M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Il faut se projeter, mon cher collègue : nous parlons là des patrimoines supérieurs à 2,5 millions d'euros. Le fait d'inclure le compte courant dans le champ de l'impôt n'aura pas le même effet. Rendez-vous compte, le plafond du livret A s'élève à 22 500 euros. Tout est question de proportion.
Monsieur Savoldelli, la valeur du patrimoine immobilier a fortement augmenté au cours des dernières années. Par conséquent, ne pas relever le seuil d'assujettissement aurait des effets indésirables.
Enfin, monsieur Capus, nous ne sommes pas en train de faire de la politique, en train de nous projeter en 2027 ! Rappelons-nous donc qui a mis en place l'IFI, quel Premier ministre !
M. Emmanuel Capus. Eh bien, voilà !
Mme Christine Lavarde. Nous aussi, nous aimerions ne plus avoir de taxes, mais il faut aussi tenir compte du principe de réalité : nous sommes dans une situation de déficits importants.
Nous l'avons dit lors de la discussion générale, nous voulons la fiscalité la plus juste et la moins pénalisante possible pour notre économie. C'est la raison pour laquelle, à l'IFI de 2017, qui est très pénalisant et qui freine l'investissement dans le logement, nous préférons une assiette plus large, qui englobe plus de biens. Nous n'avons pas peur de dire que le rendement sera inférieur : nous estimons que la perte de recette s'élèvera à 300 millions d'euros par rapport à l'IFI actuel. En revanche, nous pensons qu'il pourrait y avoir un véritable effet sur le retour des investisseurs immobiliers, afin de remettre des biens sur le marché de la location.
Vous pouvez ne pas être d'accord, mais telle est notre vision de l'économie. Nous ne la partageons pas tous, et c'est heureux, car cela nous permet de débattre, mais que l'on ne nous accuse pas de créer un nouvel impôt, c'est faux, cet impôt existe, mais il n'est pas pertinent dans sa forme actuelle.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement est ultraconnu, puisque le Sénat l'a adopté plusieurs fois, notamment parce qu'il est issu d'un travail transpartisan : Vincent Éblé, alors président de la commission des finances, et moi-même avions rédigé un rapport d'information sur la transformation de l'ISF en IFI, afin d'apprécier l'existence ou non d'une rente immobilière. Nous n'avions pas été d'accord sur tout, mais nous avions tout de même assez de points d'accord pour cosigner le rapport.
Cet amendement vise tout simplement à tenir compte de la situation : aujourd'hui, seul l'immobilier, y compris l'immobilier productif, est taxé. Cela inclut les logements, qui servent à loger des gens, et les usines, qui accueillent des activités industrielles. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. Emmanuel Capus. Exactement !
M. Albéric de Montgolfier. Je serais presque prêt à faire un pari avec vous, madame la ministre : je veux bien renoncer à voter l'amendement dont je suis le premier signataire si vous répondez à deux questions. (Sourires.)
Première question : y a-t-il ou non un problème de logement dans notre pays et cet impôt, dans sa forme actuelle, y contribue-t-il ?
Deuxième question : en vertu de quelle logique le fait d'investir 10 millions d'euros en bitcoins entraîne-t-il zéro taxation alors que l'investissement dans des usines ou des logements est taxé ? Expliquez-moi cette logique. Si vous me répondez, je suis prêt à ne pas voter mon amendement !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Depuis l'ouverture de la séance, ce matin, les débats sont, je dois le reconnaître, extrêmement compliqués…
Il y a, sur la première partie du PLF, énormément d'amendements et, personnellement, j'ai un peu de mal à m'y retrouver, malgré les commentaires très pédagogiques du rapporteur général, du président de la commission des finances et de Mme la ministre.
On propose ici de remplacer l'IFI par un autre dispositif ; j'imagine, madame la ministre, qu'il y a eu une forme d'étude d'impact. Quel serait donc le rendement de cet impôt ?
Par ailleurs, j'estime qu'il convient de ne pas taxer excessivement le monde économique et les entreprises ; je pense que le président de la délégation aux entreprises, Olivier Rietmann, sera d'accord, je renvoie au travail qu'il a conduit sur les aides publiques aux entreprises dans le cadre de la commission d'enquête qu'il a présidée et dont Fabien Gay était rapporteur. C'est vrai, il faut réellement défendre les entreprises, ne pas les taxer à l'excès, car ce sont aussi des employeurs ; soutenons donc le monde économique.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il a raison !
M. Marc Laménie. Ce sujet est d'importance. Aussi, malgré ma pleine confiance en la commission, je suivrai, dans un souci de solidarité, mon collègue Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Vincent Capo-Canellas l'a expliqué, il ne s'agit pas ici de créer un nouvel impôt : nous proposons de transformer un impôt existant.
M. Emmanuel Capus. Il vaudrait mieux le supprimer !
M. Michel Canévet. Pourquoi le faisons-nous ? Pour deux raisons.
Premièrement, il y a un problème de logement dans notre pays et taxer l'immobilier n'est donc pas le meilleur signal pour inciter les particuliers à investir dans ce secteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !
M. Michel Canévet. Nous avons au contraire besoin d'investissement dans le logement.
Secondement, nous voulons encourager l'esprit d'entreprise. Comment peut-on y parvenir ? En incitant ceux qui en ont les moyens à investir dans l'entreprise. C'est tout le sens des amendements que nous présentons : nous entendons inciter ceux qui disposent de moyens à les orienter vers l'entreprise, vers la création d'emplois. En effet, nous croyons fermement que la France sortira de la situation dans laquelle elle se trouve grâce à la croissance et au développement des entreprises.
Lorsque les emplois se créeront, cela permettra à la sécurité sociale de percevoir des recettes, au pays de s'enrichir et d'assurer un niveau satisfaisant de service public, lequel service public doit d'ailleurs se remettre en cause régulièrement et se rationaliser, afin d'être au service de la population, et non se contenter de s'inscrire dans une logique de continuité du fonctionnement.
Les choses sont claires. L'épargne est abondante ; eh bien, orientons-la vers l'entreprise pour soutenir le développement économique et l'emploi, afin que la France se développe dans l'économie mondiale.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je soutiendrai évidemment cet amendement.
Chacun connaît la crise du logement que nous traversons et, sans des dispositifs puissants – sans doute un peu coûteux, madame la ministre –, nous aurons beaucoup de mal à l'enrayer. Or il s'agit d'une crise sociale et économique terrible pour notre population et pour les finances publiques.
Je souhaite également répondre à Marc Laménie. Cher Marc, nous n'entendons pas créer un impôt nouveau,…
M. Emmanuel Capus. Bah si !
Mme Sophie Primas. … contrairement à ce que vous dit votre oreille droite. (L'oratrice désigne M. Emmanuel Capus, assis à la droite de M. Laménie. – Sourires.) Nous prenons un impôt créé en 2017 et nous proposons d'en réduire l'impact. Nous ne créons donc pas un impôt ; au contraire, nous l'atténuons.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. Au travers de nos amendements, nous proposons de faire participer à l'effort collectif ceux qui le peuvent le plus.
Je comprends les débats sur l'ISF, mais je demeure très sceptique quant aux propositions relatives à l'IFI. En effet, après avoir transformé, à l'article 3, le dispositif gouvernemental anti-optimisation en dispositif sénatorial – enfin, de la majorité sénatoriale – anti-abus, abus dont vous n'avez d'ailleurs cessé de contester l'existence, vous proposez désormais de vider largement l'IFI de sa substance. Christine Lavarde nous a en effet expliqué que cette disposition amoindrirait de 300 millions d'euros les rentrées dans les caisses de l'État.
J'ai donc plutôt le sentiment que, au lieu de faire participer ceux qui le peuvent à l'effort collectif, vous essayez d'en dissuader le plus grand nombre et vous y réussirez fort bien avec cet amendement.
Par conséquent, nous sommes plus que réservés sur cette proposition.
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.
Mme Annick Girardin. Nous pourrions accepter l'évolution de l'IFI qui nous est proposée si elle intégrait tous les biens improductifs. En ce qui me concerne, le fait de ne pas le faire me pose un problème.
J'ai bien compris que cela obligeait à apporter quelques précisions, notamment pour protéger les œuvres d'art, mais soit on inclut dans l'assiette de l'impôt tout le patrimoine improductif – les véhicules de luxe, les yachts, etc. –, soit on se résigne au résultat que vous annoncez, à savoir une perte de recettes de 300 millions d'euros.
C'est la raison pour laquelle votre proposition fait douter une grande partie de l'hémicycle, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je ne reviendrai pas sur la démonstration qu'a faite notre cher collègue Michel Canévet sur l'intérêt de préserver les entreprises et l'outil productif de cet impôt.
Cher Pascal Savoldelli, cher collègue, je ne vous ferai pas l'insulte de vous dire que vous êtes plus royaliste que le roi, mais vous ne pouvez pas faire ici la fine bouche et être en contradiction avec vous-même. Vous ne pouvez pas dire toute la journée qu'il y a une crise du logement – de fait, nos concitoyens cherchent des logements et il n'y en a pas – et puis, quand vous avez la possibilité de libérer des capitaux pour créer du logement,…
M. Pascal Savoldelli. Et de la rente !
M. Olivier Rietmann. … rétorquer que le problème, c'est que le logement appartiendra alors aux plus riches !
Nos concitoyens qui cherchent un logement, ça ne les intéresse pas que leur propriétaire en ait un ou cinquante ; ce qui les intéresse, c'est de trouver un logement qui convienne à leur famille et à leur budget !
Si nous arrivons à répondre quelque peu à ce souci, nous aurons déjà fait une sacrée avancée !
M. Pascal Savoldelli. Un T2 proche de Paris en location, c'est 1 200 euros !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Plusieurs éléments à préciser.
D'abord, le rendement de la taxe proposée, telle qu'elle est calibrée dans les amendements, sera plus faible d'environ 600 millions d'euros par rapport à celui de l'IFI actuel.
M. Guy Benarroche. Une paille ! On n'en a vraiment pas besoin en ce moment…
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Néanmoins, nombre d'entre vous ont évoqué la navette parlementaire et ont suggéré de faire évoluer le dispositif dans ce cadre ; c'est pourquoi, monsieur de Montgolfier, j'ai bel et bien émis un avis de sagesse sur votre amendement et celui de Mme Vermeillet. En effet, il me semble que votre proposition est perfectible par rapport au calibrage actuel de l'IFI.
Ensuite, après l'article 12 du texte, nous allons discuter du statut de bailleur privé destiné à soutenir l'immobilier locatif. Nous pourrons donc aussi examiner la cohérence des différents dispositifs ; d'où l'intérêt d'ailleurs de prévoir ces accroches dans la navette.
Je rappelle simplement – je remercie le sénateur Grégory Blanc d'avoir ouvert cette voie – qu'élargir l'assiette d'un impôt immobilier peut avoir du sens. Ces amendements identiques ne constituent pas à mes yeux « la fin de l'histoire », l'ultime point d'équilibre ou de compromis. Les options ouvertes par M. de Montgolfier et Mme Vermeillet sont des pistes qui ne sont pas inintéressantes, ne les excluons pas d'emblée ; un tel dispositif peut améliorer in fine le rendement. Même si, dans sa rédaction actuelle, il le détériore, ce n'est pas une mauvaise idée d'ouvrir la réflexion.
À titre personnel, j'accorde de la valeur à ces amendements. À l'Assemblée nationale, il était proposé d'inclure dans l'assiette de l'impôt, dans un modèle proche mais différent de celui-ci, les fonds en euros ; pour le coup, j'avais émis un avis défavorable, car, en incluant dans le champ de l'impôt les fonds en euros, qui comportent une partie de notre dette souveraine, et non les unités de compte, ce dispositif pouvait déstabiliser notre financement souverain ; d'où les réserves du Gouvernement.
Ce n'est pas ce que vous proposez, monsieur de Montgolfier, madame Vermeillet, d'où mon avis de sagesse sur vos amendements ; simplement, vous l'aurez compris, je considère qu'il convient d'affiner le dispositif dans ses détails.
M. le président. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage sur les amendements identiques nos I-159 rectifié ter et I-381 rectifié ?
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-2758.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-159 rectifié ter et I-381 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 66 :
| Nombre de votants | 340 |
| Nombre de suffrages exprimés | 339 |
| Pour l'adoption | 204 |
| Contre | 135 |
Le Sénat a adopté ces amendements identiques, modifiés par la suppression du gage.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 et les amendements nos I-1203 et I-752 n'ont plus d'objet.
Nous reprenons l'examen normal des amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 3.
Après l'article 3 (suite)
M. le président. L'amendement n° I-1843 rectifié bis, présenté par M. Le Rudulier, Mmes Borchio Fontimp, Chain-Larché, de Cidrac, Devésa, Drexler et Eustache-Brinio, MM. Frassa et Hugonet, Mme Lassarade et MM. H. Leroy, A. Marc, Savin, Sol et Ravier, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le VI de la section II du chapitre premier du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est abrogé.
II. – La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Demande de retrait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. C'est un amendement à 18 milliards d'euros !
Il faut que le Sénat en soit conscient. L'adoption des amendements précédents entraînait une baisse de rendement de 600 millions d'euros ; ici, nous ne parlons de rien de moins que de 18 milliards d'euros…
On peut vouloir faire évoluer les droits de mutation, favoriser les transmissions, notamment en faveur des petits-enfants. On peut constater que 60 % des donations profitent à des personnes de plus de 60 ans et donc se demander comment encourager les transmissions et les donations vers les plus jeunes. Ce sont sans doute d'excellents débats, mais de là à supprimer d'un trait de plume tous les droits de succession et les droits de mutation sur les donations…
Il faut savoir raison garder ; le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement et, à défaut, émettra un avis très défavorable.
M. le président. Monsieur Hugonet, l'amendement n° I-1843 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Raymond Hugonet. C'est drôle cette habitude des Marseillais de verser dans l'exagération… (Sourires.)
Nous le retirons, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° I-1843 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° I-1598 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-637 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Canévet, Courtial, Henno et Dhersin, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l'article 1133 du code général des impôts, après les mots : « aucun impôt ou taxe », la fin de la phrase est supprimée.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Le présent amendement, inspiré des travaux de l'économiste Jean-Baptiste Michau et du laboratoire d'idées GénérationLibre, vise à supprimer l'imposition de l'abandon d'usufruit.
Les donations en pleine propriété seraient ainsi taxées au même taux que les donations en nue-propriété. Cette mesure améliorerait l'allocation du capital entre les générations, en permettant aux héritiers de percevoir leur héritage avant d'être à la retraite. Le capital reçu pourrait ainsi être investi au service de l'économie. Or tout ce qui est bon pour l'économie est bon pour le social.
M. Thomas Dossus. Et réciproquement !
M. Vincent Delahaye. Si l'on peut faciliter la circulation du capital et l'investissement dans l'économie, ce sera très bien.
M. Emmanuel Capus. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce que vous proposez, mon cher collègue, serait relativement, pour ne pas dire très, coûteux.
Vous avez cité GénérationLibre ; je n'ai aucun souci avec les écoles de pensée différentes de la mienne, mais il convient tout de même de considérer l'impact qu'une telle disposition aurait sur notre économie et sur nos finances publiques. À cet égard, je puis vous affirmer qu'il s'agirait d'une dégradation significative.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° I-1361, présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l'article 777 du code général des impôts, il est inséré un article 777-… ainsi rédigé :
« Art. 777-… – Un abattement universel de 300 000 € est applicable, par bénéficiaire, à l'ensemble des transmissions à titre gratuit, qu'il s'agisse de biens mobiliers, immobiliers, titres, droits sociaux ou contrats d'assurance vie.
« Au-delà de cet abattement, les transmissions sont soumises au barème prévu à l'article 777. »
II. – Le présent article s'applique aux transmissions intervenant à compter du 1er janvier 2026.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Nous sommes confrontés à deux enjeux.
D'un côté, nous venons de perdre 600 millions d'euros en modifiant l'assiette de l'IFI et nous avons considérablement diminué le rendement de la taxe sur les holdings.
De l'autre, il faut faire tourner l'épargne, l'argent, dans le pays, afin de le rendre plus productif. Or, à cet égard, la taxation des donations et des successions pose problème.
Pour ma part, je ne crois pas à un éventuel Grand Soir de l'imposition des successions, à une vaste réforme. Cela implique donc d'améliorer les dispositifs existants, par petites touches, année après année.
Le présent amendement vise ainsi à créer un abattement universel de 300 000 euros par bénéficiaire, afin de simplifier le système. Aujourd'hui, plusieurs plafonds coexistent en fonction du lien de parenté, du type d'actif transmis – biens classiques, assurance vie, etc. – ou du support utilisé, dans le cadre d'une architecture fiscale extrêmement complexe. Cela nuit à la lisibilité du système et favorise les stratégies d'optimisation, d'où, à l'arrivée, un renforcement des inégalités.
Un abattement universel de 300 000 euros par bénéficiaire permettrait de simplifier profondément le système, de garantir un traitement équitable pour tous les types d'actifs, de mettre fin à la concurrence fiscale artificielle entre les supports et de recentrer les avantages sur les transmissions familiales modestes ou intermédiaires.
Il s'agit aussi de renforcer la progressivité au-delà des 300 000 euros. Je le rappelle, les ménages aisés peuvent, tous les quinze ans, donner à leurs enfants 200 000 euros nets de fiscalité. Il faut donc rétablir un peu de cohérence. Le seuil de 300 000 euros paraît être le bon, c'est même déjà beaucoup pour de nombreuses familles. On pourrait ainsi fiscaliser davantage au-delà de ce seuil tout au long d'une vie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis surpris, car je n'ai entendu aucune évaluation chiffrée des effets de cet amendement ; je ne sais même pas si des travaux ont été menés sur cette hypothèse.
J'ai bien entendu l'expression employée par notre collègue Grégory Blanc, « par petites touches », mais il s'agit là d'une grosse louche !
M. Grégory Blanc. Il y a d'autres amendements après !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le seuil que vous proposez, mon cher collègue, ne convient donc pas.
En outre, votre amendement pose un problème de coordination et il manque de clarté du point de vue légistique ; en effet, dans la rédaction retenue, il n'est pas certain qu'il mette fin aux abattements existants, il semble plutôt s'y ajouter. Son adoption reviendrait ainsi à instaurer un système perdant-perdant, pour les contribuables et pour les finances publiques.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Par cet amendement, vous proposez, monsieur le sénateur, d'inverser la logique du système par rapport à aujourd'hui.
Ce que vous proposez n'est pas inintéressant : pour la lisibilité du système, ne serait-il pas préférable, en effet, de fixer une somme maximale que chacun pourrait recevoir en bénéficiant d'une exonération totale ? Cela inverserait la logique par rapport à celle qui prévaut aujourd'hui : à ce jour, les abattements sont calculés du point de vue de ceux qui donnent et vous proposez de considérer au contraire ce que chacun reçoit.
Personnellement, je pense que c'est une piste à explorer, à chiffrer, car cela améliorerait la lisibilité du système et accroîtrait le niveau de confiance de la société à l'égard de ce système. En effet, l'accumulation de plafonds successifs, la question des durées – les fameux quinze ans dont vous avez parlé –, l'enjeu des mutations avant ou après décès créent le sentiment chez beaucoup de Français qu'ils seront soumis à des droits de succession ou de transmission, alors que, je le rappelle, 85 % des masses transmises ne sont soumises à aucuns droits. Pourtant, on entend souvent dire que nous serions l'un des pays où elles seraient le plus largement taxées.
L'intention me paraît donc bonne. En revanche, la rédaction retenue va dans le sens contraire à ce que vous cherchez, monsieur le sénateur : le rapporteur général le disait, le dispositif proposé s'ajouterait aux abattements existants. L'idée est bonne, mais la rédaction n'est pas opérante. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Je tenais toutefois à émettre un avis, afin de tenir de nouveau ce débat, lors de la prochaine élection présidentielle ou à toute autre occasion. C'est un bon débat et il me semblerait pertinent de proposer des solutions que nos concitoyens pourraient très bien comprendre, en tout cas mieux que le système actuel, qui est devenu très compliqué.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Je vais retirer mon amendement, monsieur le président, car j'en ai d'autres, mieux rédigés sur le même sujet.
L'examen de cet amendement permet d'aborder la question des successions. Je me suis inspiré, pour le rédiger, du rapport d'Oxfam, mais également d'autres sources et de ce qui existe en Irlande, qui a instauré ce système d'abattement universel et, au-delà, une taxation identique pour tout le monde.
Un tel système serait beaucoup plus lisible avec, à l'arrivée, un rendement beaucoup plus élevé. Il faut donc que nous nous attaquions vraiment à la réforme de notre fiscalité sur les successions. Nous ne devons pas avoir peur d'ouvrir ce débat, à la fois pour les raisons que vous avez évoquées tout à l'heure, madame la ministre, s'agissant de la nécessité de faire tourner davantage les stocks et l'épargne dans notre pays, mais aussi et surtout pour renforcer l'égalité entre l'ensemble de nos concitoyens, quels que soient leurs revenus.
M. le président. L'amendement n° I-1361 est retiré.
L'amendement n° I-1970 rectifié, présenté par Mme Guhl, MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 7 quinquies de l'article 38 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « d'utilité publique » sont insérés les mots : « ou un fonds de dotation » ;
b) Aux deuxième et dernier alinéas, après le mot : « fondation » sont insérés les mots : « ou fonds de dotation » ;
2° Au 5 ter de l'article 206, après les mots : « d'utilité publique » sont insérés les mots : « et les fonds de dotation » ;
II. – Après l'article 1833 du code civil, il est inséré un article 1833-1 ainsi rédigé :
« Art. 1833-1. – Les dons et versements réalisés au profit d'un organisme répondant aux conditions visées aux articles 200 ou 238 bis du code général des impôts, ainsi que les apports à titre gratuit et irrévocable de parts sociales ou d'actions à un fonds de pérennité régi par l'article 177 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, sont présumés, sauf preuve contraire, conformes à l'intérêt social de la société qui les réalise. »
III. – Le Gouvernement met à jour les commentaires doctrinaux figurant au Bulletin officiel des Finances publiques afin d'aligner le traitement fiscal des fonds de dotation et des fonds de pérennité sur les dispositions issues des I et II du présent article.
IV. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Ghislaine Senée.


