Table des matières




- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président.

Statut d'autonomie de la Polynésie française - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Lucien Lanier sur le projet de loi organique n° 38 (2003-2004) portant statut d'autonomie de la Polynésie française et sur le projet de loi n° 39 (2003-2004) complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a d'abord relevé que le projet de loi organique visait à doter la Polynésie française d'une autonomie renforcée, répondant ainsi au souhait de cette « collectivité d'outre-mer » (dénomination qui se substitue, aux termes de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, à celle de « territoire d'outre-mer »). Le futur statut, a-t-il souligné, constitue le prolongement d'une longue suite de textes qui ont progressivement adapté les institutions de la Polynésie française aux aspirations de la population de cette collectivité, tout en répondant aux voeux de la plus grande majorité de conserver la citoyenneté française.

Le rapporteur a observé que le statut actuel, adopté par la voie de la loi organique du 12 avril 1996, avait accru les responsabilités de la Polynésie française et également défini les modalités de contrôle par le Conseil d'Etat du partage respectif des compétences entre l'Etat et la collectivité. Il a noté que ce statut restait cependant en deçà des attentes des autorités polynésiennes, notamment au regard des prérogatives qui, dans le cadre du titre XIII de la Constitution, avaient été reconnues à la Nouvelle-Calédonie. Il a estimé que cette frustration avait été aiguisée par le report sine die du projet de réforme constitutionnelle, préparé par le Gouvernement en 1999 et voté par les deux chambres, mais non soumis au Congrès, accordant dans le cadre d'un nouveau titre spécifique à la Polynésie française de nouvelles attributions à ce territoire. En revanche, a-t-il précisé, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 permet désormais, sur la base de l'article 74 révisé, d'élaborer pour chacune des collectivités d'outre-mer un statut « à la carte » répondant à leurs aspirations. Au cours des débats, le Sénat, comme l'a rappelé le rapporteur, avait souhaité trancher la question de l'autorité juridictionnelle chargée du contrôle spécifique des actes de ces collectivités intervenant dans le domaine de la loi. Il a cité notamment les propos du président René Garrec, rapporteur en l'espèce : « les actes pris par l'assemblée délibérante de la collectivité, dans les domaines relevant en métropole du domaine de la loi, demeurent des actes de nature réglementaire, ce qui prédispose le Conseil d'Etat à en être le juge naturel ».

Abordant ensuite les principaux aspects du projet de loi organique, M. Lucien Lanier, rapporteur, a relevé que les nouvelles compétences transférées à la collectivité porteraient sur les principaux aspects du droit civil, le droit du travail, les principes fondamentaux des obligations commerciales et, sous certaines réserves, la circulation maritime et les liaisons aériennes. Il a également souligné les changements de désignation, la Polynésie française devenant « un pays d'outre-mer » et le président du Gouvernement, le « président de la Polynésie française ». Il a noté que le président, élu par l'assemblée, pourrait désormais être choisi hors de son sein et que les différents actes relatifs à la composition du gouvernement seraient soumis en premier et dernier ressort au Conseil d'Etat. Il a mentionné en outre l'extension des responsabilités internationales de la Polynésie française, ainsi que le renforcement du rôle des communes, dotées de nouvelles compétences.

Il a souligné que le projet de loi organique traduit, pour la Polynésie française, les quatre principales innovations introduites par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 :

- la possibilité de participer sous le contrôle de l'Etat à des compétences régaliennes (faculté strictement encadrée dans la mesure, d'une part, où le champ des matières concernées est précisément délimité et où l'initiative de la collectivité d'outre-mer est soumise au contrôle a priori et a posteriori des autorités de la République) ;

- la faculté d'adopter des mesures préférentielles en faveur de la population de la Polynésie française en matière d'emploi et de protection du patrimoine foncier sur le critère notamment d'une durée suffisante de résidence ;

- le droit d'abroger ou de modifier, sous réserve de l'accord du Conseil constitutionnel, les dispositions législatives empiétant sur le champ de compétences de la Polynésie française ;

- la mise en place d'un contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort sur les actes adoptés par l'assemblée de la Polynésie française dans le domaine de la loi et dénommés « lois du pays ». Ces actes, qui conservent une valeur réglementaire, se distinguent des  « lois du pays » qui peuvent être adoptées par le Congrès de Nouvelle-Calédonie et sont soumises au contrôle du Conseil constitutionnel.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a indiqué que le projet de loi ordinaire complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française traitait essentiellement de l'action de l'Etat et de ses fonctionnaires en Polynésie française, des relations entre l'Etat et les communes, ainsi que de la mise en place d'un tribunal foncier.

Le rapporteur a conclu en observant que les avancées indéniables du projet de statut répondaient aux possibilités institutionnelles offertes par la réforme de l'article 74 de la Constitution qui néanmoins encadrait un processus que l'on aurait peut-être souhaité plus ambitieux.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Jacques Larché a estimé que le processus de renforcement de l'autonomie de la Polynésie française marquait un certain ralentissement. Il s'est étonné qu'un décalage s'instaure ainsi entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, que ne paraissait pas justifier l'histoire récente de ces deux collectivités, marquée, pour l'une, par une évolution pacifique et, pour la seconde, par de graves troubles.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a observé que le projet de réforme constitutionnelle de 1999 n'ayant pas été adopté, les prérogatives reconnues à la Polynésie française n'ont pu être alignées sur celles accordées à la Nouvelle-Calédonie dans le cadre du titre XIII de la Constitution et qu'il convenait d'en prendre acte.

M. Simon Sutour a regretté que le Parlement soit conduit à examiner le projet de statut dans des délais excessivement rapides et il s'est interrogé sur les raisons qui avaient conduit le gouvernement à déclarer l'urgence sur ce texte. Il a estimé que la dénomination de « lois du pays » n'était pas appropriée pour des actes à caractère administratif qui relevaient du contrôle du Conseil d'Etat. Il a également relevé que l'appellation « pays d'outre-mer » n'avait pas été prévue par la Constitution. Il a émis en outre des réserves sur les modalités de participation de la Polynésie française aux compétences de l'Etat.

M. Lucien Lanier a précisé que la désignation de « lois du pays » n'était pas impropre, à condition de définir ces actes sur la base de l'article 139 du projet de loi organique, qui en rappelait le caractère réglementaire.

M. Jean-Pierre Sueur a également manifesté des réserves sur les « lois du pays » qui paraissaient constituer une nouvelle catégorie d'actes juridiques et qui à cet égard méritaient d'être strictement encadrées. Il a souhaité en outre que la commission invite le Gouvernement à s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il avait déclaré l'urgence sur ce texte.

Le rapporteur a relevé que l'élaboration d'un nouveau statut répondait aux attentes exprimées depuis longtemps par les autorités de la Polynésie française et qu'il n'était pas opportun d'en différer encore l'examen.

M. Jean-Jacques Hyest a estimé que la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 permettait de déterminer pour la Polynésie française un statut original qu'il n'était pas possible de comparer au statut de la Nouvelle-Calédonie, qui s'inscrivait dans une perspective évolutive complètement différente. Il a souligné par ailleurs que, si les actes pris par la collectivité dans le domaine de la loi restaient soumis au contrôle du Conseil d'Etat, il convenait de juger la portée du projet de statut au regard de la nature des compétences transférées et de l'ampleur de ce transfert.

La commission a alors procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur, tout d'abord sur le projet de loi organique.

A l'article premier (caractères généraux de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer la référence aux « archipels » qui paraissait incompatible avec la distinction, dans l'énumération des îles constituant la Polynésie française, entre les îles du Vent et les îles Sous le Vent formant les unes et les autres un même archipel, l'archipel de la Société.

A l'article 3 (rôle du haut-commissaire de la République), la commission a adopté un amendement tendant à définir le haut-commissaire de la République, conformément aux termes de l'article 72 de la Constitution, comme « représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement ».

A l'article 9 (consultation de l'assemblée de Polynésie française sur les projets et propositions de loi), la commission a adopté, d'une part, un amendement visant à rapprocher la rédaction de l'obligation de consultation de l'assemblée de la Polynésie française sur les projets et propositions de loi de l'article 74 de la Constitution et, d'autre part, deux amendements de coordination.

A l'article 12 (modification ou abrogation de lois postérieures à l'entrée en vigueur du projet de statut), la commission a adopté un amendement tendant à revenir aux termes de l'article 74 de la Constitution pour préciser les modalités de « déclassement » par le Conseil constitutionnel de dispositions législatives empiétant dans le domaine de compétences de la Polynésie française.

A l'article 16 (arrangements administratifs), la commission a adopté un amendement tendant à dispenser le président de la Polynésie française de demander aux autorités de la République les pouvoirs nécessaires à la signature d'arrangements administratifs avec des Etats du Pacifique. Elle a adopté, par ailleurs, deux amendements de coordination.

A l'article 18 (protection du marché), la commission a adopté un amendement de réécriture de cet article afin d'en clarifier la rédaction.

A l'article 19 (protection du patrimoine foncier), la commission a adopté un amendement de précision.

A l'article 31 (champ d'application du principe de participation), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les aspects du droit civil relevant encore de la compétence de l'Etat couvrent l'état et la capacité des personnes, l'autorité parentale, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités.

MM. Jean-Pierre Sueur et Simon Sutour se sont étonnés que le troisième alinéa de cet article intègre les dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard parmi les compétences à caractère régalien à l'exercice desquelles la Polynésie française pourrait participer. M. Jean-Jacques Hyest a observé que le principe de la participation d'une collectivité d'outre-mer à certaines compétences de l'Etat avait été posé par l'article 74 de la Constitution.

A l'article 32 (modalités de participation des institutions de Polynésie française aux compétences de l'Etat), la commission a adopté sept amendements rédactionnels précisant la procédure de participation des institutions de la Polynésie française aux compétences de l'Etat et sous le contrôle de ce dernier.

M. Jacques Larché a souhaité savoir si les décrets portant approbation des projets ou propositions d'actes de l'assemblée de la Polynésie française ou des projets d'arrêtés du gouvernement de la Polynésie française intervenant dans un domaine de compétences de l'Etat pourraient faire l'objet d'un contentieux. Le rapporteur a précisé que ces décrets seraient soumis au contrôle du Conseil d'Etat à qui il reviendrait de fixer la jurisprudence en la matière. Par ailleurs, il a indiqué à M. Jacques Larché que la délibération ou l'arrêté définitifs adoptés respectivement par l'assemblée ou le gouvernement de la Polynésie française ne pourraient s'écarter du projet d'acte tel qu'il aurait été approuvé par décret.

A l'article 34 (participation de la Polynésie française à certaines missions de police), la commission a adopté un amendement tendant à réécrire cet article et prévoyant que l'agrément accordé aux agents de la Polynésie française par le haut-commissaire et par le procureur de la République dans le cadre de leur participation à des missions de police incombant à l'Etat pourrait être retiré ou suspendu par le haut-commissaire ou le procureur, le président de la Polynésie française étant consulté et non plus seulement informé.

A l'article 35 (pouvoirs de police spéciale), la commission a adopté un amendement levant une ambiguïté concernant les agents pouvant être habilités à constater et rechercher les infractions, ces agents ne pouvant se confondre avec ceux mentionnés à l'article précédent qui participent aux missions de police incombant à l'Etat.

A l'article 39 (accords internationaux dans le domaine de compétence de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement supprimant la mention redondante selon laquelle les pouvoirs permettant au président de la Polynésie française de signer des accords au nom de la République dans les domaines de compétences de la collectivité seraient accordés « au cas par cas ».

Aux articles 40 (participation aux négociations avec la communauté européenne et association aux travaux des organismes régionaux du Pacifique) et 41 (relations avec les organismes régionaux du Pacifique), la commission a adopté deux amendements de cohérence rédactionnelle.

A l'article 42 (les compétences des communes), la commission a adopté un amendement tendant, d'une part, à réparer un oubli en ajoutant à la liste des compétences réservées des communes la distribution d'eau potable et, d'autre part, à transférer trois compétences particulières (collecte des ordures ménagères, collecte et traitement des déchets végétaux et des eaux usées) de la catégorie des domaines dans lesquels les communes peuvent intervenir vers la catégorie des domaines réservés aux communes. Elle a adopté par ailleurs un amendement précisant que les transferts de compétences aux communes se font sous réserve du transfert des ressources correspondantes.

A l'article 44 (production et distribution d'électricité), la commission a adopté un amendement prévoyant d'une part que les groupements de communes peuvent se voir déléguer la production et la distribution d'électricité et, d'autre part, que cette délégation de compétences ne peut se faire sans l'accord de la commune et le transfert des moyens nécessaires.

Aux articles 49 (règles relatives aux marchés publics et délégations de service public) et 51 (financement du logement social), la commission a adopté respectivement un amendement de précision et un amendement rédactionnel.

A l'article 52 (fonds intercommunal de péréquation), la commission a adopté un amendement de coordination ainsi qu'un amendement précisant que les représentants des communes et de l'assemblée de la Polynésie française au comité des finances locales doivent être élus, et non désignés selon les modalités fixées en Conseil d'Etat.

A l'article 53 (instauration de taxes, impôts et redevances au profit des communes), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 56 (extension du domaine public des communes), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que l'affectation éventuelle par la Polynésie française de parties de son domaine aux communes devait recueillir l'avis conforme de ces dernières.

A l'article 64 (attributions du président de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement supprimant une disposition redondante ainsi qu'un amendement prévoyant que le pouvoir réglementaire reconnu au président de la Polynésie française devait s'exercer dans le respect des compétences réglementaires du conseil des ministres de la collectivité. Elle a adopté en outre un amendement précisant que le pouvoir de nomination du président de la Polynésie française s'exerçait sous réserve de la compétence reconnue par ailleurs au conseil des ministres pour nommer à certains emplois publics. Elle a enfin adopté un amendement de précision.

A l'article 68 (information du président en matière de maintien de l'ordre), la commission a adopté un amendement prévoyant que le président de la Polynésie française serait associé à la préparation des mesures prises par le haut-commissaire en matière de coordination et de réquisition des moyens concourant à la sécurité civile.

A l'article 69 (mode d'élection du président), la commission a adopté un amendement rédactionnel ainsi qu'un amendement visant à aligner le délai de dépôt des candidatures à l'élection du président de la Polynésie française sur celui prévu par le statut de la Nouvelle-Calédonie pour les listes des candidatures à l'élection du gouvernement, le délai de cinq ans paraissant par ailleurs suffisant, dans la mesure où l'examen éventuel de l'éligibilité d'un candidat non membre de la Polynésie française s'effectuerait dans un délai maximal de quatre jours.

A l'article 70 (résultats de l'élection), la commission a adopté deux amendements de précision.

A l'article 71 (délai d'élection du président de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement harmonisant les conditions de convocation de l'assemblée de la Polynésie française avec celles de l'article 119 du présent projet de loi organique.

A l'article 75 (incompatibilités), la commission a adopté un amendement supprimant une disposition relative au régime des incompatibilités redondante avec une disposition comparable prévue à l'article 112 du projet de statut auquel l'article 75 renvoyait. Elle a par ailleurs adopté un amendement ajoutant aux incompatibilités prévues par cet article celles visées à l'article L.O. 146 du code électoral. Elle a enfin adopté un amendement supprimant une référence redondante.

Aux articles 77 (délai et déclaration d'option) et 78 (cessation des fonctions gouvernementales exercées par des membres de l'assemblée de la Polynésie française), la commission a adopté trois amendements rédactionnels.

A l'article 79 (position de l'agent public ou du salarié membre du gouvernement de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement tendant à permettre, comme le droit en vigueur le permet, à un membre du gouvernement de la Polynésie française employé dans une entreprise du secteur public, sous un régime de droit privé, de retrouver son emploi quand ses fonctions prennent fin.

A l'article 89 (détermination générale des attributions du gouvernement de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement tendant à revenir à la rédaction du statut actuel pour rappeler que le gouvernement constituait un organe collégial et solidaire.

A l'article 95 (attributions individuelles et responsabilité des ministres), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 97 (attributions consultatives), la commission a adopté un amendement indiquant que le conseil des ministres serait consulté par le haut-commissaire sur les mesures de réquisition dans le cadre de la mise en oeuvre des moyens concourant à la sécurité civile.

A l'article 102 (compétence de l'assemblée de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement rédactionnel tendant à lever une ambiguïté afin de rappeler que l'assemblée de la Polynésie française intervient dans le domaine de la loi et dans le domaine du règlement, concurremment avec le gouvernement.

A l'article 107 (application du principe de parité - nombre de candidats de chaque liste), la commission a adopté un amendement de simplification rédactionnelle.

A l'article 110 (régime des inéligibilités), la commission a adopté un amendement réparant un oubli en matière d'inéligibilité.

A l'article 114 (situation des agents publics et des salariés de droit privé élus à l'assemblée), la commission a adopté un amendement de rectification, ainsi qu'un amendement précisant que les personnes employées dans le secteur public pouvaient être régies par un statut de droit privé.

A l'article 115 (démission d'un représentant à l'assemblée), la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 124 (fonctionnement de l'assemblée de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement précisant que le règlement de l'assemblée de la Polynésie française pouvait être déféré au Conseil d'Etat statuant au contentieux.

A l'article 128 (fonctionnement de l'assemblée de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 134 (résolutions de l'assemblée de Polynésie française), la commission a adopté un amendement substituant une procédure de transmission des propositions d'actes communautaires à une procédure de consultation. Elle a en outre adopté un amendement de coordination.

A l'article 139 (« lois du pays »), la commission a adopté deux amendements tendant à rappeler que, d'une part, le droit civil et, d'autre part, les principes fondamentaux des obligations commerciales, relevaient de la compétence de la Polynésie française.

A l'article 140 (initiative des délibérations - avis du haut conseil de la Polynésie française sur les lois du pays), la commission a adopté un amendement tendant à fixer, en cas d'urgence, à la demande du président de l'assemblée ou du président de la Polynésie française, un délai pour l'avis rendu par le haut conseil de la Polynésie française sur les « lois du pays ».

Aux articles 147, 151 (composition, organisation et fonctionnement du conseil économique, social et culturel) et 153 (audition du haut-commissaire devant l'assemblée - présence des ministres aux séances de la Polynésie française), la commission a adopté trois amendements de précision.

A l'article 157 (conditions de recevabilité et d'examen par l'assemblée de la Polynésie française des pétitions de ses électeurs), la commission a adopté un amendement prévoyant que l'assemblée de la Polynésie française pouvait être saisie par voie de pétition des seules questions relevant de sa compétence, ainsi qu'un amendement rappelant que les pétitions devraient être présentées par écrit sous quelque forme que ce soit. Elle a adopté en outre un amendement supprimant une mention redondante et un amendement de précision. Elle a enfin adopté un amendement supprimant l'obligation faite à l'assemblée de la Polynésie française de se prononcer sur l'éventualité de l'inscription à l'ordre du jour d'une pétition.

Elle a adopté un amendement de réécriture de l'article 158 (application en Polynésie française des dispositions relatives aux référendums décisionnels locaux) ayant pour objet :

- de rassembler, dans la loi organique portant statut de la Polynésie française, l'ensemble des dispositions relatives aux référendums décisionnels qu'elle peut organiser ;

- de procéder à des adaptations que la rédaction initiale du projet de loi organique avait omises ;

- de permettre à l'assemblée de la Polynésie française de prendre l'initiative d'organiser un référendum local ;

- de lui donner compétence pour déterminer les modalités d'organisation du référendum local, quand bien même celui-ci porterait sur un projet d'acte relevant des attributions du conseil des ministres ;

- de confier au Conseil d'Etat le soin d'examiner en référé les recours contre l'organisation d'un référendum local ;

- d'autoriser à participer à la campagne référendaire les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins la moitié des candidats d'une liste ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour du dernier renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française ;

- de porter à trois heures la durée des émissions télévisées radiodiffusées accordée aux partis et groupements politiques représentés au sein de l'assemblée de la Polynésie française et de préciser que la durée d'émission radiotélévisée des autres partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne, plafonnée à 30 minutes, sera fixée et répartie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

M. Patrice Gélard, président, s'est interrogé sur la nécessité de prévoir des dispositions spécifiques à la Polynésie française, non codifiées, en matière de référendums locaux.

M. Lucien Lanier, rapporteur, lui a répondu que les dispositions du code général des collectivités territoriales devaient être adaptées à l'organisation spécifique de la Polynésie française.

Il lui a par ailleurs confirmé que le caractère décisionnel des résultats du scrutin serait subordonné, comme en métropole, à la participation de la moitié au moins des électeurs inscrits.

M. Jacques Larché s'est interrogé sur la nécessité de prévoir dans la loi organique que la Polynésie française peut organiser des référendums décisionnels locaux.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a rappelé que le deuxième alinéa de l'article 72-1 de la Constitution exigeait l'adoption d'une loi organique pour déterminer les conditions dans lesquelles « les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité ».

En réponse à M. Jean-Pierre Sueur, M. Patrice Gélard, président, a indiqué que, seuls, seraient habilités à participer à la campagne les groupes politiques constitués au sein de l'assemblée de la Polynésie française, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins 5 % des élus de l'assemblée de la Polynésie française, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins la moitié des candidats d'une liste ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour du dernier renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française.

Il a ajouté qu'une durée maximale d'émission de trente minutes à la télévision et de trente minutes à la radio serait mise à la disposition des partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne, mais non représentés au sein de l'assemblée de la Polynésie française par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et qu'elle serait répartie également entre chaque parti ou groupement politique sans pouvoir excéder cinq minutes à la télévision et cinq minutes à la radio.

En conséquence, la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 159 (adaptation des modalités d'organisation des référendums locaux en Polynésie française).

A l'article 167 (publication des actes ressortissant à la compétence de la Polynésie française au journal officiel de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement tendant à permettre au haut-commissaire de la République de se substituer au président de la Polynésie française en cas de carence de celui-ci pour promulguer les lois du pays.

A l'article 168 (participation au fonctionnement des services de la Polynésie française), la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 171 (transmission des actes de la Polynésie française au haut-commissaire), la commission a tout d'abord adopté un amendement rédactionnel. Elle a ensuite approuvé un amendement tendant à autoriser la transmission, par voie électronique, au haut-commissaire des actes soumis à cette obligation.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a présenté un amendement prévoyant la transmission obligatoire au haut-commissaire des autorisations individuelles d'occupation des sols. Il a mis en avant un souci de cohérence avec l'article 172, lequel dispose qu'en matière d'urbanisme, la demande de suspension de l'acte est accordée automatiquement à l'occasion de son déféré par le haut-commissaire. Il s'est toutefois interrogé sur le risque d'alourdir la charge de travail pour les autorités polynésiennes.

M. Gaston Flosse a souligné que l'obligation de transmission des permis de construire constituerait un retour en arrière par rapport à la pratique actuelle et n'irait pas dans le sens de l'autonomie. A l'issue de cet échange, M. Lucien Lanier a renoncé à cet amendement.

Enfin, la commission a adopté deux amendements tendant à limiter aux seules décisions de mise à la retraite d'office et de révocation, l'obligation de transmission au haut-commissaire des sanctions prises à l'encontre des agents de la Polynésie française.

A l'article 176 (saisine du Conseil d'Etat a priori), la commission a adopté deux amendements supprimant une mention inutile.

A l'article 177 (examen de la conformité de la loi du pays par le Conseil d'Etat), la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 178 (promulgation des lois du pays), la commission a approuvé un amendement supprimant l'obligation pour le président de la Polynésie française d'attendre un mois, à compter de la publication de la décision du Conseil d'Etat relative à la conformité partielle ou totale de la loi du pays aux normes de référence, avant de pouvoir promulguer la loi du pays.

A l'article 180 (procédure de déclassement des lois du pays), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 186 (contrôle par le juge financier des marchés et délégations de service public), la commission a approuvé un amendement précisant que la chambre territoriale des comptes peut se faire communiquer tout document relatif à la gestion des organismes soumis au contrôle de la Polynésie française.

A l'article 188 (lagons de Mururoa et Fangataufa), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 190 (actualisation des dénominations), la commission a adopté deux amendements de coordination.

A l'article 193 (actualisation du code électoral), la commission a adopté un amendement de précision.

A l'article 194 (élection du président de la République), la commission a approuvé un amendement de coordination.

Enfin, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi organique sous réserve de ces modifications.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendementsde M. Lucien Lanier, rapporteur, sur le projet de loi n° 39 (2003-2004) complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

A l'article 11 (ordonnances relatives au régime des communes et à la fonction publique communale), la commission a approuvé un amendement rédactionnel et un amendement ramenant à trois mois au lieu de six le délai dont dispose le gouvernement pour déposer devant le Parlement le projet de loi de ratification de chaque ordonnance à compter de sa publication.

A l'article 15 (propagande audiovisuelle), la commission a adopté un amendement visant à appliquer les dispositions relatives à la propagande audiovisuelle aux élections partielles organisées pour pourvoir à des vacances de sièges à l'assemblée de la Polynésie française.

A l'article 16 (code de justice administrative), la commission a approuvé un amendement actualisant le code de justice administrative et précisant que le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort à l'occasion des recours formés contre le règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française et des recours dirigés contre les délibérations décidant l'organisation d'un référendum local.

A l'article 26 (abrogation de dispositions législatives en vigueur n'ayant pas valeur organique), la commission a adopté un amendement de coordination.

Enfin, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi sous réserve de ces modifications.

Mercredi 10 décembre 2003

- Présidence de M. René Garrec, président.

Divorce - Auditions

La commission a procédé à des auditions publiques sur le projet de loi n° 389 (2002-2003) relatif au divorce.

Audition de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur à l'université de Lille II, présidente du groupe de travail sur la rénovation du droit de la famille

La commission a tout d'abord entendu Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur à l'Université de Lille II, présidente du groupe de travail sur la rénovation du droit de la famille.

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez
a salué la qualité du projet de loi, estimant qu'il constituait une excellente synthèse des réflexions conduites depuis quelques années sur la réforme du divorce. Après s'être félicitée du maintien de la distinction, spécifique à la France depuis 1975, entre quatre cas de divorce (consentement mutuel, acceptation du principe de la rupture du mariage, altération définitive du lien conjugal, faute), elle a estimé que le projet de loi permettait à la fois de dédramatiser la procédure et de responsabiliser les époux. Elle a formé le voeu que le divorce pour faute devienne résiduel.

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a observé que le divorce par consentement mutuel (actuel divorce sur demande conjointe) serait simplifié et accéléré, puisqu'il serait désormais prononcé après une seule comparution des époux devant le juge aux affaires familiales. Elle a précisé que ce dernier conserverait toutefois la possibilité d'organiser une seconde audience si les intérêts des enfants et les intérêts propres de chacun des époux n'étaient pas suffisamment préservés.

Elle a ensuite rappelé que le divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage, correspondant au cas dans lequel les époux conviennent que la vie commune est devenue impossible, mais ne s'entendent pas sur les conséquences du divorce, n'avait guère connu de succès sous sa forme actuelle. Elle a estimé que le projet de loi tendait à faciliter ce « divorce résignation » en supprimant les obligations susceptibles de créer des conflits, en particulier celle d'énoncer les faits attestant la rupture de la vie commune. Elle a toutefois observé que le caractère désormais irrévocable de l'acceptation risquait d'être source de ressentiments, en faisant valoir qu'un époux pourrait se rendre compte ultérieurement qu'il aurait eu davantage intérêt à demander un divorce aux torts exclusifs de son conjoint. Enfin, elle a regretté l'obligation faite à chacun des époux de se faire assister d'un avocat au moment de l'acceptation du principe de la rupture, les charges supportées étant souvent supérieures aux intérêts pécuniaires en jeu, et a exprimé la crainte que cette obligation, quoique justifiée par la gravité de la décision et de ses conséquences, ne paralyse la procédure.

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a en outre estimé que le divorce pour altération définitive du lien conjugal constituait l'innovation majeure du projet de loi et pourrait à terme réduire le divorce pour faute à un rôle résiduel.

Elle a salué la bonne articulation entre cette procédure et celle du divorce pour faute, puisqu'un époux ayant choisi dans un esprit de pacification la procédure d'altération définitive du lien conjugal pourra répliquer sur les fautes si son conjoint s'engage sur ce terrain. Elle s'est néanmoins interrogée sur le point de savoir si la possibilité offerte à un époux de se prévaloir d'une demande de divorce pour faute présentée par son conjoint pour invoquer une altération définitive du lien conjugal ne risquerait pas de porter atteinte au droit d'agir en justice.

Elle a estimé que l'altération définitive du lien conjugal devait résulter de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux pendant les deux ans précédant l'assignation et non, comme le prévoyait le projet de loi, durant les deux années précédant la requête initiale en divorce ou pendant une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance. Tout en convenant des risques de dévoiement de la procédure proposée, celle-ci risquant d'être engagée après un an seulement de séparation effective, le demandeur prenant en compte les délais d'audiencement, elle a souligné que les délais prévus par le projet de loi étaient trop longs et interdisaient de tenir compte d'une séparation des époux précédant l'ordonnance de non-conciliation lorsque celle-ci était inférieure à deux ans.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué qu'il présenterait à la commission un amendement répondant à cette préoccupation.

Examinant les conséquences du divorce pour altération définitive du lien conjugal, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a relevé que le projet de loi supprimait les conséquences spécifiques attachées actuellement au divorce pour rupture de la vie commune (maintien du devoir de secours, interdiction de demander une prestation compensatoire).

Elle s'est félicitée des dispositions du projet de loi tendant à ôter l'attrait pécuniaire du divorce pour faute en prévoyant que les torts exclusifs ne priveraient plus du droit à une prestation compensatoire et n'auraient plus de conséquences sur la révocabilité des donations entre époux. Elle a salué la possibilité ouverte, en contrepartie, de verser des dommages et intérêts à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal, soit lorsque le divorce était prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. Elle a néanmoins souligné le caractère précaire de l'équilibre ainsi trouvé.

En revanche, elle a déploré que le projet de loi supprime la possibilité, actuellement offerte par l'article 242 du code civil, d'invoquer contre un époux une violation renouvelée des devoirs et obligations du mariage, estimant qu'elle n'était pas cohérente avec la reconnaissance croissante des faits de harcèlement moral. Elle a ainsi souligné qu'un époux pouvait souffrir tout autant de vexations quotidiennes que de graves sévices épisodiques.

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez s'est félicitée que le projet de loi pose le principe de l'irrévocabilité des libéralités consenties entre époux pour des biens présents, déjà appliqué aux libéralités entre concubins, tout en observant que la révocation de ces libéralités resterait possible en cas d'ingratitude.

Elle s'est en revanche inquiétée de l'obligation faite aux époux, à peine d'irrecevabilité, de présenter une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux lors de l'assignation. Elle a en effet souligné que cette obligation risquait de poser des problèmes dans les cas, certes marginaux, où l'époux auteur de la demande de divorce aurait une connaissance insuffisante des revenus et du patrimoine de son conjoint, la possibilité offerte au juge de désigner un notaire pour effectuer cette estimation et faire des propositions ne lui paraissant pas suffisante.

Enfin, évoquant la réforme de la prestation compensatoire, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a salué le rétablissement de la possibilité de cumuler une rente et un capital, mais a déploré la transformation de la rente en capital au moment du décès du débiteur. Elle a jugé contradictoire de fonder l'attribution d'une rente sur l'incapacité du créancier de subvenir à ses besoins et de permettre sa transformation en capital au moment où ce même créancier, devenu âgé et incapable d'accéder au marché du travail, en aura le plus besoin. Elle a estimé que la question était posée de savoir s'il était préférable que les ressources d'un époux divorcé lui soient procurées par son ancien époux et ses héritiers ou par l'Etat.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué qu'il proposerait à la commission un amendement tendant à rétablir les critères traditionnels de la faute.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur l'opportunité de permettre une revalorisation du montant de la prestation compensatoire pour l'époux incapable au moment du divorce et dont la situation s'est détériorée. Il a rappelé que la prestation compensatoire, contrairement à la pension alimentaire, n'était révisable qu'à la baisse.

Enfin, il a observé que les héritiers de l'époux débiteur de la prestation compensatoire ne seraient plus tenus de poursuivre son versement que dans la limite de l'actif successoral.

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a ensuite indiqué que certains conjoints débiteurs de la prestation compensatoire souscrivaient une assurance-vie afin de réduire l'actif successoral et, ainsi, de diminuer les sommes dues par leurs héritiers à leur ancien époux, et que les pensions de réversion étaient d'un montant inégal. Elle a souligné que la question de la transmission aux héritiers de la charge de la prestation compensatoire relevait d'un choix de société.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est félicité de l'organisation d'auditions en réunion plénière de la commission, traditionnelle en matière de droit de la famille, et a demandé à ce que cette pratique soit plus fréquente dans d'autres domaines.

Il a rappelé que l'idée de permettre au maire de prononcer un divorce par demande conjointe, en dispensant les époux de l'obligation d'être assistés d'un avocat, avait été évoquée par le passé, mais écartée en raison de la nécessité de maintenir des contrôles. Il a proposé de supprimer cette obligation lorsque les époux n'ont ni enfants mineurs ni biens immobiliers.

Il s'est en revanche opposé à la faculté maintenue par le projet de loi pour les deux époux de se faire assister par le même avocat, soulignant la difficulté qu'aurait ce dernier à défendre de manière équitable leurs intérêts respectifs.

Par ailleurs, M. Michel Dreyfus-Schmidt a regretté la substitution de la prestation compensatoire à la pension alimentaire, plus simple et plus facile à réviser, et a jugé normal que les héritiers du débiteur, dès lors qu'ils acceptent la succession, soient tenus de poursuivre le versement de la prestation due à l'ancien époux. Il s'est déclaré favorable à la déduction de la pension de réversion du montant de la prestation compensatoire.

En réponse à M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui s'interrogeait sur la possibilité de contraindre l'époux débiteur à souscrire une assurance afin que le versement de la prestation ne soit pas mis à la charge de ses héritiers après son décès, Mme Françoise Dekeuwer-Défossez a indiqué que cette obligation, si elle était effectivement très intéressante, pourrait entraîner une charge très lourde pour le débiteur.

Elle a rappelé que l'existence de quatre cas de divorce et d'une prestation compensatoire constituait une spécificité du droit français, les autres pays ne connaissant généralement que deux cas de divorce et ayant mis en place une pension alimentaire, plus ou moins liée aux torts.

Elle a enfin estimé que l'obligation faite à chacune des parties à un divorce de se faire assister d'un avocat se traduisait par un grand nombre de procédures par défaut, le défendeur, contrairement à l'auteur de la demande de divorce, majoritairement des femmes, n'étant généralement pas éligible à l'aide juridictionnelle et préférant ne pas être représenté plutôt que de supporter des frais d'avocat jugés plus élevés que les intérêts pécuniaires en jeu. Elle a donc considéré qu'il existait un réel problème d'accès au droit pour le défendeur.

Mme Janine Rozier, rapporteur de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a souligné la précarité de la situation des femmes bénéficiaires d'une prestation compensatoire âgées et incapables de trouver un emploi.

Audition de Mme Andréanne Sacaze, avocat, vice-présidente de la conférence des bâtonniers

La commission a ensuite entendu Mme Andréanne Sacaze, avocat, vice-présidente de la conférence des bâtonniers.

Après avoir estimé que la famille, élément fondamental de la société, était en forte évolution et que le législateur devait porter une grande attention à la rupture du lien conjugal, Mme Andréanne Sacaze a souligné que le projet de loi avait été rédigé après une large concertation avec les praticiens. S'exprimant au nom de la profession d'avocat, elle a émis un avis favorable au texte présenté, indiquant néanmoins que certaines améliorations pourraient lui être apportées.

Mme Andréanne Sacaze a relevé quatre points de nature à susciter des difficultés, par ailleurs soulevées lors d'un colloque organisé le 18 septembre 2003, auquel avaient participé des avocats et des magistrats.

Elle a estimé que le juge devait être seulement le témoin de la volonté des parties de mettre fin au lien conjugal, se contentant d'exercer son contrôle sur la réalité du consentement et l'équilibre de la convention définitive de divorce, et qu'il convenait, en conséquence, de permettre également aux parties de solliciter une seconde comparution. Elle a insisté sur la nécessité de pouvoir accorder un délai aux époux, notamment afin de permettre la vente du domicile conjugal ou de tester les mesures concernant les enfants.

Mme Andréanne Sacaze a constaté que le projet de loi ne prévoyait en principe qu'une seule comparution des parties devant le juge aux affaires familiales dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel, le juge pouvant cependant décider d'une seconde comparution.

Abordant la question de la représentation des parties dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel, Mme Andréanne Sacaze a estimé, à titre personnel, que chaque époux devait être représenté par son propre avocat, tout en indiquant que cette position ne faisait pas l'unanimité au sein de la profession. Elle a estimé que le recours à un avocat unique était source de difficultés, l'avocat étant amené à jouer un rôle d'arbitre entre les parties. Elle a de plus indiqué qu'en cas d'échec des négociations entre les parties, ces dernières devaient alors se faire assister de nouveaux conseils.

S'agissant de la procédure de divorce sur demande acceptée, Mme Andréanne Sacaze a salué le fait que le projet de loi prévoie que l'accord sur le principe de la rupture ne puisse intervenir qu'en présence de deux avocats, compte tenu de son caractère irrévocable. Elle a souhaité que l'obligation du ministère d'avocat pour les deux époux intervienne dès la conciliation et non à partir de l'assignation, comme actuellement, soulignant que la conciliation deviendrait le point central de la procédure et que l'absence d'avocat pour le défendeur aboutissait à un procès inéquitable.

S'agissant du délai au terme duquel l'altération définitive du lien conjugal est constatée, Mme Andréanne Sacaze a relevé qu'il posait problème, les mesures provisoires étant caduques au terme d'un délai de six mois, alors que l'assignation pourrait n'intervenir que deux ans après l'ordonnance de non-conciliation dans certains cas. Elle s'est félicitée de l'amendement envisagé par M. Patrice Gélard, rapporteur, tendant à prévoir que l'assignation ne pourrait intervenir qu'après une séparation de deux ans.

Au sujet des dispositions du projet de loi relatives à la prestation compensatoire, Mme Andréanne Sacaze s'est déclarée préoccupée par le sort des femmes âgées de plus de cinquante ans, dont beaucoup se sont consacrées à l'éducation des enfants du couple ou à la carrière de leur époux au détriment de la leur.

Elle a indiqué que si, avant la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, cette prestation prenait, en principe, la forme d'un capital et, à titre subsidiaire, celle d'une rente, la jurisprudence avait eu tendance à privilégier cette seconde solution, la constitution d'un capital s'avérant difficile en pratique. Elle a déploré que la loi précitée ait strictement encadré les conditions d'allocation d'une rente viagère en imposant, d'une part, une décision motivée du juge et, d'autre part, une condition d'âge ou d'état de santé du conjoint ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins. Elle a regretté que le projet de loi impose encore une condition supplémentaire, l'absence de toute possibilité d'amélioration notable de l'état de santé du conjoint, et a estimé qu'il s'agissait là d'une disparition programmée de la rente viagère.

Mme Andréanne Sacaze a souligné que ces dispositions renforceraient les risques d'interprétations divergentes par les juridictions. Elle a de plus rappelé que la constitution d'un capital même placé, de faible importance dans de nombreux divorces en l'absence de patrimoine conséquent, ne permettait souvent pas à l'ancien conjoint de vivre correctement. Elle a estimé qu'il conviendrait que ce capital puisse être complété par le versement d'une rente mensuelle.

Elle a ensuite déploré le régime fiscal attaché à la prestation compensatoire, relevant que malgré l'article 280 du code civil, l'attribution exclusive d'une somme à titre de capital entre des époux séparés de biens était assimilée à une donation entre époux et lourdement imposée.

Elle a ensuite évoqué l'hypothèse dans laquelle l'ex-conjoint recevait, à titre de capital, des biens immobiliers dont il espérait tirer des revenus locatifs, en ignorant que des sûretés avaient été constituées sur ces biens. Ces derniers étant soumis à vente forcée, l'ex-conjoint se retrouvait alors, parfois à un âge avancé, sans aucune ressource.

Mme Andréanne Sacaze a enfin estimé que, sur ses autres volets, le projet de loi présenté au Parlement était satisfaisant.

Après que M. Patrice Gélard, rapporteur, eut indiqué qu'il partageait ses interrogations, Mme Andréanne Sacaze a souligné qu'il convenait également de réétudier la question de la prestation compensatoire des personnes sous sauvegarde de justice, afin de permettre une révision à la hausse de la somme leur étant versée.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé qu'il était possible, dans l'hypothèse évoquée par Mme Andréanne Sacaze, d'engager la responsabilité de l'avocat qui n'avait pas fait vérifier l'état hypothécaire concernant l'immeuble donné à titre de capital.

Puis Mme Andréanne Sacaze s'est félicitée de l'observation de Mme Janine Rozier, rapporteur de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui soulignait l'importance du soutien psychologique apporté par l'avocat dans les procédures de divorce et se prononçait pour le recours à un avocat pour chaque époux.

Audition de M. Gilles Croissant, vice-président aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris

La commission a ensuite entendu M. Gilles Croissant, vice-président aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris.

Après avoir souligné que la règle de droit se révélait impuissante à régler totalement les conflits familiaux et constaté que la décision du juge était souvent difficilement acceptée en cette matière, M. Gilles Croissant a évoqué l'évolution des mentalités, ainsi que les différentes approches juridiques du mariage depuis le droit romain. Il a relevé que les dernières évolutions législatives avaient renforcé l'égalité entre les époux, notamment en matière de parentalité, ainsi que la prise en compte de l'intérêt des enfants issus du couple.

M. Gilles Croissant a ensuite constaté l'imperfection des procédures actuelles de divorce, relevant en particulier le cas du divorce pour faute, qui donne souvent lieu à des mensonges et des humiliations entre époux, confère des effets disproportionnés aux torts des époux dans les conséquences financières du divorce et présente une durée excessive. Il a souligné, en outre, que le juge pouvait difficilement connaître la réalité de la vie familiale et que la pratique des attestations et témoignages comportait des risques d'inégalité entre les parties.

Analysant les dispositions du projet de loi, M. Gilles Croissant s'est déclaré satisfait que le texte préserve une pluralité de cas de divorce, interdise la rétractation dans le cadre du divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage, fixe à deux ans le délai au terme duquel l'altération définitive du lien conjugal peut être constatée, mette fin au devoir de secours à compter du prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, et supprime la condition tenant à l'existence de violations renouvelées des devoirs et obligations du mariage dans le cadre du divorce pour faute.

Il s'est également félicité des dispositions du projet de loi instaurant un tronc commun pour l'ensemble des procédures de divorce, des passerelles entre ces procédures, dissociant les conséquences financières du divorce et la répartition des torts, tendant à anticiper le règlement complet des conséquences financières du divorce, maintenant la possibilité d'octroyer une rente viagère et assouplissant les règles de cumul, de transmission et de révision de cette rente. Il a enfin marqué son accord avec les règles relatives à l'attribution de dommages et intérêts dans le cadre des divorces pour faute et pour altération définitive du lien conjugal, ainsi qu'avec la mesure d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal.

M. Gilles Croissant a en revanche estimé que certaines dispositions du projet de loi soulevaient des difficultés.

Il a souligné que le principe d'une comparution unique des époux devant le juge et l'assistance des parties par un avocat unique dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel risquaient de poser des problèmes dans 10 % des cas. Il a suggéré de prévoir soit le principe de deux comparutions, le juge pouvant le cas échéant n'en tenir qu'une si une seconde n'apparaît pas nécessaire, soit la possibilité pour le juge de préciser, dès la convocation, les points qu'il souhaite voir soulevés lors de la comparution et faire figurer dans la convention.

Puis il a soulevé le problème du conjoint incapable pour lequel le devoir de secours disparaîtra, seule une prestation compensatoire pouvant être attribuée, estimant qu'il convenait de mener une réflexion véritable sur cette situation. Il a ensuite jugé que la médiation familiale donnait des résultats satisfaisants. Il a indiqué que les services de la protection judiciaire de la jeunesse mettaient à la disposition du tribunal de grande instance de Paris deux psychologues. Il s'est néanmoins inquiété du développement d'un véritable « marché de la médiation familiale » et a relevé qu'en cas d'échec cette mesure ne contribuait pas à l'information du juge en l'absence de compte rendu.

M. Gilles Croissant, relevant que certains travaux antérieurs avaient cherché à subordonner le prononcé du divorce à la liquidation du régime matrimonial, s'est félicité que le projet de loi n'ait prévu que des incitations, une telle mesure pouvant retarder considérablement la dissolution du mariage.

En outre, il a indiqué que les règles du projet de loi relatives à la prestation compensatoire étaient satisfaisantes, mais a souligné le caractère trop rigide des versements.

S'agissant de la possibilité prévue par l'article 22 du projet de loi d'évincer du domicile conjugal le conjoint auteur de violences, M. Gilles Croissant s'est inquiété de l'absence de précision d'une procédure contradictoire, les éléments communiqués au juge risquant d'être particulièrement succincts.

M. Patrice Gélard, rapporteur, s'est interrogé sur la place dans un projet de loi relatif au divorce d'une disposition concernant les violences conjugales, estimant que cette situation relevait plus du droit pénal. Il a toutefois estimé que le caractère contradictoire de la procédure pourrait dissuader certains conjoints, particulièrement éprouvés, de saisir le juge.

M. Gilles Croissant a considéré que le droit pénal ne pouvait, en lui-même, régler l'ensemble des situations et que les mesures judiciaires prises non contradictoirement étaient rarement satisfaisantes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a pour sa part indiqué que le droit positif permettait déjà à un conjoint de demander à résider séparément. Il a estimé que cette question était essentielle, l'éviction d'un conjoint du domicile conjugal pouvant le conduire à la précarité.

Audition de M. François Boulanger, professeur de droit privé et de droit international privé à l'université de Paris VIII

La commission a ensuite entendu M. François Boulanger, professeur de droit privé et de droit international privé à l'université de Paris VIII.

M. François Boulanger
a tout d'abord indiqué que son intervention visait à comparer la législation française relative au divorce avec celles des autres Etats européens. Rappelant que cette approche comparatiste avait déjà prévalu en 1804 lors de la rédaction du code civil, il a toutefois estimé qu'elle ne devait pas faire oublier les spécificités françaises.

M. François Boulanger a tout d'abord rappelé que le caractère judiciaire du divorce constituait l'un des traits communs aux différentes législations européennes.

Il a toutefois remarqué qu'en Norvège et au Danemark, la procédure de divorce était administrative, le recours à une audience judiciaire étant, quoique possible en Norvège, très rare, le divorce reposant essentiellement sur un accord des époux.

S'agissant de l'Angleterre, il a indiqué que si la procédure de divorce était formellement judiciaire, le Family Law Act de 1996 avait restreint le rôle du juge. Il a précisé que la procédure reposait sur une déclaration sur l'honneur du demandeur de l'existence d'une cause de divorce, une période de réflexion étant ensuite accordée. Il a souligné l'importance de la phase de médiation précédant l'intervention du juge, l'absence d'accord entre les époux et le recours au juge engendrant de très lourdes conséquences pécuniaires pour le défendeur.

Après avoir rappelé que le droit français se singularisait par le nombre de cas de divorces, M. François Boulanger a indiqué que les deux causes principalement retenues en Europe étaient le divorce par consentement mutuel et le divorce pour rupture de la vie commune, tout en précisant que les comportements fautifs des époux pouvaient être retenus dans le cadre de l'une ou l'autre de ces procédures.

Concernant le divorce pour rupture de la vie commune, il a relevé que la délai proposé de deux ans de séparation était identique à celui retenu en Espagne pour établir l'échec du mariage. Il a par ailleurs indiqué que les législations allemande et suisse retenaient des délais variables, selon que le défendeur acquiesçait ou non. Ainsi, le délai de trois ans prévu en Allemagne peut être réduit à un an.

Il a toutefois indiqué que la faute du conjoint pouvait permettre d'écarter tout délai de séparation si elle était telle qu'elle rendait impossible le maintien de la vie commune.

Il a précisé que le délai retenu en Suisse, en principe fixé à quatre ans, pouvait être réduit si des motifs sérieux rendaient la communauté de vie impossible, avant de noter qu'en Grèce, la rupture de la vie commune était présumée lorsqu'elle était devenue intolérable.

Abordant ensuite les effets du divorce, M. François Boulanger a indiqué que seule l'Espagne connaissait la prestation compensatoire. Il a précisé qu'elle visait à compenser le déséquilibre économique issu de la rupture, et qu'elle ne pouvait être révisée qu'à la baisse et n'était pas transmissible aux héritiers du débiteur.

Il a ajouté qu'en Allemagne et en Suisse, une pension de secours pouvait être versée à l'époux défendeur incapable de reprendre une activité et dont la situation serait à défaut difficile (clause d'équité positive). Il a précisé que la pension pourrait au contraire être refusée à l'époux défendeur lorsque celui-ci avait négligé ses devoirs familiaux (clause d'équité négative). Ainsi, il a souligné que si la faute n'était pas une cause de divorce, elle était néanmoins prise en compte au niveau des effets du divorce.

Concernant le divorce sur requête conjointe, M. François Boulanger a indiqué que les législations européennes requéraient un accord préalable des époux sur l'ensemble des conséquences de la séparation. Il a insisté sur le fait qu'en Angleterre, le juge n'intervenait qu'après la médiation, laquelle s'avérait essentielle, dans la mesure où elle devait permettre de préparer toutes les conséquences du divorce.

S'agissant du projet de loi relatif au divorce, M. François Boulanger, regrettant que la Cour de cassation sanctionne peu la violation des droits et obligations du mariage, a proposé que cette notion soit précisée afin notamment de faire référence aux violences physiques et morales.

S'agissant du divorce pour altération définitive du lien conjugal, il a regretté que l'existence d'une séparation depuis deux ans constitue une présomption irréfragable, et non pas simple, de l'altération définitive du lien conjugal.

Après avoir rappelé que ce projet de loi était susceptible d'évolution, M. Patrice Gélard, rapporteur, a souligné l'intérêt d'une approche comparatiste.

Relevant l'intérêt de l'étude des dispositions anglaises, M. Robert Badinter a estimé qu'il était utile de chercher à responsabiliser davantage les époux souhaitant divorcer.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que la réforme proposée pour le divorce par consentement mutuel allait déjà dans le sens d'une plus grande responsabilisation des époux, mais qu'un divorce déjudiciarisé paraissait prématuré. Il a toutefois estimé que ce sujet serait susceptible d'évoluer dans l'avenir.

Mme Janine Rozier, rapporteur de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a elle aussi appelé à une plus grande responsabilisation des époux. Elle a donc préconisé la délivrance d'une information sur les droits et obligations des époux dès les formalités préalables au mariage.

M. François Boulanger a alors rappelé que la loi relative à l'autorité parentale avait augmenté le nombre d'articles du code civil lus lors de la célébration du mariage. En réponse à M. Robert Badinter, il a toutefois indiqué que le législateur anglais s'inquiétait du manque de contradictoire et de la faiblesse de la position du défendeur dans sa procédure.

Il a en outre indiqué que la plupart des pays européens préféraient le recours à la rente viagère.

En réponse à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, qui soulignait la conflictualité particulière des divorces entre personnes de nationalités différentes et les lacunes des conventions internationales en la matière, M. François Boulanger a indiqué que la convention internationale relative aux régimes matrimoniaux de la Haye n'avait été ratifiée que par la France, les Pays-Bas et le Luxembourg. Il a souligné que ces conflits portaient plus sur la garde des enfants que sur la liquidation du régime matrimonial.

Il a ensuite approuvé les propos de M. Jacques Larché, qui soulignait que le mariage n'était pas un contrat mais une institution, réagissant à l'observation de Mme Monique Cerisier-ben Guiga selon laquelle le mariage -a fortiori international- constituait le seul contrat que l'on signait sans en connaître la teneur.

Audition de M. Alain Benabent, avocat, professeur à l'université de Paris X

La commission a ensuite entendu M. Alain Benabent, avocat auprès de la cour de cassation, professeur à l'université de Paris X.

M. Alain Benabent
a tout d'abord souligné la qualité du projet de loi, estimant qu'elle traduisait les enseignements des débats antérieurs.

Néanmoins, il a soulevé plusieurs difficultés.

Concernant le divorce par consentement mutuel, il a déploré la suppression de la double comparution des époux devant le juge, estimant nécessaire un délai de réflexion et doutant de la possibilité de régler en une fois l'ensemble des conséquences de la séparation. Il a ajouté que cette mesure de simplification pourrait paradoxalement multiplier les contentieux postérieurs au prononcé du divorce.

Tout en regrettant le maintien du divorce pour faute, il a reconnu que la dissociation des conséquences du divorce et de la répartition des torts prévue par le projet de loi constituait toutefois un progrès et il a souhaité conserver la condition de violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage.

Il s'est ensuite interrogé sur la priorité donnée à l'examen de la demande pour faute en cas de demandes concurrentes pour faute et pour altération définitive du lien conjugal, estimant que cette disposition n'irait pas dans le sens de l'apaisement.

Observant par ailleurs les blocages occasionnés par la non-comparution fréquente du défendeur dans le cadre du divorce accepté, il a proposé de prévoir que le défaut répété de comparution vaille acceptation du principe de la rupture.

En outre, il a considéré que le projet de loi ne bouleversait pas fondamentalement l'actuelle procédure de divorce pour rupture de la vie commune, remarquant que ce divorce demeurait encore en retrait de la procédure anglaise, qui prévoit une simple déclaration sur l'honneur du demandeur. Il a ensuite estimé que le délai de deux ans de cessation de la communauté de vie était trop lourd au regard des délais du divorce par consentement mutuel simplifié. Il a donc craint que certains époux ne cherchent à extorquer le consentement de leur conjoint.

Concernant les modifications apportées aux procédures de divorce, M. Alain Benabent a tout d'abord regretté le maintien de la possibilité pour les époux d'avoir recours à un avocat commun.

S'agissant des moyens de preuve autorisés dans le cadre du divorce pour faute, il a, tout en saluant la consécration dans le projet de loi du principe jurisprudentiel d'interdiction du témoignage des descendants, également préconisé d'interdire la présentation de lettres et journaux intimes.

S'agissant des effets du divorce, M. Alain Benabent a déploré que le projet de loi n'ait pas totalement dissocié les conséquences du divorce et la répartition des torts afin d'éviter un détournement de la procédure de divorce pour faute. Il a indiqué qu'était prévue l'allocation de dommages-intérêts au conjoint défendeur à un divorce pour rupture de la vie commune ou au conjoint de l'époux aux torts exclusifs duquel est prononcé le divorce, lorsque le divorce aurait pour lui des conséquences d'une particulière gravité.

Il a ensuite estimé dangereux que le projet de loi fasse référence à l'équité pour permettre de refuser le versement d'une prestation compensatoire, et donne donc un pouvoir discrétionnaire au juge.

M. Patrice Gélard, rapporteur, ayant fait observer qu'il était déjà possible au juge d'accorder une indemnité en équité au conjoint fautif, M. Alain Benabent a néanmoins estimé qu'il était plus grave de retirer un droit en statuant en équité que de pouvoir en accorder un.

Il a par ailleurs jugé que la possibilité d'attribuer, au titre de la prestation compensatoire, à l'un des époux la pleine propriété de biens familiaux de son conjoint constituait une atteinte patente au droit de propriété. Il a donc souligné la nécessité d'une évaluation préalable de ces biens.

En outre, il s'est inquiété du principe de la substitution d'un capital à une rente viagère, y compris au décès du débiteur, estimant que la prise en compte des sommes déjà versées lors du calcul du montant du capital ne permettrait pas d'attribuer un capital d'un montant équivalent aux rentes à venir.

M. Alain Benabent a ensuite préconisé un plus grand recours au bail forcé, non plus seulement pour les résidences principales appartenant en propre à l'un des époux, mais également pour les biens indivis ainsi que pour les résidences secondaires.

S'agissant des dispositions transitoires, il a déploré que le droit ancien s'applique à toutes les procédures dans lesquelles l'assignation était intervenue.

Après avoir rappelé que la possibilité de réviser les rentes viagères était l'unique disposition satisfaisante de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire, il a estimé nécessaire que cette révision puisse désormais être effectuée, non seulement à la baisse, mais également à la hausse, tant s'agissant du montant que de la durée des rentes viagères.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a néanmoins estimé indispensable de conserver la notion d'équité afin de pouvoir refuser le versement d'une prestation compensatoire dans certains cas, en rappelant que le divorce ne devait pas conduire à l'enrichissement de l'un des époux au détriment de l'autre.

Il a ensuite jugé normal de réviser la rente viagère à la baisse en cas d'amélioration de la situation du créancier, mais a estimé que l'enrichissement de l'époux débiteur après le divorce ne pouvait conduire à une augmentation du montant de la rente versée.

Il a enfin indiqué qu'il envisageait de permettre une revalorisation à la hausse du montant de la prestation compensatoire pour les conjoints incapables dont la situation se serait dégradée.

M. Alain Benabent a cependant estimé que, si le divorce ne devait en effet pas permettre l'enrichissement de l'un des époux, la rente viagère devait toutefois pouvoir être révisée tant en fonction de l'amélioration que de la dégradation de la situation du créancier.

Rejoignant l'idée selon laquelle les époux devaient être davantage responsabilisés, M. Raymond Courrière a proposé qu'il leur soit délivré lors du mariage un document résumant leurs principaux engagements et comprenant des informations sur les procédures applicables en cas de difficultés.

Il s'est montré défavorable à la possibilité offerte aux héritiers de remettre en cause le versement d'une rente viagère, estimant qu'il n'appartenait pas à la société d'assumer le préjudice subi par le bénéficiaire du fait de la substitution d'un capital à la rente viagère, et il a considéré que rien ne justifiait l'impossibilité de réviser à la hausse une rente viagère.

M. Patrice Gélard a souligné que la prestation compensatoire avait pour unique objet de compenser les éventuelles disparités entre les époux au moment du divorce, et rappelé qu'elle différait du devoir de secours ou du versement de dommages-intérêts à vie.

Il a cependant admis que la situation actuelle des conjoints divorcés après trente ans de mariage, ou malades, n'était pas satisfaisante.