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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Commissions mixtes paritaires (Nominations)

Saisine du Conseil constitutionnel

Questions orales

Service civique

Fermeture de classes en Gironde

Fermeture de classes dans l'Aude

Salle de l'Élysée Montmartre

LGV Montpellier-Perpignan

Desserte ferroviaire des villes du Jura

Fret ferroviaire à Saint-Pierre-des-Corps

Travailleurs saisonniers

Situation sanitaire en Guyane

Fiscalité des non-résidents

Demandeurs d'asile

Sécurité routière

Intercommunalité dans les Hautes-Pyrénées

Indemnisation des délégués communautaires

Statistiques sur la sécurité

Missions locales

Services publics à Hendaye

Dérogation à l'interdiction d'épandage aérien

Équilibre des finances publiques

Discussion générale

Politique universitaire (Questions cribles)

Équilibre des finances publiques (Suite)

Discussion générale (Suite)

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Renvoi en commission




SÉANCE

du mardi 14 juin 2011

116e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Jean-Pierre Godefroy.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Commissions mixtes paritaires (Nominations)

M. le président.   - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée. N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, titulaires : Mme Muguette Dini, M. Alain Milon, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. Jean-Louis Lorrain, Bernard Cazeau, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer ; suppléants : MM. Gilbert Barbier, François-Noël Buffet, Mme Annie David, MM. Jean Desessard, Bruno Gilles, André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique des projets ayant recours à cette technique.

La liste des candidats établie par la commission de l'économie a été affichée. N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Michel Houel, Ladislas Poniatowski, Claude Biwer, Michel Teston, Alain Fauconnier, Mme Évelyne Didier ; suppléants : MM. Gérard César, Gérard Cornu, Michel Bécot, Benoît Huré, Daniel Raoul, Roland Courteau et Robert Tropeano.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président a été informé, par lettre en date du 10 juin 2011, par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d'une demande d'examen à la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région. Le texte de cette saisine est disponible au bureau de la distribution.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.

Service civique

Mme Christiane Demontès.  - Le service civique, créé par la loi du 10 mars 2010 à l'initiative du Sénat, a fait l'objet d'une enquête de satisfaction. Il remporte du succès ; en revanche, associations et jeunes déplorent le manque de moyens et l'insuffisance du nombre de missions proposées -25 000 pour 45 000 demandes, très loin des objectifs initiaux du Gouvernement. Le service civique permet à de nombreux jeunes de s'investir pour la collectivité tout en construisant leur orientation et en valorisant leur parcours professionnel. Alors qu'il est indispensable de renforcer la mixité et la cohésion sociales, ce dispositif sera-t-il enfin correctement doté ?

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Je rends hommage à la Haute assemblée d'avoir créé le service civique. Ce dispositif, qui correspond à un engagement du président de la République, est une contribution majeure de ce Gouvernement à la politique de la jeunesse dans un contexte budgétaire contraint. Le budget pour 2011 est de 100 millions. L'augmentation entre 2010 et 2013 atteint pas moins de 300 %. L'objectif est d'accueillir 75 000 jeunes en 2014, soit 10 % d'une classe d?âge ; 20 000 le seront en 2012.

Le Gouvernement, vous le voyez, accorde les moyens nécessaires à la montée en charge du service civique. En outre, le conseil d'administration de l'Agence a décidé le 9 juin que 20 000 mois supplémentaires sur agréments locaux seraient distribués d'ici la fin de l'année. Mme Pécresse prépare un décret sur la validation des acquis de l'expérience.

Mme Christiane Demontès.  - Merci de cette réponse. Pour autant, l'objectif initial du Gouvernement était de 70 000 postes dès 2012, non de 20 000. Dans ce domaine comme dans tant d'autres, le président de la République doit tenir ses engagements. Le taux de chômage des jeunes en France est anormalement élevé. Notre pays doit s'en préoccuper. C'est un enjeu de société.

Fermeture de classes en Gironde

Mme Françoise Cartron.  - En Gironde, à la rentrée prochaine, 42 classes doivent fermer, dont 11 classes en maternelle, malgré l'augmentation du nombre d'enfants scolarisés. Ainsi, l'application stricte du principe d'un départ sur deux à la retraite non remplacé augmentera les effectifs moyens par classe et fera obstacle tant à l'accompagnement personnalisé des élèves qu'à la scolarisation des enfants de deux ans. Or, l'on sait le rôle fondamental que joue la scolarisation précoce pour la réussite des enfants issus de milieu modeste. Les économies de bout de chandelle coûteront cher à la France de demain !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Chatel. Alors que le budget est contraint, le principe du « un sur deux », courageux et responsable, a été appliqué avec un grand discernement. (On en doute à gauche)

Votre département, à la rentrée 2011, connaîtra 42 fermetures de classes mais 23 créations, dont 14 en maternelle, 6 en élémentaire et 3 classes spécialisées. Le taux d'encadrement en Gironde est stable, étant donné que les enfants de deux à trois ans ne sont pas comptabilisés. La totalité des élèves de trois ans sont accueillis. L'accompagnement personnalisé n'est pas remis en cause ; il est au contraire mis en oeuvre à tous les stades de la scolarité ; plus de 230 000 élèves auront bénéficié des stages de remise à niveau.

Enfin, cette année, 17 000 postes sont créés dans l'Éducation nationale.

Mme Françoise Cartron.  - On retiendra seulement deux chiffres : 42 fermetures de classes pour seulement 23 ouvertures. La fermeture de classe n'est jamais un choix « courageux et responsable ». Chaque fois qu'un village perd une classe, un instituteur, c'est un recul.

Fermeture de classes dans l'Aude

M. Marcel Rainaud.  - Dans l'Aude, 23 postes d'enseignant sont supprimés, 174 emplois de vie scolaire : les classes en surnombre mettent en péril la sécurité des élèves et entraînent le creusement des inégalités sociales et scolaires. Au collège de Lézignan-Corbières, qui compte 1 100 élèves, les contrats d'insertion ont presque totalement disparu ; il n'y a qu'un surveillant pour 150 élèves, le poste d'aide-laborantin est supprimé -quid des travaux pratiques ? Je ne peux me résigner à une carte scolaire qui est le résultat d'un nivellement par le bas ; je ne peux me résigner à la disparition de l'école en milieu rural. Élus et populations se mobilisent. Quel avenir pour les jeunes Audois ? Quelle ambition pour l'éducation ?

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Je vous prie, également, d'excuser l'absence de M. Chatel. La France a dû emprunter 180 milliards sur les marchés, soit trois fois le budget de l'Éducation nationale. Le bon sens et la bonne gestion lui commandent d'assainir ses finances. Pour autant, notre pays compte 35 000 enseignants de plus qu'au début des années 1990 pour 540 000 élèves de moins...

Conformément aux préconisations du rapport de la Cour des comptes, le ministère de l'Éducation nationale a procédé avec les recteurs à l'examen de l'utilisation des moyens de l'État. Ses priorités pour la rentrée 2011 dans votre département sont la préservation de l'éducation prioritaire et en zone rurale, ainsi que le rééquilibrage entre l'ouest et l'est.

Contrairement à ce que vous affirmez, les taux d'encadrement sont stables dans l'Aude.

M. Roland Courteau.  - Nous ne devons pas avoir les mêmes chiffres !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État.  - Nous mettons l'accent sur les ZEP -seuls deux postes y sont supprimés- et les zones rurales. Une gestion responsable des moyens impose de les concentrer là où ils sont le plus nécessaires.

M. Marcel Rainaud.  - Les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Nous sommes loin de la révolution copernicienne annoncée. Plus rien ne tourne rond ! C'en est fini de l'objectif de l'égalité des chances !

Salle de l'Élysée Montmartre

Mme Catherine Dumas.  - Quel avenir pour la salle de l'Élysée Montmartre après l'incendie du 22 mars 2011 ? Le bâtiment, dont les décors sont inscrits au registre des monuments historiques, est un lieu emblématique de la vie culturelle et artistique à Paris depuis 1807. La société exploitante s'est vue notifier une procédure d'éviction par le propriétaire des lieux ; une opération immobilière est possible. Que comptez-vous faire pour préserver l'existence de cette salle, sa vocation et la situation des salariés et intermittents ?

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - M. Mitterrand m'a prié de vous répondre. Après le sinistre de mars 2011, tout a été fait avec le concours de la ville de Paris pour programmer dans d'autres lieux les spectacles prévus. L'État fera, fin 2011, les premières préconisations pour assurer la conservation des parties protégées ; la possibilité de reconstruction est encore à expertiser, après avis de la commission de désaffection prévue par l'ordonnance de 1945 relative aux spectacles. Sous réserve des intentions de la société propriétaire, l'État pourrait, le moment venu, prendre à sa charge une partie du coût des travaux.

Mme Catherine Dumas.  - Élue parisienne et membre de la commission de la culture du Sénat, je serai, comme M. Bournazel, conseiller de Paris, particulièrement attentive au devenir de cette salle et au maintien de sa vocation culturelle.

LGV Montpellier-Perpignan

M. Roland Courteau.  - Quel feuilleton que cette ligne à grande vitesse dont le sud de la France a tant besoin ! Nous avons perdu vingt ans au terme d'un feuilleton plein de rebondissements, commencé en 1990 avec le rapport Querrien.

Or, l'un des derniers tracés prévus par Réseau ferré de France (RFF) ne tient pas compte du risque d'inondation dans les basses plaines de l'Aude -le remblai prévu est tout à fait insuffisant-, ni de la proximité de vignobles de qualité et de zones d'activité, ni des nuisances que subiraient les riverains de très nombreuses communes, Salses, Fitou, Lapalme ou Cuxac. Ne mettons pas en péril les populations ! La responsabilité du Gouvernement serait clairement engagée. De manière plus générale, élus et populations sont déterminés à se faire entendre. Il serait dommage d'en arriver à une épreuve de force alors que des solutions existent. Il est nécessaire d'arriver à un consensus sur le tracé.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Cette ligne est un maillon stratégique du réseau européen de LGV. Le 12 mars dernier, M. Mariani a tenu à assister à la signature de la convention actant le financement des études préalables à la déclaration d'utilité publique, à hauteur de 42 millions ; l'enquête publique devrait être lancée en 2015. Les différents tracés seront présentés aux collectivités territoriales le 16 juin ; le fuseau de passage sera arrêté à l'automne.

Bien évidemment, le Gouvernement tiendra compte de l'impératif de sécurité des populations au regard du risque hydraulique et sollicitera des financements européens.

M. Roland Courteau.  - Je transmettrai ce message. Quoi qu'il en soit, nous jugerons aux actes. Élus et populations ne sont pas opposés au maillon Montpellier-Perpignan ; ils attendent seulement que leurs préoccupations légitimes et de bon sens soient prises en compte. A ce propos, quid de la ligne à grande vitesse Toulouse-Carcassonne-Narbonne ? Son abandon, d'autant que la réalisation de la ligne Bordeaux-Toulouse est confirmée, remettrait en cause la liaison Atlantique-Méditerranée. Ce serait une ineptie. J'attends des apaisements de la part du Gouvernement.

Desserte ferroviaire des villes du Jura

M. Gérard Bailly.  - La mise en service de la ligne à grande vitesse entre Mulhouse et Dijon, en décembre prochain, compliquera la desserte de la ville de Lons-le-Saunier -alors que la ligne a récemment été électrifiée grâce à des financements des collectivités territoriales- et de celle de Dole. Annulations de correspondances, suppressions de liaisons directes, changements obligatoires de trains sont au programme pour les Jurassiens. J'espère en outre que le projet Lyria ne verra jamais le jour. Il y a plus de dix ans, la SNCF avait promis le maintien de la qualité des dessertes. Nous en sommes loin d'autant que l'on diminue par ailleurs le nombre d'autorails sur la ligne de montagne entre Andelot et La Cluse.

Le Jura s'inquiète de l'abandon de toute politique d'aménagement du territoire, d'autant que ses administrés participent à hauteur de 50 millions au financement de la ligne Rhin-Rhône.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Un nouveau système de circulation ferroviaire sera en effet mis en place en décembre 2011. La mise en place de TER de substitution aux dessertes nationales supprimées peut faire l'objet d'une compensation financière par l'État ; il appartient à la région de déterminer la nouvelle offre. La région Franche-Comté travaille à maintenir la desserte de Lons-le-Saunier.

L'offre quotidienne sur Paris-Dole passera de six à cinq allers et retours. La liaison TGV Paris-Lausanne par le Jura n'est pas remise en cause même si la SNCF fera passer certains trains par Genève ; aucune décision définitive n'est prise à ce jour. Le Gouvernement souhaite une desserte équilibrée du Haut-Doubs. La grille TER pour la desserte d'Oyonnax ne comportera plus qu'un seul aller-retour ferroviaire quotidien, complété par des rotations d'autocars ; 500 usagers fréquentent chaque jour ces lignes, avec un taux d'occupation moyen de 20 passagers par circulation.

M. Gérard Bailly.  - Nous serons vigilants. Les Jurassiens, comme les autres, ont besoin de venir souvent à Paris. Il serait dommage qu'ils doivent prendre la voiture pour parcourir 80 km avant d'atteindre une gare, faute de correspondances.

Fret ferroviaire à Saint-Pierre-des-Corps

Mme Marie-France Beaufils.  - Où sont passées les promesses du Grenelle de l'environnement ? La part modale du fret ferroviaire est tombée de 22 % en 2000 à 14 % en 2009. Dans cette enceinte, j'ai souvent relayé les inquiétudes des PME du Centre concernant les fermetures de lignes et le devenir de la gare de Saint-Pierre-des-Corps.

Il faut relancer le fret ferroviaire, a dit Mme la ministre ; nous avons aujourd'hui besoin d'actes. Je lui demande d'intervenir auprès de la direction du fret SNCF pour que la gare de Saint-Pierre-des-Corps soit réintégrée dans le système national « multi-lots multi-clients ». Le trafic vers l'Espagne pourrait être nettement amélioré -le fret ferroviaire représente à peine 4 % des échanges à Hendaye. Les choix politiques sont en cause, plus que la crise économique. Le port de Nantes-Saint-Nazaire a besoin de débouchés, les routes sont surchargées. Il est temps de concrétiser le Grenelle !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - En complément de l'engagement pour le fret ferroviaire pris par le Gouvernement, la SNCF a proposé un nouveau schéma directeur depuis 2009. Cette nouvelle offre, alors que le secteur a été ouvert à la concurrence, met l'accent sur le développement de flux industriels en trains complets. L'offre « multi-lots multi-clients » pour répondre aux besoins en wagons isolés est en place depuis décembre 2010.

S'agissant de Saint-Pierre-des-Corps, la difficulté tient à l'absence de grands chargeurs ferroviaires sur place ; la gare est cependant maintenue dans le catalogue de l'offre « wagon isolé ». Elle reste active. Quant au port sec de Vierzon, l'implantation d'une plate-forme multimodale pourra être examinée si l'activité de chargement le justifie.

L'État est déterminé à développer le transport ferroviaire ; la SNCF doit y prendre sa part, en modernisant son organisation pour obtenir une offre compétitive.

Mme Marie-France Beaufils.  - J'entends dire que la SNCF doit respecter des objectifs économiques d'équilibre. Mais l'exigence de trains complets ne va pas dans le sens de l'aménagement du territoire. Mieux vaudrait fonder le raisonnement sur les besoins objectifs des clients ; ainsi pourrait-on développer une logique de réseau associée à une logique d'axes, pensée sur l'ensemble du pays. L'étude prospective du comité central d'entreprise de la SNCF serait une bonne base de raisonnement.

Travailleurs saisonniers

Mme Annie David.  - La France accueille 78 millions de touristes, qui ont rapporté 145 milliards d'euros. Pourtant, les 400 000 salariés en CDD saisonniers subissent de nombreuses inégalités de traitement. Un amendement que j'avais fait adopter par le Sénat, pour y remédier, lors de l'examen du texte relatif aux territoires ruraux a été malheureusement supprimé par l'Assemblée nationale. Le travail saisonnier n'est pas défini par la loi ; la reconduction des contrats n'est pas automatique ; les CDD saisonniers ne donnent pas lieu à la prime de 10 % en fin de contrat.

Il faut construire un cadre pour la saisonnalité. Le médiateur de la République a formulé des propositions de réforme, dont ont été destinataires de nombreux membres du Gouvernement. Celui-ci est donc bien informé. Que compte-t-il faire ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Ce rapport propose de définir le caractère légal de la saisonnalité -ce qui ne paraît pas s'imposer puisque la jurisprudence de la Cour de cassation est claire et constante. Il propose aussi de poser en principe la reconduction annuelle du contrat et le versement de la prime de 10 % ; des études préalables s'imposent, de même qu'une concertation avec les partenaires sociaux.

Le Gouvernement se félicite que la convention du 6 mai 2011 sur l'indemnisation du chômage ait permis d'améliorer celle des saisonniers.

Mme Annie David.  - Le Gouvernement connaît déjà les positions des partenaires sociaux ! La jurisprudence est claire ? Sans doute mais la saisonnalité se développe dans des domaines nouveaux, grande distribution par exemple. Les saisonniers vivent dans une précarité inacceptable. J'invite le Gouvernement à relire les propositions du Médiateur.

Situation sanitaire en Guyane

M. Georges Patient.  - Le 11 juin, s'est tenue à Cayenne une conférence régionale sur le rattrapage sanitaire. La situation de la Guyane est grave : l'espérance de vie y est quatre ans plus basse qu'en métropole, la mortalité infantile plus de deux fois plus importante, des pathologies comme le VIH ou la tuberculose y ont des prévalences plus élevées. Nous manquons de professionnels de santé et avons 2,5 fois moins de structures sanitaires que la Corse, à population comparable.

Mme Dini, présidente de notre commission des affaires sociales, a regretté, de retour d'une mission aux Antilles et en Guyane, le retard pris dans la mise en oeuvre du plan de santé outre-mer. Et ce retard s'accentue alors que la croissance démographique atteint 3,9 % par an et que les caractéristiques géographiques de mon département rend malaisé l'accès de tous aux soins.

Que compte faire le Gouvernement ?

M. Marc Daunis.  - Très bien !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Mme Berra m'a transmis sa réponse.

Le plan santé outre-mer évalue les retards de nos régions ultramarines. En rattrapage et en mesures exceptionnelles la Guyane a reçu plus de 110 millions ; des mesures structurelles sont engagées. Les études médicales se développent en Antilles-Guyane, avec un numerus clausus élargi et une généralisation des techniques modernes, comme la télémédecine.

Pour accompagner le passage à la T2A, l'ARS a mis en place un comité de veille. Le programme stratégique régional de santé du 24 mai 2011 mis en oeuvre tiendra compte des retours d'expérience. Fruit d'une longue concertation, il prolongera les efforts importants réalisés en Guyane.

M. Georges Patient.  - Les élus guyanais unanimes attirent l'attention du président de la République et du Gouvernement sur les enjeux urgents, à Cayenne, Saint-Laurent et pour la construction d'un hôpital de 165 lits dans l'ouest. Ils ont adopté une motion le 11 juin, soutenue par l'ensemble des responsables de structures hospitalières de Guyane, que je vais vous remettre, monsieur le ministre.

Fiscalité des non-résidents

M. Richard Yung.  - Selon l'article 164 A du code général des impôts, les personnes ayant leur domicile fiscal hors de France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global imposable. Cela fait problème quand la personne en question ne perçoit aucun revenu de source étrangère.

Saisi de ce problème, lors de la discussion de la dernière loi de finances, Bercy s'est engagé à publier une instruction fiscale. Où en est la préparation de ce document ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Les personnes résidant en France sont astreintes à une déclaration en France, avec contribution illimitée mais assortie d'avantages fiscaux, les non-résidents, imposés sur leurs revenus de seule source française ont une obligation fiscale limitée et ne se voient pas reconnaître la possibilité de bénéficier d'avantages fiscaux.

La jurisprudence Schumacker de la Cour de justice conduit à prendre en compte le cas des non-résidents ayant des revenus de source exclusivement française qui pourront bénéficier d'allègements de charges à condition de ne pas en bénéficier dans leur État de résidence. L'instruction fiscale est en préparation et sera publiée très prochainement.

M. Richard Yung.  - Le cas de figure auquel je pense est celui du retraité modeste qui vit à l'étranger et doit verser une pension alimentaire. Celle-ci n'est pas déduite de son revenu imposable ; Bercy pourrait traiter avec doigté ces situations particulières.

Demandeurs d'asile

M. Marc Daunis.  - Qu'il s'agisse de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les demandeurs d'asile, du Cedesa ou de la directive du 27 juillet 2003, les textes ne manquent pas, qui imposent d'héberger et d'accompagner les demandeurs d'asile durant la procédure. Ce droit n'est pas appliqué, l'État ne remplit pas ses obligations.

Dans les Alpes-Maritimes, aucune solution pérenne n'est proposée aux 200 demandeurs d'asile. La notion de « départ volontaire » recouvre des réalités différentes, avec des familles qui se trouvent éclatées par des gestes de désespoir.

Le nombre de demandeurs d'asile n'est pourtant pas considérable : les Alpes-Maritimes sont le quinzième département. En outre, la France pratique un jeu à somme nulle, entre les demandeurs qu'elle reçoit et ceux qu'elle renvoie vers d'autres États européens depuis la directive du 22 février 2003, qui rend obligatoire le dépôt de la demande d'asile dans le pays d'arrivée. Au reste, la Cour européenne des droits de l'homme conteste cette procédure.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - M. Guéant m'a chargée de vous répondre sur ce sujet grave. Le Gouvernement ne cesse de proposer des améliorations que vous refusez systématiquement. Le droit d'asile est une tradition républicaine. Tout demandeur bénéficie d'un accueil approprié. Chacun sait que l'évolution de la demande d'asile est liée à des facteurs extérieurs. L'augmentation est incessante depuis 2007.

Les centres d'accueil, avec plus de 21 000 places répondent parfaitement aux besoins des demandeurs d'asile. Votre région est la quatrième de la métropole pour les capacités d'accueil. L'État assume ses devoirs en appliquant les textes que vous avez votés entre 1997 et 2002 et refusés depuis !

M. Marc Daunis.  - Je regrette le ton de cette réponse. Je peux adopter le même et évoquer la distance entre les actes et les promesses du candidat Sarkozy ! En outre, votre réponse contient deux inexactitudes. Il y avait 200 places en Cada en Alpes-Maritimes ; il n'y en a pas davantage. Le projet, financé, d'en créer 80, a été abandonné.

Une progression du nombre de demandeurs d'asile ? Pas en 2011 dans mon département.

Il est inadmissible que le préfet ne juge pas devoir répondre à la demande d'un parlementaire : mes deux interpellations sont restées sans réponse. Des enfants sont à la rue, des familles sont éclatées. Un Tchétchène de 26 ans qui allait se marier, qui était innocent de quoi que ce soit, s'est défenestré à Nice, il y a quelques semaines, par peur d'une action diligentée par un juge antiterroriste. De tels drames ternissent l'image de la France.

Sécurité routière

M. Jacques Mézard.  - Enlever les panneaux avertisseurs de radars n'aidera pas les automobilistes à contrôler leur vitesse. Nos routes et autoroutes font l'objet de limitations de vitesse qui varient sans cesse, au point que les conducteurs ne savent plus à quelle vitesse ils doivent rouler à tel endroit.

Les constructeurs continuent à développer des voitures moyennes qui peuvent dépasser les 220 km/h. Cela n'a aucun sens.

Réduire à zéro le taux d'alcool toléré serait un moyen efficace d'améliorer la sécurité routière, quitte à déplaire à certains lobbies.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - La sécurité routière est une priorité absolue pour le Gouvernement. Notre fermeté a sauvé 23 000 vies et évité 300 000 blessés. Une dégradation ayant été constatée au début de l'année, le comité interministériel de la sécurité routière du 11 mai a pris des décisions : dissuader la vitesse excessive et la conduite en état d'ébriété ou sous l'emprise de stupéfiants, sécuriser l'usage des deux-roues.

Les panneaux avertisseurs de radar n'ont plus d'effet préventif. Leur suppression a donc été engagée, en concertation avec les commissions locales de la sécurité routière. Ils seront remplacés par des radars pédagogiques. Les avertisseurs de radar ne doivent fonctionner que pour prévenir des zones dangereuses et des limitations de vitesse. Le Gouvernement a donné instruction aux préfets de mettre en cohérence les vitesses sur les réseaux routiers.

Des éthylomètres embarqués sont prévus. La Loppsi 2 prévoit la confiscation obligatoire de véhicules conduits sous l'emprise de l'alcool ou d'un stupéfiant.

Vous le voyez, prévention et répression se combinent pour faire baisser le chiffre des tués.

M. Jacques Mézard.  - Les radars étaient posés dans des zones accidentogènes, d'où l'utilité des panneaux avertisseurs : ces zones demeurent.

Au-delà de la répression, l'alcoolémie est une affaire de taux.

Quant aux constructeurs, le Gouvernement ne va évidemment pas les mettre en cause.

Intercommunalité dans les Hautes-Pyrénées

Mme Josette Durrieu.  - Le schéma intercommunal prévu par le préfet des Hautes-Pyrénées maintenait les trois communes de Séron, Luquet et Gardères, des enclaves historiques du XIe siècle, dans le canton d'Ossun. Hélas, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, sur instruction du ministère, veut les intégrer dans la communauté d'Ousse-Gabas.

Quelle méthode allez-vous utiliser pour résoudre le problème posé par ces enclaves historiques ? Le critère de la continuité territoriale ne doit pas bouleverser l'organisation historique de ces territoires. L'important est de maintenir la cohérence et d'entendre les demandes légitimes des élus et des populations.

Quelle est la position du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Notre objectif est de supprimer les enclaves territoriales. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques s'est conformé au code général des collectivités territoriales (CGCT) qui ne prévoit aucune dérogation à cet objectif, qui a fait l'objet d'un large consensus parlementaire. Certaines intercommunalités, constituées il y a plusieurs années, ne sont pas cohérentes. Elles ont été acceptées parce qu'elles engageaient le mouvement. Mais cette considération ne se justifie plus. La discontinuité n'est plus acceptable.

Dans le cas que vous évoquez, le préfet des Hautes-Pyrénées a été informé par celui des Pyrénées-Atlantiques de sa proposition de rattachement, qu'il a trouvée logique. Il dispose de trois mois pour se prononcer après saisine de la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) en juillet. Des contre-propositions pourront être faites par les communes, mais celles-ci ne sauraient aller contre le principe de continuité territoriale.

Mme Josette Durrieu.  - Quelle rigidité ! Quelle fermeture ! Quelle hâte ! Je regrette que vous refusiez de prendre en compte l'histoire et les projets. La cohérence géographique ne peut être imposée à des élus qui ont, à une certaine époque, oeuvré au développement de leur territoire.

Aucun de vos arguments ne trouve place dans un raisonnement cohérent. Les deux préfets proposent, la CDCI va se prononcer et les deux tiers des élus choisiront. Je crois qu'ils seront unanimes à rejeter la demande du préfet des Pyrénées-Atlantiques, c'est-à-dire du ministre.

L'efficacité, dites-vous ? Laquelle ? Une efficacité politique peut-être, et non d'aménagement du territoire...

Indemnisation des délégués communautaires

M. Claude Léonard.  - La multiplication des structures intercommunales a retenti sur le nombre de réunions imposées aux élus. Les membres d'exécutifs sont indemnisés mais pas les autres, qui subissent pourtant aussi cette pression chronophage.

La dotation « élu local » pourrait être majorée sans que les finances publiques soient mises à mal : elle ne représente que 65 millions.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Les fonctions électives sont gratuites mais des indemnités peuvent être perçues par les responsables d'exécutifs, selon un barème correspondant à la strate de population. Le législateur a exclu les simples délégués communautaires du bénéfice d'une telle indemnisation. Toutefois, ceux-ci peuvent avoir un droit à crédit d'heures, à une formation, à une compensation de perte de ressources en cas d'absence professionnelle ; ils sont protégés contre toute discrimination de leur employeur.

Le Gouvernement, conscient des difficultés rencontrées en raison de la charge de travail, a trouvé une solution dans la récente loi sur le conseiller territorial pour mieux indemniser les conseillers des communautés de communes sans alourdir le budget des collectivités, en prenant sur l'enveloppe des indemnités accordées aux président et vice-présidents.

M. Claude Léonard.  - Merci infiniment de cette réponse à cette question plus que jamais d'actualité avec la première élection des conseillers territoriaux en 2014.

Statistiques sur la sécurité

M. Jean-Paul Fournier.  - Le maire tient désormais un rôle central dans la sécurité. Ne faudrait-il pas affiner les statistiques pour refléter cette évolution ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - M. Guéant, retenu ce matin, se déplacera bientôt dans votre ville ; ce sera l'occasion d'approfondir ce sujet.

La sécurité est l'affaire de tous. Depuis la Révolution française, et la loi de 1884, le maire est doté de pouvoirs de police. La loi du 5 mars 2007 a pris acte de cet héritage pour faire du maire un acteur incontournable de la politique de sécurité. Celle-ci, contrairement aux idées préconçues, n'est pas affaire d'idéologie ; sa réussite tient à la coopération étroite entre État et collectivités territoriales. Depuis plus de mille conseils locaux de sécurité ont été créés, 400 contrats signés, mille conseils des droits et devoirs des parents installés, des maires pratiquent le rappel à l'ordre et ont recours à la transaction, des cellules de citoyenneté et de tranquillité publique vont voir le jour à Chateaurenard. Voilà l'enjeu de cet impératif quotidien pour protéger la sécurité de nos concitoyens.

M. Jean-Paul Fournier.  - Lorsque M. Guéant viendra à Nîmes, lundi prochain, assister à la mise en place du conseil des droits et devoirs des parents, je lui soumettrai des propositions. L'important est le partage au plan local des informations entre les différents maillons de cette politique : gendarmerie, police nationale et police municipale.

Missions locales

Mme Bernadette Bourzai.  - La circulaire du 19 janvier 2011 remet en cause l'existence des missions locales et leur gouvernance partagée entre État et collectivités. De fait, avec elle, on passe d'une logique de conventionnement à une approche de financement par projet, dans un esprit de marché public, d'un accompagnement global du jeune à un suivi centré sur l'emploi.

L'Union nationale des missions locales (UNML), relayée par l'Association des régions de France, vous a alerté sur les dangers de ce texte en février. Allez-vous appliquer le moratoire demandé et renégocier le texte ?

Le groupe de travail doit rendre ses conclusions à la mi-juin. Nous sommes le 14. Où en est-on ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Les moyens alloués aux missions locales en 2011 sont constants par rapport à l'an passé : 198 millions. En revanche, pour répondre aux besoins, un rééquilibrage est intervenu entre régions et départements, comme l'avaient souhaité les missions locales elles-mêmes.

Une nouvelle logique est nécessaire pour professionnaliser le réseau des missions locales, comme l'avait proposé le rapport de l'IGF qui reconnaissait la capacité du réseau à accompagner les jeunes vers l'emploi, gage de leur insertion.

Enfin, la circulaire, qui fait débat, fera l'objet d'une consultation après que le groupe de travail aura rendu ses conclusions.

Mme Bernadette Bourzai.  - Cette réponse reste insuffisante. Quand connaîtra-t-on ces conclusions ? La situation est critique dans le Limousin, où la charte interfinanceurs est menacée. Nous suivons 20 % des jeunes de 15 à 24 ans. Un pays qui ignore sa jeunesse n'a plus d'avenir !

Services publics à Hendaye

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - D'après les estimations, 30 % des résidents de la ville d'Hendaye ne sont pas de langue française. La situation de cette ville frontalière, qui accueille également de nombreux voyageurs, doit être prise en compte.

Il faut prévoir un système dérogatoire pour les services publics, de l'Éducation nationale à la gendarmerie. En 2010, une mission parlementaire sur la politique transfrontalière a préconisé un schéma de service transfrontalier à l'échelle des bassins de la population. Comptez-vous adopter cette préconisation ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Le Gouvernement se saisit de ce problème. La coopération interrégionale et transfrontalière s'est développée depuis 20 ans et notre code général des collectivités locales a été modifié par la loi de 2008 pour permettre la création de groupements européens de coopération : le premier concernera la frontière du Luxembourg. Cela constitue une piste sérieuse.

Le Gouvernement travaille, inspiré par le rapport de la mission parlementaire de 2010, en s'appuyant sur la Datar et l'ambassadeur à la coopération transfrontalière.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - J'aurais aimé plus de précisions...

Hendaye n'est pas une ville frontière mais une frontière qui est une ville. On y parle trois langues : le français, l'espagnol et le basque. Les frontières nationales y font obstacle à l'accès aux services publics. Puisse l'intégralité des dix-neuf préconisations du rapport être mise en oeuvre rapidement ! La population a besoin de services publics, et en particulier de conserver son commissariat, compte tenu de l'étendue des problèmes de toxicomanie et de délinquance.

Dérogation à l'interdiction d'épandage aérien

M. Alain Houpert.  - La loi du 12 juillet 2010 a interdit l'épandage aérien de produits phytosanitaires tout en autorisant des dérogations. Hélas, le décret n'a pas été publié, ce qui pénalise les viticulteurs bourguignons. Le ministre va-t-il prévoir un système transitoire, comme l'an dernier, afin que les viticulteurs ne pâtissent pas de dysfonctionnements administratifs ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - L'arrêté du 31 mai 2011, qui fait l'objet d'une large concertation, a fixé les conditions de dérogation : l'existence d'un danger, l'impossibilité de le combattre par voie terrestre. Cette dérogation peut être ponctuelle ou annuelle. Dans ce dernier cas, la dérogation fait l'objet d'un arrêté préfectoral concernant certains couples cultures/nuisibles (vigne, maïs, banane...). Cet arrêté répondra aux attentes des viticulteurs bourguignons !

M. Alain Houpert.  - La vigne a besoin d'amour et d'eau fraîche pour vivre... mais aussi d'intrants, en l'occurrence, des produits phytosanitaires. Le viticulteur qui élève sa vigne la soigne pour pouvoir offrir un vin de qualité. En Côte-d'Or, en raison des caractéristiques géographiques, un épandage aérien s'impose.

La séance est suspendue à midi cinq.

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présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Équilibre des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques.

Discussion générale

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.  - Point de projet de loi de révision constitutionnelle qui laisse indifférent ! Celui-ci marque une étape décisive car il donne tout son poids à la notion de responsabilité en matière de finances publiques. Les déficits incessants depuis trois décennies montrent que la France souffre d'une incapacité structurelle à maîtriser ses comptes à moyen terme. D'où la mission confiée à M. Camdessus par le président de la République. Dès l'été 2010, nous mettions en oeuvre les préconisations de ce groupe de travail qui n'imposaient pas de révision constitutionnelle. Les lois de programmation des finances publiques, récemment créées, donnent une idée de ce que pourraient être les lois-cadres en la matière. Une circulaire rendait également obligatoire l'inscription des mesures fiscales et des recettes de la sécurité sociale dans les lois financières -loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale. Notre ambition est de consolider ces avancées en les inscrivant dans la loi fondamentale.

Il s'agit, d'une part, de créer un nouvel instrument juridique avec les lois-cadres d'équilibre des finances publiques, qui devront être respectées sous peine de censure. Tout déficit temporaire devra être accompagné des voies et moyens d'un retour à l'équilibre. Ces lois-cadres seront systématiquement déférées au Conseil constitutionnel avant leur adoption ; de plus, le Conseil constitutionnel vérifiera chaque année la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à l'effort programmé en loi-cadre.

Nous voulons également éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales. Le Gouvernement s'impose déjà cette discipline, sur le fondement d'une circulaire adoptée en juin 2010 qu'il convient d'institutionnaliser. Ainsi évitera-t-on le foisonnement des niches fiscales et sociales. La nouvelle rédaction de l'article 34 que nous vous proposons n'apportera qu'une restriction formelle -et en aucun cas matérielle- à l'initiative parlementaire : des dispositions d'origine parlementaire pourront toujours intervenir sur tout sujet fiscal, mais pas à tout moment.

Les textes financiers rassemblent déjà la très grande majorité des articles fiscaux promulgués. Ainsi, le monopole fiscal proposé dans la révision constitutionnelle n'introduirait pas de rupture par rapport à la situation actuelle : il viendrait confirmer une évolution déjà largement engagée.

Lorsque des réformes fiscales ou budgétaires importantes exigeront un débat parlementaire spécifique, le Gouvernement pourra déposer des projets de loi ad hoc.

Le Gouvernement est ouvert à la discussion, pour autant qu'elle améliore le texte sans le dénaturer.

Enfin, nous voulons graver dans le marbre le principe de la transmission systématique au Parlement du projet de programme de stabilité, avant sa transmission à Bruxelles. Cela renforcera la puissance des engagements français face à nos partenaires européens. Le Gouvernement marque ainsi l'importance qu'il accorde aux parlementaires.

Avec ce projet de loi, nous souhaitons assurer la pérennité de l'effort de maîtrise des dépenses publiques.

Mme Nicole Bricq.  - Il faudrait déjà l'instaurer !

M. François Baroin, ministre.  - Ce projet de loi s'inscrit au contraire dans un effort de long terme, qui vise à garantir notre modèle social et notre souveraineté nationale pour les générations futures. Les règles que nous proposons aujourd'hui témoignent de notre détermination, tout en préservant les marges de manoeuvre des dirigeants publics. Je souhaite que nos discussions soient empreintes du même esprit de responsabilité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Cette réforme constitutionnelle, d'un style très particulier, est essentielle.

Le Gouvernement s'est engagé dans une démarche d'assainissement des comptes publics.

M. Guy Fischer.  - L'hyper austérité !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il s'agit de maitriser notre destin collectif. M. Fischer nous soutiendra donc ! (Sourires)

La restauration durable des finances publiques exige aussi une modification de notre gouvernance institutionnelle.

Pour les collectivités territoriales, la loi a posé de longue date le principe de l'équilibre des comptes. Il a ainsi été prévu que les recettes des privatisations iraient au désendettement ou à des dépenses en capital. Ce projet de loi va plus loin en inscrivant dans la Constitution l'objectif de retour à l'équilibre et d'en prévoir les moyens.

Depuis trente-cinq ans, aucun budget n'a été équilibré. Il faut donc rendre juridiquement contraignants -et donc crédibles et moins coûteux- les effets de réduction des déficits. L'instauration d'une norme financière contraignante est seule à même de préparer l'avenir. Comme pour la Lolf, votée il y a dix ans, cela suppose un consensus auquel je veux croire.

L'engagement de cinq commissions du Sénat -les trois commissions initiales des lois, des affaires sociales et des finances auxquelles il faut ajouter les commissions de l'économie et de la culture- est un signe favorable, auquel le Gouvernement est sensible.

La Constitution est aussi un pacte organisant le vivre-ensemble. Je salue donc le consensus des six rapporteurs.

Mme Nicole Bricq.  - Vous rêvez !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je compte sur votre accord, au moins in pectore. (Sourires)

Vos commissions ont approuvé la création de lois-cadres d'équilibre des finances publiques, qui constituent un outil essentiel de retour à l'équilibre. La période couverte par ces lois-cadres sera de trois ans au moins, ce qui ne fait pas obstacle au vote d'une unique loi-cadre pour une législature.

Les députés ont prévu la possibilité de modifier les lois-cadres en cours d'exécution pour tenir compte des variantes de la conjoncture. L'intervention du Conseil constitutionnel, après l'examen du texte à l'Assemblée nationale, semble complexe mais sera complète : un contrôle systématique en sus de la possibilité de la saisine. Un accord sur ces points semble possible au Sénat.

Le projet de programme de stabilité devra être adressé aux assemblées parlementaires deux semaines avant les instances communautaires ; il pourra faire l'objet d'un débat et d'un vote. Cette consécration constitutionnelle est très importante pour le Parlement. Je me félicite donc de l'accord qui paraît devoir se dégager ici sur le sujet.

Enfin, le projet de loi donne un monopole aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale sur les sujets de cette nature. Cela a été critiqué au nom des droits des parlementaires. Le malentendu là-dessus a été dissipé. (Manifestations d'étonnement à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Expliquez-nous !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il s'agit, pour le Gouvernement et le Parlement, de s'obliger à une discipline plus rigoureuse pour les niches sociales.

Mme Nicole Bricq.  - Vous parlez d'or ! 125 milliards de niches créées en dix ans !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je me félicite que vous suiviez le Gouvernement sur la voie de la discipline budgétaire.

Mme Nicole Bricq.  - Faites ce que je dis et pas ce que je fais !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il ne s'agit certes pas de mettre en cause les droits du Parlement, mais de l'impliquer pleinement dans la maîtrise des finances publiques. L'Assemblée nationale a invoqué l'article 41, sur le partage de l'initiative entre Gouvernement et Parlement, et souhaité que les parlementaires puissent déposer des propositions de lois financières, quitte à ce que le Conseil constitutionnel les censure. Ce dispositif subtil a les inconvénients de ses avantages. Le Sénat appréhende le monopole des lois de finances sous un autre angle, et manifeste son inquiétude sur la possibilité d'examiner une réforme d'ensemble sans en évoquer le financement. Je fais confiance à votre esprit de responsabilités pour aboutir à un équilibre acceptable par le Gouvernement.

Si j'osais formuler sinon un conseil, du moins un avis, monsieur le président de la commission des lois, ce serait d'en revenir à la définition de la loi et à celle du budget et notamment à l'arrêt du Conseil d'État de 1924, Syndicat général des assureurs conseils du Territoire de Belfort, selon lequel le budget est une loi dans la forme mais pas dans le fond.

M. Jean-Pierre Michel.  - Il existe bien d'autres textes !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je compte sur l'esprit de finesse des juristes...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - Ne me tentez pas !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je fais aussi confiance à votre volonté d'aboutir. Il faut en finir avec « l'insoutenable légèreté de la dette » évoquée par votre rapporteur général !

M. Jean-Pierre Michel.  - Et les frégates de Taiwan ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cette réforme qui n'a ni pour objet ni pour effet d'abaisser le Parlement. Le débat qui s'ouvre, j'en suis convaincu, fera émerger des solutions réalistes pour en préciser les modalités. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous avons voté une réforme importante de la Constitution en 2008 pour renforcer les droits du Parlement.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - C'est le contraire aujourd'hui.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le Gouvernement dépose aujourd'hui un projet de loi constitutionnelle...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Pour annuler le précédent ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nullement : pour retrouver l'équilibre des finances publiques.

Mme Nicole Bricq.  - Voeu pieux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est plus que temps de prendre des mesures fortes de rééquilibrage ; et comme dans d'autre pays, pourquoi ne pas chercher le secours du droit pour surmonter notre incapacité à juguler l'emballement de la dette.

Toutefois, l'encadrement nécessaire du pouvoir budgétaire doit peut-être moins viser le Parlement -l'article 40 est là- ou les collectivités locales que le Gouvernement.

Le Premier ministre a imposé par circulaire une discipline budgétaire bienvenue. Ce projet de loi constitutionnelle s'articule en trois volets et s'inscrit dans l'approche timide engagée en 2008 avec la loi de programmation des finances publiques. MM. Arthuis et Marini voulaient aller plus loin ; l'Assemblée nationale ne les a pas suivis.

Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques remplaceraient ces lois de programmation. Une loi organique en précisera le contenu ; j'aurais aimé plus de précisions dans la Constitution elle-même, comme en Allemagne. Le caractère impératif de ces lois-cadres est renforcé par plusieurs dispositions de ce projet de loi. La procédure de leur adoption est calquée sur celle des lois de finances et de financement, dont l'Assemblée nationale a avancé les dépôts au 15 septembre et au 15 octobre.

Comme les lois organiques, ces lois-cadres feront l'objet d'un contrôle obligatoire par le Conseil constitutionnel.

Le vote annuel du Parlement sur le programme de stabilité est un progrès incontestable. On aurait pu en rester là, mais le groupe de travail Camdessus a souhaité l'inscription de la règle du monopole, approuvée par nos éminents collègues de la commission des finances. Cela pose tout de même un gros problème. La commission des lois de l'Assemblée nationale proposait purement et simplement de supprimer ce monopole, qui empêcherait d'accompagner une réforme d'une évaluation de son coût. En outre, son caractère à la fois fiscal et social alourdirait considérablement la procédure. Et surtout, on réduirait ainsi le pouvoir d'initiative parlementaire.

M. Jean-Pierre Michel.  - Quel abaissement du Parlement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Enfin, le monopole poserait des problèmes d'articulation avec les irrecevabilités financières de l'article 40 de la Constitution. Adieu les gages !

Assez curieusement, et sans aucune explication, l'amendement de suppression de la commission a été retiré, au profit d'une construction compliquée d'irrecevabilité-inconstitutionnalité qui cadre mal avec l'actuel article 41 de la Constitution et ne valorise pas vraiment l'initiative parlementaire.

Je dois rappeler l'initiative du Sénat dans la révision constitutionnelle de 2008, instituant la validation par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale des mesures fiscales ou relatives aux cotisations sociales prises dans les lois ordinaires ; c'est la solution qu'a retenue la commission des lois soutenue par celles de l'économie, des affaires sociales, de la culture.

Dans l'esprit de la proposition de M. Carrez, la commission des finances propose que toute loi ayant des incidences financières soit accompagnée d'une loi de finances, ou de financement, rectificative. Cette solution pose des problèmes d'articulation des travaux parlementaires et semble difficilement compatible avec l'application de l'article 72-2 de la Constitution. J'ai posé quatre fois la question : on ne m'a jamais répondu ! Le Sénat n'est pas prêt d'abandonner sa priorité pour les lois concernant les collectivités locales. (Vifs applaudissements au centre et à droite, quelques applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yvon Collin.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et comment le Conseil constitutionnel exercerait-il son contrôle ?

J'ai toujours trouvé étrange la notion de « dépenses fiscales ».

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Elles coûtent pourtant très cher !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce sont en réalité des diminutions de recettes fiscales, essentiellement concentrées dans les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale. Les dépenses fiscales sont très faibles hors des lois financières.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Seulement 16 % !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - De plus, elles viennent, pour l'essentiel du Gouvernement : TVA sur la restauration, loi Tepa...

Il serait donc paradoxal d'instituer ainsi un super article 40, pour dissuader le Gouvernement.

J'espère avoir démontré qu'il n'y a pas, d'un côté, les laxistes et de l'autre les vertueux, mais que nous devons tous relever le défi d'une discipline budgétaire. Notre position n'est finalement pas très éloignée de celle de la commission des finances : on peut valider une disposition fiscale en déposant une loi de finances rectificative. (Très bien ! sur de nombreux bancs)

M. Jean-Pierre Michel.  - Voilà !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La discipline budgétaire est nécessaire pour la réputation financière de notre pays, mais surtout pour ne compromettre ni la croissance, ni nous exonérer vis-à-vis des générations suivantes de notre responsabilité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Le rapport de la commission des finances s'ouvre sur cette question d'apparence anodine : « pourquoi une réforme constitutionnelle ? ». Parce que la France ne peut plus attendre (exclamations à gauche)...

Mme Nicole Bricq.  - Pourquoi avez-vous donc attendu si longtemps ?

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - ...avec une dette publique qui approche des 100 % du PIB. La mondialisation, la crise, Maastricht sont mis en cause. L'accusation est facile ; la réalité est que nous risquons de perdre la confiance de ceux qui nous prêtent, et donc de mettre en cause l'indépendance nationale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ah ! les marchés !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Quand on emprunte, on se met dans les mains des prêteurs.

Notre collègue Fourcade est le dernier ministre des finances à avoir présenté un budget en équilibre en 1975 ! (Applaudissements)

Nous aurons un débat délicat sur une prétendue atteinte à l'initiative parlementaire, qui devrait nous mener à un compromis sur l'essentiel.

Comme le disait un président de la République à propos du chômage, la France a, en matière de déficit, « tout essayé ».

L'équilibre des finances publiques est déjà un objectif constitutionnel selon l'article 34. On l'oublie... Désormais, le programme de stabilité est au sommet de la hiérarchie des lois financières.

Le Gouvernement a multiplié les normes en la matière. Ce n'est pas de normes que nous manquons, c'est de la volonté de mettre en accord actes et paroles.

Mme Nicole Bricq.  - C'est de l'autoflagellation !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Nos proclamations n'ont jamais été respectées ; nos programmations se contentent de décaler dans le temps le retour à l'équilibre qui se déplace, tel l'horizon, alors que la France n'a plus le droit à l'erreur. En 2012, nous avons le déficit le plus élevé de la zone euro, derrière la Grèce, l'Irlande, le Portugal. À ce rythme, nous serons bientôt sur le podium !

Ayons à l'esprit la mise sous perspective négative de la capacité des États-Unis à rembourser leur dette. Il est vrai que les américains inondent cyniquement le monde de leur dollar ; j'espère que le prochain directeur général du FMI y mettra bon ordre.

La nécessité d'une révision constitutionnelle résulte du constat que les outils existants n'ont pas fonctionné. Le prochain Conseil européen durcira les règles de stabilité. Il nous faut, en France, un frein à la dette.

Si le président de la République s'est engagé dans cette voie à la suite de l'Allemagne, ce n'est pas en raison d'une injonction de Bruxelles. La faute en revient à notre impéritie.

Le texte reflète l'esprit des orientations du groupe de travail Camdessus, auquel nous avons participé. Il nous revient de définir la bonne règle susceptible de garantir une bonne gouvernance des finances publiques. Cette règle doit être suffisamment contraignante pour tenir le cap de la réduction des dépenses, et suffisamment souple pour ne pas enfermer l'action politique dans une voie unique ; elle ne doit pas susciter de polémiques entre comités d'experts, Cour des comptes et Gouvernement, sauf à voir sa légitimité contestée ; elle doit être compréhensible par l'opinion. Aussi vos deux rapporteurs ont-ils promu, au sein du groupe de travail Camdessus, la création de lois-cadres plutôt que la notion allemande, trop subjective, de solde structurel. Ces lois fixeront plafond de dépenses et plancher de recettes. Nous approuvons de même les autres orientations retenues à l'Assemblée nationale.

Pour conclure, je veux rappeler la représentation nationale à ses responsabilités : la France ne peut plus offrir le spectacle navrant de l'emballement de sa dette. La commission des finances vous invite à voter ce texte. Pour autant, rien ne remplacera la volonté politique. (« Bien sûr ! » à gauche) Concilier notre pouvoir fiscal et notre devoir d'équilibre budgétaire, c'est toute la noblesse de notre mission de parlementaires. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Pour beaucoup, la Constitution de 1958 est notre bien commun ; elle inspire notre engagement politique. Faut-il la réviser ? demandait le président de la commission des lois en introduction. Le président Arthuis a rappelé le contexte international et ce que sont, dans ce monde si hasardeux, les notions de confiance et de crédibilité.

Ne prenons pas la Constitution pour ce qu'elle n'est pas et ne peut pas être : la loi fondamentale ne peut pas se substituer à la volonté politique, ni comporter une règle technique d'équilibre, ni nous éviter nos petites et grandes faiblesses...

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Corps de règles et de procédures décrivant le fonctionnement des pouvoirs publics, elle se doit d'être neutre par rapport aux expressions du suffrage. Tout le succès de la Ve République tient dans la flexibilité de ce texte fondateur.

Donc, de quoi s'agit-il ? Tout simplement de préciser la hiérarchie des normes juridiques en introduisant deux innovations : la création de lois-cadres s'imposant aux lois financières annuelles et de nouvelles modalités d'articulation entre les lois financières et les lois ordinaires. C'est tout cela mais ce n'est que cela !

M. Guy Fischer.  - C'est déjà beaucoup !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Demain, ces dispositions permettront la mise en oeuvre d'une politique de droite ou d'une politique de gauche. (« Non ! » à droite) Mais si ! On ne combat pas une révision constitutionnelle pour des motifs partisans ! (Rires moqueurs à gauche) La Constitution ne saurait être un carcan. (On le conteste à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On est en démocratie ! Vous êtes totalitaires !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Si vous n'aviez pas de ce texte une vision a priori, vous verriez que ce projet de loi ne contient pas une virgule, pas une ligne à caractère partisan. (Exclamations à gauche)

La base, c'est le programme de stabilité et de croissance. Notre souveraineté nationale est en jeu...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Elle est aux mains des marchés financiers !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Fi de ces déclarations « matamoresques » !

M. Guy Fischer.  - Le Matamore, c'est vous ! (Sourires)

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Ne vous en déplaise : les marchés financiers existent et ce sont eux qui définissent les conditions de nos emprunts ! (Brouhaha à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous les laissez faire !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - la révision nous permettra de voter sur le programme de stabilité, la commission des finances souhaitant que ce vote soit éclairé par une résolution.

La cohérence à établir entre lois pluriannuelles et lois annuelles doit être triple : juridique, économique et temporelle. Pour la commission des finances, les premières doivent être glissantes sur quatre ans. La cohérence juridique sera assurée par le Conseil constitutionnel. Sur ce point, notre commission est en ligne avec celle des lois : les juges du pavillon de Montpensier doivent jouer leur rôle de gardiens de la hiérarchie du droit. La cohérence économique, nous le savons, ne passe pas uniquement par la loi fondamentale. Nous devons trouver de nouvelles méthodes pour être plus transparents vis-à-vis de Bruxelles : le calcul des hypothèses, en particulier du taux de croissance, doit être neutre, et non le reflet d'une volonté politique. J'ajoute que, pour arriver aux 3 % de déficit en 2013, il faut instaurer une règle de cohérence temporelle afin de rectifier la trajectoire si besoin est. Nous serons amenés à pratiquer cet exercice dès les prochains collectifs budgétaire et social.

La commission des finances enfin, tenant compte des observations de celle des lois et de son rapporteur, a exprimé une position de « ni, ni » : ni le texte de l'Assemblée nationale, ni la voiture balai. Monsieur le président de la commission des lois, je reconnais être allé un peu vite. Depuis, vous avez su toucher mon coeur et ma raison de juriste ! (On s'en félicite à droite) En revanche, peut-on, comme vous le souhaitez, instaurer un tel différé de plusieurs mois entre les annonces agréables et le paiement de la note ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce n'est pas tout à fait ça !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - La circulaire de M. Fillon s'applique depuis un an, les membres du Gouvernement la respectent. La commission des finances propose donc la procédure suivante : le dépôt simultané de deux textes pour une même réforme ; une loi financière et une loi ordinaire faisant l'objet d'un dépôt concomitant, d'une étude en amont par les rapporteurs des commissions concernées et d'une discussion générale commune.

Cela dit, le Sénat tient beaucoup à l'article 72 de la Constitution. Peut-être faut-il imaginer une exception à la règle de la compétence des lois de finances et de financement quand sont concernées les collectivités territoriales... Puissions-nous trouver ici la voie raisonnable que les députés seront susceptibles de suivre. (Applaudissements à droite)

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous partageons les objectifs et le constat : il faut agir pour rétablir l'équilibre. En revanche, nous nous divergeons sur les modalités. Plusieurs propositions sont sur la table. Réussirons-nous à trouver un accord entre nous, puis avec nos collègues députés ? Ce n'est pas certain en cet instant ; mais je ne désespère pas que nous y parvenions avec l'aide du Gouvernement.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je m'y emploie.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - M. Baroin s'est absenté, mais il m'a semblé avoir une position plus tranchée que la vôtre...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - C'est la jeunesse !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Le déficit des finances sociales ne dépassait pas 3,5 milliards il y a dix ans. Après avoir travaillé à corriger cette situation entre 2003 et 2008, nous avons dû affronter la crise ; le déficit atteindra probablement 19,5 milliards fin 2011, contre 24 fin 2010. Je rappelle que 130 milliards de dette sociale ont été transférés à la Cades et que nous nous sommes attaqués à un certain nombre de niches fiscales et sociales lors des dernières lois de finances et de financement. Mais nous sommes encore loin de l'équilibre.

Employer ce mot dans le domaine social a quelque chose de tabou. Les lois de financement de la sécurité sociale devaient, à l'origine, s'appeler lois « d'équilibre » de la sécurité sociale ; un amendement parlementaire a modifié leur intitulé. La prise en charge de la maladie, de la vieillesse, de la dépendance peut-elle répondre à une logique strictement comptable ? (« Non ! » à gauche) Je ne le crois pas ; aucun gouvernement, aucune majorité n'a jamais agi en ce sens. Mais la situation actuelle menace l'existence même du modèle social français. Malgré la reprise de 130 milliards par la Cades, une nouvelle dette de 20 milliards s'est déjà reconstituée. Je crois donc à la nécessité de lois-cadres quinquennales qui ne soient pas des gadgets, fixant de façon impérative plafond de dépenses et plancher de recettes. On me rétorquera que seule la volonté politique compte. Soit, mais les déficits se creusent depuis plus de trente ans. Qu'a fait le Gouvernement Jospin de la fameuse cagnotte ? (Exclamations à gauche où l'on note qu'alors, on constatait des excédents plutôt que des déficits) Je n'ai cependant pas la naïveté de croire que ces lois seront intangibles ; on a vu, avec l'allongement de la durée de vie de la Cades, que les verrous institutionnels pouvaient sauter...

Notre commission propose que les lois-cadres soient examinées par une commission spéciale, constituée à parité de membres des commissions des affaires sociales et des finances. La constitution au cas par cas d'une telle commission n'est pas satisfaisante au regard du caractère contraignant de ces lois. Le refus de ce travail en commun marquerait le début de l'absorption de la loi de financement par la loi de finances, alors que ces deux textes répondent à des logiques différentes et que nos deux commissions collaborent désormais dans de bonnes conditions.

Autre difficulté majeure : le monopole des lois financières empêchera le Parlement d'appréhender les réformes dans leur globalité, restreindra drastiquement l'initiative parlementaire -alors que l'article 40 s'applique déjà- comme la cohérence de l'examen des textes et le primat de la discussion au Sénat des projets de loi relatifs aux collectivités territoriales. L'équilibre des finances publiques ne passe pas par l'affaiblissement du Parlement. (Applaudissements à droite)

La commission des affaires sociales proposera donc un amendement identique à celui de la commission des lois. Je rappelle, d'ailleurs, comme l'a fait M. Hyest, que le Sénat avait adopté une disposition organique en ce sens en 2008, que l'Assemblée nationale avait refusée.

Oui, monsieur Marini, nous pouvons trouver un compromis. Mais le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative pour chaque loi ordinaire qui l'impose ne règle pas la question de l'article 72. Le Sénat est attaché à examiner en premier les textes relatifs aux collectivités. (Applaudissements à droite) Ces applaudissements le confirment. Tant qu'une solution ne sera pas trouvée à ce problème, nous proposons d'en rester aux propositions des commissions des lois et des affaires sociales. (Applaudissements à droite)

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Européen convaincu et conscient de la difficile situation des finances de la France, je soutiens ce projet de loi. J'en appelle aux responsabilités de chacun : les conséquences seraient graves si le texte était rejeté.

En tant que parlementaire, j'attire surtout votre attention sur le monopole des lois financières. Ce dispositif a été supprimé par cinq des sept commissions qui ont eu à l'examiner.

Sommes-nous si dépensiers qu'il faille, pour lutter contre une dette publique de 1 600 milliards, enlever aux parlementaires la possibilité d'examiner des propositions de loi contenant des dispositions fiscales ? Les parlementaires sont-ils responsables des dérapages constatés ? Non, ceux-ci proviennent à 84 % des lois financières, pour 16 % seulement des lois sectorielles. En outre, ils sont, pour la plupart, décidés par le Gouvernement. Quelle que soit la commission à laquelle nous appartenons, nous sommes tous responsables. Dans la loi Nome, nous avons créé de nouvelles recettes. Cela serait rendu impossible si ce texte était adopté en l'état. Quel bilan de la révision constitutionnelle si nous concentrions le pouvoir budgétaire dans les mains d'une seule commission ? Que dirons-nous à nos collègues, demain, si nous acceptons d'être saisis en second du volet financier de textes relatifs aux collectivités ? Si nous ne pouvions évoquer les compensations en même temps que les transferts de compétences ?

M. Guy Fischer.  - C'est bien, ce qu'il dit ! (Sourires à gauche)

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Dans cet esprit, nous proposons de différer au 1er janvier suivant l'entrée en vigueur des dispositions fiscales votées dans l'année.

Monsieur Mercier, vous qui connaissez bien cet hémicycle, faites confiance aux parlementaires et acceptez la suppression du monopole ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Bel.  - J'en appelle au Règlement ! Nous venons de vivre deux heures de monologues : deux ministres et cinq rapporteurs nous ont exposé les vertus de ce texte. Peut-être pourrons-nous dans un instant entendre des orateurs de sensibilité politique différente... De surcroît, nos débats seront interrompus par une séance de questions cribles. Voilà une belle illustration de ce qu'il faudra changer si l'on ne veut pas que se perpétue l'image d'une langueur sénatoriale. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - L'organisation de nos débats est décidée par la conférence des présidents...

M. Thierry Foucaud.  - Je souscris aux propos de M. Bel.

La question est celle-ci : faut-il réduire à néant ce qui demeure de notre Parlement ? Ce texte met sous le boisseau l'initiative parlementaire et met l'État sous tutelle des politiques de convergence européenne.

M. Guy Fischer.  - Un bâillon !

M. Thierry Foucaud.  - L'Europe, voilà le véritable objet de ce débat. De fait, ce projet tient à la volonté du président de la République de faire de la France le meilleur élève de la classe européenne ; ce n'est rien d'autre que l'application du traité de Lisbonne qu'on a imposé aux peuples. Et j'entendais parler tout à l'heure de souveraineté nationale...

Nous voyons pourtant les effets désastreux du libéralisme, qui impose la concurrence fiscale dans l'Euroland quitte à imposer aux salariés et à la société toute entière des contraintes insupportables. Avec la monnaie unique, on prétendait juguler la spéculation. Cela n'a pas empêché la surchauffe des marchés financiers en 2008. Résultat, les peuples grec, irlandais, portugais, espagnol peut-être demain, sont à genoux et les patrimoines nationaux sont bradés.

M. Guy Fischer.  - C'est l'hyper austérité.

M. Thierry Foucaud.  - Le bilan n'est pas à la hauteur des objectifs annoncés. Et les inégalités, le chômage des jeunes, la xénophobie et le populisme de prospérer.

On voudrait faire des parlementaires français les garçons de course de la Commission européenne, les serviteurs zélés de M. Barroso... En fait, ce texte, au mieux, condamne les parlementaires à l'impuissance, au mieux à l'inconséquence ; mais à coup sûr, à devenir les enfants de choeur de la grand-messe de l'austérité budgétaire.

M. Guy Fischer.  - Belle formule !

M. Thierry Foucaud.  - On sait pourtant quels sont les résultats désastreux des décisions prises par l'aréopage des experts européens en orthodoxie budgétaire.

La vassalisation des débats parlementaires est un grave problème démocratique. La règle d'or, c'est la loi d'airain d'une austérité sans limite... qui a quelque faiblesse face au mur de l'argent : on renonce à mettre à contribution ceux qui ont plus sinon tout et donc à répondre aux besoins de ceux qui ont peu ou seulement moins. Cela fait quelques temps que l'on nous impose une orthodoxie budgétaire toujours pire. Ni M. Arthuis, ni M. Marini ne me contrediront.

M. Guy Fischer.  - Ils sont partis !

M. Thierry Foucaud.  - Tout est fait pour se plier aux exigences de Bruxelles et ici la majorité a passé des nuits à voir comment alléger l'impôt des plus favorisés. Et ceux qui nous promettent la camisole de force vont nous proposer un collectif budgétaire scandaleux qui va faire perdre 2 milliards de recettes publiques, en divisant par deux le rendement de l'ISF.

Vous ne cessez d'alléger impôts et cotisations sociales des plus aisés, pour quel résultat ? Faire travailler ces « salauds de pauvres », selon la formule consacrée. On les voit les vrais assistés, ceux qui ne peuvent investir sans défiscalisation ni construire une usine sans subventions.

Dégageons-nous du joug de Bruxelles et du carcan de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs CRC et divers bancs socialistes et RDSE)

M. Bernard Frimat.  - Le président et le rapporteur général de la commission des finances ne daignent pas nous entendre. Notre débat va être coupé par les questions cribles. Pour certains, le débat parlementaire consiste à se congratuler pendant deux heures avant de partir.

Nous sommes si médiocres qu'il ne leur est pas utile de nous écouter. Mais j'aimerais entendre tranquillement M. Chevènement et sans doute M. Chevènement m'écoutera-t-il aussi. Je souhaite donc une suspension de séance. (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 16 h 35.

*

*          *

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 17 heures.

Politique universitaire (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) et de la politique universitaire française.

M. Ivan Renar.  - Quatre ans après le vote de la loi LRU, son bilan est contrasté et le rapport du comité de suivi le confirme en quelque sorte : quelques pôles richement dotés, face à un grand nombre d'établissements en déshérence.

Ces universités pourront-elles être pérennisées et assurer la qualité de la recherche française et l'accueil des étudiants ?

Tant les conditions d'enseignement universitaire que les conditions de vie des étudiants souffrent de cette situation. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Vous avez eu l'honnêteté de ne pas faire endosser vos analyses par le comité de suivi... En 2007, il n'y avait pas une université une et indivisible, et bien dotée, mais des universités sous dotées avec des filières délaissées car on jugeait toute réforme impossible. La loi sur l'autonomie a permis de leur attribuer des moyens sans précédent.

Lille 2 a vu ses moyens de fonctionnement augmenter de 56 % en quatre ans, Lille 3 de 23 %, Lille 1 de 18 %, l'université d'Artois de 23 %, celle de Valenciennes de 19 %. En moyenne, l'accroissement des budgets a atteint 22 %. Et ce, sans que l'université soit soumise à la règle du 1 sur 2, puisque tous les emplois universitaires ont été sanctuarisés. Plus de 1 500 postes ont été pourvus.

Moins de précarité, plus de moyens, plus de sécurité des étudiants, comme le montre bien le rapport Demuynck.

M. Ivan Renar.  - Vous êtes bien optimiste ! Je pense que l'université ne se porte pas aussi bien et vous devriez écouter les enseignants et les étudiants.

La loi SRU a contraint les universités à faire des choix qui ont abouti à une extrême précarisation : d'après une enquête nationale des syndicats, il y a 50 000 précaires dans les établissements universitaires français, soit un quart de l'effectif total. Il faudra bien, un jour, réformer la réforme !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La loi LRU est une des réformes les plus importantes de la législature et le groupe de l'Union centriste l'a soutenue, avec le rapporteur Jean-Léonce Dupont.

Une préoccupation nous taraude : l'insertion professionnelle des diplômés. A-t-on des données précises ? Quid de l'adaptation de l'offre universitaire ? Et des effets de la réforme de la licence en la matière ?

De nouvelles enquêtes sont-elles prévues ? Il faut que l'université débouche sur l'emploi.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je vous remercie de votre soutien indéfectible à la réforme.

L'inscription dans la loi de l'insertion professionnelle comme troisième mission de l'université, avec la formation et la recherche, a été un tournant. Les titulaires d'un mastère sont 91,4 % à obtenir un emploi dans les mois qui suivent. Nous avons attendu trente mois pour le mesurer, afin de gommer l'effet crise. Nous ferons les mêmes enquêtes pour les étudiants de licence et à la sortie des IUT, afin que les jeunes puissent s'orienter en toute connaissance de cause.

La réforme de l'autonomie a porté ses fruits : le nombre de bacheliers à faire des inscriptions dans une université leur premier voeu a crû de 16 %. C'est la preuve que les universités sont redevenues attractives.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je saisis l'occasion pour évoquer l'annulation de l'épreuve subie par les étudiants de médecine, qu'ils repassent aujourd'hui même. Le Gouvernement doit assumer sa part de responsabilité dans ces erreurs répétées.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je ne conteste ni l'autonomie des universités -si elle reste de service public- ni le rapprochement. Mais je vois une contradiction entre resserrement de la gouvernance et incitation à la fusion. Ce sont les pôles d'enseignement supérieur et de recherche (Pres) qui font problème. Vous plafonnez leurs conseils d'administration à 30 membres dont 14 enseignants chercheurs, pour parfois 40 000 à 70 000 étudiants. Le rapport de la Cour des comptes le mentionne. Ne faut-il pas revaloriser les conseils scientifiques et le CPU ?

Cette centralisation excessive, du fait du regroupement des universités, vise à nous faire remonter dans le classement de Shanghai. Or les universités qui émergent ne sont pas forcément grandes, mais elles le sont par le nombre de leurs doctorants. Dans votre projet de regroupement, ne risque-t-on pas de laisser à l'écart de petites universités de technologie comme Belfort ou Troyes ? Le ministère a-t-il une doctrine ou pratique-t-il le laisser-faire en la matière ?

L'université de Compiègne se rapproche de Paris VI. Pourquoi n'avez-vous pas incité à constituer de grandes universités de technologie ? La France du nord-est, de tradition industrielle, n'a-t-elle pas besoin d'un grand pôle d'ingénierie ? Une stratégie territoriale reste à construire.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je vous rassure : nous y travaillons. Mais l'autonomie doit être respectée jusqu'au bout, y compris en laissant Compiègne se rapprocher de Paris VI. Ma politique n'est pas de marier de force mais de recoller les morceaux cassés en mai 68.

Nos universités ont des premiers cycles ; à l'étranger, les universités prestigieuses commencent au second cycle, avec de belles grandes écoles doctorales. Voilà les universités de tous les savoirs que nous souhaitons pour la France !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'autonomie doit être de service public. Elle ne doit pas signifier « laisser-faire ». Pourquoi Compiègne se rapproche-t-elle de Paris VI en renonçant à la synergie avec Troyes ? Les synergies dans les régions sont très inégales. J'aurais aimé des réponses plus précises, en particulier sur la filière d'ingénierie dans le grand nord-est, mais le couperet du temps de parole tombe sur votre tête comme sur la mienne...

M. Jacques Legendre.  - La loi du 10 août 2007 est un succès que chacun salue.

M. David Assouline.  - Pas du tout !

M. Jacques Legendre.  - Les établissements supérieurs d'enseignement et de recherche ont été mis au coeur de notre politique universitaire. Vous avez souhaité accélérer les regroupements avec les Pres.

Comment ceux-ci s'articuleront-ils avec les investissements d'avenir ? Et avec l'autonomie des universités ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Il fallait le socle de l'autonomie pour pouvoir construire. Sur ce socle, nous avons bâti un certain nombre de plans, dont le plan Campus. Et puis est venue la décision visionnaire du président de la République (marques d'ironie à gauche) d'investir massivement dans le cadre du Grand emprunt : 22 milliards en pleine crise, ce n'est pas rien ! L'autonomie, c'est l'émulation, mais c'est aussi la coopération entre les universités. Vous le voyez, avec le Pres Lille-Nord de la France, qui rassemble les trois universités lilloises, celles de l'Artois et de Valenciennes, qui vont développer des projets porteurs de ces emplois qu'attendent les jeunes, dans les domaines des transports , de la lutte contre le diabète et l'obésité et des énergies décarbonées grâce à un nouveau plastique naturel.

M. Jacques Legendre.  - Les anciens comportements persistent, avec l'attente de l'intervention de l'État, et de nouvelles pratiques s'affirment, comme les concours internationaux. Nous voulons être sûrs que ceux-ci ne creuseront pas les inégalités.

M. David Assouline.  - En 2007, je vous avais interpellée sur le manque d'ambition d'un texte centré sur la gouvernance, avant de déterminer des objectifs dont le premier était de limiter l'échec en premier cycle. Vous avez refusé de m'entendre. Entendrez-vous la Cour des comptes ? L'installation des Pres a pris du retard en Aquitaine et à Paris-sud parce que vous avez considéré l'autonomie comme la concurrence sauvage des universités et non comme la gestion concertée d'établissements dotés de moyens réels.

Il faut simplifier les dispositifs. Vous voulez que nos universités soient « visibles à l'international », encore faut-il qu'elles soient lisibles sur le plan national.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Venez avec moi sur le terrain ! Au lieu de 85 universités, nous avons 18 Pres. La logique de solidarité est en marche. Nancy et Metz ont fusionné, comme Aix et Marseille ! Les quatre universités de Bordeaux aussi se sont regroupées. Personne n'y échappera, pas même la capitale.

Ces alliances sont extraordinairement bénéfiques. Villetaneuse est maintenant dans Paris intra muros. Je ne vois pas pourquoi l'autonomie couperait l'envie de se marier ! (Sourires)

M. David Assouline.  - Vous noyez le poisson ! (Exclamations à droite) À vous entendre, vous avez tout fait, mais vous n'avez pas dit un mot sur le rôle des régions, que nous dirigeons pour la plupart.

La Cour des comptes dénonce vos échecs, vous n'y répondez pas.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. David Assouline.  - Il est anormal que tant d'étudiants échouent en première année.

M. le président.  - Il faut conclure maintenant.

M. David Assouline.  - La France doit se donner des moyens à la hauteur de ses ambitions.

M. Christian Demuynck.  - Madame le ministre, le président de la République vous a confié une des réformes les plus importantes de son mandat : l'autonomie des universités. Celle-ci est un succès : au 1er janvier 2011, 90 % des universités étaient autonomes. L'État a consacré des moyens importants à la réussite de cette réforme ; pouvez-vous nous dire quels en sont les bénéfices pour les enseignants et les étudiants ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La réduction du taux d'échec des étudiants en premier cycle ! Pas moins de 50 % des bacheliers étaient recalés en première année. Grâce aux initiatives prises depuis 2007 et à la réorientation, la France aura le taux le plus bas d'étudiants sortant de l'université sans diplômes : 20 %. C'est un grand succès pour l'université française ; c'est le meilleur résultat de toute l'OCDE. Le plan contre l'échec universitaire, réclamé par les étudiants, a été doté de 730 millions.

En ce qui concerne les personnels, l'autonomie a permis de mettre en place une véritable politique de gestion.

M. Christian Demuynck.  - Merci de cette réponse. Madame le ministre, je vous félicite de votre courage lors des grèves de 2007 et 2009. Tous les étudiants et enseignants que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur attachement à l'autonomie.

Encore toutes mes félicitations : dans quelques années, nos universités seront au top de l'excellence mondiale !

M. David Assouline.  - Monsieur le président, vous n'intervenez pas pour faire respecter le temps de parole ? C'est étrange.

Mme Marie-Christine Blandin.  - L'autonomie est un chantier enthousiasmant, mais dangereux dans les mains de ce Gouvernement. Les universités ont hérité, en même temps que des bâtiments, des problèmes de désamiantage ; elles ont de nouvelles responsabilités dans la gestion du personnel, mais peuvent être tentées de recourir davantage à des contractuels. Certes, nous n'en sommes pas au mercato des grands clubs de foot, mais il y a de quoi s'inquiéter. Madame la ministre, pouvez-vous dresser un bilan du patrimoine immobilier des universités et du nombre de contractuels recrutés ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je vous fournirai des éléments plus précis par écrit. La concurrence n'est pas un choix que nous aurions fait, c'est une réalité de la mondialisation. Notre réforme a sauvé l'université française du déclin.

Je vais vous décevoir : l'emploi n'a jamais été autant sécurisé dans l'université française ! Les titularisations augmentent. Cela dit, je suis favorable à la sécurisation des emplois permanents, mais je suis aussi favorable aux CDD car je veux l'ouverture de l'université aux étrangers, aux personnalités qualifiées et à tous les talents de l'extérieur !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Nous avons noté l'ouverture avec la nomination d'un directeur régional d'EDF à la présidence d'une université ! Je ne confonds pas concurrence internationale et gestion concertée. D'après la note du 30 juin 2010, on pourra financer le chauffage des salles de classe l'hiver en piochant sur les crédits destinés aux enseignants. Voilà pourquoi nous nous inquiétons !

M. Philippe Adnot.  - Je soutiens, comme de nombreux collègues, votre excellente réforme.

Le transfert du parc immobilier aux universités pose problème : j'ai souligné le caractère incertain et aléatoire de la valorisation effectuée par France Domaines. Un effort de stabilisation et de transparence est nécessaire.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le transfert de la propriété du patrimoine immobilier aux universités constitue un sujet majeur. Désormais, les établissements pourront définir leur stratégie. L'évaluation des biens et de leur coût d'investissement fait couler beaucoup d'encre. Nous veillons à ce qu'elle soit la plus transparente possible. Trois universités sont désormais propriétaires : Clermont-Ferrand I pour 111 millions, Toulouse I pour 105 millions et Poitiers pour 220 millions. Les négociations sont en cours avec Jussieu pour un bien situé dans un des plus beaux quartiers de Paris, évalué entre 800 millions et un milliard.

Pour finir, je rappelle que vous avez, dans votre grande sagesse, rendu obligatoire la certification des comptes des universités.

M. Philippe Adnot.  - Certes, mais les certificateurs ont besoin de disposer des éléments qui ont servi à fixer la certification.

La séance est suspendue à 17 h 50.

*

*          *

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 18 h 5.

Équilibre des finances publiques (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques.

Discussion générale (Suite)

M. Bernard Frimat.  - J'ai écouté la longue litanie des interventions célébrant cette loi constitutionnelle ; j'ai enregistré la sévérité des jugements sur la situation de nos finances publiques émis par ceux qui en sont largement responsables et par ceux qui les ont soutenus ! (On le confirme à gauche)

Quel aveu d'échec et d'impuissance ! Ainsi, chers collègues qui avez approuvé chaque année de nouvelles niches fiscales, allant même jusqu'à en créer, vous sonnez maintenant le tocsin.

Le débat n'est pas entre partisans de la rigueur budgétaire et les autres. Le tout est de savoir si l'inscription de la règle d'or dans la Loi fondamentale sauvera la France de ce destin catastrophique auquel vous l'avez vouée. Je salue le travail du président de la commission des lois qui a débarrassé ce texte de scories juridiques, en supprimant les articles 2 bis et 9 bis, qui condamnaient le Sénat au ridicule.

Pour ma part, je soulignerai le risque, avec ce texte, de transformer le Conseil constitutionnel en constituant. Récemment, on a noté quelques dérives. Je me souviens de l'autonomie financière, lors de l'acte II de la décentralisation Raffarin. On lui a tordu le cou par une loi organique. Autre exemple, le droit d'amendement lors de la révision constitutionnelle de 2008. Là encore, la loi organique, avec l'aval du Conseil constitutionnel, a pris une voie différente de celle choisie par le constituant. C'est le Règlement du Sénat seul qui nous garantit ce droit imprescriptible !

Dans ces circonstances, comment donner un chèque en blanc ? Curieuse proposition lorsque ce texte vise à rétablir l'équilibre des finances publiques... (On apprécie à gauche)

Enfin, le Conseil constitutionnel, avec la création de la question prioritaire de constitutionnalité, ne dispose-t-il pas déjà de pouvoirs étendus ? Faut-il en ajouter ?

Mme Nicole Bricq.  - Non !

M. Bernard Frimat.  - Le rapport de la commission des lois constitue un réquisitoire implacable contre le monopole des lois financières. Nous passons du parlementarisme rationalisé au parlementarisme caporalisé !

En instaurant le monopole, ce qui est un comble pour les thuriféraires de la libre concurrence, vous privez les parlementaires de leur droit d'initiative.

Il ne sera, en effet, plus possible de proposer ou d'examiner une quelconque réforme dans quelque domaine que ce soit en envisageant, dans un souci de cohérence, ses implications financières ou fiscales. Celles-ci devront être examinées séparément au moment du vote de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, en dehors de la commission des finances, et pour partie de la commission des affaires sociales, toutes les autres commissions seront privées de toute vision d'ensemble.

Comment concilier la nouvelle règle constitutionnelle avec la priorité constitutionnelle donnée au Sénat pour l'examen des textes concernant les collectivités territoriales ?

La Haute assemblée ne pourra plus prendre l'initiative d'une réforme. Étrange destin pour la chambre des collectivités locales ! Quel affaiblissement du bicamérisme !

Seule la transmission du programme de stabilité au Parlement pourrait obtenir notre soutien, à condition que son examen soit sanctionné par un vote.

Cette révision constitutionnelle aurait pour conséquence, excusez du peu, de dessaisir le constituant de son pouvoir, de priver les parlementaires de leur droit d'initiative législative et de transformer en commission de second ordre toutes les commissions à l'exclusion de la commission des finances qui serait sacralisée comme lieu privilégié du débat parlementaire.

En poussant votre raisonnement à l'absurde, si le Sénat dans son ensemble devenait la commission des finances et si toutes les lois étaient des lois de finances, chaque sénateur pourrait avoir l'illusion, tout en ayant perdu son droit d'initiative, d'exercer sa fonction de parlementaire !

N'enfermons pas l'action politique dans un carcan quand les évolutions du monde imposent des changements permanents. Plutôt que d'occuper le Parlement avec une réforme aussi inutile qu'inefficace, recherchez l'adhésion des Français en leur démontrant que cet effort s'inscrit dans un contexte de justice sociale et fiscale !

La semaine prochaine, le Sénat discutera la loi de finances rectificative abrogeant le bouclier fiscal que vous présentiez hier comme un titre de gloire. Vous en profitez pour alléger l'imposition des patrimoines les plus élevés : qu'est devenue votre volonté de réduire les déficits publics et de maîtriser les finances publiques ?

Nous ne nous prêterons pas à cette mascarade visant à dissimuler votre politique d'injustice sociale. Nous voterons contre ce texte. (Vifs applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Il y a dix ans, nous étions parvenus à surmonter nos différends pour adopter la Lolf. Aujourd'hui, la dette a atteint de tels sommets que nous avons besoin d'instruments juridiques nouveaux, affirme avec raison M. Camdessus, pour rétablir l'équilibre de nos finances publiques. Il y va de notre crédibilité devant nos partenaires européens et les agences de notation qui scrutent ce texte avec peu de bienveillance. Le président de la République l'a bien vu.

Je soutiens la position du président Arthuis et du rapporteur général Marini : nous devons fixer une trajectoire, construire le budget sur des hypothèses modestes. J'avais même proposé une croissance zéro.

Pourquoi ne pas confier à un acteur extérieur comme le font Néerlandais et Britanniques le calcul de ces hypothèses ? La Cour des comptes pourrait remplir ce rôle...

Le monopole des lois financières est une bonne chose : ce principe prolonge la circulaire Fillon. Monsieur le ministre, quelle est votre politique à l'égard des niches sociales et fiscales ? Monsieur le président Arthuis et monsieur le rapporteur général, quand interviendra le vote sur le « glissement » de la loi-cadre à une nouvelle année ?

L'utopie est une réalité en puissance, disait Édouard Herriot. Convaincus par les arguments de MM. Marini et Arthuis, je voterai ce texte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Patrice Gélard.  - Devant l'accroissement du déficit et de la dette publics, l'idée d'une constitutionnalisation de la règle d'or a lentement mûri en France. Pour moi, elle représente un impératif moral si nous voulons préserver notre modèle social et notre souveraineté nationale.

Le Gouvernement s'est engagé à ramener le déficit sous la barre des trois points de PIB en 2013 ; un objectif ambitieux que nous devrons tenir, quelle que soit la conjoncture économique.

Il est de notre devoir de soutenir la démarche engagée par le Gouvernement. Le vrai problème est de méthode.

Vous créez un instrument juridique nouveau, sous un intitulé qui rappelle le mauvais souvenir des « lois-cadres » de la IVe République ; vous assurez juridiquement le monopole des lois de finances et de financement ; vous prévoyez la transmission systématique au Parlement du programme de stabilité. La révision de 2008 avait déjà posé quelques jalons, avec les « lois de programmation » prévues à l'article 34. Vous souhaitez que nous franchissions une étape supplémentaire en inscrivant dans la Constitution le principe et les modalités institutionnelles d'un retour durable à l'équilibre des finances publiques. Nous souscrivons à l'idée que la Constitution est aussi l'expression du pacte social, ce qui permet d'y inscrire ce qu'on a appelé des « normes optatives ».

L'article 39 précise que les projets de loi concernant les collectivités territoriales doivent être examinés en premier lieu par le Sénat ; l'article 72 va dans le même sens. Comment concilier ce principe avec la question du monopole que vous souhaitez instaurer ? J'espère que nous trouverons une solution. Dans nombre de domaines, on ne peut séparer la question des moyens de celle du fond ; le président-rapporteur Hyest a trouvé une solution juridiquement valable et financièrement réaliste. Il n'est pas question que le Sénat accepte une réduction de nos prérogatives !

Les lois-cadres seront systématiquement soumises au Conseil constitutionnel. Les députés, allant plus loin, ont porté une atteinte indéniable aux droits des parlementaires ; nous soutiendrons la position de la commission des lois. Celle-ci propose en outre que toutes les commissions intéressées puissent émettre un avis sur le programme de stabilité.

Puisse le Sénat adopter une position équilibrée et responsable ! La règle d'or, quelque contraignante qu'elle soit, ne remplacera jamais la volonté politique. L'UMP soutient l'initiative courageuse et ambitieuse que représente ce texte. (Applaudissements à droite)

M. François Zocchetto.  - Une crise d'un type nouveau fait souffrir gouvernements et populations, celle de la dette souveraine ; plus aucun pays ne semble à l'abri. La note de la Grèce a été encore dégradée hier, le Portugal, l'Espagne, l'Italie sont fragilisés, et bientôt peut-être les États-Unis.

Nous vivons au-dessus de nos moyens depuis trop longtemps. C'est dans ce contexte que le Gouvernement nous propose une règle d'or.

Le groupe de l'Union centriste se félicite du dépôt de ce projet de loi. Nous sommes unanimes à voir dans la réduction des déficits un objectif prioritaire. Ce texte est un signal fort adressé aux marchés financiers au moment où notre dette à court terme arrive à échéance. Que faire quand l'État n'a plus les mêmes marges de manoeuvre ? Attendre l'inflation comme nous venons d'attendre la pluie ? Attendre une restructuration que nous imposerait une autorité extérieure ? Une sortie de l'euro ? Ce serait catastrophique. Il nous faut regarder la réalité en face ; le temps est venu de donner à des lois-cadres une portée contraignante.

Sur le monopole des lois financières, j'adresse mes vifs encouragements aux uns et aux autres pour atteindre un compromis, propre à nous réunir lors du Congrès. (Exclamations ironiques à gauche)

M. Jean Desessard.  - Ce sera dur !

M. François Zocchetto.  - Un tel monopole est un gage de sécurité juridique et de lisibilité pour le contribuable, un élément majeur de la stratégie d'assainissement des finances publiques. Il est vrai qu'aujourd'hui les dispositions fiscales partent dans tous les sens. Quelle solution trouver ? Je soutiens celle proposée par le rapporteur, requérant une loi de finances rectificative. Mais à quel délai ? Ce pourrait être tous les trois mois.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Très bonne suggestion !

M. François Zocchetto.  - Qu'adviendra-t-il de la priorité d'examen du Sénat sur les textes relatifs aux collectivités ? Je ne vois pas pourquoi la procédure actuelle serait modifiée, quand bien même les textes contiendraient des dispositions à caractère budgétaire.

Je remercie nos rapporteurs et présidents de commission d'avoir su faire avancer ce débat si important. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Guy Fischer.  - Ce projet de loi est bien mal nommé : il s'agit moins de réduire les dépenses publiques que de basculer dans un hyper libéralisme contraire à notre pacte républicain. Vous en rajoutez avec ce texte dans l'austérité, au détriment des plus démunis. Vous voulez basculer d'une république sociale vers une république libérale, dans laquelle tout ce qui n'est pas régalien est livré aux marchés et aux spéculateurs, contre l'intérêt des peuples. Vous prenez votre revanche sur le Conseil national de la Résistance (CNR), dont le programme vous avait été imposé ; vous lui tournez définitivement le dos.

En prenant prétexte des déficits de la sécurité sociale, vous oeuvrez année après année à une réduction de la protection sociale, tout en favorisant les laboratoires pharmaceutiques, les cliniques privées à but lucratif, les groupes mondiaux d'assurance. Vous organisez méthodiquement une réduction des comptes sociaux pour limiter la sécurité sociale à un service rendu aux plus pauvres des plus pauvres.

D'autres solutions existent pourtant. En 2009, en pleine crise, 105 milliards ont été versés aux détenteurs du capital.

M. Jean Desessard.  - Eh oui !

M. Guy Fischer.  - Voilà votre conception de la répartition des richesses : coûte que coûte, protéger les plus riches, les actionnaires, les boursicoteurs.

Si le Congrès devait se réunir et adopter ce projet de loi, les décisions fiscales et sociales seraient prises directement au siège des grandes multinationales. C'est à elles que profite le pacte de compétitivité, ce pacte antisocial aux conséquences désastreuses, réduction généralisée des salaires et des pensions, destruction massive d'emplois. De votre point de vue, ce sont les droits sociaux qui nuisent à la compétitivité du travail. Rexecode propose une baisse de 5 à 10 % des coûts de production, financée par les salariés eux-mêmes ! Il ne faudra pas attendre longtemps pour l'instauration d'une TVA sociale ruineuse pour les salariés, n'est-ce pas, monsieur Arthuis ?

En imposant le semestre européen, la Commission est devenue le vrai décideur des politiques sociales. Nous dénonçons ce gouvernement économique qui n'entend que les actionnaires. Les peuples de France, d'Allemagne, d'Espagne, de Grèce, d'Irlande n'ont déjà que trop payé pour une crise dans laquelle ils n'ont aucune responsabilité ! Nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Cornu.  - Notre pays ne peut plus vivre à crédit.

M. Bernard Frimat.  - Cessez de voter des budgets en déficit !

M. Gérard Cornu.  - Ce projet de loi constitutionnelle est donc particulièrement bienvenu. Les lois-cadres instaureront une vraie discipline budgétaire. Nous mettons en place un dispositif coercitif pour les finances publiques.

Sur le monopole, le texte de l'Assemblée nationale est inacceptable ; il n'est même pas justifié par l'objectif proclamé. D'une part, il nuirait à la cohérence de nos débats : comment séparer les aspects financiers d'un projet de loi des autres ? Dans le texte sur les chambres consulaires, dont je fus rapporteur, les modalités de financement des CCI étaient indissociables de la réforme ; la commission des finances a désigné un rapporteur pour avis, c'est tout. La proposition de loi Collin créant le service civique prévoyait aussi des mesures fiscales... Avec le monopole, ce ne serait plus possible.

Celui-ci revient d'autre part sur un acquis de la révision constitutionnelle de 2003 sur la place du Sénat dans l'équilibre de nos institutions. Les textes relatifs aux collectivités territoriales comportent souvent des dispositions financières, qui pourraient désormais être soumises en premier lieu à l'Assemblée nationale en procédure accélérée. Ce serait une grave régression pour la Haute assemblée.

Les dispositions sur le monopole donnent un goût amer à cette révision constitutionnelle bienvenue. (Applaudissements sur certains bancs au centre et à droite)

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Qu'est-ce que ce « goût amer » ?

M. Jean-Jacques Jégou.  - Depuis des années, la Cour des comptes nous alerte sur l'état de nos comptes publics. Cette loi constitutionnelle est donc devenue indispensable. Le dernier budget en excédent est celui de 1975. Depuis lors, l'encours de la dette a été multiplié par 18 et sa charge est devenue le deuxième poste dans le budget pour 2011. Cet emballement de la dette réduit peu à peu la capacité d'action de notre pays -ce que ne cessait de souligner Philippe Séguin. M. Camdessus, de son côté, a parfaitement décrit le handicap qu'est, pour la France, la dégradation de ses comptes publics. Le déséquilibre actuel, conséquence de la gestion passée, obère les capacités d'action du pays ; il doit cesser.

C'est le candidat centriste qui, lors de la dernière élection présidentielle, avait proposé un mécanisme comme celui-ci. Il est regrettable que le président de la République ait mis si longtemps à l'entendre.

Certes, la maîtrise du déficit est d'abord affaire de volonté politique. Mais quand celle-ci fait défaut, il faut des normes juridiques. Le mal français est surtout dû à une mauvaise gestion en période de croissance.

Les lois-cadres répondent à l'objectif que nous souhaitons atteindre ; elles contraindront les parlementaires, et aussi les gouvernements. La programmation pluriannuelle est indispensable à une bonne gestion de la dépense publique, les efforts de réduction du déficit doivent être planifiés. Pour être efficace, la loi devra comporter la date de retour à l'équilibre -qu'une nouvelle majorité pourra éventuellement modifier.

Les recettes et dépenses devront être fongibles. Enfin, la révision de la loi-cadre doit être limitée à des circonstances exceptionnelles ou à un changement de majorité.

Enfin, le monopole des lois de finances et de financement est essentiel pour un pilotage efficace et un facteur majeur de protection des recettes.

« Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent » disait Pierre Mendès France. Il est temps d'y remédier. (Applaudissements sur certains bancs à droite et au centre)

Mme Nicole Bricq.  - La majorité invoque une réforme fondamentale. Si tel était le cas, il aurait fallu un long travail préparatoire et la constitution d'une commission spéciale. C'est ce que l'on avait fait il y a dix ans avec la Lolf ; la méthode avait payé. Autre majorité, autres moeurs : celle de ce Gouvernement ne supporte pas la comparaison...

Le Gouvernement est-il crédible quand il propose une telle réforme constitutionnelle ? Est-il sincère dans sa volonté affichée de l'appliquer ? (« Non ! » à gauche ; « oui » à droite) Le passé ne plaide pas pour la crédibilité du Gouvernement.

M. François Trucy.  - Regardez l'avenir !

Mme Nicole Bricq.  - En parlant de trente ans de déficits, on gomme quelques aspérités, comme celle, plutôt négative, de M. Balladur et celle, plutôt positive, de M. Jospin.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et la cagnotte ?

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Vous portez des lunettes partisanes !

Mme Nicole Bricq.  - Ce Gouvernement a multiplié par deux la dette et accru les déficits. Depuis 2002, entre 100 et 120 milliards, soit six points de PIB, ont été dilapidés par abandon de recettes. Vous n'avez pas respecté la loi de programmation 2009-2012 ; les dépenses nouvelles n'ont pas été gagées par des recettes ; le coût de la réforme de la taxe professionnelle sera double de ce qui avait été prévu et je ne parle pas de la funeste baisse de la TVA dans la restauration -décidée dans une loi ordinaire...

Pour sa défense, le Gouvernement invoque la crise. Mais avant le groupe de travail Camdessus, il y avait eu la commission Pébereau, en 2005, qui insistait sur l'exigence de ne plus créer de nouvelles dépenses fiscales et de ne pas baisser le niveau global des prélèvements obligatoires. Le candidat Sarkozy promettait cependant de le réduire de quatre points ; et le Gouvernement s'est empressé en 2007 de remiser au placard le rapport Pébereau et a creusé un gouffre avec le paquet fiscal de la loi Tepa. À l'approche de 2012, on est en train de le détricoter mais le mal est fait. Vous avez livré la France, pieds et poings liés, aux marchés financiers, lesquels ne croient pas à la crédibilité de vos initiatives. Le niveau de la charge de la dette en dit long sur la gravité des choix que vous avez faits.

La trajectoire soumise à Bruxelles ? Nous déposerons une proposition de résolution car les recommandations de la Commission sont pour le moins contestables. Et le pacte est encore en débat avec le Parlement européen... La Commission n'est pas allée jusqu'à la défiance, mais a marqué son incrédulité face au passé et formulé ses doutes pour l'avenir.

Il faudrait changer de méthode pour élaborer les hypothèses macroéconomiques retenues dans les lois de finances et s'inspirer de ce que font les Pays-Bas depuis longtemps, les confier à un bureau central de planification, qu'aucun parti ne conteste. Le gouvernement Cameron, dont la sensibilité devait convenir à M. Marini, a créé un office de responsabilité budgétaire comparable.

Le chemin d'une croissance solide passe par l'emploi. C'est pourquoi le Gouvernement serait bien avisé de supprimer les ruineuses dispositions de la loi Tepa qui subsistent, celles relatives aux heures supplémentaires. Si vous voulez envoyer un signal positif, faites-le sans tarder. Au lieu de quoi, vous vous égarez dans des décisions coûteuses.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - La réforme constitutionnelle ne coûte rien !

Mme Nicole Bricq.  - J'évoque la prime « dividendes » et le collectif sur l'ISF. Vous proposez une loi d'airain mais persévérez dans vos errements.

Que fera-t-on si les prévisions macroéconomiques ne se vérifient pas ? Mystère. Ces sujets sont tabous jusqu'au printemps 2012. Comment trouvera-t-on une économie de 20 milliards par an ? Sur les niches, la France dispose de marges de manoeuvre ; mais les lobbies veulent bien la suppression de l'ISF mais surtout pas celle des exonérations.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - De fait. C'est extraordinaire !

Mme Nicole Bricq.  - Si on veut vraiment la convergence avec les Allemands, il faut réfléchir à la façon d'agir sur le déficit structurel ! En fait de convergence, nous nous complaisons dans une divergence en parlant de trajectoire.

Nous voici dans un tunnel, entre un maximum de dépenses et un minimum de recettes -dont toutes les définitions sont renvoyées à la loi organique. Décidément, vous tirez beaucoup de chèques sur l'avenir ! Pour l'essentiel, on verra après 2012 ! On a vu, lors de l'examen de la loi sur les retraites et à propos de la Cades, comment la majorité foulait au pied la loi organique.

Sur le monopole, j'ai bien compris que vous alliez au compromis, vers un monopole light.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - je suis sûr qu'en votre for intérieur vous y êtes favorable !

Mme Nicole Bricq.  - Lors des débats de 2008, M. Arthuis énonçait tous les dispositifs dont le Gouvernement dispose pour contraindre le Parlement à accepter ce qu'il propose. M. Mercier, alors sénateur, n'était pas le dernier à s'opposer à défendre la suppression de l'article 40. Un souvenir cocasse !

Vous ne nous ferez pas le coup de l'irresponsabilité ! Nous avons voté le soutien aux banques et aux pays en difficulté, tout en attirant votre attention sur les difficultés. Vous ne pourrez pas plus mettre en doute notre capacité gestionnaire. Nous dirigeons 58 départements, 23 régions, des milliers de communes et intercommunalités -qui, soit dit en passant, respectent déjà la règle d'or.

C'est le débat électoral qui confrontera les solutions proposées pour sortir des déficits actuels entre action sur les recettes et les dépenses. C'est aux Français de trancher ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cette 25e révision va à l'inverse de celle de 2008 et réduit les droits du Parlement, un Parlement qui, par nature, autorise l'impôt.

Vous voulez que le Conseil constitutionnel soit systématiquement saisi de la conformité des lois financières aux nouvelles lois-cadres. C'est le transformer en gardien de la bonne gestion des finances publiques. Comment pourrait-il apprécier à l'horizon de trois ans la fiabilité des prévisions économiques ? Les Sages n'ont pas la science économique infuse. Tout le monde n'est pas M. Charasse ! (Sourires à gauche)

Ce projet de loi est attentatoire aux droits du Parlement, et même à l'idée d'alternance. Atteinte à la démocratie, ce projet de loi l'est aussi au bon sens. Imaginez qu'il ait été présenté en 2007.

Auriez-vous pu faire voter un plan de soutien aux banques en 2008, un plan de relance en 2009, un grand emprunt pour les investissements d'avenir en 2010 ? On nous demande de croire à ce projet de loi comme on demande aux croyants d'appliquer le principe credo quia absurdum. (Rires) « Je crois parce que c'est absurde » ! Il est absurde en effet d'instaurer un monopole pour les lois de finances, -je vous croyais libéraux- qui porte atteinte aux droits du Parlement, quelque ingénieux que soit le dispositif imaginé par la commission des lois. Monsieur Hyest, en quoi une entrée en vigueur des dispositions fiscales subordonnée à l'examen des lois financières préservera-t-elle l'initiative parlementaire ? Ce projet porte en outre atteinte aux prérogatives du Gouvernement, énoncées à l'article 38. Bonne chance pour s'y retrouver dans ce galimatias !

Suprême hypocrisie : l'article 88-8 pour associer le Parlement aux engagements européens ! Quid de la transmission du programme de stabilité dans le cadre du semestre européen ? En fait, ce projet de loi organise le dessaisissement du Parlement ! Alors que le budget est voté en décembre, le Parlement est ficelé, dessaisi dès avril. Le semestre européen est assorti d'un volet préventif et coercitif avec sanctions, sur décision du Conseil, à la majorité inverse. Avec cette planification pluriannuelle aux résultats chiffrés contrôlés, on va vers une révision du traité de Lisbonne.

Ce projet de loi reprend le projet de directive en préparation sans attendre que nous y soyons obligés ! Nous sommes en plein « fédéralisme financier », pour reprendre la novlangue de M. Trichet. Plutôt que de chaînage, il faudrait parler d'enchaînement : l'opinion publique n'est pas informée que nous abandonnons notre souveraineté budgétaire dans ce « coup d'État permanent ». (Exclamations amusées à droite)

Avec la monnaie unique on a lancé un fédéralisme européen irréaliste, avec une banque centrale indépendante, une sorte de Buba-bis, uniquement chargée de lutter contre l'inflation. Il n'y a aucune homogénéité entre nos pays, industriels ou pas du tout.

L'Allemagne n'entend pas aider le Péloponnèse autant que le Brandebourg car il est vrai que la solidarité est d'abord nationale. C'est le b.a.-ba, non de la science politique, mais du bon sens ! Quand Nicolas Sarkozy maintient qu'il faut baisser le coût du travail pour continuer à recevoir la note triple A des agences de notation, tout est dit. C'est Standard et Poor's qui exerce la souveraineté.

Les peuples ne veulent pas de cette Europe ; il faut leur en offrir une autre, leur offrir une perspective de croissance. L'euro existe, réformons-le en changeant les règles de gouvernance : il suffit d'étendre les missions de la banque centrale. Ou toutes les nations européennes sont capables de trouver une autre politique -il y aura des élections générales dans plusieurs grands pays sous peu, ou la zone euro ne survivra pas à la cure d'austérité généralisée. Il faudra alors revenir à la monnaie commune proposée par M. Balladur et M. Bérégovoy... et par moi-même. (Sourires)

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Il vaudrait mieux renvoyer les chambres dans le néant, comme le 10 juillet 1940 à Vichy. Comme disait Mendès France, il y a deux moyens de renoncer à la démocratie : abdiquer au profit d'un régime autoritaire ou déléguer sa souveraineté à une institution extérieure. Ces propos prémonitoires datent de 1957. On a envie de dire : de Gaulle, Mendès France, réveillez-vous, ils sont devenus fous ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard César.  - Les lois-cadres sont indispensables pour revenir à l'équilibre de nos finances publiques. Je soutiens les propositions du président Hyest. En revanche, je doute de l'intérêt du monopole des lois financières. N'oublions pas que, contrairement au Gouvernement, les parlementaires sont soumis à l'article 40 de la Constitution.

Dans la loi de modernisation agricole, dont j'étais le rapporteur, les mesures fiscales représentaient un volet essentiel.

La taxe sur les surfaces commerciales, introduite par le Gouvernement, était un élément intéressant qui ne coûtait rien au budget de l'État. La commission de l'économie l'approuvait. De même la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles a permis d'alimenter le fonds d'aide aux jeunes agriculteurs. Serait-il vraiment cohérent d'écarter les mesures financières des lois ordinaires ?

Je souhaite que la solution de bon sens trouvée par la commission de l'économie soit adoptée car elle préserve les droits du parlement ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Hervé Maurey.  - Nous connaissons tous la situation catastrophique de nos finances publiques. Nous en sommes tous responsables, à droite comme à gauche.

Mme Nicole Bricq.  - Trop facile !

M. Hervé Maurey.  - Nous nous réjouissons que le Gouvernement entende enfin les centristes. Quel dommage d'avoir attendu la fin de la législature !

Les lois-cadres, supérieures aux lois ordinaires, ne sont ni un gadget ni un outil à valeur symbolique. Néanmoins, rien ne remplacera la volonté politique.

La loi organique devra préciser les conditions de révision des lois-cadres : celle-ci devrait être limitée aux circonstances exceptionnelles.

En revanche, nous nous interrogeons sur le monopole des lois de finances et de financement en matière de prélèvements obligatoires. Il réduira le pouvoir des parlementaires et, singulièrement, des sénateurs. Cela est totalement contraire à l'objectif de la révision constitutionnelle de 2008. Alors, le président Arthuis avait préconisé la suppression de l'article 40 pour responsabiliser les parlementaires. Avec cette bombe nucléaire, l'article 40 fait figure de pistolet à eau.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Nous créons un article 40 pour le Gouvernement !

M. Hervé Maurey.  - Cette disposition affaiblit le Sénat puisque les lois financières sont discutées en priorité à l'Assemblée. Et qu'en serait-il des dispositions fiscales liées à l'organisation du territoire ? La priorité du Sénat serait menacée.

Enfin, cette disposition n'est pas nécessaire pour atteindre l'objectif d'équilibre des finances publiques. D'autant que les lois-cadres interdiront la création de nouvelles recettes. Or dans la loi Nome nous avons ajouté 75 millions de recettes pour augmenter le produit de la taxe sur l'électricité. On ne peut pas nous couper les deux bras pour nous empêcher de signer un chèque ! D'autant que les dépenses fiscales de grande ampleur ont toujours été votées à la demande ou avec l'accord du Gouvernement...

Si ce point n'est pas repris, je serai dans l'impossibilité, à mon grand regret, de voter ce projet de loi !

La séance est suspendue à 19 h 50.

*

*          *

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 21 h 50.

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques.

M. Yves Daudigny.  - J'écarterai le ton manichéen donné à ce débat. Ce projet nous est présenté tardivement, à la veille d'échéances électorales majeures, comme le nouveau Graal, la martingale, la clef du rétablissement de l'équilibre de nos finances publiques.

Le texte serait, pour certains, d'intérêt national, et placerait l'opposition devant ses responsabilités. De récents et inattendus convertis citent Mendès France. Mais en trente ans, jamais un Gouvernement de droite n'a ramené le déficit sous la barre des 2 % ; en 1989, en 1999, en 2000 et en 2001, lorsque nous y sommes parvenus, la gauche était au pouvoir. Nous laissons à la majorité la caricature. Dans sa stratégie de défense de rupture aux fins d'auto-blanchiment, la majorité voudrait faire procès à l'opposition d'avoir réussi là où elle a toujours échoué !

De fait, nous ne défendons pas les mêmes intérêts ni les mêmes valeurs mais savons travailler ensemble à l'intérêt général, comme le prouvent nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Faute de recettes pérennes, le niveau de la protection sociale devra être revu à la baisse. Ce serait signer la mort du système hérité de 1945, rappelait alors notre collègue Jégou dont je salue la lucidité.

Nous soutenons le rapporteur général Vasselle qui, en 2009 et 2010, montrait les limites de l'attentisme en matière de finances sociales.

Des règles contraignantes ne sauraient suppléer une volonté politique ferme et constante pour assurer le redressement des comptes publics. Le récent exemple de l'allongement de la durée de vie de la Cades montre que des dérives restent toujours possibles.

Quel sens donner à ce texte ? Pourquoi inscrire dans notre Constitution des principes opposés à tous les actes de ce Gouvernement ? La Fédération française d'addictologie vient de se réunir à Paris : s'agit-il d'interdire au joueur d'entrer au casino ?

La date d'entrée en vigueur de ce texte ? Elle est renvoyée à la loi organique. Ce n'est pas cohérent.

Le Parlement devrait se saborder pour assurer l'équilibre des finances publiques ? Au vrai, ce sera appliquer un cautère sur une jambe de bois.

Vos arguments sont fallacieux : l'article 40 de la Constitution et l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale interdisent déjà toute réduction des recettes et tout accroissement des dépenses. Or 85 % des dispositions qui ont entraîné des pertes de recettes ont été votées en lois financières ; pour la plupart, elles ne sont pas d'origine parlementaire. La récente annonce, en cours d'année, d'une prime de 1 000 euros pour le salarié n'en est qu'un nouvel exemple, voté, hors loi de finances, à l'initiative du Gouvernement, après la baisse de TVA sur la restauration et la loi Tepa. Et que dire du siphonage constant opéré sur les recettes de la sécurité sociale ? Au point que le Conseil constitutionnel rappelle que le Gouvernement ne peut puiser sur les ressources de la sécurité sociale pour financer le remboursement de la dette de la Cades !

Une loi-cadre viendra-t-elle infléchir votre politique ? Je n'en crois rien. Sa principale conséquence sera d'instituer le Conseil constitutionnel en conseil politique. Car comment ne jugera-t-il pas en opportunité ? Et chaque crise viendra faire sauter le verrou. Il n'est que de voir les références auxquelles renvoient les rapports de l'Assemblée nationale. Comme disait Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues, « budget : toujours en déficit ».

Les « règle d'or » et d'investissement durable du code de stabilité budgétaire britannique adopté en 1997 n'ont pas permis de surmonter la crise économique et ont été suspendues pour raison de force majeure. Le « chaînon manquant » n'est donc pas celui de règles d'intendance, qui n'ont pas la capacité de suppléer l'absence de projet politique.

Même inscrit dans la Loi fondamentale, ce projet de réforme reste un texte de gestionnaire qui ne peut suffire, à lui seul, à garantir l'équilibre de nos finances publiques. Il est aussi l'aveu d'un échec et sera vraisemblablement la dernière illusion de ce quinquennat, que la majorité défend avec la foi du charbonnier.

Il est une autre politique que récessive et de court terme. Il est une autre voie pour rassurer les marchés : établir une économie d'investissement et de développement. Non, il n'y a pas, en France, de malédiction de la dette. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Sido.  - Ce texte apporte une réponse indispensable à la dérive des comptes publics, dans la lignée de ce que font nos partenaires européens. Son adoption est indispensable : la France doit se doter d'un instrument contraignant. J'approuve le coeur de la réforme, mais pourquoi instituer un monopole des lois financières qui réduirait à l'excès les pouvoirs du Parlement ? M. Gilles Carrez rappelle, dans son rapport, que les textes financiers sont examinés « à la hussarde », dans des délais contraints, et que la navette est inexistante. (M. Jean Desessard approuve)

Bien des textes sont indissociables de leur volet fiscal. Imagine-t-on l'examen de la loi Libertés et responsabilités locales et de la loi sur les jeux en ligne sans leur volet financier ? Si celui-ci était, pour tout texte, ramené à l'automne, à l'examen de la loi de finances, comment la commission des finances trouverait-elle les moyens de mener les auditions nécessaires, et quelle serait la cohérence d'un examen dont un volet serait envoyé au Sénat, l'autre à l'Assemblée nationale ? Quid de la priorité d'examen au Sénat des textes relatifs aux collectivités ?

Je demande la suppression du monopole. Pour le reste, je soutiens ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Desessard.  - Ce texte est une très mauvaise réponse à une excellente question. Responsabilité, économie, solidarité sont les trois valeurs cardinales de l'écologie politique.

La responsabilité, c'est rendre compte de ses actes y compris à l'égard des générations futures. Dégrader l'environnement ou les finances publiques forment, à cet égard, un tout. Le consensus ne saurait aller plus loin.

Votre morale est à géométrie variable : en 2007, quand Nicolas Sarkozy a été élu, la dette était de 1 209 milliards d'euros ; elle est aujourd'hui de 1 680 milliards. En quatre ans, le Gouvernement a tari comme jamais les recettes fiscales : TVA sur la restauration, niches fiscales, et j'en passe. Permettez-nous de douter de votre morale budgétaire quand ce sont 125 milliards d'euros par an que représentent, depuis quatre ans, vos cadeaux fiscaux.

Cette loi vise-t-elle à vous prémunir contre vous-mêmes ? Mais les critères de Maastricht, la loi organique de 1996 interdisant le transfert de dettes à la Cades ou les lois de programmation ne vous ont pas arrêtés !

Pourquoi la loi-cadre vous astreindrait-elle comme par magie à une discipline que vous n'avez jamais respectée, en raison, notamment, de l'instabilité et de l'inconséquence d'un président de la République qui, récemment encore, vous enjoignait de voter un texte instituant une prime de 1 000 euros ? Il faut vous y résoudre, messieurs les ministres : aucune règle juridique ne vous protégera jamais de l'irresponsabilité politique.

L'exemple allemand ? Mais l'Allemagne a redressé ses comptes avant l'entrée en vigueur de sa nouvelle Loi fondamentale. En définitive, à quoi sert ce texte ?

Que pèsera le vernis constitutionnel de votre règle budgétaire face à une catastrophe naturelle de grande ampleur, face à une catastrophe nucléaire -que vous n'osez plus prétendre impossible !-, face à une pandémie, face à une nouvelle déflagration économique -que votre incapacité ou votre manque de volonté à réformer la finance rend toujours possible à court terme ? Rien !

La force de l'urgence balaiera vos carcans comptables, administratifs ou constitutionnels et le pouvoir politique sera un peu plus décrédibilisé.

Ce texte, antidémocratique et irresponsable, fixe une règle en or qui marquera la fin du débat politique et du Parlement comme le but en or marque la fin d'un match de football.

Nous ne pouvons accepter de brader ainsi la démocratie : les sénateurs écologistes voteront résolument contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. François Baroin, ministre.  - Monsieur Desessard, le but en or n'a jamais empêché de jouer : il permet simplement de désigner le vainqueur. L'inscription de la règle d'or dans la Constitution n'empêchera jamais le débat ni au Sénat, ni à l'Assemblée; il s'agit simplement de fixer un cap et de définir une méthode de travail. Je remercie le président de la commission des lois, le rapporteur général de la commission des finances et son président, le rapporteur général de la commission des affaires sociales ainsi que le président de la commission de l'économie.

Ce texte avance trois idées simples. La loi de programmation se transformera en loi-cadre pour fixer un objectif intangible afin de tourner le dos à l'addition des dépenses pour s'inscrire résolument dans la recherche de l'équilibre.

Un événement majeur a marqué la législature : la crise importée des États-Unis, qui a transféré la dette privée vers le public.

M. Yves Daudigny.  - Heureux de l'entendre !

Mme Nicole Bricq.  - La crise a bon dos !

M. François Baroin, ministre.  - Mais le dispositif mis en place pour sauver le système bancaire visait à sauver l'économie, les entreprises, donc les particuliers. Souvenez-vous des queues devant les banques ! Le prix à payer a été le transfert de la dette privée vers le public. Il faut ignorer totalement ce qui se passe en Grèce, au Portugal, en Grande-Bretagne, et même aux États-Unis, pour croire à un tour de passe-passe de notre part. Il ne s'agit que de fixer des règles pour revenir à l'équilibre. Réduire la dette, c'est une question de bon sens, de responsabilité, de souveraineté. Merci au rapporteur général de l'avoir compris. L'outil que nous vous proposons vise à contraindre le Gouvernement pour éviter toute mesure dérogatoire qui ne s'inscrirait pas dans cette perspective vertueuse.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Tout à fait !

M. François Baroin, ministre.  - Il ne s'agit donc nullement de tordre le bras au Parlement. À nous de trouver, ensemble, le juste milieu. Dans le respect de la vocation qui est celle du Sénat, nous devons trouver un compromis entre la volonté gouvernementale de fixer un cap et le respect de l'initiative parlementaire.

Ce texte est la synthèse de la méthode responsable retenue par le Gouvernement et le président de la République, qui a suscité le consensus. Écartons les mauvaises pensées. Je ne reviens pas sur les propos de Jean-Pierre Chevènement, qui voit là la possibilité de toucher les droits d'auteur d'un combat dépassé, celui de Maastricht, et de faire en sorte de lire cette Constitution réformée à travers le prisme d'une remise en cause d'une politique qu'il a toujours dénoncée, celle de l'euro.

On ne peut pas, monsieur Fischer, plaider tout et son contraire et dénoncer une politique qui a visé, à travers une crise sans précédent, à protéger le modèle social français.

Nos choix ont été ambitieux, audacieux, responsables et vertueux : ne pas augmenter les prélèvements obligatoires et poursuivre le soutien à l'activité économique. Les résultats sont au rendez-vous (exclamations à gauche) : 1,6 % de croissance d'ores et déjà acquis ; un déficit ramené à 5,7 % d'ici à la fin de l'année. Nos objectifs seront tenus !

Comme à l'Assemblée nationale, je sais que Gouvernement et parlementaires pourront se rejoindre et trouver un équilibre entre monopole financier et initiative parlementaire. La loi de finances ne doit pas devenir, par une inversion des valeurs, la voiture balai ou la chambre d'enregistrement des mesures votées dans l'année. Pour préserver l'initiative parlementaire, on peut aller plus loin que la seule loi de finances rectificative. J'ai entendu les observations de MM. Hyest, Vasselle, Emorine et Gélard qui souhaitaient une priorité du Sénat pour les textes financiers associés à des projets de loi relatifs aux collectivités locales ; ce sera difficile juridiquement... Tronçonner la loi de finances ne semble guère praticable. Au demeurant, la réforme de la taxe professionnelle a commencé à l'Assemblée, mais l'essentiel du travail a été accompli au Sénat. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°76, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne ménage pas mon plaisir à défendre une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité sur un projet de loi constitutionnelle...

Ce texte est irrecevable démocratiquement ; il ne réunira pas la majorité des trois cinquièmes au Congrès. Mais vous avez déjà prévu une loi organique. Faut-il croire que le président de la République veut afficher à l'égard des marchés sa volonté de bonne conduite ? Ce texte porte bien son nom de « règle d'or » à condition d'ajouter « des marchés financiers ».

En 2008, les États ont sauvé les banques sans contrepartie et fait payer les peuples. Ceux qui ont profité avant et après la crise, les actionnaires du CAC 40, n'ont eu aucun compte à rendre. Au contraire, vous ne cessez de les flatter. Au point qu'aujourd'hui, les plus riches arrivent à avoir un taux d'imposition aussi faible qu'un petit salarié : 4 % pour Mme Bettencourt et pour un salarié à 1 500 euros !

La dernière loi de finances rectificative, entre l'allègement de l'ISF et le maintien du bouclier fiscal, aggrave le déficit public : vous n'appliquez même pas les bons principes que vous voulez constitutionnaliser !

Vivre ensemble, c'est avoir un comportement responsable, nous dit-on. Mais le peuple est-il responsable de votre politique qui met au pas les collectivités locales, impose la RGPP et s'emploie à exonérer, avec le pacte de stabilité, les responsables de la crise financière ? Vous instituez une norme suprême qui contrevient directement à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme ; alors que le Conseil constitutionnel a réaffirmé les principes d'annualité et d'unité budgétaires, vous faites l'inverse avec ce texte en imposant la mise en cohérence entre la trajectoire pluriannuelle transmise à Bruxelles et la loi de finances votée annuellement par le Parlement.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Absolument.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mais qui édicte la norme ? Le Conseil des ministres européens ? La Commission ? Un pays ? C'est là que le bât blesse. Vous ajoutez une règle supplémentaire au traité de Lisbonne pour limiter durablement la souveraineté populaire. Comment imaginer que le Conseil constitutionnel, instance non démocratique, puisse annuler une disposition prise par un gouvernement en cas de crise ? Comment imaginer qu'un gouvernement issu d'un changement de majorité accepte une camisole financière qui l'empêche d'agir ?

On comprend bien l'intérêt des marchés financiers dans cette affaire ; ils ne paieront pas la note. C'est bien la logique du traité de Lisbonne : inscrire la rentabilité du capital dans le marbre de notre Loi fondamentale.

Ce caractère antidémocratique de ce texte n'échappe pas à certains membres de la majorité. Le président de la commission des lois, dans son rapport, souligne l'affaiblissement du Parlement qui s'ensuivrait. Néanmoins, il n'apporte pas de remède au mal annoncé : les lois financières continueront d'avoir compétence exclusive sur les mesures fiscales et autres recettes sociales ; et les lois-cadres subsistent. Il n'y a là que subterfuge.

Nous le refusons ! Le Parlement ne peut pas aliéner la souveraineté du peuple au comptable européen ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Quel paradoxe de présenter une telle motion sur un projet de loi constitutionnelle ! Cela dit, vous avez pu développer vos thèses...

Je suis surpris par votre refus de la pluriannualité ; l'annualité, c'est la navigation à vue. Nous avons commencé en 2008 avec les lois de programmation. Les lois-cadres nous obligeront à la constance.

Ce texte ne bafoue en rien les principes fondamentaux de notre République. Voyez l'Allemagne qui ne s'est pas si mal trouvée d'un dispositif similaire. L'avis de la commission est défavorable.

M. François Baroin, ministre,  - Même avis.

La motion n°76 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 225
Nombre de suffrages exprimés 206
Majorité absolue des suffrages exprimés 104
Pour l'adoption 24
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°38 rectifiée, présentée par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011).

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le prêchi-prêcha qui accompagne ce texte fait penser aux contes moraux du XIXe siècle illustrés de vignettes émouvantes et destinés à l'édification des prolétaires. Sur la première vignette, on verrait une famille éplorée accrochée aux basques d'un homme ivre et le garde des sceaux dans un coin déclarer doctement : « quand les parents boivent, les enfants trinquent ». (Sourires) Sur la seconde vignette, la même famille radieuse dans un logement d'une honnête propreté et le ministre du budget disant : « la sobriété, c'est la prospérité ». (Sourires)

C'est ainsi qu'une question complexe est réduite à un unique problème, auquel on trouvera une solution simple et de soi-disant « bon sens ». Il ne s'agit nullement de changer l'ordre des choses, forcément parfait, mais de corriger les hommes en même temps que l'idiosyncrasie des parlementaires, prompts à voter des dépenses à des fins électoralistes -hier les « irresponsables » élus locaux. Alors que le Gouvernement dispose de tous les moyens constitutionnels pour imposer ses vues... S'il ne se sent pas capable de conduire la politique financière de la France, qu'il s'en aille ! (Sourires)

En vérité, le problème n'est pas tant de l'excès de la dépense que du défaut abyssal des recettes, du déséquilibre du partage de la valeur ajoutée en défaveur du travail, qui n'a cessé de s'aggraver au cours des trente dernières années, des allègements fiscaux et sociaux généreusement décidés par ce Gouvernement -de 190 à 300 milliards selon les modalités de calcul, à comparer avec le déficit public de crise en 2009, soit 145 milliards. Si ce n'est pas organiser l'insolvabilité de l'État et la faillite des régimes sociaux, c'est bien imité... Voilà comment on a organisé l'emballement de la dette.

La question du partage de la valeur ajoutée n'est pas propre à l'Europe, mais d'après le Bourdin-Collin, nous avons fait moins bien que les États-Unis : moins 12 points de PIB au détriment du travail, contre moins 4 points. Et moins de revenus du travail, c'est moins d'impôts et moins de cotisations sociales. Si, selon le credo libéral, les bénéfices d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain, cette évolution n'aurait pas eu un impact aussi négatif sur l'emploi, la consommation et les recettes de l'État. Mais la foi n'a pas suffit à déplacer les montagnes. L'excédent de revenus du capital n'a pas été réinjecté dans l'économie mais est allé croître et multiplier dans des bulles spéculatives. Le maintien du niveau de la consommation et de l'emploi a imposé de compenser les fuites. Pour ce faire, parmi les cocktails disponibles, la France a opté pour le « mou », croissance molle, endettement public et privé modéré. Ce qui passe aux yeux des libéraux français pour du keynésianisme s'est limité à caler la croissance de l'emploi sur celle de la population active.

Mais tous les gouvernements n'ont pas fait la même chose. On doit au Gouvernement Jospin 60 % des créations d'emplois de ces vingt dernières années. Période de croissance, me dira-t-on ; soit, mais ce ne fut pas la seule de ces trente dernières années. Ce fut bien le produit d'une politique.

Comment le Gouvernement entend-il nourrir la croissance, l'emploi, la consommation sans augmenter les revenus du travail et en réduisant l'endettement public ? Songe-t-il à appliquer la recette prônée par le candidat Sarkozy en 2007, qui plaidait pour la réforme du crédit hypothécaire ? La crise de 2008 a démontré l'inanité de ces propos : pour sauver le système bancaire, le lapin blanc de la dette privée s'est transformé en lapin noir de la dette publique. Que la France s'en soit plutôt mieux tirée que d'autres ne signifie pas qu'elle soit à l'abri des tensions dans la zone euro. Une nouvelle discipline budgétaire pour éviter que la France ne devienne un pays Club Med ? Si elle n'était pas la cible de la spéculation, nous ne serions pas là aujourd'hui... Le ministre du budget l'avoue d'ailleurs avec candeur. Le général de Gaulle disait : « la politique de la France ne se décide pas à la corbeille ».

Mme Nicole Bricq.  - De politique, il n'y en a pas !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Autres temps, autres moeurs, autres hommes. Grandeur et décadence... Si les marchés dictent leur loi, c'est qu'on les a placés en situation de le faire ; lorsqu'ils ne craindront plus le délabrement des finances publiques, ils spéculeront sur les conséquences de leur restauration...

On ne rassure pas les marchés. La monétisation directe de la dette publique par les banques centrales permettrait de desserrer l'étau ; elle serait bien moins dangereuse, écrit Patrick Artus, que la monétisation indirecte par les banques. Elle limiterait son coût et donnerait aux États des marges de manoeuvre, sans être plus inflationniste que les émissions d'origine bancaire, au moins tant que la production tourne au ralenti. Faudrait-il d'ailleurs se plaindre de davantage d'inflation ? Quelques malappris tel Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, préconisent même de relever de 2 % à 4 % la cible d'inflation des banques centrales, ce qui allégerait le poids de la dette de 2 points de PIB par an.

Ainsi le fond de l'affaire n'est-il pas l'irresponsabilité des parlementaires mais le mode de construction et de régulation de l'euro -tentative inouïe de créer une monnaie sans pouvoir souverain pour l'administrer, concrétisation du rêve libéral d'un ordre autonome fonctionnant selon ses lois propres pour le bonheur de l'humanité... Le rêve ne s'étant pas réalisé, le mal ne pouvait venir que du vestige de souveraineté laissé aux États : la politique budgétaire. L'objet de ce texte est de les en priver.

L'Europe n'était pas prête, affirmaient certains ; et la crise est arrivée. Comme le dit Paul Krugman, nous assisterons dans les années à venir à un douloureux processus de sortie de crise fait de renflouages accompagnés d'une violente austérité et d'un chômage alimenté par la déflation.

Comme toujours, nous en revenons aux palinodies sur le devoir moral et aux cataplasmes. On nous reproche de ne pas penser aux générations futures ; nous vous invitions à penser aux jeunes d'aujourd'hui et à la galère que vous leur préparez ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - M. Collombat a beaucoup critiqué l'euro ; son parti l'a pourtant constamment soutenu.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La repentance est possible ! Perseverare diabolicum...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce texte vise à retrouver des marges de manoeuvre après trente-cinq ans de déficits cumulés. Tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, portent leur part de responsabilité dans cette situation.

Quant à la protection des droits du Parlement, je me suis battu et j'ai grandement contribué à améliorer le texte.

M. René Garrec.  - C'est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pour finir, il y a lieu de poursuivre le débat.

M. François Baroin, ministre.  - L'avis est défavorable.

La motion n°38 rectifiée est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 128
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

M. le président. - Motion n°45, présentée par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Plancade et Tropeano.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi constituionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011).

M. Yvon Collin.  - Le RDSE juge ce dispositif constitutionnel inutile, inopérant et dangereux. Je regrette que vous jouiez avec la réputation de la représentation nationale en la sommant d'approuver ce texte sous peine de porter atteinte à l'intérêt national.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - La responsabilité politique commande d'assumer ses choix. Lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, le déficit public était inférieur à 2 % ; en 2010, il atteint 7 %. À l'insoutenabilité du déficit s'ajoute celle de la dette ; entre 2001 et aujourd'hui, elle est passé de 56,9 % du PIB, soit un taux compatible avec les critères de Maastricht, à 81,7 %, ce qui représente une augmentation de 40 % en neuf ans !

Cette situation, dont vous êtes responsables, impose d'agir. Si la France est abonnée à la dette, c'est parce que vous avez souscrit l'abonnement.

M. René Garrec.  - D'autres pays connaissent cette situation !

M. Yvon Collin.  - Que faites-vous sinon répéter les leçons des petits génies de l'école de Chicago, qui fabriquent une science économique de pacotille pour aspirants nobélisables en faisant vôtres les recommandations des banquiers plus préoccupés de leurs bonus que de l'intérêt général ? Le ver est dans le système !

Plutôt que d'agiter la menace des marchés financiers, protégez la France de leurs excès. En 2007, l'Europe connaissait la croissance ; vous n'en avez pas moins creusé le déficit de 0,4 point de PIB. Vous l'avez encore aggravé depuis quand l'Allemagne réduisait le sien.

Vous n'avez pas eu le courage de mener une politique fiscale ponctionnant les plus hauts revenus, pourtant si nécessaire pour notre cohésion sociale. Au contraire : vous avez sciemment allégé la contribution des plus aisés.

Ce texte est inutile. Quelle différence entre les anciennes lois de programmation et les nouvelles lois-cadres ? Êtes-vous si incertains de vos engagements qu'il vous faut vous lier tel Ulysse à son mât ? Les règles d'or n'ont pas fait la preuve de leur efficacité en Europe ? Il en résulte surtout de l'inertie -et demain de nouvelles spéculations. Méfions-nous des concours de beauté, qui produisent surenchères et artifices.

Les lois-cadres s'imposeraient aux lois ordinaires et cela, selon des modalités définies dans une loi organique dont nous ne savons rien. Les écarts seront-ils corrigés terme à terme ou en considération de leurs effets sur le solde ? Comment seront-ils compensés ? Le plus grand flou règne, d'autant qu'il faut parfois des années pour constater les écarts. Tout au moins, cet examen aura lieu en loi de règlement. Mais la loi de règlement ne vise-t-elle pas, déjà, à corriger ces écarts ? Et s'il y a écart, comment sera-t-il sanctionné ?

Sortons du monde de Kafka et du père Ubu ! Retrouvons la terre ferme en renvoyant ce texte pour réfléchir à un autre mécanisme. Comment la commission des finances peut-elle accepter ce texte sans se renier, les lois de financement se voyant reconnaître une compétence concurrente ? Comment les sénateurs peuvent-ils se dessaisir de leur pouvoir d'initiative ?

Le Parlement, que vous prétendez respecter, ne peut pas accepter qu'il soit à ce point porté atteinte à ses droits. C'est pourquoi les membres du groupe RDSE signataires de cette motion vous invitent à les suivre ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les motions sont intéressantes : on n'en aborde la motivation qu'à la toute fin... Tous les gouvernements ont péché.

Mme Nicole Bricq.  - Mais non !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission des lois a déposé des amendements pour préserver le droit d'initiative des parlementaires.

La motion n°45, rejetée par le Gouvernement, n'est pas adoptée.

Prochaine séance demain, mercredi 15 juin 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 45.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 15 juin 2011

Séance publique

À 14 heures 30 et le soir

1. Suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois (n° 568, 2010-2011).

Avis de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 578, 2010-2011).

Avis de MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (n° 591, 2010-2011).

Avis de M. Jean-Paul Emorine, fait au nom de la commission de l'économie (n° 595, 2010-2011).

2. Projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (Procédure accélérée) (n° 554, 2010-2011).

Rapport de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois (n° 586, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 587, 2010-2011).

3. Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 566, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 589, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 590, 2010-2011).