CHAPITRE V : DISPOSITIONS DIVERSES

Article 7 (supprimé)
Coordinations outre-mer

Par cohérence avec la suppression des articles 1er, 2 et 4 introduisant de nouvelles incriminations pénales, la commission a, par l'adoption d'un amendement COM-25 du rapporteur, supprimé cet article qui procédait à des coordinations outre-mer.

La commission a supprimé l'article 7.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 13 DÉCEMBRE 2023

- Présidence de M. Philippe Bonnecarrère, président -

M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires est issu des premières assises des dérives sectaires organisées en mars dernier. S'inscrivant dans une stratégie gouvernementale globale pour les années 2024-2027, ce texte poursuit une intention louable qui doit tous nous mobiliser : lutter efficacement contre les dérives sectaires, dont la multiplication et la diversité doivent nous conduire à nous interroger collectivement.

Ce projet de loi marque un regain d'intérêt bienvenu sur la question des dérives sectaires, après des années de désengagement des pouvoirs publics en la matière. Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les dérives sectaires en matière de santé rapporté par Jacques Mézard date de 2013 et n'a été suivi d'aucun effet. Plus inquiétant encore, le maintien même de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a été remis en cause à plusieurs reprises. Le Sénat a dénoncé les atteintes qui lui ont été portées, notamment dans le cadre de l'avis budgétaire pour 2020 de notre ancien collègue M. Pierre-Yves Collombat.

La gravité de ce sujet, ainsi que les difficultés à lutter contre des acteurs parfois très organisés et disposant de moyens importants, appelle une plus grande responsabilité et une vigilance particulière. Il n'est ni envisageable de proposer de fausses solutions aux victimes ni souhaitable de légiférer sans que la nécessité en soit avérée, au risque de fragiliser tout l'arsenal pénal existant. Comme me l'ont rappelé Nicolas About et Jacques Mézard, nos anciens collègues, ainsi que Georges Fenech et Serge Blisko, anciens présidents de la Miviludes, il faut d'abord appliquer les lois existantes et donner les moyens opérationnels pour agir concrètement et pratiquement contre les dérives sectaires.

Or, au lieu de procéder à une évaluation approfondie de l'arsenal pénal existant et de s'interroger sur les causes de l'émergence de nouvelles formes de dérives sectaires, le Gouvernement a considéré que les assises organisées en mars dernier appelaient une réponse législative centrée non pas sur un renforcement des moyens de la justice, ou sur une meilleure formation des professionnels, ni même sur une véritable politique de prévention, d'éducation et de sensibilisation, mais sur la création de nouvelles dispositions répressives.

On ne peut que regretter cette focalisation de la réflexion et de l'action publique sur la réponse pénale, qui a pour conséquence d'occulter la nécessité pour les pouvoirs publics de porter leurs efforts sur l'amplification des actions de prévention et sur le renforcement des moyens de la justice comme des services enquêteurs spécialisés.

Il convient également de veiller aux effets de bord des règles présentées comme destinées à lutter contre les dérives sectaires, mais qui auront en fait une portée générale ; nous y reviendrons.

En conséquence, si nous ne pouvons qu'approuver les objectifs poursuivis avec ce projet de loi, je vous propose d'en aborder l'examen de manière pragmatique, avec le souci de faciliter des solutions opérationnelles inscrites dans la durée, plutôt que de nous contenter d'effets d'annonce et de solutions de façade.

Ce projet de loi marque un regain d'intérêt des pouvoirs publics pour la lutte contre un phénomène connu de longue date, particulièrement les dérives observables dans le domaine de la santé. Ce phénomène avait été identifié dans les rapports parlementaires dès les années 1990. Il est cependant marqué depuis lors par deux évolutions majeures : d'une part, le développement des moyens électroniques de communication et les réseaux sociaux ; d'autre part, les polémiques entourant l'épidémie de covid-19, qui ont vu une remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé publique, mais également des données scientifiques concernant les caractéristiques des pathologies ainsi que l'efficacité et les risques des traitements conventionnels.

Cette profusion de discours tendant soit à décourager le recours à la vaccination, soit à promouvoir des traitements sans validation scientifique, voire hors du champ de la pharmacie, véhiculait, parmi des critiques et des opinions parfaitement légitimes, des dérives sectaires qui ont pu inquiéter la population comme les pouvoirs publics.

Le doublement entre 2020 et 2021 du nombre de signalements et de demandes d'avis relatifs au domaine de la santé adressés à la Miviludes, de même que l'augmentation particulièrement importante des signalements liés aux phénomènes que la mission qualifie de « psycho-spiritualité », découlent de ce climat d'incertitude et d'anxiété.

Deux types de signalements ressortent des chiffres fournis par la Miviludes : ceux qui concernent des mouvements connus pour leurs dérives sectaires, et ceux qui concernent des individus ou des groupes réduits intervenant dans tous les domaines, de la santé à la formation en passant par le bien-être. Si les seconds se sont développés au cours des dernières années, les premiers n'ont jamais disparu et continuent leurs activités, que dénonce régulièrement la presse. Il est donc nécessaire de sensibiliser davantage la société à cette problématique croissante.

Force est de constater que le contenu du projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. Je déplore, en particulier, que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit d'un avis négatif du Conseil d'État soulevant, selon le cas, l'absence de nécessité de légiférer ou les risques constitutionnels pesant sur certaines dispositions ; ce ne sont pas là des critiques que l'on peut écarter sans examen sérieux.

Plusieurs des mesures du projet de loi concernent le code pénal. L'article 1er rompt avec la logique de la loi dite « About-Picard » de 2001 qui a permis la répression de l'abus frauduleux d'ignorance et de faiblesse, notamment par la sujétion physique ou psychologique, pour faire de la mise sous sujétion d'une personne et de l'abus frauduleux de cette sujétion une infraction autonome.

L'article 2 en tire les conséquences en créant, en miroir de la circonstance aggravante de l'abus de vulnérabilité, une circonstance de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.

L'article 4 entend, quant à lui, réprimer les provocations à l'abstention ou à l'arrêt d'un traitement susceptible de porter gravement atteinte à la santé d'une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d'effet.

Le Gouvernement justifie ces évolutions par la difficulté dont témoignent certaines victimes à se voir comme étant en situation de faiblesse, et elles visent à réprimer l'essor des discours déviants sur internet, par ceux qu'on décrit comme des « gourous 2.0 ».

Ce projet de loi tient également compte du rôle joué par les partenaires de la Miviludes que sont les associations de défense des victimes et les ordres professionnels médicaux. L'article 3 du projet de loi entend ainsi faciliter la possibilité pour les associations de se porter partie civile, en substituant à la nécessité d'une reconnaissance d'utilité publique un nouveau mécanisme d'agrément, plus souple.

L'article 5 renforce l'information des ordres professionnels, au premier rang desquels l'ordre des médecins, sur les décisions judiciaires prises à l'encontre de leurs membres pour des agissements impliquant des dérives sectaires en lien avec leur exercice professionnel.

L'article 6 octroie à la Miviludes un rôle nouveau d'amicus curiae, afin de faciliter son intervention en tant que service « expert » dans les procès.

Je vous propose de compléter et de renforcer la solidité juridique des dispositions des articles 3, 5 et 6, qui me paraissent aller dans le sens d'une plus grande efficacité de la lutte contre les dérives sectaires. En revanche, je vous propose la suppression des dispositions créant de nouvelles infractions pénales. En effet, l'article 1er vient doubler des infractions existantes et risque d'entraîner des confusions dommageables dans l'application du droit pénal, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales.

L'article 4, bien que restreint dans sa portée depuis les critiques sévères adressées par le Conseil d'État, demeure attentatoire aux libertés, sans garantie d'efficacité contre l'essor de discours en faveur des dérives sectaires. Si nous laissons les tenants des dérives sectaires se draper dans le manteau des libertés, nous aboutirions à desservir la cause que nous prétendons défendre.

Outre ces modifications, l'occasion nous est donnée de nous saisir de ce texte afin de permettre la mise en oeuvre des recommandations de rapports parlementaires ayant fait date, particulièrement le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2013.

Aussi, je propose de doter la Miviludes d'un statut législatif. Cela permettra enfin d'inscrire cette mission dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle, très paradoxale pour un organisme rattaché à un service du ministère de l'intérieur. Ce statut permettra de reconnaître l'ensemble des missions qu'elle exerce et de la protéger en la personne de son président, ainsi que les personnes réalisant des signalements, contre les procédures abusives.

Je ne peux également que m'étonner de l'absence de dispositions dans le projet de loi visant à réprimer les nouveaux modes opératoires des auteurs d'infractions en lien avec les dérives sectaires, et ce malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne. En conséquence, je vous soumets des amendements tendant à renforcer la répression des délits d'exercice illégal de la médecine, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de faiblesse, dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.

Enfin, je vous propose de prendre en compte la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne coure qu'à partir de leur majorité, et en renforçant les sanctions applicables au fait de placer un enfant dans une situation d'isolement social.

Nous pouvons faire oeuvre utile sans donner dans l'illusion de créer des mesures qui existent déjà, évitant ainsi le risque de faire moins bien et d'ajouter à la confusion des normes, tout en portant à leur terme le fruit de travaux parlementaires réfléchis et transpartisans. Je vous propose donc d'adopter ce texte, sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai déposés.

M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous avons tous été fortement sollicités par divers acteurs, essentiellement par courriels, et c'est me semble-t-il un bon indice de l'intérêt porté à cette thématique des dérives sectaires.

Par ailleurs, j'observe que trois textes que nous examinons aujourd'hui évoquent les violences familiales ; et chaque fois, se pose la question de la réponse législative à ces violences.

Mme Dominique Vérien. - Dans le cas présent, il ne s'agit pas de violences familiales, même si la manière d'endoctriner peut s'y référer. Tous ceux qui s'intéressent aux dérives sectaires attendaient le renforcement de la Miviludes, ainsi que la prise en compte du fait que beaucoup de ces endoctrinements s'effectuent aujourd'hui en ligne.

Je comprends la suppression des articles 1er et 4 ; mais je sais également que les policiers et les gendarmes poursuivant ces dérives sectaires ont besoin d'outils. En resserrant davantage le texte, en évoquant la spécificité de l'endoctrinement propre aux dérives sectaires, différent du système d'emprise que l'on connaît dans les violences intrafamiliales, nous pouvons peut-être résoudre la quadrature du cercle d'ici à la semaine prochaine.

Mme Nathalie Delattre. - Dès 1990, le sujet a fait l'objet d'un rapport parlementaire. Au Sénat, un rapport comportant plus de 500 pages d'auditions, a été publié sur le sujet en 2013, résultant des travaux conduits par notre ancien collègue Jacques Mézard. Même s'il date de 2013, le constat reste, aujourd'hui encore, édifiant qu'il dressait reste pleinement d'actualité.

Il s'agit ici d'un texte sur un sujet majeur, et je déplore qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de nos travaux un 19 décembre. Je déplore également que le Conseil d'État n'ait pas été saisi suffisamment en amont, comme il l'indique lui-même dans son avis. Madame le rapporteur, vous supprimez l'article 4, mais, à mon sens, il faudrait trouver une autre solution juridique.

En revanche, je salue votre proposition concernant la Miviludes. Avec Jacqueline Eustache-Brinio, dans notre rapport sur la radicalisation islamiste, nous avions proposé un « rétablissement de la Miviludes » car celle-ci était alors menacée de disparaître.

J'ai déposé plusieurs amendements, notamment pour modifier l'article 4. Nous avons reçu beaucoup de messages souhaitant la suppression de cet article, parmi lesquels un certain nombre proviennent de militants antivax. Des médecins pratiquant l'hypnose ou l'homéopathie se sentent également menacés. Hélas, nous n'avons pas le temps de trouver un compromis.

Enfin, un de mes amendements plaide pour un report de prescription s'agissant des mineurs victimes. Après avoir suivi certaines préconisations sur internet, de nombreux jeunes sombrent dans l'anorexie mentale et vont parfois jusqu'au suicide. Le report de prescription existe pour les viols ou pour d'autres infractions sexuelles ; quand l'intégrité d'une jeune personne est ainsi atteinte, cela me semble aussi grave.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

M. Christophe Chaillou. - Ce texte important, qui nous parvient dans des délais contraints, soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses concrètes. Les interrogations portent sur l'approche elle-même, sur les solutions privilégiées et les moyens accordés ; le Conseil d'État a d'ailleurs émis un avis réservé sur une disposition essentielle du texte.

Je partage le point de vue du rapporteur concernant l'absence d'approche préventive et la volonté d'éviter les effets d'annonce. Pour ce texte comme pour d'autres, il s'agit de privilégier des solutions efficaces. Une approche purement pénale ne permet pas de répondre au problème dans sa globalité et sa complexité.

Le renforcement de la Miviludes doit pouvoir faire consensus. Au-delà de la question du statut, celle des moyens accordés, aujourd'hui trop faibles par rapport à l'explosion du nombre de cas, semble essentielle.

Par ailleurs, la prise en compte de la dimension technologique dans les sanctions semble aller dans le bon sens, de même que l'allongement du délai de prescription pour les mineurs.

Concernant l'article 4, on peut entendre les arguments exprimés à l'instant par notre collègue Nathalie Delattre. La mesure est très controversée, on touche là à des aspects essentiels des libertés publiques et individuelles. La proposition de supprimer l'article, compte tenu des délais, semble la plus raisonnable.

Le texte ne répond pas à la globalité des situations. Une partie de l'arsenal existe déjà, il s'agit de l'appliquer en renforçant les moyens.

M. Dany Wattebled. - Je m'oppose à la suppression des articles 1er et 4. La sujétion est, à mes yeux, aussi importante que les effets négatifs qui peuvent en découler. Le maintien de ces articles est donc fondamental. On se rend compte de l'influence des réseaux sociaux sur certaines personnes ; je pense notamment à ce qui a pu se passer pour Samuel Paty.

M. Olivier Bitz. - Les dérives sectaires concernent, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de victimes. L'appareil législatif ne correspond plus aux enjeux actuels. Vingt ans après la loi About-Picard, une nouvelle étape dans la lutte contre les dérives sectaires est nécessaire. Nous connaissons les moyens technologiques employés par ces mouvements, et nous savons également qu'ils sont très actifs dans le milieu de la santé.

Nous sommes défavorables à la suppression des articles 1er et 4, qui correspondent précisément aux besoins exprimés par les policiers spécialisés, ainsi qu'aux demandes des milieux associatifs ; ainsi, à la fois l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (Unadfi) et le Centre contre les manipulations mentales (CCMM) se sont prononcés en faveur du texte. Les principaux acteurs de la lutte contre les dérives sectaires demandent des outils législatifs supplémentaires, y compris concernant la répression pénale. Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la nécessité d'adapter l'appareil répressif aux nouvelles pratiques.

Depuis 2010, nous observons deux fois plus de signalements à la Miviludes ; en comparaison, le nombre de poursuites engagées est très faible, en raison de la difficulté à caractériser les infractions. Les dispositions pénales en vigueur ne sont pas suffisantes pour protéger nos concitoyens.

L'article 1er marque une avancée décisive dans la lutte contre les dérives sectaires. Il permet de mieux prendre en compte les spécificités de l'emprise sectaire, et d'agir en amont de l'abus de faiblesse. Peut-être des éléments sont-ils à retravailler, mais nous ne pouvons pas supprimer cet article.

De même, concernant l'article 4, je perçois tous les messages reçus comme un encouragement à poursuivre ; cela veut dire que, pour toutes ces personnes, notamment dans le domaine de santé, les dispositions de ce texte représentent une menace pour leurs pratiques.

J'entends les réserves exprimées concernant la rédaction. Mettons-nous autour de la table et essayons d'avancer, en tenant compte de l'avis du Conseil d'État. Il faut ouvrir la porte à une modification de l'article 4 et travailler à une nouvelle rédaction. Nous enverrions un mauvais message en proposant un amendement de suppression, alors que ces pratiques entraînent des morts.

M. André Reichardt. - Je soutiens ce rapport dans son intégralité. Il est pour le moins maladroit de traiter un texte aussi important la veille de Noël ; ce n'est pas la bonne période, nous aurions dû avoir davantage de temps.

Je déplore que l'on fasse si peu cas de l'avis du Conseil d'État sur la question des libertés et de l'aspect discriminatoire de certains articles.

Je suis favorable à la suppression des articles 1er et 4. Concernant l'article 5, je trouve également que nous allons très loin.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous partageons tous ce constat : la lutte contre les dérives sectaires mérite un traitement plus approfondi, notamment concernant la définition des infractions permettant de les sanctionner. Nous avons besoin de légiférer, mais cela ne doit se faire ni à cette période ni de cette manière.

Nous avons étudié le code pénal et les dispositions existantes ; le problème est qu'il s'avère impossible de caractériser les dérives sectaires dans la loi, et qu'en tout état de cause, cela n'est pas souhaitable. Le rapport de 2013, bien avant l'épidémie de covid-19 et la crise sanitaire, portait déjà sur des problématiques des soins, notamment sur les thérapies « non conventionnelles » ou « alternatives » ; depuis, le phénomène n'a fait que croître, et s'est cristallisé avec les réseaux sociaux et la communication numérique.

L'absence de mesures concernant la communication numérique est révélatrice des faiblesses de ce texte insuffisamment préparé. Il aurait fallu a minima prévoir une sanction pour les infractions commises par le biais de moyens numériques ; nous le proposons au travers d'un amendement considérant, sur la base d'infractions pénales existantes, l'utilisation de moyens numériques comme une circonstance aggravante.

Concernant l'article 4, on ne peut pas faire abstraction des risques d'inconstitutionnalité pointés par le Conseil d'État. Devant les réactions suscitées, vous évoquez le fait de toucher un point sensible ; mais en appuyant de la sorte sur ce point, nous risquons d'aggraver les problèmes : les mouvements sectaires ne manqueront pas de se draper dans une posture de défense des libertés, dans un pays déjà fracturé sur ces questions, si nous adoptons un dispositif fragile juridiquement.

L'état de sujétion, tel qu'il est présenté à l'article 1er, s'avère une notion trop large. Qu'est-ce qu'un état de sujétion et doit-il être réprimé de façon autonome ? L'autorité parentale, selon la manière dont elle est exercée, ne conduit-elle pas à une forme de sujétion ? Dans nos propositions, nous cherchons à défendre les mineurs, notamment par le bais de l'amendement prévoyant d'allonger le délai de prescription, afin qu'une victime puisse avoir le temps de se concevoir comme telle et entamer des poursuites.

Le code pénal prévoit un arsenal suffisant. Les services enquêteurs et les magistrats instructeurs le disent : il ne s'agit pas d'un problème de définition des infractions, mais d'établissement de la matérialité des faits et de collecte de preuves. Pour cela, il convient d'abord d'assurer un statut interministériel à la Miviludes, de manière à pouvoir engager une véritable politique de lutte contre les infractions, avec davantage de moyens. Nous devons également permettre que les signalements et les avis soient confidentiels et protégés par la loi ; actuellement, les victimes n'osent pas toujours se signaler, de peur que ce signalement ne soit divulgué.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que celui-ci comprend les dispositions relatives aux infractions pénales permettant de réprimer et sanctionner les effets négatifs des dérives sectaires, aux prérogatives et moyens de la Miviludes, aux modalités de constitution de partie civile pour les associations de défense des victimes de dérives sectaires, ainsi qu'aux modalités d'information des ordres médicaux en cas de sanction pénale ou de mesure de sûreté prononcée à l'encontre d'un de leurs membres en lien avec une dérive sectaire.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Division additionnelle avant le chapitre 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-12 propose d'insérer l'article 1er A dans un nouveau chapitre consacrant les pouvoirs et le rôle de la Miviludes dans la lutte contre les dérives sectaires.

L'amendement COM-12 est adopté.

Une division additionnelle est ainsi insérée.

Avant le chapitre 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-13 consacre dans la loi la Miviludes, acteur incontournable et indispensable à la lutte contre les dérives sectaires. Il permet d'ancrer cette mission dont l'utilité n'est plus à démontrer, avec un statut interministériel et la possibilité de présenter un rapport annuel dont les éléments sont protégés contre les recours abusifs.

L'amendement COM-13 est adopté et devient article additionnel.

Avant l'article 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-14 permet d'actualiser le droit existant afin de mieux prendre en compte l'utilisation des réseaux sociaux et des supports numériques, et d'adapter en conséquence l'arsenal répressif. Sur le modèle des circonstances aggravantes en matière de harcèlement moral ou scolaire, l'amendement introduit une nouvelle circonstance aggravante au délit d'abus de faiblesse à raison des moyens utilisés. Plus précisément, les peines seront portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende dès lors qu'un abus de faiblesse sera commis par l'utilisation des moyens de communication en ligne.

L'amendement COM-14 est adopté et devient article additionnel.

Article 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-15 vise à supprimer l'article 1er.

L'amendement COM-15 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-8 devient sans objet.

L'article 1er est supprimé.

Article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-16 vise à supprimer l'article 2, qui perd toute cohérence du fait de la suppression de l'article 1er.

L'amendement COM-16 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-9 devient sans objet.

L'article 2 est supprimé.

Division additionnelle après l'article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-17 prévoit d'insérer un chapitre comportant l'ensemble des nouvelles dispositions que je propose d'introduire et qui visent à renforcer spécifiquement la protection des mineurs.

L'amendement COM-17 est adopté.

Une division additionnelle est ainsi insérée.

Après l'article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-18 et COM-5 rectifié prévoient d'allonger le délai de prescription : il sera désormais de six années, à compter de la majorité de la victime.

Les amendements identiques COM-18 et COM-5 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-19 tend à renforcer la répression des phénomènes visant à soustraire volontairement les enfants à tout contrôle et à les placer dans des situations d'isolement social. Lors des différentes enquêtes menées au sein des mouvements sectaires, on découvre des enfants isolés, qui ne sont même pas déclarés à l'état civil. Il est proposé d'ériger cette non déclaration en circonstance aggravante des délits de privation d'aliments ou de soin et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur.

L'amendement COM-19 est adopté et devient article additionnel.

Article 3

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-20 concerne la procédure d'agrément. Il est utile que les associations puissent se constituer partie civile dans le cadre des procédures d'instruction. Les associations, notamment l'Unadfi, souhaitaient disposer d'un délai plus long afin de poursuivre ces procédures ; nous étendons ce délai de neuf mois à un an.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Avant l'article 4

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-21 a pour objet de sanctionner plus fortement les délits commis avec les moyens numériques. Il propose d'instituer une nouvelle circonstance aggravante dans le cas d'une utilisation de ces moyens, et d'introduire une peine complémentaire, en cas de commission de ces mêmes infractions par ces moyens, de bannissement numérique.

L'amendement COM-21 est adopté et devient article additionnel.

Article 4

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-22 et COM-1 rectifié bis visent à supprimer l'article 4.

M. Christophe Chaillou. - La rédaction n'est pas satisfaisante, mais la suppression de l'article ne veut pas dire que nous approuvons celle-ci sur le fond.

Les amendements identiques COM-22 et COM-1 rectifié bis sont adoptés. En conséquence, l'amendement COM-3 devient sans objet.

L'article 4 est supprimé.

Article 5

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-2 rectifié bis et COM-11 visent à supprimer l'article 5, alors que nous souhaitons le maintenir.

En effet, lorsqu'un professionnel de santé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire, il nous semble logique d'en informer l'ordre duquel il est membre, de manière à faciliter le prononcé rapide de sanctions ordinales. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-2 rectifié bis et COM-11 ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté sans modification.

Après l'article 5

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-6 aborde une vraie difficulté dans la lutte contre les dérives thérapeutiques, mais se heurte à plusieurs obstacles, celle de l'information des individus bénéficiant de thérapies « non conventionnelles ».

Tout d'abord, le ministère de la santé nous a indiqué qu'il n'existait pas de liste établie de ces thérapies. Par ailleurs, la Miviludes ne dispose sans doute pas des moyens d'établir les fiches demandées. Enfin, l'infraction pénale, telle qu'elle est rédigée, ne permet pas de déterminer avec certitude sur qui pèsera la sanction, notamment s'il s'agira d'une personne physique ou morale.

Lors de son audition, le ministère de la santé a indiqué qu'il réactivait son groupe d'étude pour améliorer le dispositif existant. Sans doute sera-t-il à même d'apporter une réponse partielle au problème soulevé. En l'état, il nous semble impossible d'adopter cet amendement. J'en demande de retrait ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Mme Nathalie Delattre. - Je le retire et le présenterai de nouveau en séance, comme amendement d'appel.

L'amendement COM-6 est retiré.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Suivant la jurisprudence de la commission en matière de rapports, avis défavorable à l'amendement COM-7.

Mme Nathalie Delattre. - Je le présenterai de nouveau, comme amendement d'appel. Nous n'avons pas l'habitude de demander des rapports, mais le sujet est grave. Cela permettra d'avoir un débat en séance, notamment sur la question de l'absence de liste concernant les pratiques non conventionnelles.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

Article 6

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-23 tire les conséquences de la suppression des articles 1er et 2 du projet de loi, tout en conservant la procédure d'amicus curiae, au bénéfice notamment de la Miviludes.

L'amendement COM-23 est adopté.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-10 vise à ouvrir la procédure d'expertise, ce que prévoit déjà la procédure d'instruction pénale, mais pas sous le statut d'amicus curiae. Avis défavorable.

Pour rappel, la procédure d'amicus curiae permettra à la Miviludes d'intervenir dans le cadre de l'instruction pénale indépendamment de ce qui existe déjà, à savoir l'expertise judiciaire ou le témoignage. Le magistrat instructeur pourra interroger la Miviludes sur des éléments généraux et objectifs.

M. François-Noël Buffet, président. - En droit, un amicus curiae est une personnalité ou un organisme non directement liés aux protagonistes d'une affaire judiciaire, qui propose au tribunal de lui présenter des informations ou des opinions pouvant l'aider à trancher l'affaire sous la forme d'un mémoire, d'un témoignage non sollicité par une des parties ou d'un document traitant d'un sujet en rapport avec le cas. La décision sur l'opportunité d'admettre le dépôt de ces informations ou de ces opinions est à la discrétion du tribunal.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous sommes favorables à cette nouvelle mesure.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-24 précise que les éléments produits par un service de l'État, dans le cadre de cette nouvelle procédure, sont soumis au débat contradictoire.

L'amendement COM-24 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Par coordination, l'amendement COM-25 vise à supprimer l'article 7.

L'amendement COM-25 est adopté.

L'article 7 est supprimé.

Intitulé du projet de loi

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-4 prévoit de changer l'intitulé de la proposition de loi, comme le suggérait le Conseil d'État. Ce projet visait à réprimer, au-delà des dérives sectaires, tous les phénomènes d'emprise mentale. Cela ne nous apparaissait pas souhaitable, et nous avons, en conséquence, décidé de supprimer l'article 1er. Demande de retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Division(s) additionnelle(s) avant le Chapitre Ier : Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Mme JOSENDE, rapporteure

12

Création d'une division additionnelle

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant le Chapitre Ier : Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Mme JOSENDE, rapporteure

13

Conférer un statut législatif à la Miviludes

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant l'Article 1er

Mme JOSENDE, rapporteure

14

Institution d'une circonstance aggravante en cas d'utilisation de moyens électroniques ou numériques pour commettre un abus de faiblesse

Adopté

Article 1er

Mme JOSENDE, rapporteure

15

Suppression de l'article 1er

Adopté

M. Jean-Baptiste BLANC

8

Introduction de notion d'assujettissement, sanction des pressions indirectes et aggravation des peines en cas de pluralité de victimes 

Rejeté

Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

16

Suppression de l'article 2

Adopté

M. Jean-Baptiste BLANC

9

Ajout de la notion d'assujettissement 

Rejeté

Division(s) additionnel(s) après l'Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

17

Création d'une division additionnelle

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

18

Allongement du délai de prescription applicable aux mineurs victimes d'abus de faiblesse

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

5 rect. bis

Allongement du délai de prescription applicable aux mineurs victimes d'abus de faiblesse

Adopté

Mme JOSENDE, rapporteure

19

Renforcement des sanctions en cas de manquements aux obligations parentales en cas de non déclaration à l'état civil d'un mineur

Adopté

Article 3

Mme JOSENDE, rapporteure

20

Allongement de la période transitoire permettant aux associations reconnues d'utilité publique de se constituer partie civile

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant l'Article 4

Mme JOSENDE, rapporteure

21

Institution d'une circonstance aggravante en cas d'utilisation de moyens électroniques ou numériques pour commettre des délits d'exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses

Adopté

Article 4

Mme JOSENDE, rapporteure

22

Suppression de l'article 4

Adopté

M. HOUPERT

1 rect. bis

Suppression de l'article 4

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

3 rect.

Caractérisation de la provocation à l'abandon de soins ou à l'adoption de pratiques thérapeutiques non conventionnelles comme résultant d'une recommandation, d'une consultation ou d'une injonction individuellement adressée

Rejeté

Article 5

M. HOUPERT

2 rect. bis

Suppression de l'article 5 

Rejeté

M. BENARROCHE

11

Suppression de l'article 5 

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'Article 5

Mme Nathalie DELATTRE

6 rect.

Obligation de renvoi vers une notice élaborée par la Miviludes en cas de promotion ou de vente de biens et de services liés à des pratiques thérapeutiques non conventionnelles 

Retiré

Mme Nathalie DELATTRE

7 rect.

Remise d'un rapport annuel au Parlement dressant  un suivi statistique du recours de la population aux pratiques thérapeutiques non conventionnelles. 

Rejeté

Article 6

Mme JOSENDE, rapporteure

23

Restriction du champ d'application de la procédure d'amicus curiae au délit d'abus de faiblesse

Adopté

M. Jean-Baptiste BLANC

10

Précisions quant à la complémentarité de la procédure d'amicus curiae avec les procédures existantes en matière d'expertise

Rejeté

Mme JOSENDE, rapporteure

24

Obligation de verser au contradictoire l'ensemble des éléments obtenus par la procédure d'amicus curiae

Adopté

Article 7

Mme JOSENDE, rapporteure

25

Suppression de l'article 7

Adopté

Intitulé du projet de loi

Mme Nathalie DELATTRE

4 rect.

Changement de l'intitulé de la proposition de loi

Rejeté

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