Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. J'émettrai un avis défavorable sur tous les amendements et sous-amendements en discussion commune, hormis l'amendement n° 1861 du Gouvernement. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SER et GEST.)
Le sous-amendement n° 1864 entraînerait, s'il était adopté, une complexité technique qui irait à l'encontre de notre objectif de simplification.
Les autres propositions touchent à des sujets de fond, à commencer par le faible niveau du prix des médicaments, lui-même lié à un enjeu majeur de souveraineté qui doit nous rassembler.
Mme la sénatrice Lassarade a cité le laboratoire UPSA. Ce dernier souhaite apposer sur ses boîtes de médicaments un logo « Fabriqué en France ». Nous soutenons cette proposition parallèlement au PLFSS et travaillons sur le sujet.
En ce qui concerne les prix, vous savez que le CEPS dispose de deux leviers pour agir sur la baisse des prix : il peut proposer au laboratoire soit un bonus, soit un avoir sur investissement qui restreint l'application de la clause de sauvegarde. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.)
Cette faculté, censée favoriser le made in France, est déjà prévue par la loi, puisque nous l'avons votée dans un précédent PLFSS. Toutefois, elle n'est pas appliquée de manière systématique. C'est pourquoi nous proposons que ce soit le cas.
Je rappelle également que, grâce aux financements de France 2030 à hauteur de 300 millions d'euros, une quarantaine de médicaments ont été relocalisés en France dans le cadre du plan de relocalisation de la production de produits de santé, annoncé en 2023 par le Président de la République.
Je veux évoquer aussi la relocalisation, dans l'Isère, de la fabrication du princeps du paracétamol, dans le cadre du projet Seqens.
Enfin, toujours sur ce thème de la souveraineté, nous travaillons surtout à l'échelon européen dans le cadre du Critical Medicines Act. Les projets avancent.
J'en viens à la question des pénuries de médicaments, qui a fait également l'objet d'amendements. Si nous devons continuer le combat, les pénuries se font plus rares depuis quelques années. Les nombreuses mesures législatives votées par les deux chambres du Parlement semblent porter leurs fruits. Alors que les pénuries sont plus facilement signalées, leur nombre a ainsi baissé de 22 % entre 2023 et 2024. C'est un résultat significatif, ne relâchons pas nos efforts.
Par ailleurs, une feuille de route est en cours d'élaboration. Elle aura pour objet d'améliorer la détection et la prévention des pénuries. Sur le long terme, le travail de relocalisation de la fabrication des médicaments contribue à ces efforts.
La question a été soulevée d'un pôle public du médicament et il est important d'y répondre. En la matière, le Gouvernement souhaite travailler sur l'articulation entre le public et le privé.
Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, nous avions d'ailleurs voté le « Florange » du médicament. En cas de départ d'un fabricant, cette mesure oblige l'investisseur à trouver un repreneur à l'autorisation de mise sur le marché (AMM).
Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est en théorie ce qui devrait se passer…
Mme Stéphanie Rist, ministre. Si l'investisseur n'y parvient pas, la mesure permet à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de demander la concession de la licence pour que le secteur public reprenne l'autorisation. Ce dispositif est en cours de mise en place.
Plusieurs amendements ont pour objet d'augmenter la contribution du secteur pharmaceutique. Je rappelle que celle-ci s'élève à 1,6 milliard d'euros pour 2026 et qu'elle s'ajoute à une baisse de prix d'un montant équivalent.
Certains amendements visent à relever le montant Z applicable aux dispositifs médicaux, d'autres à le baisser. En cherchant un juste milieu, nous devrions approcher de la vérité. Quel que soit le montant fixé, il y aura un effet direct sur le financement.
Enfin, la nouvelle formulation que nous proposons de retenir redonne à la clause de sauvegarde son sens originel : celui d'un filet de sécurité qui n'a pas vocation à être déclenché.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. À l'évidence, le compromis qui a été trouvé entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale sur l'amendement n° 1861 satisfait entièrement nos collègues : la plupart d'entre eux ont retiré leur amendement, ce qui complique quelque peu l'examen du texte.
Il est regrettable que ce compromis ait été trouvé en catimini et, je n'en doute pas, en accord avec le Leem et le Snitem.
Mme Raymonde Poncet Monge. Absolument !
Mme Émilienne Poumirol. Pour les usagers, en revanche, la transparence aura été comme d'habitude inexistante.
En définitive, à qui donc profite ce compromis ? À la sécurité sociale et à sa branche assurance maladie ? Je ne le pense pas : le montant de la contribution, 1,6 milliard d'euros, reste inchangé.
En revanche, le bénéfice sera pour l'industrie pharmaceutique : vous avez en effet répondu aux demandes du Leem et du Snitem en déplaçant certaines échéances au mois de janvier de l'année prochaine, afin d'éviter un double paiement la même année. Nous connaissons bien les demandes habituelles de ces deux entités !
Or, comme cela a été dit à maintes reprises, les bénéfices des Big Pharma n'ont fait qu'exploser ces dernières années.
Il a beaucoup été question, entre autres, de Sanofi. Je me souviens d'une réunion, en 2021, au cours de laquelle le directeur de Sanofi France nous avait expliqué allègrement qu'il distribuait 4 milliards d'euros de dividendes aux actionnaires du groupe, mais que, dans le même temps, l'activité de 700 chercheurs à Strasbourg ne l'intéressait plus, la recherche en chimie n'étant pas rentable. Mieux valait acheter de petites biotech, le retour sur investissement étant plus rapide. Vous le savez bien, la recherche en thérapie génique est beaucoup plus intéressante.
Ce compromis a donc émergé au seul bénéfice de l'industrie pharmaceutique. Heureusement, vous avez tout de même préservé les génériques. Mais il faut aussi se préoccuper des médicaments matures. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Émilienne Poumirol. L'effort n'est donc pas du tout équitablement réparti.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Il est vrai que l'exercice auquel nous nous livrons ne facilite pas la lecture…
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est peu de le dire !
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie tout de même, madame la ministre, du travail de recherche de compromis que vous avez mené avec l'industrie pharmaceutique.
J'en profite pour appeler votre attention sur la situation des industries de santé françaises, qui fabriquent en France et qui sont à ce titre – cela a été évoqué à plusieurs reprises et chacun en a conscience – un pilier de notre souveraineté sanitaire.
Le Premier ministre en a même fait mention dans la lettre de mission qu'il a adressée à la nouvelle présidente du Ceps il y a quelques mois.
Dans le même temps, les entreprises du médicament contribuent de façon importante à la réduction des dépenses de la sécurité sociale. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) Baisses de prix, clause de sauvegarde, remises conventionnelles et désormais une nouvelle contribution : nous ne pouvons nier cette contribution, reconnaissez-le.
Privilégier la production française au travers d'un abattement sur la clause de sauvegarde ou sur la contribution supplémentaire de ces entreprises n'a rien de scandaleux.
Nous connaissons la qualité et la sécurité de leur production. Ce lundi 17 novembre s'est tenu le sommet Choose France – Édition France, dont l'objectif est d'encourager les entreprises qui investissent dans notre pays. Par cohérence avec cet événement, nous avons la possibilité, madame la ministre, de soutenir les entreprises françaises de santé, en proposant une décote sur la nouvelle taxe.
Aussi, je soutiendrai les sous-amendements présentés par mon collègue Michel Masset et voterai votre amendement n° 1861, sous-amendé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Il est vrai que le débat n'est pas facile à suivre.
En écho des propos de l'excellent sénateur Olivier Henno sur la dimension européenne, j'aimerais revenir en particulier sur l'amendement n° 160 de M. Piednoir, qui concerne les stocks stratégiques.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, considérant qu'il était satisfait par celui du Gouvernement.
Or j'ai bien relu l'amendement n° 1861 et je n'y vois aucune mention des stocks stratégiques européens, qui sont pourtant essentiels. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)
Je me tourne vers les rapporteurs de la commission qui ont travaillé sur cette question : il faut absolument que de tels éléments, qu'ils soient médicaux, paramédicaux ou autres, soient exclus de la clause de sauvegarde.
J'aimerais en avoir confirmation, auquel cas je voterai non pas l'amendement de M. Piednoir, mais, à l'instar de Corinne Imbert, l'amendement du Gouvernement, sous-amendé.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est bien le cas.
Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour explication de vote.
M. Khalifé Khalifé. Beaucoup de choses ont été dites et je salue les efforts en faveur de l'industrie française et européenne.
N'oublions pas que les entreprises étrangères ont aussi fait des efforts importants – Corinne Imbert l'a rappelé et nous venons de le voir au travers de l'amendement du Gouvernement – pour maintenir au plus bas les prix des médicaments innovants que nous trouvons en France. Il est important de le souligner.
Je tiens à vous alerter, mes chers collègues : la baisse du niveau de la recherche clinique en France, un domaine qui était naguère à l'apogée, devient préoccupante, notamment en ce qui concerne l'accès aux médicaments nouveaux.
Madame la ministre, il est important de travailler sur ce sujet pour encourager les équipes françaises, mais aussi pour inciter les laboratoires étrangers à investir dans la recherche clinique en France.
Je sais, par expérience, que beaucoup de représentants de laboratoires étrangers en France se battent avec leur maison mère pour installer un ou deux centres de recherche, parfois plus, en France.
La France intéresse moins que l'Allemagne et, surtout, moins que le pays émergent de l'Europe en matière de recherche clinique, à savoir l'Espagne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens l'amendement n° 1180.
Il ne s'agit pas d'un problème de souveraineté : les entreprises visées au travers de cet amendement sont celles qui quittent le territoire national.
Notre débat du jour est assez classique. On y retrouve des figures imposées – dividendes, retraites chapeaux, licenciements, aides publiques – avec les problèmes de contrôle et d'adéquation induits.
Il y a tout de même un certain bon sens à vouloir taxer des entreprises qui quittent le territoire. L'idée est non pas de défendre notre souveraineté en les empêchant de partir, mais de taxer davantage des entreprises qui ont choisi de quitter notre pays.
Compte tenu du contexte général, il est hautement probable que les entreprises en question ont déjà reçu des aides publiques. Nous avons vécu ces situations des dizaines et des dizaines de fois : on touche des aides publiques, on promet de ne pas licencier et, in fine, on délocalise et on licencie ! (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)
Une grande confiance n'excluant pas une petite méfiance, je voterai l'amendement n° 1180.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Ce débat, certes complexe, est de la plus haute importance.
J'y vois au moins trois enjeux : un enjeu sanitaire, un enjeu de souveraineté et un enjeu d'accès à l'innovation et de développement de celle-ci dans notre pays. Nous devons appréhender tous ces aspects.
Peut-être avons-nous trop longtemps considéré la question – c'est le cas également en matière de concurrence européenne – sous le seul angle du prix le plus bas. Résultat, l'industrie pharmaceutique française, voire européenne, est aujourd'hui en difficulté.
Le Gouvernement semble être dans cet état d'esprit. Je l'encourage à l'y être plus encore et à regarder les choses non seulement au prisme de notre souveraineté industrielle et de notre capacité à développer l'industrie pharmaceutique, mais aussi à celui de l'innovation.
Face à la Chine et aux États-Unis, il nous faudra en effet faire émerger des géants européens si nous voulons être au sommet de l'innovation.
Enfin, le pôle public du médicament ne me semble pas être la bonne réponse.
Mme Émilienne Poumirol. Ah bon ?
M. Olivier Henno. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais cela fleure bon « mai 1981 ». (Sourires.)
En revanche, nous devons nous poser la question du conditionnement des aides. C'est un enjeu de souveraineté à la fois européenne et nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Certains de mes collègues parlent de compromis pour qualifier l'amendement du Gouvernement. Il s'agit plus précisément d'un compromis avec les grands groupes pharmaceutiques. Citez-moi les TPE ou les PME qui y ont été associées ?
Prenons l'exemple du site Sanofi de Maisons-Alfort : il a été vendu non pas à un groupement de PME ou d'ETI françaises, mais à un grand investisseur allemand. C'est donc de compromis et de promesses de vente qu'il retourne.
Par ailleurs, j'entends des propos qui me scandalisent. Franchement, même vous, madame la rapporteure générale, et vous, madame la ministre, vous évoquez l'environnement international… J'ai sous les yeux une note de Stifel, banque d'investissement basée à Saint-Louis, aux États-Unis. Que nous dit-elle ? Que Sanofi va racheter 5 milliards d'euros de ses propres actions qui seront ensuite annulées.
Allez expliquer cela aux Françaises et aux Français : 5 milliards d'euros rachetés puis détruits, simplement pour être mis au rebond de son bénéfice !
Mme Raymonde Poncet Monge. Et voilà !
M. Pascal Savoldelli. La banque américaine Stifel nous annonce encore un impact positif de 3 à 4 points. Et vous vous contentez d'un rendement de 1,6 milliard d'euros ? Quelle insolence !
Sanofi bénéficie de 100 millions d'euros de crédit d'impôt. Dans mon département, le Val-de-Marne, le groupe annonce la suppression de 330 emplois en recherche et développement, dont 288 sur le site de Vitry.
Comme l'a rappelé Fabien Gay, Sanofi, c'est 3 000 emplois supprimés sur 17 000 . On voudrait mettre le feu à la France sociale que l'on ne s'y prendrait pas autrement !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Bien sûr. Ils vont tous partir !
M. Pascal Savoldelli. Je vous le dis franchement, vous allez mettre le feu et provoquer un désordre social !
Pour couronner le tout, on nous sort du chapeau un amendement dont l'adoption en rendra de nombreux autres ssans objet. Et l'on prétend rendre la parole au Parlement, pour le laisser décider ? Merci ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Il y a un problème démocratique : on ne peut pas nous demander de voter sur un amendement sans même qu'une commission ne réexamine la structuration de la clause de sauvegarde, qui est l'un des dispositifs les plus techniques et les plus compliqués qui soient.
Vous ne pouvez pas, madame la ministre, mes chers collègues, avoir pour seul interlocuteur – vous le reconnaissez pourtant – le Leem, c'est-à-dire l'industrie pharmaceutique, quand nous n'avons pas été convoqués à la moindre réunion !
Dans ces conditions, on ne peut pas parler de démocratie ; ou alors il s'agit d'autre chose, qui sort du cadre de la République.
Sur le fond, le point positif est le maintien du montant de la contribution à 1,6 milliard d'euros, que certains amendements tendaient à remettre en cause. Il est tout de même inquiétant de constater que cette contribution tend à diminuer d'année en année, alors que les bénéfices, eux, se portent très bien, que ce soit en France ou à l'étranger.
Vous parlez de sauvegarder l'innovation. Mais qui paie l'innovation, sinon le secteur public ? (M. le vice-président de la commission des affaires sociales le conteste.) Alors que c'est la recherche publique qui finance l'innovation, nous devrions soutenir le secteur privé pour l'inciter à faire de même ? Eh bien non, le secteur pharmaceutique doit contribuer.
Enfin, je m'interroge sur la défense de la souveraineté nationale, en faveur de laquelle on prétend agir.
Cela a été dit, l'industrie pharmaceutique supprime des emplois en France en permanence. Et même quand les industries fabriquent des médicaments sur le territoire, les molécules continuent d'être produites en Chine ou ailleurs. Le problème reste donc entier.
Peu m'importe de savoir si l'idée d'un pôle public du médicament soit pré ou post-1981. Elle pourrait même remonter à la Commune de Paris, l'essentiel est de se demander comment agir. Or ce n'est pas grâce à cet amendement que nous pourrons résister.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il a été question de procédés non démocratiques. Celui qui vient d'être utilisé en est un exemple évident : vous avez conclu un compromis – vous avez eu l'honnêteté de le reconnaître, madame la rapporteure générale – avec le Leem, c'est-à-dire avec l'industrie pharmaceutique.
Pour ce faire, vous avez repris des amendements issus de la majorité sénatoriale et vous les avez intégrés à votre texte, si bien qu'une dizaine d'amendements ne seront ni défendus, ni discutés, ni votés. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.) Vous êtes donc parvenus entre vous à un compromis dont vous nous présentez maintenant le résultat.
Quant à nous, nous disposons de deux minutes pour expliquer notre vote. C'est mépriser notre travail. Contrairement à vous, nous n'avons pas pléthore d'administrateurs pour nous aider. Nous avions travaillé sur des amendements que jamais nous ne discuterons.
Le Gouvernement avait annoncé une nouvelle méthode : « Nous présentons, on discute, vous votez ». Force est de constater que ce qui est appliqué est aux antipodes de vos promesses !
Pour avoir étudié pendant quelque temps les pratiques de Sanofi, je rejoins tout à fait mes collègues. Cette entreprise a coutume de licencier ses propres équipes de recherche et développement pour ensuite acheter des PME en pointe dans le secteur de l'innovation.
C'est formidable : Sanofi bénéficie du crédit d'impôt recherche, mais elle en fait très peu, préférant s'appuyer sur la recherche fondamentale de l'État.
En conclusion, j'y insiste, vous méprisez le travail de nos collaborateurs qui travaillent depuis dix jours, qui ont étudié tous les amendements et qui ont préparé les arguments pour le débat. Voilà que soudain, il ne reste plus qu'un seul amendement en discussion et deux minutes pour expliquer notre vote. Je vous remercie pour ces deux minutes, je vous remercie pour ce moment !
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, j'ai bien écouté vos interventions. Qu'un amendement du Gouvernement arrive au dernier moment, comme un grain de sable, est extrêmement fréquent.
Tous les gouvernements que j'ai connus jusqu'à présent, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont agi de la sorte. Quand le gouvernement est à gauche, c'est la droite qui proteste, et vice-versa. Il s'agit donc d'une pratique courante, cessons de nous plaindre.
Je vous informe par ailleurs que nous nous réunirons dans quelques minutes pour examiner un amendement du Gouvernement plus important encore que l'amendement n° 1861. Je ne vous en dis pas plus pour le moment.
L'amendement n° 1861, tout de même important, vise à corriger le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, qui était, comment dire…
Mme Raymonde Poncet Monge. Ni fait, ni à faire !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Magnifique !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Disons qu'il entraînait beaucoup d'incertitudes pour l'industrie pharmaceutique française et internationale, pour les professionnels de santé et pour l'ensemble du secteur de la santé.
Dans mon propos liminaire, lors de la discussion générale, j'ai indiqué que 31 % des médicaments innovants en Chine sont fabriqués sur place.
En cinq ans, les autorités chinoises et les industriels pharmaceutiques ont investi 330 milliards de dollars dans le pays. Aux États-Unis, l'application de la méthode Trump – dont chacun est libre de penser ce qu'il veut ; sur l'individu, je pense la même chose que vous – a donné lieu à l'annonce de promesses d'investissement dans l'industrie pharmaceutique à hauteur de 550 milliards de dollars.
Ce sont là des éléments de réflexion, si nous voulons aider l'industrie pharmaceutique en France.
Si je dois prendre des médicaments innovants, je préfère qu'ils soient européens ou français, plutôt que chinois. Pour que cela soit possible, nous devons faire le nécessaire pour aider l'entreprise pharmaceutique internationale.
L'amendement présenté par Mme la ministre, en outre, ne pénalise pas, comme l'a dit Corinne Imbert, l'industrie pharmaceutique française locale, territoriale, qui produit des médicaments courants, génériques, biosimilaires ou autres.
Certes, l'amendement a été déposé de manière tardive, mais il vise à corriger toutes les erreurs du texte initial que j'ai relevées, comme certains de mes collègues.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de le voter, sachant que nous aurons l'occasion d'en discuter de nouveau plus tard, lorsque nous examinerons les dispositions relatives à l'accès précoce, qui constitue un sujet extrêmement important.
En ce qui me concerne, je souhaite que les patients français atteints de maladies graves puissent avoir accès librement à tous les médicaments, y compris à certains médicaments innovants qui, en effet, coûtent une fortune. S'ils coûtent une fortune, c'est parce que la recherche coûte elle aussi une fortune et qu'il faut, par ailleurs, permettre à l'industrie pharmaceutique de trouver d'autres médicaments, qui constitueront de nouvelles avancées pour faciliter la guérison de nos patients. Voilà ce que je souhaite.
Évidemment, cela peut ne pas plaire à certains. En attendant, cet amendement, tel qu'il est présenté par Mme la ministre, correspond à ce que j'ai proposé dans mes propres amendements.
S'il est adopté, cet amendement permettra aux professionnels de santé de trouver les médicaments qu'il leur faut pour soigner leurs patients, aux patients de trouver les médicaments nécessaires à leur guérison. Quant à l'industrie pharmaceutique, elle pourra continuer de mener ses recherches – c'est important. (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)
En conclusion, je ne connais pas un seul pays au monde, sauf peut-être les États-Unis et la Chine, qui soit capable d'investir 500 milliards de dollars en cinq ans.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je tiens d'abord à vous dire, chère collègue, que nous n'avons pas fait travailler vos collaborateurs pour rien !
Nous avons expliqué, dans notre rapport, pourquoi nous n'acceptions pas la première version du texte. À l'issue d'un travail important, tous les points d'achoppement ont été levés. Ce travail n'avait pas pu aboutir auparavant avec les industriels, mais aussi parce qu'un certain nombre de points ne nous convenaient pas.
Il est vrai, j'en conviens, que cet amendement a été présenté très tard. Cependant, tous les autres amendements, qu'ils émanent de la majorité ou de l'opposition, avaient été déposés avant. Par conséquent, les avis de la commission, qu'ils soient favorables ou défavorables, ont également été émis avant. Certains d'entre vous ont donc retiré leurs amendements, je les en remercie. Toutefois, ce travail n'est pas perdu.
Chaque année, les débats sur la clause de sauvegarde sont compliqués, nous en convenons tous. L'important est d'essayer d'adopter un dispositif lisible, notamment pour les industriels. De grâce, n'allez pas imaginer que nous faisons cela pour que les industriels puissent en profiter au maximum : en plus de la clause de sauvegarde, ils consentent des remises et des abattements très importants. (M. Pascal Savoldelli proteste.)
Regardez dans le rapport la courbe retraçant l'évolution du produit de la clause de sauvegarde. (Mme la rapporteure générale brandit un graphique.) Elle est importante. Ce n'est pas un hasard si celui-ci atteint 1,6 milliard d'euros : le montant M est un instrument de régulation. Il est calculé, je le rappelle, en fonction du chiffre d'affaires du secteur de l'industrie pharmaceutique, après déduction des remises et des abattements. Je n'accepterai donc pas les faux procès.
Je suis d'accord avec le président Milon. Souhaitons-nous être soignés par des médicaments français et européens ? Bien sûr que oui ! Il ne faut pas que les laboratoires pharmaceutiques partent tous à l'étranger, à l'heure où Donald Trump indique qu'il veut faire baisser le prix des médicaments et rapatrier aux États-Unis l'innovation, la fabrication et tout le reste.
Il faut savoir ce que nous voulons. Attention à ne pas reproduire ce qui se passe avec Shein actuellement. La logique à l'œuvre est identique. De même, malheureusement, les prothèses dentaires sont importées de Chine. À force de ne rien faire dans certains domaines, on subit. On a beau se demander ensuite ce que l'on peut faire pour s'y opposer, il est alors trop tard. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous ne parlons pas des prothésistes dentaires !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je veux dire que tout vient de Chine...
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous déplorez, et je le comprends, que cet amendement ait été déposé un peu tardivement. Nous aurions aimé aller plus vite, mais nous avons cherché à élaborer un dispositif technique susceptible de constituer un compromis. Il nous a également fallu tenir compte des amendements qui avaient été déposés à l'Assemblée nationale, notamment par le rapporteur général, ainsi que de ceux qui ont été adoptés ici en commission.
Je ne voudrais pas que l'on croie que cet amendement vise à diminuer l'effort demandé à l'industrie pharmaceutique. Cela a été dit, le montant de la contribution demandée à l'industrie pharmaceutique est plus élevé que jamais – il s'élève à 1,6 milliard d'euros. De même, la baisse de tarifs qu'elle doit consentir, de 1,6 milliard d'euros supplémentaires, est également importante.
Madame Poumirol, le décalage que vous avez évoqué s'explique par le fait qu'il n'était pas prévu d'appliquer la réforme dès cette année. En 2025, c'est l'ancienne version du calcul de la clause de sauvegarde qui reste utilisé. L'amendement vise simplement à reporter d'un an l'application de la nouvelle méthode de calcul, qui, je l'espère, sera plus simple.
Chaque année, en effet, de nombreux amendements de réécriture de cet article sur le médicament sont déposés. L'enjeu est de pouvoir fixer une contribution annuelle plus lisible pour l'industrie pharmaceutique, mais aussi dans les comptes publics.
Mme Imbert a évoqué le sommet Choose France. Au début de la semaine, j'ai rencontré les industriels français du médicament. Nous avons évoqué plusieurs pistes pour favoriser les relocalisations, telles que, notamment, une baisse des prix par le Comité économique des produits de santé (CEPS) : celui-ci pourrait prendre en compte de manière plus systématique le critère de la localisation dans ses décisions ; il y a là un levier d'action.
Je reviendrai à présent sur le plan France 2030, dont un volet concerne les médicaments et l'innovation. Au total, 7,5 milliards d'euros ont été investis pour renforcer notre souveraineté dans ce domaine. Je l'ai dit, la production d'une quarantaine de médicaments a d'ores et déjà été relocalisée, tout comme celle de bioproductions, pour 800 millions d'euros. Il s'agit de médicaments innovants. La production en France a permis de créer ou de conforter 13 000 emplois dans ce secteur industriel.
Je n'avais pas répondu à la question qui m'a été posée sur les stocks stratégiques. Sur ce sujet, nous travaillons à l'échelon européen. La France défend ainsi très fortement l'instauration de la préférence européenne dans les achats publics de médicaments, dans le cadre du Critical Medicines Act. Celle-ci constitue, selon nous, un levier puissant pour améliorer la situation.
Ensuite, faut-il taxer les entreprises qui partent à l'étranger ? C'est un débat récurrent. Le risque est grand que les entreprises hésitent à s'installer, de peur d'être taxées, le cas échéant, si elles décidaient ensuite de partir. En outre, je crains que nous n'assistions à un mouvement massif de départs avant la publication des décrets. Le débat est ouvert. Je comprends que les avis divergent sur ce sujet.
La production européenne de recherche clinique diminue. Cependant, les chiffres dont je dispose sont antérieurs aux mesures, assez lourdes, de l'administration Trump pour soutenir la recherche aux États-Unis. Nous verrons ce qu'il en est, mais il y a là un axe d'amélioration.
En revanche, en 2024, la France restait le leader européen en nombre d'essais cliniques réalisés, si l'on prend en compte les secteurs académique et industriel, devant l'Espagne. On a ainsi recensé 2 062 essais en France, contre 1 277 en Espagne. Toutefois, l'enjeu est d'améliorer notre rang dans la recherche à l'échelon mondial.
Les stocks stratégiques ont été réintégrés au sein de la clause de sauvegarde dans la loi de financement de la sécurité sociale en 2023. Pour respecter une forme d'équité, nous ne les sortons pas de ce dispositif, car il convient d'éviter les effets de report vers les autres acteurs.