2. Le nécessaire développement des programmes de recherche sur les drogues

a) Des connaissances encore insuffisantes sur les produits
(1) Un socle de connaissance commun à élaborer

La commission l'a constaté au fil des nombreuses auditions qu'elle a menées : il n'existe pas de socle de connaissances communes sur la question de drogues. Si certains points font l'objet d'un consensus scientifique, les effets dramatiques de la consommation d'héroïne par exemple, d'autres sont encore discutés, comme le montrent les débats actuels sur la dangerosité du cannabis ou des nouvelles drogues de synthèse. Ces divergences d'experts (pharmacologues, toxicologues, médecins, psychiatres, etc.) ne peuvent que nuire à la clarté du message d'information et de prévention et alimenter les débats sur la réglementation à appliquer, notamment en direction des usagers de cannabis. Dans un rapport particulier de 1998, la Cour des comptes a ainsi indiqué : « Les connaissances tant épidémiologiques que scientifiques en matière de toxicomanie demeurent à l'évidence insuffisantes pour fonder l'action publique sur des bases rationnelles. »

Certes, un pas important a été franchi avec l'expertise collective de l'INSERM sur le cannabis : par son caractère scientifique rigoureux, elle répond au discours de ceux qui plaident pour une dépénalisation de ce produit en raison d'une prétendue innocuité.

Le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques indique par ailleurs plusieurs pistes de recherche prioritaires en ce domaine :

- « Il est désormais possible, et sans doute nécessaire et urgent de se préoccuper davantage de l'irruption de nouvelles drogues de synthèse et par conséquent de mettre au point un système d'exploration et de comparaison, propre à donner les premières indications sur leur dangerosité au sens large. Les autorités doivent pouvoir réagir rapidement ; aussi paraît-il indispensable et urgent de doter notre pays d'un outil performant pour comprendre la nature des nouveaux produits. »

Comme il a été dit, la commission souhaite qu'une structure, s'inspirant de l'expérience néerlandaise de l'USD puisse être mise en place en France.

Il conviendrait également que les laboratoires de recherche de l'industrie pharmaceutique s'impliquent dans cette action, notamment s'agissant de :

- la recherche fondamentale sur l'héroïne, pour améliorer les traitements, en particulier à travers l'étude moléculaire des opiacés ;

- l'action des drogues sur l'organisme, à travers les paramètres de la dépendance, les facteurs de vulnérabilité génétique, le caractère réversible des effets psychiques et physiologiques ;

- la recherche en neuropsychiatrie, notamment pour améliorer les connaissances sur l'effet des nouvelles drogues.

(2) Une recherche à dynamiser

• Les carences de l'Etat

Dans son rapport de 1998, la Cour des comptes souligne que l'Etat ne joue pas son rôle en matière de recherche sur la toxicomanie, l'affichage des programmes gouvernementaux successifs relatifs au développement des différents domaines de recherche ne devant pas à cet égard faire illusion. En effet, le plan gouvernemental du 9 mai 1990 comme le programme d'action du 14 septembre 1995 n'ont guère été suivis d'effets, ainsi que le montre la reprise périodique des mêmes objectifs : renforcement de la recherche, mise en place d'un comité d'évaluation, adaptation des messages préventifs...

On rappellera par ailleurs que les chercheurs spécialisés en ce domaine appartiennent souvent à des équipes pluridisciplinaires réparties entre plusieurs établissements publics scientifiques et technologiques, essentiellement l'INSERM et deux départements du CNRS : celui des sciences de l'homme et de la société et celui des sciences de la vie. Face à cette dispersion, le ministère de la recherche, au sein duquel trois départements différents (biologie, médecine, santé ; sciences humaines et sociales ; sciences politiques, économiques et de gestion) sont concernés, n'a pas joué son rôle d'impulsion et de coordination.

La commission ne peut que déplorer ce manque de coordination et souhaite que le ministère de la recherche joue un rôle central dans la programmation des recherches en toxicomanie, la centralisation des résultats et leur diffusion.

• Les dispositions du plan triennal relatives à la recherche

Le plan triennal 1999-2001 indique pour sa part qu' « il est indispensable de définir une stratégie claire de recherche qui s'inscrive dans la durée, ainsi qu'une organisation qui permette aux décideurs de disposer des connaissances nécessaires à l'élaboration des politiques publiques. » La coordination de la politique de recherche devait donc être effectuée par la MILDT, avec l'aide de l'expertise scientifique de l'OFDT. Plusieurs actions avaient ainsi été définies pour structurer et développer la recherche : effectuer un état des lieux des connaissances, analyser les différents secteurs de la recherche (recherche neurobiologique et clinique, sciences humaines et sociales, agriculture), développer la recherche (pérennisation de nouvelles équipes, création de bourses pour les jeunes chercheurs qui travaillent dans ce domaine, reconnaissance des spécialités liées à l'études des drogues).

La MILDT a procédé en conséquence à la mise en place d'outils et de dispositifs d'aide aux professionnels, à l'instar de la Commission de validation des outils de prévention en janvier 2000 (pour garantir la fiabilité des contenus et assurer une plus grande cohérence des messages de prévention émis par les différents acteurs du terrain) et des livrets de connaissance et publication destinés aux professionnels (10 titres aujourd'hui disponibles gratuitement et tirés à près de 80.000 exemplaires). La formation professionnelle a également été adaptée, notamment pour les professionnels sans formation initiale dans ce domaine.

Selon le bilan du plan triennal (non publié encore) établi par M. Michel Setbon, chercheur au CNRS, au nom de l'OFDT, « le niveau de réalisation (de cet objectif) peut être qualifié de « bon » et conforme aux engagements pour les campagnes généralistes comme pour la formation professionnelle, même si des lacunes ont été identifiées en matière d'effectivité de certains programmes et d'utilisation de certains outils. Par contre, le niveau d'atteinte de l'objectif final (création d'une culture de référence commune entendue comme diffusion et intégration) n'est pas à ce stade évaluable. »

• Des efforts à intensifier

Malgré ces résultats encourageants, les efforts en matière de recherche sur la toxicomanie doivent être intensifiés, et ceci dans plusieurs directions, comme l'a montré l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques :

- susciter des vocations de chercheurs en renforçant l'enseignement relatif aux toxicomanies dans les facultés de médecine par le redéploiement des chaires et des création de postes ;

- lever les obstacles juridiques liés à l'obligation pour les chercheurs d'obtenir l'accord écrit de la famille avant d'engager une autopsie médico-scientifique, tout en respectant la volonté des défunts et de leurs familles. En outre, il apparaît nécessaire de donner aux chercheurs, dans le respect du secret de l'instruction, la possibilité d'accéder aux données relatives à la drogue figurant dans les procédures judiciaires ;

- créer un établissement public de recherche, sous la responsabilité du ministère de la recherche, centralisant et impulsant les études sur la toxicomanie, à l'image du NIDA (National institute on drug abuse) américain.

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