II. LE FINANCEMENT DU TRANSFERT ET DE LA CRÉATION DE COMPÉTENCES

A. ASSURER UNE COMPENSATION INTEGRALE DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES

1. Le droit existant en matière de compensation des compétences transférées

Le code général des collectivités territoriales comporte plusieurs dispositions (articles L. 1614-1 à L. 1614- 7) relatives à la compensation des transferts de compétences aux collectivités territoriales.

Les principes applicables à la compensation des compétences transférées ont été introduits par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. Ils prévoient que le droit à compensation est couvert par des transferts de fiscalité et, pour le solde, par des ressources budgétaires. Les principales dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la compensation des transferts de compétences sont :

- l'attribution de ressources équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'Etat, de manière à assurer une compensation intégrale des charges transférées (article L. 1614-1) ;

- le constat du montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges par arrêté conjoint du ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé du budget, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges (article L. 1614-3) ;

- une compensation par le transfert d'impôts d'Etat, par les ressources du Fonds de compensation de la fiscalité transférée et, pour le solde, par l'attribution d'une dotation générale de décentralisation (article L. 1614-4) ;

- une attribution des ressources par l'Etat constituée d'au moins la moitié de transferts d'impôts d'Etat (article L. 1614-5) ;

- l'établissement à l'intention du Parlement, à l'occasion de l'examen de la loi de finances de l'année, par la commission consultative sur l'évaluation des charges, d'un bilan de l'évolution des charges transférées aux collectivités locales (article L. 1614-3).

Il convient de souligner que ces principes n'ont pas été pleinement respectés, s'agissant notamment du transfert d'impôts d'Etat et de l'établissement d'un bilan annuel par la commission consultative sur l'évaluation des charges.

Le tableau ci-après, tiré du rapport spécial « décentralisation » sur le projet de loi de finances pour 2003 13 ( * ) , montre le décalage entre l'évolution des ressources transférées et le coût de l'exercice des compétences transférées pour les départements et les régions, entre 1990 et 1998.

Source : rapport 2001 de la commission consultative sur l'évaluation des charges

Le commentaire de ce tableau précisait que « la conclusion à tirer de ce graphique n'est pas que l'Etat devrait compenser intégralement le coût de l'exercice des compétences transférées, car l'Etat ne doit pas compenser des dépenses dont il ne fixe pas le montant (tout comme il ne devrait pas décider de dépenses dont il n'assume pas le coût financier). En revanche, il ressort de ce graphique que, d'une part, l'Etat n'exerçait vraisemblablement pas de manière satisfaisante les compétences avant leur transfert car sinon les collectivités locales n'auraient pas eu à accroître leurs dépenses dans des proportions aussi importantes et, d'autre part, qu'un mécanisme de réévaluation périodique du coût, et donc de la compensation, des compétences transférées serait particulièrement opportun ».

L'article 72-2 de la Constitution, tel qu'il résulte de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République dispose, dans son quatrième alinéa, que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

L'introduction de cet article avait pour objet de donner une valeur constitutionnelle à des règles qui n'avaient jusqu'alors qu'une valeur législative. Par ailleurs, l'inscription de la nécessité d'accompagner de ressources l'extension et de la création de compétences correspond à des situations non prévues par la loi 14 ( * ) .

Il convient de noter qu'il existe des transferts de charges qui ne correspondent pas à des transferts de compétences, pour lesquels, même après la réforme de la Constitution, aucune compensation n'est prévue par les textes. A cet égard, le rapport de la commission consultative sur l'évaluation des charges pour 1999 notait que les collectivités locales enregistrent des charges nouvelles sur lesquelles elles n'ont parfois aucune prise 15 ( * ) . Un montant croissant de dépense des collectivités locales est en effet lié à la mise en oeuvre de politiques définies par l'Etat. Il s'agit par exemple de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), pour laquelle les départements doivent prendre en charge, pour l'année 2003, un coût supérieur d'environ 400 millions d'euros par rapport aux prévisions initiales, et des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), dont le coût de gestion augmente régulièrement sous l'effet de mesures réglementaires.

On notera, s'agissant du revenu minimum d'insertion, que sa situation se situe « entre les deux » cas de figure évoqués plus haut, puisque, s'il s'agit bien d'un transfert de compétence, la dépense correspondante continue d'être déterminée par l'Etat.

* 13 In rapport général sur le projet de loi de finances pour 2003, n° 68, Tome III, annexe n° 23 : intérieur, sécurité intérieure et libertés locales : décentralisation, page 30.

* 14 Sur ce point, voir le 4 du B du II de cette première partie.

* 15 Ce rapport indiquait (page 110) que trois types de « charges nouvelles » pouvaient être identifiées :

- les charges résultant de législations ou réglementations de portée générale s'imposant aux collectivités comme aux autres personnes publiques ou privées ;

- les charges liées à des prescriptions européennes ou nationales destinées à répondre à des exigences d'intérêt général pour des équipements ou l'exercice de compétences des collectivités locales ;

- les charges issues de la transposition directe ou indirecte aux collectivités locales de décisions prises par l'Etat.

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