M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. L’article 20 prévoit d’instaurer une obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants, ainsi que pour les résidents d’Ehpad. Cet article, bien qu’il ait été supprimé par les députés, figure dans le texte que le Gouvernement a transmis au Sénat, contrairement à l’engagement qui avait été pris par l’exécutif de ne conserver dans le texte soumis à notre assemblée que les amendements votés par l’Assemblée nationale.
Nous sommes tous très attachés à notre système de santé. Pourtant, depuis quelque temps, et pour diverses raisons, celui-ci est en péril. Nous le voyons bien au travers des débats que nous avons sur ce texte ces derniers jours.
Or on évoque le retour de l’obligation vaccinale pour les soignants. Alors qu’il faudrait apaiser les tensions et renforcer l’attractivité de ces métiers difficiles, le Gouvernement ravive les conflits en rétablissant cette obligation, au mépris des principes éthiques, et sous prétexte de protéger autrui. L’obligation passe outre la liberté de prescription du médecin et est synonyme de défiance.
Derrière une telle mesure se profile quelque chose d’encore plus grave : les soignants ne supportent plus d’être infantilisés. Il s’agit de professionnels qui, pour 80 % d’entre eux, refusent, en responsabilité, cette obligation de vaccination contre la grippe, une vaccination qui n’est d’ailleurs pas recommandée par la HAS, « compte tenu de l’efficacité imparfaite de la vaccination antigrippale » et « de l’insuffisance des données disponibles à ce jour ». En outre, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ne conseille pas non plus cette obligation vaccinale contre la grippe.
Alors, pourquoi l’inscrire dans la loi ? Nous sommes tous d’accord : notre système de santé est en danger. Mais est-il en danger de grippe ou en danger d’implosion ? Il est de notre devoir de ne pas donner le coup de grâce à ce système. Nous pourrions en être tenus pour responsables.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Il importe de rendre plus efficace la politique vaccinale et de renforcer les obligations vaccinales, notamment des professionnels, contre la grippe ou la rougeole.
Je tiens d’abord à rappeler que la grippe est responsable de 20 000 hospitalisations et de 10 000 décès chaque année.
Mme Brigitte Bourguignon. Exactement !
M. Daniel Chasseing. Par ailleurs, on note une résurgence de la rougeole liée à une dégradation de la couverture vaccinale. Aussi, je suis favorable non pas à une obligation, mais à une forte incitation vaccinale pour les professionnels et étudiants en santé travaillant dans les secteurs de l’enfance et du médico-social.
Permettez-moi ensuite de rappeler qu’avant la mise au point des vaccins, notamment du DTCoq-Polio (diphtérie, tétanos, coqueluche et poliomyélite), ces maladies entraînaient plusieurs milliers de décès d’enfants par an. L’État a décidé de les rendre obligatoires. Il faut poursuivre cette politique vaccinale : je pense notamment au DTCoq-Polio – déjà cité –, au vaccin contre l’hépatite B, mais aussi à la vaccination contre l’haemophilus influenzae de type b, les pneumocoques, les méningocoques, ainsi que le vaccin dit ROR contre la rubéole, les oreillons et la rougeole.
Bien sûr, comme Mme la rapporteure, je pense que l’obligation vaccinale est complexe à mettre en place, mais il faut tenter de persuader les professionnels de se faire vacciner contre la grippe, d’une part, parce qu’ils risquent de contaminer leurs patients, et contre la rougeole, les méningocoques et le papillomavirus, d’autre part, s’ils sont au contact d’enfants. Il convient également d’inciter tous les employés et résidents des Ehpad à se faire vacciner, même si, là encore, ce n’est guère aisé.
Le pilotage des centres de vaccination sera assuré par les agences régionales de santé (ARS) ou, éventuellement, par les collectivités locales qui le souhaitent. En tout cas, je souligne que les professionnels de santé sont tout à fait aptes à prescrire et à administrer les vaccinations, dans le cadre de notre politique de prévention. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. J’abonderai dans le sens de Daniel Chasseing : nous avons connu l’apogée du mouvement antivax au moment de la crise covid et nous savons les dégâts qu’il a causés.
Nous n’allons pas rouvrir le débat sur la vaccination, mais l’obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants, que prévoit cet article, me paraît une telle évidence que je me demande bien pourquoi nous nous posons la question. Dans les Ehpad, 83 % des résidents sont vaccinés ; aussi, il me semble normal qu’un médecin ne vienne pas contaminer les malades.
À mes yeux, l’amendement de suppression de l’article qu’a déposé Mme Muller-Bronn et que nous allons examiner dans quelques instants est déplacé. Comme vient de le rappeler Daniel Chasseing, s’il n’y a plus de décès dus à la diphtérie, au tétanos ou à la coqueluche, et si la polio a disparu de notre pays, c’est quand même bien grâce aux vaccins ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST, RDPI, RDSE, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je suis donc absolument opposée à la suppression de l’article, ainsi que le demande Mme Muller-Bronn.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Cet article 20 va nous conduire à traiter deux sujets : la vaccination des soignants, et celle des résidents.
Je veux rappeler à Mme Muller-Bronn que les soignants sont déjà soumis à des obligations vaccinales ! Ils sont supposés être vaccinés contre le tétanos, la diphtérie, la poliomyélite et l’hépatite B. Ces vaccins protègent les soignants contre le risque d’attraper l’une de ces maladies dans l’exercice de leur profession.
Aujourd’hui, nous débattons de la nécessité de faire vacciner les soignants travaillants dans un Ehpad pour protéger les résidents. Ce n’est pas tout à fait la même logique. Connaissant la fragilité du public concerné et le risque auquel il s’expose, comment peut-on hésiter ? Je n’ai pas en tête les derniers chiffres, mais la grippe causait il y a quelques années 8 000 à 10 000 morts par an, dont l’immense majorité étaient des personnes âgées ou vulnérables.
Comment peut-on hésiter à protéger les résidents d’Ehpad contre le risque que des personnels d’encadrement ou des soignants introduisent le virus de la grippe dans l’établissement ? Comment peut-on se résigner à exposer les résidents à une maladie certes banale, mais potentiellement mortelle ? Cela ne me paraît ni sérieux ni généreux.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l’article.
Mme Anne Souyris. J’abonderai dans le sens de mes collègues. Il faut impérativement distinguer la question de la vaccination des soignants et celle de la vaccination des résidents, même si, dans les deux cas, il s’agit de protéger les personnes d’un risque.
Il est légitime de s’interroger sur le choix de se faire ou non vacciner, mais un soignant qui ne veut pas se faire vacciner a le choix de ne pas travailler dans un établissement, alors qu’un résident n’a pas le choix. Un résident qui n’est pas protégé par le vaccin est donc en quelque sort pris en otage.
Il est donc essentiel de distinguer les deux types d’obligation, car il faut protéger les résidents.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, sur l’article.
Mme Frédérique Puissat. Je n’interviendrai pas sur le fond de cet article, mais la discussion que nous avons est importante et intéressante.
Cet article prévoit une activité de promotion de la vaccination. C’est donc bien qu’il existe une question autour de l’acceptabilité de la vaccination, et nous devons en discuter de façon sereine.
Personnellement, je voterai cet article, qui ne me pose aucun problème. Simplement, il me semble important que nous évitions toute caricature. J’entends des applaudissements dans un sens ou dans l’autre, mais nous devons rester extrêmement prudents.
Le débat doit avoir lieu. Je le répète, si cet article prévoit une activité de promotion de la vaccination, c’est qu’elle ne va pas de soi ! Depuis la crise covid, nous savons bien qu’il faut discuter à la fois avec les patients, mais aussi, dans une période de tension dans les recrutements, avec les personnels.
Voter cet article ne me pose aucune difficulté, mais j’appelle à un débat serein.
M. le président. L’amendement n° 173 rectifié, présenté par Mmes Muller-Bronn et Noël, M. Houpert, Mme Goy-Chavent, M. Joyandet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Naturel, Pointereau et Panunzi, Mmes P. Martin et Aeschlimann et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Cet article prévoit une obligation de vaccination antigrippale – je précise que je ne remets pas en question les autres types de vaccination – pour les professionnels de santé libéraux.
Or chacun sait que nous avons mis fin à l’obligation vaccinale des personnels de santé des secteurs médico-social et hospitalier en 2006, parce qu’elle n’était pas efficace. Ainsi, il n’existe plus d’obligation vaccinale pour ces soignants, mais nous pourrions la réintroduire par décret.
Dans cet article, il est question d’une obligation vaccinale pour les professionnels libéraux. Dans le cas où le décret que j’ai mentionné serait réactivé, la vaccination deviendrait un critère d’embauche dans les établissements, mais comment allez-vous contrôler les libéraux ? Comment les obligerez-vous à se faire vacciner ? Je me pose la question !
Je pense aux médecins qui entrent dans des hôpitaux ou des Ehpad, mais aussi aux généralistes et à tous les spécialistes. Qui va aller vérifier qu’ils sont vaccinés ? Je suis désolée, mais nous parlons de vaccination depuis cinq ans et cette question continue de se poser !
Il s’agit d’un coup de force contre la HAS, qui est contre l’obligation vaccinale. (Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Jomier le contestent.) Elle donne un avis défavorable depuis vingt ans, mais nous nous apprêtons à passer outre, alors qu’il n’y a pas d’urgence.
Nous avons reçu de nombreux courriers de directeurs d’établissement qui s’inquiètent de cette obligation, parce qu’ils savent qu’ils vont perdre du personnel.
En ce qui concerne les 17 000 décès que nous annonce la propagande dans les médias,… (Protestations sur les travées des groupes SER, GEST et UC.)
M. le président. Votre temps de parole est écoulé, chère collègue.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mes chers collègues, je m’associe aux propos de Frédérique Puissat en faveur d’un débat le plus apaisé possible.
Peu d’articles concernent la prévention dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais l’article 20 en fait partie. À titre personnel, je le salue.
Tout d’abord, et notre collègue a rappelé les chiffres, je rappelle que la dernière épidémie de grippe a été particulièrement virulente : les autorités sanitaires ont dressé un bilan de 30 000 hospitalisations et une surmortalité de 17 000 décès.
Dans un contexte où la vaccination des professionnels de santé en établissement stagne aux alentours de 20 %, il est légitime de s’interroger sur la réactivation de certaines obligations vaccinales, et sur la création de nouvelles.
Comme cela a été dit, il convient de distinguer les différentes mesures prévues à l’article 20. J’aurai l’occasion d’y revenir.
En, tout état de cause, les nouvelles obligations vaccinales pour les professionnels de santé libéraux ne seront instaurées que sous réserve d’un avis favorable de la part de la Haute Autorité de santé, qui doit se prononcer au printemps prochain. Cette mesure est donc inscrite dans ce texte par anticipation, puisque nous n’examinerons pas d’autre texte de nature sociale d’ici là.
Disons-le, cet article emporte une large adhésion des acteurs de la santé et des professionnels eux-mêmes.
Je rappelle que l’article prévoit une obligation de vaccination contre la grippe, mais aussi contre la rougeole, pour les professionnels exerçant dans le secteur de la petite enfance. En effet, nous connaissons une recrudescence des épidémies de rougeole, qui n’est pas nouvelle.
Lorsque Agnès Buzyn était ministre de la santé, cette maladie avait causé de nombreux décès, dont nous nous étions tous émus. C’est ce qui a conduit la HAS à se prononcer, en 2023, en faveur d’une obligation de vaccination contre la rougeole pour ces professionnels.
Il faut aborder le sujet de façon pragmatique, mesurée et sans idéologie, mais en analysant ce que la vaccination peut nous apporter collectivement : une meilleure protection de la santé des plus fragiles, moins de morts, des coûts d’hospitalisation moins élevés et moins de complications inutiles.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il a beaucoup été question de mesures de prévention : en voilà une ! Comme vient de le rappeler la rapporteure, la surmortalité liée à la grippe concernait l’année dernière 17 000 décès. C’est plus que le nombre de morts liées à la canicule en 2003. Lorsqu’elles surviennent, les épidémies de grippe embolisent tous nos services d’urgence.
Nous proposons une véritable mesure de prévention, pour les personnes vaccinées elles-mêmes, pour leurs familles, mais aussi pour notre organisation de santé.
Madame Puissat, je suis d’accord avec vous : l’acceptabilité est un vrai sujet, alimenté par l’envahissement de fake news et de publications concernant la vaccination sur les réseaux sociaux. Il suffit que je prononce les mots « vaccin contre la grippe » pour créer un pic d’activité sur les réseaux sociaux.
À l’instant même où je prononce ces mots, je sais que mes mentions sur les réseaux sociaux sont en train de gonfler de façon hallucinante. Du reste, il serait parfois intéressant de découvrir qui se cache derrière ces publications.
Pour autant, cela ne doit pas occulter les inquiétudes qui existent dans la population quant à la vaccination. Nombre de nos concitoyens sont désormais inquiets à l’idée de se faire vacciner. Il faut en tenir compte.
Alors qu’il est temps, je le rappelle, pour les personnes de plus de 65 ans ou les personnes fragiles…
M. Bernard Jomier. Il n’y en a pas ici ! (Sourires.)
Mme Stéphanie Rist, ministre. … de se faire vacciner contre la grippe ou la covid, il convient de rassurer celles qui sont inquiètes. Je leur dis : « Allez en discuter avec votre médecin ou votre professionnel de santé. » En effet, les médecins peuvent non seulement rassurer leurs patients, mais aussi leur expliquer les raisons scientifiques pour lesquelles il est préférable de se faire vacciner, et leur indiquer les risques qu’ils courent s’ils ne se font pas vacciner en fonction de leur état de santé.
Il convient donc de renforcer les échanges sur le sujet et de lutter contre les fake news. Nous nous y engageons, parce que nous devons redonner confiance dans la science. Or nous nous éloignons malheureusement chaque année de cet objectif.
Par ailleurs, je tiens à dire ici qu’il existe déjà une obligation vaccinale des soignants contre quatre maladies : l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Cette obligation ne souffre aucune ambiguïté pour les soignants : ils se font vacciner ; c’est entré dans les mœurs. Pourtant, je suis sûre que certains d’entre vous se souviennent que l’instauration de l’obligation de vaccination contre l’hépatite B avait suscité des débats.
Malgré tout, nous nous rendons compte que seuls 21 % des soignants sont vaccinés contre la grippe. Lorsque nous regardons ce chiffre de plus près, nous constatons que les médecins sont davantage vaccinés que les autres professionnels de santé. Cela peut alimenter notre débat : pourquoi les médecins sont-ils plus vaccinés que les aides-soignants ?
Il faut se pencher sur cette question. De nombreuses expériences montrent d’ailleurs que, lorsque les médecins-chefs de service organisent des réunions d’information avec les infirmiers et aides-soignants pour échanger et les inciter à se faire vacciner, une grande partie de l’équipe se fait vacciner.
Nous avons un gros travail d’explication scientifique à mener pour rassurer sur la vaccination. Nous ne pouvons pas nous contenter de ce chiffre de 21 %, qui est vraiment très bas.
Dans cet article, nous nous référons à la Haute Autorité de santé. Si et seulement si elle donne un avis favorable à la vaccination obligatoire des soignants, nous pourrons l’appliquer lors de la prochaine période grippale. C’est pour éviter de repousser la mesure à l’année suivante que nous inscrivons cette mesure dans la loi dès cette année.
La Haute Autorité de santé a rendu son avis sur le vaccin ROR. Elle a recommandé de le rendre obligatoire, notamment parce que 83 % des cas de rougeole sont liés à une infection nosocomiale, c’est-à-dire que le virus a été transmis dans un milieu de soins. Il existe donc une raison tangible de demander aux soignants de se faire vacciner.
En ce qui concerne l’obligation vaccinale des personnes âgées, le débat n’est pas le même, ne serait-ce que parce que 83 % des résidents d’Ehpad sont vaccinés contre la grippe. Il est possible de considérer que ce taux est suffisant.
Certains d’entre vous ont relevé que cet article ne prévoyait aucune sanction contre les résidents qui ne seraient pas vaccinés. C’est très important, et je serai défavorable à l’amendement visant à définir de telles sanctions, car une partie des non-vaccinés ont des contre-indications – il n’est évidemment pas question de leur imposer le vaccin –, et d’autres ont simplement raté le coche, par manque d’information.
En ce qui concerne ceux qui ont peur de se faire vacciner, il est préférable de prendre des mesures pour les rassurer. Les sanctions seront déterminées avec les conseils de famille et les établissements. Il faut laisser cette discussion avoir lieu au cas par cas.
Je dois reconnaître que la suppression de cet article à l’Assemblée nationale m’a grandement attristée, comme d’autres avec moi, car elle témoigne d’un éloignement de la science. Beaucoup de travail nous attend.
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les médecins sont des gens responsables : s’ils sont obligés de se faire vacciner, la très grande majorité d’entre eux le font. Comme vous l’avez dit, madame la ministre, dans les Ehpad, 83 % des personnes sont vaccinées et cela ne pose aucun problème. Au contraire, cela limite considérablement le nombre de décès.
À titre personnel, je suis favorable à obliger les personnels à se faire vacciner. Dans certains cas, il est vrai que cela peut poser problème, mais les médecins coordonnateurs et les médecins traitants doivent expliquer le bénéfice des vaccins, notamment du vaccin antigrippal, aux personnels des Ehpad, des établissements médico-sociaux et du secteur de la petite enfance, notamment pour ce qui concerne la rougeole.
M. le président. Je vais céder la parole à M. Lévrier, puis à M. Jomier, à Mme Guillotin, à Mme Souyris, à M. Henno et à M. Rapin. D’autres docteurs souhaitent-ils s’exprimer ou nous avons fait le tour ? (Rires.)
Mme Sophie Primas. Et les vétérinaires ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je ne suis pas médecin, monsieur le président. (Mêmes mouvements.)
Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir cité Agnès Buzyn. J’ai été élu en 2017 et la première fois que ma boîte mail a explosé, c’est précisément lorsqu’elle a rendu obligatoire onze vaccins, ce dont je la remercie. Il circulait déjà en France une vague inquiétude autour des vaccins, une rumeur battant en brèche les données scientifiques.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Martin Lévrier. Et je ne parle pas de la pandémie de covid, qui a fortement relancé la machine, ni de l’envolée des réseaux sociaux.
Ce qui m’inquiète le plus, dans une perspective de prévention, c’est que, dans les déserts médicaux – dont nous avons quelque peu oublié de parler –, de plus en plus de gens s’informent sur les réseaux sociaux pour se soigner et lisent que les vaccins sont une horreur. Ainsi, ils ne se font plus vacciner.
Nous sommes en train de laisser gagner les gourous face aux scientifiques, qui passent leur temps à expliquer que les vaccins, en particulier le vaccin antigrippal, sont efficaces.
Nous avons parlé de l’épidémie meurtrière de rougeole, mais je tiens à rappeler que nous avons également connu une résurgence de grippe en 2018. Une jeune fille de 16 ans, qui ne pouvait pas se faire vacciner, car elle était immunodéprimée, avait été contaminée par une jeune personne qui n’avait pas voulu se faire vacciner. Cette jeune femme est morte.
Je suis désolé, mais il faut regarder les choses en face : les personnels de santé doivent prendre la mesure de l’obligation morale de prévention qui leur incombe et se fassent vacciner.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je n’entrerai pas dans le détail du débat, mais je tiens à souligner le fait qu’il intervient dans un contexte inquiétant de désinformation en santé à l’échelle mondiale. Le ministre de la santé du président américain répand de fausses informations. Celles-ci étant contredites par les institutions de santé du pays, il les décapite ! Cela simplifie les choses : le politique dit ce qu’est la science.
Je veux saluer le prédécesseur de Mme Rist, qui a confié une mission sur la désinformation en santé à trois personnalités. J’espère qu’elles rendront rapidement leurs conclusions pour que nous les mettions rapidement en application, car je suis sûr qu’elles seront de qualité.
Madame Muller-Bronn, vous avez utilisé le terme de « propagande » à propos des morts de la grippe. Ce n’est pas de la propagande ! Ce sont des faits avérés, comme l’a d’ailleurs rappelé la rapporteure.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Bernard Jomier. En utilisant un tel mot, vous nourrissez la désinformation !
Par ailleurs, les obligations vaccinales doivent respecter un équilibre entre les libertés individuelles et l’intérêt collectif. Cet équilibre n’est pas le même selon les vaccins : certaines maladies se transmettent entre les humains, d’autres non. La vaccination a pour objet de se protéger soi-même, mais également de protéger la collectivité.
Il ne s’agit pas d’une protection à 100 %. Oui, il y a du doute. Mais, comme le disait Aristote : « Le doute est le commencement de la sagesse. » Débattons avec sagesse, et ne tranchons pas ce débat par la caricature et la posture !
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je voterai contre cet amendement.
Premièrement, du point de vue de la science, on ne peut pas dire que le vaccin contre la grippe n’est pas utile ou qu’il n’est pas efficace. Ce vaccin est utile et efficace, c’est un excellent moyen de prévention.
Deuxièmement, le débat entre obligation et sensibilisation doit pouvoir se tenir. Pour autant, nous voyons bien que l’obligation relative aux onze vaccins ne pose plus de problème depuis qu’elle est en vigueur. Et nous voyons bien que la sensibilisation a des limites.
Il n’est pas acceptable que seulement 20 % des soignants des Ehpad soient vaccinés. On ne peut pas demander à des résidents de se faire vacciner si les personnes qui les soignent ne le font pas. Cela crée des doutes dans leur esprit.
Je ne serai pas plus longue, car j’interviendrai de nouveau au cours de l’examen de cet article, mais je m’oppose fermement à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Pour clarifier mon propos précédent, je pense que les soignants doivent être soumis à une obligation vaccinale.
En effet, 20 % de soignants vaccinés, ce n’est pas suffisant. Cela n’empêche pas la transmission du virus. Les soignants deviennent des vecteurs d’infection auprès des personnes les plus fragiles. C’est complètement irresponsable ! Nous devons être très fermes sur ce point.
En revanche, quand 90 % des résidents sont vaccinés, nous empêchons la propagation du virus.
Par ailleurs, je suis très inquiète de l’idée d’instaurer des sanctions. Si nous laissons chaque établissement fixer des sanctions, il pourrait par exemple s’agir d’enfermer les résidents dans leur chambre, ce qui aurait des conséquences très graves. Attention aux sanctions : il vaut mieux mettre l’accent sur l’information.
Enfin, la lutte contre les fake news est essentielle sur la question des vaccins. Nous en lisons à tire-larigot, et Donald Trump s’en est fait le chantre. C’est extrêmement grave ! Commençons par apprendre à nos jeunes à vérifier les informations dès l’école primaire.
Nous parlons en permanence de prévention ; commençons par l’école ! Ce serait déjà une étape essentielle dans la lutte contre la désinformation.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Tout d’abord, je ne suis docteur en rien. Si j’avais su, j’aurais mieux travaillé à l’école ! (Sourires.)
Il n’y a pas de sujet tabou au Parlement. Mon groupe votera contre cet amendement, car nous avons la conviction que nos choix doivent être le plus rationnels possible et se fonder sur la science.
À titre personnel, j’ai perdu il y a quatre ans une amie. La grippe l’a emportée alors qu’elle était en pleine forme. Lorsque j’en parle aujourd’hui avec ses enfants, ils regrettent qu’elle n’ait pas été vaccinée. C’est une réalité.
La remise en cause de la science et des postulats scientifiques est une curiosité de notre époque. J’ai du mal à accepter l’idée que Louis Pasteur et Marie Curie puissent être considérés comme des charlatans. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Dans la mesure où nous examinons un texte budgétaire, nous devons parler de finances. Au-delà du débat sur la vaccination en tant que telle, je voudrais partager avec vous un chiffre que je viens de faire expertiser.
L’année dernière, 1 774 personnes ont été hospitalisées en réanimation à cause de la grippe. Le coût d’une journée dans un service de réanimation est estimé par la Cour des comptes à environ 2 500 euros, et la durée moyenne des hospitalisations y est de huit à dix jours.
Sur ces 1 774 personnes, 80 % n’étaient pas vaccinées contre la grippe. Sachant que le coût du vaccin et du geste vaccinal s’élève à 20 euros, nous nous devons d’avoir en tête cette considération budgétaire. Et c’est un médecin qui le dit !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cela a déjà été dit, mais je pense que les médecins et les soignants sont, de manière générale, responsables. Beaucoup d’entre eux sont déjà vaccinés, et 80 % des résidents en établissement d’hébergement le sont.
Je le dis, je suis favorable à l’obligation vaccinale. C’est important.
Cela dit, je pense qu’il nous faut faire beaucoup plus de prévention, qu’il faut discuter avec les familles, mais aussi les soignants. Il faut également permettre à chacun de se faire vacciner, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment dans les déserts médicaux.
Nous devons faciliter la vaccination et la faire connaître. Par exemple, tout le monde n’est pas au courant que l’on peut se faire vacciner contre la grippe en pharmacie. De fait, des gens me disent qu’ils ne peuvent pas se faire vacciner, car ils n’arrivent pas à prendre rendez-vous chez le médecin.
Il faut faire beaucoup de prévention et beaucoup informer pour que chacun puisse se faire vacciner.
Mon groupe et moi sommes évidemment contre cet amendement.