EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Affirmation du caractère prioritaire de la lutte contre les exclusions

Cet article a pour objet d'affirmer, à titre liminaire, que la politique de lutte contre les exclusions destinée à favoriser l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux, constitue un impératif national.

Il se présente, à bien des égards, comme un « condensé » des trois premiers articles du projet de loi de renforcement de la cohésion sociale présenté en mars 1997 par MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli (cf. encadré ci-après).

Le premier alinéa reprend la formule du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale qui fait de la lutte contre les exclusions un « impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains ». Il ajoute qu'il s'agit d'une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la Nation.

Le deuxième alinéa rappelle quels sont les droits individuels et collectifs fondamentaux dont le projet de loi tend à favoriser l'accès effectif à tous. Le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale était plus ambitieux, quoique peut-être moins pragmatique, en affirmant qu'il avait pour objet « de garantir » l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux.

La seconde différence tient à l'ordre dans lequel sont cités les droits fondamentaux à mettre en oeuvre : alors que le projet de loi de renforcement de la cohésion sociale citait d'abord les domaines de la vie familiale et de l'éducation, le nouveau projet de loi met en avant l'emploi et le logement.

Les trois articles liminaires du projet de loi Emmanuelli-Barrot

Article premier

La lutte contre les exclusions sociales constitue un impératif national, fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains. Les citoyens, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et de protection sociale et les associations concourent avec l'Etat à la réalisation de cet objectif.

Article 2

La présente loi garantit l'accès effectif de tous aux droits individuels et collectifs fondamentaux dans les domaines de la vie familiale, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la santé, du logement, de l'emploi et de la justice.

Article 3

L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que l'ensemble des organismes de sécurité sociale et institutions de protection sociale doivent prendre les dispositions nécessaires pour que toutes les personnes soient exactement et complètement informées de la nature et de l'étendue des droits dont elles peuvent se prévaloir, aidées à en prendre connaissance et à accomplir les démarches administratives ou sociales nécessaires à leur mise en oeuvre dans les délais les plus rapides.

Le troisième alinéa recense les différents acteurs qui « participent à la mise en oeuvre des principes ».

Le précédent projet de loi prévoyait, dans le même esprit, d'énumérer à l'article premier ceux « qui devraient concourir avec l'Etat à la réalisation de l'objectif » de lutte contre les exclusions.

La liste comprend deux nouvelles catégories qui n'étaient pas citées auparavant : « les organisations professionnelles ou interprofessionnelles » et « les organisations syndicales de salariés représentatives ».

Les quatrième et cinquième alinéas semblent relativement en retrait du dispositif prévu à l'article 3 du projet de loi de renforcement de la cohésion sociale qui donnait expressément pour ambition à tous ceux qui concourent à l'exécution du service public, de prendre toutes dispositions nécessaires pour aider les personnes en difficulté à être informées de la nature et de l'étendue de leurs droits.

L'actuel projet de loi se borne sur ce point à prévoir que les personnes chargées de participer à la mise en oeuvre de la lutte contre l'exclusion :

- doivent poursuivre une politique destinée à connaître et à prévenir l'exclusion,

- et veiller à garantir à tous une information complète et un réel accès aux droits.

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications à cet article.

Tout d'abord, elle a prévu que l'objectif était de « tendre à garantir » l'accès de tous aux droits fondamentaux et non plus de « tendre à favoriser » celui-ci. La formule ainsi retenue semble assurer une « synthèse » entre le texte de Mme Martine Aubry sans doute trop prudent et celui de M. Jacques Barrot peut-être trop catégorique (« garantir l'accès aux droits »).

Sur une initiative de M. Patrick Devedjian et de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, l'Assemblée nationale a préféré l'expression « droits fondamentaux » à celle de « droits individuels et collectifs fondamentaux » afin de répondre à la suggestion de nombreuses associations qui préféraient une formule plus concise.

Par ailleurs, concernant les domaines où doit être assuré l'accès aux droits de tous, l'Assemblée nationale a ajouté deux champs nouveaux : la justice et la protection de l'enfance.

Ensuite, à l'initiative de la commission spéciale, une distinction a été opérée entre les acteurs de la société qui « participent à la mise en oeuvre des principes » de l'accès aux droits de tous, et ceux qui « concourent à ces objectifs ».

La première catégorie comprend : l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale, ainsi que les institutions sociales et médico-sociales. Parmi les établissements publics, l'Assemblée nationale a tenu à ce qu'une mention particulière soit faite des centres communaux d'action sociale, ce dont on se félicitera.

La deuxième catégorie comprend non seulement les organisations professionnelles ou interprofessionnelles et les organisations syndicales de salariés, qui étaient déjà citées dans le projet de loi initial, mais également, ce qui est nouveau :

- les entreprises ;

- l'ensemble des acteurs de l'économie solidaire ;

- les organismes de prévoyance ;

- les associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion ;

- les citoyens.

Malgré l'avis défavorable du Gouvernement, elle a adopté un amendement renforçant sensiblement la formule initiale du cinquième alinéa selon laquelle les acteurs de la lutte contre l'exclusion « veillent à garantir à tous une information complète et un réel accès aux droits » : il s'agit désormais de garantir à chacun « un accompagnement personnalisé, une information complète et la possibilité d'un droit d'alerte auprès du délégué départemental du Médiateur ».

Votre commission vous propose d'adopter sept amendements à cet article .

Un amendement a pour objet de préciser que l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux est garanti « sur l'ensemble du territoire » : il s'agit de souligner que l'accès aux droits doit être garanti aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain.

Un amendement modifie, sur le plan rédactionnel, le quatrième alinéa de l'article qui dispose que les institutions publiques poursuivent une politique active destinée à connaître, à prévenir et à supprimer toutes les situations pouvant engendrer des exclusions : il est proposé de supprimer le mot « active » car il paraît difficile d'opérer une distinction entre politique « active » et politique « passive » en matière de politique de lutte contre les exclusions.

Un amendement procède à une nouvelle rédaction du cinquième alinéa de l'article, introduit par l'Assemblée nationale, portant sur les garanties apportées en matière d'information des personnes les plus démunies. L'amendement propose de revenir à la rédaction qui avait été prévue à l'article 3 du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale tel qu'il avait été voté par l'Assemblée nationale en juin dernier. Il est précisé que les organismes chargés de la lutte contre l'exclusion « prennent les dispositions nécessaires pour informer chacun de la nature et de l'étendue de ses droits pour l'aider, éventuellement par un accompagnement spécialisé, à accomplir les démarches administratives ou sociales nécessaires à leur mise en oeuvre dans les délais les plus rapides ». L'amendement introduit, ce qui est nouveau, la notion d'accompagnement personnalisé par rapport au texte adopté en avril dernier

Puis la commission a adopté deux amendements qui incluent parmi les personnes qui concourent à la lutte contre l'exclusion, d'une part l'ensemble des acteurs de l'économie sociale et de l'économie solidaire, et, d'autre part, les groupements régis par le code de la mutualité.

Il est apparu en effet utile à la fin de l'énumération des acteurs de ce qu'il est convenu d'appeler « la société civile », qu'il soit fait particulièrement mention des acteurs de l'économie sociale et de l'économie solidaire qui ont un rôle particulier à jouer dans la lutte contre les exclusions. L'insertion des groupements régis par le code de la mutualité permet de tenir compte du fait que les mutuelles n'ont pas que des activités de prévoyance actuellement visées dans l'article.

Un amendement précise que toutes les associations, et notamment celles chargées de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, ont un rôle à jouer en matière d'égalité de l'accès aux droits. En effet, dès lors que tous les citoyens concourent à la lutte contre les exclusions, il ne serait pas compréhensible que toutes les associations ne soient pas également concernées par cet impératif national.

Enfin, un amendement modifie, sur le plan rédactionnel, le dernier alinéa de l'article. Celui-ci énumère la liste des personnes morales et physiques qui « concourent à des objectifs » sans préciser clairement de quels objectifs il s'agit. Cet amendement précise que les personnes en question concourent à la réalisation des objectifs mentionnés au deuxième alinéa du présent article, c'est-à-dire tendre à garantir l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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