M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le sénateur, il y a, me semble-t-il, une petite incompréhension sur ce qu'est le dispositif de l'Acre.

Ce n'est pas une aide à l'entreprise, c'est une aide aux personnes qui reprennent ou qui créent une activité. Il ne me paraît pas nécessaire dans notre pays, si le but est bien, dans ses dispositions initiales, d'aider des personnes à reprendre une activité ou à créer une entreprise, de la limiter à des secteurs stratégiques.

Ce que nous voulons, c'est que des demandeurs d'emploi, des jeunes, des personnes éloignées de l'emploi retrouvent une activité rémunératrice. Pourquoi ne promouvoir le dispositif que dans les secteurs stratégiques ? De nombreux secteurs sont tout à fait utiles à la vie quotidienne sans qu'ils doivent être classés comme stratégiques au sens où vous l'entendez. Cela constitue, à mon sens, la première difficulté de l'amendement que vous proposez.

La proposition du Gouvernement était que l'on puisse à un moment donné reconsidérer tout dispositif public en montrant pourquoi il existe. Ce n'est pas parce qu'il a un joli nom, qui sonne bien, qu'on n'a pas le droit de le recentrer ou d'y toucher.

Au fond, à force d'extensions successives, on a fait de l'Acre un dispositif de baisse de charges pour toute personne qui crée une entreprise. Or de nombreuses entreprises sont très profitables à l'instant même où elles sont créées ; et il y a des créateurs ou des repreneurs d'entreprises qui n'ont pas besoin de ce coup de pouce pour se lancer.

Le Gouvernement a donc fait le choix suivant : quand on est demandeur d'emploi, jeune, éloigné de l'emploi ou en situation de désinsertion, au RSA par exemple, et que l'on crée une entreprise, oui, dans ce cas, on a besoin d'un coup de pouce. Car l'on voit bien ce que signifie la création d'une activité qui, potentiellement, n'est pas tout de suite rentable : il faut reprendre pied dans un réseau, se refaire une clientèle…

Je n'ai rien contre les indépendants, mais, vous le savez bien pour le constater dans vos territoires, certaines activités indépendantes sont rentables dès le premier jour. Nul besoin alors de bénéficier d'une exonération de charges qui vous place dans une situation concurrentielle différente de votre voisin, qui, lui, est installé depuis dix ans et qui ne comprend pas pourquoi vous payez moins de charges que lui.

Le projet du Gouvernement consiste à recentrer un dispositif public sur les personnes qui en ont besoin, sans distinction sectorielle. Nous assumons le choix de le recentrer sur ceux qui sont les plus en difficulté. (Mme Nadia Sollogoub acquiesce.)

Un très long débat a eu lieu à l'Assemblée nationale sur les zonages. Le député Thierry Benoit, notamment, nous a beaucoup interrogés sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Je tiens à rappeler qu'il faut être toujours vigilant sur les zonages : s'ils sont parfois pertinents, ils peuvent aussi être contre-productifs.

Le débat avait notamment porté sur les jeunes. Un jeune, n'importe où dans le pays, ne va pas forcément être « fixé » dans la zone de revitalisation rurale où se situe son domicile. Il doit pouvoir partir de chez lui et aller créer son entreprise plus loin.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Elle a raison !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il faut aussi que nous redonnions de la liberté dans notre pays.

En ce qui concerne l'installation des médecins, je le dis sous le contrôle de ma collègue ministre Stéphanie Rist, le zonage ne fonctionne pas. Je vois Mme Bourguignon qui acquiesce. En effet, tout le pays a besoin de médecins.

Nous avons créé des mécanismes très pervers, notamment sur les exonérations fiscales dans les zones de revitalisation rurale, qui durent cinq ans. Que fait un médecin au bout de quatre ans et demi ? Il cherche à aller dans une autre zone de revitalisation rurale pour continuer de bénéficier de l'exonération fiscale. (Murmures sur plusieurs travées. – M. Michel Masset approuve.) Tout cela, nous le constatons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cela ne veut pas dire, parce que je sens que mes propos éveillent un certain émoi dans l'hémicycle, qu'il faut tout supprimer, mais le zonage n'est pas nécessairement une politique efficace à moyen terme.

M. Daniel Fargeot. C'est pareil pour les zones franches.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il peut être efficace à un moment donné, face à une situation très particulière, mais nous voyons bien qu'il est susceptible, à un moment donné, de devenir contre-productif.

Je voulais donc simplement rappeler tous ces éléments. Le Gouvernement considère qu'une telle aide à la création et à la reprise d'une entreprise doit être ciblée pour aider ceux qui en ont besoin et qu'il convient de sortir d'une logique qui, finalement, par extension, a dénaturé le dispositif et son objectif.

Vous pouvez donc être confiants sur le fait que ce que nous faisons va dans le bon sens.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 1349 rectifié bis.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. Je rebondis sur les propos de Mme la ministre, ce qui n'est pas dans mes habitudes.

Nous nous sommes suffisamment battus, M. Bernard Delcros et moi-même, en faveur des ZRR, devenues France Ruralités Revitalisation (FRR).

Premièrement, nous avons proposé une mesure visant précisément à éviter ce que vous avez décrit, madame la ministre. Ainsi, un médecin bénéficie d'une exonération, non pas seulement pendant cinq ans, comme cela a été dit, mais aussi pendant trois années de plus, de manière dégressive. Ainsi, il n'est pas incité à partir, puisque ce dispositif ne s'applique qu'une seule fois. Nous avons donc agi pour que cela ne se produise plus.

Deuxièmement, tous les jeunes sont éligibles, ce qui est nécessaire. Il faut cependant leur permettre, notamment dans les zones de revitalisation rurale, d'être exonérés de la même façon : cinq années, suivies de trois années de manière dégressive.

La proposition du Gouvernement est donc importante, mais il ne faut pas modifier des mesures qui sont, dans le cas des ZRR, plus avantageuses, madame la ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1349 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 604, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

2° À la première phrase du deuxième alinéa du II, les mots : « l'exonération est totale » sont remplacés par les mots : « le montant de l'exonération, qui est fixé par décret, ne peut excéder 25 % de ces cotisations » ;

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous proposons de rétablir le dispositif de restriction de l'aide à la création ou à la reprise d'entreprises. Nous avons en effet constaté que ce dispositif entraînait quelques effets d'aubaine, car au fil du temps, des bénéficiaires ont été ajoutés qui ne sont pas des demandeurs d'emploi : les travailleurs indépendants, tous les créateurs et tous les repreneurs.

Le coût de l'aide est ainsi passé de 266 millions d'euros en 2017 à 424 millions d'euros en 2024. Nous souhaitons donc diminuer le niveau maximal de l'exonération pour les travailleurs indépendants et recentrer le dispositif sur les demandeurs d'emploi et les publics les plus vulnérables.

M. le président. L'amendement n° 827 rectifié, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled, V. Louault, Pellevat, Grand et Laménie, Mme L. Darcos, M. Brault, Mmes Paoli-Gagin, Guidez et Antoine et M. H. Leroy, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

2° À la première phrase du deuxième alinéa du II, les mots : « l'exonération est totale » sont remplacés par les mots : « le montant de l'exonération, qui est fixé par décret, ne peut excéder 50 % de ces cotisations » ;

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Le dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises (Accre), déployé en 1979, a longtemps constitué un pilier des politiques d'emploi et d'insertion par l'entrepreneuriat. Son objet était clair.

Jusqu'en 2019, l'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise – qui a succédé à l'Accre – comportait deux volets complémentaires, l'un pour les travailleurs indépendants au régime réel et l'autre pour les microentrepreneurs. La réforme de 2019 a profondément modifié cette logique avec la généralisation de l'accès, la réduction de la durée de l'exonération et la fixation du taux à 50 %. Ces changements ont affaibli la cohérence du dispositif, qui favorise désormais moins efficacement l'insertion par le travail indépendant et crée des distorsions entre les régimes.

L'article 9 du PLFSS 2026 prévoyait de ramener le taux d'exonération à 25 % et de le réserver à certains publics. Toutefois, les députés ont supprimé cette mesure, afin de maintenir le dispositif d'exonération dans sa forme actuelle.

À travers le présent amendement, nous proposons une voie médiane en fixant le taux d'exonération à 50 % pendant un an, plutôt qu'à 25 %, afin de préserver un soutien concret aux créateurs et aux repreneurs d'entreprise les plus fragiles, qui reste soutenable pour les finances publiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le texte initial préservait un compromis efficace, sans supprimer le dispositif, mais en réduisant le champ de ses bénéficiaires et en fixant le taux à 25 % des cotisations, alors que vous proposez de l'augmenter à 50 %.

Ma chère collègue, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, parce que nous préférons notre version à la vôtre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable à l'amendement n° 604, et défavorable à l'amendement n° 827 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 604.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 827 rectifié n'a plus d'objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 605, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

A – Alinéa 7

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – L'article L. 6243-2 du code du travail est abrogé.

B – Alinéa 10

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

VI. – Les dispositions du II s'appliquent pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à rétablir la rationalisation des aides qui sont attribuées aux apprentis. J'insiste sur le fait que ces derniers bénéficient d'un avantage ancien et unique sur les cotisations salariales, lesquelles ne doivent pas, en principe, faire l'objet d'une exonération. Seuls les apprentis sont dans ce cas, exception sur laquelle je souhaite revenir.

En effet, ce dispositif représente un coût important pour le ministère du travail, soit environ 1,6 milliard d'euros en 2025, sur le champ des associations. Cela n'est pas justifiable si l'on compare la situation de l'apprenti à celle d'un salarié à temps partiel, qui paie des cotisations salariales. Il n'est plus acceptable que persiste cette exception à l'exception, alors que les apprentis peuvent déjà bénéficier d'un certain nombre de droits.

M. le président. L'amendement n° 1107 rectifié, présenté par Mmes Billon, Bourguignon, Guidez, Housseau, Morin-Desailly, Patru, Romagny, Saint-Pé et Sollogoub et MM. Bitz, Bleunven, Canévet, Delcros, Dhersin, Duffourg, Fargeot, Henno, Kern, Menonville, Parigi et Pernot, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – À la première phrase de l'article L. 6243-2 du code du travail, après le mot : « apprenti » , sont insérés les mots : « employé dans une entreprise de deux cent cinquante salariés ou moins ».

La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Madame la rapporteure générale, nous considérons que la suppression de l'exonération des cotisations salariales, dont bénéficiaient jusqu'à maintenant les apprentis, pour les contrats conclus à partir du 1er janvier, ne sera pas sans conséquence sur leur pouvoir d'achat. En effet, les nouveaux barèmes entraîneront une baisse de rémunération comprise entre 101 et 187 euros, selon les profils : ce n'est pas neutre.

En outre, la suppression uniforme de l'exonération pour toutes les entreprises, telle qu'elle est envisagée, risquerait de fragiliser les plus petites d'entre elles, alors qu'elles contribuent largement à l'apprentissage puisqu'elles recrutent 70 % des apprentis. Ainsi, l'exonération et les allégements qui sont liés à ces contrats d'apprentissage restent pour les entreprises un argument de poids pour prendre un apprenti ; c'est du moins ce que mettent en avant neuf dirigeants sur dix.

À travers notre amendement, nous proposons donc une approche ciblée plutôt qu'une suppression générale du dispositif, comme vous l'envisagez, avec notamment le maintien de l'exonération des cotisations salariales pour les apprentis dans les entreprises de moins de 250 salariés. Cela permettrait de préserver la dynamique de l'apprentissage, que tout le monde salue au sein des TPE et PME que nous connaissons bien dans nos territoires, tout en limitant l'impact budgétaire de la mesure.

M. le président. L'amendement n° 1098 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub, MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville et Kern, Mme Patru et MM. Dhersin, Duffourg et Longeot, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – L'article L. 6243-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Cette exonération est maintenue durant un an après l'embauche de l'apprenti dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Au travers de l'amendement de notre collègue Michel Canévet, nous insistons sur l'importance de l'apprentissage et exprimons nos inquiétudes face aux dispositions proposées.

L'apprentissage ouvre la porte à un emploi durable, comme nous le savons tous. Les chiffres le prouvent et les entreprises le confirment : les jeunes en bénéficient.

Aujourd'hui, l'apprenti est exonéré de cotisations salariales pendant son contrat. Nous proposons donc une mesure très simple : maintenir cette exonération pendant un an lorsque l'apprenti est embauché en CDI. Parce qu'un jeune formé dans l'entreprise est une richesse, parce qu'une incitation supplémentaire peut faire la différence entre une embauche et une hésitation, cette mesure favoriserait la transition réussie de l'apprentissage vers l'emploi stable.

Dans un contexte où nous cherchons à lever tous les freins à l'embauche des jeunes, encourageons ceux qui recrutent des apprentis.

Tel est l'objet de cet amendement, pragmatique et très utile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce que l'on observe, c'est que le coût de cette aide n'a cessé d'augmenter, passant de 300 millions d'euros à 800 millions d'euros, ce qui est considérable.

M. Martin Lévrier. Supprimons les apprentis !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Bien sûr que non, nous n'allons pas supprimer les apprentis !

Toutefois, il est faux de dire que la mesure que nous proposons poserait problème aux entreprises qui embauchent des apprentis. En effet, les cotisations salariales seraient en réalité un coût pour les apprentis. Leur exonération est une exception : dans notre pays, rares sont ceux qui en bénéficient. Or les apprentis ont en plus un certain nombre de droits.

Mme Cathy Apourceau-Poly. En ce cas, il faut les payer !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En tout cas, ce que nous proposons n'aura pas d'incidence sur la décision d'embaucher ou non un apprenti, puisque le coût sera pour le salarié lui-même. Il faut donc faire attention à l'argumentaire.

L'avis de la commission est défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il me semble qu'aujourd'hui, vous êtes, dans cet hémicycle, à l'unanimité favorables à ce que nous soutenions l'insertion professionnelle des jeunes ; vous reconnaissez également à l'unanimité que l'apprentissage est une filière qui a permis une amélioration de l'insertion professionnelle des jeunes. Ce point n'est pas en débat. Le sujet, tel que l'a très bien posé Mme la rapporteure générale, est plutôt de savoir ce que nous devons encourager.

Tout d'abord, il est clair que nous devons continuer à encourager les entreprises à prendre des apprentis. Nous disposons pour cela des aides à l'embauche et de mécanismes grâce auxquels les charges patronales restent faibles, dans la mesure où le revenu des apprentis l'est aussi.

Se pose ensuite la question du régime social et fiscal des apprentis, en tant qu'individus. La discussion que nous venons d'avoir confirme, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous souhaitez que les apprentis ne paient que la moitié de la CSG par rapport aux autres travailleurs d'une entreprise, puisqu'ils en sont exonérés jusqu'à 50 % du Smic.

Je rappelle, en outre, que les apprentis ne paient pas d'impôt sur le revenu. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vais vous donner un exemple : des étudiants en deuxième année de master dans une grande école sont embauchés avec parfois une prime d'apprentissage qui s'élève à 3 000 euros ! (Mêmes protestations.)

Mme Céline Brulin. Cela ne court pas les rues !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Quel apprenti gagne 3 000 euros !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Or les apprentis peuvent être rattachés au foyer fiscal de leurs parents, en plus de cette exonération totale d'impôt sur le revenu ; c'est tout de même un élément important.

Je rappelle également que les apprentis touchent la prime d'activité, comme les autres travailleurs, ce qui est tout à fait normal, vous avez raison – je veux juste poser les termes du débat.

La proposition que fait le Gouvernement consiste à dire qu'il ne serait pas dénué de sens, pour les cotisations salariales, d'harmoniser le régime des apprentis avec celui de leurs collègues dans l'entreprise, qu'ils soient intérimaires ou en CDD, parfois présents depuis très longtemps et qui font le même métier. Or à salaire brut égal, ils ne perçoivent pas le même salaire net que les apprentis, parce que le taux de CSG qui leur est appliqué n'est pas le même, non plus que le montant de leurs cotisations salariales.

La proposition du Gouvernement veille à ne pénaliser aucun apprenti aujourd'hui en poste : aucun d'entre eux ne verrait sa feuille de paie bouger au 1er janvier. Il s'agirait d'une réforme en flux, c'est-à-dire pour les nouveaux contrats signés. Cette évolution permettrait de recréer une forme de justice.

Il faut savoir que dans beaucoup d'entreprises, grandes et petites, ce sujet est devenu source d'un grand nombre de polémiques. En effet, des collègues qui font le même travail…

M. Fabien Gay. S'ils font le même travail, c'est qu'il y a un problème !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. … ne sont pas présents de la même manière, car l'apprenti est sur place une semaine sur deux ou quinze jours par mois, et ne travaillent pas de la même manière, puisque l'apprenti est formé. Or ce dernier gagne parfois plus à la fin du mois que son formateur.

Je tiens à le souligner, car c'est là qu'intervient la proposition du Gouvernement.

Mme Cathy Apourceau-Poly. De quelle proposition parlez-vous ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vous expose la proposition que nous avions présentée à l'Assemblée nationale, qui a donné lieu à un long débat et qui n'a finalement pas été votée par les députés. Je rappelle donc les arguments de ce débat. Pour le reste, le Sénat est souverain et je suis, ici, à votre service.

Pour en revenir aux amendements, je suis défavorable à l'amendement n° 1098 rectifié bis de M. Canévet qui a pour objet, une fois l'apprenti embauché en CDI, de prolonger l'application du régime de l'apprentissage.

M. Xavier Iacovelli. Pour un an seulement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Certes, mais cela encourage les entreprises à embaucher leurs anciens apprentis sans savoir si elles les garderont au bout d'un an. Bref, ce n'est pas une bonne idée. Dans notre pays, quand on est en CDI, c'est le régime des employés qui s'applique et chacun comprend, j'en suis sûre, l'intérêt de cette homogénéité, qui est une forme d'équité.

Quant à l'amendement n° 1107 rectifié, il est juridiquement inapplicable. En effet, la différenciation des charges selon la taille des entreprises n'est possible que sur la partie patronale. Sur la partie salariale, si deux apprentis, exerçant le même métier…

Mme Céline Brulin. Ils n'exercent pas un métier, puisqu'ils sont apprentis !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Certes, disons donc qu'ils apprennent le même métier.

Avec cet amendement, celui qui apprend son métier dans une entreprise de 100 salariés recevrait, par exemple, 100 euros de plus par mois que celui qui ferait la même chose dans une entreprise de 300 salariés. Le Conseil constitutionnel, selon moi, ne le permettrait pas.

En effet, le Conseil constitutionnel peut permettre d'encourager des entreprises, selon leur taille et leur réalité économique, à faire plus ou moins de choses ; c'est d'ailleurs pour cela que l'on différencie selon la taille des entreprises la partie qui concerne les cotisations patronales. Mais, pour la partie salariale, le Conseil constitutionnel pourra s'y opposer, puisqu'il n'est pas à la main de l'apprenti qui propose sa candidature de savoir quelle entreprise l'embauchera pour apprendre son métier.

Le régime que vous proposez limiterait l'intérêt, pour les apprentis, d'aller dans des entreprises de plus de 250 salariés. Par exemple, alors que la SNCF forme beaucoup d'apprentis, ces derniers seraient beaucoup moins volontaires pour aller y apprendre leur métier. Votre amendement risque donc d'avoir des effets contre-productifs.

Par conséquent, l'avis du Gouvernement est favorable sur l'amendement n° 605 de Mme Doineau et défavorable sur les amendements nos 1107 rectifié et 1098 rectifié bis. Je comprends que cela puisse générer des débats, et c'est le cas – cela ne fait aucun doute. J'ai donc souhaité vous exposer mes arguments de la manière la plus transparente possible.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous avons, à plusieurs voix, proposé un bon nombre d'amendements visant à diminuer les allégements généraux et à réduire les exonérations de cotisations sociales des employeurs, et ce sous toutes sortes de formes. Or ces propositions ont été systématiquement refusées de votre part.

Mme Céline Brulin. En effet, c'est le mot qui convient.

Mais tout à coup, l'on s'intéresse aux exonérations de cotisations salariales des apprentis, qui gagnent moins de 80 % du Smic, qui appartiennent le plus souvent à une classe d'âge – les 18-24 ans – dont 20 % vit en dessous du seuil de pauvreté. Et ces exonérations seraient l'injustice maximale que vous considérez qu'il faut réparer aujourd'hui !

Oui, il y a eu beaucoup d'aides à l'apprentissage et je vous rejoins sur le fait qu'il faut, peut-être, revoir la situation. Mais qui a décidé d'instaurer ces aides ? C'est vous, la plupart du temps. En outre, lesdites aides sont allées principalement aux entreprises qui recrutaient des apprentis – pour ma part, je n'ai pas de problème à ce que nous soutenions l'apprentissage, y compris sous cette forme – et très peu aux apprentis eux-mêmes.

Vous nous dites, madame la rapporteure générale, que ces exonérations de cotisations n'ont cessé d'augmenter. Bien sûr, puisque le nombre d'apprentis a considérablement évolué ! Mais les exonérations patronales ont également bondi au cours des dernières années, à 88 milliards d'euros, et cette hausse massive n'a pas l'air de vous déranger.

La mesure que nous examinons est très dure pour les jeunes apprentis. Elle est assez symbolique de vos choix politiques, affreux pour les plus modestes.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Antoine. J'entends bien que l'objectif fixé de redressement des comptes publics nécessite des efforts de tous. Toutefois, si nous avons beaucoup parlé des entreprises, nous n'avons pas évoqué le secteur médico-social. Je souhaite donc interpeller Mme la ministre sur ce point, en particulier pour les territoires ruraux.

Dans le cadre de la formation du personnel dans ce secteur, nous avons énormément recours à l'apprentissage. Dans mon département très rural de la Meuse, nous avons mis en place la formation délocalisée de l'institut régional du travail social (IRTS) de Lorraine, basé à Nancy. Ainsi, les éducateurs spécialisés et les animateurs-éducateurs sont formés localement, afin de répondre aux besoins sociaux du département.

Or aujourd'hui, nous nous interrogeons sur la possibilité, pour les structures médico-sociales, de continuer à former des apprentis, dont elles ont énormément besoin. En effet, 87 % des apprentis diplômés l'année dernière ont été embauchés dans la Meuse. Quid de l'avenir de la délocalisation de l'IRTS, c'est-à-dire de la formation des apprentis dans les territoires ruraux, si le système de l'apprentissage n'est plus attractif ?

C'est une petite alerte que je souhaite lancer. Peut-être pourrons-nous en reparler dans un cadre plus personnel, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Nous voterons contre l'amendement présenté par Mme la rapporteure générale. Je m'associe pleinement aux propos de ma collègue Brulin : nous sommes vraiment face à un deux poids, deux mesures.

En effet, si nous adoptions l'amendement de Mme Doineau, les apprentis, dont le salaire est loin d'être exceptionnel, seraient pénalisés. Pour certains, cela entraînerait une baisse non négligeable de leur rémunération, entre 55 et 102 euros, ce qui compte lorsqu'on a un faible revenu…

Vous mentionnez, madame la ministre, des apprentis payés 3 000 euros par mois. Pour ma part, je n'en connais pas beaucoup et il ne s'agit certainement pas de la majorité des apprentis, qui restent des jeunes hommes et des jeunes femmes en formation.

Sans vouloir empiéter sur l'examen du projet de loi de finances, nous savons qu'il contient des mesures qui iront à l'encontre, non seulement de l'aide à l'apprentissage, mais aussi du soutien individuel à ces jeunes.

Voilà pourquoi nous ne voterons pas l'amendement présenté par Mme Doineau.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Le « en même temps » est complètement le fait de la majorité sénatoriale, aujourd'hui. C'est hallucinant !

Tout à l'heure, l'on nous expliquait, en particulier mon collègue Henno, que nous étions là pour faire des économies, et non pour chercher des recettes. Mais voilà que vous venez de trouver 1,2 milliard d'euros de recettes, ce qui est délicieux ! Et sur le dos de qui ? En particulier, des jeunes. C'est tout de même curieux. Le capital, on n'y touche pas, mais les jeunes, tout d'un coup, ce n'est pas grave. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Michel Masset applaudit également.)

Certains apprentis touchent en effet 3 000 euros par mois et plus : c'est vrai, il en existe. Mais, pour ma part, je voudrais surtout qu'une majorité des apprentis soit en pré-bac – je n'arrête pas de le dire. En réalité, si cette réforme est une excellente réforme, le bât blesse au niveau du nombre d'ouvertures de centres de formation d'apprentis (CFA) et de jeunes en apprentissage au niveau pré-bac. C'est là que doit être notre combat.

Si l'on veut faire des économies, j'aurai de nombreuses propositions à faire dans le cadre du projet de loi de finances. Ainsi, pour dégager 1,6 milliard euros, je propose d'agir sur l'aide aux entreprises.

Pour en revenir aux apprentis, les jeunes en pré-bac gagnent à peine 80 % du Smic.

En outre, je suis en total désaccord avec vous, madame la ministre : les apprentis ne travaillent pas au même niveau que leurs collègues. Pourquoi ? Parce qu'on est en train de les former. En d'autres termes, ils sont moins productifs. De plus, ils passent la moitié de leur temps à étudier, ce qui n'est pas le cas des autres employés.

Le temps dévolu à l'apprentissage est donc énorme pour ces jeunes, raison pour laquelle il leur faut, selon moi, un revenu légèrement supérieur. Nous devons les aider à tenir pendant un an, parce que l'apprentissage est très difficile. Vous ne mesurez pas la difficulté que représente le fait de réussir le même diplôme initial que quelqu'un qui étudie à plein temps dans une école.

C'est sur les aides aux entreprises qu'il faut travailler, et non sur la diminution du salaire net. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)