Mme Annie Le Houerou. Nous souhaitons, par cet amendement, instaurer une taxe sur les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées, sans toucher aux bières artisanales, cet amendement ne visant que les producteurs de plus de 200 000 hectolitres par an.

Le coût social de l’alcool et des sucres atteint des niveaux de plus en plus élevés, la consommation d’alcool coûtant environ 102 milliards d’euros par an à la société. Le prix, conjointement avec la publicité et l’accessibilité des produits, constitue l’un des trois principaux leviers identifiés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour réduire les dommages liés à la consommation de substances nocives comme l’alcool.

Ainsi, il est démontré qu’une augmentation des prix diminue les dommages, qu’ils soient immédiats ou chroniques. Le signal-prix exerce une influence directe et manifeste sur les comportements de consommation.

Or les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées produites par l’industrie ciblent principalement les personnes âgées de 18 ans à 25 ans, voire beaucoup plus jeunes encore. Trop souvent, elles échappent à la vigilance des autorités, séduisant un public encore mineur par leur saveur accessible, leur image festive et des emballages très attractifs.

Derrière cette apparence de simplicité, l’alcoolisation précoce constitue pourtant un enjeu sanitaire majeur : elle entraîne un risque accru d’addiction, elle a des conséquences sur le développement cérébral et provoque une vulnérabilité aux comportements à risque.

Sachant que l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs n’est pas toujours respectée, il est légitime de s’interroger sur la consommation de ce type de boissons par les jeunes. Nous avons le devoir de les protéger. Plus la consommation d’alcool débute tôt, plus les risques sanitaires et sociaux augmentent.

L’instauration de cette taxe s’inscrirait donc dans une logique de prévention et de responsabilité. De plus, son produit permettrait de financer la prise en charge des personnes abîmées par l’alcool.

Mme la présidente. Les amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 558 rectifié bis est présenté par Mmes Guillotin, Briante Guillemont et M. Carrère, MM. Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin.

L’amendement n° 1520 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 11 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section III du chapitre II du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article L. 1613 … ainsi rédigé :

« Art. L. 1613 … . – I. – Il est institué une contribution perçue par la Caisse nationale d’assurance maladie sur les boissons alcooliques :

« 1° Définies par la catégorie « Autres bières » à l’article L. 313-15 du code d’imposition sur les biens et services ;

« 2° Conditionnées dans des récipients destinés à la vente au détail soit directement, soit par l’intermédiaire d’un professionnel ou préalablement assemblées et présentées dans des récipients non destinés à la vente au détail afin d’être consommables en l’état ;

« 3° Contenant un ou plusieurs arômes naturels ou artificiels et au moins vingt grammes de sucre ou une édulcoration équivalente par litre exprimée en sucre inverti.

« II. – Le tarif de la contribution mentionnée au I est déterminé par décret avant le 1er janvier 2026. Il est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, des ménages de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Le tarif est publié au Journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget.

« III. – A. – La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les entrepositaires agréés, les importateurs, les personnes qui réalisent l’acquisition intracommunautaire de ces boissons, les représentants fiscaux des opérateurs établis dans un autre État membre de l’Union européenne mentionnés à l’article 302 V bis ou par les personnes détenant ces boissons à des fins commerciales sans pouvoir justifier que les droits indirects ou accises applicables ont été acquittés ou garantis conformément à la réglementation en vigueur.

« B. – Il appartient au redevable de démontrer que les quantités de sucres comprises dans les produits taxés et non prises en compte dans le calcul de l’impôt ne sont pas des sucres ajoutés. À défaut, le redevable est tenu au paiement du complément d’impôt.

« IV. – Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu’en matière de contributions indirectes.

« V. – Par dérogation aux dispositions précédentes, les bières répondant aux critères définis au présent I, produites par les brasseries dont la production annuelle, tous produits confondus, est inférieure à 200 000 hectolitres, ne sont pas redevables de cette contribution. »

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 558 rectifié bis.

M. Michel Masset. Je précise que nous parlons bien de bières aromatisées qui touchent une population âgée de 15 ans à 24 ans, dont le prix unitaire se situe aux alentours de 1,50 euro à 2 euros.

Puisque ces produits échappent à une fiscalité adaptée, ils exercent une concurrence déloyale.

En outre, je rappelle que les bières produites par des brasseries artisanales seraient exemptées de cette taxe, afin de préserver des produits culturels locaux, qui ne s’appuient pas sur la même logique de commercialisation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1520.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à créer une contribution spécifique sur les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées et à flécher le produit de cette contribution vers l’assurance maladie, pour financer la prévention.

Ces boissons, produites par les grands industriels, ciblent clairement les 18-25 ans et, de ce fait, attirent aussi les mineurs. Leur goût sucré et aromatisé masque celui de l’alcool et favorise une consommation importante sans en avoir conscience. De plus, le packaging et le marketing de ces bières sont souvent conçus pour séduire les plus jeunes. Or plus la consommation d’alcool commence tôt, plus le risque de dommages sociaux et sanitaires est élevé.

Nous proposons donc de taxer spécifiquement ces bières, à un taux défini par décret et indexé sur l’inflation. Vous voyez bien que je n’ai rien contre les viticulteurs !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout d’abord, les bières sont déjà taxées à un niveau supérieur à celui du vin, mais inférieur à celui qui est applicable aux spiritueux. Ce niveau est assez haut.

Ensuite, 70 % des bières consommées en France sont fabriquées en France. Vous proposez de taxer les bières sucrées ou aromatisées, sauf si elles sont fabriquées de façon artisanale. Il y a là une incohérence.

Enfin, la réalité est que ce sont bien les jeunes qui sont ciblés. Dans ce contexte, on voit bien que ce n’est pas le levier fiscal qu’il faut utiliser. Il faut plutôt mettre en œuvre une véritable politique de prévention et d’éducation en matière de santé.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je précise qu’aux termes d’une directive européenne, deux taux sont possibles : un taux réduit pour les bières titrant moins de 3,5 % et un taux normal pour les bières situées au-dessus de ce seuil. Ainsi, les États membres ne peuvent pas créer de tranche supplémentaire de fiscalité sans une modification des textes européens.

Par ailleurs, je vous alerte, dans le sillage du rapport d’initiative citoyenne de la Cour des comptes d’avril 2025 sur Les taxes à faible rendement, sur la nécessité d’éviter dans la mesure du possible la création de tels prélèvements. Or plusieurs amendements déposés visent à créer des taxes dont le produit attendu sera insuffisant au regard des charges de recouvrement et des coûts induits par leur complexité pour les acteurs concernés.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je prie mes collègues de bien vouloir m’excuser, mais comme j’ai pris un verre de vin pendant le repas, je ne dois pas avoir le bon état d’esprit pour aborder ce sujet ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. C’est patriote !

M. Xavier Iacovelli. Attention, vous êtes enregistré ! (Sourires.)

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas une honte, bien au contraire ! J’ai pris un bon verre de bordeaux… (Nouveaux sourires.)

Je m’interroge : ces amendements ont-ils été déposés pour protéger la jeunesse ou uniquement pour imposer une taxe supplémentaire à ceux qui produisent 200 000 hectolitres et plus ?

En effet, une bière aromatisée ou sucrée, qu’elle soit brassée par des producteurs dépassant ce seuil ou non, provoquera la même addiction chez les jeunes. Je ne comprends donc pas pourquoi il ne faudrait cibler que les producteurs dépassant un volume annuel de 200 000 hectolitres. En tout cas, ce n’est pas pour protéger les jeunes !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Monsieur le vice-président de la commission, lorsque nous proposons des taxes modérées, en tentant d’en exonérer une partie de la filière pour ne pas frapper un territoire, cela ne convient pas.

Quand nous parlons de bière sucrée – nous avons eu un débat sur les prémix –, nous abordons la transition entre l’enfance et l’âge adulte. Si on ajoute du sucre à l’alcool, c’est pour obtenir un pur produit marketing, destiné à attirer les jeunes. Mais là encore, notre proposition ne convient pas.

On ne peut pas invisibiliser ce sujet et ne plus jamais l’évoquer. Il faut continuer d’en parler, trouver des points d’accord et avancer.

Je comprends, lorsque nous proposons des mesures un peu fortes, comme un relèvement des droits d’accise dans le projet de loi de finances, que nos collègues qui défendent la filière viticole s’y opposent, mais là, nous essayons de trouver des compromis et cela ne va toujours pas !

Par conséquent, nous allons laisser prospérer les bières sucrées ou édulcorées et ne pas adopter la solution de repli que nous proposons. Je trouve cela réellement dommage, car on n’avance pas. Pour notre part, nous continuerons de rendre ce sujet visible, jusqu’à ce qu’un point d’accord puisse être trouvé. Nous y arriverons !

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Non, les taxes dont nous parlons ne sont pas des taxes de rendement ; ce sont des taxes comportementales. Si Bercy s’en désole, c’est parce qu’il ne voit que des euros !

Il n’en demeure pas moins que les taxes comportementales fonctionnent. Pour preuve, la consommation de tabac diminue, ce qui est une bonne nouvelle, n’en déplaise à Bercy.

En écoutant les propos de certains de mes collègues, je me dis qu’il est heureux que nous ne produisions pas de tabac en France.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ça a été le cas !

M. Alain Joyandet. Du tabac est produit en France !

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous n’aurions jamais pu mener la politique de prévention avec le slogan « fumer tue » si la France avait compté des producteurs de tabac. Dans les pays producteurs, il n’est certainement pas possible de taxer le tabac comme nous le faisons.

Je ne compare pas le vin et le tabac. J’estime que l’on peut défendre la filière viticole en encourageant la qualité et en baissant les quantités. Mais votre argument sur les filières est tout de même dingue… Alors que nous abordons des questions de santé publique, j’en viens à me dire : « Heureusement que nous ne produisons pas de tabac ! »

Nous avons eu de la chance de pouvoir mener notre politique de prévention en la matière. Nous pourrions à présent faire un peu plus de publicité pour encourager les gens à moins boire. Voilà une politique de santé publique, madame la ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.

M. Michel Masset. Madame Poncet Monge, nous produisons toujours du tabac en France ! Je vous invite à venir visiter des cultures de tabac en Lot-et-Garonne. (MM. Pierre Cuypers et Alain Joyandet applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1706.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 558 rectifié bis et 1520.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1572, présenté par M. Jomier, Mmes Canalès, Bonnefoy, Brossel, de La Gontrie, Féret et Le Houerou et M. Ros, est ainsi libellé :

Après l’article 11 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 5 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complété par une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis

« Taxation des publicités en faveur de boissons alcooliques

« Art. L. 245-12-…. – I. – Est instituée une taxe perçue sur les dépenses de publicité portant sur la promotion d’une boisson alcoolique.

« II. – Sont redevables de cette taxe les entreprises produisant, important ou distribuant en France des boissons alcooliques ou leurs représentants et dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur ou égal à 10 millions d’euros, hors taxe sur la valeur ajoutée.

« III. – La taxe est assise sur les frais d’achats d’espaces publicitaires, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais d’événements publics et de manifestations de même nature.

« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 3 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses mentionnées au I.

« V. – Les modalités du recouvrement sont fixées par décret dans un délai de trois mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2026.

« VI. – Le produit de la taxe mentionnée au I est affecté à la sécurité sociale dans les conditions prévues au 6° de l’article L. 131-8 du présent code. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Nous allons à présent parler de la publicité. Comme vous pouvez le constater, nous essayons de trouver des points d’accord pour dégager des moyens afin de lutter contre les addictions. C’est d’autant plus nécessaire que le budget de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) ne m’a pas l’air d’être sanctuarisé dans le PLF 2026.

L’Organisation mondiale de la santé dénonce le marketing ciblé et agressif que pratiquent les industries : 79 % des jeunes âgés de 15 à 21 ans voient des publicités pour de l’alcool tous les jours, en particulier sur les réseaux sociaux. C’est incommensurable !

Lorsqu’ils ont adopté la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), qui assouplissait la loi Évin en autorisant la publicité sur les supports numériques, les parlementaires de l’époque n’avaient pas conscience de la masse de publicité à laquelle tous les jeunes seraient confrontés au quotidien sur tous les réseaux sociaux, dont ils sont de grands utilisateurs.

Désormais, des influenceurs, contre lesquels nous essayons de renforcer les sanctions, font de la publicité pour de grandes marques d’alcool, notamment d’alcool fort, sans être inquiétés.

En réalité, les alcooliers ne consacrent qu’une petite partie – 450 millions d’euros par an – de leur budget publicitaire au marketing. En renforçant la taxe sur la publicité des boissons alcoolisées, notre objectif est donc de trouver des fonds pour financer la prévention. Au-delà, un gros travail de régulation des réseaux sociaux est nécessaire sur ce sujet.

Mme la présidente. L’amendement n° 452 rectifié, présenté par Mme Antoine, M. J.M. Arnaud, Mme Canayer, M. Courtial, Mmes L. Darcos, Gacquerre et Guidez, MM. H. Leroy, Levi, Mizzon et Panunzi et Mmes Perrot, Sollogoub et Vérien, est ainsi libellé :

Après l’article 11 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 5 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complété par une section… ainsi rédigée :

« Section…

« Taxation des publicités en faveur de boissons alcooliques

« Art. L. 245-…. – I. – Est instituée une taxe perçue sur les dépenses de publicité portant sur la promotion d’une boisson alcoolique.

« II. – Sont redevables de cette taxe les entreprises produisant, important ou distribuant en France des boissons alcooliques ou leurs représentants et dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur ou égal à 50 millions d’euros, hors taxe sur la valeur ajoutée.

« III. – La taxe est assise sur les frais d’achats d’espaces publicitaires, quelle que soit la nature du support retenu et quelle que soit sa forme, matérielle ou immatérielle, ainsi que les frais d’événements publics et de manifestations de même nature.

« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 3 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses mentionnées au I.

« V. – Le produit de la taxe mentionnée au I est affecté à la sécurité sociale dans les conditions prévues au 6 de l’article L. 131-8 du présent code. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Jocelyne Antoine.

Mme Jocelyne Antoine. Par cet amendement, je souhaite également alerter sur l’absence de véritable régulation des réseaux sociaux.

En effet, depuis quelques années, les producteurs d’alcool font de manière croissante la promotion de leurs boissons alcoolisées sur les plateformes, notamment par le biais d’influenceurs. En près de trois ans, Addictions France a ainsi recensé plus de 11 300 contenus valorisant l’alcool sur Instagram et sur TikTok.

La cible touchée par ces publicités est très jeune. Aussi cette exposition fréquente ouvre-t-elle la voie à un alcoolisme de plus en plus précoce.

Cet amendement vise donc à taxer la publicité pour les produits alcoolisés afin de financer le fonds de lutte contre les addictions.

Mme la présidente. L’amendement n° 914 rectifié, présenté par Mmes Bélim et Canalès, M. Lurel, Mme Bonnefoy, MM. Temal, Omar Oili, Ros et Tissot, Mmes Poumirol et Le Houerou, MM. Jomier et M. Weber, Mme Briquet et MM. Féraud et Mérillou, est ainsi libellé :

Après l’article 11 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après la section 3 du chapitre 5 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, est rétablie une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Taxation des publicités numériques en faveur de boissons alcooliques

« Art. L. 245-…. – I. – Il est institué une taxe perçue sur les dépenses de publicité numérique portant sur la promotion de boissons alcooliques. Le produit de cette taxe est versé à la Caisse nationale de l’assurance maladie.

« II. – Sont redevables de cette taxe les entreprises :

« 1° Produisant, important ou distribuant en France des boissons alcooliques, ou leurs représentants ;

« 2° Et dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur ou égal à 5 millions d’euros, hors taxe sur la valeur ajoutée.

« III. – La taxe est assise sur les frais d’achat d’espaces publicitaires numériques, incluant notamment :

« 1° Les publicités diffusées sur les sites internet et applications mobiles ;

« 2° Les publicités sur les réseaux sociaux et plateformes de partage de contenus ;

« 3° Les campagnes de marketing digital et d’influence ;

« 4° Tout autre support publicitaire numérique.

« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 3 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses mentionnées au III du présent article.

« V. – Les modalités du recouvrement de la taxe sont précisées par décret. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Nous sommes confrontés à un bombardement publicitaire permanent, parfaitement ciblé et totalement déconnecté de nos objectifs de santé publique. Les stratégies adoptées sont très fines, les campagnes massives et redoutablement efficaces. Nous ne pouvons plus rester sans réagir.

Par cet amendement, nous ne faisons pas un geste idéologique ; nous souhaitons rétablir une forme de justice. Nous devons faire pencher la balance du bon côté, entre des stratégies commerciales agressives et la responsabilité collective qui est la nôtre, d’une part, et, bien sûr, entre les profits amassés en ligne et les coûts humains que nous devons assumer, d’autre part.

La taxe de 3 % que nous proposons est mesurée, elle est ciblée, elle ne vise aucune consommation individuelle. Elle s’appliquera uniquement à ceux qui organisent la pression publicitaire, et non à ceux qui en subissent les effets.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Lorsque nous avons évoqué ce fléau – on peut le qualifier comme tel – l’année dernière, nous avions conclu que la solution la plus pertinente était non pas de créer des taxes, mais d’améliorer l’encadrement.

Dans le rapport d’information sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé que nous avons réalisé, Cathy Apourceau-Poly et moi-même, nous avions jugé nécessaire d’actualiser la loi Évin, en particulier pour l’adapter aux usages numériques.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce qui n’a pas été fait !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Force est de constater que les choses n’ont toujours pas évolué sur le sujet, mais il n’en demeure pas moins qu’il me semble plus pertinent de faire évoluer le cadre que de créer une taxe.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Il convient avant tout de déployer un plan de prévention prenant en compte les outils numériques. Du reste, des influenceurs peuvent également contribuer à l’éducation à la santé, en apportant d’autres informations. Un plan est en train d’être construit.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. J’ai oublié de mentionner le rapport d’information d’Élisabeth Doineau et de Cathy Apourceau-Poly, mais il est en effet indispensable de passer à une loi Évin 3.0, car l’esprit originel de ce texte, qui a par ailleurs été rogné, n’est plus adapté à la société actuelle.

Cette loi n’est pas pensée pour les réseaux sociaux. Je suis d’accord avec Mme la rapporteure générale : il faut un meilleur encadrement. Mais les taxes sont le seul levier dont nous disposons pour traiter cette question dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

C’est l’occasion pour nous de sensibiliser nos collègues : il nous faut une loi Évin 3.0, qui encadre strictement la publicité massive pour des produits alcoolisés à destination des jeunes !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Comme certains de mes collègues, je découvre la fiscalité comportementale.

M. Pascal Savoldelli. Je reste donc prudent sur la question. Si je me suis abstenu sur les amendements précédents, c’est parce que – je le dis très sincèrement – je n’étais pas sûr que ces taxes puissent avoir un effet préventif. Elles présentaient néanmoins un avantage, c’est que leur produit devait revenir à la sécurité sociale. Cela ne signifie pas que nous allons faire de la prévention, mais tant mieux si nous nous engageons sur cette voie.

Mais, cette fois-ci, je vais voter ces amendements, parce qu’ils visent des supports qui induisent des comportements. Il s’agit donc bel et bien de fiscalité comportementale.

Vous voyez, chers collègues, on peut très bien, comme moi, s’être abstenu ou avoir voté contre les amendements précédents et voter les suivants. Ces amendements sont tout à fait responsables. Ces publicités façonnent et structurent des comportements.

Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla, pour explication de vote.

M. Sebastien Pla. J’entends des collègues en appeler à une loi Évin 3.0. Nous avons déjà la loi la plus restrictive en matière de promotion et de communication sur les produits de consommation.

En premier lieu, ces amendements, par leur périmètre, pose problème : ils visent à taxer celles et ceux qui font de l’œnotourisme. Il faudrait savoir… Si nous voulons modifier les comportements et aller vers une économie du vin globale, et non centrée sur la seule consommation, c’est un problème !

En second lieu, s’ils étaient adoptés, ces amendements créeraient une distorsion de concurrence. C’est une réalité. Il est faux de dire que l’on peut, aujourd’hui, faire de la communication et de la promotion à outrance pour le vin, notamment sur les réseaux sociaux, sans être poursuivi.

À titre d’exemple, un grand opérateur de vente de vins du Languedoc à l’international, Gérard Bertrand, a été attrapé par la patrouille, en application de la loi Évin, parce qu’il faisait appel à des influenceurs pour promouvoir son vin. Mais s’il le faisait, c’était pour faire face à la concurrence de vins étrangers, produits en Europe ou aux États-Unis, pays où la publicité sur les réseaux sociaux est autorisée.

Les enfants et les personnes qui utilisent les réseaux sociaux en France voient tous les jours des messages de promotion ou de communication encourageant la consommation de vins et d’alcools forts provenant de pays étrangers.

Si nous adoptons ces amendements, nous allons, une fois de plus, mettre en difficulté les entreprises françaises face à la concurrence étrangère, qui communique quotidiennement sur les réseaux sociaux. C’est la raison pour laquelle je ne les voterai pas.