MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » ET COMPTE SPÉCIAL « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE » MM. François Patriat et Serge Dassault, rapporteurs spéciaux

I. LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »

A. L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE POUR 2012 : LE MAINTIEN D'UN NIVEAU DE DÉPENSE SOUTENU JUSTIFIÉ PAR LA DÉGRADATION DE LA SITUATION DE L'EMPLOI

1. Une sur-consommation de 2,4 % des crédits votés en loi de finances initiale

Les montants votés en loi de finances initiale pour 2012 s'élevaient à 10,07 milliards d'euros en AE et 10,1 milliards d'euros en CP. L'exécution budgétaire a donné lieu à des ouvertures de crédits d'un montant total de 518 millions d'euros en CP qui ont portés à 10,6 milliards d'euros le niveau des crédits ouverts pour 2012 .

L'essentiel de ces ouvertures de crédits supplémentaires (480 millions d'euros) a abondé programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » en faveur :

- du « Plan emploi » décidé en mars 2011, lequel a été financé en 2012 par un arrêté de report de crédits pris en mars 2012 pour un montant de 155 millions d'euros ;

- des mesures annoncées par le Gouvernement en juin et octobre 2012 pour financer les dispositifs d'indemnisation des chômeurs en fin de droit et les enveloppes supplémentaires de contrats aidés 215 ( * ) pour faire face à la dégradation de la situation de l'emploi. Concrètement, 325 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts par voie de décret d'avance 216 ( * ) et de fonds de concours.

Ces mouvements de crédits n'ont toutefois pas été consommés en totalité. Si le niveau de consommation pour 2012 (10,34 milliards d'euros en CP) excède de 2,4 % le montant des crédits votés en LFI, il demeure en-deça de celui des crédits ouverts (97,39 %).

Le tableau des données générales d'exécution de la mission en 2012, présenté page suivante, montre la répartition par programme du taux de consommation des crédits.

- les programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Anticipation des mutations économiques et développement de l'emploi » , dotés respectivement de 5,37 milliards et de 3,91 milliards d'euros de CP en LFI, sont consacrés à la politique de l'emploi et concentrent près de 92 % du budget de la mission ;

- le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » est doté en 2012 de 80,58 millions d'euros de CP pour financer le volet « travail », et le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » , qui a reçu 742 millions d'euros, assure la fonction de soutien de la mission en regroupant les dépenses de personnel (titre 2).

Deux raisons majeures expliquent la non consommation de près de 280 millions d'euros de crédits ouverts :

- 123 millions d'euros de crédits supplémentaires n'ont pas été consommés au sein du programme 102 en raison de la moindre augmentation du coût des contrats aidés. Si le volume mobilisé de contrats a engagé des dépenses au-delà de la prévision faite en LFI, celle-ci a été amoindrie par une durée de contrat inférieure aux paramètres de budgétisation (7 mois au lieu de 8,58 mois) ;

- 122 millions d'euros n'ont pas été consommés au titre du programme 103 du fait notamment de moindre dépenses au titre de la compensation d'exonération de charges des contrats d'apprentissage et de l'apurement de créances vis-à-vis de l'Acoss au titre des exonérations de charges dans les zones de revitalisation rurale (ZRR).

D'autre part, environ 35 millions d'euros de crédits ouverts n'ont pas été consommés au sein du programme 111 du fait de la difficulté d'évaluation des dépenses liées à la mesure de l'audience syndicale et du fonds national de soutien relatif à la pénibilité dont la mise en oeuvre effective a pris plus de temps que prévu (fin mars 2012 en raison de la publication tardive en décembre 2011 du décret d'application 217 ( * ) ) et au sein du programme 155 par la poursuite de la baisse du plafond d'emplois (- 195 ETPT par rapport au plafond prévu pour 2012 qui s'établissait à 9 899 ETPT).

A l'inverse, le recrutement de 2 000 nouveaux contrats à durée indéterminée par Pôle emploi en 2012, qui était destiné à accompagner la montée en charge du nombre de demandeurs d'emploi, a entraîné une majoration de 51,9 millions d'euros de la subvention versée par l'Etat, la portant à 1 411 millions d'euros au lieu de 1 360 millions d'euros.

Données générales d'exécution de la mission « Travail et emploi » en 2012

(en euros)

Programmes

Crédits votés

Crédits ouverts

Crédits consommés

Taux d'exécution

Taux d'exécution

en loi de finances initiale

(intégrant fonds de concours, ouvertures et annulations en cours d'exercice)

par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale

par rapport aux crédits ouverts

(en %)

(en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Accès et retour à l'emploi

5 421 987 408

5 373 475 753

6 213 766 638

5 837 069 070

6 056 503 970

5 714 633 156

111,70%

106,35%

97,47%

97,90%

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

3 847 570 367

3 907 070 367

3 842 876 517

3 903 732 115

3 760 370 901

3 781 246 729

97,73%

96,78%

97,85%

96,86%

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

63 304 949

80 584 949

79 774 372

96 404 636

67 515 886

86 679 431

106,65%

107,56%

84,63%

89,91%

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

738 308 088

742 058 088

773 491 125

784 528 705

747 376 140

761 695 506

101,23%

102,65%

96,62%

97,09%

Total

10 071 170 812

10 103 189 157

10 909 908 652

10 621 734 526

10 631 766 897

10 344 254 822

105,57%

102,39%

97,45%

97,39%

Source : d'après les données du rapport annuel de performances « Travail et emploi » annexé au projet de loi de règlement pour 2012

2. La poursuite de la réduction des dépenses dans le cadre de la programmation pluriannuelle

Après la phase de progression des dépenses de la mission « Travail et emploi » en 2009 et 2010, respectivement à hauteur de 13,5 et 14,53 milliards d'euros, justifiée par l'effet contra-cyclique des politiques de l'emploi en période de crise et de montée du chômage, l'exercice 2011 s'est inscrit dans un mouvement de réduction drastique des crédits (- 20 %) pour s'établir à 11,74 milliards d'euros.

L'exécution du budget de l'année 2012 poursuit ce mouvement de diminution (moins 12 %) afin de respecter la norme de dépense prévue par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011 à 2014. Le tableau ci-dessous montre pourtant un écart (+ 300 millions d'euros) par rapport à la prévision triennale.

Programmation pluriannuelle de la mission « Travail et emploi »

(en milliards d'euros)

Crédits de paiement (hors contribution au CAS Pensions)

2009

2010

2011

2012

2013

Loi de programmation des finances publiques 2009-2011

12,01

10,57

10,34

Loi de programmation des finances publiques 2011-2014

11,65

9,87

9,27

Loi de finances initiale

12,01

11,28

11,65

10,02

10,1

Exécution budgétaire

13,50

14,53

11,74

10,17

Ecart

(exécution / LPFP)

+ 1,49

+ 3,96

+ 0,09

+ 0,3

Source : Commission des finances d'après les rapports annuels de performances « Travail et emploi » annexés aux projets de loi de règlement pour 2009 à 2012 et les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2009 à 2013 et pour la période 2011 à 2014.

Par ailleurs, le niveau des crédits votés en loi de finances pour 2013 (10,1 milliards d'euros hors contributions au CAS Pensions) est d'ores et déjà supérieur à l'épure pluriannuelle. La perspective de réduction de 20 % des crédits de la mission entre 2011 et 2013 demeure un objectif qu'il conviendra de réajuster. En effet, à ce stade, les hypothèses d'amélioration de la situation de l'emploi continuent à reposer sur les dispositifs contra-cycliques de lutte contre le chômage tels que les contrats aidés, les emplois d'avenir et les dépenses d'indemnisation des demandeurs d'emplois ou de solidarité en faveur des chômeurs en fin de droits.

3. Les dépenses fiscales doivent entrer dans une démarche de performance

Les 29 dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission « Travail et emploi », évaluées à 10,8 milliards d'euros dans le projet annuel de performance pour 2012 soit l'équivalent des dépenses budgétaires de la politique de l'emploi et du travail, se sont élevées à 11,2 milliards d'euros selon le chiffrage actualisé pour l'exécution 2012 , soit un surcoût de 3,7 % par rapport à la prévision.

Malgré la réduction de la perte de recettes engendrée par la prime pour l'emploi (PPE) qui a été ramenée de 3,1 milliards d'euros en 2011 à 2,8 milliards d'euros en 2012, trois niches fiscales se sont révélées plus coûteuses que prévues :

- les deux réductions d'impôts pour l'emploi d'un salarié à domicile (3,47 milliards d'euros au lieu de 3,18 milliards d'euros) ;

- l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires (1,54 milliard d'euros au lieu de 1,4 milliard d'euros).

Avec la PPE, elles représentent, à elles quatre, 7,87 milliards d'euros, soit 70 % des dépenses fiscales de la mission. Or, vos rapporteurs spéciaux considèrent que les indicateurs de performances associés à ces dispositifs sont insuffisants eu égard à leur poids pour les finances publiques :

- l'indicateur relatif à la prime pour l'emploi au moyen de la mesure de la part des bénéficiaires de ce crédit d'impôt précédemment au chômage ou inactifs n'est toujours pas renseigné ;

- les dispositifs fiscaux dérogatoires en faveur des services à la personne ne font que l'objet d'une mise en relation avec la mesure du taux de croissance annuel du nombre d'heures travaillées dans le secteur des services à la personne, laquelle a fortement ralenti depuis 2011 pour n'atteindre que 0,2 %.

Par ailleurs, la mesure du taux d'insertion dans l'emploi à l'issu du contrat d'apprentissage ne saurait suffire à évaluer l'efficience du crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage (500 millions d'euros) et de l'exonération en faveur des salaires des apprentis (290 millions d'euros).

Vos rapporteurs spéciaux réitèrent donc la recommandation faite lors de l'examen des comptes de l'exercice 2011 tendant à ce que les douze mesures qui coûtent plus de 100 millions d'euros soient systématiquement associées à un indicateur de performance et à une réactualisation des évaluations des dépenses fiscales et des niches sociales figurant dans le « rapport Guillaume ».

Les dépenses fiscales de plus de 100 millions d'euros de la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales

Programme

Chiffrage

définitif
2010

Chiffrage

définitif
2011

Chiffrage

initial
2012

Chiffrage

actualisé
2012

Prime pour l'emploi

102

3 610

3 200

2 800

2 860

Crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile

103

1 785

1 890

1 890

2 000

Exonération d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires

103

1 390

1 400

1 400

1 540

Réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile

103

1 250

1 290

1 290

1 470

TVA à 5,5 % pour les cantines et restaurants d'entreprise

111

980

1 015

1 055

780

Exonération de TVA des prestations de services rendus aux personnes physiques par les associations agréées

103

700

720

730

600

Crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage

103

430

470

470

500

Exonération du salaire des apprentis

103

265

275

285

290

Exonération de la participation employeur aux tickets restaurant

111

220

220

220

270

TVA à 5,5 % pour les services d'aide à la personne par les entreprises agréées

103

100

110

130

220

Réduction d'impôt sur les cotisations syndicales

111

125

125

125

136

Exonération partielle de la prise en charge par l'employeur des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail

111

100

100

100

100

Source : rapport annuel de performances « Travail et emploi » pour 2012


* 215 Une enveloppe de 60 000 contrats aidés supplémentaires a été décidée en juin 2012 puis 47 450 en novembre 2012.

* 216 Le décret d'avance du 30 novembre 2012 a ouvert 300 millions d'euros de crédits supplémentaires.

* 217 Décret n° 2011-1969 du 26 décembre 2011.

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