous refusons d'employer ces termes.
Vous ne nous avez pas répondu quant à la ventilation de la rétrocession. J'espère que vous nous donnerez, à tout le moins, ces éléments par écrit.
Pour l'heure, je tiens surtout à réagir au satisfecit auquel vous vous êtes livrée au titre de l'année 2025. Vous vous félicitez de l'absence de dépassement ; mais, pour arriver à ce résultat, il a fallu que, en juin 2025, devant un risque sérieux de dépassement – on parle quand même de 1,3 milliard d'euros –, vous soyez alertée par le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, qui, pour le coup, est investi d'un vrai rôle, d'un rôle tout à fait utile.
À la suite de ces alertes, vous avez procédé à l'annulation de crédits mis en réserve. Bien sûr, le Parlement n'aura rien à en dire : en l'occurrence, vous avez totalement la main…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pas totalement !
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est formidable de pouvoir établir des budgets sur la base d'un Ondam insincère. Il me semble d'ailleurs bien qu'un de nos collègues de la commission des finances a également parlé d'« insincérité » de l'Ondam.
De votre seule initiative, vous avez supprimé un certain nombre de crédits pour 2025, et le fonds d'intervention régional (FIR) s'en trouve pénalisé.
Les besoins de modernisation se font sentir de toutes parts, y compris en matière d'organisation, même si personne ne le dit. Or le FIR est une variable d'ajustement laissée à votre seule main ; vous avez décidé de prélever sur ce fonds en juin dernier, après que l'on vous a alertée d'un dépassement de 1,3 milliard d'euros. Si, en définitive, le budget de cette année n'est pas déficitaire, c'est grâce au comité d'alerte et non à vos prévisions.
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.
M. Mickaël Vallet. Madame la ministre, vous le savez, le budget de la sécurité sociale, ce ne sont pas seulement de chiffres ou des questions comptables ; ce sont des réalités de terrain.
On dit et on répète un peu complaisamment dans cet hémicycle que le Sénat est la « chambre des territoires », en tout cas des collectivités territoriales. Or, dans les territoires, on se sent complètement écrasé entre, d'une part, cette vision comptable, ces questions de PIB et de sincérité budgétaire, et, de l'autre, la vision des agents hospitaliers eux-mêmes.
Cela fait dix-huit ans que je siège au conseil de surveillance de l'hôpital de ma commune. Auparavant, cette instance s'appelait conseil d'administration : les élus locaux avaient encore un rôle à y jouer, ce qui n'est absolument plus le cas aujourd'hui, les directions ayant désormais tout pouvoir, bien qu'elles aient peu de moyens.
Au fil des années, on le constate de manière extrêmement concrète – je vous le dis sans pathos –, in fine c'est toujours grâce aux efforts des agents que l'on maintient la qualité du service rendu, en tout cas jusqu'au moment où les structures sont à l'os. Dès lors, tous ces impératifs comptables deviennent parfaitement inadmissibles.
Savez-vous comment l'agence régionale de santé (ARS) appelle la suppression de treize à dix-sept équivalents temps plein (ETP) dans l'hôpital de ma commune ? Ce « plan de retour à l'équilibre », impliquant la réduction de la masse salariale, est baptisé « plan de performance ».
M. Mickaël Vallet. Les représentants de l'ARS expliquent aux agents hospitaliers qu'il ne faut pas s'inquiéter ; que l'on va faire beaucoup mieux avec beaucoup moins.
Mme Céline Brulin. Voilà !
M. Mickaël Vallet. Ces discours ne sont plus acceptables pour des gens qui, du matin au soir, s'occupent de patients ; qui ne peuvent pas laisser leur poste d'une minute à l'autre, pour la simple et bonne raison qu'ils ont des humains en face d'eux.
De même, dans l'hôpital de ma commune, on a supprimé les jours de réduction du temps de travail (RTT) il y a une dizaine d'années, et l'on m'explique qu'il est impossible de les rétablir. Un appel à la grève y a été lancé pour mardi prochain, et les grévistes auront bien raison – encore faut-il pouvoir se passer d'une journée de salaire…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Mickaël Vallet. Vous devez le comprendre : de tels discours, dominés par l'aridité budgétaire, finissent par percuter les gens avec une infinie violence.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, avant tout, je tiens à vous remercier de vos interventions. S'arrêter sur l'article 2, c'est en effet s'arrêter sur un sujet important : l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, dont il faut bien avoir en tête la progression générale.
En 2019, l'Ondam était d'un tout petit peu plus de 200 milliards d'euros. Aujourd'hui, il atteint 267 milliards d'euros. Cette forte inflation est effectivement due au contexte démographique, mais nous pouvons tous admettre que la dérive n'a que trop duré.
Les intérêts d'emprunt que nous payons sont de plus en plus lourds…
M. Bernard Jomier. Que fait la majorité au pouvoir depuis huit ans ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J'aimerais beaucoup que l'on puisse restituer les montants évoqués au fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS), comme au fonds d'intervention régional. Mais, je le répète, nous croulons sous la dette.
C'est pour cette raison que nous devons apporter aujourd'hui un certain nombre de réponses purement comptables. C'est bel et bien malheureux – je suis même la première à le déplorer –, mais il faut désormais que l'on arrive à réduire ce déficit : sinon, c'est l'ensemble de notre protection sociale qui s'écroulera. (M. Vincent Delahaye applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Ce débat, assez éclairant, me semble nécessaire avant que nous n'entrions dans le détail des articles.
Chacun le dit à sa manière : finalement, il n'y a pas de dérapage des dépenses d'assurance maladie.
Mme Céline Brulin. Or nombre de mesures de ce PLFSS visent précisément à réduire nos dépenses de santé, pour les malades notamment.
Chacun à sa manière dit aussi non seulement qu'une grande part des dépenses de santé sont incompressibles, mais que le vieillissement de la population et l'amélioration des techniques de santé vont encore les accroître.
Face à ce contexte, il faudrait s'efforcer de trouver de nouvelles sources de financement. On devrait cesser de s'entêter, PLFSS après PLFSS, dans une logique qui, loin d'inverser la tendance,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. L'aggrave !
Mme Céline Brulin. … creuse encore les déficits.
On nous dit qu'il faut continuer avec les mêmes méthodes, avec les mêmes solutions,…
M. Mickaël Vallet. Qui ont les mêmes effets !
Mme Céline Brulin. … qui n'en sont pas, en martelant : « La dette, la dette, la dette ! »
Comment les personnels de santé peuvent-ils entendre un tel discours ? Ce sont eux qui, en bout de chaîne, gèrent les problèmes au quotidien de manière tout à fait concrète. J'ajoute qu'ils doivent faire face à un certain nombre de situations insupportables.
On l'a dit, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen, comme d'autres, d'ailleurs, ne va pas pouvoir prendre d'internes dans les services d'urgence cet automne. Chacun d'entre nous pourrait multiplier les exemples de situations insupportables constatées dans nos départements.
Chacun a ses options, j'en conviens. Mais il y a quand même un vrai changement de logique à opérer…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. Sinon, je ne vois pas comment nous allons y arriver.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, à mon tour, je tiens à insister sur la situation où nous nous trouvons.
Nous avons alerté vos prédécesseurs, PLFSS après PLFSS, quant au manque de moyens dédiés à la santé et, plus particulièrement, aux établissements hospitaliers.
Les débats qu'au travers de cet article nous consacrons à l'Ondam le montrent bien : nous n'arrivons pas à nous faire entendre. Comme l'ont déjà dit un certain nombre de mes collègues, nous relayons pourtant ce que vivent les soignants dans tous nos territoires. Il est véritablement urgent d'agir pour prendre en considération ce que nous vous disons, ce qui se passe dans nos départements.
En ce sens, je souscris totalement aux sous-amendements déposés par nos collègues. Non seulement la faible augmentation de l'Ondam consentie via cet article n'est pas dédiée aux établissements de santé, comme vous semblez le dire, mais elle ne reflète pas la réalité de la situation.
Cette hausse est insuffisante pour faire face aux besoins, d'autant qu'elle va de pair avec l'augmentation des cotisations employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la fameuse CNRACL. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRCE-K.) Pour un quart, la progression annoncée doit permettre de faire face à cette charge supplémentaire. En l'occurrence, il ne s'agit pas de ressources nouvelles.
La progression de l'Ondam, d'un niveau historiquement bas, ne permettra en aucun cas de répondre aux besoins croissants de nos concitoyens en matière de santé. Elle est insuffisante pour couvrir la progression naturelle des dépenses de nos établissements.
Je le souligne à mon tour, notre population est vieillissante, les maladies chroniques sont très présentes et l'inflation est là. Nous sommes dans l'absolue nécessité de consacrer davantage de moyens aux politiques de santé : il y va de la dignité de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat montre que nous sommes tous conscients des enjeux.
Bien sûr, je suis ministre de l'action et des comptes publics, mais je reste une citoyenne comme les autres et j'observe, comme vous, les difficultés de notre système de santé.
Ma mère est infirmière, ma sœur est sage-femme, plusieurs de mes belles-sœurs sont médecins. Comme beaucoup de Français, vous et moi sommes entourés de ceux et de celles qui font vivre le système de santé. Nous entendons, nous connaissons évidemment leurs difficultés, que l'on peut résumer de la manière suivante.
Grâce à son système de santé, la France a longtemps été l'un des meilleurs pays, peut-être même le meilleur au monde, pour traiter la maladie aiguë. Elle a su se doter de CHU et de centres de recherche de pointe. Or, aujourd'hui, 15 millions de Français se trouvent en affection de longue durée (ALD). Notre médecine doit faire face aux enjeux de la maladie chronique. Tout en restant très performant, notre système de santé se révèle donc très décalé par rapport à certains besoins.
Je tenais à dresser ce constat en préambule. Sinon, l'on risque de me faire dire ce que je ne dis pas, pour me faire porter le chapeau d'une politique que j'estime moi-même nécessaire de réformer en profondeur.
Je reviens maintenant au présent article. Nous vous proposons, à ce titre, une photographie de ce qui a été fait en 2025.
Pour 2026, le Gouvernement a de lui-même proposé, à l'article 49 du présent texte, de renforcer de 850 millions d'euros les crédits des établissements de santé. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Céline Brulin. Cela ne couvre même pas la CNRACL !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Si, madame la sénatrice !
Nous avons bien conscience des difficultés, mais nous ne pouvons pas laisser filer la dette indéfiniment. Nous ne pouvons pas proposer à notre pays une équation financière reposant sur la création de dette.
M. Ronan Dantec. Il faut donc de nouvelles recettes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous renforçons ce budget de 850 millions d'euros, mais je ne souhaite pas que l'on aboutisse à 850 millions d'euros de dégradation du déficit.
Voilà pourquoi il faut équilibrer les comptes. À cet égard – j'y reviendrai au cours de ces débats –, j'ai une ligne rouge absolue, que je vous indique dès à présent : nous ne pouvons pas imaginer un déficit supérieur à 20 milliards d'euros avant nouveaux transferts.
Nous devons garder un certain nombre de points fixes. Madame la sénatrice, vous insistez sur les 3 milliards d'euros, et je l'entends. Nous en débattrons et nous pourrons évidemment nous demander comment les répartir entre branches. Toujours est-il que, avant transferts, le Gouvernement a proposé un déficit de 17 milliards d'euros. Or je ne souhaite pas que l'on aille au-delà de 20 milliards d'euros.
Ce n'est pas une lubie de ma part ! Simplement, les déficits doivent être financés sur les marchés. Ils nous imposent d'aller chercher des personnes qui nous font confiance.
La dépense publique représente aujourd'hui, dans notre pays, près de 57 % du PIB : on ne saurait prétendre que ce ratio peut être augmenté indéfiniment.
Mme Laurence Rossignol. Non, il faut augmenter le PIB !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Tout à fait, madame la sénatrice ! Il faut donc prendre des décisions cohérentes pour que nos entreprises, nos investisseurs, nos créateurs d'emplois, tous ceux qui créent notre richesse nationale soient réellement soutenus. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Nous nous retrouvons sur ce point : il faut accroître le PIB. Mais il est plus facile de créer des impôts que de créer du PIB… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Laurence Rossignol. Il y a huit ans que vous êtes au pouvoir !
M. Mickaël Vallet. Oui !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je demande la parole, monsieur le président !
M. le président. Chère collègue, vous vous êtes déjà exprimée sur ce sous-amendement. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.) Jusqu'à preuve du contraire, c'est moi qui préside ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 1487.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1808.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ma précédente intervention portait sur l'amendement de Mme la rapporteure générale, mais passons…
Nous prendrons la parole régulièrement, peut-être même sur chaque amendement. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Le temps de parole de Mme la ministre n'est pas chronométré et elle sait en tirer parti, poussant ses démonstrations jusqu'à l'évocation systématique du PIB !
Madame la ministre, votre propos va bien au-delà de l'objet des amendements : chaque fois, vous revenez à l'économie générale du budget…
Mme Corinne Bourcier. C'est ce qu'il y a de plus intéressant !
Mme Raymonde Poncet Monge. D'autres choses le sont tout autant !
Vous nous dites que les médicaments suivent un tendanciel de 7 % : on est donc bien au-delà du taux de croissance du PIB, qui est de 0,9 %. Allez-vous dire aux laboratoires pharmaceutiques qu'ils doivent se contenter du taux d'augmentation du PIB, au motif qu'il ne faut pas creuser le déficit ?
Et c'est pareil pour tout ! C'est pareil pour le vieillissement démographique : allez-vous empêcher les gens de vieillir, au prétexte qu'il faut suivre le taux de croissance de 0,9 % ? (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. Bernard Jomier. Voilà !
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est pareil pour les maladies chroniques, alors que vous refusez toute fiscalité comportementale. Les épidémies d'obésité, vous les aurez, et soyez-en sûre, le mal ne progressera pas au rythme de 0,9 % par an…
Pour l'ensemble de ces raisons, les dépenses de santé augmentent plus vite que le PIB. Vous avez pris l'exemple des médicaments : vous n'auriez pas dû, puisque ces derniers suivent un rythme d'augmentation de 7 %. On sait aussi que, si nous cessons d'investir dans ce domaine, les dépenses de santé pèseront 5 points de PIB supplémentaires dans quelques années.
Tout cela n'est pas sérieux. D'une part, l'augmentation des dépenses de santé s'explique par un certain nombre de facteurs structurels. De l'autre, vous proposez bien peu de mesures d'efficience : au chapitre des économies de dépenses, vous êtes presque sans solution.
Mme Anne Souyris. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Mes chers collègues, nous abordons là des sujets extrêmement importants, et – je le dis à mon tour – nous allons prendre le temps de discuter de chaque amendement.
En effet, nous parlons avant tout de vies humaines. Nous parlons d'hommes et de femmes. Plusieurs orateurs l'ont rappelé hier, lors de la discussion générale, nous parlons de patients qui attendent parfois soixante-dix heures aux urgences. Nous parlons de personnels soignants qui sont en difficulté, en particulier dans nos hôpitaux.
La Fédération hospitalière de France (FHF) tire la sonnette d'alarme, et pour cause, tous les hôpitaux sont désormais au bord de la rupture. Or on nous présente un Ondam en hausse de 1,6 %…
Franchement, est-ce que cette politique a du sens ? Un tel Ondam est bel et bien insincère au regard des besoins constatés de toutes parts. Je pense aussi bien à nos Ehpad publics et à nos hôpitaux qu'à notre médecine de ville.
Madame la ministre, pensez-vous vraiment que l'on va pouvoir tenir le coup avec un Ondam si bas ? Cette faible progression ne servira qu'à combler, pour les hôpitaux, le coût de la hausse des cotisations à la CNRACL.
Pour notre part, nous parlons des recettes et encore des recettes. Comme l'a dit Bernard Jomier, les dépenses n'explosent pas (M. Vincent Delahaye proteste.), mais leur augmentation nous impose effectivement de trouver des recettes supplémentaires.
Nous vous avons présenté des propositions en ce sens. Je pense par exemple aux 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales, lesquelles sont compensées à 90 % sur le budget de la sécurité sociale : en réduisant ces exonérations, nous pourrions facilement dégager des recettes supplémentaires.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Certains donnent l'impression de posséder une baguette magique, comme si l'on pouvait régler tous les problèmes avec l'argent…
Le véritable problème de nos hôpitaux n'est pas de nature financière. Tôt ou tard, il faudra regarder la situation en face et mener les réformes qui s'imposent.
Notre système de soins est victime d'une administration surabondante : à l'évidence, son taux de cholestérol est beaucoup trop élevé. (Sourires sur les travées du groupe INDEP.) C'est aussi là qu'est la cause des déficits. C'est aussi là qu'est le problème.
Tant que l'on ne réformera pas notre système de santé en profondeur, on pourra ajouter de l'argent tous les ans : on ne résoudra pas les problèmes à la base.
Mes chers collègues, bien sûr, nous pouvons débattre, mais à condition de regarder la réalité en face. J'ajoute que, parfois, nous sommes nous-mêmes face à une forme de schizophrénie : nous ne cessons de demander des rapports, de créer des machins ou des trucs… Or ce n'est pas l'administration qui soigne, ce sont les soignants, et l'argent, actuellement, ne part pas vers les soignants.
M. Bernard Pillefer. Très bien !
M. Pierre Jean Rochette. On augmente le budget d'administrations chargées de gérer les hôpitaux. Notre système doit être revu de fond en comble, sinon, tous les ans, nous nous retrouverons dans la même situation. Mais j'ai l'impression que nous ne sommes pas tous prêts à mener ce travail, malheureusement… (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, mes chers collègues, faisons preuve d'un minimum de sincérité.
Pour ma part, je ne citerai que deux chiffres : la France dépense, pour sa santé, 11,5 % de son PIB, quand l'Allemagne en dépense 12,6 %.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le PIB allemand est plus élevé !
M. Ronan Dantec. Si l'on considère que le système français est efficient – c'est ce qu'a dit Mme la ministre –, on en déduit que le coût de la santé est moins élevé en France qu'en Allemagne.
Pourquoi notre système de santé est-il plus efficient ? Parce qu'il est très majoritairement public.
M. Pierre Jean Rochette. Parce que l'Allemagne a un PIB plus élevé !
M. Ronan Dantec. Mon cher collègue, écoutez bien ! Je parle de parts de PIB. En Allemagne, les dépenses de santé représentent 1 point de PIB de plus qu'en France, parce que la part du privé y est plus importante.
Cette discussion ne revient pas à opposer les dépenses de santé aux prélèvements publics : ce n'est pas du tout ce dont il s'agit. Je le répète, nos dépenses de santé ne représentent que 11,5 % du PIB. Nous sommes donc un pays efficace en matière de santé et, la seule question qui compte, c'est l'équilibre de ces comptes.
On peut opter pour des recettes supplémentaires, notamment pour des prélèvements. Ce n'est absolument pas un problème : in fine notre système de santé est plus efficace. Il coûte moins cher aux Français que s'il était plus largement laissé aux acteurs privés.
En effet, la baisse des financements publics provoquera évidemment la montée en puissance des financements privés. Dès lors, les Français dépenseront plus pour un système moins efficace.
Le seul vrai débat porte sur les recettes et non pas sur la baisse des dépenses de santé publique.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, le PIB par habitant de la France se situe dans la médiane de l'Union européenne : si nous disposions du même PIB par habitant que l'Allemagne, nous ne serions pas en déficit…
M. Ronan Dantec. C'est l'inverse !
M. Mickaël Vallet. Et les Allemands n'ont pas eu Bruno Le Maire : ça change quand même beaucoup de choses ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est aussi cela, le sujet.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Quand je prononce le mot PIB, Mme Poncet Monge estime à l'évidence que je fais trop d'économie générale ; je ne vais donc pas prolonger ce débat…
Je reviens simplement sur l'exemple des médicaments. Que l'on me comprenne bien : sans aucune mesure d'économies, la dépense de médicaments suit une hausse tendancielle de 7 % par an. Or notre croissance économique annuelle n'est pas de 7 %. De même, nous n'avons pas 7 % de recettes ou de pouvoir d'achat supplémentaires à consacrer, chaque année, aux médicaments. Nous avons donc un problème.
Madame la sénatrice, c'est bien pourquoi nous prenons des mesures d'économie. Ainsi, en 2026, nous avons prévu de réduire le taux d'augmentation des dépenses de médicaments de 7 % à 2 %, ce qui commence à ressembler beaucoup plus à la croissance de notre PIB, donc à celle de nos recettes.
Heureusement que l'on fait des économies ! Nous allons demander plus de 1,6 milliard d'euros d'efforts sur les prix aux laboratoires pharmaceutiques. Nous allons aussi prendre des mesures quant à la pertinence des prescriptions.
Enfin, gardons en tête que l'article 2 constitue la photographie des comptes de 2025.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous sommes conscients qu'il existe un point de fuite, à savoir la dette des hôpitaux : c'est précisément pourquoi, à l'article 49, le Gouvernement a proposé, par voie d'amendement, d'abonder de 850 millions d'euros les crédits dédiés aux établissements de santé publics. Qu'ils soient lucratifs ou non lucratifs, les établissements privés pourront quant à eux bénéficier d'un soutien spécifique, par les tarifications que nous déciderons.
Cela étant – je vous le dis en tant que ministre des comptes publics –, 850 millions d'euros de crédits supplémentaires pour les établissements de santé ne sauraient signifier, mécaniquement, 850 millions d'euros de déficit en plus.
Nous sommes là face à des enjeux de croissance économique. Grâce aux efforts menés depuis sept ans, nous avons enfin réussi à faire remonter le taux d'emploi à son plus haut niveau depuis 1975, et c'est évidemment une très bonne nouvelle : quand on a plus d'emplois, on a plus de cotisants, et quand on a plus de cotisants, on a plus de cotisations.
M. Bernard Jomier. Mais vous avez dégradé les comptes !
Mme Émilienne Poumirol. Vous avez creusé le déficit !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Toutefois, cette embellie ne suffit pas à financer nos dépenses de santé. Ces dernières augmentent de 3,4 % ; or les cotisations ne progressent pas autant.
Face à ce constat, qui me semble assez clair, nous devons faire un certain nombre de choix. Peut-être faut-il solliciter un peu plus les assurés qui en ont les moyens. Sans doute faut-il améliorer encore la coordination des parcours de soins, notamment grâce au dossier médical partagé (DMP).
Nous en parlerons dans la suite de ce débat. Pour l'heure, j'espère que le Sénat rétablira l'article 2 dans la rédaction proposée par Mme la rapporteure générale, modulo les ajustements qui s'imposeront dans la suite de la navette.