Article 7
(art. 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Conditions de délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire
portant la mention « vie privée et familiale »

L'article 7 du présent projet de loi vise à modifier et compléter certaines des conditions nécessaires pour que les étrangers obtiennent une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » et qui sont prévues à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

La carte de séjour temporaire est délivrée à certains étrangers, pour une durée maximale d'un an. Elle est renouvelable.

En 2002, 298.057 cartes de séjour temporaire ont été délivrées, parmi lesquelles 104.208 étaient des cartes de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale » 47( * ) .

La carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée lorsque les étrangers ont des liens personnels et familiaux d'une particulière intensité avec la France mais qu'ils ne remplissent pas les conditions nécessaires pour être titulaire d'une carte de résident valable pour dix ans.

1. La carte de séjour temporaire délivrée aux étrangers au titre du regroupement familial

Le présent alinéa de l'article 7 modifie le 1° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de prévoir que désormais une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » serait délivrée de plein droit, d'une part aux enfants mineurs, ou se trouvant dans l'année de leur dix-huitième anniversaire, et, d'autre part, au conjoint d'un étranger titulaire d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire, entrés régulièrement sur le territoire français et autorisés à y séjourner au titre du regroupement familial.

Actuellement, l'article 12 bis de ladite ordonnance ne s'applique qu'aux enfants et conjoints des étrangers bénéficiant d'une carte de séjour temporaire, dans la mesure où l'article 29 de l'ordonnance pose le principe selon lequel est délivré aux membres d'une famille un titre de séjour de même nature que celui de l'étranger qu'ils sont venus rejoindre.

En revanche, l'article 28 48( * ) du présent projet de loi modifie la règle posée au III de l'article 29 de l'ordonnance, en disposant que dorénavant les membres de la famille entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial recevront de plein droit une carte de séjour temporaire, quelle que soit la nature de celle détenue par l'étranger qu'ils viennent rejoindre. Le présent article tire donc la conséquence de cette modification et adapte les termes du 1° de l'article 12 bis . De même, par coordination, l'article 13 du projet de loi supprime des cas de délivrance de la carte de résident de plein droit celle relative aux membres d'une famille entrés en France dans le cadre du regroupement familial et rejoignant un étranger qui en est titulaire 49( * ) .

Le nombre de cartes de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrées dans le cadre du regroupement familial s'élevait à 3215 en 2002, dont 1248 comme premiers titres de séjour.

Nombre de cartes de séjour temporaire portant la mention
« vie privée et familiale », délivrées au titre du regroupement familial,
en vertu du premier alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945

 

2002

2001

 
 

global

dont 1 ers titres

global

dont 1 ers titres

Evolution globale 2002/2001

Conjoints entrés en France au titre du regroupement familial

2.129

875

1.785

737

+ 19,3 %

Enfants entrés en France au titre du regroupement familial

1.086

373

1.027

447

+ 5,7 %

Total

3.315

1.248

2.812

1.184

+ 14,33 %

Source : chiffres du ministère de l'intérieur

Parallèlement, ce sont 16.000 cartes de résident, dont 13.647 comme premiers titres de séjour, qui ont été délivrées en 2002 au titre du regroupement familial, en vertu du 5° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Par conséquent, en vertu de cet article 7 du projet de loi, le chiffre des cartes de séjour temporaire octroyées au titre du regroupement familial devrait être nettement plus élevé qu'actuellement, dans la mesure où l'ensemble des étrangers entrant sur le territoire français dans le cadre du regroupement familial devraient désormais être obligatoirement titulaires de cette carte, quelque soit celle détenue par l'étranger qu'ils rejoignent.

Ainsi, si cette disposition ne constitue qu'une conséquence nécessaire à la modification apportée au III de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, telle que modifiée par l'article 28 du présent projet de loi, il convient de noter que, d'un point de vue administratif, comme l'indique l'étude d'impact relative au présent projet de loi, elle « devrait être à l'origine d'une augmentation significative des titres de séjour temporaires qui seront désormais délivrés chaque année pour ce motif par les services des étrangers, entraînant par voie de conséquence des déplacements plus fréquents en préfectures et une activité accrue des guichets des préfectures et des services instructeurs ».

Cet article, de même que les articles 13, 14 et 28 du projet de loi 50( * ) , participe à l'évolution du droit relatif à la délivrance de titres de séjour au titre du regroupement familial. Il s'agit désormais de subordonner l'octroi d'un titre de séjour de long terme à une condition d'intégration au sein de la société française 51( * ) . Ainsi, les étrangers, même entrés en France au titre du regroupement familial, devraient dorénavant répondre à certains critères d'intégration, cette dernière devant être encouragée dans le cadre de la politique d'immigration de notre pays 52( * ) .

Cette modification législative ne devrait porter atteinte, ni au droit de mener une vie familiale normale, constitutionnellement garanti, ni au droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale posé à l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme 53( * ) , dans la mesure où les étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial, s'ils ne pourraient plus être directement titulaire d'une carte de résident, se verraient délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire. Le droit au séjour au titre du regroupement familial ne serait donc pas remis en cause.

2. Passage de dix à treize ans de l'âge retenu pour qu'un étranger justifiant résider habituellement en France depuis au moins cet âge puisse bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale »

Le 1° bis du présent article provient de l'adoption par l'Assemblée nationale de trois amendements 54( * ) ayant pour même objet de passer de dix à treize ans l'âge prévu au 2° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Le 2° de l'article 12 bis de ladite ordonnance dispose actuellement que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger, mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans ».

Or, les articles 24 et 38 du projet de loi créent une protection absolue contre les arrêtés d'expulsion et les peines d'interdiction du territoire français pour certaines catégories d'étrangers, parmi lesquels ceux qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans.

Par conséquent, par harmonisation , les députés ont adopté trois amendements identiques tendant à aligner l'âge prévu pour l'obtention des titres de séjour avec celui permettant d'être protégé contre des mesures d'éloignement . Cette disposition parait d'autant plus nécessaire que le maintien de catégories différentes pourrait conduire à la création de nouvelles situations dans lesquelles les étrangers ne pourraient ni être régularisés, ni être éloignés .

3. Précision quant aux années pouvant être retenues afin de justifier d'une résidence habituelle en France.

Le 1° ter
du présent article du projet de loi est issu d'un amendement présenté par M. Thierry Mariani au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, tendant à compléter le 4° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

L'article 12 bis de l'ordonnance, en son cinquième alinéa (4°), prévoit qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » peut être délivrée à l'étranger justifiant par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, ou plus de quinze ans s'il y était en tant qu'étudiant.

La justification de la résidence habituelle s'effectue de façon assez libre d'après la circulaire NOR/INT/D/98/00108/C du 12 mai 1998 prise en application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France. En effet, les preuves apportées pour justifier de sa présence en France peuvent tout aussi bien être des documents administratifs ou privés, des témoignages ou des attestations écrites. La récente circulaire NOR/INT/D/03/00047/C du 7 mai 2003 précise que ces preuves représentent toutes « un intérêt et n'ont pas à être écartées ; mais leur force n'est pas de même valeur ». De plus, Elle indique que ces preuves « doivent être classées en fonction de leur degré de crédibilité ».

Le présent alinéa de l'article 7 du projet de loi, issu d'un amendement voté par les députés, vise à poser le principe selon lequel les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents falsifiés ou d'une identité usurpée ne seront pas prises en compte afin de justifier de sa résidence habituelle en France pendant le temps nécessaire pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Il est en effet fréquent que des étrangers se présentent devant l'administration en justifiant leur séjour en France par de faux documents d'identité ou sous une identité usurpée.

Il est à noter que les services préfectoraux ont déjà pour instruction de ne pas accepter ces documents et, si nécessaire, de saisir le Parquet, l'usage de faux documents d'identité et l'usurpation d'identité étant des infractions pénales. De plus, dans un arrêt du 4 février 2002, « Tantiviphavin », le Conseil d'Etat a indiqué que le préfet de police avait légalement pu refuser de tenir compte des années pendant lesquels l'étranger avait séjourné en France sous une identité usurpée, son séjour s'avérant « vicié par la fraude ».

Par conséquent, cette disposition de l'article 7 du projet de loi confère valeur législative à une pratique déjà existante et confirmée par la jurisprudence du Conseil d'Etat.

4. Rétablissement de la condition de communauté de vie pour les étrangers conjoints étrangers de ressortissants français

a) Le droit en :vigueur

Aujourd'hui, on estime à 45.000 le nombre d'étrangers conjoints de Français. Le cinquième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers permet la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l'étranger, marié 55( * ) avec un ressortissant de nationalité française, dont la présence ne constitue pas une menace à l'ordre public et respectant certaines conditions.


La liberté du mariage

« Plus vieux procédé connu d'union entre les hommes » 56( * ) , le mariage, entendu comme l'acte juridique solennel par lequel un homme et une femme établissent une union réglementée entièrement par la loi 57( * ) , a des conséquences juridiques importantes : étant généralement l'acte constitutif de la famille, il unit les époux et leurs biens et donne le statut d'enfants légitimes à leur progéniture.

Le principe de liberté matrimoniale est aujourd'hui garanti par l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui pose qu'« à partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit », tandis que l'article 8 du même texte prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale » 58( * ) .

Le Conseil constitutionnel a défini la liberté du mariage comme une liberté fondamentale de valeur constitutionnelle composante de la liberté individuelle dans sa décision du 13 août 1993 59( * ) , censurant à ce titre la possibilité laissée au procureur de la République de surseoir à la célébration du mariage pendant une durée de trois mois, sans possibilité de recours des futurs époux.

Le juge constitutionnel a confirmé cette décision en 1997 et 1999 60( * ) .


L'étranger concerné ne doit pas vivre en état de polygamie : en effet, la polygamie n'est pas admise en France.

Par ailleurs, son entrée sur le territoire français doit avoir été régulière et son conjoint doit avoir conservé la nationalité française. Enfin, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il doit avoir été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français .

L'article 170 du code civil rappelle que le mariage contracté en pays étranger entre Français ou entre un Français et un étranger est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays, pourvu qu'il ait été précédé de la publication des bans, prévue à l'article 63 du même code. Des possibilités de vérification des actes d'état civil suspects existent et seraient étendues par le présent projet de loi 61( * ) .

Jusqu'en 1998 , une durée d'un an de mariage et l'existence d'une communauté de vie entre les conjoints étaient également exigées pour l'obtention de la carte de séjour temporaire.

Dans sa décision du 22 avril 1997 , le Conseil constitutionnel avait estimé que, « compte tenu des objectifs d'intérêt public qu'il s'est assigné, le législateur a pu, sans méconnaître la liberté du mariage ni porter une atteinte excessive au droit à une vie familiale normale, soumettre la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire au conjoint d'un ressortissant français à la condition que le mariage ait été contracté depuis au moins un an et que la communauté de vie n'ait pas cessé... ».

Mais l'article 5 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile a supprimé ces conditions.

En conséquence, le juge administratif a constaté l'illégalité des refus de séjour par les préfets, pris sur le fondement de l'article 12 bis au titre de l'absence de communauté de vie, alors même que cette dernière avait cessé entre le ressortissant étranger et son époux français au moment de la délivrance du titre.

Le Conseil d'Etat a rappelé que la communauté de vie n'était pas une condition de première délivrance d'un titre de séjour temporaire 62( * ) . En revanche, le renouvellement de la carte de séjour temporaire 63( * ) et la délivrance de la carte de résident 64( * ) sont subordonnés au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé (dernier alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée).

Enfin, il convient de rappeler que les conjoints étrangers de ressortissants français bénéficiaires d'une carte de séjour peuvent obtenir une carte de résident après un an de mariage 65( * ) . Cette durée de mariage serait portée à deux ans par l'article 11 du projet de loi.

b) Le texte soumis au Sénat

Le dispositif proposé rétablirait l'exigence de la communauté de vie afin d'autoriser la délivrance d'une carte de séjour portant mention « vie privée et familiale » à un étranger marié avec un ressortissant français 66( * ) .

Depuis l'instauration des modifications introduites par la loi du 11 mai 1998, le nombre de cartes de séjour temporaires délivrées aux ressortissants étrangers conjoints de Français a été multiplié par plus de quatre en cinq ans, s'élevant à 20.337 titres délivrés en 2002 contre 4.346 en 1997.

L'exigence de la communauté de vie tend à permettre de lutter plus efficacement contre la fraude au mariage et les réseaux qui l'organisent en autorisant l'accroissement des contrôles dans le temps sur la réalité du mariage.

Selon le droit en vigueur, la communauté de vie est un devoir du mariage énoncé positivement dans l'article 215 du code civil qui rappelle que les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie, et que l'on retrouve de façon négative en matière de divorce pour rupture de la vie commune, ou lorsque le comportement de l'un des époux rend la vie commune intolérable dans le divorce pour faute.

La communauté de vie se distingue de la simple cohabitation . Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie 67( * ) .

« La communauté de résidence n'est que le signe extérieur d'une communauté matérielle et affective et sous-entend notamment communauté de lit et communauté de ménage. Elle inclut également une certaine communauté intellectuelle, une volonté de vivre à deux, une affection et un amour réciproques... » 68( * ) .

5. L'attribution de la carte de séjour temporaire aux étrangers parents d'enfants français contribuant à leur entretien et leur éducation

Selon le droit en vigueur 69( * ) issu de la loi du 11 mai 1998
, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur , résidant en France à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins . Avant 1998, seul le fait de subvenir aux besoins de l'enfant permettait de bénéficier de la carte de séjour temporaire.

Toutefois, lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire n'est délivrée à l'étranger que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an 70( * ) .

La loi du 4 mars 2002 a défini l'autorité parentale comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant », précisant « qu'elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'inscription de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » 71( * ) .

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel avait précisé en 1997 72( * ) que « doit être regardé comme subvenant effectivement aux besoins de l'enfant le père ou la mère qui a pris les mesures nécessaires, compte tenu de ses ressources, pour assurer l'entretien de celui-ci ». Il avait ajouté que toute autre interprétation aurait méconnu le droit des intéressés à mener une vie familiale normale.

En première lecture, les députés ont introduit un nouvel alinéa (3) dans l'article 7 afin de modifier les critères de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux étrangers parents d'enfants français : désormais, ceux-ci devraient établir qu'ils « contribuent effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil », la condition d'absence de polygamie étant maintenue.

Cette modification de l'Assemblée nationale tend à renforcer la lutte contre les reconnaissances en paternité de complaisance sans remettre en cause le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH).

Les services préfectoraux ont en effet constaté qu'un certain nombre d'étrangers invoquent la naissance d'un enfant français dans le seul but d'obtenir une carte de séjour temporaire puis une carte de résident, sans assurer la prise en charge de leur enfant.

Cette réforme serait complétée par le nouveau dispositif de l'article 10 autorisant la délivrance d'une carte de résident à l'étranger, père ou mère d'un enfant français, résidant en France depuis deux ans et titulaire depuis deux ans de la carte de séjour temporaire.

De plus, le système retenu par les députés harmoniserait le droit en vigueur avec les nouvelles dispositions du code civil issues de la loi du 4 mars 2002 et prendrait en considération l'intérêt de l'enfant. Les parents précités devraient en effet contribuer effectivement à son entretien et à son éducation, formulation tenant compte de la disparité des situations familiales et du niveau de vie du père et de la mère.

L'article 371-2 du code civil impose ainsi que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ».

6. Le rétablissement du caractère exceptionnel de la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de l'article 12 bis -11 de l'ordonnance du 2 novembre 1945

L'article 12 bis actuel de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans son douzième alinéa (11) tel que modifié par la loi du 11 mai 1998, dispose qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit à « l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ».

L'étranger qui invoque son état de santé pour obtenir la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour dépose une demande à la préfecture de son domicile.

Le préfet ou, à Paris, le préfet de police, remet au demandeur la liste des pièces à fournir et l'invite à s'adresser au médecin ou au praticien hospitalier en charge de son dossier. Sur justification par l'étranger de sa résidence habituelle en France, le préfet délivre un récépissé de demande de titre de séjour d'une durée de validité de trois mois.

Le médecin ou le praticien hospitalier établit un rapport médical (pathologies en cours, traitement en cours, durée prévisible du traitement, possibilité ou non de prise en charge médicale dans le pays d'origine), qui est adressé sous pli confidentiel au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du domicile de l'intéressé ou, à Paris, au médecin chef du service médical de la préfecture de police.

Dès réception du rapport, le secrétariat du médecin compétent informe la préfecture. Garant du respect de la régularité de la procédure et des droits de la personne malade , le médecin s'assure que le rapport médical a été établi par un praticien hospitalier ou un médecin agréé figurant sur une liste établie par le préfet et qu'il répond avec précision aux questions posées.

Le médecin inspecteur de santé publique ou, à Paris, le médecin chef, émet son avis, qui est transmis au préfet. Si ce dernier constate alors que l'étranger malade répond aux conditions fixées par l'article 12 bis (11) de l'ordonnance précitée, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée à l'intéressé, sous réserve que la présence de ce dernier ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Lorsque l'état de santé de l'intéressé ne justifie pas l'obtention d'une carte de séjour temporaire mais nécessite impérativement la poursuite momentanée du traitement, une autorisation provisoire de séjour (APS) de six mois peut lui être délivrée.

Conçu à l'origine pour le cas spécifique des maladies les plus graves (en particulier le SIDA), le système en vigueur a fait l'objet de dérives manifestes dans certains départements . En effet, des médecins inspecteurs de la DDASS, par manque de temps, de compétence ou de moyens, acceptent presque systématiquement de donner un avis favorable sur la simple présentation de certificats médicaux, estimant souvent qu'ils ne sont pas en possession de l'ensemble des informations nécessaires pour évaluer si les étrangers concernés peuvent bénéficier d'un « traitement approprié » dans leur pays d'origine. M. Thierry Mariani a estimé lors des débats à l'Assemblée nationale que l'article 12 bis (11) était devenu « l' ultima ratio des sans papiers ».

Toujours selon ce rapport, « la multiplication des certificats médicaux et la fragilité douteuse de nombre d'entre eux montrent que le 12 bis (11) est perçu par beaucoup d'étrangers comme un artifice de plus pour tenter une régularisation hasardeuse ».

Certains certificats médicaux font même état de simples maux de tête voire de troubles psychologiques attribués à l'état de clandestin lui-même : la notion « d'exceptionnelle gravité » semble parfois ignorée.

Par ailleurs, le dispositif actuel semble détourné au profit de personnes ne résidant pas habituellement en France, mais qui viennent seulement pour bénéficier d'un traitement médical et obtenir ensuite leur régularisation.

Selon le rapport précité, « A la préfecture de police de Paris, la situation est véritablement dramatique. Le rythme actuel de dossiers présentés mensuellement au titre de cet article est supérieur à mille par mois(...). 73( * ) Certains dossiers sont ouvertement douteux alors même que les certificats émanent de médecins agréés ou assermentés ».

Face à ces détournements de procédure, les députés ont introduit un quatrième alinéa à l'article 7 du projet de loi tendant à compléter le 11 de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée : il serait explicitement prévu dans ce texte que la décision de délivrer éventuellement la carte de séjour par le préfet n'intervient qu'après avis du médecin inspecteur de santé publique. De même, à Paris, la décision du préfet de police n'interviendrait qu'après avoir été éclairée par l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police.

De plus, le médecin inspecteur ou le médecin chef pourrait dorénavant convoquer le demandeur pour consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition serait fixée par décret en Conseil d'Etat.

Cette « contre-expertise » ne reviendrait pas sur l'accueil et le traitement des étrangers malades en France. En revanche, le système retenu rétablirait le caractère exceptionnel de la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de l'article 12 bis (11) et renforcerait l'efficacité de la lutte contre la fraude.

La commission médicale régionale devrait présenter « toutes les garanties d'indépendance et de compétence » selon le ministre de l'intérieur 74( * ) .

Par ailleurs, la répression des abus constatés dans la délivrance de certificats médicaux par un nombre limité de médecins est prévue la circulaire du ministre de l'intérieur du 19 décembre 2002 , qui incite les préfets à saisir le Conseil de l'Ordre des médecins et le parquet en cas de fraude avérée.

Favorable aux dispositions du présent article, votre commission vous propose en un amendement tendant à le compléter en vue d'assouplir les règles de maintien ou de renouvellement des cartes de séjour temporaire au profit des conjoints étrangers victimes de violences conjugales en cas de rupture de la vie commune.

La nécessité d'une communauté de vie entre les époux serait désormais nécessaire pour l'obtention et le renouvellement d'une carte de séjour temporaire par le conjoint étranger.

Il convient cependant de répondre à la situation douloureuse d'une ressortissante étrangère ayant épousé un Français et bénéficiaire à ce titre d'une carte de séjour temporaire, qui quitte le domicile conjugal et provoque une rupture de la vie commune 75( * ) car elle est victime de violences physiques et, le cas échéant, retenue contre son gré au foyer.

Selon le droit en vigueur, le représentant de l'Etat doit alors refuser de renouveler le titre de séjour, accentuant la précarité et la détresse de ces conjoints étrangers qui peuvent être ultérieurement l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

L'avis rendu le 22 août 1996 par le Conseil d'Etat et la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 19 décembre 2002 précitée reconnaissent déjà un pouvoir d'appréciation exceptionnel du préfet pour répondre de manière ponctuelle à des situations individuelles mal prises en compte par les textes en vigueur.

Mais, dans ce cas particulier, un signal clair du législateur apparaît nécessaire pour favoriser l'autonomie des femmes issues de l'immigration, conformément aux recommandations du Haut conseil à l'intégration 76( * ) .

Votre commission vous propose donc par amendement de prévoir que lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger, à raison des violences de nature physique qu'il a subies de la part de son conjoint, le représentant de l'Etat peut accorder le renouvellement du titre de séjour.

Votre commission vous propose dans le même esprit un amendement étendant ces dispositions aux conjoints membres de famille titulaires d'un titre de séjour au titre du regroupement familial (article 28 du projet de loi ; article 29 de l'ordonnance précitée).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié .

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