Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 561 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 1517, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l’article L. 245-7, les mots : « d’une teneur en alcool supérieure à 18 % » sont supprimés ;
2° L’article L. 245-9 est ainsi modifié :
a) Au 1° , les mots : « relevant de la catégorie fiscale des alcools » sont remplacés par le mot : « alcooliques » ;
b) Le 2° est abrogé.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. La cotisation de sécurité sociale sur l’alcool ne s’applique qu’aux boissons titrant plus de 18 %, alors qu’elle alimente la branche maladie de la sécurité sociale. Avec cet amendement, nous proposons de l’étendre à tous les alcools.
En effet, ce sont souvent les alcools les moins chers, les plus accessibles, qui sont les plus consommés par les jeunes et par les personnes qui ont des consommations excessives. En touchant ces produits, nous agissons à la fois en faveur de la prévention et pour le financement de notre système de santé.
Nous proposons donc une cotisation plus équitable, qui, en s’appliquant à l’ensemble des alcools, renforcera les recettes de la branche maladie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Outre le fait d’élargir l’assiette de la contribution, cet amendement tend également à en supprimer le plafond, fixé à 40 % du droit d’accise pour les boissons comme le vin, la bière et le cidre.
Je rappelle que la fiscalité sur les alcools comprend plusieurs taxes, qui n’ont pas toutes le même périmètre. Si la cotisation de sécurité sociale ne concerne que les boissons titrant plus de 18 % d’alcool, l’accise sur les alcools concerne toutes les boissons alcooliques, les tarifs étant différenciés selon le type de boissons. Les alcools sont également soumis à la TVA et, pour certains, à la taxe sur les prémix, que nous avons élargie précédemment en votant un amendement défendu par Bernard Jomier.
Cela répond en partie à votre préoccupation, madame Souyris, puisque la taxe sur les prémix sera ainsi étendue à certaines boissons alcoolisées ne contenant pas de substances énergisantes.
Si nous sommes ouverts à des augmentations ciblées de fiscalité, comme le montre l’exemple des prémix, nous sommes défavorables à une augmentation globale de la fiscalité sur l’alcool. Au demeurant, il ne semble pas pertinent de taxer de la même façon des bières, du cidre et des alcools titrant plus de 18 degrés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Madame la sénatrice, nous partageons les préoccupations sur les risques pour la santé de la consommation l’alcool, notamment si elle est excessive.
Toutefois, vous proposez de transposer une fiscalité construite pour de hauts degrés d’alcool à tous les autres produits, ce qui représenterait une augmentation très importante. Cela ferait baisser, par ailleurs, la taxation relative des alcools les plus forts, ce qui n’est pas cohérent, me semble-t-il, avec ce que vous souhaitez et avec l’objectif de santé publique que nous partageons.
Je tiens par ailleurs à vous rappeler qu’il existe déjà, au-delà de la cotisation de sécurité sociale, des droits d’accise sur les alcools dont le rendement est affecté à la sécurité sociale.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla, pour explication de vote.
M. Sebastien Pla. Taxer l’alcool en dessous de 18 degrés signifie taxer la bière, bien sûr, mais surtout le vin. Or notre économie agricole souffre en ce moment, notamment sa partie viticole, qui est la plus taxée en France, compte tenu des droits d’accise et de la TVA, comme l’ont évoqué Mmes la ministre et la rapporteure générale. Voter cette mesure serait envoyer un assez mauvais signal à une filière en très grande difficulté.
Daniel Laurent, Henri Cabanel et moi travaillons depuis six mois avec l’ensemble des professionnels afin de comprendre pourquoi, aujourd’hui, le secteur viticole ne fonctionne pas, pourquoi nous perdons des parts de marché et pourquoi une filière d’excellence, qui rapporte tout de même 7 milliards d’euros par an de TVA et qui est l’un des secteurs à l’export les plus florissants pour le pays, dévisse aussi fortement.
Le président Trump a imposé 15 % de droits de douane il y a peu, ce qui, ajouté aux différences liées au taux de change, augmente le coût des produits de 25 %. Quant à la Chine, elle a fermé son marché. La situation devient donc compliquée.
Plus globalement, depuis une cinquantaine d’années, la consommation de vin a baissé de 70 %. Malheureusement, cette tendance se poursuit, même si c’est une bonne chose au regard du problème d’addiction. La part de consommateurs quotidiens est passée de 24 % à 12 % de la population.
Aussi, il n’est pas besoin de taxer encore plus cette filière en difficulté. La consommation aujourd’hui étant de moins en moins quantitative, mais de plus en plus qualitative, il faut aborder le problème différemment : travailler sur la prévention, communiquer sur les problèmes d’addictologie et, surtout, laisser cette filière tranquille et ne pas actionner le levier de la fiscalité, qui ne sert à rien. L’Écosse a essayé, cela ne marche pas.
Par conséquent, taxer les alcools titrant moins de 18 degrés est une grave erreur à un moment où, sincèrement, la filière n’a pas besoin de ce genre de signal.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Je comprends bien que le secteur viticole est en crise. Je suis moi-même originaire d’une région où l’on connaît de tels problèmes.
Cependant, l’alcool n’en est pas moins un problème de santé publique grave. Peu importe l’angle sous lequel on considère cette question, ce fait demeure. L’alcool fait 48 000 morts par an, c’est beaucoup. C’est plus que toutes les drogues réunies. Par conséquent, il est faux de dire que les boissons titrant moins de 18 degrés ne posent pas de problème de santé publique. Il faut regarder le problème en face et le reconnaître pour ce qu’il est, à savoir un problème de santé publique !
Ainsi, il faut taxer ces alcools non pas plus que les autres, mais tout simplement autant que les autres et utiliser le produit de ces taxes pour financer des mesures de prévention et soigner les gens.
Mon cher collègue Pla, qu’il y ait moins de consommateurs d’alcool en France, surtout moins de consommateurs lourds, est bien sûr une bonne nouvelle, car la consommation d’alcool pose des problèmes de santé publique.
Peut-être existe-t-il d’autres solutions pour permettre aux viticulteurs de gagner leur vie que de vendre à des personnes fragiles davantage d’un produit qui les détruit. Nous n’avons rien contre la viticulture, nous sommes pour la santé publique.
Mme Sophie Primas. On voit le résultat…
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je le dis une bonne fois pour toutes : je m’opposerai à toute nouvelle taxation de l’alcool, en particulier des alcools forts. Je suis ici l’ambassadrice d’une production noble de mon pays : le rhum. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le rhum est l’un de nos rares produits d’exportation. Il se vend dans plus de 120 pays, seuls 12 % de la production étant consommée localement.
Mme Anne Souyris. Nous parlons d’alcool titrant moins de 18 degrés…
Mme Catherine Conconne. En d’autres termes, et je le dis dès à présent afin de ne pas avoir à m’exprimer sur chacun des amendements qui iront dans le même sens que celui-ci, il faut préserver les productions de petits pays comme le mien, qui n’ont que cela – que cela ! – à vendre au reste du monde.
Comme je l’ai déjà dit ici, si taxer l’alcool empêchait d’en boire, cela se saurait. L’addiction est une maladie. L’alcoolisme est une maladie. Quelqu’un qui a envie de boire est prêt à tout pour se procurer de l’alcool : voler, escroquer, y compris se vendre. On se trompe donc complètement de combat lorsque l’on s’imagine qu’une taxe sur l’alcool permettra d’accomplir ce qu’il faudrait faire avec un travail de prévention. (Mme Anne Souyris proteste.)
Je me suis exprimée pour l’ensemble des amendements qui portent sur ce sujet, et j’espère ne pas devoir revenir sur chacun d’entre eux.
Une fois pour toutes, je vous le demande très solennellement : ne touchez pas à mon rhum ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme la présidente. L’amendement n° 212 rectifié, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l’article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 245-9 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le mot : « est » est remplacé par les mots : « peut être » ;
2° Après le mot : « égale », sont insérés les mots : « ou inférieure ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Afin de soulager nos arboriculteurs, céréaliers, viticulteurs et distillateurs et de promouvoir leur travail, il convient de limiter l’augmentation annuelle automatique des cotisations de sécurité sociale portant sur leurs produits. Il y va de la préservation de filières d’excellence dans notre beau pays, qui sont actuellement très malmenées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout d’abord, je rappelle que les tarifs de la fiscalité sur les boissons alcooliques augmentent chaque année en fonction de l’inflation, cette indexation étant plafonnée à 1,75 %. La hausse est donc légère.
Cet amendement vise à assouplir les conditions – nous l’avons bien compris – de revalorisation des tarifs de l’accise sur les boissons alcooliques en supprimant le caractère automatique de cette réévaluation et en en limitant le taux. Nous avons tous compris que votre intention est de soutenir nos filières agricoles, notamment viticoles.
Rappelons toutefois que l’accise sur l’alcool n’épargne pas non plus les producteurs étrangers. Cet amendement ne peut, en lui-même, constituer un moyen de préserver nos filières. Au demeurant, d’autres amendements déposés tendent, au contraire, à durcir le même régime de revalorisation.
La commission propose donc une position équilibrée, celle du droit en vigueur, afin de ne pas vider de sa substance l’accise sur les alcools et d’éviter tout emballement de la fiscalité sur l’alcool. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 559 rectifié bis est présenté par Mmes Guillotin et Briante Guillemont, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol et Mmes Jouve, Pantel et Girardin.
L’amendement n° 1514 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1571 est présenté par M. Jomier, Mmes Canalès, Bonnefoy, Brossel, de La Gontrie, Féret et Le Houerou et M. Ros.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La troisième phrase du dernier alinéa de l’article L. 245-9 du code de la sécurité sociale est supprimée.
II – Au deuxième alinéa de l’article L. 313-19 du code des impositions sur les biens et services, les mots : « ni être négative ni excéder 1,75 % » sont remplacés par les mots : « être négative ».
L’amendement n° 559 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1514.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à mettre fin à une anomalie fiscale. En effet, certaines taxes comportementales sont indexées sur l’inflation, comme celles qui s’appliquent aux boissons sucrées ou au tabac. Toutefois, ce n’est pas le cas des taxes sur l’alcool, plafonnées à 1,75 % de hausse par an, et ce même en période de forte inflation.
En 2021, selon les données de Santé publique France, 22 % de la population avait une consommation excessive d’alcool, ce taux s’élevant à 30 % pour les hommes. L’alcool est la deuxième cause de cancer évitable. En outre, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), les taxes actuelles ne couvrent même pas la moitié des coûts de santé liés à cette consommation.
Nous proposons donc de déplafonner l’indexation sur l’inflation des cotisations sur les boissons alcooliques. L’objectif est double : renforcer la cohérence de la fiscalité sur les produits à risque pour la santé et apporter des recettes supplémentaires à la sécurité sociale, pour financer les programmes de prévention et de soins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour présenter l’amendement n° 1571.
Mme Marion Canalès. Le prix de l’alcool n’augmente pas au même rythme que celui des denrées alimentaires : par exemple, la hausse atteint 16 % pour les bières et 19 % pour les boissons sans alcool.
Ce sujet est délicat dans notre hémicycle. J’entends les différents points de vue, mais j’écarte les propositions de ceux qui n’avancent pour seul argument que le soutien de la filière, sans donner d’explication.
J’entends que la filière viticole souffre, mais je ne suis pas certaine, comme d’ailleurs mon collègue Pla, qui travaille sur ce sujet, que le problème ne soit lié qu’à l’accise ou à l’indexation d’une taxe sur l’inflation. En effet, le dérèglement climatique et de nombreux autres facteurs perturbent la filière viticole. Nous en sommes profondément convaincus et savons qu’il s’agit d’un problème dans beaucoup de territoires et pour les personnes qui y travaillent. Le problème dépasse largement la seule question du prix.
D’autres amendements déposés par mon collègue Jomier et par d’autres membres de notre groupe visent à proposer des solutions. Nous devons trouver un équilibre entre les enjeux de santé publique et la préservation de cette filière à laquelle, bien évidemment, beaucoup de territoires sont attachés.
Le présent amendement vise à déplafonner l’évolution de la taxe sur l’alcool. Une mesure similaire a été adoptée en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale ; nous la soumettons, désormais, au Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Ces deux amendements identiques tendent à déplafonner l’augmentation annuelle, indexée sur l’inflation, de la cotisation sur les boissons alcooliques.
Tout d’abord, une telle mesure n’aurait pas un grand effet, étant donné le faible niveau actuel de l’inflation. Ensuite se pose la question de l’intérêt d’agir sur une fiscalité peu structurante. Le prix semble assez peu efficace pour modifier les comportements, alors que tout l’enjeu est de les changer. La question est de savoir à partir de quel niveau de taxation on obtiendra un changement des comportements.
La prévention et l’accompagnement passent par beaucoup d’autres mesures que celle-ci, qui ne me semble pas efficace.
Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla, pour explication de vote.
M. Sebastien Pla. Je ne pousse pas à la consommation ! La réalité est là : la loi Évin relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, ainsi que de nombreuses autres mesures, ont entraîné une diminution de la consommation d’alcool en général en France. Ce n’est donc pas le moment de mettre en œuvre de nouvelles mesures fiscales, qui mettraient à mal la filière du vin.
Je serai prêt à ouvrir le débat sur la fiscalité dans la filière viticole le jour où le Gouvernement et Parlement dans son ensemble connaîtront la construction du prix final d’une bouteille, de la culture du raisin par le producteur à l’achat du vin par le consommateur. Aujourd’hui, c’est la jungle : on ignore tout du partage de la valeur. Qui gagne de l’argent dans tout cela ? Les intermédiaires ? La grande distribution ? En tout cas, ce n’est pas le producteur. Tel est le débat central aujourd’hui.
Nous allons donc nous faire plaisir et fiscaliser les uns, les autres. Cependant, en agissant ainsi, nous ne réglerons les problèmes ni de la filière ni de l’addiction. Ce n’est pas en augmentant la fiscalité que l’on fera baisser la consommation.
Si les gens consomment de l’alcool, des drogues ou d’autres substances et en deviennent dépendants, il faut s’interroger sur leurs difficultés au quotidien et, plus généralement, sur le mal-être de la société.
La consommation de vins de qualité doit être mise en parallèle avec la baisse de la consommation.
Je le répète, je suis prêt à ouvrir le débat sur la fiscalité, croyez-moi, à condition que l’on sache exactement comment se construit le prix du vin, afin de pouvoir ensuite financer efficacement les politiques de santé publique. La filière est d’accord pour prendre sa part.
Nous avons auditionné Santé publique France, ainsi que toutes les organisations professionnelles. Nous avons conscience que le coût de l’alcoolisme pèse sur les fonds publics. Des solutions existent, mais nous ne les trouverons pas ainsi, à l’emporte-pièce.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il faut faire contre l’alcool ce que nous avons fait contre le tabac. (Mme Sophie Primas proteste.) Notre collègue nous dit que ce n’est pas en taxant davantage l’alcool que l’on parviendra à changer les comportements, mais aucune mesure à elle seule ne permet de les modifier. Il faut une démarche systémique.
Pour commencer, il ne faut pas dire, mon cher collègue Pla, que la consommation d’alcool baisse « malheureusement ». C’est l’inconscient qui parle ! Mieux vaut dire que la consommation d’alcool baisse et que c’est très bien, surtout quand on sait que 22 % des gens ont une consommation d’alcool excessive. On peut d’autant plus le dire que l’on constate un report de la consommation sur le vin de qualité, sur les bonnes bouteilles. Faisons attention à notre discours ! Personne jamais ne dira que la consommation de tabac diminue « malheureusement ».
En France, tous ceux qui s’occupent de santé publique considèrent que c’est une bonne chose que l’on ne boive plus comme il y a cinquante ans. Par conséquent, si la consommation est, comme vous le dites, plus qualitative, les consommateurs peuvent davantage « subir » – j’intériorise votre vision des choses ! – la fiscalité.
En tout état de cause, il faut, comme on l’a fait pour le tabac – peut-être pas avec autant d’ampleur – prendre des mesures et envoyer plusieurs signaux, afin de montrer dans quelle direction nous allons. Il faut le faire de manière régulière. Ce n’est pas parce qu’on a fait quelque chose l’année dernière qu’il faut s’arrêter. Il faut envoyer un signal-prix.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. Je vais soutenir Sébastien Pla. Je suis quelque peu atterrée par la façon dont l’un des fleurons de la culture française, notre excellence viticole, est attaqué ici ce soir. Le vin est un sujet qualitatif. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.)
Les viticulteurs font beaucoup d’efforts pour s’adapter à la demande, par exemple en baissant le niveau d’alcool du vin, voire en fabriquant du vin sans alcool. Ce n’est pas par le vin que l’alcoolisme s’aggrave, bien au contraire. C’est un faux procès.
Faisons attention, nous représentons ici notre pays. Donnons une bonne image du vin. Dans la majorité des départements viticoles, on est un peu atterré par ce qui se passe ici ce soir. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Je reviens sur ce qu’a dit M. Jomier précédemment : il n’appartient évidemment pas à la sécurité sociale de résoudre le problème d’une filière économique, aussi importante soit-elle. La sécurité sociale doit s’occuper des problèmes de santé publique, du coût des addictions – le problème revêt un aspect économique –, de la prévention et de la prise en charge. Cette taxe présente l’intérêt de permettre d’absorber les coûts de la prévention et de la prise en charge.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faille pas débattre ici de la manière de construire un système vertueux. Ma collègue Poncet Monge l’a dit, à juste titre, on peut arriver à une consommation plus qualitative. C’est tout à fait possible et c’est d’ailleurs déjà ce qui se passe : notre viticulture est beaucoup plus qualitative qu’il y a cinquante ans. On produit peut-être un peu moins en quantité. N’est-ce pas dans ce sens qu’il faut aller ?
En tout cas, je le répète, il n’appartient pas à la sécurité sociale de s’emparer de ce sujet. Dans le cadre du PLFSS, nous devons nous appuyer sur la loi Évin et sur des taxes pour encourager une démarche vertueuse. Nous pouvons essayer d’y arriver. La moitié des morts évitables sont dues à des cancers liés à l’alcool. C’est tout de même énorme ! Ne peut-on pas essayer d’agir sur cette question, avec les viticulteurs, de manière collective ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je suis heureuse d’entendre enfin parler de prévention.
J’ai entendu que Bercy s’est ému de la baisse de la consommation de tabac. Or, quand Bercy s’inquiète, ce n’est pas pour les mêmes raisons que le ministère de santé : c’est bien en raison de la diminution du rendement des taxes. Les taxes, que ce soit sur l’alcool ou sur le tabac, ne sont malheureusement pas conçues pour favoriser la prévention.
Je soutiens les viticulteurs, qui subissent une forte concurrence étrangère aujourd’hui. Faites attention, mes chers collègues : il s’agit d’une belle filière, dont nous sommes fiers et dont nous avons besoin.
Par ailleurs, il faut en effet mettre en œuvre des mesures de prévention à destination des personnes qui s’alcoolisent. Souvent, elles ne le font même pas avec du vin…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol, pour explication de vote.
M. Jean Sol. Je m’associe aux propos de notre collègue Sébastien Pla.
Nous parlons beaucoup de prévention aujourd’hui, alors donnons-nous en les moyens.
À cet égard, je souhaite aborder un autre aspect de la question : je veux parler de la prévention des suicides de nos viticulteurs et de nos agriculteurs, qui n’échappent malheureusement pas à ce qu’ils vivent aujourd’hui. Ils participent pourtant à la protection de notre environnement. Ainsi, alors que l’Aude a connu d’importants incendies il y a quelques mois, de nombreuses zones y ont échappé grâce au travail des agriculteurs, lequel a également permis de préserver la vie des sapeurs-pompiers venus les secourir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Depuis le début de l’examen de ce PLFSS, nous n’avons pas parlé de prévention, mes chers collègues. Il n’y a pas les hygiénistes d’un côté et ceux qui attaqueraient la filière de l’autre. Sur ce sujet grave, nous essayons de poser des mots tranquillement. Nous ne cherchons pas à attaquer les territoires, nous sommes tous sénateurs de départements où il y a des enjeux de filière.
Nous devons débattre de la prévention des conduites addictives liées à la consommation d’alcool. Plusieurs séries d’amendements portent sur ce sujet. Cela crispe beaucoup d’entre vous, mais ce n’est pas parce que nous défendons des mesures de santé publique que nous sommes contre la filière.
Nous allons devoir trouver des points d’accord. Je rappelle que l’Assemblée nationale a voté des dispositions en faveur de la prévention. Or nos collègues députés vivent eux aussi dans leur territoire ; je ne pense pas qu’ils soient tous parisiens…
Nous devons défendre nos amendements sans nous donner de leçons. D’autres propositions, je l’espère, permettront d’avancer vers une solution et de dégager des fonds afin de lutter contre les conduites addictives.
Mme Catherine Conconne. La solution, ce n’est pas les taxes !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1514 et 1571.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1706, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section III du chapitre II du titre III de la deuxième partie du code général des impôts est complétée par un article 1613… ainsi rédigé :
« Art. 1613…. – I. – Est instituée une contribution perçue par la Caisse nationale d’assurance maladie sur les boissons alcooliques qui répondent cumulativement aux conditions suivantes :
« 1° Définies par la catégorie » Autres bières « à l’article L. 313-15 du code des impositions sur les biens et services ;
« 2° Conditionnées dans des récipients destinés à la vente au détail, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un professionnel, ou préalablement assemblées et présentées dans des récipients non destinés à la vente au détail afin d’être consommables en l’état ;
« 3° Contenant un ou plusieurs arômes naturels ou artificiels, notamment ceux reproduisant le goût de boissons spiritueuses, et contenant :
« a) Soit au moins 15 grammes de sucres ajoutés ou une édulcoration équivalente par litre exprimée en sucre inverti ;
« b) Soit une édulcoration destinée à masquer le goût de l’alcool, quelle qu’en soit la teneur.
« II – Le tarif de la contribution mentionnée au I est déterminé par décret. Il est relevé le 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Le tarif est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget.
« III. – A. – La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les entrepositaires agréés, les importateurs, les personnes qui réalisent l’acquisition intracommunautaire de ces boissons, les représentants fiscaux des opérateurs établis dans un autre État membre de l’Union européenne mentionnés à l’article 302 bis V du présent code ou par les personnes mentionnées à l’article L. 311-28 du code des impositions sur les biens et services.
« B. – Il appartient au redevable de démontrer que les quantités de sucres comprises dans les produits taxés et non prises en compte dans le calcul de l’impôt ne sont pas des sucres ajoutés. À défaut, le redevable est tenu au paiement du complément d’impôt.
« IV. – Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu’en matière de contributions indirectes.
« V. – Par dérogation au présent article, les bières répondant aux critères du I du présent article produites par les brasseries dont la production annuelle, tous produits confondus, est inférieure à 200 000 hectolitres ne sont pas sujettes à cette contribution. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.