Rapport n° 23 (2021-2022) de M. Stéphane LE RUDULIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 octobre 2021

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N° 23

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique favorisant l' implantation locale des parlementaires ,

Par M. Stéphane LE RUDULIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

804 (2020-2021) et 24 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 6 octobre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a adopté avec modifications la proposition de loi organique n° 804 (2020-2021) favorisant l'implantation locale des parlementaires , sur le rapport de Stéphane Le Rudulier (Les Républicains - Bouches-du-Rhône).

I. L'INTERDICTION DU CUMUL DES MANDATS : UNE RÉFORME QUI N'A PAS TENU SES PROMESSES ET PRODUIT DES EFFETS PERVERS

Après plus d'une décennie de débats, la loi organique du 14 février 2014 , entrée en vigueur en 2017, a mis fin à cette « spécificité française » liée au fait que de nombreux députés et sénateurs exerçaient, en même temps que leur mandat national, les fonctions de maire, de président de conseil général ou départemental ou d'autres fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales. Elle a, en effet, rendu incompatible le mandat de député ou de sénateur avec toute fonction exécutive dans une collectivité territoriale.

Cette réforme avait pour principal objet, selon ses promoteurs, de « libérer » les parlementaires de fonctions trop absorbantes pour qu'ils puissent exercer simultanément leur mandat national dans de bonnes conditions, voire de mettre fin au « conflit d'intérêts » auquel les parlementaires en situation de cumul étaient censément confrontés. L'on y voyait aussi le moyen d' assurer le renouvellement du personnel politique , voire une meilleure représentation de classes de population sous-représentées au Parlement.

Ces arguments, déjà sujets à caution lors de l'adoption de la réforme, ne se sont pas vérifiés depuis .

Ainsi, aucune corrélation n'a jamais pu être empiriquement établie entre le non-cumul des mandats et l'intensité du travail parlementaire. De même, le fort taux de renouvellement de l'Assemblée nationale observé en 2017 paraît lié à l'émergence d'un nouveau parti politique, devenu majoritaire dans le sillage de l'élection du Président de la République, bien davantage qu'à la règle du non-cumul ; quant aux catégories populaires et aux Français issus de l'immigration, ils ne sont pas mieux représentés qu'auparavant au Parlement.

À l'inverse, les faits semblent donner raison à ceux qui craignaient que les effets pervers du non-cumul des mandats ne l'emportent sur ses effets vertueux .

Le non-cumul n'a fait qu'aggraver le déséquilibre des pouvoirs au profit de l'exécutif , en privant les parlementaires de la majorité d'une assise locale susceptible de renforcer leur autorité, leur expertise et leur indépendance vis-à-vis de celui-ci. Il place les parlementaires dans une dépendance plus étroite vis-à-vis des partis politiques et favorise ainsi « les apparatchiks (...) au détriment de ceux qui [conquéraient] le statut de parlementaire par des mandats locaux durement gagnés », comme le prédisait le juriste Olivier Beaud. À plus long terme, l'interdiction du cumul des mandats pourrait nuire à l'attractivité du mandat parlementaire et contribuer à sa « dévaluation », selon les termes du politiste Bernard Dolez.

Par ailleurs, le fait que députés et sénateurs ne puissent plus exercer de fonctions exécutives locales n'est sans doute pas étranger au sentiment actuel de « déconnexion » entre les Français et leurs représentants . Non seulement un parlementaire qui exerce ou a exercé une fonction exécutive locale est mieux au fait des questions qui touchent directement ou indirectement à la gestion publique locale, lorsqu'elles sont abordées au Parlement, mais il dispose également de sources d'information et de relais qui lui permettent de mieux saisir les attentes des citoyens, voire d'anticiper les crises.

Il n'est donc pas étonnant que des voix de plus en nombreuses s'élèvent, surtout depuis la crise des Gilets jaunes et jusque dans la majorité présidentielle, pour remettre en cause la réforme de 2014.

II. UN ASSOUPLISSEMENT MODÉRÉ DE LA RÈGLE DU NON-CUMUL

La proposition de loi organique déposée par Hervé Marseille (Union Centriste - Hauts-de-Seine) a pour objet de supprimer l'incompatibilité entre le mandat de député ou de sénateur et les fonctions de maire ou d'adjoint au maire dans les communes de 10 000 habitants ou moins , soit 97 % des communes françaises (article 1 er ).

La commission des lois a approuvé l'objectif poursuivi .

Elle a estimé adéquat le seuil de population choisi , familier en droit des collectivités territoriales et qui correspond à une différence de situation réelle, notamment en ce qui concerne les charges et obligations imposées aux autorités municipales.

Sur proposition du rapporteur, la commission a également souhaité permettre aux parlementaires d'exercer les fonctions de maire délégué dans une commune nouvelle de 10 000 habitants ou moins, et procédé à une coordination rendue nécessaire par la réforme des conseils consulaires représentant les Français établis à l'étranger.

III. LE CUMUL D'INDEMNITÉS : LE CHOIX DE L'ÉCRÊTEMENT

En revanche, pour des motifs juridiques, la commission des lois a supprimé l'article 2 de la proposition de loi organique, qui prévoyait d'interdire aux députés et sénateurs concernés de percevoir aucune indemnité liée à l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint . Cette différence de traitement injustifiée avec les parlementaires exerçant des mandats locaux non exécutifs susceptibles d'être indemnisés serait contraire au principe constitutionnel d'égalité.

En revanche, la règle actuelle d'écrêtement qui plafonne les indemnités susceptibles d'être perçues à une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire s'appliquerait dans tous les cas.

* *

*

La commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Cumul d'un mandat parlementaire avec les fonctions de maire,
d'adjoint au maire ou de maire délégué
d'une commune de 10 000 habitants ou moins

L'article 1 er a pour objet de supprimer l'incompatibilité entre le mandat de député ou de sénateur et les fonctions de maire ou d'adjoint au maire dans une commune de 10 000 habitants ou moins.

La commission des lois y a ajouté les fonctions de maire délégué dans une commune nouvelle dont la population totale n'excède pas ce seuil. Elle a également procédé à une coordination rendue nécessaire par la réforme des conseils consulaires.

1. L'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives locales

1.1. La loi organique du 14 février 2014

Depuis la III e République, le système politique français se caractérisait par la proportion importante des parlementaires qui exerçaient, simultanément à leur mandat de député ou de sénateur, un mandat politique local (conseiller municipal, général ou, plus tard, régional), souvent accompagné de fonctions exécutives au sein de la collectivité territoriale concernée (maire ou adjoint au maire, président ou vice-président du conseil général ou régional) 1 ( * ) .

Alors que la question du bien-fondé de cette « spécificité française » agitait le débat public depuis plus d'une décennie 2 ( * ) , la loi organique du 14 février 2014 3 ( * ) a rendu incompatible le mandat de député ou de sénateur avec toute fonction exécutive locale - mais aussi, lorsque cette fonction est dissociée de celle d'exécutif d'une collectivité territoriale, avec celle de président de son assemblée délibérante, ou encore celles de président ou de membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger et de vice-président de conseil consulaire.

Article L.O. 141-1 du code électoral

« Le mandat de député 4 ( * ) est incompatible avec :

« 1° Les fonctions de maire, de maire d'arrondissement, de maire délégué et d'adjoint au maire ;

« 2° Les fonctions de président et de vice-président d'un établissement public de coopération intercommunale ;

« 3° Les fonctions de président et de vice-président de conseil départemental ;

« 4° Les fonctions de président et de vice-président de conseil régional ;

« 5° Les fonctions de président et de vice-président d'un syndicat mixte ;

« 6° Les fonctions de président, de membre du conseil exécutif de Corse et de président de l'assemblée de Corse ;

« 7° Les fonctions de président et de vice-président de l'assemblée de Guyane ou de l'assemblée de Martinique ; de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;

« 8° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président d'une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ;

« 9° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Polynésie française ; de président et de vice-président de l'assemblée de la Polynésie française ;

« 10° Les fonctions de président et de vice-président de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

« 11° Les fonctions de président et de vice-président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ; de membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

« 12° Les fonctions de président et de vice-président de l'organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;

« 13° Les fonctions de président de l'Assemblée des Français de l'étranger, de membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger et de vice-président de conseil consulaire.

« Tant qu'il n'est pas mis fin, dans les conditions prévues au II de l'article L.O. 151, à une incompatibilité mentionnée au présent article, l'élu concerné ne perçoit que l'indemnité attachée à son mandat parlementaire . »

1.2. Les principaux arguments avancés pour interdire le cumul des mandats

Plusieurs arguments ont été avancés en faveur de cette réforme.

Selon le Gouvernement de l'époque, il s'agissait de « libérer les parlementaires de responsabilités importantes au sein des exécutifs de collectivités territoriales ou des intercommunalités 5 ( * ) » , afin de prendre acte de l'accroissement - en réalité modeste - des prérogatives du Parlement depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. En d'autres termes, l'exercice de fonctions exécutives au niveau local aurait empêché députés et sénateurs d'exercer pleinement leur mandat, le cumul favorisant au contraire l'absentéisme ou, du moins, une participation insuffisante aux travaux des assemblées. Cet argument en faveur du non-cumul avait déjà été avancé en 2007 par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V e République, présidé par Édouard Balladur 6 ( * ) , puis, en 2012, par la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin 7 ( * ) .

Symétriquement, le renforcement des compétences des collectivités territoriales au gré des lois de décentralisation aurait justifié d'interdire aux membres de leur exécutif d'exercer, en sus, un mandat parlementaire national.

En outre, le cumul des mandats apparaissait aux yeux de certains comme « l'institutionnalisation du conflit d'intérêts » , selon la formule du constitutionnaliste Guy Carcassonne 8 ( * ) , la défense des intérêts locaux risquant supposément de prendre le pas, chez les élus concernés, sur celle des intérêts nationaux, alors même que chaque député ou sénateur représente la Nation tout entière.

Par ailleurs, l'interdiction du cumul des mandats pouvait apparaître comme le moyen d'assurer le renouvellement de la classe politique , en augmentant le nombre de titulaires de mandats nationaux et locaux. Plus spécifiquement, certains promoteurs de la réforme en attendaient une meilleure représentation de certaines catégories de population , avec l'entrée au Parlement d'un plus grand nombre de femmes, de membres des classes populaires et de Français issus de l'immigration 9 ( * ) .

Enfin - et cet argument est sans doute l'un de ceux qui ont le plus pesé dans l'opinion - l'on reprochait aux élus concernés, affublés du qualificatif de « cumulards », de percevoir à la fois les indemnités liées à leur mandat parlementaire et aux fonctions exécutives locales qu'ils exerçaient, alors même que les règles légales d'écrêtement n'autorisaient ce cumul que dans la limite d'une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire de base 10 ( * ) .

1.3. Les arguments en défense du cumul des mandats

À l'inverse, les adversaires de la réforme faisaient valoir que la corrélation entre le cumul d'un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale et une faible participation aux travaux des assemblées n'était aucunement démontrée . Les études quantitatives menées à ce sujet souffraient de biais méthodologiques très importants et leurs conclusions se contredisaient mutuellement - nous y reviendrons.

On reprochait surtout au Gouvernement de méconnaître l'incidence de sa réforme sur l'équilibre des pouvoirs . En effet, sous un régime tel que la V e République, où la prépondérance de l'exécutif n'avait fait que s'accroître avec l'instauration du quinquennat présidentiel et l'inversion du calendrier des élections présidentielle et législatives, la possibilité laissée aux parlementaires de détenir des fonctions exécutives locales contribuait à renforcer leur influence et leur autonomie. En ce sens, écrivaient alors quatre éminents universitaires dans une lettre ouverte au Président de la République, « l'exception française du cumul des mandats [était] un contrepoids à l'exception française du cumul des pouvoirs, de la concentration extrême de ces pouvoirs entre les mains du président de la République 11 ( * ) » . De même, le fait qu'un maire ou un président de conseil général dispose d'une tribune au Parlement lui permettait de relayer plus efficacement les préoccupations de ses administrés et de faire contrepoids à la puissance préfectorale .

Dans une veine similaire, on relevait que les élus disposant d'une assise politique locale pouvaient faire preuve d'une plus grande indépendance vis-à-vis des partis politiques nationaux , dont l'investiture jouait un rôle plus important lors des élections nationales, notamment législatives. « Cette réforme va favoriser les apparatchiks qui commencent leur carrière à 20 ans dans les partis et se font désigner dans des circonscriptions faciles au détriment de ceux qui conquièrent le statut de parlementaire par des mandats locaux durement gagnés », prédisait le professeur Olivier Beaud, lors d'une audition organisée par la commission des lois du Sénat 12 ( * ) .

Par ailleurs, comme beaucoup le soulignaient, l'exercice d'un mandat local garantissait l'ancrage territorial des élus nationaux et leur connaissance des réalités vécues par nos concitoyens . À cet égard, certains appelaient à appliquer une règle différente aux sénateurs, afin de prendre en compte la mission de représentation des collectivités territoriales de la République que la Constitution reconnaît au Sénat . Le professeur Dominique Rousseau, favorable au non-cumul pour les députés, se prononçait en faveur du « cumul obligatoire » pour les sénateurs, au motif que « pour représenter les collectivités territoriales, il faut être un élu local 13 ( * ) . »

2. Un bilan incertain

La loi organique du 14 février 2014 est devenue applicable aux députés à compter des élections législatives des 11 et 18 juin 2017 et aux sénateurs à compter du renouvellement partiel du Sénat du 24 septembre 2017. Près de cinq ans après, le bilan de cette réforme reste très incertain et les critiques nombreuses.

2.1. Le non-cumul des mandats a-t-il favorisé le renouvellement de la vie politique ?

Il est incontestable que les élections législatives de 2017 ont été marquées par un renouvellement exceptionnellement important de l'Assemblée nationale , puisque environ 75 % des députés nouvellement élus ne l'étaient pas auparavant, alors que la part des non-sortants n'était que de 40 % en 2012 et 25 % en 2007 14 ( * ) . Toutefois, ce phénomène est sans doute lié à l'émergence d'un nouveau parti politique , La République en Marche, devenu majoritaire dans le sillage de l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, bien davantage qu'au non-cumul des mandats .

Certes, de nombreux députés sortants qui exerçaient par ailleurs les fonctions de maire, de président d'un conseil départemental ou régional ont alors fait le choix de conserver leurs fonctions locales plutôt que de se porter candidat à leur réélection à l'Assemblée nationale, et le même constat a pu être fait au Sénat 15 ( * ) . Mécaniquement, l'interdiction du cumul a eu pour effet d'augmenter le nombre de personnes exerçant les fonctions politiques les plus « en vue » que sont le mandat de député ou de sénateur et des fonctions au sein d'un exécutif local. En revanche, la proportion de parlementaires qui conservent un mandat local (non exécutif) reste importante, à l'Assemblée nationale comme au Sénat , ce qui tend à montrer que le non-cumul a plutôt conduit à redistribuer mandats et fonctions au sein d'un « personnel politique » qui n'a été que modérément élargi . Le groupe La République en marche de l'Assemblée nationale fait seul exception, situation qui n'a guère évolué à l'issue des élections locales de 2020 et 2021, marquées par les mauvais scores de la majorité présidentielle.

Les parlementaires exerçant un mandat local non exécutif (février 2018)

Assemblée nationale

Sénat

LREM

Hors LREM

Total

Nombre de parlementaires exerçant un mandat local

118
(38 %)

203
(78 %)

321
(56 %)

259
(74 %)

Nombre de parlementaires n'exerçant aucun mandat local

192
(62 %)

58
(22 %)

250
(44 %)

89
(26 %)

Total

310

261

571

348

Source : B. Dolez, « Parlementaire : un mandat dévalué... », loc. cit .

Les parlementaires exerçant un mandat local non exécutif (octobre 2021)

Assemblée nationale

Sénat

LREM

Hors LREM

Total

Nombre de parlementaires exerçant un mandat local

98
(36 %)

224
(74 %)

322
(56 %)

223
(64 %)

Nombre de parlementaires n'exerçant aucun mandat local

171
(64 %)

77
(26 %)

248
(44 %)

125
(36 %)

Total

269

301

570

348

Source : commission des lois du Sénat

On note toutefois que la part des sénateurs exerçant un mandat local a diminué assez sensiblement entre 2018 et 2021, passant de 74 % à 64 %, ce qui pourrait être un effet de l'interdiction du cumul - certains sénateurs renonçant à se présenter aux élections locales, faute de pouvoir exercer de fonctions exécutives dans leur collectivité. Il est vrai que la quasi-totalité des sénateurs ont exercé au moins un mandat local dans leur vie, ce qui n'est pas le cas des députés.

L'interdiction du cumul des mandats a-t-elle favorisé l'entrée au Parlement de catégories de population qui y étaient jusque-là sous-représentées, comme l'espéraient certains de ses promoteurs ? Cela paraît pour le moins douteux .

Certes, la proportion de femmes dans chacune des deux assemblées a continué de progresser , ce qui est sans doute plutôt lié à l'évolution des mentalités... et à l'instauration, puis à l'aggravation des pénalités financières vis-à-vis des partis qui investissent trop peu de femmes (ou d'hommes) aux élections législatives, ainsi qu'à la règle de parité stricte sur les listes de candidats aux élections sénatoriales, dans les départements dont les sénateurs sont élus au scrutin de liste.

La proportion de femmes au Parlement (en pourcentage)

Source : D. Andolfatto,
« La nouvelle sociologie de l'Assemblée nationale... »,
loc. cit .

En revanche, la part des catégories socio-professionnelles dites supérieures est restée écrasante au sein des assemblées, les élections législatives de 2017 n'ayant abouti, chez les députés, qu'à une meilleure représentation des chefs d'entreprise et cadres du secteur privé , par rapport aux fonctionnaires et autres agents publics.

La répartition des députés par catégorie socio-professionnelle (en pourcentage)

Source : D. Andolfatto,
« La nouvelle sociologie de l'Assemblée nationale... »,
loc. cit .

2.2. Le non-cumul a-t-il rendu les parlementaires plus assidus ?

Quelques rares études étaient parues, avant l'entrée en vigueur de la réforme de 2014, pour tenter de mesurer l'impact, sur l'exercice du mandat parlementaire, du cumul de celui-ci avec une fonction exécutive locale .

Malgré la sophistication des modèles mathématiques parfois employés, ces études reposent sur une base friable, car la mesure de l'intensité du travail parlementaire prend appui sur des indicateurs très partiels et contestables . À titre d'exemple, dans un article paru en 2014, Abel François et Laurent Weill se fondent sur un « score d'activité » qui agrège le nombre de propositions de loi signées ou cosignées en tant que mesure de la participation des parlementaires à l'activité législative, le nombre de rapports d'information signés ou cosignés en tant que mesure de la participation aux travaux de contrôle, et le nombre de questions écrites ou orales en tant que mesure de la « représentation de l'électorat », ces trois fonctions étant censées constituer, au même niveau et à parts égales, la mission d'un parlementaire 16 ( * ) . Il est pourtant bien évident que la participation aux travaux législatifs, par exemple, peut prendre bien d'autres voies que la simple signature de propositions de loi. L'élaboration d'un rapport législatif, le dépôt d'amendements et tout le travail préparatoire de consultation, de négociation et d'expertise juridique qu'ils supposent, sont ici passés sous silence. Toute considération qualitative est également écartée. D'autres auteurs ont recours à des indicateurs plus variés, tels que le nombre d'interventions en séance ou en commission, la présence dans les délégations, groupes d'études et structures temporaires, ou encore dans les organismes extraparlementaires, sans que cela soit beaucoup plus convaincant : le discours le mieux informé et le plus charpenté y est, par exemple, mis sur le même plan qu'une simple interjection...

Dès lors, il n'est guère étonnant que ces études parviennent à des résultats divergents en ce qui concerne l'incidence du cumul des mandats sur le travail parlementaire . En se fondant sur des données relatives aux années 1988-2011, l'économiste Laurent Bach estimait que le cumul réduisait l'activité des députés à l'Assemblée nationale, cet impact étant d'autant plus important que leur collectivité comptait davantage d'habitants 17 ( * ) . Le politologue Luc Rouban mettait à mal cette appréciation, en se fondant sur des données de même nature, relatives à la seule XIII e législature (2007-2012) : selon lui, le « niveau global d'activité » diminuait certes légèrement avec le niveau des responsabilités exercées au niveau local, mais « avec de tels écarts-types qu'il [eût été] bien risqué d'y voir une association statistique claire ». Par ailleurs, la taille des communes au sein desquelles les députés concernés exerçaient les fonctions de maire ou un simple mandat municipal était, selon lui, sans incidence sur leur activité au Parlement ; il n'existait pas non plus de corrélation linéaire entre le nombre de mandats locaux (qui pouvait, dans certains cas, être supérieur à un) et l'investissement dans le travail parlementaire 18 ( * ) . Enfin, Abel François et Laurent Weill, dans leur étude précitée, aboutissaient à la conclusion inattendue selon laquelle les députés en situation de cumul étaient plus actifs que les autres...

Aucune étude statistique ne semble avoir encore été, depuis 2017, réalisée sur l'impact du non-cumul sur l'intensité du travail parlementaire . Il est à craindre que leurs résultats ne soient guère plus probants. Il serait d'ailleurs difficile de faire la part des choses entre ce que l'on peut imputer au non-cumul ou à l'évolution de la réglementation interne de chaque assemblée 19 ( * ) .

2.3. Non-cumul et équilibre des pouvoirs

Il est plus délicat, pour le rapporteur de la commission des lois, de porter une appréciation sur l'incidence du non-cumul des mandats sur l'équilibre des pouvoirs entre le Parlement et les deux branches de l'exécutif.

Il est manifeste que le quinquennat actuel n'a pas été marqué par un renforcement du Parlement , qui a trop souvent consenti à abandonner au Gouvernement l'exercice du pouvoir législatif - le recours aux ordonnances, y compris sur des sujets éminemment politiques, a connu une spectaculaire progression au cours des dernières années 20 ( * ) - et, du moins en ce qui concerne l'Assemblée nationale, n'a exercé qu'avec beaucoup de retenue sa fonction de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, comme on a pu le constater lors de l' « affaire Benalla ». Cet affaiblissement du Parlement a certes de multiples causes, entre lesquelles il faut faire la part de l'alignement de la durée du mandat présidentiel et du mandat des députés, de l'affaiblissement des partis politiques, du style d'exercice du pouvoir de l'exécutif actuel et de la conception même que certains parlementaires se font de leur rôle institutionnel.

Force est néanmoins de constater que, du fait du non-cumul, le Parlement a perdu quelques grandes voix , qui portaient. Quand le sénateur-maire de Lyon ou de Marseille, le député-maire de Caen ou d'Annecy, quand un parlementaire exerçant par ailleurs les fonctions de président d'un conseil général ou régional défendait une position, fort de sa double légitimité et de son expérience locale, il était écouté, à défaut d'être toujours suivi. S'agissant des parlementaires de la majorité, il est vraisemblable, quoique difficilement démontrable, que le non-cumul les ait privés d'une marge d'autonomie à l'égard de l'exécutif 21 ( * ) .

Ce qui est peut-être plus préoccupant encore pour l'avenir, quoique difficilement audible pour l'opinion publique, c'est l'incidence du non-cumul sur l'attractivité du mandat parlementaire . Lors de l'entrée en vigueur de la réforme, on a constaté que bon nombre d'élus en situation de cumul choisissaient de conserver leur mandat local plutôt que national. Comme le relevait la députée Marie Guévenoux, « la fonction exécutive, même locale, est ressentie par la classe politique comme moins frustrante que celle de député ». Un parlementaire, à lui seul, n'a guère d'influence sur le cours des choses, car l'essentiel des pouvoirs appartiennent aux assemblées (ou au Parlement tout entier) et non à leurs membres. En outre, compte tenu de la pratique institutionnelle, de la discipline majoritaire et du poids de l'administration, la majorité parlementaire elle-même n'exerce qu'une influence limitée sur les lois effectivement promulguées ; les groupes d'opposition n'en exercent presque aucune. Quant aux moyens de contrôle et d'évaluation des assemblées, ils sont notoirement insuffisants.

Par ailleurs, les députés et, à un moindre degré, les sénateurs sont plus exposés aux vicissitudes de la vie politique que les élus locaux. Les changements de majorité sont plus fréquents à l'Assemblée nationale que dans les assemblées locales. Un député ou un sénateur non réélu se trouve désormais privé de tout mandat électif - sauf, le cas échéant, un mandat local non exécutif. Dès lors, il est compréhensible que certains fassent le choix de conserver plutôt leurs mandats locaux, d'autant que ceux-ci peuvent, dans certaines limites, être cumulés entre eux, de sorte qu'un ancien maire, battu aux élections municipales, peut conserver par exemple ses fonctions de vice-président du conseil régional au lieu de perdre toute attache avec la vie politique locale.

Ces différents facteurs contribuent, comme le notait le professeur Bernard Dolez, à la « dévaluation » du mandat parlementaire par rapport aux mandats locaux. Or, il est à peine besoin de le dire, notre démocratie a besoin que des femmes et des hommes de talent choisissent de s'engager dans la vie parlementaire et d'exercer pleinement les prérogatives que la Constitution reconnaît au Parlement, pour faire contrepoids à l'hypertrophie de l'exécutif.

2.4. La question récurrente de la « proximité »

Le non-cumul des mandats n'est peut-être pas non plus étranger au sentiment de déconnexion entre les Français et leurs représentants , qui ne s'est jamais exprimé aussi fortement que depuis quelques années. Renouer avec davantage de « proximité » dans l'action publique est aujourd'hui un impératif largement partagé.

Non seulement un parlementaire qui exerce - ou qui, du moins, a exercé - une fonction exécutive locale est mieux au fait des questions qui touchent directement ou indirectement à la gestion publique locale, lorsqu'elles sont abordées au Parlement, qu'il s'agisse des transports publics, de l'action sociale, de la sécurité du quotidien ou de tant d'autres questions. Mais il dispose également de sources d'information et de relais qui lui permettent de mieux saisir les attentes et les préoccupations de nos concitoyens, voire d'anticiper les crises. Au début de l'année 2019, au moment de la crise dite des Gilets jaunes , Olivia Grégoire, alors députée du groupe LREM, reconnaissait que ses collègues qui avaient été maires avaient « senti plus tôt ce qui se passait 22 ( * ) » .

Il n'est donc pas étonnant que les premières initiatives visant à remettre en cause la règle du non-cumul, au sein de la majorité présidentielle, datent de cette période troublée.

2.5. Une remise en cause de plus en plus forte de la réforme de 2014

Le bilan pour le moins mitigé de l'interdiction du cumul des mandats explique que des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour le remettre en cause .

On observera d'abord que, le non-cumul de fonctions ministérielles avec des fonctions exécutives locales n'étant qu'une simple coutume et non une règle de droit 23 ( * ) , plusieurs ministres, non des moindres, s'en sont affranchis sans que ni le Président de la République, ni le Premier ministre, ni la majorité parlementaire n'y trouvent à redire. Ce fut le cas, dès avant l'entrée en vigueur du non-cumul pour les parlementaires, de Jean-Yves Le Drian qui, ministre de la défense des gouvernements de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, exerça simultanément les fonctions de président du conseil régional de Bretagne entre le 18 décembre 2015 et le 2 juin 2017. Pendant l'actuel quinquennat, Gérald Darmanin cumula les fonctions de maire de Tourcoing avec celles de ministre de l'action et des comptes publics du 17 mai 2017 au 9 septembre 2017, puis avec celles de ministre de l'intérieur du 23 mai au 3 septembre 2020. Sébastien Lecornu , ministre des outre-mer, préside le conseil départemental de l'Eure depuis le 1 er juillet 2021.

Dans la majorité présidentielle et jusqu'au sommet de l'État, l'on s'interroge de plus en plus ouvertement sur le bien-fondé de la réforme de 2014 . Le 6 janvier 2019, lors d'une réunion à Grand-Bourgtheroulde avec plusieurs centaines de maires de Normandie dans le cadre du « grand débat national », le président de la République Emmanuel Macron déclarait : « Je suis assez partisan de redonner du temps au législateur pour aller sur le terrain. Faut-il en même temps lui permettre de ravoir des mandats locaux, en tout cas dans une certaine proportion, sans être dans des exécutifs de premier plan ? Peut-être . » Le 30 janvier suivant, sur France Inter, le Premier ministre Édouard Philippe rappelait son opposition au projet de loi organique lors de son examen en 2013-2014 (« J'étais député-maire et je trouvais que c'était utile à la fois pour mon mandat de maire et pour mon mandat de député ») et réaffirmait sa perplexité sur l'application d'une telle règle aux élus des communes les moins peuplées (« Pour les maires des petites communes, je vois mal que ce soit incompatible »). Plusieurs députés de la majorité, appartenant aux groupes LREM et Modem, ont alors envisagé le dépôt de propositions de loi organique pour assouplir la règle de non-cumul, avant d'y renoncer.

La question a ressurgi à la suite des élections départementales et régionales de juin 2021, marquées par une abstention exceptionnellement élevée où l'on a pu voir un nouveau signe de « déconnexion » entre les Français et leurs représentants. Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand a ainsi déclaré vouloir réexaminer cette question dans le cadre des travaux de la mission d'information (encore en cours) visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale 24 ( * ) .

Certains des promoteurs de la réforme de 2014 confessent eux-mêmes leurs doutes . L'ancien Président de la République François Hollande aurait ainsi reconnu que ce n'était « peut-être pas une bonne idée » mais qu'elle lui avait été imposée par les rapports de force politiques au sein du parti socialiste, et qu'elle aurait dû, en tout état de cause, s'accompagner d'un renforcement des pouvoirs du Parlement, visant à lui donner « plus de moyens d'investigation et de capacité de contrôle 25 ( * ) ».

3. La proposition de loi organique : le rétablissement d'une possibilité de cumul d'un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives dans une commune de 10 000 habitants ou moins

Comme il ressort de l'exposé des motifs, c'est principalement pour lutter contre le sentiment de déconnexion entre le peuple français et ses élus qu'Hervé Marseille, président du groupe de l'Union centriste, Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, et plusieurs autres sénateurs du groupe de l'Union centriste ont déposé une proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires , qui assouplit les règles d'incompatibilité issues de la réforme de 2014.

Plus exactement, selon l'article 1 er , serait de nouveau autorisé le cumul d'un mandat parlementaire avec la fonction de maire ou d'adjoint au maire d'une commune de 10 000 habitants ou moins . En revanche, la fonction de maire d'arrondissement (à Paris, Lyon et Marseille) et celle de maire délégué (dans les communes associées ou déléguées réunies au sein de communes nouvelles, sous le régime de la loi dite « Marcellin » du

16 juillet 1971 26 ( * ) ou sous le régime actuel créé en 2010 27 ( * ) , quelle que soit la population de la commune nouvelle) demeureraient incompatibles avec celle de député.

À cet effet, la proposition de loi organique prévoit de modifier l'article L.O. 141-1 du code électoral, relatif à certaines incompatibilités avec le mandat de député, que l'article L.O. 297 du même code rend applicable aux sénateurs.

4. Une initiative approuvée par la commission des lois, sous une réserve

Pour toutes les raisons déjà exposées, la commission a approuvé l'initiative des auteurs de la proposition de loi organique.

Elle s'est néanmoins interrogée sur le bien-fondé du seuil de population proposé pour autoriser ou interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives au sein d'une commune.

Il n'est pas tout à fait évident que, dans son principe même, un tel seuil de population soit pertinent . Certes, les dossiers que le maire d'une grande commune doit traiter sont plus nombreux et, à certains égards, plus complexes que dans de plus petites communes, elles ont aussi une incidence financière plus lourde. Mais le nombre d'adjoints est aussi plus élevé et les équipes administratives plus étoffées. À l'inverse, le maire d'une petite commune est souvent seul ou presque seul pour administrer celle-ci, faire face à la complexité croissante des normes et répondre aux interpellations de ses concitoyens.

On notera cependant que la fixation d'un tel seuil n'est pas sans précédent . La loi organique du 30 décembre 1985 28 ( * ) avait rendu le mandat de député ou de sénateur incompatible avec de plus d'un des mandats ou fonctions compris dans une liste comprenant, notamment, les fonctions de maire d'une commune de 20 000 habitants ou plus et d'adjoint au maire d'une commune de 100 000 habitants ou plus (autre que Paris). Celle du 5 avril 2000 29 ( * ) l'avait rendu incompatible avec plus d'un des mandats suivants : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris ou conseiller municipal d'une commune d'au moins 3 500 habitants. Le Conseil constitutionnel avait alors jugé loisible au législateur organique « de ne faire figurer, dans le dispositif de limitation de cumul du mandat de parlementaire et de mandats électoraux locaux, le mandat de conseiller municipal qu'à partir d'un certain seuil de population, à condition que le seuil retenu ne soit pas arbitraire » . Cette condition lui avait paru satisfaite en l'espèce, « dès lors que le seuil de 3 500 habitants détermin[ait], en vertu de l'article L. 252 du code électoral, un changement de mode de scrutin pour l'élection des membres des conseils municipaux 30 ( * ) ».

Une fois admis le principe d'un seuil de population, faut-il le fixer à 10 000 habitants, et peut-on le faire sans encourir le grief d'arbitraire et la censure du Conseil constitutionnel ? À la date du 1 er janvier 2021, 33 955 communes sur 34 993, soit 97 % , comptaient une population égale ou inférieure ou égale à 10 000 habitants. Dès lors, l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi , consistant à favoriser l'ancrage local des parlementaires en leur permettant de cumuler leur mandat national avec les fonctions de maire ou d'adjoint au maire, en excluant seulement les communes les plus peuplées où ces fonctions sont considérées comme trop absorbantes, serait rempli . Le seuil de 10 000 habitants se rencontre d'ailleurs fréquemment en droit des collectivités territoriales, comme s'il correspondait à une frontière entre le monde urbain et le monde rural . Les communes dont la population excède ce seuil sont soumises à des obligations plus lourdes, elles disposent également de moyens plus importants.

Conséquences pour les communes du franchissement
du seuil de 10 000 (ou 9 999) habitants - liste non exhaustive

Règle applicable

Champ d'application

Base légale ou réglementaire

Organisation municipale

Effectif du conseil municipal
(33 membres)

Communes d'au moins 10 000 hab. (jusqu'à 19 999 hab.)

Art. L. 2121-2
du CGCT

Commission consultative des services publics locaux

(Création obligatoire)

Communes
de plus de 10 000 hab.

Art. L. 1413-1
du CGCT

Recueil des signalements des lanceurs d'alerte

(Mise en place obligatoire de procédures appropriées)

Communes
de plus de 10 000 hab.

Art. 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016

Conditions d'exercice du mandat de conseiller municipal

Indemnités de fonction

(Taux maximal fixé à 65 % de l'indice brut 1027 pour le maire et à 27,5 % du même indice pour les adjoints)

Communes d'au moins 10 000 hab. (jusqu'à 19 999 hab.)

Art. L. 2123-23 et L. 2123-24 du CGCT

Crédit d'heures

(140 h pour le maire, 122 h 30 pour les adjoints et conseillers municipaux délégués, 21 h pour les autres conseillers municipaux)

Communes d'au moins 10 000 hab. (jusqu'à 19 999 ou 29 999 hab.)

Art. L. 2123-2
du CGCT

Allocation différentielle de fin de mandat

(Ouverture aux adjoints au maire)

Communes d'au moins 10 000 hab.

Art. L. 2123-11-2
du CGCT

Budget et finances

Rapport d'orientation budgétaire

(Présentation de la structure et de l'évolution des dépenses et des effectifs)

Communes
de plus de 10 000 hab.

Art. L. 2312-1
du CGCT

Vote du budget par nature ou par fonctions

Communes d'au moins 10 000 hab.

Art. L. 2312-3
du CGCT

Dématérialisation obligatoire des pièces comptables

Communes
de plus de 10 000 hab.

Art L. 1617-6
du CGCT

Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale

(Éligibilité sous conditions - à l'inverse, sauf exceptions, les communes de 10 000 hab. et plus ne sont pas éligibles à la dotation de solidarité rurale)

Communes d'au moins 10 000 hab.

Art. L. 2334-16
du CGCT

Dotation « Natura 2000 » (perte d'éligibilité)

Communes d'au moins 10 000 hab.

Art. L. 2335-17 du CGCT

Fonction publique territoriale

Faculté de recruter des attachés territoriaux hors classe

Communes
de plus de 10 000 hab.

Art. 2 du décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987

Modalités d'exercice des compétences communales

Instruction des autorisations d'urbanisme

(Perte de la faculté de disposer gratuitement des services déconcentrés de l'État)

Communes d'au moins 10 000 hab. ou membre d'un EPCI d'au moins 10 000 hab.

Art. L. 422-8 du code de l'urbanisme

Participation du public aux décisions des autorités municipales ayant une incidence sur l'environnement

(Perte de la faculté de recourir aux modalités simplifiées)

Communes d'au moins 10 000 hab.

Art. L. 123-19-2 du code de l'environnement

Divers

Recensement de la population

(Enquête annuelle par sondage au lieu d'une enquête exhaustive tous les cinq ans)

Communes d'au moins 10 000 hab.

Art. 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002

Réglementation de l'exercice du droit de grève dans les services publics

Personnel des communes de plus de 10 000 hab.

Art. L. 2512-1 du code du travail

Source : commission des lois du Sénat

Au vu de ces considérations, la commission des lois a estimé que le seuil de 10 000 habitants correspondait à une différence de situation justifiant que les règles d'incompatibilité applicables aux membres des exécutifs municipaux soient plus rigoureuses au-delà de ce seuil .

En revanche, il lui a paru injustifié que les parlementaires , habilités à cumuler leur mandat avec les fonctions de maire ou d'adjoint d'une commune de 10 000 habitants ou moins, ne puissent exercer celles de maire délégué au sein d'une commune nouvelle dont la population totale est inférieure à ce seuil. Sur proposition du rapporteur, la commission a donc adopté un amendement COM-27 de réécriture, rendant le mandat de député (et, par renvoi, celui de sénateur) incompatible avec « les fonctions de maire, de maire délégué et d'adjoint au maire d'une commune de plus de 10 000 habitants, ainsi que de maire d'arrondissement ».

En outre, la présidence des conseils consulaires représentant les Français établis à l'étranger étant désormais assumée par un élu, et non plus par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire, la commission en a tiré les conséquences en modifiant la rédaction du 13° de l'article L.O. 141-1 du code électoral (même amendement COM-27).

La commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (supprimé)
Interdiction pour les parlementaires
de percevoir des indemnités
pour l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint au maire

L'article 2 de la proposition de loi organique a pour objet d'interdire aux parlementaires qui exerceraient les fonctions de maire ou d'adjoint au maire de percevoir à ce titre aucune indemnité.

La commission des lois a supprimé cet article, contraire à la Constitution, pour s'en tenir à la règle d'écrêtement qui plafonne le montant total des indemnités susceptibles d'être perçues par les membres du Parlement.

1. L'écrêtement des indemnités perçues par les parlementaires au titre de mandats locaux

Depuis 1992, les députés et sénateurs qui exercent d'autres mandats électoraux ou qui siègent au conseil d'administration d'un établissement public local, du centre national de la fonction publique territoriale, ou encore au conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte locale ne peuvent cumuler les rémunérations et indemnités afférentes à ces mandats ou fonctions avec l'indemnité parlementaire de base que dans la limite d'une fois et demie le montant de cette dernière 31 ( * ) . Le montant de l'indemnité parlementaire, égal à la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus haut des fonctionnaires classés dans la catégorie hors échelle (conseillers d'État, préfets, directeurs d'administration centrale), s'élevant actuellement à 5 623,23 euros bruts par mois, cette règle d'écrêtement plafonne à 8 434,85 euros bruts le montant total des indemnités susceptibles d'être perçues par un parlementaire au titre de son mandat national et de ses mandats locaux.

Cette règle, qui n'a pas été modifiée par la loi organique du 14 février 2014, ne s'applique plus, le cas échéant, qu'aux députés et sénateurs qui exercent par ailleurs :

- le mandat de conseiller municipal dans les communes (principalement celles d'au moins 100 000 habitants) où l'exercice de ce mandat non exécutif est indemnisé 32 ( * ) ;

- le mandat de conseiller départemental ou régional, de membre de l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale à statut particulier ou d'une collectivité d'outre-mer, de membre du congrès de Nouvelle-Calédonie ou des assemblées de province ;

- les fonctions de membres du conseil d'administration d'un établissement public local, du centre national de la fonction publique territoriale, ou encore de membre du conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte locale.

En pratique, depuis l'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives locales, il est devenu exceptionnel que la règle d'écrêtement trouve à s'appliquer.

2. La proposition de loi organique : interdire aux parlementaires la perception de toute indemnité liée à l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint au maire

L'article 2 de la proposition de loi organique tend à interdire aux parlementaires qui exerceraient les fonctions de maire ou d'adjoint au maire dans une commune de 10 000 habitants ou moins de percevoir aucune indemnité liée à l'exercice de ces fonctions .

3. La position de la commission : lever un risque d'inconstitutionnalité

L'intention poursuivie par cet article est louable : il s'agit d' éviter de faux débats , voire de dissiper toute suspicion sur les objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi organique.

Car la seule considération qui doit animer le débat sur le non-cumul des mandats et, plus largement, sur les incompatibilités applicables aux députés et sénateurs, c'est la nécessité de faire en sorte que le Parlement assume pleinement ses missions constitutionnelles, dans l'intérêt général.

Pourtant, l'interdiction proposée se heurte au principe d'égalité et encourt, par conséquent, un fort risque d'inconstitutionnalité , souligné par le professeur Anne Levade lors de son audition par le rapporteur. En effet, il resterait possible de cumuler l'indemnité parlementaire, dans la limite d'une fois et demie son montant, avec celle perçue au titre de mandats locaux non exécutifs - en tant que conseiller départemental ou régional, par exemple. Cette différence de traitement ne se justifie pas.

Dès lors, la commission des lois a supprimé cet article ( amendements identiques COM-26 du rapporteur et COM-21 rectifié bis d'Olivier Paccaud), pour s'en tenir à la règle actuelle d'écrêtement qui limite le montant total des indemnités susceptibles d'être perçues à une fois et demie l'indemnité parlementaire de base 33 ( * ) .

La commission a supprimé l'article 2.

* *

*

La commission des lois a adopté
la proposition de loi organique ainsi modifiée .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 6 OCTOBRE 2021

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - La proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires, présentée par notre collègue Hervé Marseille, vise à remettre partiellement en cause l'interdiction pour un député ou un sénateur d'exercer une fonction exécutive locale, qui résulte de la loi organique du 14 février 2014. L'argument phare présenté dans l'exposé des motifs est que la réforme de 2014 a donné le sentiment que les parlementaires étaient totalement déconnectés de la réalité et du terrain.

L'idée est donc de supprimer l'incompatibilité d'un mandat parlementaire avec les fonctions de maire ou d'adjoint au maire dans une commune de 10 000 habitants ou moins.

Depuis la III e République, le cumul des mandats était une composante du système politique français : l'expression de « sénateur-maire » ou de « député-maire » était courante. Notons d'ailleurs, plus largement, qu'il a fallu attendre la V e République pour qu'un ministre ne puisse plus siéger au Parlement. Depuis 1985, le législateur organique a progressivement, à quatre reprises, restreint les possibilités de cumul du mandat de parlementaire avec d'autres fonctions électives.

Rien ne s'oppose, du point de vue juridique, à ce que l'on revienne partiellement sur la réforme de 2014. La Constitution est totalement muette sur les incompatibilités applicables aux mandats parlementaires, à l'exception de l'incompatibilité entre mandat parlementaire et fonction ministérielle. L'article 25 renvoie à une loi organique la question de la fixation du régime des incompatibilités : c'est ce que nous faisons aujourd'hui.

L'article 1 er de la proposition de loi organique tend à supprimer l'interdiction de cumul pour les maires et adjoints aux maires des communes de 10 000 habitants ou moins, soit 97 % des communes françaises.

Le Conseil constitutionnel a toujours admis l'application d'un seuil de population pour les incompatibilités. Il a précisé dans une décision que ce seuil ne devait pas être arbitraire. À la lecture des textes, notamment le code général des collectivités territoriales, on s'aperçoit que ce seuil de 10 000 habitants est fréquent et qu'il a notamment une incidence sur les charges et responsabilités des élus municipaux.

En revanche, il serait peu cohérent de ne pas étendre l'assouplissement proposé aux fonctions de maire délégué dans une commune nouvelle de moins de 10 000 habitants. Je proposerai un amendement sur ce point.

Quid de l'extension de la règle d'incompatibilité aux parlementaires européens ? On sort là du cadre de la loi organique, puisque les représentants français au Parlement européen sont régis par la loi du 7 juillet 1977.

L'article 2 de la proposition de loi organique prévoit d'interdire aux parlementaires de percevoir quelque indemnité que ce soit liée à l'exercice de fonctions de maire ou d'adjoint au maire.

Sur le bien-fondé et l'opportunité d'une telle mesure, on peut être convaincu, comme le président Marseille, que la loi organique du 14 février 2014 a eu des effets dommageables sur la qualité du travail parlementaire, mais il est bon de rappeler que la question du cumul des indemnités n'a jamais été au centre des débats à l'époque. Le rapport de la commission Jospin évoquait la singularité française que représentait le cumul des mandats à l'échelle européenne. Les objectifs de cette commission étaient la rénovation de la fonction de parlementaire, le renouvellement du personnel politique et la réaffirmation de l'importance des fonctions électives.

Cet article  présente néanmoins un risque d'inconstitutionnalité, car il se heurte au principe d'égalité. Depuis 1992 s'applique la règle de l'écrêtement, confirmée par le législateur organique, qui part du principe que tout mandat emporte potentiellement indemnité. Certains parlementaires cumulent déjà des indemnités, liées par exemple au mandat de conseiller départemental. Soit il faudrait appliquer ce non-cumul d'indemnités à l'ensemble des fonctions électives locales, soit il faut s'en tenir à la règle d'écrêtement, comme je vous le proposerai.

Je remercie le président Marseille de son initiative. Je ne doute pas qu'elle suscitera des discussions parmi nous, mais il me paraît impératif de rapprocher l'exercice du pouvoir de la réalité des territoires, et de mettre fin à ce sentiment que les élus nationaux sont déconnectés. Ce texte est un moyen parmi d'autres d'y parvenir.

M. François Bonhomme . - Si cette proposition de loi organique arrive devant nous aujourd'hui, ce n'est pas sans raison. Sept ans après sa mise en oeuvre, l'ensemble des parlementaires mesurent les effets, parfois profonds et durables, de la loi organique du 14 février 2014 sur le fonctionnement du Parlement et, plus généralement, sur le personnel politique. Nous avons assisté à un fort renouvellement des assemblées parlementaires, dont la composition a profondément changé puisque les fonctions locales sont de moins en moins représentées par le personnel politique ayant un mandat national.

Je suis sûr qu'une partie du personnel politique s'est détournée des fonctions parlementaires en raison de cette loi. Même si nous n'avons pas d'étude d'impact très claire sur la question, cette réforme a eu des effets qui perdurent.

Cette proposition de loi organique vient en quelque sorte rééquilibrer les choses entre fonction exécutive locale et mandat national. C'est très bienvenu. Chacun aura son point de vue sur le seuil qui lui semble le plus opportun pour modifier ce régime d'incompatibilités. On aurait pu prendre 500 ou 3 500 habitants.

Même si ce n'est pas l'objet de ce texte, je veux évoquer certaines bizarreries. On a vendu à l'opinion publique le principe du non-cumul, mais certains ministres occupent la présidence d'un département. Alors comment expliquer au grand public qu'on ne peut pas être parlementaire et maire d'une commune de 500 habitants, mais qu'en revanche on peut diriger un département et être ministre... ?

Ces règles légales viennent en quelque sorte limiter le suffrage universel. C'est à l'électeur de choisir en qui il place sa confiance, à un élu qui a une expérience locale, ou à un autre qui n'en a pas.

M. Marc-Philippe Daubresse . - Je soutiens la proposition de notre collègue Hervé Marseille.

La question qui se pose est celle de la représentation des territoires et du peuple : à l'intersection des deux, tous ceux qui ont été à la fois maire et parlementaire ont pu mesurer toute l'importance d'envisager les évolutions de la loi à l'aune des problèmes concrets dont ils ont connaissance. Bien des lois intelligentes ont pu bénéficier de cette expérience des parlementaires.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique de 2014, les parlementaires sans mandat local sont-ils plus assidus, notamment à l'Assemblée nationale ? On voit bien que non ! Font-ils de meilleures lois ? Lors des commissions mixtes paritaires auxquelles nous participons, on a l'impression, s'agissant de nos collègues parlementaires qui n'ont jamais eu de mandats locaux, que certains sont sur Vénus et d'autres sur Mars !

Le rapporteur a rappelé que la commission Jospin n'avait pas évoqué la question des indemnités. Elle n'en était pas moins présente dans les débats. Ce que nos concitoyens nous reprochaient, ce n'était absolument pas le cumul des mandats, mais le cumul des indemnités ! On nous reprochait de cumuler des mandats pour avoir toujours plus d'indemnités, alors que bien des parlementaires avaient choisi, pour ne pas alourdir le budget de leur commune, de ne pas en percevoir pour leurs fonctions locales ou d'en percevoir une très faible.

Comme le faisait remarquer François Bonhomme, des ministres dirigent aujourd'hui des exécutifs départementaux. Je connais tel ministre de haut rang, que j'apprécie beaucoup par ailleurs, qui est en même temps conseiller municipal, conseiller dans une communauté urbaine et conseiller départemental...

Hervé Marseille a eu raison de poser ce débat. Son texte est tout à fait pertinent et nous devons essayer de le faire prospérer.

M. Alain Marc . - Cette proposition de loi organique a le mérite de susciter le débat. Je ferai une petite différence entre les députés et les sénateurs : les sénateurs sont constitutionnellement les représentants des collectivités locales. Or il n'est pas possible aujourd'hui d'être maire d'une commune de 40 à 50 habitants et sénateur, ce qui est choquant.

L'interdiction du cumul a été prévue pour les parlementaires, mais pas pour les autres. Certains collègues élus locaux ont six, sept, huit présidences... Je rejoins Marc-Philippe Daubresse : en réalité, le problème n'est pas tant le cumul des mandats que celui des indemnités. Il faudrait trouver une solution à ce problème.

M. Éric Kerrouche . - La tonalité de mon intervention contrastera avec le rapport de Stéphane Le Rudulier et les prises de position de mes collègues, toujours aussi étonnantes - c'est un euphémisme.

Beaucoup d'arguments ont été développés sur le cumul des mandats. Certains sont classiques : l'affaiblissement de l'implantation locale des parlementaires, et le fait que le Sénat mériterait un traitement spécifique. Je vous rappelle que la loi organique de 2014 n'a pas instauré le mandat unique et qu'elle permet toujours aux parlementaires d'exercer les mandats non exécutifs de conseiller départemental, régional, municipal et communautaire.

À vous entendre, on est forcément déconnecté lorsqu'on ne cumule pas, jugement étonnant quand on sait le travail que nous faisons sur le terrain !

Le seuil de 10 000 habitants, en-deçà duquel se situent 97 % des communes, serait un très bon seuil, et la charge de travail cumulé pour les élus resterait réaliste ? Je vous renvoie au travail que nous avions fait sur le statut de l'élu : dans les communes de 1 000 à 10 000 habitants, 53 % des maires indiquaient consacrer plus de 25 heures au mandat par semaine...

Ce que révèle cette proposition de loi, c'est surtout un rapport maladif à la centralisation entretenu par le cumul, et donc la faiblesse des collectivités locales. Certains sont convaincus qu'il faut être implanté à Paris pour faire avancer des dossiers locaux. Elle révèle aussi un poids excessif de la fonction exécutive par rapport aux fonctions de représentation.

Un auteur de gauche bien connu, Alain Peyrefitte, disait du cumul des mandats qu'un tel « système ne pouvait subsister qu'en raison de la minceur de ces fonctions électives », et qu'il avait « pour effet de la perpétuer. Selon lui, apparemment, le cumul donne de la force à l'élu. En réalité, il affaiblit le pouvoir représentatif face au pouvoir administratif. »

Le cumul des mandats est un système français, qui a été amplifié après 1958 dans des proportions extrêmement fortes. Il est vrai que la limitation du cumul ne concerne pas encore tout le monde : certaines anomalies qui ont été évoquées mériteraient d'être corrigées. Mais considérer que le cumul est normal en France relève d'une présentation erronée des choses.

On peut d'autant plus cumuler que le Parlement est faible - c'est le vrai problème français. Il y a aussi le problème du statut de l'élu, parce que la vocation assurantielle du cumul n'a pas de raison de perdurer. Enfin, il a été dit qu'il n'y avait pas d'étude d'impact sur l'effet du cumul en termes tant d'activité législative que d'activité locale. C'est faux ! De multiples études ont été menées, notamment par MM. Bach, Dewoghélaëre et Magni Berton. Elles montrent les effets délétères du cumul soit sur la fonction législative, soit sur la fonction exécutive, soit sur les deux.

Yves Mény a parlé à propos du cumul de « stratégie du baobab » : le baobab placé au centre du terrain empêche les autres plantes de pousser. Le cumul, c'est la monopolisation au profit de certains et au détriment des autres.

François Bonhomme estime qu'il faut laisser choisir les électeurs et ne pas prévoir de limitations. Rien n'est plus faux ! Socialement parlant, tout le monde ne s'intéresse pas de la même façon à la politique. Si on ne fixe pas des règles en matière d'incompatibilité et d'inéligibilité, si on n'apporte pas de corrections, alors automatiquement seule une partie de la population sera représentée. Si l'on suivait ce raisonnement, il n'y aurait toujours pas de femmes dans les institutions locales ou parlementaires !

Pour toutes ces raisons, nous considérons que cette proposition de loi organique reprend les vieilles lunes habituelles et qu'elle n'est absolument pas pertinente. De plus, contrairement à ce qu'on en dit, les Français continuent, de manière structurelle, à être opposés au cumul. Nous ne soutiendrons pas un texte contraire à la tradition que nous avons mise en place : celle d'une limitation du cumul.

Mme Françoise Gatel . - Personne ne sera étonné que j'émette un avis assez différent de celui d'Éric Kerrouche. Je salue l'initiative du président Marseille qui soulève, non sans courage, une question trop souvent abordée avec démagogie, voire avec suspicion à l'égard des élus. Il a même été question d'une « loi de moralisation de la vie publique »... Aux yeux de nos concitoyens, le seul mot de « cumul » fait penser à quelque chose de sombre et de louche.

Je remercie le rapporteur, qui a fait un travail d'orfèvre. L'exercice est difficile : on pourrait ouvrir la possibilité à d'autres assemblées, à des communes d'une autre taille, parce qu'un seuil est par essence un critère qui ne brille pas par sa subtilité ! Cela dit, le seuil de 10 000 habitants est souvent pris pour référence dans les dispositions relatives aux communes : il a donc le mérite d'exister et d'être bien compris.

Je suis gênée d'entendre dire que reparler du cumul, c'est ressortir des vieilles lunes et raviver un mal dont nous aurions définitivement été guéris. Car il faudrait aussi parler du cumul horizontal ! Je suis fascinée par le pouvoir colossal que détiennent des élus sur leur territoire quand ils sont maire, président d'une métropole, président d'un schéma de cohérence territoriale (SCoT)... Ce pouvoir exorbitant est parfois antidémocratique parce que ces élus tiennent dans leurs mains le destin de l'ensemble d'un territoire. Je ne vois pas pourquoi il serait louable de cumuler horizontalement tandis qu'avoir la double fonction de parlementaire et de maire serait une plaie mortelle.

On me dit que cette particularité n'est cultivée qu'en France. Demandons-nous si ce n'est pas lié au caractère extrêmement centralisé de notre État ! En Allemagne, un modèle qui est souvent cité, des pouvoirs d'une autre nature sont donnés aux régions. Faisons bouger les lignes sur ce sujet.

Le rapporteur a eu la pertinence d'associer les maires délégués des communes nouvelles. Il serait important d'ouvrir aussi cette possibilité aux exécutifs d'intercommunalités de moins de 10 000 habitants, car il en existe.

Mme Éliane Assassi . - Je remercie le rapporteur de son travail et des auditions qu'il a menées. J'ai eu le plaisir d'être auditionnée par lui en ma qualité de présidente de groupe.

Cette proposition de loi organique pourrait poser une vraie question, mais c'est au fond une fausse bonne idée. Elle n'aborde pas un certain nombre de sujets qui devraient nous alerter en notre qualité de parlementaires.

D'abord, ses auteurs résument un peu rapidement les origines du fossé entre politiques et citoyens au fait que les élus seraient déconnectés du réel. Cela me paraît un peu court : on ne peut pas affirmer aujourd'hui que l'abstention massive provient du cumul ou du non-cumul. La crise démocratique que traverse notre pays a des causes profondes et diverses, qu'il nous revient d'analyser. Je pense que nous ne prenons pas assez le temps de cette analyse.

La question posée est celle du Parlement, de ses prérogatives, de son efficacité et de la pertinence de l'action parlementaire, à l'heure où beaucoup s'accordent à dire que cette efficacité et cette pertinence sont affaiblies.

Parmi les arguments avancés figure la baisse de la qualité du travail parlementaire. Ce constat concerne surtout l'Assemblée nationale, du fait du mode de désignation des candidats, notamment de la majorité. Mais cela n'a rien à voir avec le cumul des mandats : c'est le fruit d'un choix politique. Dans les autres groupes, le travail est fait et bien fait, par des députés qui sont d'ailleurs souvent d'anciens responsables d'exécutif territorial ou d'anciens élus territoriaux. Au demeurant, la qualité du travail sénatorial est régulièrement louée, alors que la règle du non-cumul s'applique au Sénat comme à l'Assemblée nationale...

Je crois que la difficulté actuelle provient aussi de la crise des partis politiques et de l'affaiblissement du débat d'idées dans notre pays. L'ancrage local n'est pas qu'électoral et la qualité du travail du Parlement national - chaque parlementaire représente la Nation tout entière, et non un seul territoire - dépend de la richesse de ce débat.

Il faut chercher d'autres voies. La proposition de loi organique ne répond pas du tout à la vraie question de fond qu'est la crise démocratique que traverse notre pays. Nous ne la voterons pas.

J'ajoute que l'impuissance actuelle du Parlement devrait également nous amener à reparler de la pratique des ordonnances, de l'absence d'expérience locale et de la façon dont le Gouvernement légifère. Tout cela suscite la tentation du repli local, avec le sentiment d'être un peu plus utile « en bas ».

Mme Maryse Carrère . - Je remercie le président Hervé Marseille et notre rapporteur.

Lorsque l'on parle du cumul des mandats, on a toujours tendance à cibler les parlementaires. Or, comme l'a dit François Bonhomme, on voit chez d'autres élus de bien plus grandes bizarreries.

Le groupe RDSE a toujours été défavorable au non-cumul des mandats, par crainte d'une certaine déconnexion. Aujourd'hui, il est plus modéré. De fait, nul besoin d'être vice-président d'un département ou maire pour connaître les problèmes des collectivités ! Du reste, pour l'expérimenter depuis quelques semaines, je me rends compte que cumuler un mandat de parlementaire et un mandat de conseillère départementale « de base », sans aucune délégation, est compliqué.

Je rejoins ce qu'a dit Françoise Gatel sur le cumul horizontal. Le groupe RDSE aurait présenté des amendements à ce sujet s'il ne s'était pas agi d'une proposition de loi organique. Aujourd'hui, sur mon territoire, des élus locaux cumulent plus de huit mandats exécutifs... Il va falloir s'attacher à prendre aussi en compte les mandats exercés dans les agglomérations, les communautés de communes, les syndicats mixtes ou simples. La règle du non-cumul applicable aux parlementaires s'étend à ces structures : on ne peut pas aujourd'hui être député ou sénateur et président d'un tout petit syndicat mixte regroupant quatre communes. Il est intéressant que nous rouvrions ce débat.

Mme Nathalie Goulet . - Je veux soutenir ce qui vient d'être dit sur le cumul horizontal. On a rétabli des féodalités. Certains endroits sont verrouillés - je sais de quoi je parle...

Je n'ai jamais exercé de mandat municipal. J'ai voté contre le cumul des mandats par ricochet, mais la législation que nous avons établie finit par conduire à des tricheries sur le territoire, avec des élus de paille à la Medvedev. La situation mérite d'être revue. Nous devons aussi, et de toute urgence, déposer une proposition de loi sur le cumul horizontal, qui étouffe les capacités de certaines personnes à être élues ou même à candidater, puisque tout est absolument verrouillé.

Je reconnais que n'avoir jamais exercé de mandat local est un luxe. Il ne me paraît pas souhaitable qu'une assemblée soit constituée uniquement de membres qui n'ont jamais cumulé ou qui n'ont jamais exercé de mandat local sérieux, comme l'Assemblée nationale actuellement.

Je soutiendrai évidemment la proposition de loi organique.

M. Thani Mohamed Soilihi . - La déconnexion qui a inspiré cette proposition de loi est réelle, mais il ne faut pas la généraliser : certains de nos collègues parlementaires font très bien leur travail alors qu'ils ne cumulent pas.

Aujourd'hui, il n'est pas interdit de cumuler un mandat de parlementaire avec une fonction non exécutive au niveau local, raison pour laquelle il ne me paraît pas opportun de légiférer sur le sujet. Nous appelons tous de nos voeux une évaluation globale de la législation, donc une étude d'impact de la loi organique de 2014 parce qu'il faudrait peut-être revenir sur certains sujets.

Nous n'avons pas parlé de la réserve parlementaire : voilà un outil qui permettait la connexion avec les territoires.

M. Jean-Pierre Sueur . - Vos amis l'ont supprimée !

M. Thani Mohamed Soilihi . - Il conviendrait de parler des cumuls horizontaux et du cumul que pratiquent certains ministres dans le cadre d'une discussion plus globale. Je suis gêné par le seuil de 10 000 habitants. La décision du Conseil constitutionnel du 30 mars 2000 me laisse penser qu'il présente un risque d'inconstitutionnalité.

Pour l'ensemble de ces raisons, je ne suis pas favorable au texte. Il faudrait une réforme plus globale.

M. Guy Benarroche . - Je me joins aux observations d'Éric Kerrouche.

Je remercie Hervé Marseille de nous permettre de débattre sur ce sujet, en espérant toutefois que sa proposition de loi organique ne sera pas votée par notre assemblée. Je remercie le rapporteur de son travail, même si je ne partage absolument pas ses conclusions, en particulier sur les indemnités.

Je remercie Françoise Gatel, qui a dit ce qu'il fallait dire sur le cumul horizontal des mandats, mais je ne partage pas la conclusion qu'elle en tire : selon moi, il faut étendre la limitation du cumul, et non la restreindre. Cela me paraît plus logique et plus rationnel.

Suis-je déconnecté du terrain parce que j'ai renoncé à un mandat exécutif dans ma ville de 6 600 habitants ? Bien sûr que non ! Mon ancrage est le même et ma connexion est encore plus vaste, puisqu'elle se fait avec tous les élus de toutes les communes de mon territoire. Il est de ma responsabilité, et non de celle de la loi, d'assurer cette connexion.

Ce que dit François Bonhomme est faux : tout prouve au contraire que, dès lors qu'un parti politique applique des règles de non-cumul de mandats même lorsqu'elles ne sont pas obligatoires, les compétences se dévoilent. Le nombre de personnes intéressées par le fait politique et par l'exercice de responsabilités augmente. C'est ainsi que l'on peut lutter contre la déshérence démocratique actuelle.

Enfin, il me paraît absolument impossible qu'une personne cumule un mandat de maire et un mandat de parlementaire si elle veut faire le travail correctement. Ce qui a coûté à la démocratie n'est pas le fait que des parlementaires ne soient pas maires de leur ville : c'est qu'un certain nombre de fonctions exécutives ne sont pas remplies correctement en raison de la charge de travail trop importante qui résultait du cumul des mandats.

Nous voterons bien évidemment contre ce texte.

M. Philippe Bas . - Je remercie notre collègue Hervé Marseille de la pertinence de son initiative et notre rapporteur de l'acuité de son analyse.

Selon moi, la loi organique de 2014 est une erreur historique, fondée non pas sur des arguments scientifiques, mais sur les enquêtes d'opinion. Elle n'est donc pas étrangère à une certaine démagogie.

La règle qui a été posée est une vraie anomalie sociétale. En France, il n'y a qu'aux parlementaires que l'on interdise d'être premier ou deuxième adjoint dans un village de 500 habitants. C'est un véritable scandale du point de vue de l'exigence républicaine. Pourquoi cette distorsion ? La compatibilité de tous les mandats exécutifs locaux avec une activité professionnelle à plein temps est pleinement reconnue, et c'est heureux.

En outre, cette loi a considérablement affaibli les moyens d'action des élus locaux. Ne pouvant exercer de mandat national, ils ne parviennent plus à faire aboutir leurs dossiers, parce qu'ils n'ont ni la surface politique nécessaire ni l'accès aux ministères, qui reste malheureusement indispensable, dans notre pays hypercentralisé, pour dénouer un certain nombre de situations. À cet égard, les comparaisons internationales sont dépourvues de toute pertinence, pour une raison très simple : la France est la seule héritière de l'absolutisme royal, du jacobinisme révolutionnaire et du centralisme napoléonien. Tous ces facteurs font que l'extrême centralisation de notre pays, contre laquelle nous luttons sans relâche, rend utile et nécessaire la compatibilité entre un mandat national et un mandat local.

Les effets de la loi organique de 2014 se sont fait sentir depuis 2017, avec la multiplication des députés hors sol, dont le lien avec les citoyens, les collectivités, les associations, les entreprises est distendu. Cela entraîne des crises comme celle des « gilets jaunes », parce que l'on ne voit pas monter les angoisses de la population face à certaines réformes. Cette situation est critique pour la démocratie, parce qu'il n'existe plus de corps intermédiaires entre un pouvoir exécutif tout-puissant et nos concitoyens dans les territoires.

Enfin, l'information du législateur se voit asséchée. Pour avoir conservé des mandats de conseiller municipal et de conseiller départemental, je peux dire que la qualité et la densité de l'information que reçoit une autorité exécutive n'a rien à voir avec celle que reçoit un membre d'une assemblée délibérante. Dire le contraire, c'est ignorer totalement la réalité de nos collectivités.

Le préjudice pour notre démocratie de cette réforme démagogique est aujourd'hui sous nos yeux. Par conséquent, il faut vraiment mettre ce débat sur la table et essayer de rétablir le lien entre citoyens et parlementaires en permettant à ces derniers d'exercer des mandats exécutifs locaux, au service de la population.

Mme Valérie Boyer . - Notre collègue Hervé Marseille a raison d'ouvrir le débat parce que l'opprobre a été jeté sur le Parlement. Les parlementaires ont été amputés non seulement de leurs mandats locaux, mais aussi de leur réserve parlementaire. Les élus d'aujourd'hui sont très différents des précédents. Cela parachève le changement de nature de la V e République entamé avec le quinquennat. Le Parlement est affaibli, ce qui perturbe notre démocratie.

Beaucoup d'entre nous ont parlé des indemnités, mais permettez-moi de rappeler que nous étions écrêtés ! D'ailleurs, on nous avait promis une certaine transparence sur les sommes écrêtées, mais nous n'en avons plus jamais vu la couleur.

Effectivement, l'interdiction du cumul des mandats pour les parlementaires et le maintien du cumul horizontal changent la nature de nos relations et participent à l'affaiblissement du Parlement et de notre démocratie. Si nous continuons à surfer sur les études d'opinion plus que sur la réalité, nous ne pourrons jamais retrouver la confiance entre les élus et la population. Quoi que nous fassions, ce ne sera jamais assez. Est-ce ainsi que nous souhaitons continuer à travailler ?

Le débat ouvert par le président Marseille est particulièrement intéressant. Il marque peut-être le début d'une reconquête de la confiance entre le Parlement, la population et les élus locaux, entre lesquels le lien s'est brisé.

M. Jérôme Durain . - Je m'étonne du débat que nous avons ce matin et questionne la sincérité de certains arguments développés ici.

Plusieurs sujets méritent que l'on y revienne. Il ne faut pas restreindre le non-cumul, mais l'étendre. Il faut vite déposer sur le Bureau du Sénat la proposition de loi qui permettra de lutter contre le cumul horizontal. Tout à l'heure, Françoise Gatel a évoqué le fait que le cumul était entaché d'une espèce de soupçon. Je ne suis pas certain que nos travaux sur ce texte rendent confiance aux citoyens... J'entrevois déjà les commentaires sur le thème de l'entre-soi et des arrangements entre élus. Il ne s'agit pas de morale : il s'agit d'efficacité. Le non-cumul est le moyen par lequel nous donnons de la disponibilité aux parlementaires. Il permet le renouvellement, la diversité, la féminisation.

Je m'étonne de l'éloge du conflit d'intérêts. Philippe Bas a déclaré que, dans notre système centralisé, l'élu qui n'est pas parlementaire ne peut faire avancer ses dossiers. Les maires qui n'ont pas la chance d'être parlementaires ne valent-ils donc rien ? On cautionne une iniquité républicaine, alors que le problème est l'excès de centralisation dans ce pays.

Enfin, ce n'est pas parce qu'il y a eu une génération spontanée de « Playmobils » dans une autre chambre que la nôtre au dernier renouvellement que nous devons remettre en cause l'ensemble du système. Les sénateurs sont disponibles !

Il faut envisager le cumul comme un continuum. C'est bien qu'un parlementaire ait eu une expérience locale, mais rien ne l'oblige à conserver ses mandats après l'élection. Je souscris à ce qu'a dit Maryse Carrère ; en ce qui me concerne, c'est être à la fois conseiller régional et sénateur que je trouve compliqué.

Mme Cécile Cukierman . - Tâchons de faire preuve d'un peu de nuance sur un texte comme celui-ci.

La question du cumul se pose certainement aujourd'hui beaucoup plus chez les élus que dans la population. Au moment où nous avons voté l'interdiction du cumul d'un mandat exécutif local et d'un mandat de parlementaire, il y avait déjà une contradiction, puisque l'opinion n'était pas favorable au cumul, mais continuait à préférer voter pour un maire qui soit aussi parlementaire.

Je souscris à ce qui a été dit sur la question de la transparence. C'est la confiance dans la vie politique qui doit s'améliorer, grâce à un travail des élus et des partis politiques avec nos concitoyens. Nous devons prendre un peu de hauteur. Je crois que la qualité du travail législatif n'est plus la même depuis la fin du cumul pour les parlementaires. Ce n'est pas la même chose d'être et d'avoir été...

Instaurer, pour satisfaire le besoin d'expérience locale, un cursus honorum à la romaine, un franchissement d'étapes successives, conduirait à une hiérarchie dans les mandats. Ce n'est pas plus sain pour la démocratie.

Mais ce n'est pas cette proposition de loi organique qui permettra de régler la question. Ce texte recèle plusieurs écueils. D'abord, comment se justifie le seuil de 10 000 habitants ? Je pense que les interventions des maires de grande ville, des présidents de département ou de région apportaient au travail législatif.

Faisons attention à ce que nous disons sur la question du cumul horizontal. Évitons de renvoyer l'image de parlementaires jaloux à l'égard d'élus locaux qui auraient une multitude de mandats. Personnellement, je suis attachée à la commune et au fait que l'intercommunalité repose sur sa représentation. Le refus du cumul horizontal pourrait nous conduire à l'extension du suffrage universel direct à d'autres scrutins, ce qui affaiblirait fortement la place de la commune dans notre République ainsi que le rôle des élus municipaux.

M. Hervé Marseille . - Je veux remercier notre rapporteur de l'important travail qu'il a réalisé sur ce sujet très compliqué. Dans le débat, chacun a été dans son rôle. Errare humanum est, perseverare diabolicum ...

Je ne partage pas tout ce que j'ai entendu. Cette modeste proposition de loi organique avait vocation à faire naître le débat. De ce point de vue, l'objectif est atteint !

Chacun mesure qu'il y a une difficulté. On l'a bien vu à la suite des dernières élections locales. Le Président de la République lui-même a considéré, il n'y a pas si longtemps, que le sujet méritait une discussion. Je ne prétends pas régler le problème avec cette proposition. Effectivement, on aurait pu choisir un autre seuil, d'autres fonctions... mais il faut bien partir d'une base.

Je reviens à l'exposé des motifs du projet de loi organique de 2014. On estimait, à l'époque, que le Parlement allait être doté de pouvoirs exceptionnels et que les parlementaires devaient pouvoir être pleinement engagés dans l'action parlementaire. Mes chers collègues, avez-vous le sentiment que, depuis 2014, le Parlement ait pris de l'importance ?... Rien n'est moins sûr. On voit bien que les parlementaires n'ont d'autre vocation aujourd'hui que de déposer des amendements, qui, pour la plupart, finissent à la corbeille. Ce n'est pas vrai au Sénat, où la majorité parvient à faire évoluer les textes, mais on voit bien qu'il y a un problème institutionnel : dans notre pays à la culture et à l'histoire centralisées, il existe un fossé entre la vie territoriale et la vie parlementaire.

Guy Benarroche affirme que l'on peut parfaitement honorer son mandat de parlementaire sans pour autant exercer de responsabilités locales. Mais où est la décentralisation quand le Président de la République se rend à Marseille pour dire qu'il va s'occuper de tout ?

À l'évidence, le problème est plus global. Il concerne nos institutions et la pratique institutionnelle que l'on observe notamment depuis le début du quinquennat. Nous devons en tirer les conséquences. Il y va de nos fondements démocratiques.

M. François-Noël Buffet , président . - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi organique. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les règles d'incompatibilité applicables aux députés et aux sénateurs.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles additionnels avant l'article 1 er

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - Avec l'amendement COM-12 , Jean Louis Masson nous propose de modifier l'article L.O. 141 du code électoral, qui interdit le cumul d'un mandat parlementaire avec plus d'un mandat local, pour étendre cette règle au mandat de conseiller municipal dans une commune de moins de 1 000 habitants. Or cette exception me paraît totalement justifiée.

Par ailleurs, M. Masson propose d'ajouter à la liste les mandats de conseiller communautaire ou métropolitain. Cela n'a pas de sens, puisque les conseillers communautaires ou métropolitains, sauf à Lyon, sont nécessairement conseillers municipaux. Cet amendement reviendrait en fait à interdire purement et simplement aux parlementaires d'être membres d'un conseil communautaire ou métropolitain. J'y suis défavorable.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - L'amendement COM-17 reprend le contenu de l'amendement n° 12 pour ce qui concerne les communes de moins de 1 000 habitants. Avis défavorable.

L'amendement COM-17 n'est pas adopté.

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-18 , qui reprend l'autre partie de l'amendement COM-12, à savoir l'extension de la liste aux mandats de conseiller communautaire ou métropolitain.

L'amendement COM-18 n'est pas adopté.

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - L'amendement COM-19 a les mêmes objectifs que les précédents. Avis défavorable.

L'amendement COM-19 n'est pas adopté.

Article 1 er

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement de suppression COM-1 .

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - Par cohérence, l'amendement COM-27 tend à élargir la possibilité de cumul à la fonction de maire délégué dans les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants. Il vise également à substituer à la référence au vice-président d'un conseil consulaire représentant les Français établis à l'étranger une référence au président.

L'amendement COM-27 est adopté ; les amendements COM-2 , COM-3 rectifié, COM-11 rectifié, COM-16 , COM-20 rectifié bis , COM-24 , COM-6 , COM-7 , COM-8 , COM-9 , COM-10 et COM-23 rectifié deviennent sans objet.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 1 er

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - Comme vous le savez, le membre d'un exécutif local qui devient député ou sénateur dispose de trente jours pour démissionner de ses fonctions exécutives locales. Il s'agit non pas d'un droit d'option, mais d'un délai de grâce.

L'objectif que Cyril Pellevat cherche à atteindre au travers de l'amendement COM-22 rectifié est compréhensible : il s'agit d'offrir un droit d'option aux parlementaires suppléants en situation de cumul.

En effet, la règle actuelle peut être particulièrement gênante pour les suppléants. Il peut arriver qu'ils soient devenus maire ou adjoint au maire ou qu'ils aient commencé à exercer toute autre fonction exécutive locale entre la date de leur élection et la date à laquelle ils sont appelés à siéger au Parlement. Or, pour apprécier lequel, du mandat national ou du mandat local, est le plus ancien, ce n'est pas la date de l'élection qui est prise en compte : c'est la date d'entrée en fonctions.

Récemment, après la démission du député Arnaud Viala, son suppléant Sébastien David, également maire de Saint-Affrique, a été appelé à le remplacer. Souhaitant conserver ses fonctions de maire, il a été obligé de démissionner de ses fonctions de maire, puis de son mandat de député, avant de se faire réélire maire par le conseil municipal. L'amendement vise à éviter qu'une telle situation ne se produise.

Or, sur la forme, le dispositif n'aboutit pas au résultat recherché. Il ne fait que répéter sous une autre forme le droit en vigueur.

Sur le fond, je suis réservé. Cette particularité de notre droit électoral peut effectivement être gênante pour les élus concernés, voire perturber le fonctionnement des collectivités territoriales. Mais sa remise en cause pourrait également perturber le fonctionnement du Parlement et gêner tous les électeurs de la circonscription ! En effet, si le suppléant, exerçant son droit d'option, choisissait ses fonctions locales et démissionnait de son mandat parlementaire, il faudrait organiser une élection législative ou sénatoriale partielle, sauf à ce que le siège demeure vacant dans l'année qui précède un renouvellement.

Bien sûr, c'est déjà ce qui se produit aujourd'hui lorsque le suppléant démissionne de tous ses mandats avant de se faire réélire localement. Mais, si nous lui accordons un droit d'option, nous l'encouragerons à choisir son mandat local plutôt que le mandat national, car il pourra le faire sans risque. Je répète que ce serait préjudiciable au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Enfin, sur le plan des principes, je ne suis pas certain qu'il faille encourager les élus appelés à siéger au Parlement à y renoncer.

J'émets un avis défavorable à l'amendement.

M. Alain Marc . - Le cas que vous avez cité me concerne, puisqu'Arnaud Viala m'a succédé en tant que député. Il est désormais président du conseil départemental.

Cet amendement vise à combler un vide juridique. Quand Arnaud Viala s'est présenté comme député, il ne savait pas qu'il se présenterait quatre ans plus tard au conseil départemental et à la présidence de celui-ci. Aujourd'hui, la situation est relativement cocasse vue de l'extérieur. Sébastien David a été obligé de se faire réélire maire de Saint-Affrique et président de la communauté de communes. Comme c'est un scrutin de liste, cela ne posait pas de problème. Mais, parallèlement, il a été obligé de démissionner de son mandat de conseiller départemental. Dimanche prochain, les électeurs du canton de Saint-Affrique vont donc revoter. Le taux de participation risque de ne pas être très élevé !

Quand on se présente aux élections législatives en tant que suppléant, on ne sait pas ce qui peut advenir. En l'occurrence, Sébastien David ne savait pas qu'il deviendrait maire de Saint-Affrique. Quant au député, il n'avait d'ailleurs absolument pas l'intention de devenir président du conseil départemental.

Personnellement, je trouve que c'est un très bon amendement.

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - Sur la forme, la rédaction de l'amendement ne fonctionne pas : elle ne permet pas d'atteindre l'objectif visé.

Sur le droit d'option, on n'évitera pas qu'il faille revoter, le cas échéant, en fonction du choix du suppléant. Enfin, quand on est suppléant, on l'est pour la durée du mandat parlementaire. Le suppléant s'engage sur la durée et doit prendre en compte cet engagement dans sa trajectoire au niveau local.

L'amendement COM-22 rectifié n'est pas adopté.

Article 2

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - Les amendements identiques COM-26 et COM-21 rectifié bis tendent à supprimer l'article 2 en raison des risques d'inconstitutionnalité qu'il comporte.

Les amendements COM-26 et COM-21 rectifié bis sont adoptés.

L'article 2 est supprimé.

Article additionnel après l'article 2

L'amendement COM-25 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Intitulé de la proposition de loi organique

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - Avec l'amendement COM-4 , M. Masson propose de modifier l'intitulé de la proposition de loi organique. Cela ne me paraît pas nécessaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Articles additionnels avant l'article 1 er

M. MASSON

12

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Rejeté

M. MASSON

17

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Rejeté

M. MASSON

18

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Rejeté

M. MASSON

19

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Rejeté

Article 1 er
Cumul d'un mandat parlementaire avec les fonctions de maire,
d'adjoint au maire ou de maire délégué d'une commune de 10 000 habitants ou moins

M. MASSON

1

Suppression de l'article

Rejeté

M. LE RUDULIER, rapporteur

27

Suppression de l'incompatibilité d'un mandat parlementaire avec les fonctions de maire délégué d'une commune de 1 000 habitants ou moins ; coordination.

Adopté

M. MASSON

2

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

3 rect.

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

11 rect.

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

16

Cumul du mandat de député ou de sénateur avec des mandats locaux non exécutifs

Satisfait ou sans objet

M. PACCAUD

20 rect. bis

Suppression de l'incompatibilité d'un mandat parlementaire avec certaines fonctions exécutives locales

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

24

Incompatibilité d'un mandat parlementaire avec les fonctions de conseiller municipal délégué.

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

6

Seuil de population municipale pour l'application des règles d'incompatibilité

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

7

Seuil de population municipale pour l'application des règles d'incompatibilité

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

8

Seuil de population municipale pour l'application des règles d'incompatibilité

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

9

Seuil de population municipale pour l'application des règles d'incompatibilité

Satisfait ou sans objet

M. MASSON

10

Seuil de population municipale pour l'application des règles d'incompatibilité

Satisfait ou sans objet

Mme LAVARDE

23 rect.

Cumul d'un mandat parlementaire avec les fonctions d'adjoint au maire

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 1 er

M. PELLEVAT

22 rect.

Droit applicable aux députés et sénateurs suppléants en situation d'incompatibilité

Rejeté

Article 2
Interdiction pour les parlementaires de percevoir des indemnités
pour l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint au maire

M. LE RUDULIER, rapporteur

26

Suppression de l'article

Adopté

M. PACCAUD

21 rect. bis

Suppression de l'article

Adopté

Article additionnel après l'article 2

Mme VERMEILLET

25

Participation des parlementaires aux réunions des conseils communautaires et comités syndicaux des EPCI de leur circonscription

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Intitulé de la proposition de loi organique

M. MASSON

4

Intitulé de la proposition de loi organique

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 34 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 35 ( * ) .
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 36 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 37 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté , lors de sa réunion du mercredi 6 octobre 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi organique n° 804 (2020-2021) favorisant l'implantation locale des parlementaires.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les règles d'incompatibilité applicables aux députés et aux sénateurs .

En revanche, la commission a estimé que ne présentait pas de lien, même indirect , avec le texte déposé, un amendement visant à rendre les parlementaires membres de droit des assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale de leur circonscription.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Groupes politiques du Sénat

M. Bruno Retailleau , président du groupe Les Républicains

M. Patrick Kanner , président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

M. Hervé Marseille , président du groupe de l'Union Centriste et auteur de la proposition de loi

M. Alain Richard , vice-président du groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Mme Éliane Assassi , présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Jean-Claude Requier , président du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

M. Claude Malhuret , président du groupe Les Indépendants - République et Territoires

M. Guillaume Gontard , président du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires

Association des maires de France

M. Guy Geoffroy , maire de Combs-la-Ville et président de l'association des maires de Seine-et-Marne

Personnalités qualifiées

M. Jean-Philippe Derosier , professeur des universités

Mme Anne Levade , professeur des universités

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-804.html


* 1 Pour de plus amples développements, l'on se rapportera au rapport n° 832 (2012-2013) de Simon Sutour, fait au nom de la commission des lois du Sénat, sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur , consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l12-832/l12-832.html .

* 2 Si les premières lois limitant le cumul des mandats électoraux datent des années 1980, c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui, le premier, proposa de rendre incompatible le mandat de député ou de sénateur avec celui de maire, de président d'un conseil général ou régional (projet de loi organique limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives , déposé le 8 avril 1998).

* 3 Loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur .

* 4 Ces incompatibilités s'appliquent également aux sénateurs en vertu de l'article L.O. 297 du code électoral.

* 5 Étude d'impact du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur .

* 6 Une V e République plus démocratique , rapport au Président de la République du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V e République, octobre 2007, consultable à l'adresse suivante : https://www.vie-publique.fr .

* 7 Pour un renouveau démocratique , rapport au Président de la République de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, novembre 2012, consultable à l'adresse suivante : https://www.vie-publique.fr .

* 8 Guy Carcassonne, « Le temps de la décision », Le Débat , 2012, n° 172, p. 39.

* 9 Pour un renouveau démocratique , rapport précité, p. 60.

* 10 Article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement .

* 11 P. Avril, O. Beaud, L. Bouvet, P. Weil, « Cumul des mandats : réfléchir davantage », lettre au Président de la République, Commentaire , 2013/3 n° 143, p. 665 à 666.

* 12 Compte rendu de l'audition de Pierre Avril, Olivier Beaud, Julie Benetti et Dominique Rousseau par la commission des lois du Sénat, mardi 10 septembre 2013. Ce compte rendu est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130909/lois.html#toc3 .

* 13 Ibid .

* 14 « Après les législatives 2017, 75 % de l'Assemblée nationale est renouvelée, un record », Le Monde , 19 juin 2017. Voir également D. Andolfatto, « La nouvelle sociologie de l'Assemblée nationale : renouvellement ou "cercle fermé" ? », Revue politique et parlementaire , n os 1083-1084, décembre 2017.

* 15 Cet effet de l'interdiction du cumul s'était fait sentir dès avant son application, au lendemain des élections départementales et régionales de 2015, comme le souligne le professeur B. Dolez, « Parlementaire : un mandat dévalué. Des effets (pervers) des lois du 14 février 2014 interdisant le cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale », dans Le cumul et la durée des mandats. Débats, réformes et pratiques , sous la direction de K. Deharbe, Ch. Pina et P. Türk, Mare & Martin, 2020.

* 16 A. François et L. Weill, « Le cumul de mandats locaux affecte-t-il l'activité des députés français ? », Revue économique , 2014/6, p. 881-906.

* 17 L. Bach, Faut-il abolir le cumul des mandats ? , Paris, Éditions Rue d'Ulm, 2012.

* 18 L. Rouban, Le cumul des mandats et le travail parlementaire , rapport de recherche, Centre de recherches politiques de Sciences-Po, août 2012.

* 19 Depuis une révision du 11 juin 2015, le Règlement du Sénat comporte un chapitre IX dédié à la participation des sénateurs aux travaux de celui-ci. Il impose aux sénateurs une obligation de participation effective (article 23 bis A) et prévoit, en cas d'absence répétée, une sanction financière sous la forme d'une retenue égale à la moitié du montant trimestriel de l'indemnité de fonction (article 23 bis ).

* 20 Voir le rapport n° 628 (2020-2021) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité , consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l20-628/l20-628.html . Depuis le début de l'actuelle législature, le nombre d'habilitations à légiférer par ordonnances a crû de 23,6 % par rapport à la législature 2012-2017 et de 98,6 % par rapport à la législature 2007-2012 ; le nombre d'ordonnances publiées a augmenté, pour sa part, de 18,6 % et 111,5 % respectivement.

* 21 Là encore, les études statistiques qui ont été menées pour vérifier ce lien entre cumul des mandats et indépendance des parlementaires de la majorité sont loin d'être probantes (voir notamment L. Bach, « Faut-il abolir le cumul des mandats ? », loc. cit .). Elles se fondent, en général, sur la proportion de votes dissidents lors des scrutins publics. Or, dans un système parlementaire fondé sur la logique majoritaire, un vote dissident est un acte grave, surtout s'il porte sur l'ensemble d'un projet de loi présenté par le Gouvernement. Pour faire valoir son point de vue, un parlementaire de la majorité disposant d'une assise politique suffisante n'a pas besoin d'en arriver là.

* 22 « Un député LRM propose de rétablir le cumul des mandats », Le Monde , 1 er février 2019.

* 23 Les incompatibilités applicables aux membres du Gouvernement relèvent de la Constitution et non de la loi organique ou ordinaire. Aux termes de l'article 23 de la Constitution, les fonctions de membre du Gouvernement sont seulement incompatibles avec l'exercice « de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».

* 24 Interview de Richard Ferrand dans Le Journal du dimanche , 3 juillet 2021.

* 25 « Fin du cumul des mandats : et si c'était une erreur ? », L'Express , 15 juillet 2021.

* 26 Loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes .

* 27 Articles L. 2113-1 à L. 2113-23 du code général des collectivités territoriales.

* 28 Loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires .

* 29 Loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux .

* 30 Conseil constitutionnel, décision n° 2000-427 DC du 30 mars 2000. Ce seuil, inscrit à l'article L.O. 141 du code électoral, a été ramené à 1 000 habitants par la loi organique n° 2013-402 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux , concomitamment avec l'abaissement du seuil du scrutin de liste aux élections municipales.

* 31 Troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement , issu de la loi organique n° 92-175 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement .

* 32 Rappelons que l'exercice des mandats électifs locaux est en principe gratuit. Il ne peut être indemnisé que si la loi l'autorise expressément et si l'assemblée délibérante le décide. S'agissant des conseillers municipaux qui n'exercent ni les fonctions de maire, ni celles d'adjoint au maire, l'article L. 2123-24-1 du code général des collectivités territoriales distingue 1° les conseillers municipaux des communes d'au moins 100 000 habitants, dont l'indemnité ne peut excéder 6 % de l'indice brut terminal de la fonction publique ; 2° ceux des communes dont la population est inférieure à ce seuil, qui sont soumis à la même règle mais dont les indemnités doivent, le cas échéant, être comprises dans « l'enveloppe indemnitaire globale » définie au II de l'article L. 2123-24 du même code ; 3° les conseillers municipaux ayant reçu délégation, dont l'indemnité n'est pas plafonnée mais doit être comprise dans l'enveloppe indemnitaire globale.

* 33 Cette limite serait rarement atteinte, le montant maximal de l'indemnité susceptible d'être allouée au maire d'une commune de 3 500 à 9 999 habitants étant aujourd'hui fixé à 2 139,17 euros.

* 34 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 35 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 36 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 37 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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