Présidence de M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article liminaire

Financement de la sécurité sociale pour 2026

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2026 (projet n° 122, rapport n° 131, avis n° 126).

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons donc à la discussion des articles.

Demande de priorité ou de réserve

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, en application du paragraphe 6 de l'article 44 du règlement du Sénat, je souhaite que demain, vendredi 21 novembre 2025, nous examinions dès l'ouverture de la séance les amendements se rapportant à l'article 6 bis et les amendements portant article additionnel après l'article 6 bis.

M. le président. Je suis donc saisi, par la commission, d'une demande de priorité ou de réserve, selon l'avancée de nos travaux, afin que les amendements se rapportant à l'article 6 bis et les amendements portant article additionnel après l'article 6 bis soient examiné à l'ouverture de la séance de vendredi matin.

Je rappelle que, aux termes de l'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Je suis favorable à cette demande de priorité ou de réserve. Je serai d'ailleurs moi-même présente au banc du Gouvernement demain matin.

M. le président. La priorité ou la réserve est ordonnée.

projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 1er

Article liminaire

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 585, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Les prévisions de dépenses, recettes et solde des administrations de sécurité sociale pour les années 2025 et 2026 s'établissent comme suit, au sens de la comptabilité nationale :

(En points de produit intérieur brut)

2025

2026

Recettes

26,7

26,7

Dépenses

27,0

26,6

Solde

-0,3

0,1

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article liminaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) a été supprimé à l'Assemblée nationale. Or, comme chacun le sait, la présence d'un tel article est une obligation. Si nous ne le rétablissions pas, l'ensemble du texte serait inconstitutionnel.

Mes chers collègues, je vous invite donc à voter en faveur de cet amendement visant à rétablir l'article liminaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est en effet nécessaire qu'un tel article liminaire figure dans le PLFSS.

Cet article laisse à croire que les comptes de la sécurité sociale, appréhendée comme un bloc cohérent, seraient à l'équilibre, alors que sont concernés également ici les paiements et les remboursements de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), de l'Unédic et de l'Agirc-Arrco.

Cela me conduit à penser que nous devons collectivement mener une grande réflexion sur la présentation des comptes de la Nation et, en particulier, de la sécurité sociale. En effet, les normes comptables de transferts donnent une image parfois erronée de la réalité.

Si le temps m'en est laissé dans les mois qui suivront la promulgation du budget, je serai très favorable à travailler, avec les présidents de commission et les rapporteurs généraux des deux chambres, à une révision de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss) destinée à rendre plus lisibles et plus compréhensibles les articles de présentation des comptes.

En présentant de grands agrégats, nous donnons en effet l'impression que tous les comptes sont à l'équilibre. Or, vous le savez comme moi, tel n'est pas le cas.

Cela dit, j'émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, est-il tenu compte dans ce tableau de la rétrocession du 1,6 milliard d'euros d'économies réalisées sur les allègements généraux en 2025, qui est de nature à amputer les recettes ? En effet, alors que la rétrocession n'a pas été faite en 2025, vous nous gratifiez cette année de 3 milliards d'euros…

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame la sénatrice, en 2025, quelque 1,6 milliard d'euros d'économies réalisés sur les allègements généraux ont été affectés à la sécurité sociale. En 2026, nous avons fait une proposition différente, sur laquelle vous êtes revenus en commission.

Les prévisions pour 2025 incluent bien le 1,6 milliard d'euros d'allègements généraux compensés par l'État, alors que, de facto, ils ne l'ont pas été. Nous nous sommes simplement fondés sur les données du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 585.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article liminaire est rétabli dans cette rédaction.

PREMIÈRE PARTIE

Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général de la sécurité sociale pour l'exercice 2025

Article liminaire
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 2

Article 1er

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 586, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au titre de l'année 2025, sont rectifiés :

1° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu'il suit :

(En milliards d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

245,1

262,3

-17,2

Accidents du travail et maladies professionnelles

16,9

17,5

-0,5

Vieillesse

297,0

303,4

-6,3

Famille

60,2

59,3

0,8

Autonomie

41,7

42,0

-0,3

Toutes branches (hors transferts entre branches)

642,3

665,8

-23,5

Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse

643,1

666,1

-23,0

2° Les prévisions de recettes, les prévisions de dépenses et le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu'il suit :

(En milliards d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Fonds de solidarité vieillesse

22,0

21,5

0,5

3° Les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles ;

4° L'objectif d'amortissement de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale qui est fixé à 16,2 milliards d'euros.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'Assemblée nationale a également supprimé cet article, qui est lui aussi obligatoire selon les dispositions de la Lolfss.

Cet article sert à dresser un état des lieux des dépenses, des recettes et du solde de l'année 2025. Alors que le déficit devrait s'élever à plus de 23 milliards d'euros en 2025, après avoir dépassé les 15 milliards d'euros en 2024, vous conviendrez qu'il est important de disposer des données permettant de comprendre l'évolution de ce solde.

Cet amendement vise donc à rétablir l'article 1er.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet article important constitue le point de départ des discussions du PLFSS 2026. Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, il y est indiqué un déficit prévisionnel de 23 milliards d'euros, alors que la prévision initiale était de 21,9 milliards d'euros.

La différence ne provient pas des dépenses. En effet, en procédant au début de l'année 2025 à une mise en réserve, puis en accédant aux demandes du comité d'alerte de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), nous avons réussi, Catherine Vautrin et-moi-même, à respecter l'Ondam. Je tiens à le souligner, car c'est la première fois que tel est le cas depuis la crise sanitaire.

En revanche, les recettes attendues sont moindres. D'où ce déficit de 23 milliards d'euros, qui doit nous rappeler à chaque instant que la sécurité sociale est dans une situation très fragile du point de vue de l'équilibre budgétaire et financier.

Il me semble utile que cet article soit rétabli, non seulement parce que c'est obligatoire, mais aussi parce qu'il faut bien partir d'un constat de départ commun, afin de prévoir les comptes de 2026.

J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je voudrais, à ce stade, souligner les problèmes de présentation des comptes. Je voterai bien sûr l'article 1er, mais je tiens à dire que la façon dont sont présentés les comptes n'est pas satisfaisante.

Certes, il est plus pertinent de présenter ces données en milliards d'euros, et non en points de PIB. Mais j'aimerais que ce tableau présente les comptes avant transferts entre administrations, et non après, comme c'est actuellement le cas.

En effet, tels que sont présentés les comptes, nous avons l'impression que la majeure partie du déficit provient de la branche maladie, que la branche retraite n'accuse qu'un léger déficit et que les branches famille et chômage sont en léger excédent. Or, si nous prenons les chiffres avant transferts, la répartition est tout autre : le déficit de la branche maladie est moindre, celui de la branche retraite plus élevé et l'excédent des branches famille et chômage plus important.

Il serait donc intéressant de partir du constat avant transferts, afin d'analyser les mouvements entre branches pour déterminer si les efforts à fournir devraient être répartis autrement. Nous pourrions faire figurer deux tableaux : un avant les transferts, l'autre après les transferts.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Nous entrons dans le vif de l'examen du budget de la sécurité sociale en pointant un fait très important : contrairement au discours qui tourne en boucle, les dépenses d'assurance maladie n'ont pas dérapé en 2025.

M. Pierre Jean Rochette. Tout de même !

M. Bernard Jomier. Tant le comité d'alerte de l'Ondam que la commission des comptes de la sécurité sociale prévoient une exécution des dépenses d'assurance maladie quasiment conforme à l'Ondam. Donc, non, la dépense d'assurance maladie ne dérape pas !

Comme Mme la ministre l'a dit, les recettes ont diminué pour diverses raisons, liées notamment à la conjoncture économique. Le déséquilibre actuel n'est donc pas particulièrement lié aux dépenses.

M. Bernard Jomier. Certes, les dépenses liées au vieillissement de la population augmentent, mais c'est un fait connu.

Pour rééquilibrer les comptes de la branche maladie – c'est nécessaire, comme nous l'avons souligné hier lors de la décision générale –, il nous faut agir sur le volet recettes. Or vous ne nous proposez que de restreindre la dépense.

Nous ne sommes pas contre la chasse aux dépenses inutiles, qui ne profitent pas à la santé des Français, bien au contraire. Mais vous excluez toute action sur les recettes ! Vous ne voulez pas les augmenter d'un euro, alors que c'est là que se situe le problème.

Si vous cherchiez véritablement à résoudre la question du déficit de l'assurance maladie, vous adopteriez une logique de compromis consistant à prévoir de nouvelles recettes, tout en poursuivant le contrôle des dépenses. Or vous ne le faites pas.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis d'accord avec M. Delahaye : il serait intéressant de disposer d'un tableau faisant figurer les transferts entre administrations.

En effet, certains transferts entre branches ne nous semblent pas pertinents. Par exemple, j'estime qu'il est anormal de compenser à hauteur de 1,6 milliard d'euros les sous-déclarations d'accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), alors que des experts – scientifiques, épidémiologistes – évaluent le manque à gagner entre 2 milliards d'euros et 3,8 milliards d'euros.

Nous voyons bien qu'un tableau indiquant clairement que la compensation de 1,6 milliard d'euros ne couvre même pas la fourchette basse des estimations serait utile au débat.

Par ailleurs, j'y reviens, madame la ministre, vous nous prenez tout de même 3 milliards d'euros, sur 5 milliards en rétrocessions… Il faut le faire ! Comment sont-ils répartis ? Certaines branches doivent être plus affectées que d'autres.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre – vous n'y êtes pas obligée, mais je vous sens prête à partager de nombreuses informations –, comment ces 3 milliards d'euros de rétrocessions sont dispatchés et affectent les cinq branches de la sécurité sociale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. S'agissant d'un article stratégique, je vais prendre le temps de vous donner quelques éléments fondamentaux avant d'entrer dans le détail des amendements, mesdames, messieurs les sénateurs.

Monsieur Jomier, vous affirmez que le déséquilibre entre les prévisions et l'exécution des comptes provient des recettes. C'est vrai, il nous manque 1 milliard d'euros de recettes. Celles-ci s'élèveront non pas à 644 milliards d'euros, mais à 643 milliards d'euros. Si nous rapportons ce chiffre au total des recettes, le décalage est modéré. Mais il n'en fait pas moins passer le déficit de 22 milliards d'euros à 23 milliards d'euros.

Cela dit, il a été prévu en 2025 d'augmenter les dépenses de 3,4 %, dans un pays dont la croissance s'élève à 1,7 % en tenant compte de l'inflation. Autrement dit, nous avions collectivement prévu de faire augmenter, en 2025, les dépenses d'assurance maladie deux fois plus vite que les recettes, dont la hausse correspond à la croissance du PIB et à l'inflation.

Si vous décomposez l'augmentation des dépenses, les dépenses d'arrêts maladie et d'indemnités journalières (IJ) doivent s'accroître de 5 % dans l'année, tandis que la hausse tendancielle des médicaments, avant action, s'établit à 7 %.

Le problème fondamental auquel nous sommes confrontés est le suivant : la dynamique naturelle des recettes est insuffisante pour suivre la dynamique naturelle des dépenses.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est ça !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J'entends dire qu'il faut trouver des recettes, mais, en tant que ministre des comptes publics, je ne vois pas comment nous pourrions trouver des recettes qui augmenteraient deux fois plus vite que le PIB.

Nous devons nous poser une question stratégique : si nous continuons de faire augmenter l'Ondam deux fois plus vite que la croissance économique, c'est-à-dire si nous dépensons plus que ce que la croissance produit, nous augmentons le poids de la santé dans le PIB.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J'ai sous les yeux un graphique – je le partagerai avec ceux d'entre vous qui le souhaitent – montrant que les dépenses de santé, qui représentaient 7,5 % du PIB en 2007, s'élèvent désormais à 8,9 % du PIB.

Il n'est pas grave en soi de faire augmenter le poids des dépenses de santé dans le PIB, mais il y a une limite à cela. Si nous suivons la tendance actuelle, ce poids aura doublé dans dix ans, et la croissance profitera moins à l'industrie, moins aux services et moins à la production.

Certes, nous pouvons imaginer de nouvelles recettes, mais il est clair que nous ne pouvons pas maintenir une tendance dans laquelle l'augmentation des dépenses est deux fois supérieure à notre croissance.

D'aucuns diront qu'il suffit d'augmenter notre croissance, et c'est en effet une bonne idée : plus nous produisons de richesses, plus nous pouvons en allouer, en espèces sonnantes et trébuchantes, à notre système de santé. Mais si notre taux de croissance demeure aussi faible, si nous ne créons pas plus d'emplois et de richesses, nous ne pourrons pas soutenir les hausses de dépenses prévues.

Par ailleurs, monsieur le sénateur Delahaye, vous avez 100 % raison.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Comme vous, je souhaite que nous disposions de trois éléments distincts dans les prochains projets de loi budgétaire. C'est précisément pour cela que j'ai précédemment appelé à une révision des lois organiques relatives aux lois de finances.

Premièrement, je souhaite que les transferts entre l'État et la sécurité sociale figurent de manière beaucoup plus claire dans les textes budgétaires.

Tels que sont présentés les comptes actuellement, les 4,7 % de déficit prévus par le Gouvernement en 2026 se décomposent de la sorte : le solde des comptes de l'État est de -4,5 % du PIB, celui des collectivités locales de -0,3 % du PIB, et, selon nos normes comptables, celui des administrations de sécurité sociale de +0,1 % du PIB.

Or si nous examinons les chiffres hors transferts, le déficit se décompose de la sorte : -1,6 % du PIB pour l'État, -0,9 % du PIB pour les collectivités locales et -2,2 % du PIB pour la sécurité sociale. Ce sont en quelque sorte les véritables chiffres. Autrement dit, les normes comptables nous conduisent à poser un mauvais diagnostic sur la situation de nos finances publiques.

Deuxièmement, je suis favorable à ce que nous fassions la même chose au sein des branches de la sécurité sociale. Plutôt que de parler d'excédents ou de déficit purement comptables, il serait souhaitable de disposer des chiffres montrant comment sont affectées les recettes avant que n'interviennent les transferts entre branches.

Les transferts entre branches ne sont pas un problème en soi ; ils ont toujours existé. Au reste, à l'origine, la sécurité sociale ne se décomposait pas en branches. Il s'agit donc d'un bon point de discussion.

Troisièmement, une clarification est nécessaire au sujet des retraites du secteur public : le fameux compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » doit faire figurer ce qui relève de la subvention d'équilibre – 41 milliards d'euros –, et ce qui relève de la cotisation salariale – 11 milliards d'euros.

Un débat sur le sujet est intervenu cet été, enclenché par Jean-Pascal Beaufret et nourri ensuite par des travaux de la Cour des comptes. Je ne dis pas qu'il y a un déficit caché : je dis qu'il y a un déficit illisible.

Je ne conteste pas l'existence de normes comptables, mais, pour éclairer le débat démocratique et les décisions souveraines du Parlement, je souhaite vous donner accès aux données hors transferts, quitte à ce que ce soit, dans un premier temps, par le biais de documents annexes. Sinon, la réalité financière dont nous parlons n'est pas la réalité sous-jacente.

Je suis donc, monsieur Delahaye, très favorable à vos propositions.

Pour résumer ma pensée, nous devons conduire une réflexion stratégique : le sujet est non pas de savoir si nous avons plus ou moins de recettes, mais de nous assurer que le rythme des recettes suive celui des dépenses. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 586.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er est rétabli dans cette rédaction.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 3

Article 2

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement et de deux sous amendements.

L'amendement n° 587, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base au titre de l'année 2025 demeure inchangé. Ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu'il suit :

(En milliards d'euros)

Sous-objectif

Objectif de dépenses

Dépenses de soins de ville

113,9

Dépenses relatives aux établissements de santé

109,7

Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées

17,4

Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées

15,6

Dépenses relatives au Fonds d'intervention régional et soutien à l'investissement

6,1

Autres prises en charge

3,1

Total

265,9

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission propose de rétablir l'article 2, qui fixe le montant de l'Ondam au titre de l'année 2025. Là encore, il s'agit d'un article extrêmement important, qui a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Cet article acte le fait que l'Ondam, comme l'a indiqué notre collègue Bernard Jomier, a été respecté pour la première fois depuis 2019.

Toutefois, la commission émet deux réserves.

D'une part, le strict respect de l'Ondam n'est pas encore pleinement garanti. Cela suppose la mise en œuvre de l'ensemble des mesures de régulation annoncées par le Gouvernement et l'absence d'aléas haussiers.

D'autre part, la commission souhaite modifier la ventilation des sous-objectifs de l'Ondam. En effet, les mesures de redressement infra-annuel prises par le Gouvernement en 2025 se traduisent par une diminution d'environ 200 millions d'euros des dépenses relatives aux établissements de santé par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) initiale pour 2025.

Les établissements de santé sont ainsi les premiers à pâtir de ces mesures de redressement. À l'heure où leur situation financière, nous le savons tous, est difficile et continue de se dégrader, il est totalement inopportun de diminuer leur financement.

Le déficit des hôpitaux publics a atteint 2,9 milliards d'euros en 2025 et près de la moitié des établissements privés sont eux aussi en déficit. Le sous-financement des établissements de santé est désormais structurel. Au cours de nos débats, la rapporteure pour la branche maladie, Corinne Imbert, aura l'occasion de revenir sur cette question, qu'elle a déjà évoquée hier lors de la discussion générale.

En outre, si des mesures de redressement supplémentaires se révélaient nécessaires pour assurer le respect de l'Ondam d'ici à la fin de l'année, ce seraient les crédits des établissements de santé mis en réserve qui seraient une nouvelle fois annulés.

La commission souhaite donc majorer de 200 millions d'euros le sous-objectif hospitalier et diminuer en conséquence le sixième sous-objectif à due concurrence. C'est peu de chose, mais cela modifie significativement la façon dont peut être perçu cet article.

M. le président. Le sous-amendement n° 1487, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3, tableau, seconde colonne,

1° Troisième ligne

Remplacer le montant :

109,7

par le montant :

110,5

2° Avant-dernière ligne

Remplacer le montant :

3,1

par le montant :

2,1

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à rectifier à la hausse le sous-objectif de l'Ondam pour 2025 qui est relatif aux établissements de santé.

Globalement, la rectification proposée par le Gouvernement n'est pas du tout à la hauteur des difficultés financières auxquelles font face les hôpitaux publics. Madame de Montchalin, comme vous n'êtes pas aveugle, vous vous serez aperçue que le budget rectificatif proposé est stable, alors que l'inflation devrait s'élever à 1 % en 2025, selon les prévisions de l'Insee.

Alors que leur déficit global a atteint 2,9 milliards d'euros et que leur dette s'élève à 30 milliards d'euros selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), comment les hôpitaux publics sont-ils censés améliorer la situation, alors que leur budget n'est même pas suffisant pour suivre l'inflation ?

Comment peuvent-ils assurer leur mission de manière pérenne, s'adapter aux innovations technologiques et maintenir leur attractivité ? Quand un hôpital manque d'argent, les patients attendent, les soignants s'épuisent et la qualité de soins s'effrite.

Sachant que la majeure partie des problèmes auxquels est confronté le personnel hospitalier sont causés par un manque de financement, nous souhaitons donc rectifier à la hausse le budget hospitalier pour 2025.

M. le président. Le sous-amendement n° 1808, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Amendement 587, alinéa 3, tableau, seconde colonne

1° Troisième ligne

Remplacer le montant :

109,7

par le montant :

110,6

2° Avant-dernière ligne

Remplacer le montant :

3,1

par le montant :

2

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Mon groupe et moi-même souhaitons, par le biais de ce sous-amendement à l'amendement n° 587 de la commission des affaires sociales, majorer le sous-objectif de l'Ondam relatif aux établissements de santé pour 2025.

La commission propose une majoration de 200 millions d'euros, ce qui nous semble largement insuffisant pour terminer l'année. En effet, nous connaissons tous les difficultés que rencontrent les hôpitaux dans nos départements. En outre, nous entrons dans une période marquée par des épidémies de grippe, de bronchiolite et d'autres maladies.

Pour notre part, nous proposons de relever de 900 millions d'euros le budget des hôpitaux pour 2025, afin que ceux-ci puissent terminer l'année. Selon le collectif Inter-Hôpitaux, plus des deux tiers des hôpitaux publics ont actuellement des recettes inférieures à leur coût de fonctionnement. Par ailleurs – faut-il le rappeler ? –, leur déficit est passé de 415 millions d'euros en 2019 à 2,8 milliards d'euros en 2024.

Ce déficit est donc le reflet d'un sous-financement chronique. Il résulte d'une inadéquation entre les tarifs et le coût réel des soins du non-financement des revalorisations salariales du Ségur de la santé et de l'inflation.

Les conséquences de ce déficit sont connues. Nous les mesurons tous lorsque nous nous rendons dans un hôpital. Les soignants et les usagers les subissent chaque année : dégradation des conditions de travail, fuite des personnels, fermeture de lits, manque de médecins…

À ce sujet, Céline Brulin faisait remarquer hier que les urgences du CHU de Caen ont annoncé, à la fin du mois d'octobre, qu'elles ne pourraient plus accueillir d'étudiants internes au prochain semestre. Heureusement, le Gouvernement a promis des renforts, mais nous considérons que l'effort, à ce stade, reste insuffisant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 1487 et 1808 ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En cohérence avec les propos que j'ai tenus en présentant l'amendement n° 587, j'émets un avis défavorable sur ces deux sous-amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est évidemment indispensable de rétablir cet article 2, sans quoi ce PLFSS n'en serait plus un.

Toutefois, j'émettrai une petite réserve sur votre amendement, madame la rapporteure générale : la majoration que vous proposez pour les établissements de santé est gagée sur une diminution de 200 millions d'euros des crédits du fonds d'intervention régional (FIR). Or cette somme a déjà été dépensée. Le gage est donc en quelque sorte fictif.

Les sous-amendements visent à modifier des dépenses déjà observées. Je ne suis pas favorable à une telle logique.

Je vous propose donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rétablir l'article 2 en adoptant l'amendement de la commission, étant entendu que ses dispositions devront être révisées au cours de la navette parlementaire, par souci de sincérité comptable. À ce stade de l'année, en effet, je ne puis réaffecter à l'investissement 200 millions d'euros d'aides qui ont d'ores et déjà été dépensés.

J'aurais aimé pouvoir vous annoncer que je dispose de 200 millions d'euros supplémentaires pour les établissements de santé, mais, hélas, ce n'est pas le cas… Par honnêteté, je me dois donc de vous dire qu'il nous faudra retravailler les chiffres au cours de la navette pour les rendre les plus conformes possible à la réalité des dépenses.

Sous ces réserves, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 587, mais un avis défavorable sur les sous-amendements nos 1487 et 1808.