III. UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ PRÉVU PAR L'ARTICLE 10

L'article 10 du présent projet de loi autorise et encadre la privatisation de Gaz de France par trois dispositions :

- la fixation de la participation de l'Etat dans le capital de la société à au moins un tiers, en modifiant l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée (I) ;

- la transformation d'une action ordinaire de la société, détenue par l'Etat, en action spécifique, en insérant un article 24-1 au sein de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée (II) ;

- la désignation, par le ministre chargé de l'énergie, d'un commissaire du gouvernement qui participe aux organes de gouvernance de Gaz de France ou des sociétés issues de la séparation juridique imposée à Gaz de France par les articles 5 et 13 de la loi du 9 août 2004 précitée, avec voix consultative (II).

Enfin, une disposition technique du présent article ajoute le nom de la société « Gaz de France SA » à la liste annexée à la loi n° 93-923 du 9 juillet 1993 de privatisations (III).

Votre rapporteur pour avis ayant déjà longuement expliqué dans le présent rapport les raisons pour lesquelles il lui semble nécessaire d'autoriser la privatisation de Gaz de France, il ne reviendra pas sur ce point central, préférant insister sur les garanties offertes par le texte.

A. UNE PARTICIPATION CONSÉQUENTE DE L'ÉTAT

1. Le seuil de la minorité de blocage

Le paragraphe I du présent article dispose que l'Etat détient « plus du tiers du capital de Gaz de France », tout en maintenant par ailleurs la part minimale de 70 % de l'Etat dans le capital d'EDF.

En conséquence, l'Etat détiendra ce qui est appelé couramment la minorité de blocage dans cette entreprise, c'est-à-dire que toute décision relevant de l'assemblée générale extraordinaire de la société nécessitera son accord . En pratique, conformément aux articles L. 225-96 et L. 225-97 du code de commerce, toute modification des statuts de l'entreprise, notamment son objet social ou les variations du capital social, ne pourra se faire qu'avec l'approbation de l'Etat. Il en irait de même pour toute décision qui tendrait à déplacer le siège social.

2. Un actionnariat stable limitant considérablement les risques de prise de contrôle non sollicitée

Au-delà du seul Etat, l'entreprise issue de la fusion entre Gaz de France disposerait d'un actionnariat stable, comme l'indique le schéma suivant :

Répartition du capital après la fusion de Gaz de France et Suez

Source : Gaz de France - Suez

Ainsi, seules 53,5 % des actions de la société fusionnée en représenteraient le capital flottant. La part cumulée de l'Etat, de la Caisse des dépôts et consignations et d'Areva s'élèverait à 37,4 %, les salariés du groupe possédant quant à eux 3,1  % des actions de la nouvelle entité.

Une telle répartition limite sensiblement le risque d'offre publique d'achat. En effet, son initiateur, à supposer qu'il souhaite prendre le contrôle d'une entreprise dans laquelle l'Etat français est si fortement impliqué, devrait, pour réussir, s'emparer de la quasi-totalité de son capital flottant.

3. Un contrôle stratégique de l'Etat du fait de la création d'une action spécifique et de la présence d'un commissaire du gouvernement

Comme indiqué supra , le paragraphe II du présent article insère les articles 24-1 et 24-2 dans la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée.

L'article 24-1 dispose qu'un décret prononce la transformation d'une action ordinaire du capital de Gaz de France, détenue par l'Etat, en une action spécifique régie par les dispositions de l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Comme indiqué par le gouvernement, notamment dans ses réponses aux questions posées par les organisations syndicales lors de la concertation sur le projet de fusion, les modalités juridiques de la fusion assureront la pérennité de cette action spécifique.

Selon les termes de l'exposé des motifs du présent projet de loi, il s'agit, par ce moyen, de « préserver les intérêts nationaux dans le secteur de l'énergie et notamment la continuité et la sécurité d'approvisionnement en énergie ». Le décret d'application fournira une liste des actifs de l'entreprise dont la cession, de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux, devra être soumise à l'approbation de l'Etat . Parmi ces actifs devraient figurer les canalisations de transport de gaz naturel, les stockages souterrains stratégiques de gaz naturel ainsi que les terminaux méthaniers et les installations de gaz naturel liquéfié.

Votre rapporteur pour avis relève que le cadre communautaire contraindra le gouvernement à dresser une liste précise des actifs concernés, les éventuelles décisions d'opposition devant être motivées. En effet, dans une décision de 2002 7 ( * ) , la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a validé la création par le royaume de Belgique d'une action spécifique dans la société Distrigaz, du fait :

- que le contrôle institué par ladite action était un régime d'opposition et non d'autorisation préalable ;

- que ce contrôle était limité à certaines décisions concernant les actifs stratégiques ;

- qu'il n'était possible qu'en cas de mise en cause des objectifs de la politique énergétique du pays, la décision devant être motivée.

Par ailleurs, après modification par l'Assemblée nationale, à l'initiative du groupe socialiste et avec les avis favorables du gouvernement et de la commission saisie au fond, l'article 24-2 dispose le ministre chargé de l'énergie désigne un commissaire du gouvernement auprès de Gaz de France , des entités qui reprendraient des droits et obligations de Gaz de France, et des sociétés qui en sont issues en vertu de la séparation juridique des réseaux de transport et de distribution (le texte initial du projet de loi n'offrait au ministre que la possibilité de désigner un commissaire).

Ce commissaire a voix consultative aux séances du conseil d'administration ou de surveillance et des comités. Il peut présenter des observations aux assemblées générales.

* 7 CJCE, C-503/99, 4 juin 2002, Commission / Belgique.

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