Section III : Relations entre le titulaire du droit d'usage et l'attributaire

Cette troisième section, constituée des articles L. 642-14 à L. 642-20, définit le régime juridique applicable aux relations nouées entre le titulaire du droit d'usage des locaux et l'attributaire.

L'article L. 642-14 prévoit que, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les relations entre le titulaire du droit d'usage et l'attributaire sont régies par les articles du code civil relatif au louage des choses. Ces dispositions du code civil n'ont donc vocation à s'appliquer qu'à titre subsidiaire, lorsque le régime de la réquisition ne permet pas de répondre à la question posée.

Si, à défaut d'élaborer un régime juridique complet, il convenait de viser un cadre juridique existant, la référence au louage des choses paraît cependant singulière. Il n'existe en effet aucun contrat de location entre le titulaire du droit d'usage et l'attributaire : leurs relations ne sont d'ailleurs pas de nature conventionnelle.

Une telle situation étant tout à fait inédite, il paraît cependant difficile de viser un autre régime juridique de référence. La référence aux dispositions du code civil constitue donc une simple commodité. Devrait ainsi s'appliquer, par l'exemple, l'obligation selon laquelle, aux termes de l'article 1735 du code civil, le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait de ses sous-locataires : le bénéficiaire de la réquisition, auteur des dégradations, sera assimilé à un sous-locataire et l'attributaire devra dédommager le titulaire du droit d'usage.

L'article L. 642-15 prévoit le versement mensuel au titulaire du droit d'usage, par l'attributaire, d'une indemnité. Cette indemnité est due dès la prise de possession des locaux par l'attributaire et comprend donc le délai de réalisation des travaux de mise aux normes bien que pendant ce délai l'attributaire ne puisse percevoir de loyer lorsque l'importance des travaux empêche toute occupation par un bénéficiaire. Pendant parfois plusieurs mois, l'attributaire devra ainsi payer une indemnité mensuelle sans compensation correspondant à un encaissement de loyers.

Le montant de l'indemnité est égal à celui du loyer, dont les modalités de calcul sont fixées par décret, amputé d'un somme correspondant à l'amortissement des travaux et aux frais de gestion. Les conditions de calcul de l'amortissement et des frais de gestion sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

Comme cela a été souligné précédemment, pareil dispositif signifie qu'in fine les travaux réalisés auront été financés par le titulaire du droit d'usage, contrairement à ce qui résulte du régime applicable en matière de bail à réhabilitation. Si cela peut paraître admissible dans la mesure où, à l'issue de la réquisition, ces travaux d'amélioration bénéficient à celui-ci, il convient cependant d'empêcher que le dispositif proposé ne conduise, au gré de l'application du tableau d'amortissement, à ce que l'échéance mensuelle relative au coût d'amortissement des travaux n'excède le montant de l'indemnité : on se trouverait alors dans une situation singulière où le titulaire du droit d'usage, au lieu de percevoir une indemnité, serait conduit à effectuer des versements à l'attributaire.

Votre commission des Lois vous propose un amendement tendant à prévenir ce type de situation.

L'article L. 642-16 donne compétence au juge judiciaire pour connaître du contentieux aux fins d'indemnisation du fait du préjudice matériel, direct et certain causé par la mise en oeuvre de la réquisition.

C'est en effet traditionnellement le juge judiciaire qui est compétent lorsque le préjudice résulte d'une atteinte au droit de propriété. Contrairement à l'expropriation, où la fixation de l'indemnité constitue un préalable, l'indemnisation, en matière de réquisition, n'intervient qu'a posteriori et à condition, pour le titulaire du droit d'usage, de faire la preuve d'un préjudice matériel, direct et certain.

Il est précisé que l'indemnisation est prise en charge par l'Etat.

On peut cependant s'interroger sur le point de savoir quel type de préjudice sera pris en considération. Il ne s'agit sans doute pas du préjudice résultant de la privation du droit de jouissance puisque le titulaire du droit d'usage perçoit une indemnité censée la compenser. Peut-être pourrait-il s'agir, par exemple, du préjudice résultant de l'impossibilité de conclure une vente du fait de la réquisition, alors assimilable à la perte d'une chance selon la jurisprudence applicable en matière de responsabilité délictuelle ?

L'article L.642-17 prévoit que la cession des locaux concernés, qu'elle soit réalisée à titre onéreux ou à titre gratuit, n'affecte pas la réquisition.

Cette disposition tend à éviter que le titulaire du droit d'usage n'essaie de soustraire son bien à la réquisition en le vendant ou en en faisant don, cette dernière hypothèse semblant, au demeurant, largement relever de la fiction puisque le projet de loi entend lutter contre l'investissement immobilier spéculatif.

Au surplus, la précision " à titre onéreux ou gratuit " paraît superfétatoire : en effet, la transmission ne peut être réalisée qu'à titre onéreux ou à titre gratuit.

Cette disposition pose toutefois le problème de la connaissance, par l'acquéreur éventuel, de la situation du bien au regard de la réquisition. S'il peut paraître inopportun, au regard des principes généraux du droit des obligations, de prévoir que l'acte réalisant ou constatant la vente devra mentionner la réquisition à peine de nullité, il convient en revanche d'exiger que cette mention soit inscrite au fichier immobilier tenu par le bureau des hypothèques du lieu de situation de l'immeuble. Le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière devra donc être modifié pour tenir compte de cet impératif.

L'article L. 642-18 précise les conditions d'exercice du droit de reprise ouvert au titulaire du droit d'usage au bout de neuf ans par l'article L.642-6.

Le droit de reprise ne peut ainsi être exercé qu'à la double condition, pour le titulaire du droit d'usage, d'avoir signifié à l'attributaire sa décision de reprendre le bien avec un préavis d'un an et de l'avoir indemnisé du montant des travaux non amortis trois mois avant l'expiration de ce délai de préavis.

Le droit de reprise ne pouvant s'exercer effectivement, aux termes de l'article L.642-6, qu'à l'expiration de la neuvième année de réquisition, le préavis devra être adressé à l'attributaire au plus tôt à l'expiration de la huitième année.

Respect du délai de préavis et indemnisation du coût des travaux non encore amortis constituent deux conditions cumulatives de l'exercice du droit de reprise.

L'article L. 642-19 attribue compétence au juge judiciaire pour connaître du contentieux des relations entre le titulaire du droit d'usage et l'attributaire, bien que ce dernier puisse être une personne publique, État ou collectivité territoriale. Ceci paraît conforme au principe selon lequel le contentieux relatif au droit de propriété constitue un bloc de compétence judiciaire.

L'article L. 642-20 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions d'application des dispositions figurant sous les trois premières sections du chapitre II consacré à la réquisition avec attributaire.

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