Mardi 29 novembre 2005
- Présidence de M. Gilbert Barbier, président -
Audition de M. Christophe Weber, président des LIR (Laboratoires internationaux de recherche)
La mission d'information a procédé à l'audition de M. Christophe Weber, président des LIR (Laboratoires internationaux de recherche).
M. Christophe Weber a indiqué que l'association LIR regroupe quinze laboratoires pharmaceutiques de dimension mondiale, dont le point commun est l'intérêt pour la recherche scientifique et la découverte de nouveaux médicaments. En France, ces laboratoires représentent 50 % du marché des produits de santé et emploient 30.000 collaborateurs.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, s'est interrogée sur la responsabilité qui peut être imputée aux prescriptions médicales ne respectant pas les recommandations de l'autorisation de mise sur le marché dans la survenance d'accidents médicamenteux et sur le rôle que jouent les visiteurs médicaux dans l'information des médecins sur les règles d'usage d'un médicament.
M. Christophe Weber a observé que, dans le contexte actuel, les conditions d'utilisation des médicaments et le rôle des visiteurs médicaux sont critiqués. Il a rappelé que les médecins doivent gérer un nombre considérable d'informations, puisque près de 3.000 médicaments différents sont aujourd'hui disponibles en pharmacie et que chaque médecin est amené à prescrire environ cinq cents médicaments différents à sa patientèle.
C'est pour répondre à cette demande d'information, qui ne peut être assurée uniquement par voie d'imprimés, que les laboratoires ont mis en place des visiteurs médicaux. Les conditions d'exercice des visiteurs médicaux font l'objet d'une réglementation particulièrement stricte en France. Leur rôle est certes de promouvoir les médicaments, mais également de développer les bonnes pratiques cliniques. Les laboratoires ont tout intérêt à ce que les médicaments soient utilisés dans le respect des recommandations de l'autorisation de mise sur le marché, sous peine d'encourir des risques d'accidents médicamenteux.
Les laboratoires ne nient pas l'existence d'utilisation inappropriée de certains médicaments, tel est notamment le cas lorsque les dosages sont incorrects, mais aussi lorsque les patients ne respectent pas la posologie et la durée de leur traitement.
En conséquence, M. Christophe Weber a considéré que rendre les visiteurs médicaux responsables de tous les maux est une réponse simplificatrice à un problème d'une grande complexité. Il a considéré comme prioritaire le renforcement du dialogue entre les autorités sanitaires et les médecins.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, s'est interrogée sur la possibilité d'avoir recours à la formation médicale continue obligatoire pour renforcer l'information des médecins en matière de sécurité sanitaire.
M. Christophe Weber s'est déclaré favorable à cette solution.
M. Gilbert Barbier, président, a demandé quel rôle peuvent jouer les pharmaciens dans l'information des patients, notamment sur le respect des posologies et de la durée des traitements.
M. Christophe Weber a estimé que le rôle des pharmaciens est fondamental et il a précisé qu'à son avis, ces derniers doivent réfléchir à un nouveau mode de rémunération axé sur la santé publique et la sécurité sanitaire.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, s'est interrogée sur le rôle que peuvent jouer les études post-autorisation de mise sur le marché (AMM) pour renforcer la sécurité des patients, ainsi que sur les conditions de prise en charge financière de ces études.
M. Christophe Weber a estimé que le dispositif de pharmacovigilance, sur lequel il a porté un jugement positif, est un élément clé de la sécurité des patients. Les laboratoires développent une nouvelle politique de gestion du risque, dont les études post-AMM seront un élément central. Ces protocoles de gestion du risque sont établis au niveau européen.
Il a considéré que le développement des études post-AMM doit être encouragé. Ces études ne sont pas décidées unilatéralement par les laboratoires, mais prévues en collaboration avec les autorités sanitaires. La prise en charge financière peut être assurée par des financements privés ou publics.
Il a observé qu'une interprétation excessive du principe de précaution aurait pour effet d'empêcher toute commercialisation d'un nouveau médicament, puisqu'il est impossible de se garantir totalement contre la survenance d'un risque. Il a rappelé que les agences sanitaires autorisent la commercialisation d'un médicament lorsque la balance bénéfice/risque est jugée positive.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a voulu connaître les critères qui président à la décision de procéder à une étude post-AMM.
M. Christophe Weber a précisé que les études post-AMM sont souvent consacrées à la question du bon usage du médicament. Elles peuvent être décidées à l'initiative du laboratoire pharmaceutique, mais également par les autorités sanitaires lorsqu'il s'agit de traiter des questions plus larges comme, par exemple, le parcours de soins de certains patients atteints de pathologies spécifiques.
M. Gérard Dériot a confirmé que le respect des posologie et durées de traitement prescrites aux patients est un problème majeur, auquel sont confrontés les médecins et les pharmaciens. Il s'est interrogé sur les moyens à employer pour sensibiliser les patients à cette question.
M. Christophe Weber a souligné que les patients sont demandeurs de plus d'informations sur les traitements qui leurs sont prescrits. La solution doit d'abord être recherchée dans un renforcement du dialogue entre les patients et les professionnels de santé.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a demandé si les experts de l'Afssaps et de la commission de la transparence peuvent véritablement être indépendants par rapport à l'industrie pharmaceutique.
M. Christophe Weber a considéré que, compte tenu de la vitesse à laquelle évoluent les connaissances scientifiques dans le domaine de la pharmacie, il est impossible de demeurer un expert de haut niveau sans collaborer, sous une forme ou une autre, avec l'industrie pharmaceutique. La question de l'indépendance des experts doit donc être posée au regard de cet axiome. En conséquence, les experts doivent pouvoir intervenir pour le compte d'un laboratoire ou d'une agence sanitaire, mais dans des conditions de transparence les plus complètes possibles.
M. François Autain a souhaité connaître le montant que consacrent chaque année les laboratoires pharmaceutiques à la recherche - développement et au marketing, ainsi que les résultats financiers obtenus.
M. Christophe Weber a précisé que 35 milliards d'euros sont consacrés à la recherche. Le coût de développement des nouvelles molécules doit être évalué entre 800 millions et 1 milliard d'euros, en tenant compte du fait que toutes les recherches n'aboutissent pas.
M. François Autain a cité une étude de l'association américaine Public Citizen, précisant que les laboratoires pharmaceutiques avaient consacré 26 milliards de dollars à la recherche en 2000, pour commercialiser 98 médicaments nouveaux.
M. Christophe Weber a indiqué qu'il y a une distinction à établir entre la découverte d'une molécule nouvelle et la commercialisation d'un nouveau médicament, ce qui explique les distorsions constatées entre ses chiffres et ceux de l'étude de l'association Public Citizen. Il a précisé, en outre, que les coûts variant suivant les domaines thérapeutiques, il est ainsi plus coûteux de développer un nouvel hypertenseur qu'un nouvel antibiotique.
Les laboratoires consacrent entre 15 % et 20 % de leur chiffre d'affaires aux activités de recherche-développement et une somme identique au marketing, ce qui n'est pas disproportionné pour présenter les résultats obtenus en matière de recherche dans un marché mondialisé.
Les laboratoires réalisent un bénéfice égal à 10 % à 15 % de leur chiffre d'affaires. Ce résultat est justifié compte tenu des risques secondaires pouvant survenir lors de la commercialisation d'un médicament, puisque ni le laboratoire, ni les autorités sanitaires ne sont en situation de se prémunir contre la survenance d'effets indésirables. Les laboratoires doivent donc obtenir des résultats économiques leur permettant de couvrir ces risques.
M. Paul Blanc s'est interrogé sur l'inadéquation qui peut exister entre la durée du traitement prescrit par le médecin et le conditionnement des produits de santé.
M. François Autain a rappelé qu'en Allemagne, les pharmaciens assurent eux-mêmes le conditionnement des médicaments en fonction des prescriptions.
M. Christophe Weber a reconnu que le conditionnement est un élément relevant de la politique de sécurité sanitaire, et que la plupart des traitements sont établis pour une durée de quatre semaines, ce qui justifie l'existence de boîtes contenant 28 gélules.
M. François Autain a voulu connaître les raisons pour lesquelles l'innovation pharmaceutique semble connaître un coup d'arrêt.
M. Christophe Weber a confirmé que le nombre d'innovations thérapeutiques est plus ou moins stable, voire en légère baisse. Il s'est dit convaincu de la nécessité de poursuivre une politique de recherche dynamique. Le décryptage du génome humain ouvre des voies de recherches nouvelles, mais plusieurs années seront nécessaires avant d'aboutir à des résultats concrets.
M. François Autain a souligné que des innovations pharmaceutiques récentes ne sont pas le fait des laboratoires, mais de certaines universités américaines.
M. Christophe Weber a précisé que les laboratoires mènent leurs recherches à la fois avec des équipes internes, mais également sous la forme de partenariats avec des centres de recherches universitaires. Il a observé que ni les universités, ni les entreprises innovantes n'ont les moyens humains et matériels d'amener une molécule jusqu'à son enregistrement auprès des autorités sanitaires. Ces acteurs sont donc favorables à des partenariats avec les laboratoires qui apportent un financement complémentaire et une expertise.
M. François Autain a voulu savoir dans quelles circonstances les laboratoires choisissent de recourir à des essais cliniques plutôt qu'à des essais comparatifs.
M. Christophe Weber a précisé que les laboratoires ont systématiquement recours aux essais comparatifs lorsqu'il existe déjà une solution thérapeutique pour traiter la pathologie concernée. Ces essais sont joints au dossier remis aux autorités sanitaires.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a voulu connaître la position des LIR sur l'avenir des recherches biomédicales et sur le recours éventuel au clonage thérapeutique.
M. Christophe Weber a considéré qu'il ne pouvait pas répondre à cette question au nom des LIR. Il a indiqué que les laboratoires s'interrogent constamment sur les questions éthiques, mais également sur les moyens de faire progresser la recherche. Il a estimé, à titre personnel, que la France réfléchit sur ces questions dans une situation d'isolement total, alors que la recherche médicale est mondiale.