M. le président. L'amendement n° 1759 rectifié, présenté par M. Mérillou, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le II est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° a) Les revenus d'activité définis au premier alinéa du I de l'article L. 136-1-1 des personnes dont les revenus fiscaux définis au IV de l'article 1417 du code général des impôts perçus l'avant-dernière ou l'antépénultième année n'excèdent pas 20 764 € pour la première part de quotient familial sont assujettis à la contribution :

« – au taux de 2,5 % lorsque ces revenus fiscaux sont inférieurs à 16 014 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 3,25 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 16 014 € et 16 610 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 4 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 16 610 € et 17 161 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 4,75 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 17 161 € et 17 845 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 5,5 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 17 845 € et 18 371 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 6,25 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 18 371 € et 19 048 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 7 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 19 048 € et 19 556 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 7,75 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 19 556 € et 20 227 € pour la première part de quotient familial ;

« – au taux de 8,5 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 20 227 € et 20 764 € pour la première part de quotient familial.

« b) Les montants mentionnés au 3° sont majorés de 2 971 € pour chaque demi-part de quotient familial supplémentaire. »

2° Au premier alinéa du III, après la référence : « L. 136-1-2 », sont insérés les mots : « du présent code » ;

3° Au III ter, les mots : « aux III et III bis » sont remplacés par les mots : « au 3° du II, au III et au III bis ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Je défends cet amendement au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Depuis quatre ans, l'inflation cumulative atteint près de 15 % et frappe durement nos concitoyens. Pour l'alimentation, elle est de plus de 25 % ; pour le gazole, de plus de 18 %.

Dans nos foyers, ce ne sont pas des pourcentages, ce sont des arbitrages douloureux : se chauffer moins, se déplacer moins, réduire les achats essentiels. Ce décrochage du pouvoir d'achat entraîne un phénomène, documenté, de déconsommation, qui touche d'abord les ménages modestes. En 2023, la consommation n'a progressé que de 0,6 % et d'à peine plus en 2024. Cette crise du porte-monnaie se répercute sur l'économie tout entière, jusqu'aux recettes de l'État : la TVA a rapporté 1,4 milliard d'euros de moins l'an dernier.

Par cet amendement, nous proposons donc de redonner du souffle aux revenus modestes, entre 1 et 1,4 Smic, en rendant la CSG enfin progressive sur les revenus d'activité. Aujourd'hui, que l'on gagne 1 Smic ou 4, on paie 9,2 % de CSG. C'est injuste et cela pèse sur les Français qui travaillent et peinent malgré tout à joindre les deux bouts.

Nous proposons un barème en dix tranches, débutant à 2,5 % au niveau du Smic et progressant jusqu'à 8,5 %, avant de retrouver le taux plein actuel, à 1,4 Smic.

Très concrètement, pour une mère seule au Smic avec un enfant, cela représente 900 euros de gain par an. Pour un couple avec deux enfants, dont chaque membre gagne 1 920 euros, le gain s'élève à 1 500 euros par an.

Ce n'est ni un chèque ponctuel ni une rustine ; c'est un gain immédiat et durable de pouvoir d'achat pour ceux qui en ont le plus besoin. C'est aussi une mesure qui, en réduisant ainsi le coût du travail dans les secteurs exposés à la concurrence internationale, soutient l'emploi.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement pour garantir plus de justice sociale et fiscale, et pour protéger nos travailleurs qui en ont le plus besoin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Madame Souyris, vous ouvrez là un grand chantier.

Nous en avons déjà un peu débattu tout à l'heure, au sujet des taux de CSG. Le cas présent est quelque peu différent, puisque vous entendez instaurer une CSG progressive sur les revenus d'activité.

Si toutes ces questions sont en effet très importantes, dans la mesure où il s'agit de savoir comment nous finançons notre protection sociale, je vous le dis très franchement : ce n'est pas au travers de ce PLFSS que nous pourrons obtenir un résultat cohérent.

Il nous faut réfléchir, en lançant soit des assises, soit des états généraux – ou que sais-je encore… –, à la manière de financer la protection sociale en France, alors que l'environnement a totalement changé et que de nombreux facteurs sont à prendre en compte.

La mesure que vous proposez, si nous n'avons pas eu le temps de la chiffrer précisément, coûterait en réalité plusieurs milliards d'euros. Je ne vois pas très bien l'intérêt – il faudra peut-être en débattre dans d'autres lieux, comme je le disais – d'avoir deux impôts progressifs, c'est-à-dire la CSG et l'impôt sur le revenu, car nous nous retrouverions avec deux modes de calcul semblables. La complémentarité de ces deux impositions, différentes parce que non basées sur les mêmes assiettes, était finalement intéressante.

Il serait donc plus lisible et moins coûteux en gestion de modifier pour le moins le barème de l'impôt sur le revenu.

J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement, madame Souyris, ainsi que sur l'amendement n° 1759 rectifié, mais la question que vous posez est tout aussi pertinente que toutes celles que nous avons évoquées ce matin sur les moyens à mettre en œuvre pour financer la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame la sénatrice, voilà un amendement à 20 milliards d'euros ! (Sourires sur plusieurs travées.) Je vous remercie donc d'avoir précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel ; sinon nous aurions eu du mal à comprendre comment le dispositif s'articulait.

Toutefois, cet amendement n° 1490 est intéressant.

En effet, contrairement à beaucoup d'autres propositions dont on a pu débattre au sujet de la CSG progressive, il est rédigé de façon à permettre au dispositif prévu de fonctionner. Je le dis parce que, souvent, fleurissent des propositions pleines d'imagination sur les taux et les barèmes qui ne sont pas opérantes.

Concrètement, pour rendre la CSG progressive, il faut regarder les revenus du ménage, puisque nous avons en France une fiscalité qui est, lorsqu'on la différencie, établie par foyer. Nous procéderions donc comme pour les retraités : nous regarderions la situation familiale du foyer l'année n-2, ainsi que ses revenus, et nous en déduirions le taux de CSG à appliquer, dans le cadre du système de prélèvement à la source opéré sur les feuilles de paie, avec des acomptes contemporains.

Pourquoi n-2 et non n-1, me direz-vous ? Parce que le système doit être opérationnel au 1er janvier de l'année n et qu'à la date du vote du PLFSS – le réveillon n'est pas encore passé ! – nous ne disposons pas de la description exacte de chaque situation familiale au 31 décembre de l'année n-1. L'année n-2 est donc la dernière année pleine et complète connue. Ainsi, pour le 1er janvier 2026, par exemple, le taux de CSG que vous paieriez dépendrait de votre revenu total familialisé de l'année 2024.

Cela fonctionne pour les retraités. La situation est quelque peu compliquée au cours des deux premières années, car, les revenus d'activité étant plus importants que les pensions de retraite, la CSG est calculée sur la base de taux plus élevés. Au bout de la deuxième année de retraite, cependant, les choses rentrent dans l'ordre. Par la suite, les revenus des personnes sont plutôt stables et le système l'est donc également.

Pour les actifs, la situation est plus complexe, car plus changeante, au gré des événements de la vie – mariage, divorce, arrivée d'enfants…

Pour nos concitoyens, ce système, qui peut fonctionner sur le plan constitutionnel et qui respecte tous les droits, signifierait potentiellement que des taux de CSG, puisque ce sont des plafonds nets et finalement assez différents, pourraient varier beaucoup d'une année à l'autre.

Si je reprends vos paramètres et vos tranches, nous passerions d'une exonération totale à un taux de 6,6 %, puis de 10,6 %, soit des variations potentielles de 6 ou de 4 points.

Madame la sénatrice, sur cet amendement d'appel, je tenais à vous fournir une réponse complète, car le sujet est intéressant. Il faudrait en réalité créer beaucoup plus de tranches pour lisser davantage les paliers si nous voulions entrer dans ce genre de régime, et bien expliquer à nos concitoyens ce que cela signifie, lorsque l'on est actif, d'avoir une fiscalité qui dépend de sa situation à l'année n-2.

J'ajouterai un dernier élément au débat. Nous voulons créer une allocation sociale unique. Nous avons passé plus de cinq ans, et je salue Mme la ministre Bourguignon qui connaît cela par cœur, à vouloir contemporanéiser les aides sociales et le régime fiscal. À cet égard, la réforme du prélèvement à la source a apporté un vrai soutien à nombre de nos concitoyens, dans la mesure où le taux d'imposition s'adapte à la situation présente.

Chacun se souvient de ce que signifiait un impôt sur le revenu calculé avec un décalage d'un an ou, parfois, de deux ans. Idem pour les aides personnelles au logement (APL), décalées de deux ans : en cas de crise, on était aidé pendant deux ans, puis, subitement, on ne recevait plus rien.

La contemporanéisation est donc un bon principe. Or la réforme que vous proposez, c'est, pour le coup, l'anti-contemporanéisation, parce qu'elle nous ramène deux ans en arrière dans la vie que nous avions.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre proposition, si elle n'est pas inintéressante, nécessite, pour être mise en œuvre, d'y réfléchir à deux fois. Elle a aussi de nombreux effets assez contradictoires avec des évolutions que nous avons portées collectivement et dont nous voyons aujourd'hui, me semble-t-il, les bénéfices.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1490 ainsi que sur l'amendement n° 1759 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Certes, nous l'entendons, la mise en œuvre de notre proposition entraînerait un certain nombre d'obstacles. Mais revenons-en aux faits : un tel prélèvement serait proportionnel, donc non dégressif, ce qui est déjà un point positif, mais sans être non plus totalement redistributif. Il se situe entre les deux. Cela reviendrait à appliquer, de façon partielle, le principe fondamental de la sécurité sociale, qui veut que chacun cotise selon ses moyens.

Différentes propositions peuvent être envisagées. J'avais moi-même déposé un autre amendement, qui a dû être déclaré irrecevable, afin d'envisager la possibilité de laisser la CSG telle qu'elle est, avec cet entre-deux entre la dégressivité et la redistribution, et d'ajouter un prélèvement supplémentaire pour les revenus très élevés. Il s'agissait d'introduire ce qui existe déjà dans la sécurité sociale : la notion de plafond et de cotisation plafonnée ou déplafonnée, avec les tranches A, B et C. Tous ces outils existent déjà, puisque les revenus sont pris en compte sur la base du Smic ou du plafond de la sécurité sociale.

On pourrait donc très bien reprendre cette notion de plafond, créer une ligne supplémentaire et, sur les tranches très supérieures – la tranche C correspondant, je le rappelle, à huit fois le plafond –, appliquer un prélèvement supplémentaire. Cela permettrait d'assurer la redistribution.

Il n'est absolument pas question de fusionner la CSG avec l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), comme certains le proposent. L'IRPP constitue une recette de l'État, destinée à financer les routes ou l'éducation, par exemple, tandis que la CSG est affectée à la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. J'apporterai un bref complément à tous les éléments techniques et très justes fournis par Mme la ministre, en m'adressant aux sénateurs de gauche pour leur rappeler les principes fondateurs de la sécurité sociale et les risques de rupture du contrat social qui seraient attachés au fait de rendre la CSG progressive, à une époque où la situation de la sécurité sociale est tout de même très fragile.

Je le rappelle, la CSG a remplacé des cotisations qui n'ont jamais été progressives et qui étaient même, d'ailleurs, plafonnées : elles étaient proportionnelles. Il faut en rester à cet esprit pour des prestations qui, pour la maladie par exemple, sont versées en fonction de l'état de santé et non en fonction du fait que vous soyez riche ou pauvre.

Nous avons rendu le système très redistributif via des prestations de plus en plus soumises à condition de ressources, notamment pour la famille. Prenons garde à ne pas fragiliser le contrat social en agitant des idées de cette nature.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1490.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1759 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous revenons au cours normal de la discussion des articles.

Après l'article 6 bis (précédemment réservé)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Après l'article 8 octies

Article 8 octies (nouveau)

Avant le 1er avril 2026, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de l'article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Ce rapport évalue notamment la fiabilité du « système national version 2 » sur lequel repose le recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants au titre de l'ancien régime social des indépendants et du régime actuel ainsi que les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants, en particulier en outre-mer, qui se voient réclamer des sommes indues. Il analyse les éléments liés à l'acquisition de la personnalité morale par le régime social des indépendants et les entités se présentant comme venant à ses droits et il propose des solutions permettant un règlement amiable de cette situation.

M. le président. L'amendement n° 603, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Si l'objet du rapport demandé au Gouvernement au travers de cet article est, encore une fois, tout à fait pertinent, je reprendrai la réponse habituelle que nous donnons à toute demande de cette nature : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 603.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 8 octies est supprimé.

Article 8 octies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 9 (début)

Après l'article 8 octies

M. le président. L'amendement n° 1040 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Chasseing, Mme Lermytte, MM. Pellevat, V. Louault, Capus, Laménie, Chevalier, Grand, A. Marc, Brault, Wattebled, Dhersin et Ravier, Mmes Saint-Pé et Sollogoub et M. Houpert, est ainsi libellé :

Après l'article 8 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 3° de l'article L. 3312-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les travailleurs indépendants. Ces derniers peuvent se verser une prime exonérée d'impôt et de charges sociales d'un montant maximum de 5 000 euros par an. Les modalités de versement de cette prime sont définies par décret. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Par cet amendement, notre collègue Pierre Jean Rochette aborde la question du pouvoir d'achat, l'une des préoccupations majeures des Français.

La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a instauré pour les salariés la prime de partage de la valeur (PPV). Cette prime, en complément du salaire, est versée à la discrétion des employeurs.

Parallèlement, les travailleurs indépendants ne vont bénéficier que d'une baisse de leurs cotisations sociales. En 2020, ils étaient environ 3,8 millions à exercer une activité non salariée générant un chiffre d'affaires total de 80,4 milliards d'euros.

Les indépendants ne bénéficient ni de l'intéressement, ni de la participation, ni du treizième mois.

La possibilité de se verser une prime non fiscalisée, mais plafonnée, serait un excellent coup de pouce au pouvoir d'achat et un signal fort envoyé à cette catégorie socioprofessionnelle, qui représente 12 % de la population.

Il est ainsi proposé d'offrir aux indépendants la possibilité de se verser une prime défiscalisée, calquée sur le modèle de celle qui est versée dans le cadre de l'intéressement. Cette prime, versée une fois par an, serait plafonnée à 5 000 euros. Les modalités de versement seraient fixées par décret.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement porte sur le statut particulier des travailleurs indépendants, qui n'ont pas les mêmes possibilités que d'autres travailleurs, notamment salariés.

Si je peux comprendre son objet, il créerait, s'il était adopté, une disposition qui défiscalise et désocialise. Le temps n'est pas venu de faire une telle proposition dans le contexte actuel des finances publiques.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame la sénatrice, une grande réforme du régime social des indépendants a eu lieu pour changer, vous le savez, la manière dont les cotisations sociales y étaient organisées. Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée que, dans notre pays, un indépendant sans salarié – il ne s'agit donc pas d'un partage de la valeur – puisse se verser à lui-même une prime totalement exonérée. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.) C'est une approche étonnante.

En revanche, j'entends votre argument : il faut soutenir les indépendants, qui ont parfois des revenus modestes. Dans la catégorie des indépendants, il y a néanmoins toutes sortes de professions. Les avocats sont des indépendants, les notaires sont des indépendants, les experts-comptables peuvent être des indépendants. Il me semble donc préférable d'adopter une approche un peu plus sociale.

Vous savez qu'il existe des réductions des taux de cotisations maladie et famille ciblées sur les bas revenus pour les indépendants. Lorsque les revenus d'activité sont grevés de charges, ces taux sont d'ailleurs plus faibles. Il me paraît donc préférable de conserver des barèmes en fonction des revenus.

L'idée que tous les indépendants de France puissent se verser à eux-mêmes 5 000 euros sans aucune charge ni aucun impôt correspond à une vision qui n'est pas exactement celle que, en général, nous défendons collectivement ici.

Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol. Ils ne s'appellent pas « Les Indépendants » par hasard !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Peut-être cette proposition vient-elle du fait que d'aucuns s'imaginent que la prime de partage de la valeur concerne 100 % des salariés. Mais ce n'est pas du tout le cas : elle ne bénéficie qu'à quelques millions d'entre eux. Nous avons évoqué le montant moyen hier : il s'élevait, me semble-t-il, à 2 500 euros, mais pour 8 millions de salariés, ce qui est loin de concerner tout le monde.

Pour les indépendants, qui se versent eux-mêmes une rémunération, nous allons avoir un taux de recours de 100 % et à hauteur de 5 000 euros désocialisés. C'est proprement évident.

Si l'on ne voit pas cette évidence, c'est parce que l'on s'imagine que la PPV concerne tous les salariés. Je peux vous dire que ce n'est pas le cas et que cette prime représente, dans les petites entreprises, des montants très faibles et, dans les grandes entreprises, des montants maximaux, mais réservés aux cadres « ++ ». Ce n'est donc pas possible de voter un tel amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1040 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 8 octies
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 9 (interruption de la discussion)

Article 9

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A. – L'article L. 131-6-4 est ainsi modifié :

1° Les trois derniers alinéas du I sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa du présent article s'applique aux personnes qui relèvent de l'une des catégories mentionnées à l'article L. 5141-1 du code du travail, à l'exclusion des personnes mentionnées à l'article L. 642-4-2 du présent code, et aux personnes qui créent ou reprennent une entreprise implantée dans une commune relevant de l'une des zones mentionnées à l'article 44 quindecies A du code général des impôts. » ;

2° (Supprimé)

B et C. – (Supprimés)

II et III. – (Supprimés)

IV. – Le A du I entre en vigueur le 1er janvier 2026 et s'applique aux créations et reprises d'entreprise intervenant à compter de cette date.

V. – Les B et C du I entrent en vigueur au 1er janvier 2026 et s'appliquent aux cotisations et contributions dues pour les périodes d'activités courant à compter de cette date.

VI. – (Supprimé)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, sur l'article.

M. Dominique Théophile. Sans entrer dans le détail de cet article qui traitait, dans sa version initiale du moins, d'un certain nombre de sujets, je dirai quelques mots simplement pour exprimer notre satisfaction de voir que les alinéas relatifs au régime de la Lodéom sociale, du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, ne font pas l'objet d'amendements de réintroduction. Je remercie à ce titre la commission des affaires sociales et, en particulier, Mme la rapporteure générale, d'avoir entendu nos arguments, puisque cette discussion a été intense à l'Assemblée nationale.

L'article prévoyait en effet plusieurs mesures dites de simplification, c'est-à-dire la suppression des trois barèmes existants et l'alignement des régimes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sur le régime commun. Il prévoyait surtout un rabot inacceptable, mesdames les ministres, de 350 millions d'euros, qui devait s'additionner à celui qui est proposé dans le projet de loi de finances.

Vous le savez, la Lodéom a vocation à corriger les déséquilibres structurels des territoires ultramarins et à soutenir des entreprises confrontées à des réalités très spécifiques, notamment en raison de l'insularité. Elle est aujourd'hui indispensable à leur survie. La hausse du coût du travail qu'une telle mesure ne manquerait pas d'engendrer serait tout simplement insoutenable.

Il n'en demeure pas moins que la très grande complexité de cette exonération de cotisations sociales est une réalité. Plus d'une déclaration sur deux est erronée ; cette réalité chiffrée a été récemment rappelée. Si les entreprises et les élus appellent de leurs vœux une réforme du dispositif, celle-ci doit être menée avec intelligence. Son impact doit être évalué territoire par territoire. Je sais le Gouvernement attentif à nos arguments.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, soyez certains que nous resterons mobilisés sur ce dispositif et sur la menace du rabot tant que la question se posera en ces termes.

M. le président. L'amendement n° 1349 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Grosvalet, Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

ou une entreprise relevant d'un secteur stratégique pour l'économie française, selon des modalités définies par décret

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement vise à préserver la capacité d'innovation et de développement économique dans les secteurs stratégiques.

L'article 9 recentre l'exonération maximale de cotisations patronales sur les seuls demandeurs d'emploi et publics vulnérables. Cette restriction risque toutefois d'affaiblir la dynamique entrepreneuriale dans des filières essentielles à notre souveraineté nationale, à savoir la transition énergétique, les technologies critiques, la santé, l'industrie ou encore certains secteurs identifiés comme prioritaires par l'État.

Pour éviter cet effet contre-productif, nous proposons de maintenir le niveau maximal d'exonération pour les créateurs et repreneurs d'entreprises intervenant dans ces secteurs stratégiques, qui seraient définis par décret.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. À ce stade de nos débats, sans remettre en cause votre agilité intellectuelle, que je sais grande, je voudrais vous rappeler en quoi consiste cet article 9 dans son état initial et dans l'état où il est revenu de l'Assemblée nationale.

Il s'agissait de rationaliser différentes exonérations spécifiques dans le cadre des dispositifs suivants : la Lodéom, dont Dominique Théophile nous a fait part, l'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (Acre), les aides aux apprentis et, enfin, les aides aux jeunes entreprises innovantes. L'objectif était de regarder précisément ce que ces aides étaient devenues au fil du temps. C'est d'ailleurs ce qui est présenté dans l'annexe 9 du présent PLFSS, document que je vous invite à consulter pour connaître la progression de toutes ces aides.

En l'occurrence, le texte est revenu de l'Assemblée avec beaucoup moins d'exigences, si je puis dire. Nous allons donc débattre de la nécessité de réintroduire ou non certaines dispositions relatives à certaines aides. Il me semble que, du texte de l'Assemblée nationale, seules les dispositions relatives à l'Acre avaient été maintenues. Ce matin, nous allons donc vous proposer d'en réintroduire d'autres.

Concernant la Lodéom, je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, mais j'ai eu l'occasion d'en parler aussi avec tous les représentants des outre-mer, quels qu'ils soient. M. Victorin Lurel était également présent. Oui, les territoires d'outre-mer sont en difficulté. Ceux qui n'y ont pas vécu un tant soit peu ne peuvent pas identifier les difficultés rencontrées par les populations, avec, comme vous l'avez dit, des spécificités très particulières d'un territoire à l'autre.

Nous en avons beaucoup débattu, il n'est pas forcément opportun d'appliquer pareillement les aides demandées dans tous les territoires. C'est pour cette raison que j'appuie l'idée de ne pas revenir sur la Lodéom, sachant tout de même que l'Igas et l'IGF ont, dans un rapport, mis en avant un certain nombre d'éléments à corriger.

L'année dernière, lorsque nous avons débattu des allégements généraux, nous l'avons tous observé : ces dispositifs sont presque inextricables. Je demande donc au Gouvernement, à l'issue de ce rapport et compte tenu de l'évolution de la situation économique de ces territoires, de regarder comment avancer, aussi intelligemment, précisément et territorialement que possible.

Il convient de rendre ces dispositifs plus compréhensibles et, surtout, plus accessibles. En effet, dès lors que nous constatons qu'un barème n'a pratiquement pas été utilisé par les chefs d'entreprise, pourquoi le conserver ? Il faut absolument revenir à la table de négociations, sans changer le montant.

J'attire cependant votre attention, mes chers collègues sur le fait qu'un tel montant est important – il faut le reconnaître. La Nation apporte une contribution substantielle en faveur des territoires d'outre-mer. C'est légitime, mais cela représente une part importante pour le ministère des outre-mer, une grande partie de son budget n'étant pas consacrée à d'autres projets, qui pourraient être des actions innovantes ou menées en fonction des réalités climatiques que vous vivez.

Sur l'amendement proposé par M. Masset, la commission a émis un avis défavorable, car la définition d'un secteur stratégique est très large et, donc, susceptible de créer des pertes de recettes significatives pour la sécurité sociale.