Article 41
(art. 729-2 du code de procédure pénale)
Libération conditionnelle accordée à un
étranger faisant l'objet
d'une peine d'interdiction du
territoire
Cet
article tend à modifier
l'article 729-2 du code de procédure
pénale
afin de prévoir que la
libération
conditionnelle puisse être accordée à un étranger
faisant l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire
français.
Cette procédure serait différente de celle
déjà existante à l'actuel article 729-2 du code de
procédure pénale, et qui consiste à autoriser une
libération conditionnelle dans l'unique but que la peine d'interdiction
du territoire français soit exécutée.
Cette disposition s'inscrit dans une évolution proposée par le
groupe de travail sur la « double peine »
360(
*
)
, qui va dans le même sens que
l'instauration de la possibilité de prononcer des sursis avec mise
à l'épreuve
361(
*
)
ou d'aménager des peines d'emprisonnement
362(
*
)
pour des étrangers
également condamnés à une peine complémentaire
d'interdiction du territoire français, ou encore de créer une
assignation à résidence « à titre probatoire et
exceptionnel »
363(
*
)
aboutissant à une forme d'« expulsion avec sursis ».
L'objectif est de permettre aux étrangers condamnés à une
peine complémentaire d'interdiction du territoire français de
disposer de mécanismes leur offrant la possibilité, comme les
condamnés de nationalité française, de s'amender et de se
réinsérer au sein de la République française.
1. Le régime de la libération conditionnelle
La libération conditionnelle est «
une mesure judiciaire
d'application d'une peine privative de liberté, dont elle suspend
l'exécution, si le condamné manifeste des efforts de
resocialisation et à la condition qu'il se soumette, après son
élargissement, à des obligations et mesures de
contrôle
. »
364(
*
)
Elle est régie par les
articles 729 à 733-1 du code de procédure pénale.
Elle peut être octroyée aux condamnés subissant une ou
plusieurs peines privatives de liberté, «
s'ils manifestent
des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu'ils
justifient soit de l'exercice d'une activité professionnelle, soit de
l'assiduité à un enseignement ou à une formation
professionnelle ou encore d'un stage ou d'un emploi temporaire en vue de leur
réinsertion sociale, soit de leur participation essentielle à la
vie de famille, soit de la nécessité
de subir un
traitement, soit de leurs efforts en vue d'indemniser leurs
victimes.
» (article 729 du code de procédure
pénale). Par conséquent,
la libération conditionnelle
est subordonnée au comportement du condamné
manifestant sa
volonté de « réussir » sa sortie de prison et
de se réinsérer. Un condamné peut toujours refuser la
libération conditionnelle.
En principe, la libération conditionnelle peut être
accordée lorsque la durée de la peine accomplie est au moins
égale à celle restant à subir. Toutefois, le temps
d'épreuve ne saurait excéder quinze ans. Sauf pour les personnes
condamnées pour un crime ou un délit commis sur un mineur, elle
peut également être octroyée à toute personne
condamnée à une peine privative de liberté
inférieure ou égale à quatre ans, ou pour qui la
durée de la peine restant à subir est inférieure ou
égale à quatre ans, lorsqu'elle exerce l'autorité
parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa
résidence habituelle.
Le délai d'épreuve doit être au moins égal à
la durée de la peine restant à subir.
Comme l'indique l'article 731 du code de procédure pénale,
«
le bénéfice de la libération conditionnelle
peut être assorti de conditions particulières ainsi que de mesures
d'assistance et de contrôles destinées à faciliter et
à vérifier le reclassement du
libéré
». Les mesures de contrôles et
obligations particulières facultatives accompagnant la mesure de
libération conditionnelle sont prévues pour une durée plus
longue que la durée de la peine restant à accomplir.
Les mesures de contrôle
sont fixées par les articles D. 533
et D. 534 du code de procédure pénale. Il s'agit notamment de
l'obligation de résider en un lieu fixé par la décision de
libération, de répondre aux convocations du juge d'application
des peines ou du travailleur social du service pénitentiaire d'insertion
et de probation, de le prévenir de ses changements d'emploi, ou encore
d'obtenir une autorisation préalable du juge d'application des peines
lorsque le changement d'emploi risque d'être un obstacle à
l'exécution de ses obligations ainsi que pour tout déplacement
dont la durée excèderait quinze jours ou qui s'effectuerait
à l'étranger.
Quant aux obligations particulières
, il peut s'agir de
l'obligation de suivre un enseignement ou une formation professionnelle,
d'indemniser les victimes, de ne pas fréquenter certains lieux ni
certains condamnés, ou encore de ne pas entrer en relation avec
certaines personnes.
Si le libéré est de nouveau condamné ou n'a pas
respecté les mesures de contrôle et les obligations
particulières qui lui avaient été imposées, la
décision de libération conditionnelle peut être
révoquée. Dans ce cas, la personne condamnée retourne en
prison pour accomplir la peine qu'il lui restait à subir au moment de sa
libération conditionnelle.
En revanche, si la révocation n'est pas intervenue, la libération
devient définitive.
2. L'octroi de la libération conditionnelle à des
condamnés faisant l'objet d'une peine complémentaire
d'interdiction du territoire : un objectif de réinsertion
L'ensemble du régime de la libération conditionnelle repose sur
la volonté de permettre aux condamnés de s'amender et de se
réinsérer dans la société.
En premier lieu, comme nous l'avons déjà précisé,
la libération conditionnelle
est subordonnée à la
manifestation par le condamné d' «
efforts
sérieux de réadaptation sociale
».
L'article 729 du code de procédure pénale dispose en l'occurrence
que «
la libération conditionnelle tend à la
réinsertion des condamnés et à la prévention de la
récidive
. ».
Actuellement, un étranger faisant l'objet d'une peine
complémentaire d'interdiction du territoire français ne peut
bénéficier de la libération conditionnelle, dans la mesure
où cette mesure le conduirait à résider sur le territoire
français alors même qu'il fait l'objet d'une peine d'interdiction
du territoire.
Toutefois, le groupe de travail sur la « double peine » a
suggéré de revenir sur ce principe, en
permettant
désormais que la libération conditionnelle puisse être
accordée malgré une peine complémentaire d'interdiction du
territoire
. Il s'agit ainsi d'offrir aux étrangers les mêmes
chances de réinsertion et d'amendement que les autres condamnés.
Comme l'a rappelé ce groupe de travail, «
significativement
affermie par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, la
politique de libération conditionnelle constitue un outil efficace de
réinsertion des personnes condamnées et de prévention de
la récidive. Le taux de récidive des anciens détenus est
nettement inférieur lorsque le condamné a
bénéficié d'une mesure de libération
conditionnelle. On peut objecter que les mesures de libération
conditionnelle ne sont accordées qu'à ceux qui font des efforts
de réinsertion en détention. Mais on peut tout aussi bien
soutenir que c'est la perspective de la libération conditionnelle qui
conduit certains détenus à amender rapidement leur
comportement.
»
Le présent article du projet de loi vise à rendre possible
d'accorder des mesures de libération conditionnelle à des
détenus faisant l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction
du territoire français. En effet, comme le souligne le groupe de travail
sur la « double peine » dans son rapport
précité, la libération conditionnelle suppose
«
que soit organisée son articulation avec la peine
d'interdiction du territoire français »
.
3. Une nécessaire conciliation de la libération conditionnelle
avec le régime de la peine complémentaire d'interdiction du
territoire français
Le présent article prévoit de
compléter l'actuel
article 729-2 du code de procédure pénale afin de permettre que
la libération conditionnelle soit accordée à un
détenu étranger également condamné à une
peine complémentaire d'interdiction du territoire.
Cette nouvelle procédure inverse celle actuellement prévue
à l'article 729-2 du code de procédure pénale et qui
consiste à autoriser une libération conditionnelle dans le seul
but que la peine d'interdiction du territoire français soit
exécutée.
Au contraire, le présent article pose le principe selon lequel
l'exécution de la peine d'interdiction du territoire serait suspendue
«
pendant la durée des mesures d'assistance et de
contrôle prévues à l'article 732
».
Il
s'agit d'une précision indispensable car, en son absence, la
présence de l'étranger sur le territoire français serait
illégale.
Concernant
les effets de la libération conditionnelle
, le
présent article prévoit que :
- en l'absence de toute révocation de cette dernière,
l'étranger serait relevé de plein droit de la peine
d'interdiction du territoire français ;
- si la décision de libération conditionnelle est
révoquée, la peine d'interdiction du territoire français
redevient exécutoire.
En dehors de ces précisions apportées par le présent
projet de loi, le régime normal de la libération conditionnelle
serait applicable lorsque l'étranger condamné ferait
également l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction du
territoire.
Cet article du projet de loi constitue une avancée indéniable en
faveur des « double peine » qui, même s'ils n'entrent
pas dans les nouvelles catégories d'étrangers pouvant
bénéficier d'une protection relative ou absolue contre une peine
d'interdiction du territoire français, ont des liens particuliers avec
la France.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 41
sans
modification
.