C. L'INSOUTENABILITÉ DU BUDGET SANS LE DÉBLOCAGE DE LA RÉSERVE DE PRÉCAUTION DÈS LE DÉBUT DE L'EXERCICE

Le respect de l'autorisation initialement accordée par le Parlement en loi de finances ainsi que la trajectoire conforme à la programmation triennale ne doivent pour autant pas occulter de très fortes tensions sur le budget de la mission « Sécurité » au cours de l'exercice 2012.

La décision (non prévue lors de l'élaboration initiale du budget pour 2012) de prolonger le « plan de mobilisation des forces de sécurité » 196 ( * ) lancé en 2011 a eu en effet pour conséquence de maintenir la pression budgétaire liée au recrutement des 800 adjoints de sécurité (ADS) et des 200 gendarmes adjoints volontaires (GAV) dans le cadre de ce plan.

Dès le 4 janvier 2012, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) avait d'ailleurs souligné l'impasse budgétaire prévisible . Il avait ainsi apposé son visa sur la programmation budgétaire initiale tout en l'assortissant d'avertissements explicites : « Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (...) appose son visa pour permettre la mise en place des crédits, bien que cette programmation ne soit pas soutenable hors mise en réserve sur le titre 2 ».

Pour le programme « Police nationale » , le ministère de l'intérieur a demandé, le 14 décembre 2011, la levée de la réserve de précaution, pour le début de l'exercice, à hauteur de 40,7 millions d'euros sur le titre 2 en arguant de la prolongation du « plan de mobilisation », des recrutements effectués, de l'emploi accru des réservistes et du mécanisme « d'optimisation opérationnelle des forces de police » (c'est-à-dire l'indemnisation des heures supplémentaires). Le ministère prévoyait dans son document initial prévisionnel de gestion une quasi saturation du plafond d'emplois du programme avec une consommation de 143 678 ETPT pour 143 689 ETPT autorisés. Cette saturation du plafond ne pouvait être réalisée que par une surconsommation des crédits de titre 2 à hauteur de 19,9 millions d'euros, couverte par la levée partielle de la réserve de précaution.

Hors titre 2 et toujours au sein du programme « Police nationale », les prévisions faisaient ressortir un besoin de 56,7 millions d'euros en CP, ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son « Analyse de l'exécution du budget de l'Etat par mission et programme - Exercice 2012 - Sécurité » 197 ( * ) . Ce besoin ne pouvait, lui aussi, être couvert que par la levée de la réserve. Il correspondait au paiement des frais de fourrière 198 ( * ) , au fonctionnement d'une plate-forme technique mutualisée avec le ministère de la défense 199 ( * ) et à un surcoût induit par l'organisation de la direction des systèmes d'information et de communication (DSIC).

S'agissant du programme « Gendarmerie nationale » , plusieurs dépassements des crédits ouverts sur le titre 2 étaient également prévus par le ministère :

- 9,6 millions d'euros sur l'enveloppe dédiée à l'emploi des réservistes, du fait du renouvellement non anticipé du « plan de mobilisation des forces » ;

- 3,3 millions d'euros (à rapporter aux 11 millions d'euros initialement budgétés) pour l'enveloppe destinée aux opérations extérieures (OPEX).

Ces dépassements devaient être couverts par le dégel de la réserve de précaution . La mise en oeuvre de la fongibilité asymétrique à hauteur de 8,3 millions d'euros était également envisagée.

Eu égard à ces éléments, votre rapporteur spécial souligne que le recours à la réserve de précaution dès le début de l'exercice budgétaire souligne la trajectoire budgétaire particulièrement tendue de la mission « Sécurité » et de chacun de ses deux programmes. Il rappelle que cette levée ne peut constituer un mode de gestion pérenne : la réserve de précaution est destinée à faire face à des aléas de gestion ou à des erreurs de prévision, et non à couvrir des besoins courants ou anticipés .


* 196 Ce plan de « mobilisation des forces de sécurité » avait été annoncé en juin 2011 avec pour objectif d'augmenter la présence et la visibilité de la police et de la gendarmerie. Il n'avait toutefois pas initialement vocation à devenir pérenne.

* 197 Mai 2013.

* 198 Le ministère invoque à ce sujet un courrier du ministre du budget de 2006 pour justifier cette non-budgétisation.

* 199 Cette dépense, de 8,5 millions d'euros en 2012, n'a jamais été explicitée dans les documents budgétaires (PAP, RAP) et a toujours été financée par le dégel de la réserve.

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